Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20221114


Dossier : T-1833-18

Référence : 2022 CF 1549

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2022

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

MEENA JASUJA

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET

JOYTIKA JASUJA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Mme Meena Jasuja [Meena ou la demanderesse], sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale [la division d’appel] a refusé de l’autoriser à interjeter appel d’une décision de la division générale de ce tribunal [la division générale]. La demande est présentée en vertu de l’article 18.1 et de l’alinéa 28(1)g) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7.

II. Historique

[2] Le compagnon de Meena est décédé le 21 décembre 2012. Au moment du décès, le défunt était également marié à la défenderesse, Mme Joytika Jasuja, mais il en était séparé.

[3] Meena avait épousé le défunt en 1993 et ils étaient demeurés mariés jusqu’à leur divorce en 2008. Meena déclare qu’ils s’étaient réconciliés et qu’ils cohabitaient au moment du décès. En janvier 2013, Meena a présenté une demande de pension de survivant au titre du Régime de pensions du Canada [le RPC].

[4] Après son divorce d’avec Meena en 2008, le défunt a épousé Joytika en 2009. Le couple s’est séparé en 2010 et a entamé un long processus de divorce. Au moment du décès, Joytika et le défunt étaient encore mariés. Joytika a également demandé la pension de survivant au titre du RPC.

[5] Lorsqu’il a examiné les deux demandes concurrentes de prestations de survivant au titre du RPC, le ministre de l’Emploi et du Développement social [le ministre] a déterminé que Meena avait droit à la pension de survivant. Il a jugé qu’en raison de la durée de la cohabitation à titre de conjoints de fait de Meena et du défunt avant son décès, la demande de celle‑ci primait sur la demande de Joytika en vertu des articles 2 et 42 du Régime de pensions du Canada, LRC 1985, c C‑8 [le RPC]. Un réexamen de la décision du ministre a été demandé et celle‑ci a été confirmée le 17 juin 2013.

[6] La décision du ministre a ensuite été portée en appel devant la division générale. Cette dernière est parvenue à une conclusion différente dans sa décision du 28 mars 2017. Elle a conclu que Joytika avait droit à la pension, jugeant que le défunt avait fait, en 2012, dans le cadre de sa procédure de divorce, des déclarations sous serment qui mettaient en doute l’affirmation de Meena selon laquelle elle avait commencé à cohabiter avec le défunt le 18 décembre 2010.

[7] Meena a demandé à la division d’appel l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la division générale.

III. Question préliminairel’intitulé

[8] Le défendeur demande que soit modifié l’intitulé de la cause de façon à ce que le procureur général du Canada remplace le ministre de l’Emploi et du Développement social comme défendeur dans la présente affaire, en application du paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS 98/106.

[9] La demande n’est pas litigieuse. L’intitulé est modifié conformément à l’article 76 des Règles.

IV. Cadre législatif

A. Appels des décisions de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale

[10] Dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, c 34 [la LMEDS], le législateur établit un cadre pour les appels des décisions du ministre relatives aux prestations du RPC. Selon la LMEDS, les décisions du ministre peuvent être portées en appel devant la division générale et entendues de novo. La division générale qui examine l’appel a le pouvoir discrétionnaire de rejeter l’appel, de confirmer, d’infirmer ou de modifier totalement ou partiellement la décision ou de rendre la décision qui aurait dû être rendue (paragraphe 54(1) de la LMEDS).

[11] La LMEDS prévoit aussi qu’il ne peut être interjeté appel à la division d’appel d’une décision de la division générale sans permission (article 55 et paragraphe 56(1) de la LMEDS). La division d’appel doit refuser l’autorisation si le demandeur ne peut démontrer que l’appel a des chances raisonnables de succès pour un des trois moyens prévus, à savoir que la division générale : (1) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, (2) a rendu une décision entachée d’une erreur de droit ou (3) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (paragraphes 58(1) et (2) de la LMEDS).

B. Pension de survivant du RPC

[12] Le RPC précise les circonstances dans lesquelles une pension de survivant est payable et à qui cette pension doit être versée. Le paragraphe 2(1) définit le terme « conjoint de fait » et le paragraphe 42(1) précise qui est le « survivant » de la personne décédée :

2 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

conjoint de fait La personne qui, au moment considéré, vit avec un cotisant dans une relation conjugale depuis au moins un an. Il est entendu que, dans le cas du décès du cotisant, moment considéré s’entend du moment du décès. (common-law partner)

 

 

[…]

 

42 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

survivant S’entend :

a) à défaut de la personne visée à l’alinéa b), de l’époux du cotisant au décès de celui‑ci;

b) du conjoint de fait du cotisant au décès de celui-ci. (survivor)

2 (1) In this Act,

common-law partner, in relation to a contributor, means a person who is cohabiting with the contributor in a conjugal relationship at the relevant time, having so cohabited with the contributor for a continuous period of at least one year. For greater certainty, in the case of a contributor’s death, the relevant time means the time of the contributor’s death;

[…]

42 (1) In this Part,

survivor, in relation to a deceased contributor, means

(a) if there is no person described in paragraph (b), a person who was married to the contributor at the time of the contributor’s death, or

(b) a person who was the common-law partner of the contributor at the time of the contributor’s death; (survivant).

[13] L’alinéa 42(1)a) reconnaît comme le survivant, à défaut d’un conjoint de fait au décès du cotisant, l’époux de ce dernier à ce moment‑là.

V. Décision faisant l’objet du contrôle

[14] Le 5 janvier 2018, la division d’appel a rejeté la demande d’autorisation d’appel de Meena, concluant que celle‑ci n’avait pas soulevé de moyens d’appel ayant des chances raisonnables de succès. Dans sa demande, Meena faisait valoir que la division générale :

  1. n’avait pas dûment tenu compte de la preuve qu’elle avait présentée;

  2. n’avait pas suivi la jurisprudence applicable (elle soutenait en particulier que la division générale n’avait pas tenu compte de la décision McLaughlin c Canada (Procureur général du Canada), 2012 CF 556 [la décision McLaughlin];

  3. n’avait pas analysé la loi en fonction des faits.

[15] La division d’appel a jugé que la division générale avait dûment tenu compte de tous les éléments de preuve présentés par Meena pour parvenir à la conclusion défendable selon laquelle Joytika avait droit à la pension de survivant. La division d’appel a également jugé que l’examen, par la division générale, de la décision McLaughlin rendue par notre Cour ne soulevait pas de cause défendable en appel. Enfin, elle a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré l’existence d’un moyen d’appel ayant des chances raisonnables de succès parce que la division générale aurait mal interprété la preuve qui lui avait été présentée.

[16] La division d’appel a conclu que la demanderesse n’avait pas formulé de moyens d’appel qui auraient des chances raisonnables de succès.

VI. Questions en litige et norme de contrôle

[17] La demanderesse soulève une série de questions qui peuvent être résumées comme suit :

  1. la division d’appel a déraisonnablement conclu que les moyens d’appel que la demanderesse a formulés équivalaient à une demande de réexamen n’ayant aucune chance raisonnable de succès;

  2. la division d’appel a commis une erreur en ne concluant pas que l’audience devant la division générale avait été inéquitable sur le plan de la procédure;

  3. la division générale a commis une erreur : dans son évaluation de la preuve présentée au sujet de sa cohabitation avec le défunt; en procédant à l’audition de l’affaire malgré ses doutes sur la capacité de la demanderesse à y prendre part; en admettant des documents et des éléments de preuve provenant de la procédure en droit de la famille du défunt compagnon de la demanderesse.

[18] Les défendeurs soutiennent, et je suis d’accord, que la demande soulève deux questions :

  1. la Cour devrait-elle tenir compte des nouvelles objections à l’égard de la décision de la division générale que la demanderesse a soulevées pour la première fois dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire?

  2. la décision de la division d’appel est-elle raisonnable?

[19] La décision de la division d’appel est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, qui est présumée s’appliquer (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 10 [l’arrêt Vavilov]; Hicks c Canada (Procureur général), 2021 CF 298 au para 15). Une décision raisonnable est transparente, justifiée et intelligible. Elle est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles (Vavilov, au para 99).

VII. Analyse

A. La Cour n’est pas régulièrement saisie des objections à l’égard de la décision de la division générale qui sont soulevées pour la première fois dans le cadre de la présente demande

[20] Dans sa demande, la demanderesse allègue que la division générale a agi inéquitablement (1) en n’ajournant pas l’instance, en particulier après le départ du fils de la demanderesse, qui servait d’interprète à cette dernière et (2) en admettant et en examinant des éléments de preuve provenant d’une procédure en droit de la famille.

[21] Les défendeurs font valoir que les allégations de manquement à la justice naturelle de la part de la division générale ont été soulevées pour la première fois dans le cadre de la présente demande. Elles n’avaient pas été présentées à la division d’appel. Les défendeurs invoquent l’arrêt Hennessey c Canada, 2016 CAF 180 au paragraphe 21, pour soutenir que les manquements à la justice naturelle doivent être soulevés à la première occasion, c’est‑à‑dire lorsque le demandeur est informé des renseignements pertinents et qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il soulève une objection (Benitez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 461 au para 220).

[22] Dans ses observations de vive voix, la demanderesse ne conteste pas qu’elle n’a pas soulevé ces questions devant la division d’appel, mais elle fait valoir que ce tribunal aurait pu déceler les problèmes en matière d’équité s’il avait examiné le dossier. La position de la demanderesse laisse entendre que la division d’appel était tenue, de son propre chef, de constater et de traiter tout manquement à l’équité ou aux principes de justice naturelle, mais la demanderesse n’a cité aucun précédent à l’appui de cette affirmation.

[23] La cour de révision exerce son pouvoir discrétionnaire pour déterminer si elle doit traiter des questions qui n’ont pas déjà été soulevées devant le décideur administratif. Dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, la cour refusera généralement d’examiner des questions nouvellement soulevées. Tenir compte de telles questions dans le contexte d’un contrôle judiciaire irait à l’encontre de l’intention du législateur de confier le rôle décisionnel au tribunal administratif. Examiner et trancher de telles questions dans le cadre d’un contrôle judiciaire pourrait également porter préjudice à la partie adverse et priver la cour de justice des éléments de preuve nécessaire pour trancher (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 aux para 24, 26).

[24] La demanderesse n’a pas soulevé les questions d’équité énoncées ci‑dessus à la première occasion qui lui était donnée. Elle aurait pu le faire devant la division d’appel, où elle était représentée par un avocat. Comme elle ne l’a pas fait, le dossier n’est pas complet en ce qui concerne ces questions. De plus, la loi traduit une intention claire du législateur que la division d’appel examine les manquements à l’équité qui auraient eu lieu dans les instances de la division générale (article 58 de la LMEDS). Les circonstances ne justifient pas que la Cour se charge de ce rôle dans la présente instance.

[25] Pour ce qui est des éléments de preuve provenant d’une procédure en droit de la famille, la demanderesse a effectivement soutenu devant la division d’appel que cette preuve avait été mal évaluée par la division générale et qu’elle était circonstancielle. Toutefois, elle n’a pas formulé, concernant cette preuve, les questions relatives à l’équité ou à l’admissibilité devant la division d’appel. Encore une fois, les arguments de la demanderesse sont irrégulièrement présentés pour la première fois dans le cadre du contrôle judiciaire.

[26] La demanderesse a aussi soulevé des préoccupations au sujet d’une lettre produite devant la division générale, et soutient en outre que cette dernière a retenu un fardeau de preuve trop lourd pour l’évaluation de sa relation avec le défunt. Aucune de ces questions n’a été soulevée devant la division d’appel; je ne suis pas régulièrement saisi de ces questions dans le cadre du contrôle judiciaire.

[27] Les nombreuses nouvelles questions soulevées par la demanderesse dans sa demande de contrôle judiciaire n’ont pas été examinées.

B. La décision est raisonnable

[28] Ni la décision de la division d’appel ni le raisonnement que cette dernière a suivi ne sont entachés d’erreurs justifiant l’intervention de la Cour.

[29] La division d’appel a bien identifié les questions soulevées dans la demande d’autorisation d’appel, bien résumé les arguments de la demanderesse et passé en revue les parties de la décision de la division générale en litige. Le critère légal applicable a été énoncé de façon exacte et la division d’appel a expliqué pourquoi la demanderesse n’avait pas satisfait à la norme des chances raisonnables de succès.

[30] La division d’appel a tenu compte de l’examen de la décision McLaughlin par la division générale, dans laquelle la Cour a réitéré la présomption réfutable énoncée au paragraphe 42(1) du RPC selon laquelle la personne mariée à un cotisant décédé est le survivant du défunt. La décision McLaughlin présente une liste non exhaustive de facteurs dont il faut tenir compte pour juger si cette présomption est réfutée dans des circonstances données. La division d’appel a conclu que la division générale avait correctement résumé cette décision et avait « ensuite appliqué méthodiquement les principes aux faits soulevés pour finalement conclure que la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle [Joytika] était la survivante du cotisant décédé » (au para 14). La division d’appel a estimé que l’argument avancé sur ce point équivalait à une demande de réexamen de l’affaire sur le fond. Il s’agit d’une conclusion à laquelle la division d’appel pouvait raisonnablement parvenir.

[31] En ce qui concerne l’argument de la demanderesse selon lequel la division générale avait mal interprété la preuve dont elle disposait, la division d’appel a jugé que la division générale avait soupesé la preuve et expliqué son raisonnement, s’acquittant ainsi de son rôle de juge des faits.

[32] La division d’appel a également traité de l’argument de la demanderesse fondé sur la décision Connor Estate, 2017 BCSC 978 [la décision Connor Estate], qui a été publiée après que la décision de la division générale a été rendue. Dans cette affaire, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a interprété la définition de [traduction] « conjoint » selon les lois provinciales qui, selon la division d’appel, n’avaient rien à voir avec l’interprétation et l’application du RPC. Toutefois, la division d’appel a conclu que le principe établi dans la décision Connor Estate n’allait pas à l’encontre de la jurisprudence sur laquelle s’est fondée la division générale dans son analyse. Là encore, je ne vois aucune erreur justifiant une modification de la conclusion de la division d’appel selon laquelle la demanderesse n’avait pas démontré que ce moyen d’appel avait des chances raisonnables de succès.

[33] La partie qui conteste une décision a le fardeau de démontrer qu’elle est déraisonnable. La cour de révision doit être convaincue que les lacunes de cette décision sont telles qu’elle est dénuée des caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité. La demanderesse ne s’est pas acquittée de ce fardeau pour ce qui est de la décision de la division d’appel.

VIII. Conclusion

[34] La demanderesse affirme que la décision de la division d’appel était déraisonnable, mais invoque presque exclusivement des erreurs que la division générale aurait commises et dont plusieurs n’ont jamais été mentionnées devant la division d’appel. La demande est rejetée.

[35] Les défendeurs n’ont pas sollicité de dépens et aucuns ne sont adjugés.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1833-18

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. L’intitulé est modifié de façon à ce que le procureur général du Canada remplace le ministre de l’Emploi et du Développement social comme défendeur.

  2. La demande est rejetée.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

blanc

« Patrick Gleeson »

blanc

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1833-18

 

INTITULÉ :

MEENA JASUJA c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET JOYTIKA JASUJA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

audience TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 MAI 2022

 

jUGMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 NOVEMBRE 2022

 

COMPARUTIONS :

Hans J R. Doehring

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Ian McRobbie

 

POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Ruth Lea Taylor

POUR LA DÉFENDERESSE

JOYTIKA JASUJA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hans J R. Doehring

Avocat

North Saanich (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

Ruth Lea Taylor

Avocate

Burnaby (Colombie-Britannique)

POUR LA DÉFENDERESSE

JOYTIKA JASUJA

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.