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Date : 20221107


Dossier : T‐122‐21

Citation : 2022 CF 1512

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 novembre 2022

En présence de monsieur le juge Henry S. Brown

ENTRE :

BRINK’S GLOBAL SERVICES KOREA LTD. ET

BRINK’S GLOBAL SERVICES INTERNATIONAL, INC.

demanderesses, intimées dans le présent appel

et

WOOWON SEA & AIR CO. LTD.

défenderesse, appelante dans le présent appel

et

BINEX LINE CORP., M. UNTEL EMPLOYÉ DE BINEX, MME UNETELLE EMPLOYÉE DE BINEX ET D’AUTRES PERSONNES INCONNUES DES DEMANDERESSES ACTUELLEMENT OU ANCIENNEMENT EMPLOYÉES PAR BINEX

défendeurs, intimés dans le présent appel

et

A.P. MOLLER‐MAERSK A/S ET

COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

mises en cause

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Nature de l’affaire

[1] Il s’agit d’un appel d’une décision datée du 20 avril 2022, maintenant connue sous l’intitulé Brink’s Global Services Korea Ltd. c. Binex Line Corp., 2022 CF 571 [la décision], rendue par le juge responsable de la gestion de l’instance Aalto [JGI] qui a rejeté une requête de l’appelante Woowon Sea & Air Co. Ltd. [Woowon] visant à suspendre la présente instance devant la Cour fédérale afin que des questions puissent être débattues en Corée.

[2] Woowon (ainsi que les parties de Binex Line Corp.) est une défenderesse dans l’instance, mais n’a pas reconnu la compétence de la Cour. L’établissement principal de Woowon est situé en Corée. Woowon n’a aucune présence physique au Canada, bien qu’elle entretienne une relation de longue date avec Binex Line Corp [Binex]. Woowon affirme que la Cour n’a pas compétence et, à titre subsidiaire, demande à la Cour fédérale de décliner sa compétence.

[3] Comme elle conteste la compétence de la Cour, Woowon n’a pas déposé de défense et les actes de procédure ne sont pas clos. Il n’y a eu ni interrogatoire préalable ni échange de documents relatifs à la réclamation contre Woowon.

[4] La demande sous‐jacente concerne l’expédition de 18 276,023 kilogrammes de lingots d’argent [la cargaison], d’une valeur estimative de 10 262 242,37 $ US, d’un parc à conteneurs à un autre (PC à PC), de Busan, en Corée, à Prince Rupert (le port de déchargement a été remplacé par Vancouver), à bord du navire GEORG MAERSK, avec liaison ferroviaire vers Montréal, le tout conformément à la lettre de transport multimodal numéro WSAMTR192351 [connaissement] émise à Séoul le 25 décembre 2019 par Woowon.

[5] Woowon demande un sursis au motif que : 1) la simple reconnaissance de la compétence de la Cour à l’égard de la demande n’a pas été établie, notamment la compétence d’attribution et la compétence sur Woowon, ou à titre subsidiaire, au motif que la clause de compétence dans les modalités de transport établissant la Corée comme juridiction devrait être appliquée; 2) la Cour devrait de toute façon refuser d’exercer sa compétence à l’égard de la demande, en se fondant sur la doctrine du forum non conveniens; et 3) les demanderesses n’ont pas établi de « motif sérieux » expliquant pourquoi les tribunaux coréens n’auraient pas compétence pour régler les questions en litige, étant donné que la Corée est le forum indiqué dans le contrat de transport sous‐jacent comme le démontre le connaissement.

[6] La requête en sursis de Woowon a été contestée avec succès par les demanderesses (les intimées en l’espèce), soit Brink’s Global Services Korea Ltd. [BGS Korea] et sa société sœur américaine, Brink’s Global Services International Inc. [collectivement, Brink’s]. Brink’s fournit des solutions logistiques et de sécurité pour le transport de marchandises de grande valeur. Brink’s s’oppose à cet appel.

[7] La requête en sursis de Woowon a également été contestée avec succès par les défendeurs Binex et ses employés non nommés (également des intimés en l’espèce). Binex est une société constituée en personne morale en vertu des lois de la Californie. Binex est immatriculée aux fins d’affaires et a un bureau en Ontario. Binex est exploitée à titre de société de transport international et offre diverse services, y compris des services de transport de fret. Binex s’oppose au présent appel.

II. Faits

[8] Les faits essentiels ne sont pas contestés, bien qu’étant donné qu’il s’agit d’une requête préliminaire déposée avant que les actes de procédure, l’échange de documents et les interrogatoires préalables n’aient été entamés entre Woowon et Brink’s, certaines questions exigent un dossier plus complet avant que des décisions définitives puissent être rendues. Cela dit, les décisions ont été et peuvent être rendues à la lumière du dossier dont la Cour est saisie.

[9] En bref, Simitomo Corporation a acheté la cargaison auprès de Korea Zinc. Le 1er janvier 2019, Korea Zinc et BGS Korea ont conclu un contrat de transport international d’objets de valeur, à condition que BGS Korea transporte diverses expéditions d’argent de la Corée à New York via le Canada. Dans ce cas, et pour remplir ses obligations à l’égard de Korea Zinc, BCG Korea a engagé Ex Logistics Co., Ltd, [Ex Logistics], un agent d’expédition, pour organiser l’expédition; Ex Logistics Co. a ensuite retenu les services de Woowon, qui a émis le connaissement à titre de transporteur contractant. Bien que Korea Zinc figure comme expéditeur sur le connaissement, le destinataire nommé étant « Brink’s Canada Ltd FAO Sumitomo Corporation » (je présume que « FAO » signifie « à l’attention de »), ni Korea Zinc, ni Brink’s Canada Ltd ni Sumitomo Corporation ne sont parties à la présente instance. De plus, le défendeur Binex apparaît comme partie à notifier sur le connaissement. Ex Logistics était une partie défenderesse, mais la réclamation contre elle été abandonnée.

[10] Comme Woowon est un transporteur non maritime, elle a retenu les services de Maersk Line A/S [Maersk] comme transporteur substitué pour le transport de la cargaison de Busan à Montréal, le tout conformément à la lettre de transport maritime Maersk 588788299, indiquant Woowon comme expéditeur et Binex comme destinataire. Maersk a retenu les services de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada limitée (CN) pour le transport ferroviaire de Vancouver à Montréal.

[11] Conformément à sa lettre de transport maritime, Maersk était tenu de générer un code de ramassage secret qui permettrait le dédouanement de la cargaison à la gare de triage du CN une fois celle‐ci arrivée à Montréal, ce que le transporteur a fait. Maersk a fourni le code de ramassage à Binex (le destinataire selon sa lettre de transport maritime) qui devait ensuite transmettre le code de ramassage à Brink’s Canada Ltd (le destinataire selon le connaissement) avec le connaissement original une fois reçu.

[12] Maersk et le CN sont des mises en cause dans la présente poursuite intentée contre Binex.

[13] Le 26 décembre 2019, la cargaison a quitté la Corée à bord du navire océanique à destination de la Colombie‐Britannique. Le navire est arrivé à Vancouver le 7 janvier 2020. Le 10 janvier 2020, la cargaison a été chargée sur un wagon du CN à destination de Montréal, où le conteneur est arrivé le 16 janvier 2020.

[14] Entre‐temps, le 6 janvier 2020, Maersk a envoyé un courriel à Binex pour lui transmettre le code de ramassage. La transmission et la réception du courriel et l’accès subséquent à ce même courriel par des voleurs font actuellement l’objet d’enquêtes.

[15] Le 20 janvier 2020, Oriental Cartage, une entreprise de camionnage établie au Québec, a reçu un courriel de « monica@delmardistribution.ca » lui demandant de ramasser la cargaison à la gare de triage du CN à Montréal. Le courriel contenait le code de ramassage secret et d’autres renseignements, y compris le poids précis de la cargaison. Une fois le code de ramassage présenté par Oriental Cartage, le CN a localisé le conteneur de la cargaison dans sa gare de triage de Montréal et a dédouané la cargaison à Oriental Cartage. Oriental Cartage a transporté la cargaison vers un entrepôt à LaSalle (Québec), conformément aux instructions reçues avec le code de ramassage. Oriental Cartage n’est ni une partie ni une mise en cause dans la présente instance.

[16] La cargaison n’a jamais été retrouvée, à l’exception d’une petite partie qui a été récupérée par la suite.

[17] Il est communément admis que le courriel envoyé à Oriental Cartage fait partie d’une fraude. Une ou plusieurs personnes inconnues avaient obtenu le code de ramassage et d’autres renseignements dans le courriel. À ce stade de la procédure, il semble que ces personnes inconnues aient utilisé frauduleusement des renseignements obtenus pour demander à Oriental Cartage d’obtenir et de transporter la cargaison depuis la gare de triage du CN jusqu’à l’entrepôt de LaSalle.

[18] Ce que nous savons à cette étape‐ci, c’est que la cargaison n’a pas été remise à Brink’s ou à Brink’s Canada, comme cela aurait dû être le cas.

[19] À la suite du vol de la cargaison, Korea Zinc s’est retrouvée endettée auprès de Sumitomo pour la valeur de la cargaison. Sumitomo a été payée pour sa perte par Korea Zinc, qui a cédé ses droits aux demanderesses. Brink’s cherche à recouvrer le montant payé et les frais connexes dans le cadre de cette instance.

[20] La déclaration de Brink’s a été déposée devant la Cour fédérale le 15 janvier 2021. Binex a déposé sa défense le 26 mai 2021. Comme il a été mentionné, Binex a également intenté une procédure de mise en cause datée du 9 juin 2021 contre Maersk et le CN.

[21] D’autres procédures relatives à l’instance des demanderesses suivront leurs cours une fois que la question de compétence soulevée par Woowon sera tranchée. La requête fondée sur la compétence déposée par Woowon a été rejetée par le JGI. Woonwon interjette maintenant appel de cette décision.

[22] Je remarque que deux mois après que Brink’s a introduit la présente poursuite au Canada, le 22 mars 2021, Woowon a engagé une procédure contre Brink’s devant la Cour de Corée du district sud de Séoul, en Corée [l’instance coréenne]. Dans cette instance, Woowon demande à ce qu’une ordonnance soit rendue pour attester qu’elle n’est pas responsable de la cargaison volée.

[23] Il convient de souligner que Binex, Maersk et le CN ne sont pas parties à l’instance coréenne. Les dommages‐intérêts ne sont pas en cause dans l’instance coréenne, seulement la responsabilité.

[24] La Cour a été informée à l’audience que l’instance coréenne est actuellement en suspens parce que Woowon n’a pas encore fait signification aux parties concernées.

[25] En supposant que la signification aura lieu et qu’il n’y aura pas d’autres retards, des audiences dans le cadre de l’instance coréenne sont prévues pour le 10 janvier et le 1er février 2023, et une décision devrait être rendue d’ici le 1er mars 2023.

[26] Des enquêtes sont en cours sur les personnes responsables de la fraude ou du vol et sur l’emplacement du reste de la cargaison.

A. Le connaissement de transport multimodal

[27] Le connaissement a pour objet de régir le transport de la cargaison, la responsabilité de celle‐ci et de fournir des renseignements essentiels sur sa livraison. L’article 2 du connaissement est libellé comme suit :

[TRADUCTION]

CONNAISSEMENT DE TRANSPORT MULTIMODAL

2 Le transporteur, par l’émission du présent connaissement de transport multimodal, s’engage à effectuer ou à faire effectuer en son propre nom l’intégralité du transport depuis le lieu de prise en charge de la marchandise jusqu’au lieu désigné dans le présent connaissement.

Malgré ce qui précède, les dispositions énoncées dans le présent connaissement s’appliquent également lorsque le transport est effectué au moyen d’un seul mode de transport.

[28] L’article 4 est libellé comme suit :

[TRADUCTION]

DROIT APPLICABLE, COMPÉTENCE ET DÉLAIS DE PRESCRIPTION

Le contrat constaté par le présent connaissement est régi par les lois et règlements applicables où il a été émis, sauf disposition contraire aux présentes, et les actions intentées contre le transporteur s’y rapportant sont présentées devant le tribunal où le transporteur a son établissement principal. Aucune disposition du présent connaissement n’aura pour effet de limiter la protection de la loi dont jouit le transporteur ou de l’en priver, ou de ne pas respecter les exemptions ou les limitations de responsabilité autorisées par les lois et règlements de quelque pays que ce soit.

[Non souligné dans l’original.]

[29] L’article 7 est libellé comme suit :

[TRADUCTION]

RESPONSABILITÉ

7(1) La responsabilité du transporteur en cas de perte ou d’avarie de marchandises ne prend naissance qu’au moment où les marchandises sont reçues par quelque moyen que ce soit et prend entièrement fin lorsque les marchandises sont livrées au marchand. [...]

[Non souligné dans l’original.]

[30] L’article 8 est libellé comme suit :

[traduction]

RÉCEPTION ET LIVRAISON DES MARCHANDISES

Si les marchandises livrées, en totalité ou en partie, ne sont pas prises par le marchand au moment et à l’endroit où le transporteur est en droit de demander au marchand d’en prendre livraison, le transporteur a le droit d’entreposer les marchandises, en totalité ou en partie, aux risques et périls du marchand, après quoi la responsabilité du transporteur à l’égard des marchandises ou d’une partie de celles‐ci (selon le cas), entreposées conformément à ce qui a été prévu précédemment, prend fin, et les frais liés à cet entreposage seront immédiatement payés par le marchand, sur demande du transporteur.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[31] Le JGI a rejeté la requête de Woowon visant à suspendre l’instance. Par conséquent, la présente instance se poursuivra devant la Cour fédérale, à moins que Woowon n’obtienne gain de cause dans le présent appel.

[32] Le JGI a attribué les dépens à Brink’s. Le JGI a également attribué les dépens à Binex, même si Binex n’a pas demandé les dépens à l’égard de Woowon. Woowon interjette appel de cet aspect de la décision du JGI, mais seulement contre Binex.

IV. Questions en litige

[33] Ces motifs porteront sur les points suivants :

  • 1)La norme de contrôle

  • 2)La simple reconnaissance de compétence

  • 3)L’application du paragraphe 46(1) de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, LC 2001, c 6 [la LRM]

  • 4)Le forum non conveniens

  • 5)Le critère du motif sérieux

  • 6)Les dépens

V. Jurisprudence pertinente

[34] Le paragraphe 91(10) des Lois constitutionnelles de 1867 à 1982 est libellé comme suit :

Autorité législative du parlement du Canada

Legislative Authority of Parliament of Canada

91 Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces; mais, pour plus de garantie, sans toutefois restreindre la généralité des termes ci‐haut employés dans le présent article, il est par la présente déclaré que (nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi) l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci‐dessous énumérés, savoir:

91 It shall be lawful for the Queen, by and with the Advice and Consent of the Senate and House of Commons, to make Laws for the Peace, Order, and good Government of Canada, in relation to all Matters not coming within the Classes of Subjects by this Act assigned exclusively to the Legislatures of the Provinces; and for greater Certainty, but not so as to restrict the Generality of the foregoing Terms of this Section, it is hereby declared that (notwithstanding anything in this Act) the exclusive Legislative Authority of the Parliament of Canada extends to all Matters coming within the Classes of Subjects next hereinafter enumerated; that is to say,

[...]

[...]

10. La navigation et les bâtiments ou navires (shipping).

10. Navigation and Shipping.

[...]

[...]

[35] Le paragraphe 22(1) de la Loi sur les Cours fédérales est libellé comme suit :

Navigation et marine marchande

Navigation and shipping

22 (1) La Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, dans les cas — opposant notamment des administrés — où une demande de réparation ou un recours est présenté en vertu du droit maritime canadien ou d’une loi fédérale concernant la navigation ou la marine marchande, sauf attribution expresse contraire de cette compétence.

22 (1) The Federal Court has concurrent original jurisdiction, between subject and subject as well as otherwise, in all cases in which a claim for relief is made or a remedy is sought under or by virtue of Canadian maritime law or any other law of Canada relating to any matter coming within the class of subject of navigation and shipping, except to the extent that jurisdiction has been otherwise specially assigned.

[Je souligne]

[Emphasis added]

[36] L’alinéa 22(2)f) de la Loi sur les Cours fédérales est libellé comme suit :

Compétence maritime

Maritime Jurisdiction

(2) Il demeure entendu que, sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), elle a compétence dans les cas suivants :

(2) Without limiting the generality of subsection (1), for greater certainty, the Federal Court has jurisdiction with respect to all of the following:

[...]

[...]

f) une demande d’indemnisation, fondée sur une convention relative au transport par navire de marchandises couvertes par un connaissement direct ou devant en faire l’objet, pour la perte ou l’avarie de marchandises en cours de route;

(f) any claim arising out of an agreement relating to the carriage of goods on a ship under a through bill of lading, or in respect of which a through bill of lading is intended to be issued, for loss or damage to goods occurring at any time or place during transit;

[...]

[...]

[Je souligne]

[Emphasis added]

[37] L’alinéa 22(2)i) de la Loi sur les Cours fédérales est libellé comme suit :

Navigation et marine marchande

Navigation and shipping

Compétence maritime

Maritime jurisdiction

(2) Il demeure entendu que, sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), elle a compétence dans les cas suivants:

(2) Without limiting the generality of subsection (1), for greater certainty, the Federal Court has jurisdiction with respect to all of the following:

[...]

[...]

i) une demande fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d’un navire, à l’usage ou au louage d’un navire, notamment par charte‐partie;

(i) any claim arising out of any agreement relating to the carriage of goods in or on a ship or to the use or hire of a ship whether by charter party or otherwise;

[...]

[...]

[Je souligne]

[Emphasis added]

[38] Le paragraphe 43(1) de la Loi sur la responsabilité en matière maritime [LRM] est libellé comme suit :

Règles de La Haye‐Visby

Hague‐Visby Rules

Force de loi

Effect

43 (1) Les règles de La Haye‐Visby ont force de loi au Canada à l’égard des contrats de transport de marchandises par eau conclus entre les différents États selon les règles d’application visées à l’article X de ces règles.

43 (1) The Hague‐Visby Rules have the force of law in Canada in respect of contracts for the carriage of goods by water between different states as described in Article X of those Rules.

[39] Le paragraphe 46(1) de la LRM est libellé comme suit :

Créances non assujetties aux règles de Hambourg

Claims not subject to Hamburg Rules

46 (1) Lorsqu’un contrat de transport de marchandises par eau, non assujetti aux règles de Hambourg, prévoit le renvoi de toute créance découlant du contrat à une cour de justice ou à l’arbitrage en un lieu situé à l’étranger, le réclamant peut, à son choix, intenter une procédure judiciaire ou arbitrale au Canada devant un tribunal qui serait compétent dans le cas où le contrat aurait prévu le renvoi de la créance au Canada, si l’une ou l’autre des conditions suivantes existe:

46 (1) If a contract for the carriage of goods by water to which the Hamburg Rules do not apply provides for the adjudication or arbitration of claims arising under the contract in a place other than Canada, a claimant may institute judicial or arbitral proceedings in a court or arbitral tribunal in Canada that would be competent to determine the claim if the contract had referred the claim to Canada, where

a) le port de chargement ou de déchargement — prévu au contrat ou effectif — est situé au Canada;

(a) the actual port of loading or discharge, or the intended port of loading or discharge under the contract, is in Canada;

b) l’autre partie a au Canada sa résidence, un établissement, une succursale ou une agence;

(b) the person against whom the claim is made resides or has a place of business, branch or agency in Canada; or

c) le contrat a été conclu au Canada.

(c) the contract was made in Canada.

[Je souligne]

[Emphasis added]

[40] L’article 5 des Règles de La Haye‐Visby est libellé comme suit :

Un transporteur sera libre d’abandonner tout ou une partie de ses droits et exonérations ou d’augmenter ses responsabilités et obligations tels que les uns et les autres sont prévus par la présente Convention pourvu que cet abandon ou cette augmentation soit inséré dans le connaissement délivré au chargeur. Aucune disposition de la présente Convention ne s’applique aux chartes‐parties; mais si des connaissements sont émis dans le cas d’un navire sous l’empire d’une charte‐partie, ils sont soumis aux termes de la présente Convention. Aucune disposition dans ces règles ne sera considérée comme empêchant l’insertion dans un connaissement d’une disposition licite quelconque au sujet d’avaries communes.

A carrier shall be at liberty to surrender in whole or in part all or any of his rights and immunities or to increase any of his responsibilities and obligations under these Rules, provided such surrender or increase shall be embodied in the bill of lading issued to the shipper. The provisions of these Rules shall not be applicable to charter parties, but if bills of lading are issued in the case of a ship under a charter party they shall comply with the terms of these Rules. Nothing in these Rules shall be held to prevent the insertion in a bill of lading of any lawful provision regarding general average.

[41] L’article 10 des Règles de La Haye‐Visby est libellé comme suit :

Les dispositions de la présente

Convention s’appliqueront à tout connaissement relatif à un transport de marchandises entre ports relevant de deux États différents quand:

The provisions of these Rules shall apply to every bill of lading relating to the carriage of goods between ports in two different States if

a) le connaissement est émis dans un État Contractant ou

(a) the bill of lading is issued in a contracting State, or

b) le transport a lieu au départ d’un port d’un État Contractant ou

(b) the carriage is from a port in a contracting State, or

c) le connaissement prévoit que les dispositions de la présente Convention ou de toute autre législation les appliquant ou leur donnant effet régiront le contrat, quelle que soit la nationalité du navire, du transporteur, du chargeur, du destinataire ou de toute autre personne intéressée.

(c) the contract contained in or evidenced by the bill of lading provides that these Rules or legislation of any State giving effect to them are to govern the contract; whatever may be the nationality of the ship, the carrier, the shipper, the consignee, or any other interested person.

[Je souligne]

[Emphasis added]

[42] L’article 51 des Règles des Cours fédérales est libellé comme suit:

Appel des ordonnances du protonotaire

Appeals of Prothonotaries’ Orders

Appel

Appeal

51(1) L’ordonnance du protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de la Cour fédérale.

51(1) An order of a prothonotary may be appealed by a motion to a judge of the Federal Court.

VI. Analyse

A. La norme de contrôle

[43] Les demanderesses et les défendeurs soutiennent, et je suis d’accord, que dans le présent appel les questions de fait et les questions mixtes de droit et de fait sont assujetties à la « norme de l’erreur manifeste et dominante », tandis que les questions de droit et les questions mixtes de droit et de fait ayant une question de droit isolable sont assujetties à la norme de la décision correcte : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33 au paragraphe 36; Apotex Inc c. Bayer Inc, 2020 CAF 86 [Bayer] aux paragraphes 30 et 31. La Cour d’appel fédérale l’a formulé ainsi dans l’arrêt Bayer : « [31] Par conséquent, les questions de fait et les questions mixtes de droit et de fait sont assujetties à la norme de l’erreur manifeste et dominante, tandis que les questions de droit et les questions mixtes de droit et de fait ayant une question de droit isolable sont assujetties à la norme de la décision correcte. »

[44] Le juge Stratas de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, a conclu que la norme de l’erreur manifeste et dominante est une norme appelant un degré élevé de retenue et supposant des erreurs évidentes :

[46] L’erreur manifeste et dominante constitue une norme de contrôle appelant un degré élevé de retenue : H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401; Peart c. Peel Regional Police Services (2006), 2006 CanLII 37566 (ON CA), 217 O.A.C. 269 (C.A.), aux paragraphes 158 et 159; arrêt Waxman, précité. Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente, et par erreur « dominante », une erreur qui touche directement à l’issue de l’affaire. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier.

[Non souligné dans l’original.]

[45] La Cour d’appel fédérale, toujours selon le juge Stratas, rappelle et établit des directives supplémentaires sur l’erreur manifeste et dominante dans l’arrêt Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157 :

[61] La norme de l’erreur manifeste et dominante est une norme de contrôle qui commande une grande déférence : arrêts Benhaim c. St‐Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, au paragraphe 38, et H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier. Voir l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, 431 N.R. 286, au paragraphe 46, cité avec l’approbation de la Cour suprême dans l’arrêt St‐Germain, précité.

[62] Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente. Bien des choses peuvent être qualifiées de « manifestes ». À titre d’exemples, mentionnons l’illogisme évident dans les motifs (notamment les conclusions de fait qui ne vont pas ensemble), les conclusions tirées sans éléments de preuve admissibles ou éléments de preuve reçus conformément à la doctrine de la connaissance d’office, les conclusions fondées sur des inférences erronées ou une erreur de logique, et le fait de ne pas tirer de conclusions en raison d’une ignorance complète ou quasi complète des éléments de preuve.

[63] Cependant, même si une erreur est manifeste, le jugement de l’instance inférieure ne doit pas nécessairement être infirmé. L’erreur doit également être dominante.

[64] Par erreur « dominante », on entend une erreur qui a une incidence déterminante sur l’issue de l’affaire. Il se peut qu’un fait donné n’aurait pas dû être tenu comme avéré parce qu’il n’existe aucun élément de preuve pour l’étayer. Si ce fait manifestement erroné est exclu, mais que la décision tient toujours sans ce fait, l’erreur n’est pas « dominante ». Le jugement du tribunal de première instance demeure.

[65] Il peut également y avoir des situations où une erreur manifeste en soi n’est pas dominante, mais lorsqu’on la prend en considération avec d’autres erreurs manifestes, la décision ne peut plus être maintenue. Pour ainsi dire, l’arbre est tombé non pas après un seul coup de hache déterminant, mais après plusieurs bons coups.

[Non souligné dans l’original.]

[46] En outre, dans le cas d’un appel en vertu de l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106, on suppose qu’un juge responsable de la gestion de l’instance connaît très bien les circonstances et les enjeux particuliers d’une instance et, par conséquent, il faut faire preuve de déférence à l’égard de la décision du juge responsable de la gestion de l’instance, surtout en ce qui concerne les questions fondées sur des faits, voir Bande de Sawridge c. R, 2001 CAF 338 au paragraphe 11; Merck & Co c. Apotex Inc., 2003 CAF 438 au paragraphe 12.

[47] En outre, la Cour d’appel fédérale a statué que « des motifs détaillés ne sont pas requis dans une ordonnance d’un protonotaire » (Maximova c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 230 au paragraphe 11). Il en est ainsi notamment parce que « [l]es protonotaires doivent se prononcer sur un nombre extraordinaire de questions de nature procédurale » (Novopharm Limitée c. Nycomed Canada Inc, 2011 CF 109 (motifs du juge Mandamin), au paragraphe 22 [Novopharm]). La Cour a également statué que « [s]'il fallait que chaque ordonnance discrétionnaire soit assortie d’une série complète de motifs en vue de dissuader la partie déboutée d’interjeter appel et d’inviter la Cour à exercer de nouveau son pouvoir discrétionnaire, la situation serait intolérable et, de ce fait, la justice suivrait péniblement son cours » (Novopharm, précité). Dans l’élaboration de ces normes, il est important de noter d’abord que le fait de ne pas mentionner les motifs d’un décideur ne signifie pas que la question a été ignorée. On présume plutôt que le décideur de première instance a tout examiné : Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157.

B. Le cadre et la simple reconnaissance de compétence

[48] La simple reconnaissance de la compétence de la Cour fédérale a été reconnue par le JGI. Le jugement de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt ITO Int’l Terminal Operators c. Milda Electronics, [1986] 1 RCS 752 [ITO], constitue l’autorité principale pour déterminer la compétence de la Cour fédérale. Dans l’arrêt ITO, la Cour suprême du Canada a déterminé que les critères suivants doivent être satisfaits pour que la Cour ait compétence :

  • a)Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.

  • b)Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et qui constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

  • c)La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où l’expression est employée à l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[49] À cet égard, le JGI a conclu à juste titre que la Cour doit dégager la nature essentielle de la demande selon « une appréciation réaliste du résultat concret visé par le demandeur ». Pour effectuer cette analyse, le JGI a suivi la jurisprudence de la Cour suprême dans l’arrêt Windsor (Ville) c. Canadian Transit Co., 2016 CSC 54, aux paragraphes 25 et 26, et de la Cour d’appel fédérale dans Domtar Inc. c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 218, au paragraphe 28.

[50] En particulier, je ne trouve pas d’erreur ni d’erreur manifeste et dominante dans les grandes lignes suivantes du droit établies par le JGI :

[54] Pour savoir si la Cour a compétence à l’égard d’une demande, la première étape est de déterminer la nature ou le caractère essentiel de cette demande (Windsor (City) c Canadian Transit Co., 2016 CSC 54 (Windsor) au para 25; Apotex Inc. c Ambrose, 2017 CF 487 au para 47). La Cour suprême a ainsi déclaré ce qui suit dans l’arrêt Windsor :

[26] Il faut dégager la nature essentielle de la demande selon « une appréciation réaliste du résultat concret visé par le demandeur » (Canada c. Domtar Inc., 2009 CAF 218, par. 28 (CanLII), la juge Sharlow). La « déclaration [du demandeur] ne doit pas être prise au pied de la lettre » (Roitman c. Canada, 2006 CAF 266, par. 16 (CanLII), le juge Décary). Le tribunal doit plutôt « aller au‐delà des termes employés, des faits allégués et de la réparation demandée, et il doit s’assurer que la déclaration ne constitue pas une tentative déguisée visant à obtenir devant la Cour fédérale un résultat qui ne peut par ailleurs pas être obtenu de cette cour » (ibid., voir aussi Canadian Pacific Railway c. R., 2013 CF 161, [2014] 1 C.T.C. 223, par. 36; Verdicchio c. Canada, 2010 CF 117, par. 24 (CanLII)).

[27] Par ailleurs, de véritables choix stratégiques ne devraient pas être dénigrés sous prétexte qu’ils constituent d’astucieux arguments. La question consiste à se demander si la cour a compétence à l’égard de la demande précise que le demandeur a choisi d’introduire, et non pas à l’égard d’une demande similaire que, de l’avis du défendeur, le demandeur aurait plutôt dû présenter, pour une raison ou une autre.

[51] Le JGI, s’appuyant sur les enseignements de la Cour suprême, a déterminé que « l’essence de l’action est la perte subie par suite du transport multimodal de marchandises aux termes d’un connaissement ». :

[55] En l’espèce, l’essence de l’action est la perte subie par suite du transport multimodal de marchandises aux termes d’un connaissement. La demande relève donc du paragraphe 22(1) de la Loi sur les Cours fédérales. L’article 22 confère à la Cour fédérale compétence sur toute « demande d’indemnisation fondée sur une convention relative au transport par navire de marchandises couvertes par un connaissement direct [...] pour la perte ou l’avarie de marchandises en cours de route ». À première vue, la présente demande relève de cette disposition (voir la décision Elroumi au para 11). Le premier volet du critère dégagé dans l’arrêt ITO est donc respecté.

[Non souligné dans l’original.]

[52] Je ne vois aucune erreur ni erreur manifeste et dominante dans la décision portant que l’essence de la demande d’indemnisation en l’espèce est la perte subie par suite du transport de marchandises aux termes d’un connaissement direct. Le JGI a suivi le bon cadre. De plus, en toute déférence, le JGI n’a pas commis d’erreur en citant l’article 22 de la Loi sur les Cours fédérales, lequel comprend l’alinéa 22(2)f) :

Compétence maritime

Maritime Jurisdiction

(2) Il demeure entendu que, sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), elle a compétence dans les cas suivants:

(2) Without limiting the generality of subsection (1), for greater certainty, the Federal Court has jurisdiction with respect to all of the following:

[...]

[...]

f) une demande d’indemnisation, fondée sur une convention relative au transport par navire de marchandises couvertes par un connaissement direct ou devant en faire l’objet, pour la perte ou l’avarie de marchandises en cours de route;

(f) any claim arising out of an agreement relating to the carriage of goods on a ship under a through bill of lading, or in respect of which a through bill of lading is intended to be issued, for loss or damage to goods occurring at any time or place during transit;

[...]

[...]

[Je souligne]

[Emphasis added]

[53] L’alinéa 22(2)i) de la Loi sur les Cours fédérales est libellé comme suit :

Navigation et marine marchande

Navigation and shipping

Compétence maritime

Maritime jurisdiction

(2) Il demeure entendu que, sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), elle a compétence dans les cas suivants:

(2) Without limiting the generality of subsection (1), for greater certainty, the Federal Court has jurisdiction with respect to all of the following:

[...]

[...]

i) une demande fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d’un navire, à l’usage ou au louage d’un navire, notamment par charte‐partie;

(i) any claim arising out of any agreement relating to the carriage of goods in or on a ship or to the use or hire of a ship whether by charter party or otherwise;

[...]

[...]

[54] Le JGI était en droit de rendre une telle décision. Ce constat est possible à la lumière de l’alinéa 22(2)f) de la Loi sur les Cours fédérales dans le contexte du dossier en l’espèce. Premièrement, les mots « une demande d’indemnisation, fondée sur une convention » sont respectés en l’espèce : la demande d’indemnisation découle d’une convention. Ensuite, il y a les mots « relative au transport par navire de marchandises couvertes par un connaissement direct ». Il y a en l’espèce un connaissement direct. Bien que le connaissement soit un connaissement multimodal, je ne suis pas convaincu que le JGI ait commis une erreur en concluant qu’un connaissement multimodal est néanmoins un connaissement direct au sens de l’alinéa 22(2)f) de la Loi sur les Cours fédérales. En l’espèce, l’essence de la demande d’indemnisation est la perte subie par suite du transport multimodal de marchandises couvertes par un connaissement direct.

[55] À cet égard, je note également que la Cour suprême du Canada a statué que l’expression « relative à » est celle qui est la plus large « [p]armi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes ». Voir Slattery (Syndic de) c. Slattery, 1993 CanLII 73 (CSC), [1993] 3 RCS 430, à la page 445 [Slattery]. Cela confirme que le JGI n’a commis aucune erreur en concluant que la présence de marchandises transportées par navire et par chemin de fer satisfait à l’exigence qu’il y ait une convention « relative au transport par navire de marchandises couvertes par un connaissement direct ». La convention, au sens le plus large du terme, concerne le transport par navire de marchandises. Cela découle entre autres de ma conclusion précédente selon laquelle un connaissement multimodal est un connaissement direct dans ce contexte.

[56] De plus, en tirant cette conclusion, le JGI s’est concentré sur la responsabilité continue du transport multimodal par connaissement direct.

[57] Comme il l’a fait devant le JGI, Woowon continue de soutenir que, selon la décision de la Cour fédérale dans Black & White Merchandising Co. Ltd. c. Deltrans International Shipping Corporation, 2019 CF 379 [Deltrans], la Cour n’a pas compétence. Woowon soutient que la perte des demanderesses s’est produite pendant l’entreposage sur le continent après la livraison de la cargaison (plutôt que pendant le transport), de sorte que l’essence de la demande d’indemnisation sur les faits de la présente affaire est le vol survenu après la conclusion ou l’exécution du contrat de transport et pendant l’entreposage, et ne s’inscrit donc pas dans la portée de l’alinéa 22(2)f) de la Loi sur les Cours fédérales.

[58] En toute déférence, cet argument est dénué de fondement. À mon avis, le JGI n’a commis aucune erreur ni erreur manifeste et dominante à cet égard. La décision Deltrans se distingue clairement par ses faits, et je ne peux faire mieux que de répéter les motifs du JGI :

[56] Comme chacune des parties s’appuie sur la décision Deltrans, il est nécessaire d’examiner attentivement ce que cette décision établit. Il s’agit d’une décision qui repose principalement sur des faits, lesquels sont semblables à ceux de l’espèce. L’affaire Deltrans porte sur le vol d’une cargaison qui avait été expédiée de la Chine à Montréal aux termes d’un connaissement de transport combiné. Le connaissement décrivait le type de déplacement comme étant de PC à PC, comme en l’espèce.

[57] La partie chargée d’organiser le transport de la cargaison avait retenu les services de Canchi Bon Trading Company Inc. (Canchi) pour entreposer la cargaison. La cargaison a été livrée au parc à conteneurs comme prévu, puis entreposée ailleurs par Canchi.

[58] Dans la décision Deltrans, la Cour a déterminé que le connaissement avait pris fin parce que la cargaison avait été livrée au lieu convenu. Par conséquent, la responsabilité aux termes du connaissement avait pris fin. La Cour fédérale n’avait donc pas compétence et l’action a été rejetée.

[59] Comme je l’ai mentionné ci‐dessus, les parties ne sont pas d’accord en l’espèce sur le fait que la livraison a été effectuée. Si la livraison de la cargaison avait été effectuée à la gare de triage du CN, comme le soutient Woowon, le connaissement aurait pris fin. Si, par contre, la livraison n’avait pas été effectuée parce que la cargaison n’avait jamais été remise au consignataire, la responsabilité aux termes du connaissement demeurerait entière.

[60] Selon ce que je vois, il est mentionné au recto du connaissement que la cargaison devait être livrée au consignataire au parc à conteneurs. La question de savoir si la responsabilité de Woowon aux termes du connaissement a pris fin demeure entière. Il est nécessaire de déterminer si l’utilisation du bon code équivalait à une livraison ou si d’autres mesures étaient nécessaires. À mon avis, cette question permet de différencier davantage la présente espèce de l’affaire Deltrans. Un dossier de preuve complet est nécessaire pour trancher de manière définitive la question de la « livraison » au consignataire.

[59] À cet égard, le connaissement désigne Montréal comme « lieu de livraison ». À l’instar du JGI, je ne suis pas convaincu que la question de la livraison dans les circonstances factuelles de la présente affaire puisse être tranchée définitivement à ce moment‐ci. J’estime en outre, en toute déférence, qu’une telle décision finale n’est pas toujours nécessaire. Bien que les décisions hâtives présentent des avantages évidents, la Cour d’appel fédérale affirme que le règlement rapide est « de façon générale » nécessaire : Great White Fleet c. Arc‐En‐Ciel Produce Inc., 2021 CAF 70, au paragraphe 12, selon le juge d’appel Rennie : « Pour ces motifs, les questions portant sur l’application de l’article 46 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime devraient, de façon générale, être tranchées avant le procès. » [non souligné dans l’original] À mon avis, il n’y a pas d’erreur ni d’erreur manifeste et dominante, dans les décisions du JGI, y compris la conclusion qu’un dossier de preuve complet est nécessaire pour trancher de façon définitive la question de la « livraison » au destinataire.

[60] Le JGI a également conclu que le connaissement stipule que « la cargaison devait être livrée au consignataire au parc à conteneurs ». Je ne vois ni erreur ni erreur manifeste et dominante dans les conclusions du JGI à cet égard. C’est ce qu’indique le connaissement lui‐même. Il désigne un destinataire (Brink’s Canada), porte la mention PC à PC et indique Montréal comme « lieu de livraison ». Il me semble, d’après ce dossier, que même si la cargaison (ou du moins le conteneur) est peut‐être arrivée au parc à conteneurs du CN à Montréal, la livraison n’a pas été effectuée parce que la cargaison n’est pas entrée en possession du destinataire. Je ne suis pas convaincu que la « livraison » dans ce cas se limitait à l’arrivée du conteneur, avec ou sans la cargaison, à Montréal.

[61] La conclusion selon laquelle la simple reconnaissance de la compétence de la Cour fédérale a été reconnue est également appuyée par la décision de notre plus haute cour dans l’arrêt Z.I. Pompey Industrie c. ECU‐Line N.V., 2003 CSC 27; [2003] 1 RCS 450 [Pompey]. À mon avis, l’arrêt Pompey confirme la compétence de la Cour fédérale. Dans l’arrêt Pompey, la cargaison a été expédiée aux termes d’un connaissement multimodal d’Anvers, via Montréal, à Seattle, dans l’État de Washington, aux États‐Unis. Comme en l’espèce, la cargaison a été transportée par navire au cours de la première étape, d’Anvers jusqu’au Canada (Montréal), où elle a été déchargée. Cette situation est analogue à celle de la cargaison transportée par navire en provenance de la Corée et déchargée au Canada (Vancouver). De Montréal, la cargaison a été expédiée par wagon à Seattle, où elle a été déchargée. Le connaissement faisait d’Anvers le « port de chargement » et de Seattle le « port de déchargement ». Il convient de souligner que dans l’arrêt Pompey, la cargaison a été déchargée à Montréal et chargée sur des wagons à Montréal pour être transportée jusqu’à Seattle. Il s’agit de la même situation que dans le cas qui nous occupe; la deuxième étape du transport se faisait par train.

[62] Dans l’arrêt Pompey, au paragraphe 37, la Cour suprême a conclu, dans un jugement unanime prononcé par le juge Bastarache que, lorsque le port de chargement ou de déchargement se trouve au Canada, « nul ne contesterait que la Cour fédérale a compétence pour connaître de la demande des intimées ». Après en être arrivée à cette conclusion, la Cour suprême a conclu que la Cour fédérale n’avait pas compétence en raison (« si ce n’était ») de certaines dispositions transitoires de la LRM, à savoir que l’article 46 ne s’appliquait pas aux procédures engagées avant l’entrée en vigueur de la LRM. La Cour suprême a statué ceci :

D. L’article 46 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime

37. Entré en vigueur le 8 août 2001, le par. 46(1) de la Loi sur la responsabilité en matière maritime prive la Cour fédérale, en présence de l’une ou l’autre des conditions énoncées aux al. 46(1)a), b) ou c), du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’art. 50 de la Loi sur la Cour fédérale de suspendre les procédures pour donner effet à une clause d’élection de for. Le fait que le port de chargement ou de déchargement effectif est situé au Canada fait partie des conditions énoncées. Dans la présente affaire, nul ne contesterait que la Cour fédérale a compétence pour connaître de la demande des intimées si ce n’était que l’art. 46 ne s’applique pas aux procédures engagées avant son entrée en vigueur : Incremona‐Salerno Marmi Affini Siciliani (I.S.M.A.S.) s.n.c. c. Castor (Le), [2002] A.C.F. no 1699 (QL), 2002 CAF 479, par. 13‐24. L’article 46 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime n’est donc pas pertinent en l’espèce.

[38] En fait, il semblerait, à la lecture du par. 46(1), que le législateur a jugé opportun, dans des circonstances bien précises, de limiter la portée des clauses d’élection de for en facilitant l’instruction au Canada des demandes se rapportant au transport maritime de marchandises et ayant un lien minimal avec notre pays. Cette mesure législative ne justifie cependant pas le revirement jurisprudentiel fondamental de la Cour d’appel en l’espèce. Au contraire, le par. 46(1) témoigne de l’intention du législateur de n’élargir la compétence de la Cour fédérale que dans des cas bien particuliers que pourra facilement identifier le protonotaire saisi d’une demande de suspension fondée sur la clause d’élection de for d’un connaissement. Le paragraphe 46(1) n’oblige aucunement le protonotaire à examiner le bien‐fondé de l’instance, une démarche conforme aux objectifs généraux de certitude et d’efficacité sous‐jacents à ce domaine du droit.

[Non souligné dans l’original.]

[63] En toute déférence, la situation juridique et juridictionnelle en l’espèce est la même que celle dans l’affaire Pompey : la Cour fédérale a compétence en l’espèce, tout comme dans l’affaire Pompey (sous réserve des dispositions transitoires de la LRM qui ne s’appliquent pas en l’espèce), parce que dans les deux cas, le déchargement a eu lieu au Canada [que ce soit à Vancouver (comme en l’espèce) ou à Montréal (comme dans l’affaire Pompey)].

[64] À cet égard, Woowon présente une autre objection, demandant à la Cour de rejeter la conclusion de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Pompey parce qu’il s’agit simplement d’un obiter dictum ou d’un « commentaire spontané », en faveur de la décision de la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt SDV Logistics (Canada). Inc. c. SDV International Logistics, 2006 QCCA 750 [SDV Logistics]. Je ne trouve aucun fondement à cette observation. À mon avis, la Cour suprême a conclu, à titre préliminaire, que le paragraphe 46(1) s’appliquait dans l’affaire Pompey, mais a décidé, en fin de compte, que l’on ne pouvait avoir recours à la LRM en raison des dispositions transitoires de la LRM. En d’autres termes, bien que le paragraphe 46(1) s’applique, la Cour suprême a jugé qu’il ne pouvait pas appliquer le paragraphe 46(1) non pas parce qu’il ne couvrait pas la situation en cause (ce qui était le cas), mais parce que des dispositions transitoires ultérieures rendaient la LRM inapplicable.

[65] Comme le juge Binnie l’a rappelé, les remarques incidentes n’ont pas toutes la même importance, certaines étant contraignantes, d’autres non : R. c. Henry, [2005] 3 RCS 609 [Henry] au paragraphe 57 :

[57] [...] Les remarques incidentes n’ont pas et ne sont pas censées avoir toutes la même importance. Leur poids diminue lorsqu’elles s’éloignent de la stricte ratio decidendi pour s’inscrire dans un cadre d’analyse plus large dont le but est manifestement de fournir des balises et qui devrait être accepté comme faisant autorité.. Au‐delà, il s’agira de commentaires, d’exemples ou d’exposés qui se veulent utiles et peuvent être jugés convaincants, mais qui ne sont certainement pas « contraignants » comme le voudrait le principe Sellars dans son expression la plus extrême. L’objectif est de contribuer à la certitude du droit, non de freiner son évolution et sa créativité. La thèse voulant que chaque énoncé d’un jugement de la Cour soit traité comme s’il s’agissait d’un texte de loi n’est pas étayée par la jurisprudence et va à l’encontre du principe fondamental de l’évolution de la common law au gré des situations qui surviennent.

[Non souligné dans l’original.]

[66] J’accepte l’analyse faite dans l’arrêt Henry et je conclus que, dans leur contexte, les passages de l’arrêt Pompey cités ci‐dessus sont suffisamment proches de la ratio decidendi de la Cour suprême et servent de guide de sorte que soit justifié le fait que le JGI s’y appuie.

[67] Par ailleurs, en l’espèce, il convient également de noter qu’il n’y a pas de terme dans le connaissement indiquant que « PC à PC » signifie que la cargaison est considérée comme ayant été livrée (et que la responsabilité de Woowon prend fin) simplement au moment où la cargaison arrive à la gare de triage du CN. En fait, et au contraire, le paragraphe 7(1) du connaissement stipule ce qui suit :

[traduction]

7(1) La responsabilité du transporteur en cas de perte ou d’avarie de marchandises ne prend naissance qu’au moment où les marchandises sont reçues par quelque moyen que ce soit et prend entièrement fin lorsque les marchandises sont livrées au marchand.

[Non souligné dans l’original.]

[68] Ces faits appuient également la conclusion du JGI en ce qui concerne l’alinéa 22(2)f) de la Loi sur les Cours fédérales, en ce sens que le connaissement définit le mot « marchand » [utilisé au paragraphe 7(1)] comme incluant l’expéditeur, le destinataire, le propriétaire et le réceptionnaire des marchandises et le titulaire du connaissement. Je ne suis pas convaincu que le CN ou sa gare de triage puissent être considérés comme le « marchand » à l’arrivée de la cargaison à Montréal, si cela s’est produit dans ce cas‐ci.

[69] Bien que les parties se soient concentrées sur l’alinéa 22(2)f) de la Loi sur les Cours fédérales, il convient de rappeler que le paragraphe 22(2) donne des exemples où la Cour fédérale a compétence en matière de navigation et de transport maritime, c.‐à‐d. en droit maritime.

[70] En plus de ces exemples, la Cour a compétence générale en droit maritime, cette compétence lui étant conférée par le paragraphe 22(1) de la Loi sur les Cours fédérales. L’attribution générale de compétence pertinente en l’espèce. Je n’ai aucune difficulté à conclure que la Cour fédérale a compétence en la matière en vertu des paragraphes 22(1) et 22(2)f) de la Loi sur la Cour fédérale :

Navigation et marine marchande

Navigation and shipping

22 (1) La Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, dans les cas — opposant notamment des administrés — où une demande de réparation ou un recours est présenté en vertu du droit maritime canadien ou d’une loi fédérale concernant la navigation ou la marine marchande, sauf attribution expresse contraire de cette compétence.

22 (1) The Federal Court has concurrent original jurisdiction, between subject and subject as well as otherwise, in all cases in which a claim for relief is made or a remedy is sought under or by virtue of Canadian maritime law or any other law of Canada relating to any matter coming within the class of subject of navigation and shipping, except to the extent that jurisdiction has been otherwise specially assigned.

Compétence maritime

Maritime Jurisdiction

(2) Il demeure entendu que, sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), elle a compétence dans les cas suivants :

(2) Without limiting the generality of subsection (1), for greater certainty, the Federal Court has jurisdiction with respect to all of the following:

[...]

[...]

f) une demande d’indemnisation, fondée sur une convention relative au transport par navire de marchandises couvertes par un connaissement direct ou devant en faire l’objet, pour la perte ou l’avarie de marchandises en cours de route;

(f) any claim arising out of an agreement relating to the carriage of goods on a ship under a through bill of lading, or in respect of which a through bill of lading is intended to be issued, for loss or damage to goods occurring at any time or place during transit;

[...]

[...]

i) une demande fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d’un navire, à l’usage ou au louage d’un navire, notamment par charte‐partie;

(i) any claim arising out of any agreement relating to the carriage of goods in or on a ship or to the use or hire of a ship whether by charter party or otherwise;

[...]

[...]

[Je souligne]

[Emphasis added]

[71] Woowon conteste davantage la compétence, faisant valoir que le critère à appliquer est celui établi dans Club Resorts Ltd. c. Van Breda, 2012 CSC 17 [Van Breda]. L’arrêt Van Breda élabore un critère exigeant un « lien réel et substantiel » concernant la compétence contestée.

[72] Toutefois, bien que la Cour suprême du Canada n’ait pas empêché l’application du critère de l’arrêt Van Breda pour établir la compétence de la Cour fédérale, elle n’a pas appliqué ce critère depuis sa décision l’arrêt Van Breda. La Cour suprême s’est plutôt fondée sur l’arrêt ITO comme approche appropriée pour déterminer la compétence de la Cour dans l’arrêt Windsor (Ville) c. Canadian Transit Co., 2016 CSC 54, aux paragraphes 34 à 71, et l’arrêt Desgagnés Transport Inc. c. Wärtsilä, 2019 CSC 58. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de voir une erreur ou une erreur manifeste et dominante dans le fait que le JGI s’appuie sur le critère énoncé dans l’arrêt ITO. Comme le critère de l’arrêt ITO constitue une mesure suffisante pour la Cour suprême du Canada, il l’est tout aussi pour notre Cour.

[73] Binex soutient que l’alinéa 22(2)i) de la Loi sur les Cours fédérales appuie également les conclusions du JGI. L’alinéa 22(2)i) est libellé comme suit :

Compétence maritime

Maritime Jurisdiction

(2) Il demeure entendu que, sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), elle a compétence dans les cas suivants:

22(2) Without limiting the generality of subsection (1), for greater certainty, the Federal Court has jurisdiction with respect to all of the following:

[...]

[...]

i) une demande fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d’un navire, à l’usage ou au louage d’un navire, notamment par charte‐partie;

(i) any claim arising out of any agreement relating to the carriage of goods in or on a ship or to the use or hire of a ship whether by charter party or otherwise;

[...]

[...]

[74] Binex expose son cas de la façon suivante, bien que je n’aie pas à trancher :

[traduction]

48. Dans l’autre alternative et en tout état de cause, comme l’a fait valoir Binex au sujet de la requête, l’alinéa 22(2)i) de la Loi sur les Cours fédérales dit que la Cour fédérale a compétence à l’égard de toute demande d’indemnisation fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d’un navire, à l’usage ou au louage d’un navire, notamment par charte‐partie.

49. La Cour a déjà confirmé dans Pantainer c. 996660 Ontario Ltd. [[2000] ACF No 334 (QL) [Pantainer]] qu’il faut donner à l’alinéa 22(2)i) « une interprétation large et fondée sur l’objet, qui embrasse toutes les demandes provenant d’un contrat relatif au transport de marchandises par mer » [Pantainer, au para 100].

50. Binex s’appuie sur la décision Pantainer. Dans cette affaire, le transporteur demandeur a réclamé à l’égard du défendeur des frais de transport impayés et des frais accessoires liés à la cargaison qu’il avait engagés pour le transport. Le défendeur a présenté une demande reconventionnelle pour divers dommages qu’aurait subis la cargaison. Les dommages auraient été subis pendant l’entreposage, et non pendant le transport de la cargaison elle‐même.

51. La question soulevée était de savoir si la Cour avait compétence à l’égard de la demande reconventionnelle du défendeur. Le demandeur a soutenu que la Cour n’avait pas compétence pour trois raisons : a) l’entrepôt se trouvait à Toronto, loin du port de déchargement; b) il n’y avait aucun lien entre les activités du défendeur (ou de sa filiale) et le port; et c) l’entreposage a eu lieu après la livraison et il ne s’agissait pas d’un entreposage à court terme [Pantainer, au para 60].

52. En réponse, le défendeur a soutenu que le demandeur fournissait non seulement des services de transport, mais aussi des services d’entreposage et de distribution. Par conséquent, la Cour avait compétence pour examiner toute l’affaire parce que l’entreposage des marchandises faisait partie intégrante des contrats de transport [Pantainer, aux para 71 et 72].

53. Au final, la Cour a conclu que la demande reconventionnelle du défendeur correspondait au libellé de l’alinéa 22(2)i) parce que les demandes relatives à l’entreposage « étaient fondées sur des contrats de transport de marchandises par mer ». La Cour a donc accepté d’entendre la demande reconventionnelle.

54. En l’espèce, Binex soutient que la réclamation des demandeurs contre Woowon (et l’ensemble des parties défenderesses) est fondée sur des contrats de transport de marchandises par mer. Il ne peut pas y avoir d’argument sérieux indiquant le contraire. Par conséquent, conformément à l’arrêt Pantainer, l’alinéa 22(2)i) peut être invoqué pour donner à la Cour la compétence de statuer sur la réclamation des demanderesses contre toutes les parties au présent litige, y compris Woowon.

[Non souligné dans l’original.]

[75] Par conséquent, je ne suis pas convaincu que le JGI était en tort ou qu’il a commis une erreur manifeste et dominante quant à la simple reconnaissance de la compétence de la Cour. Le premier volet du critère de l’arrêt ITO est donc satisfait.

[76] Pour qu’une demande relève de la compétence de la Cour fédérale en vertu de l’alinéa 22(2)f) de la Loi sur les Cours fédérales, elle doit se rapporter au droit maritime canadien, ainsi qu’il est défini dans l’arrêt ITO, afin de satisfaire aux deuxième et troisième volets du critère de l’arrêt ITO. Comme l’analyse suivante le montre, ces volets sont satisfaits.

C. Application de la Loi sur la responsabilité en matière maritime [LRM]

[77] Comme l’a souligné le JGI au paragraphe 62 de son ordonnance, la LRM existe pour « établir la compétence du Canada en dépit d’une clause attributive de compétence qui stipule qu’un pays étranger a compétence s’il existe un contrat de transport de marchandises par eau ».

[78] L’analyse du cadre permettant de déterminer l’application du paragraphe 46(1) est établie par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Mazda Canada Inc. c. Cougar Ace (The), 2008 CAF 219 :

[8] Les principes de droit régissant cette question sont maintenant relativement bien établis. Il est clair que le paragraphe 46(1) de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6, supplante l’ancienne loi canadienne dans les cas où les parties choisissent contractuellement le pays où l’affaire sera instruite. Une telle clause dans un contrat de transport maritime n’est plus décisive au Canada, mais elle peut être considérée comme l’un des facteurs à examiner pour déterminer si le bien‐fondé d’une allégation de forum non conveniens a été démontré (Magic Sportswear Corp. c. Mathilde Maersk (Le), 2006 CAF 284 (CanLII), [2007] 2 R.C.F. 733 (C.A.F.) [ci‐après OT Africa])

[9] Le paragraphe 46(1) permet à un demandeur canadien d’engager une poursuite au Canada malgré une clause comme la clause 28 dans le contrat visé par l’espèce, si certaines conditions sont remplies. Le paragraphe 46(1) est ainsi libellé :

46. Lorsqu’un contrat de transport de marchandises par eau, non assujetti aux règles de Hambourg, prévoit le renvoi de toute créance découlant du contrat à une cour de justice ou à l’arbitrage en un lieu situé à l’étranger, le réclamant peut, à son choix, intenter une procédure judiciaire ou arbitrale au Canada devant un tribunal qui serait compétent dans le cas où le contrat aurait prévu le renvoi de la créance au Canada, si l’une ou l’autre des conditions suivantes existe :

a) le port de chargement ou de déchargement — prévu au contrat ou effectif — est situé au Canada;

b) l’autre partie a au Canada sa résidence, un établissement, une succursale ou une agence;

c) le contrat a été conclu au Canada.

(2) Malgré le paragraphe (1), les parties à un contrat visé à ce paragraphe peuvent d’un commun accord désigner, postérieurement à la créance née du contrat, le lieu où le réclamant peut intenter une procédure judiciaire ou arbitrale.

[10] Ces dispositions du paragraphe 46(1) ne font qu’ouvrir la porte aux demandeurs canadiens, leur permettant d’intenter une action. Cependant, la Cour peut toujours refuser d’exercer sa compétence en se fondant sur la doctrine du forum non conveniens (OT Africa). Le paragraphe 46(1) s’applique en l’espèce parce que le port de déchargement des véhicules qui était prévu était celui de New Westminster (Colombie‐Britannique). La demanderesse peut donc entamer des poursuites ici, mais les défendeurs peuvent toujours invoquer l’argument du forum non conveniens.

[79] Woowon affirme que l’article X des Règles de la Haye‐Visby limite la portée de ces règles au transport de marchandises par navire entre deux ports. Elle mentionne ce qui suit dans son mémoire :

[TRADUCTION]

[87] [...] selon les alinéas b) et e) de l’article premier et les articles II et X pris ensemble, les Règles de La Haye‐Visby ne s’appliquent qu’« à partir du moment où les marchandises sont chargées jusqu’au moment où elles sont déchargées du navire » (cette règle classique est mieux connue sous le nom de « palan à palan »).

[80] S’appuyant sur ce qui précède, Woowon prétend que l’effet de l’article 46 de la LRM ne devrait s’appliquer qu’aux pertes survenues lors de l’application obligatoire des Règles de La Haye‐Visby. Toutefois, et en toute déférence, le fait de limiter l’application de l’article 46 aux seuls cas où des pertes ont eu lieu pendant le transport maritime n’est étayé par aucune jurisprudence. À ma connaissance, il n’existe pas de jurisprudence selon laquelle une convention relative au transport par navire de marchandises se limite à un connaissement de port à port et ne comprend pas un connaissement direct. De plus, comme il a déjà été mentionné, la Cour a compétence sur les connaissements directs aux termes de l’alinéa 22(2)f).

[81] Rappelons que l’article 10 des Règles de La Haye‐Visby stipule ceci :

Les dispositions de la présente Convention s’appliqueront à tout connaissement relatif à un transport de marchandises entre ports relevant de deux États différents quand:

The provisions of these Rules shall apply to every bill of lading relating to the carriage of goods between ports in two different States if

a) le connaissement est émis dans un État Contractant ou

(a) the bill of lading is issued in a contracting State, or

b) le transport a lieu au départ d’un port d’un État

(b) the carriage is from a port in a contracting State, or

c) le connaissement prévoit que les dispositions de la présente Convention ou de toute autre législation les appliquant ou leur donnant effet régiront le contrat, quelle que soit la nationalité du navire, du transporteur, du chargeur, du destinataire ou de toute autre personne intéressée.

(c) the contract contained in or evidenced by the bill of lading provides that these Rules or legislation of any State giving effect to them are to govern the contract; whatever may be the nationality of the ship, the carrier, the shipper, the consignee, or any other interested person.

[Je souligne]

[Emphasis added]

[82] À cet égard, Woowon s’appuie sur l’arrêt SDV Logistics (Canada) Inc. c. SDV International Logistics, 2006 QCCA 750 [SDV Logistics], une décision de la Cour d’appel du Québec :

[35] Le paragraphe e) de l’article 1 des [Règles de La Haye‐Visby] énonce que l’expression « transport de marchandises » couvre le temps écoulé depuis le chargement des marchandises à bord du navire jusqu’à leur déchargement du navire. Ceci signifie que les Règles ne s’appliquent pas aux opérations antérieures au transport par eau proprement dit.

[Non souligné dans l’original.]

[83] Bien que dans l’arrêt SDV Logistics il ait été conclu à la lumière des faits que les Règles de La Haye‐Visby ne s’appliquent pas aux opérations antérieures au transport maritime, Woowon soutient que les Règles de La Haye‐Visby ne devraient pas s’appliquer non plus après le transport maritime, c’est‐à‐dire qu’elles ne s’appliquent pas après le déchargement de la cargaison à Vancouver, moment où le transport de cette cargaison multimodale par connaissement direct est devenu la responsabilité du CN vers Montréal. Rien n’appuie la thèse selon laquelle la détermination de ce qui constitue une convention relative au transport par navire de marchandises doit respecter le régime de responsabilité obligatoire applicable. Cela dit, le régime de responsabilité est établi dans le connaissement pour les pertes après le déchargement. Le connaissement est une convention relative au transport par navire de marchandises, même s’il a plusieurs fonctions, c.‐à‐d. que le connaissement direct est un connaissement multimodal.

[84] Brink’s fait valoir que le paragraphe 46(1) de la LRM s’applique en l’espèce. Je ne peux que souscrire à cet argument.

[85] Par souci de commodité, voici le libellé de l’article 46 de la LRM :

Créances non assujetties aux règles de Hambourg

Claims not subject to Hamburg Rules

46 (1) Lorsqu’un contrat de transport de marchandises par eau, non assujetti aux règles de Hambourg, prévoit le renvoi de toute créance découlant du contrat à une cour de justice ou à l’arbitrage en un lieu situé à l’étranger, le réclamant peut, à son choix, intenter une procédure judiciaire ou arbitrale au Canada devant un tribunal qui serait compétent dans le cas où le contrat aurait prévu le renvoi de la créance au Canada, si l’une ou l’autre des conditions suivantes existe :

46 (1) If a contract for the carriage of goods by water to which the Hamburg Rules do not apply provides for the adjudication or arbitration of claims arising under the contract in a place other than Canada, a claimant may institute judicial or arbitral proceedings in a court or arbitral tribunal in Canada that would be competent to determine the claim if the contract had referred the claim to Canada, where

a) le port de chargement ou de déchargement — prévu au contrat ou effectif — est situé au Canada;

(a) the actual port of loading or discharge, or the intended port of loading or discharge under the contract, is in Canada;

b) l’autre partie a au Canada sa résidence, un établissement, une succursale ou une agence;

(b) the person against whom the claim is made resides or has a place of business, branch or agency in Canada; or

c) le contrat a été conclu au Canada.

(c) the contract was made in Canada.

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

[86] Le caractère disjonctif des dispositions de l’article 46 n’est pas contesté. Par conséquent, si l’un des alinéas a), b) ou c) du paragraphe 46 s’applique, la Cour fédérale a compétence pour trancher cette affaire sous réserve d’autres critères de la LRM et du forum non conveniens.

[87] À mon avis, le JGI n’a pas commis d’erreur ni n’a commis d’erreur manifeste et dominante en concluant que cette affaire satisfait aux exigences de l’alinéa 46(1)a) de la LRM. C’est sans conteste le cas en l’espèce. Les deux parties de l’alinéa 46(1)a) sont respectées. Les ports de déchargement effectifs et prévus sont situés au Canada : Prince Rupert était le port de déchargement prévu selon le connaissement à première vue, et Vancouver était le port de déchargement effectif. Personne ne conteste que Prince Rupert et Vancouver sont situés « au Canada ». Par conséquent, les exigences de l’alinéa 46(1)a) de la LRM sont respectées.

[88] Il n’est donc pas nécessaire de se demander si les alinéas 46(1)b) ou c) s’appliquent également, et je ne me pencherai pas sur cette question.

D. Forum non conveniens

[89] Le JGI a traité de cette question aux paragraphes 77 à 95 de son ordonnance. En toute déférence, je ne suis pas convaincu que les conclusions du JGI justifient une ingérence de la part de la Cour, que ce soit en ce qui concerne les principes juridiques énoncés ou les conclusions factuelles, probantes et mixtes de fait et de droit tirées par le JGI. À mon humble avis, et malgré les observations de Woowon, aucune de ces erreurs n’est manifeste et dominante.

E. Critère relatif au motif sérieux distinct

[90] Dans les affaires de droit maritime, un fardeau particulier est imposé aux demandeurs qui tentent de se soustraire à la compétence d’un tribunal établie dans les documents d’expédition. Pour y arriver, ils doivent avoir un motif sérieux.

[91] Toutefois, ce fardeau particulier ne s’applique pas lorsque l’article 46 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime s’applique, comme c’est le cas en l’espèce.

[92] La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’un demandeur qui a le droit de se prévaloir de l’article 46 ne devrait pas être également tenu de s’acquitter du fardeau de démontrer l’existence de motifs sérieux : Great White Fleet c. ArcEnCiel Produce Inc., 2021 CAF 70 (motifs du juge Rennie), au paragraphe 12.

[93] Je suis lié par cette décision. Par conséquent, je refuse d’examiner les arguments portant sur des motifs sérieux.

[94] Par conséquent, l’appel de Woowon concernant la compétence sera rejeté.

F. Dépens

[95] Le paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales est libellé comme suit :

Adjudication des dépens entre parties

Awarding Costs Between Parties

Pouvoir discrétionnaire de la Cour

Discretionary powers of Court

400 (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer.

400 (1) The Court shall have full discretionary power over the amount and allocation of costs and the determination of by whom they are to be paid.

[96] Les demanderesses et Binex ont tous deux eu gain de cause dans la requête présentée devant le JGI. Compte tenu de la règle générale selon laquelle les dépens suivent l’issue de la cause, il n’est pas surprenant que le JGI ait adjugé les dépens aux demanderesses et à Binex étant donné qu’elles ont eu gain de cause dans la requête.

[97] Cependant, bien que les demanderesses aient demandé les dépens dans leurs observations écrites, Binex (représentée par un avocat autre que ceux qui ont comparu devant la Cour) n’a pas demandé les dépens. De plus, Woowon n’a pas demandé d’allègement des dépens contre Binex devant le JGI.

[98] Si je comprends bien, la question des dépens n’a pas été abordée à l’audience.

[99] Les deux parties ont mentionné la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Exeter c Canada (Procureur général), 2013 CAF 134 :

[12] En principe, une cour de justice ne peut pas adjuger les dépens s’ils n’ont pas été demandés : voir, par exemple, Balogun c. La Reine, 2005 CAF 350. Accorder des dépens dans de telles circonstances porterait atteinte au devoir d’équité, puisque la partie perdante se verrait imposer une responsabilité sans en avoir été avisée ni avoir pu répondre : voir, par exemple, Nova Scotia (Minister of Community Services) c. Elliott (Guardian ad litem of) (1995), 141 N.S.R. (2d) 346 (C.S. (2d) 346 (N.S.S.C.) au paragraphe 5.

[100] Compte tenu de cette jurisprudence contraignante et du fait que Binex n’a pas demandé les dépens, à mon humble avis, le JGI a commis une erreur en accordant les dépens en faveur de Binex. Cette partie du jugement sera infirmée ci‐dessous.

VII. Conclusion

[101] À mon avis, compte tenu des motifs susmentionnés, l’appel de Woowon doit être rejeté, sauf que l’adjudication des dépens à Binex doit être infirmée.

VIII. Dépens

[102] Conformément à la pratique de longue date en place à la Cour, j’ai publié une directive sur la procédure avant l’audience, laquelle porte notamment sur la nécessité de présenter des observations sur les dépens à l’audience : « Toutes les parties sont priées d’examiner la directive sur la procédure publiée par le juge en chef Lufty le 30 avril 2010 sur la question des dépens. Cette directive est accessible à l’adresse https://www.fctcf.gc.ca/content/assets/pdf/base/noticeavis30apr2010.pdf. Veuillez noter que, dans la plupart des cas, le juge qui préside l’audience accordera des dépens forfaitaires. Par conséquent, l’avocat doit être prêt à fournir à la Cour, lors de l’audience, le montant forfaitaire tout compris des dépens qu’il souhaite recevoir en supposant qu’il a gain de cause. Les avocats sont priés de se consulter au sujet de leurs demandes respectives de dépens et, si possible, de s’entendre sur le ou les montants forfaitaires demandés. »

[103] À l’audience, les parties se sont conformées et ont fourni la confirmation écrite conjointe suivante :

[TRADUCTION]

Appel principal

Woowon et les demandeurs ont convenu que la partie qui a eu gain de cause devrait se voir accorder des dépens forfaitaires de 7 500 $ CA, tout compris, sur la base des « frais à suivre », pour l’appel principal.

Woowon nie que Binex devrait avoir droit aux dépens de l’appel principal parce qu’il s’agissait d’un participant volontaire, et aucune réparation n’a été demandée à l’encontre de Binex (sauf pour l’appel concernant les dépens).

Binex n’est pas d’accord et affirme qu’elle serait directement touchée par la requête et s’oppose à toutes les questions en litige dans l’appel.

À titre subsidiaire, si la Cour décide que Binex a droit aux dépens dans la mesure où elle a gain de cause, Woowon et Binex conviennent que Binex devrait recevoir des dépens forfaitaires de 4 000 $ CA, tout compris, sur la base des « frais à suivre », pour l’appel principal.

Woowon ne demande pas de dépens à l’encontre de Binex.

Ordonnance du JGI

Dans la lettre de Michelle Staples datée du 18 mai 2022, les parties ont informé le JGI que Brink’s, Woowon et Binex, par l’entremise de leur avocat, ont convenu que la question des dépens relativement à la requête en sursis serait mieux réglée après l’issue du présent appel.

Dans un courriel du greffe du 18 mai 2022, le JGI a accepté la demande de l’avocat.

Par conséquent, les parties demandent que la question du montant qui peut être accordé à Binex dans la requête en sursis, si l’appel est accueilli, soit reportée jusqu’à ce que l’appel soit tranché.

[104] Je suis de cet avis. Par conséquent, Brink’s, en tant que partie ayant gain de cause, se voit accorder des dépens forfaitaires de 7 500 $ CA, tout compris, sur la base des « frais à suivre », payables par Woowon.

[105] En ce qui concerne l’appel principal, Binex et Woowon, je ne vois pas pourquoi les dépens ne devraient pas suivre l’issue de la cause. Binex s’est opposée avec succès à l’appel dont je suis saisi. Par conséquent, j’adjugerai à Binex des dépens forfaitaires de 4 000 $ CA, tout compris, pour l’appel principal.

[106] En outre, j’ordonnerai que la question du montant qui peut être accordé à Binex dans la requête en sursis, si l’appel est accueilli, soit reportée jusqu’à ce que l’appel soit tranché.

[107] Binex ne versera pas de dépens à Woowon parce que Woowon ne demande pas de dépens à l’encontre de Binex.


JUGEMENT dans le dossier T‐122‐21

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. L’appel est rejeté, sauf que l’ordonnance du JGI quant aux dépens en faveur de Binex payable par Woowon est infirmée.

  2. Brink’s se voit accorder des dépens forfaitaires de 7 500 $ CA, tout compris, pour l’appel principal, payables par Woowon.

  3. Binex se voit accorder des dépens forfaitaires de 4 000 $ CA, tout compris, pour l’appel principal, payables par Woowon.

  4. Binex n’a pas de dépens à payer à Woowon.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‐122‐21

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

BRINK’S GLOBAL SERVICES KOREA LTD. ET BRINK’S GLOBAL SERVICES INTERNATIONAL, INC. c. WOOWON SEA & AIR CO. LTD. c. BINEX LINE CORP., M. UNTEL EMPLOYÉ DE BINEX, MME UNETELLE EMPLOYÉE DE BINEX ET D’AUTRES PERSONNES INCONNUES DES DEMANDERESSES ACTUELLEMENT OU ANCIENNEMENT EMPLOYÉES PAR BINEX c. A.P. MOLLER‐MAERSK A/S ET COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 AOÛT 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DES MOTIFS :

LE 7 NOVEMBRE 2022

COMPARUTIONS :

Marc Isaacs

Michelle L. Staples

 

POUR LES DEMANDERESSES

Andrea Fernandes

Rui Fernandes

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(BINEX)

Jason Kostyniuk

Matthew Crowe

POUR LA DÉFENDERESSE

(WOOWON)

Robin Squires

Nigah Awj

 

POUR LA MISE EN CAUSE

(A.P. MOLLER‐MAERSK A/S)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Isaacs Odinocki LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

Fernandes Hearn LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(BINEX)

Alexander Holburn Beaudin + Lang LLP

Avocats

Vancouver (Colombie‐Britannique)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(WOOWON)

Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Avocats

Toronto (Ontario)

Montréal (Québec)

 

MISE EN CAUSE

(A.P. MOLLER‐MAERSK A/S)

 

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