Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20221020


Dossier : IMM-8673-22

Référence : 2022 CF 1430

Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2022

En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond

ENTRE :

AVIJINDER PAL SINGH KHINDA

CHARU KHINDA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Le défendeur présente une requête afin de faire radier la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs, puisque celle-ci serait hors délai. Je rejette cette requête, puisqu’elle est prématurée et qu’elle contribue à complexifier l’instance plutôt qu’à la simplifier.

[2] La décision qui fait l’objet de la demande a été rendue le 25 juillet 2022. La demande a été présentée le 6 septembre 2022. À première vue, la demande a été présentée après l’expiration du délai de 15 jours prévu à l’alinéa 72(2)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi]. Elle n’est pas accompagnée d’une demande de prorogation de délai. Cependant, dans l’avis de demande, les demandeurs affirment qu’ils n’ont reçu la décision que le 24 août 2022. Si cela est vrai, la demande n’est pas hors délai, puisque le délai prévu à l’alinéa 72(2)b) ne commence à courir que lorsque « le demandeur […] est avisé ou […] a eu connaissance » de la décision attaquée.

[3] Le défendeur sollicite néanmoins la radiation de la demande. Il soutient qu’il est déraisonnable que les demandeurs n’aient reçu copie de la décision que 30 jours après que celle-ci leur a été envoyée par la poste et qu’une copie a été transmise électroniquement à l’avocat qui les représentait. Il reproche aux demandeurs d’avoir été négligents en ne déposant pas leur demande dans le délai imparti et en ne présentant pas une preuve sous serment de la date de réception de la décision attaquée.

[4] À mon avis, la requête du défendeur est prématurée. Le seul acte de procédure déposé au dossier est la demande d’autorisation. Selon la règle 5 des Règles des Cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 [les Règles], celle-ci doit comprendre « les motifs qui justifient le redressement recherché, y compris la mention de tout texte de loi ou règle invoqué à l’appui », mais n’a pas à être accompagnée d’un affidavit ou d’un autre type de preuve. Elle doit être rédigée selon le formulaire IR-1. Ce formulaire comprend la directive suivante :

Indiquez la date et les détails de la question ou de la mesure – décision, ordonnance, question ou affaire – à laquelle se rapporte le contrôle judiciaire et la date à laquelle le(s) demandeur(s) en a(ont) été avisé(s) ou en a(ont) pris connaissance.

[Je souligne.]

[5] La demande d’autorisation remplit la même fonction qu’un avis de demande prévu à la règle 301 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 : il s’agit de circonscrire la portée du litige afin d’informer le défendeur de la cause à laquelle il doit répondre et d’encadrer la constitution du dossier de preuve. Tout comme l’avis de demande, la demande d’autorisation ne constitue pas elle-même une preuve et n’énumère pas les éléments de preuve sur lesquels les demandeurs entendent s’appuyer : Canada (Revenu national) c JP Morgan Asset Management (Canada) Inc, 2013 CAF 250 aux paragraphes 40 et 41, [2014] 2 RCF 557.

[6] En l’espèce, les demandeurs n’avaient pas à accompagner leur demande d’autorisation d’une preuve sous serment afin d’étayer leur affirmation concernant la date de réception de la décision. Selon la règle 10, c’est au moment de déposer leur dossier que les demandeurs devront fournir « un ou plusieurs affidavits établissant les faits invoqués », y compris les faits nécessaires afin de démontrer que la demande a été introduite avant l’expiration du délai prévu à l’alinéa 72(2)b).

[7] C’est seulement lorsque les demandeurs auront déposé leur dossier qu’il sera possible de déterminer le point de départ du délai de 15 jours prévu à l’alinéa 72(2)b). C’est aussi à ce moment que l’on pourra décider si la présomption de réception établie à la règle 35(2) des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257, a été repoussée ou s’il était nécessaire de suivre les règles relatives aux allégations contre l’ancien avocat du demandeur figurant aux paragraphes 46 à 54 des Lignes directrices consolidées pour les instances d’immigration, de statut de réfugié et de citoyenneté (24 juin 2022).

[8] Il n’y a donc pas lieu de radier la demande avant que les demandeurs n’aient eu l’occasion de déposer leur dossier. La requête vise essentiellement à forcer les demandeurs à déposer une preuve avant le moment prévu par les Règles.

[9] En fait, on peut difficilement reprocher aux demandeurs d’avoir suivi le formulaire IR-1 à la lettre et d’avoir indiqué la date de réception de la décision attaquée de la manière prévue dans ce formulaire.

[10] Au surplus, l’alinéa 74c) de la Loi prévoit qu’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire doit être tranchée « à bref délai et selon la procédure sommaire ». Les Règles mettent en place un processus simplifié à cet effet. Elles ne prévoient pas la possibilité de présenter une requête en radiation. Bien que la radiation d’une demande relève du pouvoir inhérent de la Cour, la présentation d’une requête en radiation en matière d’immigration devrait être fortement découragée : Mubenga c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 111 au paragraphe 12; Krah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 361 aux paragraphes 13 et 14; Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 676 aux paragraphes 7 et 8.

[11] En accueillant la présente requête, notre Cour ferait du respect du délai prévu à l’alinéa 72(2)b) une question séparée susceptible de faire l’objet d’un débat préliminaire. Cela irait à l’encontre de l’esprit des Règles. La règle 6 prévoit qu’une demande de prorogation de délai doit être tranchée en même temps que la demande d’autorisation. En toute logique, la question de savoir si une demande de prorogation de délai est nécessaire devrait être tranchée au même moment. Si le défendeur est d’avis que la demande est hors délai, il doit faire valoir cet argument au moment de s’opposer à la demande d’autorisation : David Bull Laboratories (Canada) Inc c Pharmacia Inc, [1995] 1 CF 588 (CA) aux pages 596 et 597. Étant donné que la plupart des demandeurs en matière d’immigration ne disposent que de moyens modestes, il n’est pas souhaitable d’ajouter une étape additionnelle au processus prévu par les Règles.

[12] La requête en radiation est donc rejetée.

 


ORDONNANCE dans le dossier IMM-8673-22

LA COUR STATUE que

1. L’intitulé est modifié afin que le défendeur soit désigné comme étant le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

2. La requête en radiation présentée par le défendeur est rejetée.

 

« Sébastien Grammond »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-8673-22

 

INTITULÉ :

AVIJINDER PAL SINGH KHINDA, CHARU KHINDA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT ET EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À LA RÈGLE 369

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 20 octobre 2022

 

COMPARUTIONS :

Aboubakar Ouedraogo

 

Pour les demandeurs

 

Chantal Chatmajian

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aboubakar Ouedraogo

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.