Date : 20221025
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Dossier : T-628-22
Référence : 2022 CF 1455
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[TRADUCTION FRANÇAISE] Ottawa (Ontario), le 25 octobre 2022
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En présence de madame la juge McVeigh |
ENTRE :
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HAIMANA ROMANA
POUR SON PROPRE COMPTE
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demandeur
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et
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LE CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES ET LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA
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défendeurs
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ORDONNANCE ET MOTIFS
I. Aperçu
[1] La Cour est saisie de deux requêtes concernant le même demandeur qui ont été entendues conjointement.
[2] Les deux défendeurs dans l’action en cause, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC) et la Société Radio-Canada (la SRC), ont présenté des demandes d’ordonnance similaires relativement à ces requêtes.
[3] Les deux défendeurs sollicitent une ordonnance radiant la nouvelle déclaration modifiée du demandeur déposée le 26 avril 2022 ainsi que toutes les versions antérieures de la déclaration, dans leur intégralité et sans autorisation de modification, et rejetant l’action. Subsidiairement, les deux défendeurs réclament ce qui suit :
a)une ordonnance de prorogation du délai de présentation de la défense au titre de l’article 8 des Règles des cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles];
b)les dépens afférents à la requête, soit 3 073,60 $ pour la SRC et 1 050,00 $ pour le CRTC;
c)toute autre réparation que la Cour pourra estimer juste.
[4] Dans sa requête, le CRCT a demandé par ailleurs :
- une ordonnance subsidiaire au titre du paragraphe 75(1) des Règles modifiant la déclaration afin que le CRTC soit remplacé comme défendeur par Sa Majesté le Roi (la Cour a modifié la déclaration pour que ce dernier remplace Sa Majesté la Reine);
- une ordonnance subsidiaire au titre de l’article 8 des Règles en vue de proroger le délai pour le CRTC.
[5] Le demandeur, M. Haimana Romana, se représente lui-même, bien qu’il ait précisé avoir reçu des [traduction] « conseils juridiques »
tout au long de l’instance. Malgré l’opposition des défendeurs à la tenue d’une audience de vive voix, réclamée par le demandeur, la Cour a accédé à la demande de ce dernier afin de lui permettre d’exposer ses arguments.
[6] Le demandeur a engagé une action il y a longtemps contre la SRC devant la Cour du Banc du Roi du Manitoba (l’action introduite au Manitoba). Dans cette affaire, il a déposé une requête en injonction qui a été finalement rejetée : Romana v The Canadian Broadcasting Corporation et al, 2017 MBQB 163 [Romana]. Le procès relatif à l’action introduite au Manitoba a été retardé par la pandémie de COVID-19. Il était prévu pour le 7 février 2022, mais il doit désormais se dérouler du 24 avril au 19 mai 2023.
[7] Le demandeur a déposé sa déclaration initiale en l’espèce le 22 mars 2022. L’affaire a été l’objet d’une gestion d’instance, et plusieurs versions de la déclaration modifiée ont été acceptées pour dépôt, mais une a été refusée. La dernière déclaration a été présentée le 26 avril 2022 en tant que nouvelle déclaration modifiée.
[8] L’essentiel de la demande repose sur des reportages diffusés par la SRC qui portaient sur le demandeur. Ce dernier a fait valoir diverses causes d’action au moyen de plusieurs déclarations modifiées. Il invoque la négligence, sollicite une injonction interlocutoire et allègue plusieurs infractions au Règlement de 1987 sur la radiodiffusion, DORS/87-49 [le Règlement], entre autres.
II. Les faits
[9] Pour décrire le contexte factuel, je résumerai brièvement certains faits pertinents relatifs à la demande dont la radiation est demandée dans les deux requêtes dont je suis saisie.
[10] Dans la nouvelle déclaration modifiée, le demandeur soutient que le CRTC et la SRC ont contrevenu au Règlement. Cependant, il affirme seulement que la SRC est en contravention des alinéas 5(1)b) et d) du Règlement, plus précisément comme suit :
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[11] Les alinéas 5(1)b) et d) du Règlement sont libellés comme suit :
5 (1)
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[12] Le demandeur soutient également que les deux défendeurs ont fait preuve de négligence envers lui et sa famille, soulignant l’obligation de diligence à laquelle ils sont astreints. Il ne mentionne pas de causalité ni de dommages, mais il affirme qu’il était [traduction] « raisonnablement prévisible que des dommages [lui] seraient causés »
[13] Le demandeur se fonde largement sur la preuve issue des interrogatoires préalables menés en lien avec l’action introduite au Manitoba et considère qu’il s’agit d’une preuve à première vue de reportages racistes faux et trompeurs. Il demande à notre Cour d’accepter ces éléments de preuve parce qu’ils servent l’intérêt de la justice et démontrent le bien-fondé de sa plainte.
[14] Le demandeur prie la Cour d’ordonner au CRTC de reconsidérer le renouvellement de la licence attribuée à la SRC jusqu’à ce que cette dernière se conforme aux alinéas 5(1)a) à d) du Règlement. Il cherche également à obtenir une ordonnance obligeant la SRC à supprimer les reportages. Il réclame par ailleurs une injonction interlocutoire [traduction] « enjoignant au CRTC de ne pas renouveler la licence de la SRC le 31 août 2022 tant que le préjudice irréparable n’aura pas été éliminé »
.
[15] Le demandeur affirme qu’il est protégé par l’article 12 et le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, soit la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c 11 (R‑U) [la Charte]. Selon lui, la SRC n’est pas protégée par l’alinéa 2b) de la Charte. On ne sait pas exactement à quel aspect de sa demande s’appliquent ces affirmations du demandeur relatives à la Charte.
[16] Le CRTC demande à la Cour de faire droit à la requête demandée pour les motifs suivants :
a)il est évident et manifeste que la déclaration ne révèle aucune cause d’action valable;
b)la déclaration constitue un abus de procédure;
c)la demande inclut des moyens de preuve, ce qui est inacceptable dans un acte de procédure;
d)la Cour n’a pas compétence pour accorder une injonction comme le réclame le demandeur;
e)d’autres raisons, auxquelles je ne m’attarderai pas.
[17] Les motifs invoqués par la SRC sont semblables, mais ils reposent sur des points légèrement différents. De plus, la SRC souligne que la demande est présentée hors délai et prescrite, selon la Loi sur les cours fédérales, LRC 1985, c F-7 [la Loi] et la Loi sur les délais de prescription du Manitoba, CPLM, c L150. La SRC précise également que l’action en cause et les arguments qui y sont énoncés font double emploi avec le dossier no CI 15-01-86736 de la Cour du Banc du Roi du Manitoba de même qu’avec une requête en injonction qui a été entendue et rejetée par ce tribunal.
III. Analyse
A. Le droit applicable
[18] L’alinéa 221(1)a) des Règles dispose qu’une déclaration peut être radiée dans son intégralité si elle ne révèle aucune cause d’action valable :
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[19] Une déclaration sera donc radiée en application de l’alinéa 221(1)a) des Règles « s’il est évident et manifeste »
qu’elle ne révèle aucune cause d’action raisonnable et qu’elle n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueillie : Condon c Canada, 2015 CAF 159 au para 12, citant R c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42 au para 17.
[20] Les articles 174, 181 et 182 des Règles imposent une obligation au demandeur d’énoncer, de manière concise, les faits substantiels qui révèlent une cause d’action valable ainsi que la nature des dommages (Jones c Kemball, 2012 CF 27 au para 5). L’article 174 des Règles est libellé comme suit :
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[21] Dans l’arrêt Mancuso c Canada (Santé Nationale et Bien‑être Social), 2015 CAF 227, la Cour d’appel fédérale a souligné l’importance, pour les tribunaux, de mettre en application les exigences relatives au contenu des actes de procédure :
[16] L’instruction d’un procès requiert du demandeur qu’il allègue des faits matériels suffisamment précis à l’appui de la déclaration et de la mesure sollicitée. Comme le juge l’a relevé, les « actes de procédure jouent un rôle important pour aviser les intéressés et définir les questions à trancher, et la Cour et les parties adverses n’ont pas à émettre des hypothèses sur la façon dont les faits pourraient être organisés différemment pour appuyer diverses causes d’action ».
[17] La dernière partie de cette exigence, soit l’exposé de faits matériels suffisamment précis, constitue le fondement des actes de procédure correctement rédigés. Si un juge autorisait les parties à avancer de simples affirmations de fait, ou de simples conclusions de droit, les actes de procédure ne rempliraient pas le rôle qui leur revient, soit celui de cerner les questions en litige. Il est essentiel que le défendeur ait en main des actes de procédure correctement rédigés de façon à préparer son système de défense. Les faits matériels servent à encadrer les interrogatoires préalables et permettent aux avocats de conseiller leur client, à préparer leurs moyens et à établir une stratégie en vue du procès. Qui plus est, les actes de procédure permettent de définir les paramètres d’appréciation de la pertinence d’éléments de preuve lors des interrogatoires préalables et de l’instruction du procès.
[Non souligné dans l’original.]
B. Les plaideurs non représentés par un avocat
[22] Bien qu’il soit évidemment important qu’un demandeur présente des faits substantiels à l’appui de sa demande et de la réparation demandée, il est nécessaire de prendre en considération le contexte factuel en l’espèce. Le demandeur, malgré son expérience, est un plaideur non représenté par un avocat qui doit se retrouver dans le système de justice, et cette réalité doit être prise en compte.
[23] Le demandeur se fonde sur l’Énoncé de principes concernant les plaideurs et les accusés non représentés par un avocat (2006) établi par le Conseil canadien de la magistrature, auquel a souscrit la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Pintea c Johns, 2017 CSC 23 au para 4. Selon cet énoncé, les personnes non représentées sont généralement mal informées sur leurs droits et les conséquences des choix qui leur sont offerts; il se peut qu’elles trouvent les procédures judiciaires complexes, déroutantes et intimidantes.
[24] Par conséquent, le demandeur s’est vu accorder le droit de modifier plusieurs fois sa déclaration et de recevoir l’assistance d’une personne responsable de la gestion des instances nommée par la Cour. Le demandeur est un homme qui s’exprime très bien, qui est touché personnellement par les questions en litige et qui souhaite désespérément obtenir les réparations demandées. Il s’est montré très coopératif et respectueux envers la Cour. Il semble, vu le procès qui se déroulera devant la Cour du Banc du Roi du Manitoba en avril, que ce plaideur aura l’occasion de se faire entendre par un tribunal, ce qui est extrêmement important pour lui.
C. L’alinéa 221(1)a) des Règles : Cause d’action valable
[25] Les deux défendeurs prétendent que l’acte de procédure devrait être radié parce qu’il ne révèle aucune cause d’action valable. Je vais résumer brièvement leurs arguments.
[26] La SRC fait valoir que la demande ne révèle aucune cause d’action reconnue en droit. Une infraction au Règlement ne suffit pas à établir une cause civile d’action. En outre, la SRC allègue que la demande est irrecevable même après toutes les modifications visant à ajouter un recours fondé sur la négligence.
[27] Selon la SRC, la Cour fédérale n’a pas compétence pour instruire une action en négligence pour laquelle il n’y a aucune attribution de compétence par le législateur ni aucune jurisprudence fédérale établie.
[28] Le CRTC sollicite la radiation de la nouvelle demande modifiée parce qu’elle ne lui reproche rien de précis. La plus récente version de la déclaration n’est modifiée que pour ajouter l’allégation de négligence contre le CRTC, sans faits substantiels appuyant une cause d’action à l’encontre de ce dernier. Le CRTC justifie sa requête en radiation en soulignant les énoncés catégoriques dénués de preuves et l’absence de faits substantiels invoqués.
[29] Bien que le demandeur, dans la nouvelle déclaration modifiée, reproche au CRTC d’avoir contrevenu au Règlement, il ne précise pas comment le Règlement s’applique au CRTC ou en quoi ce dernier n’a pas respecté ses obligations réglementaires. En dernier lieu, le demandeur n’avance aucun fait substantiel quant à la raison pour laquelle il pourrait avoir droit aux dommages-intérêts punitifs qu’il réclame contre le CRTC. Le CRTC s’oppose à ce que le demandeur présente des éléments de preuve tirés de son action introduite au Manitoba. Qui plus est, aucun de ces éléments de preuve ne concerne le CRTC, qui n’est pas partie à cette action.
[30] Le demandeur a fait valoir de nombreuses causes d’action que notre Cour doit examiner afin de déterminer s’il a dûment plaidé des faits substantiels suffisants pour chacune de ces causes.
[31] Aux dires du demandeur, la cause d’action contre la SRC et le CRTC est la négligence. Le fondement invoqué est le même dans les deux cas. Le demandeur fait valoir que les deux défendeurs avaient envers lui une obligation de diligence reconnue en common law, soit celle de se renseigner auprès de la SRC sur n’importe quel reportage ou litige. Il énonce ce même argument quant à la norme de diligence. Il n’a présenté aucune autre observation sur les éléments de la négligence.
[32] Je conviens avec le CRTC que le simple fait de plaider la négligence comme cause d’action contre les défendeurs n’établit pas une véritable cause d’action fondée sur la négligence. Il est clair, selon la Cour d’appel fédérale, que des formulations laconiques et catégoriques n’établissent pas une cause d’action valable : Merchant Law Group c Canada Agence du revenu, 2010 CAF 184 au para 34. Afin d’établir une cause d’action, ces formulations doivent être étayées, ou du moins appuyées, par des faits substantiels. La nouvelle déclaration modifiée ne contient pas les faits substantiels qui pourraient étayer une cause d’action valable pour négligence contre le CRTC ou la SRC. Le demandeur ne souhaite même pas utiliser le processus d’interrogatoire préalable contre le CRTC, ce qui est révélateur, à mes yeux, de la redondance avec le procès à venir relatif à l’action introduite au Manitoba, puisque seule la SRC est visée. Rien ne permet de conclure qu’il y a eu infraction, et les éléments essentiels d’une demande fondée sur la négligence ne sont pas établis non plus.
[33] Par conséquent, l’action en négligence déposée contre la SRC et le CRTC ne révèle aucune cause d’action valable. Je me tourne maintenant vers la prétendue infraction au Règlement.
[34] Je ne vois pas exactement en quoi les infractions alléguées sont liées au CRTC. Le Règlement n’impose aucune obligation au CRTC et ne s’applique pas du tout à ce dernier. Il régit les titulaires de licences, et non pas le CRTC. Il ne peut y avoir aucun préjudice découlant des actions ou des omissions du CRTC en raison d’infractions au Règlement.
[35] Même si le demandeur reproche au CRTC d’avoir été négligent, il réclame en réalité la tenue d’un examen administratif. La Cour fédérale n’a pas compétence pour instruire une demande de cette nature. La Cour d’appel fédérale a compétence exclusive pour connaître des demandes de contrôle judiciaire visant le CRTC, en vertu de l’alinéa 28c) de la Loi, ce qui englobe l’injonction demandée en l’espèce.
[36] Je suis d’accord avec la SRC pour dire qu’il n’y a pas de cause civile d’action fondée sur une infraction à la Loi sur la radiodiffusion, LC 1991, c 11 [la Loi sur la radiodiffusion] ou au Règlement. Ni la Loi sur la radiodiffusion ni le Règlement n’accorde au demandeur un droit légal d’engager une action reposant sur les infractions alléguées en l’espèce.
[37] Le demandeur ne peut avoir gain de cause à la lumière des arguments qu’il présente quant aux infractions au Règlement qui auraient été commises.
[38] En dernier lieu, le demandeur cherche à obtenir une ordonnance obligeant le CRTC à reconsidérer le renouvellement de la licence de la SRC. Je conviens avec le CRTC que cette demande vise à contester une mesure administrative. Il n’existe donc aucune cause d’action valable.
[39] Je souligne que, dans sa réponse, le demandeur a admis que son allégation de négligence contre le CRTC était [traduction] « exclue »
. Tout comme le CRTC, j’estime que le demandeur admet aussi que, n’eût été sa tentative de convertir sa demande en une demande de contrôle judiciaire, il aurait abandonné son action. Étant donné ces admissions et le fait que notre Cour n’est pas compétente pour instruire une action ou une demande visant le CRTC, cette prétention doit être rejetée.
[40] Même en interprétant les actes de procédure de façon généreuse et en tenant compte de l’énoncé au sujet des plaideurs non représentés, je parviens à la conclusion que l’action du demandeur ne peut être accueillie. Par conséquent, la nouvelle demande modifiée du demandeur et toutes les autres demandes antérieures doivent être radiées intégralement sans autorisation de modification.
[41] Même si j’ai tort quant à l’absence de causes d’action au titre de l’alinéa 221(1)a) des Règles, la demande pourrait être radiée en vertu de l’alinéa 222(1)b), au motif qu’elle est redondante, ou bien en vertu de l’alinéa 221(1)f), au motif qu’elle constitue un abus de procédure.
[42] Le demandeur a engagé une action contre la SRC au Manitoba qui fait double emploi et débutera dans un avenir proche. Le demandeur a été honnête quand il a expliqué avoir saisi la Cour fédérale parce que l’action introduite au Manitoba n’avançait pas assez vite vers l’étape du procès. La principale différence entre les deux actions tient à l’ajout du CRTC dans l’instance devant la Cour fédérale, où les contre-interrogatoires réalisés aux fins de l’action introduite au Manitoba servent de preuve, le demandeur faisant valoir qu’il n’a pas d’autre avenue pour présenter ses arguments et sa preuve étant donné que les parties ne lui transmettent aucun élément de preuve.
[43] Comme je l’ai mentionné plus haut, il n’y a aucune cause d’action contre le CRTC, alors même si ce dernier n’est pas une des parties à l’action introduite au Manitoba, cette action fait double emploi avec la demande en l’espèce et porte sur le même objet. La mesure injonctive demandée en l’espèce contre le CRTC est la même que l’injonction contre la SRC qui a été refusée dans le cadre de l’action introduite au Manitoba. Cette injonction visait à faire effacer les articles de journaux : voir Romana, au para 3. Par conséquent, il s’agit clairement d’une attaque indirecte contre une demande qui a déjà été tranchée, et rejetée, par un autre tribunal.
[44] Étant donné que toutes les questions en litige et tous les dommages concernant la SRC sont les mêmes, l’acte de procédure en l’espèce peut être considéré comme faisant double emploi et même être assimilé à un abus de procédure. L’action en cause semble être une tentative visant à ouvrir un deuxième front pour continuer d’exercer de la pression sur le premier front – l’action introduite au Manitoba.
[45] Il n’est pas nécessaire de statuer sur les autres motifs présentés par les défendeurs puisque les motifs exposés plus haut permettent de trancher l’affaire.
D. Aucune autorisation de modification subséquente
[46] Le demandeur a pu modifier sa déclaration à plusieurs reprises et s’est fait débouter en l’espèce. Il est évident et manifeste qu’aucune autre modification ne lui permettra pas d’obtenir gain de cause.
[47] À l’audience, le demandeur a soutenu qu’il devait être autorisé à continuer de modifier sa déclaration aussi souvent qu’il le souhaite, puisque les Règles le permettent. Cependant, toute modification éventuellement apportée à un acte de procédure doit révéler une cause d’action valable. L’action du demandeur n’est pas récupérable au moyen d’autres modifications. Comme je le souligne plus haut, le demandeur a engagé une action identique qui approche de l’étape du procès, de sorte que son droit en matière d’accès à la justice ne subira qu’un préjudice minimal, voire aucun préjudice.
E. La transformation de l’action
[48] Dans sa requête, le CRTC a souligné [traduction] « qu’une opposition à une décision, à une ordonnance, à une évaluation ou à une mesure du CRTC doit être présentée au moyen d’une demande d’autorisation d’interjeter appel ou d’une demande de contrôle judiciaire à la Cour d’appel fédérale »
. Dans sa réponse à cette requête, le demandeur a affirmé que le contrôle judiciaire était le moyen approprié et a demandé à notre Cour de convertir sa nouvelle déclaration modifiée en une demande de contrôle judiciaire.
[49] Cette transformation n’est pas possible dans les circonstances.
[50] Selon le paragraphe 18.4(2) de la Loi, il est effectivement permis qu’une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s’il s’agissait d’une action. Toutefois, ce n’est pas applicable en l’espèce. Une action peut être transformée en une demande conformément à l’article 57 des Règles. Il est clair que cet article a déjà servi à convertir une action en une demande : voir Sander Holdings Ltd c Canada (Ministre de l’Agriculture), 2006 CF 327 au para 27. L’article 57 des Règles est libellé comme suit :
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[51] En revanche, ce pouvoir ne s’applique pas aux demandes qui sont introduites en Cour d’appel fédérale. La conversion en vertu de l’article 57 des Règles ne permet pas de corriger le problème de fondement de la demande visant le CRTC, et il n’est donc pas nécessaire de décider s’il y a lieu de procéder à cette conversion. Notre Cour ne peut pas transformer la demande en une demande de contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale.
[52] Les observations du demandeur ne renferment rien d’autre qui pourrait raisonnablement appuyer ses arguments contre la SRC et le CRTC. Elles ne reposent sur aucun fondement juridique.
IV. Conclusion
[53] Ayant conclu que la demande en l’espèce et toutes les demandes antérieures du demandeur doivent être radiées intégralement sans autorisation de modification, j’accueillerai la requête en radiation des défendeurs.
V. Les dépens
[54] La SRC a déposé un mémoire de frais établi en conformité avec la colonne IV du tarif B totalisant 3 073,60 $.
[55] Le procureur général réclame des dépens de 1 050 $ sans les débours.
[56] Considérant que le demandeur n’est pas représenté par avocat et qu’il a admis certains points quand les problèmes d’ordre juridique relatifs à sa demande lui ont été signalés, et compte tenu de sa situation financière précaire, je lui ordonnerai de verser sans délai une somme globale (frais et débours compris) de 200 $ à la SRC et une somme globale (frais et débours compris) de 200 $ au CRTC.
ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T-628-22
LA COUR REND L’ORDONNANCE qui suit :
Toutes les déclarations sont radiées sans autorisation de modification;
Des dépens sont adjugés et doivent être versés sans délai par le demandeur, soit une somme globale (frais et débours compris) de 200 $ à la SRC et une somme globale (frais et débours compris) de 200 $ au CRTC.
En blanc
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« Glennys L. McVeigh » |
En blanc
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Juge |
Traduction certifiée conforme
Martine Corbeil
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Dossier : |
T-628-22 |
INTITULÉ :
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HAIMANA ROMANA c LE CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES ET AUTRES |
LIEU DE L’AUDIENCE :
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AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 15 AOÛT 2022
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ORDONNANCE ET MOTIFS : |
LA JUGE MCVEIGH
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DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :
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LE 25 OCTOBRE 2022
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COMPARUTIONS :
Haimana Romana |
POUR LE DEMANDEUR, (POUR SON PROPRE COMPTE) |
Keith McCullough Ryann Atkins |
POUR LE DÉFENDEUR, LE CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES POUR LA DÉFENDERESSE, LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
STOCKWOODS LLP
Avocats
Toronto (Ontario)
Procureur général du Canada Winnipeg (Manitoba) |
POUR LA DÉFENDERESSE, LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA POUR LE DÉFENDEUR, LE CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES |