Date : 20221021
Dossier : IMM‑6610‑21
Référence : 2022 CF 1442
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 21 octobre 2022
En présence de monsieur le juge Zinn
ENTRE :
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SAHRA AHMED HASSAN
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1] La présente demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par un agent du haut‑commissariat à Nairobi, au Kenya, par laquelle la demande de résidence permanente au Canada de la demanderesse a été rejetée, ne peut être accueillie. La demanderesse ne prétend pas que la décision est déraisonnable. Je suis d’avis que sa demande a été traitée de manière équitable et transparente.
[2] La demanderesse est une citoyenne somalienne qui réside au Kenya. Elle avait été inscrite à titre de membre de la famille dans la demande de résidence permanente présentée par son mari; ce dernier a obtenu la résidence permanente le 13 novembre 2018.
[3] Le 28 mars 2019, pendant le traitement de la demande de résidence permanente de la demanderesse, il lui a été demandé d’obtenir un certificat de police auprès des services de police du Kenya.
[4] Le 24 juin 2019, la demanderesse a fourni une déclaration sous serment signée par un notaire public indiquant qu’elle n’était pas en mesure d’acquérir un certificat de police; elle a aussi joint à sa déclaration sous serment une lettre du ministère des Affaires étrangères et une lettre de la Haute Cour du Kenya.
[5] Le 4 juillet 2019, les documents ont été soumis aux fins de vérification.
[6] Le 5 août 2019, le bureau du notaire public a confirmé que la signature apposée sur la déclaration sous serment n’était pas celle du notaire public.
[7] Dans ce contexte, une lettre relative à l’équité procédurale a été envoyée à la demanderesse le 4 septembre 2019. On peut y lire le passage pertinent suivant :
[traduction]
J’ai des motifs raisonnables de croire que vous n’avez pas respecté l’obligation suivante que vous impose le paragraphe 16(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés :
16(1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.
Plus précisément, je m’interroge sur l’authenticité de la déclaration sous serment et de la lettre du ministère des Affaires étrangères que vous avez fournies à l’appui de votre demande pour justifier l’absence d’un certificat de police du Kenya.
Veuillez noter que s’il est conclu que vous avez fait de fausses déclarations dans votre demande de visa de résidente permanente, vous pourriez être déclarée interdite de territoire aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. S’il est conclu que vous êtes ainsi interdite de territoire au Canada, l’interdiction durera cinq ans conformément à l’alinéa 40(2)a) […].
[Caractères gras dans l’original.]
[8] Le 5 octobre 2019, la demanderesse a répondu à la lettre relative à l’équité procédurale par l’intermédiaire de son mari :
À la suite de votre courriel, ma femme est retournée consulter l’avocat à Nairobi et les autorités subséquentes, y compris la Haute Cour du Kenya et le ministère des Affaires étrangères du Kenya, pour faire certifier le document une troisième fois et j’ai fait parvenir tous les documents le 1er octobre 2019 à votre bureau. En fait, toutes les autorités en question et l’avocat ont été surpris par l’allusion au fait que le document n’était pas légitime; bien au contraire, il est et était 100 % légitime et authentique, et je m’en porte garant.
[Non souligné dans l’original.]
[9] Le 29 septembre 2020, l’agent a communiqué le refus de la demande de résidence permanente à la demanderesse en indiquant ce qui suit :
[traduction]
Il vous a été demandé de fournir un certificat de police du Kenya. Vous n’avez pas fourni de certificat de police du Kenya, mais plutôt une déclaration sous serment à laquelle étaient jointes des lettres du ministère des Affaires étrangères du Kenya et de la Haute Cour du Kenya indiquant que vous ne pouvez pas obtenir de certificat de police du Kenya. Nous avons vérifié l’authenticité de la déclaration sous serment et de la lettre du ministère des Affaires étrangères. Il a été confirmé que ces documents ne sont pas des documents authentiques.
Compte tenu du fait que vous avez soumis des documents non authentiques qui sont directement liés à votre admissibilité au Canada, je ne suis pas convaincu que vous avez répondu véridiquement à toutes les questions et que vous avez fourni tous les éléments de preuve et les documents pertinents que l’agent peut raisonnablement exiger.
Le paragraphe 11(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés précise qu’un étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visas et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve s’il décide, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la Loi. Selon le paragraphe 2(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, toute mention de « la présente loi » renvoie également aux règlements pris sous son régime. Je ne suis pas convaincu que vous répondez aux exigences de la Loi et votre demande est donc rejetée.
[10] L’avocat de la demanderesse a déposé une demande de réexamen de la décision, en indiquant que la demanderesse avait retenu les services d’un consultant pour obtenir les documents, et que ces documents étaient frauduleux à l’insu de la demanderesse :
[traduction]
M. Moge nous a expliqué que sa femme, qui est une ressortissante somalienne, était au Kenya sans statut et qu’elle avait peur de demander un certificat de police auprès des services de police, car elle craignait qu’ils ne l’expulsent. Des amis lui ont recommandé d’aller consulter un avocat kenyan et l’ont dirigée vers le bureau d’Alice Jonathan Gulenywa. La femme de M. Moge a expliqué son problème à M. Gulenywa, qu’elle croyait être un avocat, et ce dernier lui a dit qu’il lui facturerait 250,00 USD pour lui fournir les documents dont elle avait besoin en vue de répondre aux exigences du haut‑commissariat du Canada. Mme Hassan pensait que tout était bien légitime et a accepté de payer la somme de 250,00 USD. Mme Hassan est retournée au bureau de M. Gulenywa quatre jours plus tard; elle a payé les 250,00 USD en espèces et elle a ensuite envoyé les documents par courrier au haut‑commissariat du Canada. Environ trois mois plus tard, Mme Hassan a reçu une autre communication du haut‑commissariat du Canada, dans laquelle il lui était demandé de fournir le certificat de police requis. Confuse, elle est retournée au bureau de M. Gulenywa, qui lui a dit que les documents avaient probablement été perdus par les services postaux. Il lui a dit qu’il produirait de nouveau l’ensemble des documents et qu’elle devrait envoyer ceux‑ci par courriel et par courrier recommandé cette fois‑ci.
Mme Hassan a dû payer 250,00 USD supplémentaires en espèces et a envoyé les documents au haut‑commissariat du Canada par courrier recommandé et par courriel. Tout au long de la procédure, elle pensait gérer correctement la situation et être aidée par un avocat.
[11] L’agent a refusé de réexaminer la décision et a déclaré ce qui suit :
[traduction]
La demanderesse aurait pu simplement demander un certificat de police auprès des services de police locaux pour une somme d’environ 10 $. Le fait que l’obtention de tels documents lui ait occasionné, à deux reprises, des frais de 250 $ alerterait une personne raisonnable dans la position de la demanderesse quant au fait que ces documents n’ont pas été acquis légalement ou légitimement. La demanderesse est ultimement responsable des documents qu’elle soumet.
[12] Le défendeur fait remarquer que la demanderesse ne conteste pas le caractère raisonnable de la décision rendue au titre des paragraphes 11(1) et 16(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27. Elle conteste plutôt ce qui a été décrit comme la [traduction] « transparence et l’équité »
du processus ayant mené à cette décision.
[13] La demanderesse se plaint du fait que la lettre relative à l’équité procédurale ne faisait pas mention des renseignements reçus par l’agent, en particulier, en ce qui a trait à la signature frauduleuse du notaire sur le document présenté. Elle affirme également que la présente demande de contrôle judiciaire était nécessaire parce que le défendeur ne l’avait pas informée qu’il n’invoquerait pas l’article 40.
[14] Je traiterai d’abord du second point. Les lettres de refus indiquent clairement que sa demande est rejetée parce qu’elle ne s’est pas conformée aux exigences du paragraphe 16(1). Les alinéas 40(1)a) et 40(2)a) sont mentionnés dans la lettre relative à l’équité procédurale, mais il en est ainsi, car il s’agit d’une lettre type. Comme il n’y a aucune autre référence à l’article 40, le point évoqué n’a tout simplement aucun fondement.
[15] Je rejette également l’argument selon lequel la lettre relative à l’équité procédurale du défendeur était lacunaire, parce qu’elle n’indiquait pas expressément que l’agent avait été informé par le notaire que la signature figurant sur le document avait été falsifiée.
[16] La lettre relative à l’équité procédurale était suffisamment précise, transparente et équitable lorsqu’elle indiquait ce qui suit : [traduction] « Plus précisément, je m’interroge sur l’authenticité de la déclaration sous serment et de la lettre du ministère des Affaires étrangères que vous avez fournies à l’appui de votre demande pour justifier l’absence d’un certificat de police du Kenya. »
[Non souligné dans l’original.]
[17] Si la demanderesse ne comprenait pas ce que cela signifiait, elle aurait dû retenir les services d’un avocat, ou alors son mari au Canada aurait dû se renseigner.
[18] La décision faisant l’objet du présent contrôle est raisonnable et ne peut être annulée. De plus, le processus décisionnel était raisonnable, équitable et transparent.
[19] Aucune question n’a été proposée aux fins de certification.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑6610‑21
LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.
« Russel W. Zinn »
Juge
Traduction certifiée conforme
M. Deslippes
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM‑6610‑21
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INTITULÉ :
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SAHRA AHMED HASSAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 19 OCTOBRE 2022
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE ZINN
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DATE DES MOTIFS :
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LE 21 OCTOBRE 2022
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COMPARUTIONS :
Paul Dineen
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POUR LA DEMANDERESSE
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Melissa Mathieu
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Chapnick & Associates
Cabinet d’avocats
Toronto (Ontario)
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POUR LA DEMANDERESSE
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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