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Date : 20221024

Dossiers : T-113-18

T-206-18

Référence : 2022 CF 1388

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 octobre 2022

En présence de monsieur le juge Lafrenière

Dossier : T-113-18

ENTRE :

ROVI GUIDES, INC. ET TIVO SOLUTIONS INC.

demanderesses/

défenderesses reconventionnelles

et

BELL CANADA

défenderesse/

demanderesse reconventionnelle

Dossier : T-206-18

ET ENTRE :

ROVI GUIDES, INC. ET TIVO SOLUTIONS INC.

demanderesses/

défenderesses reconventionnelles

et

TELUS CORPORATION, TELUS COMMUNICATIONS INC. ET TELUS COMMUNICATIONS COMPANY

défenderesses/

demanderesses reconventionnelles

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS

I. Aperçu

[1] Les deux affaires dont je suis saisi sont des procédures en contrefaçon de brevets et en validité de brevets, les deux introduites en application de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P-4.

[2] Ce sont des revendications découlant de quatre brevets portant sur la technologie de « guide d’émissions de télévision interactif » (GEI) et celle de « télévision par protocole Internet » (IPTV) qui sont en litige en l’espèce.

[3] D’un point de vue général, le GEI est un logiciel qui prépare l’affichage des listes d’émissions de télévision. Son interface permet à l’utilisateur d’interagir avec le contenu qui est affiché, notamment en faisant dérouler vers le haut ou le bas de la liste des émissions à l’aide d’une télécommande ou d’un autre appareil. Les données relatives à la programmation disponible sont transmises par le GEI à l’équipement de télévision de l’utilisateur, habituellement un décodeur, et ces données sont ensuite stockées en mémoire. Il convient de mentionner que les parties ont accepté lors du procès que les abréviations GEI (guide d’émissions interactif) et GEE (guide d’émissions électronique) soient interchangeables. Il avait été entendu que le sens de GEE est plus vaste, car le terme englobe l’ensemble des guides de programmation électroniques et des fonctionnalités possibles allant de la simple sélection de chaînes de télévision jusqu’à un accès avancé au Web.

[4] Le terme IPTV fait référence à la diffusion du contenu télévisuel sur les réseaux IP (protocole Internet). Il se distingue des modes classiques de diffusion télévisuelle qui transmettent par voie terrestre, par satellite ou par câble.

[5] Les revendications des brevets en l’espèce portent sur diverses caractéristiques de capacité, par exemple la gestion d’un répertoire numérique d’enregistrements, le visionnement d’émissions enregistrées sur un autre appareil, l’enregistrement de plusieurs émissions à la fois, la récupération de données des médias sur demande pour améliorer l’expérience utilisateur et le visionnement depuis le début d’une émission en cours de diffusion.

[6] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les revendications n’avaient rien de nouveau ou d’innovant au moment où les demandes de brevet ont été déposées; ces brevets sont par conséquent invalides. Les actions des demanderesses intentées à l’encontre des défenderesses pour contrefaçon des revendications sont par conséquent rejetées et les demandes reconventionnelles des défenderesses en vue d’obtenir des déclarations d’invalidité sont accueillies.

II. Les parties

[7] Les demanderesses et défenderesses reconventionnelles sont Rovi Guides, Inc., TiVo Solutions Inc. (TiVo) et d’autres membres de cette famille de sociétés. En 2020, TiVo et la société Xperi ont fusionné. Par souci de commodité, l’ensemble de ces sociétés sera désigné au singulier par le seul terme « Rovi ».

[8] La défenderesse et demanderesse reconventionnelle au dossier de la Cour no T-113-18 est Bell Canada (Bell).

[9] Les défenderesses et demanderesses reconventionnelles au dossier de la cour no T-206-18 sont TELUS Corporation, TELUS Communications Inc. et TELUS Communications Company (« TELUS » pour l’ensemble de ces sociétés).

[10] Bell et TELUS (parfois désignées comme étant « les défenderesses ») sont toutes deux des sociétés canadiennes de télécommunication qui offrent des services d’Internet, de téléphone et de télévision au Canada.

[11] En 2010, Bell a mis sur le marché le service IPTV « Télé Fibe » à ses abonnés de l’Ontario, du Québec, du Manitoba et des provinces de l’Atlantique. À peu près au même moment, TELUS a commencé à offrir son propre service IPTV appelé « Télé Optik » à ses abonnés de l’Alberta, de la Colombie-Britannique et du Québec.

III. Les brevets

[12] Au début de 2018, Rovi a intenté des actions distinctes à l’encontre de Bell et de TELUS pour faire valoir la contrefaçon de six de ses brevets et de plus de 200 revendications. Les questions portant sur la contrefaçon de deux des brevets de TiVo ont été abandonnées quelques mois plus tard.

[13] Rovi sollicite des mesures de réparation relativement aux quatre brevets suivants :

  • 1)le brevet canadien no 2 336 870 (brevet 870);

  • 2)le brevet canadien no 2 339 629 (brevet 629);

  • 3)le brevet canadien no 2 425 482 (brevet 482);

  • 4)le brevet canadien no 2 514 585 (brevet 585)

(désignés collectivement par « les brevets »).

IV. Les revendications

[14] À l’ouverture du procès, les revendications en contrefaçon de brevets ont diminué en nombre, passant de plus de 200 à 20. Les voici :

  • i)les revendications nos 346, 456, 721 et 724 du brevet 870 (revendications 870);

  • ii)les revendications nos 79, 80, 90 et 91 du brevet 629 (revendications 629);

  • iii)les revendications nos 1, 5, 13, 14, 41, 45, 53 et 54 du brevet 482 (revendications 482);

  • iv)les revendications nos 34, 36, 87 et 127 du brevet 585 (revendications 585)

(désignées collectivement par « les revendications »).

[15] Le brevet 870 porte sur les systèmes et méthodes visant à stocker des émissions et les données associées à ces émissions sur des serveurs distants ou locaux et permettant à un ou plusieurs utilisateurs de visionner ces émissions. Les revendications 870, elles, se subdivisent en deux groupes. La revendication 346 que les parties appellent « revendication 870A » porte sur la transmission et l’enregistrement de deux émissions en même temps. Les revendications 456, 721 et 724 et les « revendications 870C » portent sur la transmission pair-à-pair.

[16] Les revendications 629 portent sur un GEI doté de mémoire numérique intégrée qui sert à l’enregistrement d’émissions, au maintien des données du guide et à l’affichage de ces données.

[17] Les revendications 482 définissent les systèmes et les méthodes qui permettent la mise en cache des données audiovisuelles dans un service de vidéo sur demande (VSD) visant à minimiser le temps d’attente.

[18] Les revendications 585 portent sur les systèmes et les méthodes qui permettent à l’opérateur d’enregistrer des émissions en vue d’un visionnement futur sur un serveur distant, en fonction de critères de rétention, et de supprimer ces émissions par la suite.

V. Les mesures de réparation demandées par les parties

[19] La présente action a été scindée. Les questions relatives à la détermination des dommages-intérêts ou des bénéfices sont mises de côté jusqu’à ce que les questions de contrefaçon et de validité soient tranchées.

[20] Rovi cherche à obtenir un jugement déclaratoire confirmant la validité actuelle ou antérieure des revendications et la contrefaçon de Bell et de TELUS jusqu’à l’expiration des brevets. Elle cherche également à obtenir un jugement déclarant qu’elle a droit à la restitution des bénéfices. De plus, Rovi demande qu’il soit interdit à Bell et à TELUS de mettre en pratique l’objet défini dans les revendications 482 et les revendications 585 jusqu’à l’expiration des brevets.

[21] Dans leur demande reconventionnelle, Bell et TELUS font valoir l’invalidité des revendications pour divers motifs et soutiennent plus précisément que les revendications n’avaient rien de nouveau ou d’innovant au moment du dépôt des demandes de brevet. Elles demandent à la Cour de rejeter les revendications de Rovi et d’accueillir leurs demandes reconventionnelles. Si je devais en arriver à une conclusion différente et que l’étape de la détermination des dommages-intérêts s’impose en l’espèce, elles soutiennent qu’il ne faudrait pas accorder à Rovi le droit de demander la restitution des bénéfices ou une ordonnance d’interdiction.

VI. Les faits relatifs au litige

[22] Pour comprendre ce qui a mené au présent litige, il est nécessaire de passer brièvement en revue la preuve déposée.

[23] Rovi détient des milliers de brevets déposés dans plusieurs États du monde, et des centaines de brevets déposés au Canada. Rovi fournit aux consommateurs des technologies en divertissement numériques, notamment des GEI, pour aider ceux-ci à trouver une programmation d’intérêt. Elle octroie également des licences à des sociétés tierces qui ont leurs propres solutions de divertissement numérique pour utiliser les technologies brevetées de Rovi, qui sont une propriété intellectuelle.

[24] Rovi investit en recherche et développement des centaines de millions de dollars. Depuis longtemps, Rovi fait preuve d’innovation et de nombreuses caractéristiques brevetées font partie de ses produits. Rovi octroie des licences de brevets tirés de son portefeuille aux fournisseurs de télévision par câble et IPTV dans le monde entier, notamment au Canada.

[25] En 2012, Rovi a d’abord approché Bell pour lui proposer les quelque 200 brevets de son portefeuille de GEI, qui étaient en instance ou brevetés au Canada. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Par la suite, Rovi a contacté TELUS dans le même but.

[26] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||

[27] Lorsqu’elles ont lancé leurs services IPTV, vers 2010, Bell et TELUS ont choisi le logiciel « Mediaroom » de Microsoft pour exploiter leurs systèmes. Étant fabricant et fournisseur du logiciel Mediaroom, Microsoft avait la responsabilité de s’occuper de toute question relative aux brevets concernant son logiciel. Microsoft bénéficiant d’une couverture grâce à une entente mutuelle avec Rovi sur la question des brevets, Bell et TELUS étaient couverts au moment du lancement de leur système IPTV.

[28] Vers 2013, Telefonaktiebolaget LM Ericsson (Ericsson) a fait l’acquisition de Mediaroom qui appartenait à Microsoft. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||.

[29] Pendant des années, Rovi était en discussion avec Bell, TELUS et Ericsson au sujet de la nécessité d’une licence concernant les brevets du portefeuille de Rovi. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||

[30] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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[32] Lors de ces négociations, Rovi n’a pas fait mention à Bell et à TELUS du brevet 482 ou du brevet 585. Elle n’a pas fait mention non plus à Bell du brevet 870, ne soulevant que les revendications du brevet 629 qu’elle n’a pas fait valoir au procès. Au cours de la même période, Rovi a examiné les systèmes IPTV des défenderesses et modifié le brevet 870 en y ajoutant des revendications invoquées en l’espèce.

[33] En définitive, Bell, TELUS et Ericsson ont refusé l’ensemble des licences que Rovi leur demandait d’accepter.

VII. Le procès

[34] Les deux instances ont été entendues ensemble sur preuve commune. La partie du procès portant sur la preuve s’est déroulée virtuellement et par voie électronique sur seize jours.

[35] Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits qui était long et détaillé. Il s’y trouve un rappel utile de ce qu’étaient les connaissances générales courantes d’une personne versée dans l’art au moment pertinent relativement aux brevets et aussi un exposé conjoint de l’art antérieur qui avait été divulgué et rendu public avant chaque brevet.

[36] Le procès en l’espèce s’est déroulé peu après que s’est terminé un autre procès en contrefaçon de brevets, intenté par Rovi contre Vidéotron Ltée, une autre entreprise canadienne de télécommunications. La décision au terme de ce procès a été rendue le 23 juin 2022 : voir Rovi Guides, Inc c Vidéotron Ltée, 2022 CF 874 [Rovi no 1].

[37] Dans l’affaire Rovi no 1, il y avait quatre brevets en litige, dont le brevet 870 et le brevet 629. J’avais alors conclu que les revendications 456, 459, 720 et 721 du brevet 870 et les revendications 79 et 80 du brevet 629 étaient invalides. J’effectuerai un nouvel examen de ces revendications en l’espèce étant donné que de nouveaux experts techniques ont été appelés, que les opinions exprimées et les témoignages entendus n’étaient pas les mêmes, que les avocats ont eu recours à une nouvelle stratégie pour contre-interroger les experts et que les observations finales des parties étaient adaptées à la preuve présentée au procès.

[38] La preuve présentée dans le procès de Rovi no 1 et en l’espèce est essentiellement la même, car elle porte sur l’évolution des GEE et des GEI au fil des ans, l’historique de la société Rovi, l’octroi de licences de Rovi et certains aspects des connaissances générales courantes qui ne sont pas contestés. Plutôt que de répéter la preuve, je propose une lecture conjointe de la décision Rovi no 1 et de la présente décision pour prendre connaissance de la preuve en l’espèce.

[39] Les plaidoiries finales devaient avoir lieu quelques semaines après la fin de la présentation de la preuve; l’audience a toutefois été reportée en raison de ma soudaine indisponibilité pour des raisons de santé. C’est avec regret que j’ai dû reporter l’examen des observations des parties et le prononcé des présents jugement et motifs.

VIII. Mot d’ouverture sur l’état de l’art

[40] Avant d’entrer dans les subtilités des questions soulevées en l’espèce, il serait utile de faire un tour d’horizon de l’état de la technique qui existait avant la date de priorité des brevets en question.

[41] Aux paragraphes 122 à 127 de ses observations finales, Rovi fait état de son point de vue sur l’état du secteur de la télévision à la fin des années 1990, qui équivaudrait presque à l’âge de pierre des techniques actuelles. Voici l’intégralité de ces observations, sans les notes de bas de page :

[traduction]

122. Il est important que la Cour ne perçoive pas les inventions brevetées du point de vue des technologies actuelles, car la priorité des brevets 870 et 629 remonte particulièrement loin dans le temps. Le manque de recul possible s’aggraverait d’autant plus que la technologie télévisuelle en question dans les brevets 870 et 629 est omniprésente aujourd’hui dans tous les foyers.

123. Dans les années 1980, le groupe United Video Satellite faisait le lancement d’un guide analogique pour la télévision appelé « Prevue Channel », qui est perçu aujourd’hui comme ayant été l’un des premiers GEE. Ce guide ne nécessitait pas de décodeur et n’était pas interactif. Il s’agissait d’une grille déroulante apparaissant sur une chaîne qui était habituellement fixe.

124. L’image ci-dessous représente à gauche un guide primitif déroulant des émissions diffusées que Jones Intercable de Napierville (Illinois) proposait à la fin des années 1980. L’image à droite représente le Prevue Guide des années 1990, un guide à peine plus sophistiqué dont les fonctionnalités étaient très limitées :

125. Au début des années 1990, il y a eu croisement de plusieurs progrès technologiques qui ont abouti à la télévision numérique et à une version numérique des GEE. Par exemple, la norme de vidéo numérique MPEG servant à la transmission par téléphone ou câble a été mise en application autour de 1994. Elle nécessitait un dispositif, appelé aujourd’hui décodeur, pour décoder le signal numérique MPEG entrant.

126. L’année 1997 a annoncé la mise en marché des premiers décodeurs munis d’un GEI. Le guide ainsi offert était généré à l’aide d’un logiciel contenu dans le décodeur au lieu d’être diffusé sur une chaîne. Les premières versions des GEI étaient primitives en comparaison avec la technologie d’aujourd’hui. La programmation de ces premiers GEI était déroulante de haut en bas pour la liste des chaînes et de droite à gauche pour l’heure de diffusion. L’utilisateur pouvait sélectionner une émission en diffusion et appuyer sur une touche pour démarrer le visionnement. Il pouvait également obtenir des renseignements sur une émission en la sélectionnant. Essentiellement, c’était tout ce que l’utilisateur pouvait faire.

127. À compter de 1998 (la priorité des brevets 629 et 870 date de cette époque), les GEI disponibles n’offraient que des fonctions très élémentaires : affichage du guide et description des émissions, tri et filtrage de contenu, enregistrement sur magnétoscope. L’enregistreur vidéo numérique (DVR) n’était pas encore commercialisé et les systèmes de vidéo sur demande (VSD) n’étaient disponibles qu’en phase d’essais.

[42] Rovi voudrait bien me convaincre que la technologie des GEI n’en était qu’à ses premiers balbutiements en 1998, mais rien n’est plus faux.

[43] La preuve dont je dispose montre que les systèmes de télévision interactive étaient alors disponibles à grande échelle et que les GEI étaient en usage bien avant 1998. Les concepts sur lesquels ces systèmes reposent étaient largement connus dans le secteur informatique depuis des années.

[44] En 1995, Time Warner faisait la promotion de son Full Service Network, à l’essai pour la télévision, qui était muni d’un GEI offrant des fonctions évoluées aux utilisateurs visionnant une émission : avance rapide, retour en arrière, pause, magasinage, etc.

Time Warner slide

[45] De même, StarSight, fournisseur de GEE dans les années 1990, offrait un guide interactif qui permettait l’enregistrement d’émissions à même le guide. Le guide de StarSight, présenté ci-dessous, est un exemple de GEI qui permettait d’enregistrer des émissions avec leurs renseignements en 1997.

Starsight

[46] De plus, il s’était produit une convergence des secteurs informatique et télévisuel. Dans le brevet Florin[1] déposé par Apple Computer Inc. et publié le 10 décembre 1996, soit bien avant la priorité de tout brevet en l’espèce, l’inventeur Fabrice Florin donne la description suivante de l’état de l’art :

[traduction]

Depuis les quarante dernières années, la télévision et le cinéma occupent une place de plus en plus importante de la vie quotidienne dans le monde industrialisé. L’évolution de technologies avancées dans les domaines de la télévision numérique et à haute définition (TVHD), de l’enregistrement vidéo, des systèmes de divertissement sur disque laser ou compact (CD) auxquels s’ajoutent les services de télévision et de téléphone par satellite ou câble, offre la possibilité d’enregistrer, de récupérer et de sélectionner un produit dans les diverses offres télévisuelles ou audiovisuelles ou la programmation interactive issue d’un système de divertissement au foyer. Grâce aux améliorations apportées aux systèmes informatisés offerts au grand public dans la dernière décennie, il existe aujourd’hui une variété d’ordinateurs personnels puissants miniaturisés qui permettent le stockage de données et le contrôle d’appareils domestiques, notamment les systèmes de divertissement, au moyen de microprocesseurs. De plus, l’avènement d’un éventail d’interfaces graphiques a facilité l’interaction de l’utilisateur avec ces nouveaux systèmes informatiques.

[47] Florin ajoute : [traduction] « Le mariage des technologies de la vidéo et de la télévision et des technologies d’interface informatiques offre aux consommateurs une flexibilité maximale pour le stockage, la récupération et le visionnement d’émissions de télévision et de produits audiovisuels. »

[48] Même si les parties ont ergoté sur la vitesse de la convergence entre les secteurs informatique et télévisuel, nul ne conteste que cette convergence était connue. L’intégration des GEI dans les systèmes de télévision interactifs visant l’enregistrement et la gestion des systèmes de télédiffusion faisait partie des connaissances générales courantes dès le milieu des années 1990. Les grandes sociétés s’activaient à intégrer ces concepts pour les déployer en systèmes télévisuels dans le monde. C’est le cas de Microsoft qui, en 1997, a annoncé son intention d’intégrer un GEE dans son système d’exploitation.

[49] Je suis pleinement conscient que le succès des essais menés par les sociétés de télécommunications n’a pas mené au succès du déploiement de leurs systèmes vidéo numériques, que le degré d’interactivité des GEE variait considérablement et que la transmission numérique n’est apparue dans les systèmes de télévision par câble qu’à la fin des années 1990. Cependant, les concepts, eux, étaient si bien connus qu’ils faisaient déjà partie d’une norme à l’échelle du secteur que le Digital Audio-Visual Council a publié en mars 1998. Il s’agit de la spécification DAVIC 1.3.1 (DAVIC 1.3.1).

[50] Rovi a relégué la norme DAVIC 1.3.1 au rang de simple document conceptuel de haut niveau qui n’offre aucun conseil ou enseignement concret. Selon ses mots, DAVIC 1.3.1 serait une [traduction] « aiguille dans une botte de pièces Lego », un document qui « couvre tout, mais ne dit pratiquement rien ». Pour ma part, j’estime au contraire que DAVIC 1.3.1 représente un tableau des connaissances générales courantes dans le domaine qui a été brossé tout juste avant la date de dépôt de tous les brevets en litige.

[51] Il importe de souligner que DAVIC n’a pas contribué à l’invention de nouvelles technologies; ses membres se sont plutôt rassemblés pour discuter et normaliser la technologie qui, déjà, existait et était en usage. DAVIC 1.3.1 présente un mémoire complet précisant le minimum nécessaire des systèmes numériques audiovisuels en ce qui concerne les outils et le comportement dynamique pour atteindre l’interopérabilité de bout en bout entre pays, applications et services. Cette spécification détaille ce que les acteurs du secteur voyaient comme étant l’ensemble des caractéristiques en évolution auxquelles les plateformes de télévision auraient accès. Divisée en quatorze parties s’étalant sur plus de 1 500 pages, elle montre également la façon pour une personne versée dans l’art de mettre en œuvre les systèmes qui seraient conformes à DAVIC 1.3.1 et l’utilisation des ensembles d’outils. C’est cette spécification qui a été acceptée dans le secteur comme étant la norme de référence.

[52] Rovi prétend que les sociétés innovantes de l’époque se heurtaient à des limites technologiques importantes parce que les capacités de la mémoire et du disque dur des décodeurs étaient restreintes et que le passage de la télévision analogique à la télévision numérique s’est avéré difficile en raison de contraintes sur la largeur de bande et la fréquence. Cependant, aucun élément de preuve présenté ne montrait l’approche ou les étapes techniques nécessaires à prendre pour mettre en œuvre les avancées revendiquées dans les brevets qui n’auraient pas fait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art.

[53] Enfin, aucun des brevets ne relève de problème technique pour lequel l’objet revendiqué aurait offert une solution. Il existe une raison simple de l’expliquer : il était entendu dans le domaine que la personne versée dans l’art savait comment s’y prendre.

IX. Les témoins

A. Les témoins de Rovi

[54] Rovi a appelé trois témoins des faits, soit M. Samir Armaly, M. Michael Ellis et M. Clay Gaetje.

[55] M. Armaly est président des affaires de propriété intellectuelle chez Xperi. Après s’être joint à titre d’employé à Rovi lorsque celle-ci s’appelait Gemstar-TV Guide (Gemstar), il s’est ensuite occupé du portefeuille de brevets de la société à titre d’avocat. Au fil des ans, les rôles et les responsabilités qu’il assumait ont gagné en importance. Il est devenu vice-président directeur de Rovi en matière de propriété intellectuelle et de licences sur les brevets et il est à présent son conseiller stratégique en protocole Internet (IP). Son témoignage portait sur l’historique de la société Rovi et sur les innovations, les contentieux et pratiques en matière de licences chez Rovi. Il a livré un témoignage détaillé sur les démarches de Rovi pour convaincre Bell, TELUS et Ericsson de signer un accord d’octroi de licences.

[56] M. Ellis, pour sa part, fait partie des inventeurs nommés dans chacun des brevets. Au milieu des années 1990, il a travaillé pour diverses sociétés de Rovi, dont TV Guide On Screen, Prevue Networks et Gemstar. Son témoignage portait sur les processus de recherche et développement dans les premières années de Rovi. Le rôle de M. Ellis a évolué au fil des années passées chez Rovi pour inclure la gestion de plusieurs groupes de développement et l’architecture de système.

[57] Enfin, M. Gaetje est vice-président du développement des affaires de propriété intellectuelle chez Xperi. M. Gaetje s’est joint en 2007 à Gemstar, une société remplacée par Rovi. Jusqu’au début de 2014, il était vice-président de l’octroi de licences de propriété intellectuelle pour cette société. M. Gaetje est revenu par la suite chez Rovi en 2018 pour devenir vice-président du développement des affaires de propriété intellectuelle. Il avait la responsabilité de négocier l’octroi de licences dans le monde entier auprès des fournisseurs de télévision payante. Il a donné une vue d’ensemble détaillée de l’offre de produits de Rovi et de l’octroi de licences IP au Canada. M. Gaetje a participé aux négociations avec Bell, TELUS et Ericsson et a préparé des présentations de diapositives pour faciliter les discussions.

[58] Rovi a aussi appelé deux experts techniques. M. Timothy Wahlers est le seul expert ayant témoigné sur les questions de contrefaçon et de validité. Il cumule plus de trente ans d’expérience en plateformes de télévision interactive, en plateformes clients et infonuagiques, en technologies de VSD et d’enregistreur vidéo numérique. Il a été reconnu compétent pour se prononcer sur les applications logicielles et les interfaces de la télévision interactive avec décodeur, sur les ordinateurs personnels et les plateformes Web, sur les systèmes de télédiffusion, d’enregistrement vidéo numérique et de VSD, sur les plateformes de gestion de contenu, sur les plateformes infonuagiques, sur la gestion des droits numériques et sur les systèmes multimédias.

[59] Le deuxième expert technique à témoigner était M. Jerry Barth. Il a mené les essais des systèmes de Bell et de TELUS en lien avec le brevet 482.

[60] Rovi a appelé deux autres experts pour livrer un témoignage sur le droit à la réparation, MM. Coleman Bazelon et Andrew Harington.

[61] M. Bazelon a été reconnu compétent pour témoigner à titre d’expert sur l’économie, la valeur de la propriété intellectuelle, la reconstitution théorique du marché, le calcul de droits raisonnables dans les cas de contrefaçon de brevet et l’évaluation quantitative des dommages-intérêts.

[62] M. Harington a été reconnu compétent pour livrer un témoignage d’expert en juricomptabilité, en évaluation commerciale et en évaluation quantitative des mesures de réparation financière, dont la restitution des bénéfices dans les cas de contrefaçon de brevet.

B. Les témoins des défenderesses

[63] Bell et TELUS ont appelé chacune un témoin des faits. M. Andy Basler et M. Shawn Omstead ont livré un témoignage sur les activités et les services de TELUS et de Bell respectivement.

[64] Deux experts techniques ont été appelés par Bell et TELUS sur les questions relatives à la responsabilité.

[65] M. Gordon Kerr a livré un témoignage portant sur la validité et la contrefaçon des brevets 629 et 870. M. Kerr est un ingénieur en télécommunications qui compte plus de 20 ans d’expérience. Il a travaillé chez British Telecommunications PLC (BT) depuis les années 1980 jusqu’au milieu des années 1990. Il a participé au développement du premier système commercial de VSD, soit l’« Interactive TV Trial » de BT, et du programme « Interactive Multimedia Futures » (avenir des multimédias interactifs) de BT. De plus, M. Kerr a été étroitement associé de 1995 à 1997 à DAVIC, un organisme sans but lucratif du secteur établi à Genève. DAVIC développait à l’époque des normes portant sur les applications audiovisuelles numériques qui ont abouti à la publication en 1998 de la spécification DAVIC 1.3.1.

[66] M. David Robinson est un ingénieur en logiciels et un architecte de réseaux qui compte plus de trente ans d’expérience dans la diffusion de contenu multimédia sur les réseaux distribués, dont Internet. De plus, depuis le milieu des années 1990 jusqu’au début des années 2000, il a fortement contribué à divers organismes de normalisation, dont DAVIC. Il a présenté ses avis sur les brevets 585 et 482.

[67] Bell et TELUS ont appelé un expert sur le droit à la réparation. M. Christopher Bakewell est un évaluateur principal accrédité en évaluation commerciale et un professionnel certifié en octroi de licences. Il a été reconnu compétent pour livrer son avis sur l’évaluation et l’estimation des droits de propriété intellectuelle et des actifs incorporels, sur l’évaluation commerciale, sur l’octroi de licences et sur l’analyse des redevances et des dommages-intérêts.

X. Les tactiques judiciaires déloyales des défenderesses alléguées par Rovi

[68] Rovi fait valoir que Bell et TELUS jouaient au plus fin lors de la procédure judiciaire portant sur la contrefaçon de brevets. D’abord, elle prétend que les défenderesses ont sciemment choisi de ne pas divulguer des informations techniques à leurs experts et de refuser l’accès aux services de Télé Fibe et de Télé Optik. Elles auraient plutôt fourni des projections à M. Kerr et M. Robinson sans toutefois produire d’éléments de preuve à l’appui de ces projections. Ensuite, Rovi réprouve la décision de Bell et de TELUS de ne pas avoir appelé de témoins des faits pour les questions techniques, alors qu’elles avaient informé au moins un de leurs experts qu’il serait appelé à témoigner. Selon Rovi, la stratégie des défenderesses dans le présent litige ne vise pas à présenter à la Cour tous les éléments de preuve pertinents pour que la Cour puisse rendre une décision juste et éclairée, car elles s’amusent à faire « disparaître la balle sous le gobelet ».

[69] À mon avis, ces arguments ne sont pas fondés.

[70] Même si Rovi est en désaccord avec les directives que les défenderesses ont données aux experts et déplore la décision des défenderesses de ne pas appeler certains témoins, il demeure que le fardeau de démontrer la contrefaçon selon la prépondérance des probabilités incombe à la partie qui en fait l’allégation : voir l’arrêt Monsanto Canada Inc c Schmeiser, 2004 CSC 34, au para 29 [Schmeiser]. En l’espèce, c’est à Rovi qu’incombe ce fardeau.

[71] Dans la plupart des affaires de contrefaçon de brevet, lorsque l’interprétation de la revendication est terminée, il est évident d’après les faits s’il y a eu contrefaçon ou non. L’interprétation des revendications est une question de droit, mais la question de savoir si les activités d’un défendeur relèvent du monopole ainsi défini est une question de fait : voir l’arrêt Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 [Whirlpool], au para 76.

[72] En l’espèce, la plupart des questions de contrefaçon qui sont en litige reposent sur des interprétations et non sur le mode de fonctionnement des systèmes exploités par les défenderesses. Bell et TELUS se sont largement appuyées sur la preuve présentée par Rovi pour montrer l’absence de contrefaçon. Il convient également de noter que les défenderesses ne nient pas la contrefaçon alléguée dans bon nombre des revendications. Les arguments des défenderesses ciblent essentiellement la validité même des revendications invoquées en l’espèce.

[73] Bell et TELUS ont parfaitement le droit de décider de la meilleure manière de répondre aux allégations de contrefaçon portées contre elles. C’est à elles que revient le choix des hypothèses sur lesquelles leurs experts devraient s’appuyer pour émettre leur avis. Il ne leur incombe pas de fournir des éléments de preuve lorsque c’est à Rovi qu’incombe le fardeau de la preuve. Il leur incombait plutôt de montrer l’invalidité des revendications selon la prépondérance des probabilités.

XI. Les conclusions sur la crédibilité (questions de responsabilité)

[74] Selon Rovi, il conviendrait de privilégier les témoignages de MM. Wahlers et Barth à ceux de MM. Kerr et Robinson, les experts de Bell et de TELUS.

[75] Selon Bell et TELUS, il conviendrait plutôt de n’accorder que peu de poids, voire aucun, au témoignage de M. Wahlers. De l’avis des défenderesses, la Cour devrait fortement privilégier les témoignages de MM. Kerr et Robinson s’il y a divergence entre les avis d’experts.

[76] Je présente ci-dessous les principales critiques soulevées par les parties à l’égard des témoins mentionnés ci-dessus, ainsi que mes observations d’ordre général relativement à la crédibilité et à la fiabilité des témoignages entendus.

A. M. Barth

[77] Rovi soutient qu’il faudrait privilégier le témoignage de M. Barth à ceux des experts techniques des défenderesses; cependant, leurs témoignages ne se contredisaient pas. M. Barth n’était pas reconnu compétent en matière d’interprétation des revendications ni en matière de contrefaçon ou de validité de brevet. M. Barth avait plutôt pour mission de mener des essais factuels pour déterminer de quelle façon et à quel moment la récupération, le stockage et l’affichage de données s’effectuaient. M. Barth a fourni des éléments de preuve utiles, cohérents et fiables, à tel point que tant MM. Wahlers et Robinson se sont appuyés sur les résultats de ses essais pour donner leur avis sur la contrefaçon du brevet 482.

B. M. Wahlers

[78] Rovi fait valoir que M. Wahlers est un expert objectif et mesuré qui compte plus de trente ans d’expérience hautement pertinente. Elle soutient qu’il faudrait privilégier le témoignage de M. Wahlers à ceux de MM. Kerr et Robinson en raison de l’ampleur de son expérience pertinente, de l’envergure des essais qu’il a menés sur les services en litige, de la rationalité dont il a fait preuve en contre-interrogatoire pour défendre ses avis.

[79] Même si elles ne contestent pas l’ampleur de l’expérience et des connaissances de M. Wahlers, les défenderesses sont d’avis qu’il ne faudrait accorder que peu de poids, voire aucun, à son témoignage en raison de sérieux problèmes de crédibilité.

[80] Lors de l’interrogatoire principal, M. Wahlers a fait bonne impression en livrant un témoignage avec autorité et confiance. Il ne m’a pas laissé la même impression lorsqu’il a été contre-interrogé par l’avocat des défenderesses, M. Steven Mason. Ce qui est arrivé lors du contre-interrogatoire était des plus étonnants, à tel point que la crédibilité de M. Wahlers s’est effritée. Permettez-moi de m’expliquer.

[81] M. Mason a d’abord demandé à M. Wahlers de confirmer que c’était bien lui qui avait préparé les rapports sur la contrefaçon du 30 janvier 2020, les rapports sur la validité du 3 avril 2020 et les réponses. M. Wahlers l’a confirmé.

[82] M. Wahlers a reconnu que Rovi avait retenu ses services à la fin août 2019 et que la charge de travail en vue de rédiger les rapports sur la contrefaçon était substantielle. Ce travail impliquait une lecture attentive des brevets en litige (notamment le brevet 870 auquel 999 revendications sont attachées, dont l’importance a surpris M. Wahlers), l’élaboration de protocoles en vue de mener des essais sur les produits des défenderesses afin de prouver la contrefaçon, des déplacements dans tout le pays pour procéder aux essais et l’interprétation des nombreuses revendications formulées par Rovi au départ.

[83] M. Wahlers a également reconnu qu’il était pressé par le temps pour rédiger quatre rapports distincts sur la validité de chaque brevet en litige en vue de répondre aux rapports détaillés de MM. Kerr et Robinson, lesquels renvoyaient à environ 50 éléments d’antériorité.

[84] M. Wahlers a admis que deux éléments d’antériorité, Browne[2] et DAVIC 1.3.1, avaient une importance pour la revendication 870A, que Browne, DAVIC 1.3.1 et Girard[3] étaient des éléments d’antériorité importants pour des revendications qui ne sont plus en litige et que DAVIC 1.3.1 et Hair[4] renvoyaient à des éléments d’antériorité importants pour les revendications 870C.

[85] M. Mason a par la suite partagé son écran pour montrer à M. Wahlers une diapositive du paragraphe 61 de son rapport en réponse du 3 avril 2020 portant sur la validité du brevet 870. Cette diapositive dont les passages sont en surbrillance est reproduite ci-dessous.

[TRADUCTION]

61. DAVIC n’indiquait pas de quelle manière les technologies étaient mises en application dans le domaine à cette époque; il s’agissait seulement d’une liste des fonctions souhaitées. DAVIC n’enseigne pas au lecteur la manière de mettre en application aucune des caractéristiques ni de quelle manière l’une des fonctions de cette « liste de souhaits » pourrait être réalisée. Par exemple, M. Kerr allègue que « DAVIC 1.3.1 relève les solides exigences en réseau électronique domestique pour qu’un système soit conforme à la norme DAVIC » (Rapport Kerr 870, au para 115). Premièrement, au mieux de ma connaissance directe, je n’ai pas eu connaissance du montage d’un seul « système conforme à la norme DAVIC ». Deuxièmement, DAVIC n’a pas fourni d’exigences « solides »13. Les sections auxquelles M. Kerr renvoie dans ce paragraphe n’étaient que des fonctions « prévues » présentées au tableau 7-1 : Tableau des fonctions. La section 15 à laquelle M. Kerr renvoie, intitulée « Home Network Functions » (fonctions de réseau domestique), ne fournit rien d’autre que la formulation à laquelle M. Kerr renvoie (ces sections sont marquées d’un cadre rouge et d’une flèche) :

[86] M. Mason a demandé à M. Wahlers si le choix des mots et la mise entre guillemets de l’expression « liste de souhaits » avaient été délibérés. M. Wahlers a répondu « Oui ».

[87] M. Mason a ensuite demandé à M. Wahlers s’il connaissait quelqu’un du nom de Ravin Balakrishnan. M. Wahlers a affirmé que ce nom « ne lui disait rien ». M. Mason a informé M. Wahlers que M. Balakrishnan était l’expert de Rovi appelé dans l’affaire en contrefaçon de brevet dont notre Cour avait été saisie quelques semaines plus tôt (Rovi no 1) et que celui-ci avait préparé, avant que M. Wahlers ne prépare les siens, un rapport d’expert portant lui aussi sur le brevet 870 et le brevet 629 et sur certains des mêmes éléments d’antériorité, dont DAVIC 1.3.1.

[88] Ensuite, M. Wahlers a pu voir une capture d’écran du paragraphe 61 de son rapport sur la validité du brevet 870 vis-à-vis du paragraphe 53 du rapport de M. Balakrishnan portant sur le même brevet et qui datait du 20 janvier 2020.

[traduction]

Rapport d’expert en réponse de Timothy Wahlers sur la validité (brevet canadien no 2 336 870), daté du 3 avril 2020, au para 61.

61. DAVIC n’indiquait pas de quelle manière les technologies étaient mises en application dans le domaine à cette époque; il s’agissait seulement d’une liste des fonctions souhaitées. DAVIC n’enseigne pas au lecteur la manière de mettre en application aucune des caractéristiques ni de quelle manière l’une des fonctions de cette « liste de souhaits » pourrait être réalisée. Par exemple, M. Kerr allègue que [traduction] « DAVIC 1.3.1 relève les solides exigences en réseau électronique domestique pour qu’un système soit conforme à la norme DAVIC » (Rapport Kerr 870, au para 115). Premièrement, au mieux de ma connaissance directe, je n’ai pas eu connaissance du montage d’un seul « système conforme à la norme DAVIC ». Deuxièmement, DAVIC n’a pas fourni d’exigences « solides »13. Les sections auxquelles M. Kerr renvoie dans ce paragraphe n’étaient que des fonctions « prévues » présentées au tableau 7-1 : Tableau des fonctions. La section 15 à laquelle M. Kerr renvoie, intitulée « Home Network Functions » (fonctions de réseau domestique), ne fournit rien d’autre que la formulation à laquelle M. Kerr renvoie (ces sections sont marquées d’un cadre rouge et d’une flèche) :

[traduction]

Rapport d’expert en réponse de Ravin Balakrishnan sur la validité

(daté du 20 janvier 2020), au para 53.

53. Je suis généralement d’accord avec les commentaires de M. Sandoval apparaissant sous les titres « Décodeurs » et « Interface utilisateur ». Je reprends les commentaires de M. Sandoval selon lesquels le Digital Audio Video Council (aussi connu par l’acronyme DAVIC) était un organisme sans but lucratif de Suisse. Son objectif était de favoriser la réussite d’applications et de services numériques audiovisuels interactifs par la dissémination de spécifications portant sur les interfaces et les protocoles ouverts qui optimisent le bon fonctionnement de systèmes multiples au-delà des frontières et de diverses applications servant à de multiples services et à divers secteurs. Le renvoi à DAVIC qui a été cité dans le rapport de Sandoval propose des fonctions de systèmes et une fonctionnalité souhaitable2. DAVIC ne nous renseigne pas sur les technologies qui ont été mises en application dans le domaine; il s’agirait plutôt d’une liste des fonctions souhaitées. DAVIC n’enseigne pas au lecteur la manière de mettre en application aucune des caractéristiques ni de quelle manière l’une des fonctions de cette « liste de souhaits » pourrait être réalisée.

[89] Lorsque les fortes ressemblances de ces formulations lui ont été relevées – il s’agit des passages en surbrillance des deux paragraphes –, M. Wahlers a reconnu qu’elles étaient essentiellement identiques, mis à part le temps des verbes. C’est dans ce contexte que l’échange qui suit a eu lieu :

[traduction]

Q. Il semblerait que les phrases de votre rapport qui sont en surbrillance ont été copiées du rapport de M. Balakrishnan. Êtes-vous d’accord?

R. Non, absolument pas.

Q. Ce serait une simple coïncidence frappante que vous ayez pris dans votre rapport les mêmes mots que ceux de M. Balakrishnan dans son rapport?

R. Je me suis concentré uniquement sur mon rapport. Je ne connais pas bien... je ne crois pas avoir jamais entendu son nom. Je n’ai pas cherché à obtenir de l’information sur ce procès ni à fouiller en ce sens. Je n’ai rien lu de ce rapport. Je n’étais pas conscient d’une pollinisation croisée, ni même de la possibilité de la chose. L’avocat de Rovi n’en a jamais fait mention. Je ne sais pas si... Je ne peux me prononcer sur la possibilité qu’il ait eu connaissance de mon commentaire portant sur la « liste de souhaits », mais c’est certainement une possibilité. C’est une question qu’il faudrait lui poser, lui demander si...

Q. Ce n’est pas possible, n’est-ce pas Monsieur Wahlers? Ce n’est pas possible parce que vous avez commencé à vous intéresser à DAVIC en rédigeant une réponse au rapport de M. Kerr, c’est-à-dire après le 30 janvier 2020 selon vos dires, et M. Balakrishnan a signé son rapport le 10 janvier. Pardon. Le 20 janvier, soit 10 jours avant que M. Kerr ne transmette son rapport.

R. Je ne peux vous expliquer la raison de la similarité entre les deux textes.

Q. Avez-vous écrit vous-même les mots du paragraphe 61 qui sont en surbrillance?

R. Oui.

Q. Ce ne serait qu’une simple coïncidence frappante que vous ayez pris dans votre rapport à peu près les mêmes mots que ceux de M. Balakrishnan?

R. En apparence, ce sont les mêmes. Je ne peux qu’affirmer que les mots que j’ai écrits sont les miens.

Q. D’accord. D’accord. Vous conviendrez certainement que si vous aviez copié une partie du rapport de M. Balakrishnan, il aurait fallu lui en donner la paternité et reconnaître qu’il s’agissait de son travail?

R. Certainement.

[90] M. Wahlers a ensuite vu une capture d’écran du paragraphe 56 de son rapport sur la validité du brevet 870, dont le texte est reproduit ci-dessous, certaines phrases étant en surbrillance :

[traduction]

56. Même si je souscris à l’avis de M. Kerr voulant qu’une nouvelle technologie puissante a commencé à se propager depuis le milieu des années 1990, je ne souscris pas à un autre voulant que les ordinateurs personnels soient devenus un appareil central dans de nombreux foyers du fait que dès 1998, près de 30 millions de foyers étaient connectés à Internet (Rapport Kerr 870, au para 95). Sans vouloir mettre en doute cette statistique, je constate qu’elle équivaut à moins de 30 % des foyers américains de cette époque. En outre, à cette époque, les foyers américains se connectaient à Internet au moyen d’une ligne téléphonique et d’un modem n’ayant qu’une bande passante limitée. Cette lenteur du téléchargement pouvait convenir à des fichiers audio, mais les fichiers vidéo étaient trop volumineux. Si la personne versée dans l’art connaissait bien les domaines de l’informatique domestique et d’Internet, il n’y avait pas d’harmonisation entre le développement de ces domaines et celui de la télévision à la fin des années 1990 et cette harmonisation tarde encore à venir. Les avancées en informatique domestique et le développement d’Internet ne s’appliquaient et ne s’appliquent au secteur de la télévision qu’après l’apport d’un travail important et de modifications considérables. Dans le secteur de la télévision, les équipements et les logiciels étaient moins sophistiqués et leur développement a été plus lent que dans le secteur de l’informatique domestique.

[91] M. Wahlers a reconnu qu’il traitait au paragraphe 56 de son rapport d’une question litigieuse importante en l’espèce, soit le degré d’harmonisation entre les secteurs de la télévision et de l’informatique domestique. Invité à préciser s’il avait lui-même écrit le texte en surbrillance et qu’il s’agissait bien de ses mots, M. Wahlers s’est contenté de répondre « Oui ».

[92] Une autre diapositive présentant le paragraphe 56 de son rapport vis-à-vis du paragraphe 52 du rapport sur la validité de M. Balakrishnan daté du 20 janvier 2020 a été présentée à M. Wahlers et est reproduite ci-dessous.

[traduction]

Rapport d’expert en réponse de Timothy Wahlers sur la validité (brevet canadien no 2 336 870) daté du 3 avril 2020, au para 56.

56. Même si je souscris à l’ avis de M. Kerr voulant qu’une nouvelle technologie puissante a commencé à se propager depuis le milieu des années 1990, je ne souscris pas à un autre voulant que les ordinateurs personnels soient devenus un appareil central dans de nombreux foyers du fait que dès 1998, près de 30 millions de foyers étaient connectés à Internet (Rapport Kerr 870, au para 95). Sans vouloir mettre en doute cette statistique, je constate qu’elle équivaut à moins de 30 % des foyers américains de cette époque. En outre, à cette époque, les foyers américains se connectaient à Internet au moyen d’une ligne téléphonique et d’un modem n’ayant qu’une bande passante limitée. Cette lenteur du téléchargement pouvait convenir à des fichiers audio, mais les fichiers vidéo étaient trop volumineux. Si la personne versée dans l’art connaissait bien les domaines de l’informatique domestique et d’Internet, il n’y avait pas d’harmonisation entre le développement de ces domaines et celui de la télévision à la fin des années 1990 et cette harmonisation tarde encore à venir. Les avancées en informatique domestique et le développement d’Internet ne s’appliquaient et ne s’appliquent au secteur de la télévision qu’après l’apport d’un travail important et de modifications considérables. Dans le secteur de la télévision, les équipements et les logiciels étaient moins sophistiqués et leur développement a été plus lent que dans le secteur de l’informatique domestique.

[traduction]

Rapport d’expert en réponse de Ravin Balakrishnan sur la validité

(daté du 20 janvier 2020), au para 52.

52. Sans remettre en cause les commentaires de M. Sandoval apparaissant sous les titres de « Convergence » et d’« Informatique domestique », je dirais que si la personne versée dans l’art connaissait bien les domaines de l’informatique domestique et d’Internet, le développement de ces domaines et celui de la télévision n’étaient toutefois pas harmonisés à la fin des années 1990 et cette harmonisation tarde à venir. Les avancées en informatique domestique et le développement d’Internet ne s’appliquaient et ne s’appliquent au secteur de la télévision qu’après l’apport d’un travail important et de modifications considérables. Dans le secteur de la télévision, les équipements et les logiciels étaient moins sophistiqués et se développaient à un rythme plus lent que dans le secteur de l’informatique domestique.

[93] Après avoir attiré l’attention de M. Wahlers aux ressemblances de ces deux paragraphes, M. Mason a demandé à nouveau si M. Wahlers avait copié le rapport de M. Balakrishnan. Voici les réponses que M. Wahlers a données :

[traduction]

R. Non, je ne l’ai pas copié. Comme je l’ai déjà dit, je n’ai jamais vu ce rapport. C’est la première fois qu’on m’en présente des extraits. Je n’ai rien lu, je n’ai pas vu un seul des documents issus du procès contre Vidéotron.

Q. Êtes-vous en mesure d’expliquer de quelle façon le texte et les mots que vous dites avoir écrits sont pour ainsi dire identiques à ceux qui se trouvent dans le rapport de M. Balakrishnan, un rapport écrit avant même que vous ne portiez votre attention aux questions de validité en l’espèce?

R. Je ne peux que parler de ce qui se trouve dans mon rapport, et j’ai certainement eu de l’aide de mes [...] du personnel juridique de [un cabinet d’avocats au service de Rovi] pour peaufiner le texte de mon rapport, mais je peux affirmer catégoriquement que je n’ai jamais reçu aucun apport ni lu de documents provenant de l’autre procès jusqu’à maintenant.

[94] Au cours de l’heure qui a suivi, M. Mason a présenté avec minutie à M. Wahlers de multiples autres paragraphes ou passages tirés des rapports de M. Wahlers qui étaient identiques ou presque à ceux tirés du rapport de M. Balakrishnan.

[95] M. Wahlers a reconnu à un certain point l’« étonnante » coïncidence entre, d’une part, l’avis qui’il avait formulé sur l’enseignement du brevet Girard, aux paragraphes 120 à 122 de son rapport, et, d’autre part, celui du rapport de M. Balakrishnan, aux paragraphes 75 et 76, car les quatre mêmes raisons sont évoquées, dans le même ordre et le libellé est pratiquement le même. La diapositive présentant les paragraphes dont il est question est reproduite ci-dessous :

[traduction]

Rapport d’expert en réponse de Timothy Wahlers sur la validité (brevet canadien no 2 336 870) daté du 3 avril 2020, aux para 120-122.

120. Le recours à un serveur principal centralisé diffère du recours à un stockage local et plusieurs facteurs sont à considérer; mentionnons l’accès commun pour un ensemble d’utilisateurs, la gestion de la puissance appelée et l’équilibrage, l’établissement de connexions sur demande pour l’obtention de données ou d’un enregistrement, la gestion dynamique des ressources et des connexions. En comparaison, le stockage local a le plus souvent une connexion point à point permanente, dédiée à l’utilisateur se trouvant chez lui ou dans un lieu semblable.

121. Dans le cas d’un système à stockage local, l’utilisateur est habituellement le propriétaire du système et il aura accès à tout ce qui est stocké en plus d’en avoir le contrôle. Dans le cas d’un système à stockage centralisé, les dispositifs se trouvent habituellement chez le fournisseur, dans un système centralisé, pour assurer le service à des milliers d’utilisateurs ou plus sur le réseau.

122. En raison des limites s’appliquant au stockage local, il n’était pas évident, d’après l’enseignement du stockage centralisé de Girard, de stocker les données localement, au sein du foyer, comme l’exige la revendication 368.

 

[traduction]

Rapport d’expert en réponse de Ravin Balakrishnan sur la validité

(daté du 20 janvier 2020), aux para 75, 76.

75. Le brevet Girard montre la façon de stocker les données de manière centralisée (Girard, colonne 2, lignes 6, 7). L’environnement créé par le stockage centralisé de données diffère très largement de celui d’un stockage local. Le stockage centralisé se distingue par un certain nombre de facteurs à considérer; mentionnons l’accès commun pour un ensemble d’utilisateurs, la gestion de la puissance appelée et l’équilibrage, l’établissement de connexions sur demande pour l’obtention de données ou d’un enregistrement, la gestion dynamique des ressources et des connexions. En comparaison, le stockage local a le plus souvent une connexion point à point permanente pour l’utilisateur se trouvant sur place. Dans le cas d’un système à stockage local, l’utilisateur est habituellement en possession du système, il est seul à le contrôler et il a accès à tout ce qui est stocké en plus d’en avoir le contrôle, mais dans le cas d’un système à stockage centralisé, les dispositifs se trouvent habituellement chez le fournisseur, dans un système centralisé, qui assure le service à des milliers d’utilisateurs ou plus sur le réseau, et l’utilisateur ne dispose alors que de certaines informations et sa capacité de contrôle et de gestion est très limitée.

76. Les différences techniques de ces environnements sont suffisamment importantes pour que le concepteur d’une infrastructure centralisée visant la fourniture de service n’ait pas tendance à chercher un enseignement portant sur les appareils électroniques du consommateur et inversement. C’est pourquoi, en raison des limites s’appliquant au stockage local, il n’était pas évident, d’après l’enseignement du stockage centralisé de Girard, de stocker les données localement, au sein du foyer, comme l’exigent les revendications 629.

 

[96] Tout au long du contre-interrogatoire musclé, M. Wahlers n’a pas cessé d’affirmer qu’il n’a jamais vu le rapport de M. Balakrishnan, qu’il avait rédigé tout le texte de ses rapports et qu’il s’agissait de ses propres mots.

[97] Durant le réinterrogatoire, l’avocate de Rovi a tenté de réhabiliter le témoin. Elle a demandé à M. Wahlers si [traduction] « les mots de son rapport représentaient bien ses opinions ». Au lieu de comprendre les conséquences de la question de l’avocate et de reconnaître qu’il n’avait pas écrit les mots, mais qu’il entérinait la substance du texte, M. Wahlers est devenu encore plus déterminé à dire que [traduction] « j’ai écrit chacun de ces mots ». Il a ajouté ces mots :

[traduction]

Pour ce qui est de l’apport des conseillers juridiques de Rovi en édition et en textes, c’était certainement destiné aux plaidoiries. Comme vous l’avez vu, je vais parfois un peu loin. C’est pourquoi j’apprécie l’aide qu’ils me donnent pour refondre le texte, mais l’intention derrière ces mots est certainement la mienne, car j’ai lu et approuvé chacun de ces mots.

[98] Selon la preuve dont je dispose, il ne fait aucun doute qu’une partie substantielle des opinions et des conclusions que M. Balakrishnan a exprimées dans son rapport sur la validité des brevets 870 et 629 ont été reprises, presque mot à mot, dans le rapport de M. Wahlers portant sur les mêmes brevets. Étant donné que le rapport sur la validité de M. Balakrishnan a été signifié bien avant que M. Wahlers commence à travailler sur le sien, il est impossible que M. Balakrishnan ait pu copier une partie du rapport de M. Wahlers, selon l’hypothèse émise par le témoin en contre-interrogatoire.

[99] Il ne me reste par conséquent que trois possibilités : 1) M. Balakrishnan et M. Wahlers, qui travaillaient séparément, auraient rédigé des milliers de mots et seraient arrivés à de nombreux de paragraphes qui s’avèrent identiques; 2) M. Wahlers se serait approprié une partie du rapport de M. Balakrishnan sans en mentionner la source; 3) un tiers aurait sélectionné des parties du rapport de M. Balakrishnan pour les présenter à M. Wahlers de telle sorte qu’il les a reprises pour ainsi dire mot à mot.

[100] Il aurait fallu une coïncidence inouïe pour que la première possibilité se réalise. Elle devrait être rejetée.

[101] Dans le cas de la deuxième possibilité, la preuve dont je dispose me porte à penser que M. Wahlers n’avait pas du tout conscience d’avoir commis un plagiat. J’estime que M. Wahlers était sincère en affirmant dans son témoignage qu’il n’avait jamais vu M. Balakrishnan ni examiné les rapports de celui-ci et qu’il n’avait pas cherché à connaître ce qui s’était produit lors du procès Rovi no 1. Il semble que la surprise et l’étonnement exprimés par M. Wahlers étaient authentiques lorsqu’il a appris au cours du contre-interrogatoire que des parties de son rapport étaient identiques ou quasi identiques à celles du rapport rédigé par un autre expert. M. Wahlers a affirmé catégoriquement ne pas avoir copié le rapport de M. Balakrishnan et je retiens son témoignage sur ce point. Cela expliquerait pourquoi il ne se trouve aucune référence aux travaux de M. Balakrishnan dans son rapport sur la validité.

[102] La question n’est toutefois pas réglée pour autant. Je demeure troublé par le fait que, même après s’être fait montrer à maintes reprises au cours du contre-interrogatoire que des paragraphes tirés du rapport d’un autre expert contenaient à peu près les mêmes mots et les mêmes phrases que ceux de son rapport, M. Wahlers n’a cessé d’affirmer que tous les mots de son rapport étaient les siens. Tout ce qu’il a pu dire en contre-interrogatoire pour expliquer les ressemblances flagrantes des deux rapports était qu’il avait reçu l’aide des conseillers juridiques de Rovi pour l’édition et la rédaction de ses textes. M. Wahlers n’a jamais reconnu qu’il n’était pas l’auteur original des passages en question, malgré les belles occasions qui lui ont été données. Il ne pouvait pas non plus expliquer de quelle façon les passages en question portant sur des questions importantes en l’espèce et qui étaient d’une grande précision, ont pu se retrouver dans son rapport. Ce manque de franchise joue sur la crédibilité et la fiabilité de son témoignage.

[103] Ce qui m’amène à la troisième possibilité, celle où quelqu’un a donné à M. Wahlers des passages qu’il avait tirés du rapport de M. Balakrishnan pour qu’ils soient intégrés à son rapport. Il s’agit là, quant à moi, du scénario le plus plausible, car il semble que Rovi l’ait admis au paragraphe 59 de ses observations finales :

[traduction]

59. Le fait que des mots semblables se retrouvent dans deux rapports, ceux de M. Balakrishnan et de M. Wahlers, en raison du rôle des conseillers juridiques dans la rédaction et la révision stylistique est tout à fait acceptable [...]

[104] Rovi fait valoir que la loi autorise la collaboration entre experts et avocats et qu’il faudrait encourager cette collaboration. Je suis tout à fait en accord sur ce point. En laissant faire les experts sans leur apporter l’aide et les conseils d’avocats, il en résulterait [traduction] « une augmentation des retards et des coûts pour un régime qui peine déjà à rendre la justice de manière rapide et efficace » et d’autres effets indésirables, notamment l’incitation à recourir à des « experts en parallèle » et, dans le cas des avocats, à laisser tomber plutôt que de réviser et d’améliorer les rapports mal rédigés, ce qui occasionne des coûts et des retards supplémentaires : voir Moore v Getahun, 2015 ONCA 55 [Moore], au para 65. Notre Cour a reconnu que les avocats peuvent aider à la préparation des rapports d’expert et que la participation des avocats peut même être utile pour s’assurer que les rapports sont rédigés de façon compréhensible et pertinente : voir Guest Tek Interactive Entertainment Ltd c Nomadix, Inc, 2021 CF 276, au para 29.

[105] Toutefois, une telle consultation, pour demeurer acceptable, doit avoir des limites. Ces limites dépendent grandement du contexte et de la situation particulière de l’expert proposé, du contenu de la preuve proposée et des circonstances particulières de l’affaire : voir Simons v Canada (Attorney General), 2018 ONSC 3741, au para 56.

[106] Rovi fait valoir que l’aide fournie par les avocats à l’expert qui se prépare à témoigner ne saurait être critiquée lorsque cette aide cible la forme et non le contenu de l’avis d’expert. Une fois de plus, je suis du même avis.

[107] Cependant, ce qui est arrivé en l’espèce ne se limite certainement pas à la collaboration, à la consultation ou encore à la rédaction ou à la révision de textes. Les opinions et les conclusions d’un expert technique ont été reprises mot à mot, sans attribution de paternité, en relation avec des questions litigieuses importantes dont la Cour a été saisie. C’est un cas de plagiat évident. Même s’il n’est pas intentionnel, le plagiat est une faute.

[108] Il est essentiel de distinguer l’avocat qui aide l’expert à élaborer un rapport qui soit compréhensible et adapté aux questions litigieuses pertinentes de l’affaire, d’une part, de l’avocat qui amène l’expert à exprimer une certaine opinion ou est perçu comme tel, d’autre part. Les convenances ne sont plus respectées dans le deuxième cas et c’est l’impartialité et l’indépendance de l’expert qui sont alors mises en doute : voir l’arrêt White Burgess Langille Inman c Abbott and Haliburton Co, 2015 CSC 23 [White Burgess], aux para 26-32. J’en arrive à me demander quelle autre « aide » a pu être apportée à l’expert, dans la rédaction de son rapport. L’opinion de l’expert « doit être indépendante, c’est-à-dire qu’elle doit être le fruit du jugement indépendant de l’expert, non influencée par la partie pour qui il témoigne ou l’issue du litige » (White Burgess, au para 32).

[109] Rovi soutient que l’avocat qui travaille avec un expert dans un processus qui produit une formulation semblable à celle d’un autre correspond bien au juge qui reprend textuellement les mots d’un avocat. Je ne suis pas de cet avis. Le même argument a été rejeté dans l’arrêt Cojocaru c British Columbia Women’s Hospital and Health Centre, 2013 CSC 30 [Cojocaru]. Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada était aux prises avec un cas de reproduction abondante de textes dans les motifs d’une décision. La Cour suprême a conclu que « [l]es considérations qui exigent la mention des sources dans les sphères universitaires, artistiques et scientifiques ne s’appliquent pas aux motifs du jugement » (Cojocaru, au para 65). Quoi qu’il en soit, s’ils peuvent copier le mémoire des parties pour énoncer les faits, les règles de droit et les arguments, les juges doivent tout de même analyser l’ensemble des questions et des arguments de manière exhaustive et impartiale. Les juges sont tenus d’effectuer une analyse indépendante, une exigence qui s’applique également aux experts.

[110] Les défenderesses font valoir que la disposition de M. Wahlers à ne pas dire la vérité sous serment implique qu’il ne faut accorder aucun poids à son témoignage. Elles soutiennent que le manque de franchise d’un expert témoignant devant la Cour doit avoir des conséquences, surtout lors d’un procès en contrefaçon de brevet, car l’avis d’un expert en matière de validité et de contrefaçon est alors primordial. Elles font valoir que la disposition de M. Wahlers à insérer de grands passages du travail d’autrui, en l’éditant à peine, démontre que l’expert n’a pas fait preuve d’indépendance et d’impartialité conformément aux exigences du Code de déontologie régissant les témoins experts de notre Cour. De plus, les défenderesses invoquent l’arrêt Anderson v Pieters, 2016 BCSC 889 [Anderson] pour faire valoir qu’un rapport d’expert qui reproduit sans attribution une partie considérable du travail d’autrui doit être rejeté.

[111] Au paragraphe 19 de la décision Abbott Laboratories c Canada (Santé), 2006 CF 76, confirmée par 2009 CAF 94 [Abbott Laboratories], la juge adjointe Martha Milczynski, titre appelé « protonotaire » à l’époque, a exposé la méthode à suivre pour déterminer s’il y a lieu de récuser un expert. Dans cette affaire, la partie demanderesse s’est dite préoccupée par le fait qu’un des experts des défenderesses avait reçu des renseignements confidentiels les concernant, d’où la possibilité que l’expert se trouve en situation de conflit d’intérêts. La protonotaire Milczynski a indiqué qu’il fallait examiner objectivement les faits et les circonstances de chaque affaire et a présenté divers facteurs à analyser lors de cet examen. Sont pertinents en l’espèce les facteurs à déterminer qui suivent :

  • -le fait que l’expert était conscient ou non de se baser sur des renseignements plagiés;

  • -la nature des renseignements plagiés;

  • -le risque de préjudice pour la partie qui conteste l’expert ou pour la partie qui cherche à retenir les services de l’expert contesté;

  • -l’intérêt de la justice et la confiance du public dans le processus judiciaire.

[112] Après avoir soupesé chacun de ces facteurs, je conclus qu’il n’y a pas lieu de récuser M. Wahlers à titre de témoin. Les circonstances de l’espèce diffèrent de celles de l’affaire Anderson. Dans Anderson, il a été conclu que le rapport d’expert préparé par un médecin de famille était un plagiat et que le médecin avait lui-même menti à ce sujet. Le juge avait alors conclu que l’expert était partial et non qualifié et qu’il n’était pas indépendant. L’expert avait été récusé principalement parce qu’il n’avait pas l’expertise nécessaire. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

[113] Bien que le deuxième facteur de la liste précédente appuie la récusation, j’estime que la récusation du seul expert technique causerait à Rovi un préjudice grave qui l’emporte sur ceux que les défenderesses pourraient subir.

[114] Il demeure que M. Wahlers, par son manque de franchise et son manque apparent de discernement lorsqu’il a inséré – même si c’était à son insu – des opinions ou des conclusions d’un autre expert, soulève en moi un questionnement sur l’indépendance de l’avis qu’il a fourni. Ce problème s’aggrave par le fait M. Wahlers s’est montré incapable de défendre bon nombre de ses opinions lors du procès, contrairement aux prétentions de Rovi.

[115] À titre d’exemple, dans son rapport sur la validité du brevet 629, M. Wahlers allègue que Florin ne décrit pas un GEE parce c’est le terme « interface utilisateur » qui y est utilisé au lieu de GEE et il critique Florin parce qu’il ne décrit pas un GEE qui [traduction] « reçoit des renseignements sur les émissions à venir et permet à l’utilisateur de naviguer dans ces renseignements pour décider ce qu’il aimerait visionner ou enregistrer ». Au cours de son contre-interrogatoire, M. Wahlers a renoncé à son opinion sur ce point.

[116] L’exemple le plus frappant est le traitement méprisant et incomplet de la spécification DAVIC 1.3.1 par M. Wahlers. Au lieu d’adopter la perspective d’une personne versée dans l’art qui cherche véritablement à comprendre ce que recèle cet important élément d’art antérieur dans son évaluation, il n’a fait que reprendre les mots de M. Balakrishnan, à savoir que DAVIC 1.3.1 n’était qu’une liste des fonctions souhaitées. Comme je l’ai mentionné plus haut, ce n’est tout simplement pas le cas.

[117] La Cour d’appel fédérale a récemment rappelé que les enseignements d’un art antérieur doivent être interprétés de la manière qu’une personne versée dans l’art les comprendrait : voir Western Oilfield Equipment Rentals Ltd c M-I LLC, 2021 CAF 24, au para 86 [Western Oilfield].

[118] En dépit de mes fortes réserves quant à la crédibilité, à l’indépendance et à l’impartialité de M. Wahlers, il ne serait pas équitable de rejeter d’emblée les rapports et le témoignage de celui-ci. Il existe après tout certains aspects de son témoignage qui ne sont pas controversés et se sont avérés utiles et fiables. Les points soulevés par les défenderesses concernant le témoignage de M. Wahlers portent davantage sur la pondération à donner à celui-ci que sur son admissibilité. Pour que les choses soient claires, c’est avec beaucoup de scepticisme que j’ai examiné le témoignage de M. Wahlers.

C. M. Gordon Kerr

[119] Rovi s’en prend à la crédibilité et à la fiabilité du témoignage de M. Kerr pour de multiples raisons.

[120] Premièrement, Rovi se demande de quelle façon M. Kerr peut prétendre donner un avis sur la contrefaçon alors qu’il ne connaît pas du tout les systèmes IPTV, que l’accès aux services de Bell et de TELUS passant par Slingbox lui a été refusé et qu’il dit ne pas avoir eu besoin de s’adresser au personnel technique. Cela s’explique facilement du fait que M. Kerr devait donner un avis sur le brevet 629 et le brevet 870, qui n’ont rien à avoir avec les systèmes IPTV. Il n’est pas contesté que M. Kerr est un expert dans le domaine de ces deux brevets.

[121] Il est important de mentionner que les défenderesses ne contestent pas que les revendications du brevet 629 et du brevet 870, à l’exception de la revendication 346, impliqueraient une contrefaçon si ces brevets étaient déclarés valides. M. Kerr n’a pas donné d’avis sur la contrefaçon du brevet 629 et ne s’est intéressé qu’à une revendication du brevet 870, soit la revendication 346.

[122] Selon l’avis de M. Kerr, la revendication 346 nécessite un « syntoniseur » et la personne versée dans l’art comprend qu’il s’agit d’un dispositif analogique ou numérique qui peut syntoniser une certaine bande de fréquences et, par conséquent, une chaîne de télévision en particulier. Les experts s’entendent pour dire qu’il n’existe aucun dispositif dans les systèmes IPTV des défenderesses qui puisse s’appeler syntoniseur. M. Kerr n’a donné qu’un seul avis concernant l’absence de contrefaçon de la revendication 346, à savoir qu’il n’y avait pas de syntoniseur dans le système Télé Fibe parce que le syntoniseur que décrit la revendication 870A est une pièce de matériel. La question de la contrefaçon repose sur une interprétation et non pas sur le fonctionnement d’un système IPTV. Vu les circonstances, il est compréhensible que les défenderesses n’aient pas jugé nécessaire que M. Kerr ait accès à leurs services pour donner son avis.

[123] Deuxièmement, Rovi soutient que M. Kerr n’a pas suivi les obligations de base d’un expert se penchant sur une affaire de brevet lorsqu’il a examiné l’art antérieur que lui ont fourni les avocats avant d’aboutir à son interprétation sur les revendications. Rovi a fait valoir que [traduction] « M. Kerr, n’ayant examiné l’art antérieur que sous l’angle de la contrefaçon ou de la validité du brevet, n’a pas pu donner une interprétation téléologique des revendications indépendamment des questions de validité comme l’exige la loi ». À mon avis, il s’agit là d’une critique tout à fait injuste.

[124] L’interprétation des revendications doit être téléologique et servir à toutes les fins et toute question de contrefaçon ou de validité doit être examinée ultérieurement et indépendamment : voir Whirlpool, aux para 43, 49 a); Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust] , au para 19. M. Kerr a déclaré lors de son interrogatoire principal qu’il comprenait qu’il devait interpréter les revendications sans considérer les questions de validité ou de contrefaçon. Il a également confirmé lors de son contre-interrogatoire qu’il était conscient d’avoir l’obligation d’interpréter les revendications sans tenir compte de l’art antérieur. Cependant, lors de ce contre-interrogatoire, la question de savoir si M. Kerr avait examiné l’art antérieur sous l’angle de la contrefaçon ou de la validité ne lui a pas été posée. C’est pourquoi il n’est pas légitime de suggérer que M. Kerr n’a pas respecté les instructions énoncées dans Whirlpool et Free World Trust.

[125] Troisièmement, Rovi soutient que l’attitude de M. Kerr n’était pas celle d’un témoin expert impartial et que celui-ci s’est montré défensif et évasif tout au long du contre-interrogatoire. Je ne suis pas de cet avis. J’estime que M. Kerr a fait preuve de franchise, de réflexion et de prudence et qu’il tenait à s’assurer de bien comprendre une question avant de donner sa réponse. Même s’il a pu paraître pointilleux à l’occasion, il ne s’est pas montré évasif ni peu disposé à répondre aux questions qui lui étaient posées clairement.

[126] Enfin, Rovi soutient que M. Kerr a donné des avis sur les questions d’évidence et que ces avis devraient être considérés comme peu fiables du fait de son incapacité à saisir le problème du point de vue d’une personne versée dans l’art sans esprit inventif. Selon Rovi, l’expérience et les rôles de M. Kerr chez BT consistaient tous à innover et à penser au futur; celui-ci ne pouvait donc pas savoir s’il abordait une question comme un maître de la déduction et de la dextérité complètement dépourvu d’intuition, un triomphe de l’hémisphère gauche sur le droit, car son travail a toujours fait appel à ses capacités d’inventeur. Bien qu’elle ne suggère pas qu’un expert qui a innové dans son domaine ne pourrait jamais fournir un avis d’expert de la perspective d’une personne versée dans l’art, Rovi soutient que M. Kerr ne peut se mettre dans la peau d’une personne versée dans l’art sans esprit inventif à cause de son expérience : voir Apotex Inc c H Lundbeck A/S, 2013 CF 192 [H Lundbeck], aux para 118, 122. À mon avis, Rovi se livre à des conjectures qui sont incompatibles avec le témoignage reçu en cour.

[127] M. Kerr a dit dans son témoignage qu’il était capable, à titre de professionnel, de suivre les directives que les avocats des défenderesses lui ont données et qu’il se sentait en mesure de livrer à la Cour un témoignage du point de vue de la personne versée dans l’art. Je suis résolu à retenir son témoignage sur ce point. Je tiens à préciser qu’il importe peu que l’expert ne fasse que se rapprocher de la personne versée dans l’art. Selon l’observation du juge George Locke, qui siégeait alors à notre Cour, dans la décision Shire Canada Inc c Apotex Inc, 2016 CF 382, ce qui importe, c’est « la substance de l’opinion d’un expert et [...] le raisonnement qui a mené à cette opinion » (Shire Canada Inc, au para 48).

[128] J’estime que M. Kerr est un témoin très compétent ayant la capacité d’expliquer clairement des concepts complexes. Ses opinions et son témoignage étaient étoffés, convaincants et le contre-interrogatoire ne les a que peu ébranlés. Il s’agit d’un témoin qui s’est révélé extrêmement utile.

D. M. David Robinson

[129] Rovi soutient qu’il faudrait privilégier le témoignage de M. Wahlers à celui de M. Robinson pour plusieurs raisons.

[130] Rovi soutient que les défenderesses ont fourni à M. Robinson des hypothèses sans transmettre d’éléments de preuve pour appuyer ces hypothèses.

[131] S’en prenant à la conduite du témoin au cours du contre-interrogatoire, elle prétend que M. Robinson répondait aux questions de manière évasive en prenant des positions déraisonnables.

[132] Rovi soutient que M. Robinson ne connaissait pas vraiment le contenu de ses propres rapports d’expert en plus de se montrer évasif lors de son témoignage. Selon elle, ce qui l’exemplifie de manière éclatante serait le témoignage contradictoire que M. Robinson a livré sur l’antériorité de la revendication 34 liée au brevet 585 d’iMagic[5].

[133] Rovi donne d’autres exemples pour alléguer que M. Robinson a refusé de répondre par oui ou non à des questions claires et simples.

[134] J’estime que ces critiques sont sans fondement.

[135] Je peux certainement comprendre la raison pour laquelle Rovi considère que M. Robinson était un témoin difficile. Ce dernier était difficile à cerner et l’avocat de Rovi n’a pas été en mesure de le faire dévier de ses positions tranchées. De plus, M. Robinson hésitait à répondre aux questions de manière définitive lorsqu’il ne savait pas où voulait en venir l’avocat avec ses questions. Toutefois, la chose est compréhensible au regard de la masse d’information, et des subtilités qui en découlent, dans laquelle M. Robinson devait fouiller pour répondre et du fait que l’avocat de Rovi posait des questions souvent déroutantes, répétant même certaines questions dans l’espoir d’obtenir une réponse différente.

[136] Contrairement aux affirmations de Rovi, les opinions de M. Robinson étaient bien étayées par des éléments probants, notamment les données et les faits recueillis par M. Barth. Malgré les réponses longues et alambiquées qu’il a pu rendre à l’occasion, je conclus qu’il faisait de son mieux pour servir la Cour.

[137] Dans l’ensemble, j’ai tenu compte des quelques faiblesses du témoignage de M. Robinson quand j’ai estimé la pondération à donner à ce témoignage. Il demeure que la plupart de ses opinions importantes n’ont pas été contestées.

[138] Je ne vois aucune raison de mettre en doute la crédibilité ou l’impartialité de M. Robinson. Paradoxalement, Rovi n’a pas hésité à reprendre des parties du témoignage de M. Robinson qui lui convenaient.

[139] Globalement, j’estime que M. Robinson s’est avéré un témoin des plus compétents et des plus utiles. Son témoignage était convaincant, cohérent et objectif. C’est exactement ce à quoi l’on peut raisonnablement s’attendre d’un expert indépendant.

E. Conclusion

[140] Pour les raisons énoncées, j’accorde beaucoup plus de poids aux opinions et aux conclusions de M. Kerr et de M. Robinson lorsqu’elles entrent en contradiction avec celles de M. Wahlers.

XII. Les questions en litige

[141] Le nombre de questions en litige a été fortement réduit par les parties lorsque la présentation de la preuve a pris fin lors du procès.

[142] Rovi allègue que l’ensemble des revendications exprimées ont été contrefaites. Les défenderesses admettent la contrefaçon sauf dans le cas de la revendication 34 du brevet 585, de la revendication 870A et de toutes les revendications 482.

[143] Par conséquent, les questions à trancher sont les suivantes :

  1. Le brevet 870

  1. La revendication 870A est-elle antériorisée par Browne ou évidente au regard de Browne, des connaissances générales courantes et de DAVIC 1.3.1?

  2. Le concept inventif ou l’objet de la revendication 870A et des revendications 870C sont-ils évidents au regard des connaissances générales courantes, de DAVIC 1.3.1 et de Hair?

  3. Les revendications invoquées ont-elles une portée qui dépasse l’invention réalisée par les inventeurs?

  4. Dans le cas contraire, y a-t-il eu contrefaçon de la revendication 346?

  1. Le brevet 629

  1. Les revendications invoquées ont-elles été antériorisées par Florin?

  2. Les revendications invoquées sont-elles évidentes au regard de Florin, des connaissances générales courantes, de Browne et de DAVIC 1.3.1?

  1. Le brevet 585

  1. Les revendications invoquées ont-elles été antériorisées par iMagic?

  2. Les revendications invoquées sont-elles évidentes au regard des connaissances générales courantes et d’une ou de plusieurs éléments d’antériorité comprenant iMagic, Minerva[6], DAVIC 1.3.1 et le brevet Microsoft[7]?

  3. Y a-t-il eu contrefaçon de la revendication 34 du brevet 585?

  1. Le brevet 482

  1. Les revendications invoquées ont-elles été antériorisées par Rosin[8]?

  2. Les revendications sont-elles évidentes au regard des connaissances générales courantes ou en intégrant l’état de l’art qui comprenait alors Aristides[9], LaJoie[10] et O’Robarts[11]?

  3. Subsidiairement, la portée des revendications est-elle excessive?

  4. Dans le cas contraire, y a-t-il eu contrefaçon des revendications 482?

  1. Mesures de réparation

  1. Rovi a-t-elle le droit de choisir la restitution des bénéfices?

  2. La demande d’injonction concernant le brevet 585 doit-elle être accueillie?

[144] La question des dépens a été reportée à la demande des parties. Elle sera examinée à l’aide d’observations écrites soumises après le prononcé du présent jugement.

XIII. Le droit applicable

[145] Le droit en matière d’interprétation, d’antériorité, d’évidence, de description suffisante, de portée excessive et de contrefaçon est bien établi et expliqué en détail dans Rovi no 1. Par souci de concision, je n’ai reproduit ci-dessous que les parties du droit que j’ai tirées des observations écrites des parties et qui m’apparaissent pertinentes aux questions en cause.

A. Interprétation des revendications

[146] L’interprétation des revendications doit être téléologique et servir à toutes les fins et toute question de contrefaçon ou de validité doit être examinée ultérieurement et indépendamment : voir Whirlpool, aux para 43, 49 a); Free World Trust, au para 19. L’interprétation des revendications doit être pertinente à la date de la publication du brevet en question. Ce qui importe dans l’interprétation téléologique, ce sont les mots ou expressions particuliers qui décrivent dans les revendications ce qui, selon l’inventeur, constituait les éléments « essentiels » de son invention.

[147] Tirés de l’arrêt Tearlab Corporation c I-MED Pharma Inc, 2019 CAF 179, aux para 30-33, les principes de l’interprétation des revendications comprennent ce qui suit :

a) le brevet doit être interprété compte tenu du point de vue et des connaissances usuelles du travailleur moyennement versé dans le domaine auquel le brevet a trait;

b) la teneur d’une revendication doit être interprétée par un esprit désireux de comprendre;

c) l’interprétation d’une revendication doit se baser sur le mémoire descriptif dans son ensemble, sans élargir ni restreindre la portée de la revendication par les références du mémoire. Le recours au reste du mémoire descriptif : (i) est permis pour éclairer le sens des termes employés dans les revendications; (ii) n’est pas nécessaire lorsque le libellé est clair et sans ambiguïté; (iii) est abusif si l’on cherche par ce moyen à modifier la portée ou l’étendue des revendications.

B. Antériorité

[148] Toute revendication de brevet est invalide si elle a été antériorisée; autrement dit, elle manque de nouveauté depuis la date de priorité. Est non brevetable tout objet qui fait déjà partie du domaine public. Cette exigence est énoncée aux alinéas 28.2(1)a) et b) de la Loi sur les brevets.

[149] Est antériorisée toute revendication lorsque les éléments essentiels de cette revendication sont divulgués en un seul bloc, notamment dans une publication, et que cette divulgation a un caractère réalisable, ce qui signifie qu’une personne versée dans l’art peut réaliser l’invention à l’aide du mémoire sans faire preuve d’un esprit inventif : voir Sanofi-Synthelabo Canada Inc c Apotex Inc, 2008 CSC 61, aux para 31-37 [Sanofi-Synthelabo], et Free World Trust, au para 26.

[150] En matière de divulgation de l’art antérieur, il faut montrer l’objet qui, lorsqu’il est réalisé, contreferait nécessairement le brevet. En ce qui concerne le caractère réalisable, la personne versée dans l’art doit avoir réalisé l’invention revendiquée sans trop de difficultés et non l’art antérieur : voir Sanofi-Synthelabo, au para 27. Lorsque la réalisation de l’invention publiée dans le brevet nécessite une démarche inventive, le caractère réalisable fait défaut dans cette publication. La personne versée dans l’art peut puiser dans les connaissances générales courantes pendant la partie consacrée à la réalisation.

C. Évidence

[151] Est invalide toute revendication de brevet qui est évidente avant la date de la revendication (la date de priorité en l’espèce). Cette exigence est prévue à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Au paragraphe 67 de Sanofi-Synthelabo, la Cour suprême du Canada énonce comme suit le critère à quatre volets sur l’évidence en matière de brevet :

  • a)définir la personne théorique versée dans l’art et déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

  • b)définir l’idée originale de la revendication, au besoin par voie d’interprétation;

  • c)recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

  • d)s’il est déterminé que ces différences constituent des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art, la revendication est évidente et invalide.

[152] En ce qui concerne l’état de l’art antérieur, la Cour d’appel fédérale a déclaré au paragraphe 23 de son arrêt Mylan Pharmaceuticals ULC c Eli Lilly Canada Inc, 2016 CAF 119 ce qui suit : « Les antériorités s’entendent de l’ensemble du savoir dans le domaine du brevet en cause. Elles comprennent tout enseignement accessible au public, aussi obscur ou peu accepté soit-il. »

[153] Lorsque le concept inventif ne se distingue pas de l’art de la technique, la revendication est évidente (Société Bristol‑Myers Squibb Canada c Teva Canada Limitée, 2017 CAF 76, au para 65). Lorsqu’il existe des différences sans qu’une quelconque inventivité soit nécessaire à la réalisation, la revendication est encore une fois évidente. La personne versée dans l’art peut se fonder sur ses connaissances générales courantes pour déterminer si l’écart entre l’art de la technique et le concept inventif est évident.

[154] Les connaissances générales courantes sont le contexte technique de la personne versée dans l’art qui permet de considérer l’art antérieur : voir Angelcare Canada Inc c Munchkin Inc, 2022 CF 507, au para 88, reprenant la décision du juge Laddie Raychem Corporation’s Patents, [1998] RPC 31, à la p 40. Comme l’énonce le juge Michael Manson au paragraphe 170 de la décision Biogen Canada Inc c Taro Pharmaceuticals Inc, 2020 CF 621, « il faudrait qu’une personne moyennement versée dans l’art motivée aborde les éléments d’art antérieur avec un esprit désireux de comprendre et non étroitement axé sur la démonstration d’un échec ».

D. Portée excessive

[155] Les revendications d’un brevet qui excèdent ce qui a été inventé ou divulgué sont jugées invalides pour leur portée excessive : voir Pfizer Canada Inc c Canada (Santé), 2007 CAF 209, au para 115 [Pfizer 2007]. Une revendication de brevet a une portée excessive et est invalide dans les deux cas suivants : sa portée dépasse l’invention divulguée dans le brevet ou sa portée dépasse l’invention réalisée par les inventeurs : voir Pfizer Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2008 CF 11, au para 46 [Pfizer 2008].

[156] Pour déterminer si la revendication excède la portée de l’invention réalisée, les tribunaux prennent en compte les éléments de preuve de l’inventeur portant sur ce qu’il a réalisé : voir Apotex Inc c Wellcome Foundation Ltd, 1998 CarswellNat 5160 (CF 1re inst), aux para 267-270 et 294-303, infirmée en partie par 2000 CarswellNat 3414 (CAF), confirmé par 2002 CSC 77.

[157] Pour estimer la portée d’une revendication par rapport à l’invention divulguée dans le brevet, la Cour doit se demander s’il ne manque pas dans les revendications un élément essentiel dans le mémoire descriptif.

E. Contrefaçon

[158] Définie de manière large, la contrefaçon correspond à toute activité qui prive le breveté, en tout ou en partie, directement ou indirectement, de son droit à la pleine jouissance du monopole que la loi lui confère (Schmeiser, aux para 33, 34). Ce monopole correspond au droit, à la faculté et au privilège exclusifs de fabriquer, de construire, d’exploiter et de vendre à d’autres, pour qu’ils l’exploitent, l’objet de l’invention (art 42 de la Loi sur les brevets).

[159] Après avoir établi les éléments essentiels de l’invention brevetée, la détermination de l’existence ou de l’inexistence d’une contrefaçon est un exercice de comparaison entre l’objet présumé de la contrefaçon et l’invention brevetée (Schmeiser, au para 30). Lorsque cet objet comprend tous les éléments essentiels d’une revendication, la contrefaçon est établie (Eli Lilly and Company c Apotex Inc, 2009 CF 991, au para 211 [Eli Lilly & Co]). Il n’y a contrefaçon d’une revendication que si l’objet du produit contrefait correspond aux revendications telles qu’elles ont été interprétées.

[160] Le fait qu’un système soit plus vaste et plus complexe que ceux revendiqués par brevet n’élimine pas la possibilité d’une contrefaçon : Bessette c Québec (Procureure générale), 2019 CF 393, aux para 279-281.

XIV. La personne versée dans l’art

[161] Définir la personne versée dans l’art sera la première étape de la Cour, car il s’agit d’un élément fondamental pour trancher les questions sur l’interprétation, la contrefaçon et la validité. L’interprétation doit se faire du point de vue de la personne versée dans l’art à qui le brevet s’adresse : voir Whirlpool, au para 53.

[162] Le droit en la matière est bien établi. La personne versée dans l’art consiste en une personne ou une équipe fictive disposant de compétences et de connaissances lui permettant de comprendre l’objet enseigné par le brevet et de mettre celui-ci en pratique. Cette personne « ne possède aucune étincelle d’esprit inventif ou d’imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d’intuition; un triomphe de l’hémisphère gauche sur le droit » (Beloit Canada Ltée c Valmet Oy, [1986] ACF no 87 (QL), au para 18). La personne versée dans l’art possède un degré moyen de compétence et de connaissances accessoires au domaine dont relève le brevet. [traduction] « [C]e qui est évident ne lui échappe jamais, et elle ne cherche pas à être inventive » (H Lundbeck, au para 83, reprenant Lilly Icos LLC v Pfizer Ltd, [2000] EWHC Patents 49, au para 62).

[163] Les experts conviennent que les quatre brevets s’adressent à la même personne versée dans l’art.

[164] La personne versée dans l’art à qui les quatre brevets s’adressent serait, selon la définition de M. Wahlers, une équipe d’ingénieurs ou d’informaticiens travaillant dans les domaines suivants : diffusion de contenu électronique, guides d’émissions électroniques, traitement de signal de télévision ou de vidéo, interfaces utilisateur graphiques, systèmes de télévision par câble ou satellite avec diffusion de contenu, décodeurs et systèmes multimédias. Cette même personne aurait un baccalauréat en ingénierie, en informatique ou en mathématiques appliquées, de même que deux années d’expérience ou plus dans au moins une partie des domaines mentionnés ci-dessus.

[165] Ni M. Kerr ni M. Robinson n’avaient de points de désaccord avec l’opinion de M. Wahlers concernant les aptitudes de la personne versée dans l’art. J’ai adopté la définition de M. Wahlers, car je l’estime complète et correcte.

XV. Les connaissances générales courantes

[166] La deuxième question à trancher par la Cour concerne la définition des connaissances générales courantes de cette personne versée dans l’art. Les connaissances générales courantes s’entendent des connaissances que possèdent généralement les personnes versées dans l’art en cause au moment considéré. Ces connaissances évoluent et augmentent constamment (Whirlpool, au para 74).

[167] On distingue au sein de ces connaissances les informations qui sont largement reconnues de celles qui sont simplement accessibles au public. Certaines divulgations peuvent intégrer les connaissances générales courantes, mais seulement lorsqu’elles sont connues de manière générale et considérées comme un bon fondement pour continuer (Eli Lilly & Co, au para 97). Parallèlement, certaines informations faisant partie de ces connaissances générales courantes pourraient ne jamais avoir été consignées par écrit (Janssen-Ortho Inc c Novopharm Ltd, 2006 CF 1234, au para 113 [Novopharm]).

[168] Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits établissant ce qui faisait partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art en 1998, en 2000 et en 2003. Font partie des connaissances générales courantes antérieures à la date de dépôt des brevets ce qui suit :

  • a)Le système de télévision typique comprend une tête de ligne (site central géré par l’opérateur servant à recueillir le contenu multimédia de fournisseurs et à traiter ce contenu pour la distribution) et de l’équipement chez le client (entre autres, un téléviseur, parfois doté d’un décodeur, qui reçoit le contenu télévisuel pour le visionnement).

  • b)Les GEE sont capables de fournir et de stocker des données sur la programmation télévisuelle au moyen d’un décodeur.

  • c)Le décodeur peut être contrôlé par l’utilisateur à l’aide d’une télécommande.

  • d)Jusqu’au milieu des années 1990, la télédiffusion se faisait le plus souvent en mode analogique.

  • e)Le développement des techniques de transmission, de compression et de stockage en mode numérique et l’adoption généralisée de celles-ci ont facilité la fourniture d’une expérience télévisuelle interactive améliorée chez les utilisateurs.

  • f)L’Internet a permis aux utilisateurs du monde entier de se connecter numériquement pour échanger des messages, jouer à des jeux et visionner divers types de contenu multimédia (notamment des images, de la musique et des vidéos).

  • g)En mars 1998, DAVIC a publié la version 1.3.1 de son mémoire en 14 parties.

[169] Il ne s’agit en aucun cas d’une liste complète des connaissances générales courantes. Au lieu de les répéter en détail dans les présents motifs, j’adopte les connaissances générales courantes qui sont bien présentées à mon avis dans les rapports sur la validité déposés par les experts des défenderesses. Lors de mon analyse des questions sur la validité, je m’attarderai aux éléments des revendications qui feraient partie des connaissances générales courantes selon les défenderesses, mais pas selon Rovi.

[170] Les experts présentés par les parties ne contestent pas que les éléments des revendications faisant partie de l’analyse qui suit sont essentiels. Seuls les éléments dont l’interprétation est contestée seront analysés en profondeur dans les présents motifs. Je mettrai l’accent sur les revendications pour lesquelles « le bât blesse », selon l’expression connue (Bayer Inc c Apotex Inc, 2014 CF 436, aux para 46, 47).

XVI. Le brevet 870

[171] Le brevet 870 s’étire sur 346 pages et comprend 999 revendications. Il a été déposé le 13 juillet 1999 et revendique la priorité sur la demande de brevet no 60/092 807, déposée le 14 juillet 1998 aux États-Unis (la « demande 807 »), et sur la demande no 09/332 244 déposée le 11 juin 1999 aux États-Unis. Il concerne dans l’ensemble un système de GEI qui permet aux utilisateurs d’enregistrer des émissions et des données sur ces émissions sur un serveur local ou distant.

[172] Le brevet 870 a été porté à l’attention du public le 27 janvier 2000, a été délivré le 3 janvier 2017 et a expiré le 13 juillet 2019. L’ajout de 870 revendications à ce brevet a eu lieu près de 15 ans après le dépôt et quatre ans après le lancement des services de Bell et de TELUS. L’importance de ces modifications deviendra évidente dans le traitement de l’argumentation des défenderesses, à savoir que la portée des revendications excède l’invention créée par les inventeurs.

[173] Au départ, Rovi faisait valoir la contrefaçon de 124 revendications du brevet 870 à l’encontre de Bell et de 96 revendications à l’encontre de TELUS. Lors du procès, seules quatre revendications, soit la revendication 870A et les revendications 870C, faisaient partie des allégations de contrefaçon à l’encontre des défenderesses.

[174] Je discuterai d’abord des questions de contrefaçon et de validité concernant la revendication 870A en particulier avant d’examiner les contestations de validité visant les revendications 870C. Je discuterai ensuite des arguments des défenderesses sur la portée excessive des revendications 870 dans leur ensemble.

A. La revendication 870A

[175] La revendication 870A nous décrit un GEI qui enregistre deux émissions simultanément. En voici le texte :

[traduction]

346. Méthode d’utilisation d’un guide d’émissions de télévision interactif pour l’enregistrement d’émissions. Cette méthode consiste à :

recevoir une première sélection faite par l’utilisateur à l’aide d’un guide interactif pour enregistrer une première émission de télévision sur un dispositif de stockage numérique à accès aléatoire;

commander au premier syntoniseur de se syntoniser à la chaîne de la première émission de télévision après réception de la première sélection de l’utilisateur;

enregistrer la sortie du premier syntoniseur sur le dispositif de stockage numérique à accès aléatoire;

recevoir une deuxième sélection faite par l’utilisateur à l’aide d’un guide interactif pour enregistrer une deuxième émission de télévision sur le dispositif de stockage numérique à accès aléatoire lorsque l’heure de diffusion de la deuxième émission coïncide partiellement ou entièrement à l’heure de diffusion de la première émission;

commander au deuxième syntoniseur de se syntoniser à la chaîne de la deuxième émission de télévision après réception de la deuxième sélection de l’utilisateur;

enregistrer la sortie du deuxième syntoniseur en même temps que la sortie du premier syntoniseur sur le dispositif de stockage numérique à accès aléatoire.

1. Interprétation des revendications – Revendication 870A

[176] Un seul différend oppose les parties sur l’interprétation des revendications du brevet 870. Il porte sur la signification des termes « tune » (syntoniser) et « tuner » (syntoniseur) tirés de la revendication 870A.

[177] Selon l’avis fourni par M. Wahlers, « syntoniser » et « syntoniseur » ne servent pas seulement à décrire les systèmes habituels par câble, car la personne versée dans l’art pouvait se servir des termes « syntoniser » et « syntonisation » pour parler des déploiements d’IPTV. M. Wahlers a soutenu que le terme syntoniseur [traduction] « englobe tout matériel et tout logiciel permettant la sélection d’une chaîne ».

[178] En comparaison, bien qu’il ait convenu que le mot « tuning » (un verbe : syntoniser) est utilisé de façon familière pour décrire l’accès à une chaîne après connexion à un flux de multidiffusion, M. Kerr était d’avis que la personne versée dans l’art comprendrait que le syntoniseur (un nom) est une pièce d’équipement qui sélectionne une chaîne parmi un grand nombre.

[179] Dans son rapport sur la validité, M. Kerr a fait remarquer que le contenu télévisuel est souvent transmis aux utilisateurs par le signal qui est modulé et transmis sur un support, par exemple un câble coaxial. Les émissions de télévision diffusées à l’utilisateur proviennent de plusieurs « chaînes », c’est-à-dire des bandes de fréquences à l’intérieur d’une bande passante. Le syntoniseur est le dispositif qui peut sélectionner une bande de fréquences particulière, une chaîne de télévision précise. Cette affirmation n’a pas été contredite.

[180] Rovi soutient que c’est l’avis de M. Wahlers qui doit être privilégié, car celui-ci est soutenu par : (i) les descriptions fournies par Bell et TELUS de leur propre système IPTV; (ii) l’emploi du terme syntoniser chez le personnel technique discutant de systèmes IPTV; (iii) le témoignage de M. Robinson au sujet des systèmes IPTV, qui serait beaucoup plus franc que celui de M. Kerr. Je ne partage pas cet avis.

[181] Il n’est pas contesté que les termes « tune » et « tuning » sont utilisés en parlant des systèmes IPTV. M. Kerr a reconnu lors de son contre-interrogatoire que le personnel technique adopte des termes familiers comme « channel » (chaîne) et « tune » (syntoniser) en parlant des systèmes IPTV. Ces termes se retrouvent également dans des documents présentant les services de Télé Fibe et de Télé Optik, notamment dans le matériel de marketing de Bell destiné aux consommateurs. De plus, le terme syntoniser est employé couramment pour indiquer l’accès à une émission de télévision diffusée en direct à l’intérieur des systèmes IPTV des défenderesses s’intégrant au logiciel Mediaroom qu’Ericsson fournissait.

[182] Je note que le terme « tuner » se trouve dans le document d’Ericsson intitulé « Set-Top Box Client, Ericsson Mediaroom for Set-Top Box Client 3.3 GA » (décodeur client, Mediaroom d’Ericsson pour le décodeur client 3.3 GA), même si aucun témoignage ne permet d’expliquer ce que ce terme signifierait pour la personne versée dans l’art dans le contexte de ce document. Au cours de son contre-interrogatoire, M. Kerr s’est fait montrer ce document, qu’il voyait pour la première fois, et il a été invité à le commenter. Il a déclaré que le document d’Ericsson était un document d’opération portant sur la configuration du décodeur et non un [traduction] « traité technique sur la construction du système ». De son point de vue, les utilisations du mot « tuner » étaient le plus souvent imbriquées dans des abréviations codées.

[183] Pour plus de clarté, tous les experts, dont M. Robinson, ont convenu que le mot « tuning » (syntonisation) était utilisé couramment pour décrire l’accès à une émission de télévision. Cependant, le cœur de la question n’est pas de savoir ce que la syntonisation signifie en général, mais bien ce que la personne versée dans l’art comprendrait en voyant le terme « tuner » (le nom), car Rovi admet qu’il s’agit là d’un élément essentiel de la revendication 870A, auquel s’ajoute le verbe « to tune » (syntoniser).

[184] Selon Rovi, le témoignage de M. Robinson soutient l’avis de M. Wahlers. Cependant, je note que personne n’a jamais demandé à M. Robinson ce que le terme « tuner » signifierait pour la personne versée dans l’art qui lirait le brevet 870. Lors de son contre-interrogatoire, l’avocat a simplement demandé à M. Robinson si la personne versée dans l’art connaissait et comprenait le terme « tuning » aux alentours de l’an 2000. M. Robinson a répondu que cette personne, surtout si elle avait une formation en électronique, aurait su ce que veut dire la syntonisation en parlant d’un circuit LC.

[185] L’avocat de Rovi a poursuivi en disant à M. Robinson que la personne versée dans l’art comprendrait aussi ce que le mot « tuning » signifie relativement à un système IPTV. M. Robinson a répondu que c’était le cas en langue courante. L’avocat de Rovi a alors demandé à M. Robinson de consulter la section de son rapport sur la validité du brevet 585 où se trouve son interprétation de la revendication 34 du même brevet et, plus précisément, l’élément [traduction] « qui syntonise le premier dispositif utilisateur à la première émission diffusée à une heure de syntonisation, cette heure étant postérieure à l’heure de début programmée de la première émission diffusée ». Dans son rapport, M. Robinson a indiqué comme suit ce qu’une personne versée dans l’art y comprendrait :

[traduction]

Les concepts de syntonisation ou d’heure de syntonisation se rapportent à la technologie issue du câble et d’autres technologies de diffusion. Cependant, dans le contexte d’un système IPTV, le concept de syntonisation englobe la sélection d’une émission au moyen d’un GEE à l’aide d’un dispositif utilisateur (p. ex. un décodeur). Cette sélection se produit postérieurement à l’heure programmée du début de l’émission en question au moment où la diffusion est déjà en cours.

[186] C’est dans ce contexte que s’inscrit l’échange suivant :

[traduction]

Q. Votre interprétation du terme comprend ce qui suit :

« Dans le contexte d’un système IPTV, la syntonisation englobe la sélection d’une émission au moyen d’un GEE à l’aide d’un dispositif utilisateur. »

Est-ce là votre interprétation de ce terme?

R. C’est-à-dire que, dans le contexte de l’IPTV, le terme « syntonisation » s’utilise dans la langue courante pour dire une sélection d’émission à l’aide d’un GEE. Autrefois, dans la pratique, on disait explicitement qu’on syntonisait en utilisant une certaine radiofréquence.

Q. Vous comprenez, Monsieur, que l’interprétation de la revendication que vous fournissez est censée nous dire ce que la personne versée dans l’art aurait compris à l’époque pertinente?

R. Oui, dans le contexte d’un travail sur un système IPTV, la personne versée dans l’art utiliserait le terme de la façon que j’ai décrite dans mon rapport.

Q. Et cette personne voudrait alors dire qu’elle sélectionne une émission à l’aide d’un GEE?

R. C’est exact.

[187] Rovi soutient que le témoignage de M. Robinson portait sur le point de vue de la personne versée dans l’art en l’an 2000 (date pertinente pour le brevet 585) plutôt qu’en 1998 (date pertinente pour le brevet 870), mais qu’[traduction] « il n’existe aucune différence d’interprétation de ces termes chez les personnes versées dans l’art entre ces dates ». Il est à noter que Rovi n’a pas relevé les termes en question.

[188] La revendication 34 du brevet 585 ne fait pas référence au terme « tuner », mais bien au terme « user device » (dispositif utilisateur), une différence qui est notable. Tout ce que je retire du témoignage de M. Robinson, c’est que les termes « tune » et « tuning » s’utilisent en langue courante dans le contexte des déploiements de systèmes IPTV, et cela, M. Kerr l’avait reconnu d’emblée.

[189] Revenons à la revendication 870A pour laquelle la capacité de donner des commandes à un « tuner » (syntoniseur) est nécessaire à la syntonisation. Dans la divulgation du brevet 870, il est écrit que [traduction] « tout ensemble adéquat de syntoniseurs analogiques et numériques et de décodeurs est ci-après dénommé syntoniseur ». Dans un exemple donné, il est possible de commander à un ou plusieurs syntoniseurs de se syntoniser à des chaînes données et à un moment donné.

[traduction]

Tout ensemble adéquat de syntoniseurs analogiques et numériques et de décodeurs est ci-après dénommé syntoniseur par souci de simplifier la discussion. L’enregistreur 125 peut commander à un ou plusieurs syntoniseurs de se syntoniser à une ou plusieurs chaînes (analogiques ou numériques) à une heure précise en fonction des entrées dans la file d’attente 120. Dans cet exemple, l’enregistreur 125 peut commander à un premier syntoniseur d’enregistrer le 21 décembre 1999 à la chaîne 4 l’ÉMISSION 1 pour l’utilisateur 1. L’enregistreur 125 peut aussi commander à un deuxième syntoniseur de se syntoniser au même moment à la chaîne 5 pour enregistrer l’ÉMISSION 2 pour l’utilisateur 1 et l’utilisateur 2. La limite maximale de syntoniseurs nécessaires au serveur média distant 24 peut être le nombre de chaînes distribuées par la pièce d’équipement 21. Dans ce contexte, les circuits de syntoniseur et de décodeur peuvent être réalisés à l’aide d’un ou de plusieurs circuits intégrés.

[190] Ce texte est tout à fait cohérent avec l’interprétation de M. Kerr. M. Kerr affirme que la personne versée dans l’art comprendrait qu’un syntoniseur est un dispositif analogique ou numérique pouvant syntoniser une certaine bande de fréquences et, par conséquent, une chaîne de télévision en particulier. Il explique que le syntoniseur agit comme un filtre de sortie se limitant à la chaîne sélectionnée. M. Kerr ajoute que [traduction] « la fonction d’un “syntoniseur” consiste à sélectionner une chaîne dont la réception provient d’un média multivoie ». Selon M. Kerr, les syntoniseurs s’utilisaient et s’utilisent dans les systèmes de télévision par câble, alors qu’il n’existe pas de syntoniseur ou de pièce d’équipement équivalente dans un système IPTV. Il convient qu’on appelle souvent en langage courant le changement de chaîne de télévision syntonisation (peu importe le protocole de transmission mis en place au système de télévision), mais il note que la revendication 870A demande expressément un syntoniseur. À son avis, [traduction] « le syntoniseur n’est pas nécessaire, il est absent, il est même incompatible avec la méthodologie de changement de chaîne dans un système IPTV comme celui de Bell ou de TELUS ».

[191] Dans son rapport en réponse sur la validité, M. Wahlers affirmait tout comme M. Kerr que la syntonisation d’une chaîne dans un système IPTV implique la jonction avec un flux de multidiffusion, mais il pensait, contrairement à M. Kerr, qu’un tel système devait avoir un syntoniseur. Au lieu d’indiquer le matériel ou le logiciel qui seraient considérés comme étant un syntoniseur dans un système IPTV, M. Wahlers ne voyait que la fonction de syntonisation en affirmant que [traduction] « malgré les différences technologiques inhérentes en matière de syntonisation entre un système de télédiffusion et un système IPTV, il demeure que la syntonisation demeure une partie essentielle dans un système IPTV et son appellation demeure la même ».

[192] M. Wahlers n’a pas relevé les équipements matériels ou logiciels pouvant être considérés comme étant un syntoniseur dans un système IPTV; il s’est plutôt arrêté à la fonctionnalité de la syntonisation. Lors de son interrogatoire principal, il a suggéré qu’un syntoniseur est en quelque sorte un modem, ce qui équivaut à de la syntonisation. En contre-interrogatoire, M. Wahlers a reconnu qu’il [traduction] « n’existe aucune puce dans les schémas d’architecture des systèmes IPTV qui porte le nom de syntoniseur ». M. Wahlers revenait encore et toujours sur la fonctionnalité de la syntonisation pour éluder la difficulté évidente.

[traduction]

Q. Pouvons-nous convenir que dans le décodeur d’un système IPTV ou dans l’équipement de l’utilisateur du même système, aucune pièce d’équipement ne s’appelle un syntoniseur?

R. Je ne peux pas convenir de cela. Non.

Q. D’accord. Alors, quelle pièce d’équipement dans le système IPTV se trouvant chez l’utilisateur ou ses locaux s’appelle un syntoniseur? Ce que je demande, Monsieur Wahlers, c’est une pièce d’équipement. Quelle pièce d’équipement s’appelle un syntoniseur et où se trouve-t-elle?

R. Dans un décodeur, il existe des puces de réseautage, c’est du matériel dans le cas de l’IPTV, qui fonctionne comme un syntoniseur…

Q. Je ne vous ai pas demandé ce qui fonctionne comme un syntoniseur. Je vous ai demandé s’il y avait une pièce d’équipement s’appelle un syntoniseur. Oui ou non?

R. Je ne connais pas l’interprétation de tout le monde ou l’utilisation de ce mot à un niveau technique pour dire qu’une puce en particulier est un syntoniseur. Je suis donc d’accord avec vous pour dire qu’il n’y a pas de puce dans le diagramme d’architecture d’un système IPTV qui s’appellerait un syntoniseur.

Q. Merci. Si je comprends votre opinion, ce que vous essayez de me dire, c’est que, dans le contexte d’un système IP de multidiffusion, le fait de sélectionner un signal donné après jonction avec un flux de multidiffusion correspondrait à une fonction de syntonisation?

R. Oui.

[193] Rovi soutient que la formulation de la revendication 870A, qui est une méthode, est axée sur la fonctionnalité de la syntonisation à des chaînes et non sur le matériel se situant à un niveau inférieur. Cependant, elle aussi évite de faire allusion au langage simple de la revendication 870A.

[194] Rovi me demande essentiellement de négliger le fait qu’il n’existe pas de « tuner » (syntonisateur) recevant des commandes dans la revendication 870A parce que les défenderesses décrivent leurs systèmes de multidiffusion à l’aide des termes « tune » (syntoniser) et « tuner » (syntonisateur). Et pourtant, le brevet 870 n’a rien à voir avec les systèmes de multidiffusion. Même si ce type de systèmes était connu dans les années 1990, il n’y est pas fait mention de multidiffusion ni d’IPTV dans le brevet, un fait admis par M. Kerr.

[195] Après un examen minutieux des témoignages d’expert et ainsi que de la formulation et de la divulgation du brevet 870, je préfère l’interprétation des termes « tuning » (syntoniser) et « tuner » (syntonisateur) que M. Kerr a formulée aux paragraphes 17 à 20 de son rapport sur la contrefaçon à celle de M. Wahlers.

2. Validité

[196] Les défenderesses soutiennent que la revendication 870A est antériorisée par Browne.

[197] Browne est une demande de brevet déposée à l’OMPI, publiée le 23 décembre 1992 par ses inventeurs Browne et Yurt. Cette invention concerne d’une manière générale « un lecteur d’enregistreur audio et vidéo multisource à accès aléatoire et à grande capacité qui est capable de recevoir une pluralité de signaux d’entrée simultanés et qui permet à un utilisateur de visualiser ou d’enregistrer de cette pluralité de signaux d’entrée les émissions et chaînes sélectionnées ».

[198] L’antériorité a été établie le 14 juillet 1998, date de priorité du brevet 870. Il s’agit d’un critère difficile à satisfaire, comme l’arrêt Free World Trust l’indique au paragraphe 26 :

Il faut en effet pouvoir s’en remettre à une seule publication antérieure et y trouver tous les renseignements nécessaires, en pratique, à la production de l’invention revendiquée sans l’exercice de quelque génie inventif. Les instructions contenues dans la publication antérieure doivent être d’une clarté telle qu’une personne au fait de l’art qui en prend connaissance et s’y conforme arrivera infailliblement à l’invention revendiquée.

[199] Si une publication ne divulgue pas les éléments essentiels d’une revendication de brevet ni ne les rend réalisables, cette dernière est nouvelle, ou non antériorisée (Apotex Inc c Shire LLC, 2021 CAF 52, au para 36 [Shire LLC]).

a) Antériorité

[200] Les experts ont convenu des éléments essentiels à la revendication 870A :

  1. Élément 1 : Méthode d’utilisation d’un GEI pour recevoir les sélections de l’utilisateur afin d’enregistrer des émissions sur un dispositif de stockage numérique à accès aléatoire.

  2. Élément 2 : Commander aux premier et deuxième syntoniseurs de se syntoniser à la chaîne correspondant aux première et deuxième émissions de télévision selon les première et deuxième sélections effectuées par l’utilisateur.

  3. Élément 3 : Enregistrer simultanément les sorties des deux syntoniseurs sur un dispositif de stockage numérique à accès aléatoire lorsque l’heure de diffusion des deux émissions coïncide partiellement ou entièrement.

[201] Comme il a été mentionné ci-dessus, il existe deux exigences distinctes pour démontrer qu’un art antérieur précède une invention revendiquée, soit la divulgation antérieure et le caractère réalisable.

(i) Divulgation antérieure

[202] Rovi ne conteste pas que l’élément 3 a été divulgué par Browne. La question à trancher consiste à déterminer si les éléments 1 et 2 ont été divulgués eux aussi.

[203] Les experts s’entendent de manière générale sur l’interprétation à donner au terme « interactive television program guide » (guide d’émissions de télévision interactif) figurant au brevet 870. L’interprétation de M. Wahlers est la suivante :

[traduction]

« Guide d’émissions de télévision interactif » s’entend de l’équipement matériel et/ou des logiciels qui traitent les données tirées des listes d’émissions de télévision, génèrent des écrans et reçoivent et traitent les entrées de l’utilisateur, entre autres fonctions. Ce guide d’émissions de télévision interactif est mis en œuvre en totalité ou en partie par l’équipement matériel de l’utilisateur selon divers arrangements.

[204] La fonctionnalité principale du GEI, convenue tant par M. Wahlers que M. Kerr, consiste en l’interface utilisateur qui permet à l’utilisateur de parcourir les données des émissions télévisées à l’aide d’un dispositif d’entrée et de contrôler la lecture et l’enregistrement des émissions. C’est cette fonctionnalité qui rend le guide interactif.

[205] L’élément 1 est une méthode d’utilisation d’un GEI pour recevoir les sélections de l’utilisateur afin d’enregistrer des émissions sur un dispositif de stockage numérique à accès aléatoire. Ce type de dispositif est bien connu et il permet la lecture et le stockage de données selon un ordre quelconque, ce qui facilite la rapidité de la lecture et du stockage. Il est exemplifié à l’époque par les disques durs et la mémoire de semiconducteurs (mémoire à accès aléatoire ou RAM). Même s’ils conviennent que Browne a divulgué la façon d’enregistrer des émissions sur un dispositif numérique avec RAM, les experts sont divisés sur la question de savoir si Browne décrit un GEI qui le fait.

[206] M. Kerr affirme dans son rapport sur la validité que Browne divulgue un GEE par son « interface utilisateur », présentée à la figure 6 ci-dessous et que la personne versée dans l’art comprendrait qu’il s’agit d’un GEE.

Browne Fig

FIG. 6

FIG. 6

FREE PROGRAM MEMORY

MÉMOIRE LIBRE POUR ÉMISSIONS

4.75 HRS

4,75 H

LOCKED

VERROUILLÉ

TITLE

TITRE

-- NOT YET --

-- À VENIR --

NIGHTLY NEWS

NOUVELLES SOIR

BATMAN

BATMAN

THE ASTRONOMERS

THE ASTRONOMERS

SOURCE

SOURCE

VHF

VHF

FM

FM

VHF #

VHF #

CABLE

CÂBLE

CHANNEL

CHAÎNE

TIME

DURÉE

DATE

DATE

MAY 17, 1991

17 MAI 1991

MAY 15, 1991

15 MAI 1991

MAY 13, 1991

13 MAI 1991

DEC 28, 1990

28 DÉC 1990

MAY 13, 1991

13 MAI 1991

LENGTH

LONGUEUR

NOTES

NOTES

NOT YET RECORDED

PAS ENCORE ENREGISTRÉ

KEEP FOR WENDY

À CONSERVER POUR WENDY

VIEWED

VISIONNÉ

[207] M. Kerr explique que l’utilisateur se sert du GEE pour contrôler le processus d’enregistrement d’émissions (dont le dispositif de stockage RAM), notamment pour sélectionner la source de l’émission, la chaîne, l’heure d’enregistrement et d’autres paramètres de sortie. La figure 2 de Browne affiche le menu principal du GEE, par lequel l’utilisateur accède aux options de configuration, aux enregistrements, à la liste d’émissions enregistrées et à d’autres options.

Browne Fig

FIG. 2

FIG. 2

MAIN MENU

MENU PRINCIPAL

SETUP PAGE

PAGE CONFIGURATION

PROGRAM RECORDING

ENREGISTREMENT D’ÉMISSIONS

STORED PROGRAM LIST

LISTE DES ÉMISSIONS ENREGISTRÉES

ROUTING CONTROL

CONTRÔLE DU ROUTAGE

SPECIAL EFFECTS

EFFETS SPÉCIAUX

DATABASE ACCESS

ACCÈS BASE DE DONNÉES

 

[208] L’utilisateur se sert du GEE pour sélectionner la source de la chaîne (câble, antenne, satellite, etc.) et l’heure des émissions qu’il veut enregistrer, comme le montrent les figures 5A à 5E de Browne.

Browne Fig

FIG. 5A

FIG. 5A

ENTER CHANNEL

ENTRER LA CHAÎNE

FIG. 5B

FIG. 5B

SELECT SOURCE

CHOISIR SOURCE

CABLE

CÂBLE

ANTENNA VHF

ANTENNE VHF

ANTENNA UHF

ANTENNE UHF

FM RADIO

RADIO FM

AM RADIO

RADIO AM

SATELLITE DBS

SERVICE SATELLITE

ISDN DIGITAL

RNIS (ISDN)

FIG. 5C

FIG. 5C

PROGRAM NAME

NOM DE L’ÉMISSION

FIG. 5D

FIG. 5D

RECORDING FREQUENCY

FRÉQUENCE D’ENREGISTREMENT

ONCE

UNE FOIS

DAILY

CHAQUE JOUR

BI-WEEKLY

2 FOIS SEMAINE

WEEKLY

1 FOIS SEMAINE

MONTHLY

1 FOIS MOIS

OTHER

AUTRES

FIG. 5E

FIG. 5E

OK

OK

CANCEL

ANNULER

[209] L’utilisateur peut entrer le titre de l’émission à enregistrer (fig. 5C) et préciser la fréquence d’enregistrement, notamment pour enregistrer des émissions diffusées à date et heure régulières (fig. 5D). Compte tenu de ce qui précède, M. Kerr conclut que Browne divulgue une méthode d’utilisation d’un GEE qui reçoit les émissions sélectionnées par l’utilisateur à enregistrer sur le dispositif de stockage RAM.

[210] Dans son rapport en réponse, M. Wahlers fait la critique de Browne parce que les termes « GEE », « electronic program guide » (guide d’émissions électronique) et même « program guide » (guide de programmation) sont absents de Browne. Cependant, il n’est pas pertinent de savoir si le terme GEE se trouve dans Browne, car il n’est pas nécessaire qu’une réalisation antérieure alléguée décrive avec exactitude l’invention revendiquée : Abbott Laboratories, au para 75.

[211] Il convient de rappeler que les enseignements d’un art antérieur doivent être interprétés de la manière qu’une personne versée dans l’art les comprendrait. Par définition, la personne versée dans l’art possède des connaissances générales courantes : Western Oilfield, au para 86. La divulgation doit suffire à la personne versée dans l’art qui la lit et qui est disposée à en comprendre le contenu, lequel peut être compris sans essai ni erreur.

[212] Lors de son interrogatoire principal, M. Kerr a expliqué que, même si le terme GEE en est absent, Browne définit la fonctionnalité du GEE qui peut servir à enregistrer numériquement des émissions et à contrôler tout le dispositif d’enregistrement. Selon M. Kerr, un exemple de cette fonctionnalité est présenté à la figure 6 de Browne.

[213] Browne indique aux pages 31 et 32 que [traduction] « pour réaliser l’enregistrement, il est préférable que l’utilisateur suive les étapes décrites dans le diagramme de la figure 13 ». Au cours de son contre-interrogatoire, M. Kerr a pu voir la figure 13, qui est reproduite ci-dessous.

Browne Fig

FIG. 13

FIG. 13

RECORD PROGRAM MODE

MODE D’ENREGISTREMENT

CHOOSE MONTH

CHOISIR LE MOIS

CHOOSE DAY

CHOISIR LE JOUR

CHOOSE TIME

CHOISIR L’HEURE

CHOOSE CHANNEL

CHOISIR LA CHAÎNE

ENTER SOURCE CONNECTION

ENTRER LA CONNEXION SOURCE

ENTER NAME OF PROGRAM TO BE RECORDED

ENTRER LE NOM DE L’ÉMISSION À ENREGISTRER

SET FREQUENCY OF RECORDING

RÉGLER LA FRÉQUENCE D’ENREGISTREMENT

STOP RECORDING

ARRÊTER L’ENREGISTREMENT

[214] C’est dans ce contexte que s’inscrit l’échange suivant :

[traduction]

Q. [...] Voici la figure qui décrit de quelle façon l’utilisateur définit un enregistrement, comme nous venons tout juste de le voir, n’est-ce pas, Monsieur Kerr?

R. C’est une manière de le faire, mais ce n’est pas la seule. Browne, comme je l’ai dit, je l’avais mentionné lundi lors de l’interrogatoire principal, j’avais exposé de quelle façon Browne divulgue la capacité de mettre à la disposition de l’utilisateur un écran ou une liste d’émissions à venir sous une forme quelconque à partir de laquelle l’utilisateur pouvait sélectionner une émission à enregistrer.

Q. C’est-à-dire que vous ajoutez vos connaissances générales courantes au contenu de Browne, n’est-ce pas? Au lieu de dire ce qui se trouve dans Browne?

R. Browne n’utilise pas le terme GEE, mais il décrit la fonctionnalité nécessaire à l’accomplissement de la tâche. Je n’ajoute donc pas mes connaissances générales courantes pour combler un vide. Je dis simplement qu’une personne versée dans l’art comprendrait en 1998 à partir de son expérience et de son expertise que c’est ce qui s’appelle [...] s’appelait alors un GEE et qui aujourd’hui s’appellerait un GEE pour l’époque. C’est le témoignage que j’ai livré à M. Mason lundi.

Q. Très bien. Pour en revenir à Browne et à sa manière de présenter ce que vous appelez une façon de programmer un enregistrement [...]

R. Oui.

Q. Vous êtes d’accord avec moi que c’est ce que montre la figure 13?

R. C’est certainement une façon de le faire. C’était très largement divulgué. C’est ce que j’ai dit très clairement à M. Mason. Il s’agit d’une façon de réaliser un enregistrement qui a été divulguée par Browne. Absolument. Une façon très manuelle, très simple, mais ce n’est pas vraiment, à mon avis, ce qu’une personne versée dans l’art en 1998 décrirait comme étant un guide d’émissions particulièrement interactif.
[Non souligné dans l’original.]

[215] M. Kerr a également reconnu lors de son contre-interrogatoire que l’unité de commande (controller) décrite dans Browne ne satisfait pas à toutes les exigences d’un GEI.

[216] Les aveux précédents portent un coup fatal à l’allégation d’antériorité des défenderesses. Comme l’a expliqué M. Wahlers, le GEE proposé dans Browne est un système de menus qui fournit à l’utilisateur des informations continuellement mises à jour portant sur la programmation actuelle et à venir. Alors que les GEE sont habituellement un menu non interactif d’information sur la programmation qui s’affiche numériquement, le GEI qui est décrit dans les revendications 870 permet aux utilisateurs de naviguer de manière interactive dans les informations de programmation pour, par exemple, sélectionner et découvrir la programmation par heure, titre, chaîne ou genre à l’aide d’un dispositif d’entrée. Le GEE décrit dans Browne ne répond pas à cette définition.

[217] Dans ces circonstances, je conclus que les défenderesses n’ont pas établi que la revendication 870A a été antériorisée par Browne.

[218] Dans le cas où je conclurais que l’élément 1 a été divulgué par Browne, je conclurais alors que la revendication 870A a été antériorisée par Browne.

2) Élément 2 : Commander aux premier et deuxième syntoniseurs de se syntoniser à la chaîne correspondant aux première et deuxième émissions de télévision selon les première et deuxième sélections effectuées par l’utilisateur.

[219] Nul ne conteste que Browne divulgue un syntoniseur. M. Wahlers reconnaît que la personne versée dans l’art comprendrait que les « input demodulators » (démodulateurs d’entrée) décrits dans Browne sont un type de syntoniseur. En fait, M. Wahlers a reconnu que Browne divulgue la possibilité de sept syntoniseurs pouvant être réglés sur sept chaînes différentes en même temps.

[220] Dans son rapport sur la validité, M. Kerr indiquait que la personne versée dans l’art comprendrait que l’élément 2 signifie [traduction] « régler un syntoniseur à une chaîne lorsque l’utilisateur l’a sélectionnée ». M. Wahlers était d’accord de manière générale avec cette interprétation.

[221] Au paragraphe 89 de son rapport en réponse sur la validité, M. Wahlers fait la critique de Browne parce que ce document ne divulgue pas la façon de donner des commandes aux syntoniseurs en offrant le raisonnement suivant :

[traduction]

89. M. Kerr renvoie au passage suivant de la page 9 de Browne : « le nombre de démodulateurs d’entrée peut varier, mais il devrait y en avoir au moins deux ». Dans la divulgation de Browne, le nombre de démodulateurs d’entrée (un type de syntoniseur) correspond précisément aux signaux modulés d’entrée que reçoit le lecteur enregistreur multisource et il devrait y avoir au moins deux démodulateurs (Browne, page 9). J’en déduis qu’il doit y avoir au moins deux signaux qui sont automatiquement enregistrés en tête de ligne. Browne ne mentionne pas la direction des syntoniseurs ou démodulateurs d’entrée.

[222] À mon avis, ce passage dénote une lecture erronée de Browne. Toute l’invention de Browne repose sur la capacité de l’utilisateur d’enregistrer sur un magnétoscope, comme l’indique clairement le document d’information.

[traduction]

L’invention de Browne concerne d’une manière générale un lecteur d’enregistreur audio et vidéo multisource à accès aléatoire et à grande capacité qui est capable de recevoir une pluralité de signaux d’entrée simultanés et qui permet à un utilisateur de visualiser ou d’enregistrer de cette pluralité de signaux d’entrée les émissions et chaînes sélectionnées.

[223] Dans les faits, M. Wahlers a reconnu en contre-interrogatoire que Browne ciblait la capacité de l’utilisateur dans son domicile à enregistrer des émissions simultanément.

[224] J’estime que Browne divulgue que l’utilisateur sélectionne les émissions à enregistrer au moyen d’une unité de commande ou interface, qui est en fait le GEE, comme il a déjà été mentionné. Browne divulgue également que les démodulateurs d’entrée et les syntoniseurs répondent aux sélections que l’utilisateur effectue avec le GEE.

[225] L’analyse de M. Kerr selon laquelle Browne divulgue la sélection et la direction de l’enregistrement est bien fondée et convaincante. Par conséquent, je conclus que Browne divulgue l’élément 2 de la revendication 870A.

(ii) Caractère réalisable

[226] Au sujet du caractère réalisable, M. Kerr indique dans son rapport sur la validité que Browne donne une abondance de détails sur les moyens et les composants du système afin que la personne versée dans l’art puisse mettre en pratique la méthode de la revendication 870A sans éprouver de difficulté ni devoir faire des essais à l’excès. Il ajoute ce qui suit :

[traduction]

334. Browne décrit le contexte technique de l’invention, le problème que les inventeurs ont voulu résoudre (p. ex. les limites de la capacité de stockage et l’interaction de l’utilisateur avec le magnétoscope) et donne une description et des figures bien documentées qui enseignent à la personne versée dans l’art la façon de mettre en pratique l’invention. Effectivement, Browne fournit amplement plus de détails sur la façon d’enregistrer deux émissions simultanément sur un dispositif local de stockage numérique que ne le fait le brevet 870.

[227] Rovi soutient que Browne ne permet pas à la personne versée dans l’art de mettre en pratique la revendication 870A pour deux raisons. Elle fait valoir que le système que Browne divulgue est plus destiné à un type d’équipement de tête de ligne, pour lequel un distributeur par câble ou satellite assure le service, qu’aux consommateurs utilisateurs. Elle fait également valoir que la mise en place dans le domicile du consommateur de l’équipement et de l’infrastructure dont parle Browne, soit un appareil électronique grand public, n’est pas réalisable soit sur le plan technique, soit sur le plan financier. Je suis d’avis que ces arguments ne sont pas étayés par les témoignages.

[228] M. Kerr était en désaccord avec la suggestion de l’avocat de Rovi selon laquelle la personne versée dans l’art ne penserait pas à un appareil grand public installé dans un domicile en prenant connaissance de Browne.

[traduction]

R. Je ne suis pas vraiment d’accord. Lorsque vous consultez ce document, il est assez évident à plusieurs endroits qu’on ne prétend pas que l’appareil pourrait se vendre pour 200 dollars dans un magasin en 1992, car, j’en suis plus que certain, on n’aurait pas pu y parvenir. Il s’agit tout de même d’une invention, qui est un équipement perfectionné pour le grand public, et que Browne espérait de toute évidence qu’il serait produit un jour à un coût viable. L’inventivité dont se réclame Browne n’est pas celle de présenter un appareil qui serait à coût abordable pour le consommateur en 1992. Cette inventivité se rapporte plutôt à la fonctionnalité et à, bon, à l’ensemble de la divulgation.

[229] M. Wahlers soutient dans son rapport sur la validité que Browne n’enseigne pas la création d’un appareil électronique pour consommateurs, comme un décodeur, et pourtant il a reconnu à plusieurs reprises lors de son contre-interrogatoire que Browne visait un système qui pourrait s’insérer dans le domicile de l’utilisateur.

[traduction]

Q. Prochain paragraphe : « La présente invention a aussi pour but de permettre à l’utilisateur d’enregistrer plusieurs chaînes individuellement, en série ou simultanément. » Là, il est question d’utilisateurs ayant la capacité d’enregistrer des émissions simultanément dans leur domicile. C’est juste?

R. Oui.

[230] Dans son rapport sur la validité, M. Wahlers a estimé qu’en date du 17 septembre 1998, la mise en place dans le domicile du consommateur de tout l’équipement et de toute l’infrastructure dont parle Browne, soit un appareil électronique grand public, ne serait pas réalisable soit sur le plan technique, soit sur le plan financier. Cependant, M. Wahlers a reconnu en contre-interrogatoire que si la personne versée dans l’art disposait de l’argent et du temps nécessaires, elle aurait pu construire l’appareil de Browne et l’installer dans un domicile en 1998.

[231] Dans ses observations finales, Rovi a soutenu encore qu’il serait onéreux et complexe de construire le dispositif que Browne divulgue. Cependant, comme les défenderesses l’ont souligné à juste titre, il ne s’agit pas du critère qui sert à établir le caractère réalisable. Ce critère est établi si la personne versée dans l’art peut construire le dispositif sans éprouver de difficultés ni devoir faire des essais à l’excès. L’expert de Rovi a lui-même reconnu que c’était possible.

[232] L’opinion de M. Kerr sur le caractère réalisable est bien étayée et n’a pas été ébranlée en contre-interrogatoire. Je conclus que Browne rend réalisables les trois éléments essentiels de la revendication 870A.

[233] Pour résumer, puisque j’ai conclu que l’élément 1 n’était pas divulgué, la revendication 870A n’est pas antériorisée par Browne.

b) Évidence

[234] Les défenderesses soutiennent que le concept inventif ou l’objet de la revendication 870A est évident.

[235] L’article 28.3 de la Loi sur les brevets requiert que l’objet défini par une revendication dans une demande de brevet au Canada ne doive pas être évident à la date de la revendication pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet. La date de priorité s’appliquant à l’évaluation du brevet 870 en matière d’évidence est le 14 juillet 1998.

[236] Pour évaluer l’évidence, il n’est pas nécessaire que l’invention soit divulguée dans un seul brevet ou un seul élément d’art antérieur, alors que c’est le cas en matière d’antériorité. Les défenderesses se fondent sur les connaissances générales courantes, Browne et DAVIC 1.3.1 pour étayer leur argument sur l’évidence.

[237] Rovi fait valoir qu’il n’existe aucun élément de preuve indiquant la raison qui motiverait la personne versée dans l’art à combiner les arts antérieurs. Les défenderesses rétorquent qu’il n’y a pas lieu de le faire en l’espèce. Elles sont d’avis que le concept inventif ou l’objet de la revendication 870A est évident compte tenu des connaissances générales courantes seules, en combinaison avec Browne ou en combinaison avec DAVIC 1.3.1.

[238] Dans les présents motifs, j’ai déjà appliqué le cadre du critère établi dans Sanofi-Synthelabo et établi les aptitudes et les caractéristiques de la personne versée dans l’art; la prochaine étape est celle d’établir les connaissances générales courantes de cette personne versée dans l’art.

(i) Étape 1 : Définir la personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes

[239] Il est admis dans le brevet 870A que le GEI fait partie des connaissances. Il y est admis que le GEI doté d’un dispositif de stockage numérique fait lui aussi partie des connaissances.

[240] De plus, en juillet 1998, les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, comme l’a reconnu M. Wahlers en contre-interrogatoire, comprennent ce qui suit :

  1. la façon d’intégrer un GEI dans un système interactif pour la télévision de façon à ce que les utilisateurs puissent enregistrer des émissions sur un dispositif de stockage indépendant;

  2. la possibilité de se servir de dispositifs de stockage numérique, dont les lecteurs de disque dur et les DVD réinscriptibles (ou DVD-RAM), pour enregistrer des émissions de télévision;

  3. l’utilisation d’un dispositif de stockage numérique pour l’enregistrement d’émissions de télévision après la connexion du dispositif à un décodeur à l’aide d’une interface adéquate.

[241] Rovi soutient que la capacité à commander les syntoniseurs avait un caractère inventif en 1998. Cependant, rien au dossier de la preuve ne l’indique. C’est plutôt le contraire. Il n’y a rien de magique au concept de commander à un syntoniseur de se syntoniser à une chaîne qui se trouve dans la revendication 870A. Il s’agit essentiellement de syntoniser un syntoniseur à une chaîne lorsque l’utilisateur la sélectionne. M. Wahlers a reconnu que la personne versée dans l’art savait déjà de quelle façon s’y prendre avec les syntoniseurs lors de son contre-interrogatoire.

[traduction]

Q. En septembre 1998, la personne versée dans l’art connaissait bien déjà la façon de faire syntoniser les syntoniseurs à une émission de télévision, c’est juste?

R. Encore une fois, c’est difficile; il s’agit d’un ensemble de compétences spécialisées, le contrôle du matériel à ce niveau. Je ne suis pas certain qu’une personne normalement compétente serait capable de le réaliser. Les fournitures de la technologie des démodulateurs seraient certainement d’un grand secours. Alors je pense qu’une personne compétente aurait pu y parvenir avec de l’aide et du temps, en effet.

Q. On réussissait à le faire déjà 40 ans avant la date du présent brevet, n’est-ce pas?

R. Dans la diffusion par ondes hertziennes au début des années 1990, c’était un peu nouveau et seules y parvenaient les quelques sociétés qui vendaient de la technologie dans ce domaine, mais, il est vrai qu’à l’école, on pouvait apprendre la [...] syntonisation par radiofréquence et je pense bien qu’une personne versée dans l’art aurait pu l’apprendre d’elle-même, parvenir à comprendre la chose même sans en avoir l’expérience.

(ii) Étape 2 : Concept inventif

[242] Les experts conviennent que le concept inventif ou l’objet est le même que celui des trois éléments essentiels qui ont été établis plus haut par l’analyse de l’antériorité. Dans son essence, l’objet de la revendication 870A consiste à se servir d’un GEI pour commander à plus d’un décodeur d’enregistrer simultanément deux émissions.

(iii) Étape 3 : Différence entre l’état de la technique et le concept inventif

[243] Selon Rovi, ce qui manquait à l’art antérieur, ce sont l’élément 1 (utilisation d’un GEI pour enregistrer des émissions) et l’élément 2 (syntoniser les premier et deuxième syntoniseurs). Rovi fait valoir que l’art antérieur et la revendication 870A diffèrent de manière importante et qu’il faut donc de l’ingéniosité. Elle soutient qu’une personne versée dans l’art qui ne lit que Browne ou DAVIC 1.3.1 n’aurait pas pu en arriver aux méthodes de la revendication 870A sans passer par une étape inventive. Je ne suis pas de cet avis.

[244] Toute la stratégie de Rovi visant à se défendre contre les attaques sur la validité de ses brevets consiste à saper l’art antérieur et à commodément faire fi des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, alors même que cette personne devrait selon Rovi posséder ces connaissances pour pouvoir lire leurs brevets. C’est ce qui porte un coup fatal à la cause de Rovi.

[245] Lorsque le document du brevet 870 ayant la plus grande antériorité a été déposé, DAVIC 1.3.1 avait déjà été publiée. Les sociétés de multimédias faisaient la promotion de systèmes conformes à la norme DAVIC, ce qui montre qu’il s’agit d’un organisme bien connu et respecté et que sa norme pouvait être appliquée.

[246] DAVIC 1.3.1 a normalisé l’idée de se servir d’un GEI pour contrôler les systèmes télévisuels. Cette idée est clairement exprimée dans le paragraphe d’introduction de la section 8, intitulée « Common Requirements of Applications and Services » (Exigences communes aux applications et aux services) dont le texte suit :

[traduction]

La section 8 définit un ensemble de fonctions s’appliquant à toute application pouvant être déployée sur un système DAVIC. La section 8.1 décrit les fonctions de navigation et les interactions. Ces fonctions fournissent des capacités de recherche et de sélection de contenu, le contrôle de la lecture et la présentation de ce contenu. La section 8.2 décrit les fonctions communes de service et de gestion du contenu. La section 8.3 décrit les fonctions nécessaires aux droits de propriété industrielle (IPR) et à la sécurité qu’un système DAVIC doit fournir. La dernière section, 8.4, décrit les aspects généraux de l’environnement DAVIC. Il s’agit notamment de fonctions portant sur l’interopérabilité, la portabilité et le temps d’attente.

[247] De plus, DAVIC 1.3.1 a enseigné et normalisé l’enregistrement d’émissions sur un dispositif de stockage numérique local et l’enregistrement de plusieurs émissions en même temps. M. Kerr a relevé dans DAVIC 1.3.1 l’exemple de la fonctionnalité de diffusion différée, qui prend en charge l’enregistrement simultané d’un certain nombre d’émissions sélectionnées par un certain nombre d’utilisateurs.

[248] Il n’est pas contesté que Browne a enseigné la capacité à enregistrer simultanément deux émissions à la fois. Il s’agit d’une vieille idée. Ce qui est révélateur, c’est que M. Wahlers a reconnu en contre-interrogatoire que Browne ciblait la capacité de l’utilisateur dans son domicile à enregistrer des émissions simultanément.

[249] Rovi se plaint du fait que l’interface utilisateur proposée par Browne ne soit pas un GEI. Cela peut s’expliquer du fait que les capacités de traitement et de stockage d’un décodeur étaient généralement limitées au début et au milieu des années 1990 et que, sur une plateforme de la sorte, la fonctionnalité d’un GEE était limitée. Cependant, de nouvelles fonctionnalités d’interaction, notamment l’affichage de la programmation par heure ou par genre, l’augmentation des renseignements disponibles sur les émissions et la simplification de l’enregistrement d’émissions, ont fait surface en même temps que la capacité et la mémoire des décodeurs augmentaient et que les câblodistributeurs passaient inexorablement d’un système analogue à un système numérique.

[250] Cette technologie existait, même si l’adoption de cette technologie a été lente chez les câblodistributeurs. Le GEI était alors une exigence du marché et aucun obstacle technique n’empêchait sa réalisation.

[251] M. Wahlers a reconnu que le GEI faisait partie des connaissances générales courantes au milieu de 1998, que la personne versée dans l’art savait de quelle façon intégrer le GEI à un système de télévision interactif pour que l’utilisateur puisse stocker des émissions sur un dispositif indépendant et que l’utilisation d’un GEI pour enregistrer des émissions sur un dispositif de stockage n’avait rien d’inventif. De fait, il existait des appareils ayant ces mêmes capacités qui étaient commercialisés à l’époque.

[252] Rovi soutient que Browne n’enseigne pas à commander les syntoniseurs. Cependant, cette fonction n’a rien d’inventif, comme l’a reconnu M. Wahlers. Il s’agit d’un concept très ancien et qui fait nettement partie des connaissances générales courantes.

[253] D’après le dossier de la preuve, je conclus qu’il n’y avait pas de différences en 1998 entre l’art de la technique, les connaissances générales courantes et la revendication 870A.

[254] Étant donné qu’il n’y a pas de différence entre l’état de la technique et le concept inventif, il n’est plus nécessaire de passer à l’étape 4 du critère de Sanofi–Synthelabo.

[255] Je partage l’avis de M. Kerr lorsqu’il dit que l’objet de la revendication 870A était immédiatement et intuitivement évident pour la personne versée dans l’art en 1998, ou peut-être même avant, lorsqu’elle se fondait sur les connaissances générales courantes ou subsidiairement sur ces connaissances et Browne, ou encore subsidiairement sur ces connaissances et DAVIC 1.3.1.

[256] Les défenderesses se sont acquittées du fardeau de prouver que la revendication 870A est invalide pour cause d’évidence.

3. Contrefaçon

[257] S’il s’avère que j’ai commis une erreur en arrivant à cette conclusion, il s’ensuivrait, comme l’ont reconnu les défenderesses, que la revendication 870A a été contrefaite par les services de Télé Fibe et de Télé Optik jusqu’à l’expiration du brevet 870.

B. Les revendications 870C

[258] L’objet des revendications 870C porte sur la capacité de demander au deuxième équipement utilisateur (un décodeur par exemple) de lire une émission enregistrée sur le premier équipement utilisateur. La revendication 456, une des revendications invoquées, est dépendante de la revendication 454, une revendication non invoquée. Les revendications 721 et 724 sont dépendantes de la revendication 720, elle aussi une revendication non invoquée. Le texte de ces revendications suit :

[traduction]

454. Méthode de lecture d’émissions stockées sur l’appareil d’un autre utilisateur, ce qui comprend :

la génération d’une commande de lecture d’une émission avec le premier appareil utilisateur, où l’émission a été enregistrée sur le deuxième appareil utilisateur en réponse à une commande d’enregistrement générée sur ce deuxième appareil;

en réponse à la commande de lecture, la réception par le premier appareil utilisateur de l’émission du deuxième appareil utilisateur;

et l’affichage de l’émission reçue.

456. Méthode de la revendication 454 dans laquelle l’émission est une télédiffusion.

720. Méthode de lecture d’émissions, qui comprend :

la réception d’une commande d’enregistrement d’une émission sur le premier appareil utilisateur pour l’enregistrer sur cet appareil, dans lequel cet appareil est connecté à un premier écran configuré pour générer un affichage vidéo;

en réponse à la réception de la commande d’enregistrement sur le premier appareil utilisateur, l’enregistrement de l’émission sur ce premier appareil;

la transmission, du deuxième appareil utilisateur au premier appareil utilisateur, d’une commande de lecture de l’émission, où ce deuxième appareil est connecté à un deuxième écran configuré pour générer un affichage vidéo;

la réception par le premier appareil utilisateur à partir du deuxième appareil utilisateur, de la commande de lecture de l’émission;

en réponse à la réception par le premier appareil utilisateur à partir du deuxième appareil utilisateur, de la commande de lecture de l’émission, la transmission de cette émission à ce deuxième appareil;

la réception, par le deuxième appareil utilisateur, de l’émission transmise par le premier appareil utilisateur;

l’affichage, sur l’écran du deuxième appareil utilisateur, de l’émission reçue par ce deuxième appareil.

721. Méthode de la revendication 720, dans laquelle l’émission est une télédiffusion.

724. Méthode de la revendication 720, qui vise, en outre :

l’enregistrement d’une émission sur le premier appareil utilisateur avec les données du guide associées à l’émission.

[259] Aucune question litigieuse portant sur l’interprétation de ces revendications n’a été relevée par les parties. J’aimerais simplement noter pour ma propre analyse que M. Wahlers n’a pas contesté l’interprétation de M. Kerr portant sur l’élément « la génération d’une commande de lecture d’une émission avec le premier appareil utilisateur, où l’émission a été enregistrée sur le deuxième appareil utilisateur en réponse à une commande d’enregistrement générée sur ce deuxième appareil », laquelle est énoncée ci-dessous :

[traduction]

232. Cet élément de la revendication fait référence à un « premier » et à un « deuxième » appareil utilisateur. J’ai expliqué la compréhension du terme « appareil utilisateur » chez la personne versée dans l’art aux paragraphes 229 à 230, ci-dessus, en mentionnant la figure 7 du brevet 870. La revendication 454 prévoit deux ensembles d’appareil utilisateur, qui peuvent être décrits comme suit :

LOCAL MEDIA SERVER

SERVEUR MÉDIA LOCAL

PROCESSING CIRCUITRY

CIRCUIT DE TRAITEMENT

MEMORY

MÉMOIRE

STORAGE

STOCKAGE

VIDEO AND DATA IN

ENTRÉE VIDÉO ET DONNÉES

TO REMOTE MEDIA SERVER

SORTIE SERVEUR MÉDIA DISTANT

SET-TOP BOX

DÉCODEUR

MEMORY

MÉMOIRE

COMMUNICATIONS DEVICE

APPAREIL DE COMMUNICATION

DIGITAL STORAGE DEVICE

DISPOSITIF DE STOCKAGE NUMÉRIQUE

VIDEO

VIDÉO

CONTROL

COMMANDE

REMOTE CONTROL

TÉLÉCOMMANDE

SECONDARY STORAGE DEVICE

DISPOSITIF DE STOCKAGE SECONDAIRE

TELEVISION

TÉLÉVISION

"first user equipment"

« 1er appareil utilisateur »

"second user equipment"

« 2e appareil utilisateur »

233. Même si cette fonctionnalité n’est pas décrite dans le brevet, la personne versée dans l’art comprend que le premier appareil utilisateur et le deuxième peuvent communiquer entre eux, soit directement, soit par un dispositif intermédiaire (réseau domestique, routeur, modem, autre composante de réseau, etc.) à l’aide de la technologie de réseau connue (CEBus (bus domestique), réseau local (LAN), HPNA (Ethernet), Internet, etc.). J’ai représenté ci-dessus cette communication par une flèche rouge à double sens.

234. La personne versée dans l’art comprend que le premier appareil utilisateur transmet une commande de lecture d’une émission. Cette commande peut être la réponse à un signal de commande de l’utilisateur ou à un autre signal de commande généré par le système. L’émission faisant l’objet de la commande est déjà enregistrée sur le deuxième appareil utilisateur en réponse à une commande d’enregistrement générée au deuxième appareil utilisateur, cette dernière commande étant encore une fois une réponse soit à un signal de commande de l’utilisateur soit à un autre signal de commande généré par le système.

[260] Les défenderesses ne contestent pas qu’il y aurait eu contrefaçon des revendications 870C si celles-ci étaient jugées valides.

[261] Les défenderesses prétendent que tous les éléments essentiels des revendications 870C sont évidents si l’on tient compte des connaissances générales courantes seules, ou en combinaison avec DAVIC 1.3.1 ou en combinaison avec Hair.

1. Validité

a) Évidence

[262] Comme il a été mentionné précédemment, la date de priorité s’appliquant à l’évaluation du brevet 870 en matière d’évidence est le 14 juillet 1998.

(i) Étape 1 : Définir la personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes

[263] Dans les présents motifs, j’ai déjà appliqué le cadre du critère établi dans Sanofi-Synthelabo et établi les aptitudes et les caractéristiques de la personne versée dans l’art; la prochaine étape est celle d’établir les connaissances générales courantes de cette personne versée dans l’art. Les connaissances générales courantes sont les mêmes que celles ayant servi pour la revendication 870A. De plus, l’art de la technique inclut Hair et DAVIC 1.3.1.

[264] Les défenderesses soutiennent que les références tirées de DAVIC 1.3.1 et les connaissances générales courantes en matière de réseau domestique sont d’une importance toute particulière pour les revendications 870C.

[265] À la section 7.2, intitulée « HOME NETWORK » (réseau domestique), DAVIC 1.3.1 décrit la capacité d’échanger des informations, possiblement de manière simple et directe, entre appareils qui sont connectés à un réseau domestique. Une illustration simple complète la description.

[traduction]

Vu la pénétration prévue des services numériques grand public, un réseau numérique domestique, qui permettra de choisir les services accessibles à partir de plusieurs appareils domestiques, deviendra nécessaire. L’introduction dans les domiciles d’appareils de stockage numérique rendra ce besoin plus pressant. Les réseaux domestiques DAVIC doivent ainsi prendre en charge les fonctions requises pour relier les appareils numériques grand public afin d’échanger des données entre ces appareils de manière simple et directe.

Figure 7.2 : Réseau domestique

Zone de Texte: Figure 7.2 : Réseau domestiqueDavic - Home Network

[266] Il n’est pas contesté que l’échange d’informations entre appareils était connu en 1998.

[267] Même si les réseaux domestiques n’étaient pas très répandus à l’époque, les experts conviennent que les fonctions d’un réseau domestique étaient connues en 1998.

[268] Comme il est expliqué ci-dessous, M. Wahlers a également reconnu en contre-interrogatoire que la capacité d’un premier appareil utilisateur à lire une commande générée par un deuxième appareil s’appelle transmission pair-à-pair, un concept dans le domaine du réseautage domestique.

[269] Pour résumer, les connaissances générales courantes comprenaient l’échange d’informations entre appareils, le réseautage domestique et la transmission pair-à-pair.

(ii) Étape 2 : Concept inventif

[270] Les experts conviennent que le concept inventif des revendications 456 englobe les trois éléments suivants :

  1. Élément 1 : La génération d’une commande de lecture d’une émission télédiffusée avec un premier appareil utilisateur.

  2. Élément 2 : L’émission en question a été enregistrée sur un deuxième appareil utilisateur en réponse à une commande d’enregistrement générée sur ce deuxième appareil utilisateur.

  3. Élément 3 : En réponse à la commande de lecture générée sur le premier appareil utilisateur, la réception de l’émission enregistrée sur le deuxième appareil utilisateur et l’affichage pour visionnement.

[271] Le concept inventif des revendications 721 et 724 comprend les trois éléments ci-dessus et aussi les suivants :

  1. Élément 4 : Les appareils utilisateur de transmission et de réception doivent tous deux être connectés à un écran.

  2. Élément 5 : L’émission enregistrée et transmise doit être une émission télédiffusée.

  3. Élément 6 : L’enregistrement de l’émission sur le premier appareil utilisateur avec les données du guide associées à cette émission.

[272] Essentiellement, l’objet des revendications 870C porte sur la capacité de demander au deuxième appareil utilisateur de lire une émission enregistrée sur le premier appareil utilisateur.

(iii) Étape 3 : Différence entre l’état de la technique et le concept inventif

[273] Les défenderesses soutiennent que ce dont il est question dans DAVIC est exactement ce qui est revendiqué dans le brevet 870. Les auteurs de DAVIC étaient au courant de la disponibilité croissante des dispositifs de stockage numérique et envisageaient explicitement l’intégration de ces dispositifs dans un réseau domestique. Ils envisageaient également la diffusion vidéo d’un appareil à l’autre.

[274] Les défenderesses ajoutent que l’idée de transmettre des informations d’un appareil à l’autre et la possibilité de diffuser une vidéo d’un appareil à l’autre n’appartient pas à Rovi. C’était une idée qui faisait partie des discussions de DAVIC et la personne versée dans l’art savait comment la réaliser.

[275] Rovi rétorque que les revendications 870C n’étaient pas évidentes à partir de DAVIC 1.3.1, de Hair et des connaissances générales courantes. Elle soutient qu’il existe d’importantes différences entre l’art antérieur et les revendications 870C. Selon Rovi, les éléments qui sont nécessaires aux revendications 870C et qui manquent à l’art antérieur sont les suivants :

  • a)la génération d’une commande de lecture d’une émission télédiffusée avec un premier appareil utilisateur;

  • b)en réponse à la commande de lecture, la réception par le premier appareil utilisateur de l’émission depuis le deuxième appareil utilisateur et l’affichage de l’émission reçue;

  • c)l’émission en question a été enregistrée sur le deuxième appareil utilisateur en réponse à une commande d’enregistrement générée sur ce deuxième appareil utilisateur.

[276] Rovi maintient qu’il ne s’agit pas de différences insignifiantes, mais bien de celles qui demandent de l’ingéniosité. Elle explique qu’une personne versée dans l’art qui ne lit que DAVIC 1.3.1 n’aurait pas pu en arriver aux méthodes des revendications 870C sans passer par une étape inventive. Je ne suis pas de cet avis.

[277] DAVIC 1.3.1 décrit explicitement le réseautage domestique. Selon le témoignage de M. Kerr, DAVIC 1.3.1 considérait que [traduction] « les réseaux domestiques doivent prendre en charge les fonctions nécessaires à la connexion des appareils de consommation pour que l’échange d’informations entre ces appareils se fasse de manière simple et directe ». En font partie les contraintes exhaustives en matière de communication entre deux appareils utilisateur, notamment des décodeurs transmettant des émissions télédiffusées et enregistrées de l’un à l’autre, et la capacité de visionner les émissions demandées sur l’appareil utilisateur de réception.

[278] Rovi fait valoir que les communications décrites dans DAVIC 1.3.1 ne sont pas des « commandes de lecture », comme le requièrent les éléments 1 et 3. Malgré le fait que M. Wahlers et M. Kerr conviennent que DAVIC 1.3.1 énonce un ensemble d’exigences en matière de communication entre appareils utilisateur dans un domicile, elle soutient que la commande de lecture ne se limite pas à une simple communication.

[279] Rovi soutient que M. Kerr a admis que la lecture n’est pas décrite dans aucune des sections de DAVIC 1.3.1; cependant, cette admission ne se trouve nulle part au dossier. M. Kerr a certes convenu que certaines exigences de DAVIC 1.3.1 ne visaient ni la lecture d’enregistrement ni les commandes de lecture, mais il a indiqué qu’il s’agissait d’une exigence plus poussée ou d’une couche supplémentaire. Le témoignage qu’il a rendu sur ce point n’a pas été contesté.

[280] Rovi rejette l’affirmation des défenderesses selon laquelle M. Wahlers aurait reconnu que DAVIC 1.3.1 enseigne à la personne versée dans l’art la capacité de lire une émission enregistrée sur un autre décodeur; il aurait seulement convenu que le réseau impliquerait des décodeurs qui communiquent entre eux. Toutefois, j’estime que M. Wahlers a effectivement reconnu au cours de son contre-interrogatoire que la capacité d’un premier utilisateur à accéder à une émission demandée par un deuxième utilisateur et à visionner cette émission était l’objectif de DAVIC ou [traduction] « l’objectif que se proposait l’industrie ».

[traduction]

Q. Après avoir lu tout cela, ils comprennent que ce que cela veut dire, c’est que, si un appareil enregistre une émission à la maison, l’utilisateur devrait être capable d’accéder à cet enregistrement numérique à partir de n’importe quel autre appareil de la maison.

R. Je pense que c’était certainement la cible; l’objectif que se proposait l’industrie, c’était que, oui, ces appareils au foyer, qu’il s’agisse de décodeurs multiples, de télécopieurs, tous ces appareils devraient pouvoir communiquer entre eux à l’aide d’un réseau quelconque.

Q. D’accord. Cela comprendrait que, si l’utilisateur numéro 1 télécharge une émission depuis le réseau de télédiffusion sur son appareil d’enregistrement de l’utilisateur numéro un, l’appareil de l’utilisateur numéro 2 à l’étage devrait pouvoir accéder à la même émission, c’est bien ça?

R. Oui. Il est certain que les revendications 870 et les revendications invoquées pointent vers une caractéristique qui relève de l’éventail de ces exigences fonctionnelles.

Q. D’accord. Les auteurs de DAVIC auraient certainement compris qu’ils parlaient de toutes ces exigences fonctionnelles, dont celle que le réseau ait accès à tout service disponible en tout point du réseau, et que la personne versée dans l’art comprenne en lisant DAVIC que certaines choses en feraient partie, comme lire une émission sur un deuxième appareil utilisateur qui a été enregistrée sur le premier appareil utilisateur, n’est-ce pas?

R. Il serait généralement entendu que les vidéos seraient communes selon ce qui aura été défini dans les spécifications. La compréhension pourrait être variable. Certains participants le comprendraient certainement et ceux-là ont probablement travaillé à développer les interactions et les échanges entre appareils. Ils penseraient certainement à l’idée de transmettre des informations de l’un à l’autre et, dans certains cas, ils penseraient à la possibilité de diffuser une vidéo d’un appareil à l’autre.

[281] Étant donné qu’il s’agit là de l’objectif ou de la cible que DAVIC 1.3.1 tentait de réaliser, Rovi ne peut prétendre que les revendications 870C qu’elle a déposées après la publication de l’objectif de DAVIC aient une quelconque inventivité. DAVIC avait déjà déterminé de quelle façon les « briques Lego » allaient être assemblées.

[282] Selon le dossier de la preuve, les revendications 870C ne nous offrent rien d’autre qu’une idée qui était déjà dans l’objectif de DAVIC 1.3.1.

[283] Rovi soutient à nouveau que DAVIC 1.3.1 n’est [traduction] « rien de plus qu’une pauvre liste de fonctionnalités souhaitables qui n’offre aucune description ni aucune précision sur la façon de mettre en œuvre ces fonctionnalités ». Rovi ne tient toutefois pas compte du fait que son brevet est lui-même une liste de fonctionnalités souhaitables ne précisant pas la mise en œuvre de ces fonctionnalités.

[284] Au cours de son interrogatoire principal, j’ai demandé à M. Wahlers à quelle partie du brevet 870 se trouvaient les instructions portant sur les revendications 870C. Il a répondu que ces instructions n’étaient pas nécessaires au brevet 870 parce que la personne versée dans l’art disposait déjà de ces informations :

[traduction]

R. Le brevet ne parle pas du langage des réseaux, du protocole Internet, ni du câblage. Il ne l’indique donc pas. Je ne pense pas qu’il doive détailler cette forme de mise en réseau. Comme l’a déclaré M. Kerr, la personne versée dans l’art comprendrait certainement les concepts de mise en réseau et de base IP dans son environnement d’affaires et la transition de cette technologie dans les foyers.
[Non souligné dans l’original.]

[285] Lors de son contre-interrogatoire, M. Wahlers a essayé de revenir sur son aveu en niant qu’une personne versée dans l’art saurait comment fabriquer un réseau domestique. Cependant, lorsqu’il a été confronté au manque de détails du brevet 870 et de son propre aveu lors de son interrogatoire principal, M. Wahlers a encore changé d’avis et a reconnu que la personne versée dans l’art savait déjà en 1998 comment monter un système que la revendication 456 du brevet 870 décrit, comme on peut le voir dans l’échange qui suit.

[traduction]

Q. Laissez-moi finir de poser ma question, Monsieur Wahlers. Je vous demandais de réaliser la revendication 456 en septembre 1998. Vous me dites que vous n’auriez pas pu le faire? Oui ou non? La personne versée dans l’art pouvait-elle réaliser la revendication 456?

R. Elle comprendrait [...]

Q. En juillet 1998?

R. Elle comprendrait la façon de créer un réseau en milieu d’affaire, les câbles à utiliser dans ce contexte. Les concepteurs du matériel, du décodeur, auraient ajouté les connecteurs nécessaires pour faire l’assemblage. Aussi, les interfaces et tout ce qu’il faut pour connecter les câbles seraient là et elle serait à l’aise de se servir de ces interfaces parce qu’elles ressembleraient aux interfaces qu’elle utilise avec un ordinateur personnel.

Q. Elle pourrait donc mettre sur pied un système – pas un système commercialisé [...]

R. En effet.

Q. – Mais la personne versée dans l’art pourrait mettre sur pied un système qui permettrait à l’appareil utilisateur numéro 2 de demander à l’appareil numéro 1 de lire une émission, n’est-ce pas?

R. Oui.

Q. Elle aurait au moins ce niveau de connaissances et de renseignements pour être capable d’y arriver?

R. Elle l’aurait certainement dans l’environnement dans lequel la technologie aura été développée. Il faudrait que cela existe. Elle devrait être [...]

Q. Merci.

R. [...] capable de se connecter à un appareil de programmation.

[286] En résumé, je conclus que les connaissances générales courantes et DAVIC 1.3.1 rendent toutes les revendications 870C évidentes pour les raisons suivantes :

  • a)Les éléments 1 et 2 sont évidents : DAVIC 1.3.1 enseigne à la personne versée dans l’art la manière de mettre sur pied un réseau domestique et exige que les systèmes prennent en charge les connexions des appareils utilisateur de façon à permettre l’échange d’informations comme une vidéo entre eux.

  • b)L’élément 3 était évident : DAVIC 1.3.1 enseigne une méthode par laquelle l’utilisateur peut transmettre la commande de visionnement d’une émission télédiffusée et la recevoir. DAVIC 1.3.1 enseigne également que les émissions demandées peuvent être visionnées sur l’appareil de télévision récepteur de l’utilisateur.

  • c)L’élément 4 était évident : DAVIC 1.3.1 enseigne que ces communications peuvent englober la transmission d’une vidéo entre appareils et que les appareils connectés au réseau peuvent avoir de multiples écrans.

  • d)L’élément 5 était évident : DAVIC 1.3.1 enseigne la façon d’enregistrer une émission télédiffusée sur un appareil de stockage numérique local; par exemple, DAVIC 1.3.1 décrit un décodeur couplé à un « enregistreur vidéo numérique » qui lui-même est un écran.

  • e)L’élément 6 était évident : DAVIC 1.3.1 enseigne que si une émission a été stockée dans l’équipement de l’utilisateur, cet utilisateur doit être en mesure de trouver et de consulter les informations sur cette émission pour la sélectionner et la visionner.

[287] Je conclus également, même si ma conclusion n’est pas strictement nécessaire, que la combinaison de Hair et des connaissances générales courantes rendent toutes les revendications 870C évidentes.

[288] Dans Hair, le domaine de l’invention se rapporte [traduction] « à un système et à sa méthode de ventes et de distribution électroniques de signaux audio ou vidéonumériques et, plus particulièrement, à un système et une méthode par lesquels l’utilisateur peut acheter et recevoir des signaux audio ou vidéonumériques de n’importe quel endroit où l’utilisateur a accès à des lignes de télécommunication ». L’un des objectifs de l’invention consiste à fournir une méthodologie ou un système nouveau et amélioré visant à stocker et à récupérer de la musique ou des vidéos numériques.

[289] Hair enseigne explicitement la transmission de fichiers vidéo d’un équipement utilisateur à un autre équipement utilisateur au sein d’un foyer (ou d’un foyer à l’autre) et la capacité de lire ces fichiers. Je reproduis ci-dessous un extrait de la page 6 de Hair, car il est très instructif.

[traduction]

Par exemple, la présente invention est un système 100 permettant la transmission de signaux vidéonumériques d’une première partie à une autre. Ce système 100 dispose d’une unité de commande 20 pour la première partie qui est munie d’une première mémoire et dispose d’une pluralité de sélections vidéo individuelles et souhaitées en tant que signaux vidéonumériques souhaités. Cette unité de commande 20 de la première partie dispose aussi de moyens ou d’un mécanisme permettant à la première partie de demander une redevance à la deuxième partie qui accède aux signaux vidéo numériques souhaités. Le système 100 comprend également une unité de commande 50 pour la deuxième partie qui dispose d’un panneau de contrôle 50a, d’un récepteur et d’un écran pour le visionnement de signaux audio et vidéonumériques souhaités que le récepteur reçoit. Le panneau de contrôle 50a de la deuxième partie est connecté à l’écran et au récepteur. Le panneau de contrôle 50a de la deuxième partie commande l’opération du récepteur et de l’écran. L’unité de commande 50 de la deuxième partie se trouve à distance de l’unité de commande 20 de la première partie. L’unité de commande 50 de la deuxième partie se trouve dans un endroit déterminé par la deuxième partie qui est éloigné de l’unité de commande 20 de la première partie. La deuxième partie choisit les signaux vidéonumériques souhaités depuis la première mémoire à l’aide du panneau de contrôle 20a pour la deuxième partie. Le système 100 comporte également des lignes de télécommunications connectées à l’unité de commande 20 de la première partie et à l’unité de commande 50 de la deuxième partie par lesquelles les signaux vidéonumériques souhaités sont transmis électroniquement de la première mémoire au récepteur tandis que l’unité de commande 50 de la deuxième partie est en possession et sous le contrôle de la deuxième partie après la vente des signaux vidéonumériques souhaités à la deuxième partie par la première partie.

[290] Rovi avait d’abord fait valoir que Hair ne divulgue pas un système qui demande une lecture parce que Hair ne divulgue pas un système permettant le visionnement de contenu provenant d’un décodeur et ayant été enregistré sur un deuxième décodeur. Cependant, il semble que Rovi ait délaissé cette thèse.

[291] La seule plainte actuelle de Rovi vise le fait que Hair autorise la transmission de fichiers d’un appareil à un autre, mais n’autorise pas la « diffusion en continu », une exigence des revendications 870C selon Rovi. Cependant, l’argument de Rovi n’est étayé par aucun des deux experts.

[292] On a demandé à M. Kerr, lors de son contre-interrogatoire, si Hair enseigne la lecture d’un fichier pendant la transmission de ce fichier d’un utilisateur à un autre. M. Kerr a dit clairement que Hair ne permet la lecture que lorsque la transmission du fichier était terminée. M. Kerr et M. Wahlers ont tous deux convenu que les revendications 870C n’exigent pas la lecture d’une émission en cours de transmission, mais seulement une fois tout le fichier transmis.

[293] Rovi soutient qu’il n’aurait pas été évident pour la personne versée dans l’art d’adopter le système général de transfert de fichiers décrit dans Hair pour réaliser les méthodes des revendications 870C. Je ne suis pas de cet avis. Par souci de concision, j’accepte les opinions exprimées par M. Kerr aux paragraphes 442 à 467 de son rapport sur la validité qui traitent de chacune des revendications 870C. Ces opinions sont bien étayées et convaincantes.

[294] Je partage l’avis de M. Kerr, à savoir qu’il n’existe aucune différence entre l’art de la technique et le concept inventif des revendications 870C et que le concept inventif ou l’objet des revendications 870C seraient évidents compte tenu de Hair et des connaissances générales courantes.

[295] Il n’est par conséquent pas nécessaire de passer à l’étape 4 du critère de Sanofi-Synthelabo.

C. La question de la validité portant sur l’ensemble du brevet 870

1. Portée excessive

[296] Les défenderesses soutiennent que toutes les revendications 870C ont une portée qui dépasse l’invention créée par les inventeurs.

[297] Au paragraphe 50 de l’arrêt Seedlings Life Science Ventures, LLC c Pfizer Canada ULC, 2021 CAF 154 [Seedlings CAF], le juge George Locke a déclaré que « la portée excessive demeure un motif valable d’invalidité ». Une revendication de brevet peut être rejetée de deux façons : soit sa portée dépasse l’invention divulguée dans le mémoire descriptif, soit sa portée dépasse l’invention créée par l’inventeur : Pfizer 2007, au para 115.

[298] Une revendication a une portée excessive et est invalide lorsqu’elle fait valoir « une propriété ou un privilège exclusif à l’égard de quelque chose que l’inventeur n’a pas réellement inventé » (Pfizer 2007, au para 116). La question de l’invention qui a été faite est une question de fait : Pfizer 2008, au para 46. Pour déterminer ce que les inventeurs ont créé, la Cour doit examiner les éléments de preuve portant sur ce que les inventeurs ont véritablement créé : Pfizer 2008, aux para 45, 46.

[299] L’argument des défenderesses est élégant par sa simplicité. Elles relèvent les faits suivants qui, selon elles, justifient leur thèse.

[300] D’abord, en contre-interrogatoire, M. Ellis, l’un des inventeurs du brevet 870, a reconnu que l’invention qu’il a réalisée en juillet 1998 était limitée en comparaison de ce qu’il a décrit dans la demande de brevet 807.

[traduction]

Q. La demande originale décrit-elle avec exactitude l’invention que vous avez faite en juillet 1998?

R. Oui.

Q. Et cette invention est à l’origine de la demande provisoire. C’est juste?

R. Oui. Et du formulaire de divulgation de l’invention qui la précède.

[301] Deuxièmement, selon les mots de M. Kerr, [traduction] « Il y a peu ou pas de chevauchement entre l’objet divulgué dans la demande 807 et l’objet des revendications exprimées du brevet 870 ». M. Kerr indique dans son rapport sur la validité que la demande 807 est un document d’une page qui, d’une part, ne divulgue pas l’enregistrement simultané de deux émissions sur un appareil de stockage à accès aléatoire (objet de la revendication 870A) et, d’autre part, ne divulgue pas la façon de générer des commandes de lecture à l’aide du premier appareil utilisateur qui s’appliquent à une émission ayant été enregistrée sur le deuxième appareil utilisateur en réponse à une commande d’enregistrement provenant du deuxième appareil utilisateur (objet des revendications 870C).

[302] Troisièmement, M. Wahlers n’a pas donné d’avis et M. Kerr n’a pas été contre-interrogé sur ce point. En fait, la demande 807 n’a jamais été présentée à M. Wahlers, qui n’a jamais eu la possibilité de déterminer si la portée du brevet 870 était plus large que l’invention faite. Sur ce point, le témoignage de M. Kerr n’est pas contesté.

[303] Selon les défenderesses, le témoignage non contredit et incontesté de M. Kerr nous indique que ce que les inventeurs ont revendiqué dans le brevet 870 a une portée beaucoup plus large que celle de la demande de brevet 807 et que les revendications 870C sont invalides pour cette raison.

[304] Rovi défend la thèse selon laquelle « l’invention créée » doit être jugée au moment de la date de dépôt et non au moment de la date de priorité. Elle souligne que l’avocat des défenderesses n’a pas demandé à M. Ellis de déterminer si le brevet 870 décrivait bien l’invention en 1999, soit à la date du dépôt de la demande complète, alors que la Cour, elle, doit en tirer une conclusion même si cette question n’a pas été posée. Je suis du même avis.

[305] Les défenderesses soutiennent que M. Ellis a reconnu que l’invention qu’il a créée est couverte par la demande 807. Cependant, selon le dossier de la preuve, il n’est pas évident que « l’invention » dont il parlait était bien l’invention du brevet 870. M. Ellis venait tout juste de se faire demander de porter son attention sur la demande provisoire et les discussions des inventeurs portant sur les concepts susceptibles d’être intégrés dans un système.

[306] M. Ellis a dit dans son témoignage avoir été conseillé par un avocat de l’externe après avoir pris la décision de donner suite au brevet pour veiller à ce que le brevet soit rédigé et à ce qu’il participe aux côtés des inventeurs désignés à l’examen du brevet.

[307] Les défenderesses n’ont pas réfuté la présomption selon laquelle l’invention créée est déterminée par le brevet lui-même. Par conséquent, je rejette l’argument selon lequel les revendications 870 ont une portée excessive.

XVII. Le brevet 629

[308] Le brevet 629 a été déposé le 16 septembre 1999. Il revendique la priorité sur la demande de brevet no 09/157 256, déposée le 17 septembre 1998, aux États-Unis.

[309] Le brevet 629 est intitulé « Electronic Program Guide with Digital Storage » (guide d’émissions électronique disposant de stockage numérique). Il se rapporte à un guide d’émissions de télévision interactif qui fonctionne grâce à un décodeur et dispose de stockage numérique intégré, ce qui permet aux utilisateurs d’enregistrer des émissions, de gérer les données du guide d’émissions (titre, description, genre, etc.) et d’afficher ces données.

[310] La divulgation du brevet décrit le problème évoqué dans le brevet 629.

[traduction]

Des guides d’émissions interactifs ont été récemment créés pour permettre le stockage d’émissions choisies dans le guide d’émissions sur un appareil de stockage distinct, le plus souvent un magnétoscope. En général, une voie de contrôle (émetteur infrarouge doublé d’un récepteur infrarouge sur le magnétoscope) sert à contrôler le magnétoscope. Toutefois, ces périphériques de stockage analogiques distincts comme les magnétoscopes ne permettent pas de mettre en œuvre les fonctions plus avancées qui seraient possibles si un périphérique de stockage numérique était associé au guide d’émission.

[311] Les revendications 629 se rapportent à l’utilisation de stockage numérique pour réaliser un ensemble de ces « caractéristiques avancées », soit la capacité de stocker et d’afficher des renseignements associés aux émissions enregistrées, parfois appelés « données associées aux émissions ».

[312] Dans le brevet 629, un GEE faisant partie intégrale de « l’équipement de télévision de l’utilisateur » permet à l’utilisateur de parcourir la programmation présentée par diverses chaînes. Cet équipement de télévision de l’utilisateur peut comprendre certains dispositifs, par exemple un décodeur, une télécommande, une téléviseur et un appareil de stockage numérique.

[313] Les revendications 629 réunissent des revendications de système et des revendications de méthode et elles décrivent le GEE qui fait fonctionner l’équipement utilisateur comprenant le stockage numérique qui enregistre les émissions à la demande de l’utilisateur et tient à jour la liste des enregistrements. Dans les autres caractéristiques des revendications 629 se trouvent la capacité à afficher à l’écran des listes du guide et la capacité de voir d’autres détails concernant une émission enregistrée.

[314] Les revendications 79 et 80 sont des revendications dépendantes de système. La revendication 79 dépend de la revendication 78 qui, à son tour, dépend de la revendication 77 (indépendante). La revendication 80 dépend de la revendication 79.

[traduction]

77. Un système dans lequel les émissions et les données sur celles-ci sont affichées à l’intention des utilisateurs par un guide d’émissions interactif mis en œuvre sur l’équipement de télévision des utilisateurs, ce qui comprend :

un appareil de stockage numérique dans l’équipement de télévision de l’utilisateur, pour stocker sous forme numérique les émissions et les données sur celles-ci à l’aide du guide d’émissions interactif en réponse à une demande de l’utilisateur de stocker ces émissions sous forme numérique; et

un moyen de tenir à jour un répertoire de données associées aux émissions stockées numériquement à l’aide du guide d’émissions interactif.

78. Le système décrit dans la revendication 77 intègre aussi un moyen, par le guide d’émissions interactif, d’afficher un répertoire des émissions sur l’équipement de télévision de l’utilisateur.

79. Le système décrit dans la revendication 78, dans lequel l’affichage du répertoire comprend :

des moyens d’indiquer les informations sur les rubriques du répertoire;

et les moyens permettant à l’utilisateur de choisir les informations sur les rubriques du répertoire;

dans lequel l’affichage comprend aussi des moyens de donner un écran d’informations complètes en réponse à un choix par l’utilisateur d’une des rubriques.

80. Le système défini dans la revendication 79, dans lequel l’écran d’informations complètes sur une rubrique comprend plusieurs champs de données sur la rubrique choisie : titre, description, épisode, canal, durée, si l’émission a été regardée ou non, acteurs, catégorie(s), langue, format vidéo, heures de début et de fin, date, indicateur de réécoute, indicateur de diffusion en stéréo, indicateur de sous-titre, et d’autres informations.

[315] Les revendications 90 et 91 sont dépendantes et des méthodes. La revendication 90 dépend de la revendication 89 qui, à son tour, dépend de la revendication 88 qui est indépendante. La revendication 91 dépend de la revendication 90.

[traduction]

88. Méthode par laquelle les émissions et les données associées à ces émissions sont affichées pour l’utilisateur par un guide d’émissions de télévision interactif mis en œuvre sur l’équipement de télévision de l’utilisateur. Les étapes sont les suivantes :

stockage numérique d’émissions et des données associées aux émissions qui est activé par le guide d’émissions de télévision interactif en réponse à une commande d’enregistrement d’émission de l’utilisateur;

tenue à jour d’un répertoire des données associées aux émissions qui sont stockées numériquement à l’aide du guide d’émissions de télévision interactif.

89. La méthode définie dans la revendication 88 comprend également l’étape consistant à afficher le répertoire à l’écran de l’équipement de télévision de l’utilisateur à l’aide du guide d’émissions de télévision interactif.

90. La méthode définie dans la revendication 89 comprend également les étapes suivantes :

indiquer les informations sur les rubriques du répertoire;

fournir à l’utilisateur la possibilité de sélectionner les informations sur les rubriques du répertoire;

afficher la totalité des informations sur les rubriques du répertoire entrée en réponse à l’utilisateur qui en fait la sélection.

91. Il s’agit de la méthode décrite dans la revendication 90 dans laquelle l’écran des entrées complètes montre une pluralité de champs du répertoire à sélectionner parmi les suivants : titre, description, épisode, chaîne, durée, visionné, acteurs, catégorie(s), langue, format vidéo, heures de début et de fin, date, indicateurs de rediffusion, de son stéréo, de sous-titres et d’autres informations.

[316] Les parties conviennent que les six éléments essentiels des revendications 629 sont les suivants :

i. Élément 1 : La mise en application d’un GEE dans l’équipement de télévision de l’utilisateur pour l’enregistrement numérique des émissions.

ii. Élément 2 : L’enregistrement numérique d’émissions.

iii. Élément 3 : L’enregistrement numérique des données associées aux émissions.

iv. Élément 4 : La tenue à jour d’un répertoire des données associées aux émissions à l’aide du GEE.

v. Élément 5 : L’affichage de listes du répertoire à l’aide du GEE.

vi. Élément 6 : L’affichage d’un écran complet des informations du répertoire en réponse à l’utilisateur qui sélectionne les informations.

[317] Aucune question d’interprétation de revendication n’a été soulevée par les parties en ce qui concerne le brevet 629. De plus, la contrefaçon des revendications 629 a été reconnue dans les cas où ces revendications seraient déclarées valides. Par conséquent, la seule question à trancher est celle de savoir si les revendications 629 sont valides.

A. Validité

[318] Les défenderesses soutiennent que les revendications 629 sont invalides, ayant été antériorisées par Florin, et qu’elles sont évidentes compte tenu des connaissances générales courantes ou d’un ensemble quelconque formé par ces connaissances, Florin, Browne et/ou DAVIC 1.3.1.

1. Antériorité

[319] Le paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets dispose que l’objet des revendications doit être nouveau.

[320] Deux exigences distinctes doivent être respectées pour montrer que l’art antérieur précède une invention revendiquée : il doit y avoir eu une divulgation antérieure de l’objet revendiqué et cette divulgation doit permettre à la personne versée dans l’art de mettre en pratique cet objet : Sanofi–Synthelabo, aux para 24-29, 49.

[321] Les défenderesses soutiennent que Florin divulgue les six éléments des revendications 629 invoquées et que ces éléments peuvent être réalisés.

a) Divulgation antérieure

[322] Il n’est pas contesté que Florin divulgue la façon d’utiliser un GEE ou GEI pour enregistrer et stocker numériquement des émissions et afficher une liste du répertoire et un répertoire de listes d’émissions. Cependant, Rovi fait valoir que l’invention du brevet 629 n’est pas divulguée par Florin, car Florin ne divulgue pas un « moyen de tenir à jour un répertoire de données sur les émissions associées qui sont stockées numériquement à l’aide du guide d’émissions interactif ». Plus précisément, elle soutient que Florin ne divulgue pas la façon de tenir à jour la liste des émissions enregistrées par l’utilisateur lorsque ces enregistrements sont supprimés ou modifiés.

[323] Le différend entre les parties porte sur la question de savoir si, outre l’ajout au répertoire d’entrées à chaque nouvel enregistrement, la tenue à jour d’un répertoire implique également la suppression des entrées ou la mise à jour du répertoire après modification d’un enregistrement.

[324] Dans son rapport sur la validité, M. Kerr indique que la personne versée dans l’art comprendrait le terme « tenue à jour du répertoire » au sens des revendications 629, à savoir [traduction] « la création d’un répertoire des données associées aux émissions stockées et la tenue à jour de ce répertoire, notamment par l’ajout, la suppression ou la modification d’entrées ». Dans son rapport en réponse, M. Wahlers n’a pas contesté l’interprétation de M. Kerr.

[325] Rovi soutient que M. Kerr n’a fourni aucun élément à l’appui pour affirmer dans ses rapports que Florin divulgue un répertoire d’émissions enregistrées qui est tenu à jour. Je ne suis pas de cet avis.

[326] Dans Florin, le domaine de l’invention est comme suit :

[traduction]

La présente invention relève du domaine des systèmes audiovisuels. Plus précisément, elle concerne un système d’affichage sélectif et d’interaction avec des programmes et des services provenant de plusieurs sources, un dispositif de contrôle du système, et les méthodes et moyens intégrés au système pour gérer le choix et l’affichage de ces programmes ou services et les interactions avec ceux–ci.

[327] Florin divulgue un système de télévision interactif dans lequel le fournisseur de service transmet numériquement aux utilisateurs des chaînes de télévision, du contenu interactif et des données comprenant des listes d’émissions. Ces données englobent les « données associées aux émissions », soit le titre, l’heure, la catégorie, le numéro de la chaîne et d’autres renseignements.

[328] Florin décrit une méthode de sélection et de visionnement des émissions télédiffusées à l’aide d’un GEE et une méthode d’enregistrement des émissions télédiffusées et des renseignements sur ces émissions sur un dispositif local (magnétoscope ou disque dur). Il décrit également la capacité à obtenir des renseignements sur les émissions à l’aide d’une télécommande munie d’un bouton « list » et d’un bouton « info ».

[329] Les figures 5a et 5b de Florin présentées ci-dessous montrent une version possible de télécommande.

Florin Fig 5a

FIG. 5a

FIG. 5a

VOLUME

VOLUME

POWER

ALLUMER

MUTE

SOURDINE

LIST

LISTE

TALK

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[330] Comme on peut le voir de cette illustration, la télécommande a un bouton « info » sur lequel on appuie pour voir des informations sur une émission, un bouton « record » (enregistrer) qui sert à enregistrer des émissions sur un appareil de stockage numérique et un bouton « list » (liste) qui sert à afficher la liste des émissions indiquées au répertoire.

[331] La figure 12 de Florin montre l’utilisation de la fonction liste pour afficher les listes d’émissions ou de services courants et pour mettre en évidence une émission.

Florin Fig

FIG. 12

FIG. 12

Thursday 10/15 8PM

Jeudi 15/10 20 h

ALL PROGRAMS

TOUTES LES ÉMISSIONS

A&B Personal Story

A&B Personal Story

NTV Rock Today <l> Party Time

NTV Rock Today <l> Party Time

DBS "Say Nay" Billy

DBS « Say Nay » Billy

BMT Manager’s Forum

BMT Manager’s Forum

TC Windsurfing <l> Basketball

TC Windsurfing <l> Basketball

DCV Planet Life

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NKK Wild Joe <l> Fun Times

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TSN Top Story News

TSN Top Story News

HMX Top Movie

HMX Top Movie

STM Best Movie

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WRR Comedy Program

WRR Comedy Program

NNC Popular Program

NNC Popular Program

[332] M. Kerr a mentionné que Florin décrit deux fonctions qui nécessitent la présence d’un décodeur pour enregistrer un répertoire de données associées aux émissions enregistrées. Premièrement, la fonction de liste des émissions enregistrées permet à l’utilisateur d’afficher la liste des enregistrements se trouvant sur l’appareil de stockage.

[traduction]

Florin envisage également que la fonction de liste serve à d’autres émissions ou services audiovisuels que ceux de la télévision, notamment lorsque le bouton 172 de menu permet de présenter à l’écran la sortie d’autres appareils audiovisuels 57. Par exemple, si le magnétoscope 56 fonctionne sur la télévision 58, le fait d’appuyer sur le bouton 138 de liste sur la télécommande 60 présente une liste de toutes les émissions enregistrées par l’utilisateur sur le magnétoscope 56 en mettant en évidence l’émission en visionnement depuis le magnétoscope 56. De même, la fonction de liste afficherait un CD-ROM ou des listes téléphoniques lorsque ces appareils audiovisuels sont sélectionnés à l’aide de la fonction de menu.

[333] Deuxièmement, la fonction de tri par catégorie permet à l’utilisateur de sélectionner les émissions enregistrées dans une catégorie donnée.

[334] M. Kerr a expliqué que la bonne marche de deux fonctions mentionnées nécessite un appareil de stockage numérique pour la tenue à jour d’un répertoire des données associées aux émissions. Il a conclu en conséquence que Florin divulgue un moyen de tenir à jour le répertoire des données associées aux émissions (minimalement le titre et la catégorie ou le genre) par le recours à un GEE.

[335] Le témoignage de M. Kerr n’a pas été ébranlé sur ce point lors du contre-interrogatoire.

[traduction]

Q. Lorsqu’on appuie sur le bouton de liste alors que [...] j’essaie de reprendre leur façon de dire. Lorsqu’on appuie sur le bouton de liste quand le magnétoscope a été sélectionné, l’utilisateur a accès à la liste des enregistrements du magnétoscope, c’est bien cela?

R. C’est ce qui est indiqué.

Q. Il n’est donc pas fait mention d’entrées supprimées à la suite de la suppression d’un enregistrement, n’est-ce pas?

R. Ce n’est pas indiqué, mais la personne versée dans l’art aurait dit en 1996, et même bien avant, je pense, sans aucun doute en 1998, que s’il y a des suppressions dans une liste, cette liste ne peut pas servir. La liste n’a aucune valeur si on efface sans supprimer les entrées de la liste, si on enregistre sans ajouter d’entrée, si le titre reste le même alors qu’il devrait être modifié. Comme je l’ai dit dans l’interprétation de la revendication que vous venez de citer à l’instant, il s’agit de tenir à jour un répertoire des données associées.

Q. D’accord. C’était donc votre interprétation de cet élément du brevet 629?

R. Oui.

Q. La tenue à jour se compose de la modification – je ne voudrais pas déformer vos propos –, de l’ajout, de la suppression et de la modification d’entrées, c’est bien cela?

R. Oui. Ce qui importe, c’est qu’il suffit de faire ce qui doit être fait quand c’est le temps de le faire. L’une ou l’autre de ces actions suffit. Si j’ai une vidéocassette neuve sur laquelle j’enregistre deux émissions, je tiens à jour cette base de données ou ce répertoire, peu importe son appellation, lorsque j’y ajoute des données associées aux nouvelles émissions ou des titres, quelles que soient leurs appellations. C’est ça de la tenue à jour. Il n’est pas nécessaire d’avoir effacé ou modifié quelque chose pour appeler cela de la tenue à jour. Je tiens à jour la base de données par un simple ajout lorsque j’ajoute à cette base une nouvelle émission, notamment dans le cas d’une vidéocassette ou d’un autre appareil audiovisuel, un fichier quelconque, etc. Le concept de tenue d’un répertoire est courant depuis bien longtemps. Je ne pense pas que Florin nous présente quoi que ce soit de nouveau à ce sujet. Florin dit, selon moi, que vous avez une liste, mais la personne versée dans l’art comprendrait. En fait, c’est sûr qu’elle s’occuperait de la liste. Que vous ayez un ordinateur personnel ou un Mac, quand vous supprimez un fichier, vous vous attendez à ce que ce fichier disparaisse du répertoire et quand vous en ajoutez un, vous vous attendez à ce que ce fichier apparaisse dans le répertoire. C’est tout simplement ce que supposerait la personne versée dans l’art, à mon avis.

[336] Rovi soutient que M. Kerr a reconnu en contre-interrogatoire que les systèmes d’enregistrement de l’époque ne tenaient pas les listes électroniques à jour. Elle oublie de souligner que M. Kerr parlait des systèmes de magnétoscope qui étaient antérieurs à Florin.

[337] M. Kerr a précisé que le concept de la tenue à jour d’une liste n’était pas nouveau et expliqué qu’il estimait que ce concept avait été divulgué par Florin.

[traduction]

R. Si nous revenons à ce que je viens tout juste de citer, à la colonne 9 de Florin, on trouve à la ligne 65 le passage suivant :

« La partie non volatile de la mémoire 65 comporte une mémoire réinscriptible (une mémoire SRAM, par exemple) qui sert de stockage permanent pour les repères et les indicateurs d’enregistrement, les listes d’émissions visionnées ou enregistrées et les préférences de l’utilisateur. »

À mon avis, ce que Florin nous dit, c’est que les listes d’émissions visionnées ou enregistrées sont inscrites dans la mémoire 65 non volatile du système et que, du fait de l’existence de ces listes, la personne versée dans l’art supposerait et envisagerait leur tenue à jour. Sinon, ce serait comme le système papier que je partage avec ma femme, il n’aurait aucune valeur s’il était toujours erroné.

[338] Au paragraphe 76 de son rapport sur la validité, M. Wahlers soutient que Florin ne divulgue pas la façon de [traduction] « tenir à jour la liste d’émissions enregistrées par l’utilisateur lorsque ces émissions sont supprimées, alors que les revendications 629 le requièrent ». [Non souligné dans l’original.] Cependant, il ne se trouve nulle part pareille exigence dans la formulation des revendications 629.

[339] Plus loin dans son rapport, M. Wahlers utilise une formulation empruntée au paragraphe 64 du rapport de M. Balakrishnan (surlignée en vert ci-dessous) pour tenter d’expliquer sa position.

[traduction]

Rapport d’expert en réponse de Timothy Wahlers sur la validité (brevet canadien no 2 339 629) du 3 avril 2020, au para 85.

85. Florin ne divulgue pas la façon de tenir à jour la liste des émissions enregistrées par l’utilisateur lorsque ces émissions sont supprimées. Florin indique que la « télécommande permettrait d’afficher une liste de toutes les émissions enregistrées par l’utilisateur sur le magnétoscope » (Florin, colonne 16, lignes 44 et 45). Il n’est pas précisé si la liste affichée est celle des émissions de la vidéocassette qui se trouve dans le magnétoscope au moment où la demande en est faite par télécommande ou s’il s’agit de la liste complète de toutes les émissions enregistrées sur vidéocassette. Quoi qu’il en soit, Florin ne divulgue pas l’utilisation d’un GEI pour afficher un répertoire de données sur les émissions ni, notamment, la tenue à jour (ou mise à jour) de ce répertoire qui est une exigence de l’élément 4.

 

[traduction]

Rapport d’expert en réponse de Ravin Balakrishnan sur la validité (daté du 20 janvier 2020), aux para 64, 65.

64. Les revendications 629 nécessitent « un moyen de tenir à jour un répertoire des données associées aux émissions qui sont stockées numériquement à l’aide du guide d’émissions de télévision interactif ». Cet élément n’est pas divulgué par Florin. Il n’y a dans Florin aucune divulgation de la façon de tenir à jour la liste des émissions enregistrées par l’utilisateur lorsque ces émissions sont supprimées.

65. Florin cible essentiellement les vidéocassettes comme support d’enregistrement. Florin indique que la « télécommande permettrait d’afficher une liste de toutes les émissions enregistrées par l’utilisateur sur le magnétoscope » (Florin, colonne 16, lignes 44 et 45). Il n’est pas précisé si la liste affichée est celle des émissions de la vidéocassette qui se trouve dans le magnétoscope au moment où la demande en est faite par télécommande ou s’il s’agit de la liste complète de toutes les émissions enregistrées. Dans les revendications 629, le terme « guide d’émissions interactif » ou GEI ne s’applique pas à n’importe quelle interface utilisateur. Le GEI doit recevoir des données sur les émissions à venir, permettre à l’utilisateur de naviguer dans ces données et de prendre des décisions sur les émissions à visionner ou à enregistrer. La simple présence d’une « télécommande [qui] permettrait d’afficher une liste de toutes les émissions enregistrées par l’utilisateur sur le magnétoscope » (Florin, colonne 16, lignes 44 à 45) n’implique pas que toutes les fonctions du GEI marchent sur le magnétoscope, et rien n’oriente la personne versée dans l’art qui voudrait munir le magnétoscope d’un GEI.

 

[340] Lors du procès, M. Wahlers a dit dans son témoignage que Florin fait parfois référence à un disque dur pour l’espace de stockage, mais c’est pratiquement toujours du magnétoscope dont il est question. M. Wahlers a convenu que les disques durs sont des appareils de stockage numérique typiques, bien connus dans le domaine de l’informatique, mais il a déclaré que les disques durs étaient peu connus dans le domaine de la télévision. Il a ensuite suggéré que le stockage et la récupération de données mis en application sur une vidéocassette de type analogique diffèrent grandement du stockage et de la récupération de données sur un support numérique comme un CD ou un disque dur.

[341] À mon avis, l’analyse de l’élément 4 présentée par M. Wahlers est décousue et inintelligible. D’abord, M. Wahlers n’explique pas sur quel fondement la personne versée dans l’art comprendrait que les suppressions font partie des revendications 629. Ensuite, son opinion est fondée sur la fausse prémisse selon laquelle Florin ne se concentre que sur les magnétoscopes, ce qui n’est pas le cas. Florin dit clairement faire appel aux magnétoscopes ou à tout autre dispositif d’enregistrement audiovisuel, notamment les disques durs, pour l’enregistrement numérique d’émissions. M. Wahlers a finalement concédé sur ce point en contre-interrogatoire.

[342] Je préfère l’avis motivé de M. Kerr, selon lequel la personne versée dans l’art concevrait que la tenue à jour d’un répertoire comporte la mise à jour du répertoire lors de l’ajout d’émissions, car Florin le décrit explicitement.

[343] Vu les circonstances, je conclus que Florin divulgue l’élément 4 des revendications 629.

b) Caractère réalisable

[344] L’exigence du caractère réalisable correspond à « la possibilité qu’une personne versée dans l’art ait pu réaliser l’invention » : Sanofi-Synthelabo, au para 26. Pour établir ce caractère réalisable, la personne versée dans l’art peut se servir de ses connaissances générales courantes pour mettre en pratique la divulgation selon la description des documents d’antériorité.

[345] M. Kerr était d’avis dans son rapport sur la validité que Florin permet à la personne versée dans l’art de réaliser le système faisant l’objet des revendications. Il a fait remarquer que les GEE étaient bien connus et utilisés en septembre 1998. Plus précisément, le recours à un GEE pour contrôler un dispositif d’enregistrement était connu et la personne versée dans l’art aurait su comment s’y prendre avec un GEE. Selon M. Kerr, Florin donne des détails sur les composants du système et les accords de réseau qui permettraient à la personne versée dans l’art de réaliser les systèmes divulgués sans éprouver de difficulté ni devoir faire des essais à l’excès.

[346] Rovi soutient que le caractère réalisable manque à Florin parce que Florin ne donne pas de détails sur la façon d’intégrer un dispositif de stockage numérique dans le système divulgué. Pour appuyer cette proposition, Rovi s’appuie sur l’opinion exprimée par M. Wahlers aux paragraphes 89 et 90 du rapport sur la validité de ce dernier, lesquels sont tirés du paragraphe 68 du rapport de M. Balakrishnan.

[traduction]

Rapport d’expert en réponse de Timothy Wahlers sur la validité (brevet canadien no 2 339 629) du 3 avril 2020, aux para 89, 90.

89. Au paragraphe 199 de son rapport sur le brevet 629, M. Kerr indique que « la personne versée dans l’art aurait compris que les disques durs sont des appareils de stockage numérique typiques ». Je reconnais que les disques durs sont des « appareils de stockage numérique typiques » bien connus dans le domaine de l’informatique, mais ces disques durs étaient peu connus dans le domaine de la télévision. Le stockage et la récupération de données mis en application sur une vidéocassette de type analogique diffèrent grandement du stockage et de la récupération de données sur un support numérique comme un CD ou un disque dur.

90. Au paragraphe 222 de son rapport sur le brevet 629, M. Kerr indique que « Florin donne des détails sur les composants du système et les accords de réseau qui permettraient à la personne versée dans l’art de réaliser les systèmes divulgués sans éprouver de difficulté ni devoir faire des essais à l’excès ». Cette affirmation est erronée en ce qui concerne le stockage numérique. Florin ne nous indique pas de quelle façon passer d’un magnétoscope au stockage numérique. Ce passage d’un magnétoscope analogique à un dispositif de stockage numérique n’est pas une simple substitution. Il nécessite un ajout de matériel et de logiciels pour permettre le stockage et la récupération de façon numérique et non de façon analogique. De plus, l’interface utilisateur requise pour le stockage et l’accès aux informations numériques et la nature de cette transmission d’informations diffèrent de l’interface utilisateur requise pour le stockage et l’accès aux informations en format analogique. Florin ne divulgue pas les modifications à effectuer à l’interface utilisateur qui permettraient le stockage numérique.

 

[traduction]

Rapport d’expert en réponse de Ravin Balakrishnan sur la validité (daté du 20 janvier 2020), au para 68.

68. Le stockage et la récupération de données mis en application sur une vidéocassette de type analogique diffèrent grandement du stockage et de la récupération de données sur un support numérique comme un CD ou un disque dur. Florin ne nous indique pas de quelle façon passer d’un magnétoscope au stockage numérique. Ce passage d’un magnétoscope analogique à un dispositif de stockage numérique n’est pas une simple substitution. Il nécessite un ajout de matériel et de logiciels pour permettre le stockage et la récupération de façon numérique et non de façon analogique. De plus, l’interface utilisateur requise pour le stockage et l’accès aux informations numériques diffèrent de l’interface utilisateur requise pour le stockage et l’accès aux informations en format analogique. Florin ne divulgue pas les modifications à effectuer à l’interface utilisateur qui permettraient le stockage numérique.

 

[347] Dans son rapport en réponse, M. Kerr s’est dit surpris de la position adoptée par M. Wahlers. Selon M. Kerr, la description de Florin nous donne au moins autant de détails que le brevet 629 sur la manière de mettre en œuvre un appareil de stockage numérique, qu’il s’agisse des types de dispositifs pouvant servir à cet usage, de la manière d’intégrer ces dispositifs dans le système et des types de fonctions que ces dispositifs peuvent exécuter. Il explique encore que Florin donne des détails importants sur la façon d’intégrer un dispositif de stockage numérique, notamment sur la façon de « incorporer » et de configurer un tel dispositif pour le faire fonctionner dans le système Florin en tant que dispositif de stockage numérique sans expérimentation excessive selon la description précise de Florin.

[348] La figure 1 de Florin reproduite ci-dessous illustre l’endroit (case 70 en rouge) où se situerait le dispositif dans le système selon M. Kerr.

Florin Fig

FIG. 1

FIG. 1

SERVICE PROVIDER

FOURNISSEUR DE SERVICES

CONNECT MODULE

MODULE DE CONNEXION

CD-ROM (OPTIONAL)

CD-ROM (FACULTATIF)

VCR

MAGNÉTOSCOPE

OTHER AUDIO-VISUAL DEVICES

AUTRES APPAREILS AUDIOVISUELS

REMOTE CONTROL

TÉLÉCOMMANDE

TELEVISION SET

TÉLÉVISEUR

SCREEN

ÉCRAN

[349] M. Wahlers a concédé ce point en contre-interrogatoire et convenu que la personne versée dans l’art saurait comment se servir d’un dispositif de stockage numérique pour l’enregistrement des émissions télédiffusées.

[traduction]

Q. Les inventeurs nous disent donc que la personne versée dans l’art saurait se servir d’un dispositif de stockage numérique comme un DVD réinscriptible ou un disque dur pour enregistrer une émission de télévision en connectant le dispositif à un décodeur et à l’aide d’une interface convenable, c’est bien cela?

R. Oui.

Q. Et c’est quelque chose que la personne versée dans l’art aurait su faire en septembre 1998, n’est-ce pas?

R. Oui.

[350] Considérant les éléments de preuve dont je dispose, je conclus que Florin divulgue tous les éléments essentiels des revendications 629.

[351] Incidemment, s’il était conclu que Florin ne divulgue pas suffisamment la façon d’intégrer un dispositif de stockage numérique dans le système, la même conclusion s’appliquerait au brevet 629, car celui-ci fournit beaucoup moins d’informations à la personne versée dans l’art pour réaliser l’invention.

[352] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que les défenderesses se sont acquittées du fardeau d’établir que toutes les revendications 629 ont été antériorisées et qu’elles sont par conséquent invalides.

2. Évidence

[353] Si mon analyse sur l’antériorité s’avérait erronée, je conclurais que les revendications 629 sont évidentes et invalides.

[354] Le critère de l’évidence est souple et il doit être appliqué compte tenu du contexte, ainsi que des faits et des circonstances propres à chaque revendication. Chaque revendication est évaluée selon les quatre volets du critère de Sanofi-Synthelabo. Étant donné que les parties ont mené leur analyse sur l’évidence en évaluant les revendications dans leur ensemble, je ferai de même.

a) Étape 1 : Définir la personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes

[355] L’identité et les qualifications de la personne versée dans l’art ont été décrites précédemment dans les présents motifs.

[356] Il est bien établi que les connaissances générales courantes se limitent aux connaissances qui sont généralement connues à l’époque pertinente chez les personnes versées dans l’art ou la science qui se rapportent au brevet en question. Les parties ne sont guère en désaccord sur les connaissances générales courantes dont il me faut tenir compte dans mon analyse sur l’évidence. Seules les parties pertinentes de ces connaissances sont reproduites ci-dessous pour encadrer mon analyse en contexte.

[357] Comme je l’ai mentionné précédemment dans les présents motifs, les GEI faisaient partie des connaissances générales courantes au milieu des années 1990. Le brevet 629 lui-même le reconnaît.

[traduction]

Des guides d’émissions interactifs ont été récemment créés pour permettre le stockage d’émissions choisies dans le guide d’émissions sur un appareil de stockage distinct, le plus souvent un magnétoscope.

[358] Au milieu de l’année 1998, l’arrivée de disques durs ayant une capacité et une performance suffisantes et un coût acceptable a permis le développement de masse d’appareils permettant aux consommateurs d’enregistrer et de stocker de nombreuses heures de contenu télévisuel. Cet accroissement de la disponibilité de dispositifs de stockage numérique à prix raisonnable était connu dans ce secteur.

[359] L’état de la technique au moment des revendications 629 englobait les enseignements de Florin et de Browne et tous les détails de la spécification DAVIC 1.3.1.

[360] La personne versée dans l’art n’aurait pu connaître de mémoire les descriptions précises, techniques, détaillées et de bas niveau de toutes les spécifications DAVIC, mais dès la publication en mars 1998 de DAVIC 1.3.1, les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art comportaient des concepts de haut niveau, parmi lesquels on retrouve le réseautage domestique, les systèmes distribués, l’utilisation de dispositifs de stockage analogique et numérique; l’utilisation d’un GEE pour afficher l’horaire des émissions et sélectionner une émission pour le visionnement ou l’enregistrement, ces émissions provenant de fournisseurs de services ou de fournisseurs de contenu multiples; l’utilisation d’un GEE pour afficher des informations supplémentaires sur les émissions à l’horaire ou enregistrées.

b) Étape 2 : Concept inventif

[361] Les experts conviennent que le concept inventif du brevet 629 est le même que celui des six éléments essentiels qui ont été établis antérieurement par l’analyse de l’antériorité.

c) Étape 3 : Différence entre l’état de la technique et le concept inventif

[362] À l’étape 3 de l’analyse sur l’évidence, le concept inventif des six éléments est comparé à l’art de la technique pour détecter les différences qui pourraient exister entre eux. Le caractère nouveau devrait être déterminé à partir de l’art antérieur, car tout ce qui a été réalisé précédemment s’y retrouve. Les connaissances générales courantes sont simplement un sous-ensemble de l’art antérieur : Ciba Specialty Chemicals Water Treatments Limited’s c SNF Inc, 2017 CAF 225 au para 50.

[363] Rovi ne relève qu’une seule différence entre l’art antérieur et le système des revendications 629 : il s’agit de l’élément 4, « la tenue à jour d’un répertoire des données associées aux émissions à l’aide du GEE », qui, selon elle, exige de l’inventivité. Selon Rovi, la personne versée dans l’art dépourvue d’esprit inventif qui n’aurait lu que Florin, Browne ou DAVIC ne pourrait en arriver à créer le système qui tient à jour un répertoire des enregistrements.

[364] Les défenderesses soutiennent qu’il n’y avait pas de différences entre l’art de la technique, les connaissances générales courantes et les revendications 629. Selon elles, même s’il existait des différences, celles-ci auraient été mineures et n’auraient exigé aucun degré d’inventivité.

[365] Considérant les éléments de preuve dont je dispose, je conclus que les concepts d’enregistrement d’émissions de télévision sur un enregistreur numérique, de tenue à jour d’un répertoire de ces émissions et d’affichage des informations associées à ces émissions étaient tous connus et évidents pour la personne versée dans l’art à la date de priorité du brevet 629, soit le 17 septembre 1998. La personne versée dans l’art était au courant à cette époque de l’intention de TiVo de lancer un dispositif ayant toutes ces fonctionnalités. M. Wahlers a reconnu que la personne versée dans l’art qui [traduction] « travaillait à la télévision interactive au milieu de 1998 devait certainement savoir et comprendre grâce aux connaissances générales courantes la façon de présenter et de stocker les données associées aux émissions dans un système télévisuel ».

[366] Je partage l’avis de M. Kerr selon lequel les fonctions d’enregistrement des émissions sur un disque dur et de tenue à jour d’un répertoire de ces émissions étaient évidentes d’après les connaissances générales courantes, sans recourir à un esprit inventif. Il s’agit de concepts issus de l’informatique qui n’étaient pas nouveaux. Le bon sens veut que les données numériques soient tenues à jour pour être utiles, comme l’a déclaré succinctement M. Kerr dans son interrogatoire principal.

[traduction]

R. [...] Lorsqu’un utilisateur veut afficher la liste des émissions enregistrées sur un appareil, quel qu’il soit, cela implique que l’équipement de télévision, le décodeur, un autre appareil ou un émetteur-récepteur, quel que soit le terme, doit tenir à jour une simple base de données de toutes les données associées aux émissions, à tout le moins le titre des émissions enregistrées. Si on ne tient pas à jour la liste, il est impossible de retrouver les émissions qui y ont été enregistrées. Il s’agit donc d’une exigence assez élémentaire, celle de tenir un simple répertoire de ce qui a été enregistré. De plus, au moment d’enregistrer, il faut ajouter l’enregistrement à la liste pour que la liste soit à jour, sinon il est impossible de retrouver une émission à partir d’une liste qui n’est pas à jour.

[367] Subsidiairement, je conclus que les revendications 629 sont évidentes compte tenu de Florin et des connaissances générales courantes. Florin décrit l’utilisation d’un GEE pour enregistrer des émissions sur un appareil numérique, pour tenir à jour un répertoire de ces émissions enregistrées et pour afficher les informations sur ces émissions. Je souscris à l’avis des défenderesses selon lequel il n’y a aucune différence entre Florin et le concept inventif du brevet 629.

d) Étape 4 : Ces différences sont-elles des étapes qui auraient paru évidentes à la personne versée dans l’art?

[368] Même s’il n’y a pas lieu de se rendre à l’étape 4 du critère de Sanofi-Synthelabo, j’aimerais ajouter ceci : même si l’élément 4 n’était pas divulgué dans Florin, je conclus sur les éléments de preuve dont je dispose que la personne versée dans l’art n’avait pas besoin d’esprit inventif pour conclure que le répertoire des émissions enregistrées sur le disque dur devait être mis à jour chaque fois qu’une émission est ajoutée ou supprimée. Comme M. Kerr l’a expliqué, la personne versée dans l’art aurait compris que l’espace de stockage numérique d’un décodeur n’est pas illimité et que le répertoire devait être tenu à jour en supprimant les entrées qui ne sont plus nécessaires. Cela faisait partie des connaissances générales courantes.

[369] Par conséquent, je conclus que les défenderesses ont établi selon la prépondérance des probabilités que les revendications 629 sont évidentes en tenant compte des seules connaissances générales courantes ou de Florin et de ces mêmes connaissances.

[370] Subsidiairement encore, les défenderesses soutiennent que le passage de Browne au brevet 629 ne requiert aucun esprit inventif.

[371] Browne enseigne la capacité d’enregistrer plusieurs émissions diffusées simultanément sur un dispositif numérique. M. Wahlers a concédé ce point en contre-interrogatoire.

[372] Rovi soutient que Browne n’enseigne pas l’utilisation d’un GEI ni la façon d’intégrer un stockage numérique dans le système qui est divulgué. Cependant, Browne enseigne bien une unité de commande et de contrôle ou une interface utilisateur graphique dont l’utilisateur peut se servir pour contrôler le dispositif d’enregistrement (p. ex. : sélection d’émissions, de chaînes et de l’heure d’enregistrement et suppression des enregistrements). L’inventivité n’était pas nécessaire pour remplacer un GEI par l’interface utilisateur que Browne décrit. Au milieu de 1998, les GEI faisaient partie des connaissances générales courantes et la personne versée dans l’art savait intégrer un GEI dans un système interactif de télévision pour que les utilisateurs puissent enregistrer des émissions sur un dispositif de stockage indépendant.

[373] De plus, au milieu de 1998, la personne versée dans l’art savait tenir à jour un répertoire d’informations sur les émissions diffusées et de données associées à ces émissions sur un dispositif d’enregistrement numérique et il n’était pas inventif de tenir un répertoire d’informations stockées numériquement.

[374] La seule différence entre Browne et le concept inventif ou l’objet des revendications 629 consiste en la mise en œuvre d’un « écran complet des informations du répertoire ». Alors que Browne affiche les données associées aux émissions enregistrées dans un seul écran répertoriant les émissions, le brevet 629, lui, demande à l’utilisateur de sélectionner une entrée pour visionner les informations supplémentaires concernant une émission. Cependant, il ne s’agit pas d’un élément nouveau et il serait facile à la personne versée dans l’art de le réaliser à l’aide des seules connaissances générales courantes.

[375] Par conséquent, je conclus que les revendications 629 auraient également été évidentes compte tenu de Browne et des connaissances générales courantes.

[376] Pour tous ces motifs, je conclus que les revendications 629 sont évidentes et invalides.

XVIII. Le brevet 585

[377] Le brevet 585 a été déposé le 30 janvier 2004. Il revendique la priorité sur la demande de brevet no 10/357 001, déposée le 30 janvier 2003, aux États-Unis.

[378] Le brevet 585 est intitulé « Interactive Television Systems with Digital Video Recording and Adjustable Reminders » (systèmes de télévision interactifs avec enregistrement vidéo numérique et rappels réglables). Il se rapporte aux enregistrements initiés par l’opérateur et à la capacité à visionner depuis le début une émission que l’utilisateur est en train de visionner ou qui a été télédiffusée précédemment.

A. Les revendications 585

[379] Quatre des revendications du brevet 585 sont en litige, soit les revendications 34, 36, 87 et 127. Il s’agit de revendications de système et de méthode.

[380] Les revendications 34 et 36 sont dépendantes de la revendication 33 qui est indépendante. Le texte des trois revendications est reproduit ci-dessous.

[traduction]

33. Méthode permettant de fournir à une pluralité d’utilisateurs accès aux enregistrements d’une pluralité d’émissions de télévision diffusées ayant une heure prévue de départ et de fin, par laquelle la pluralité des émissions de télévision sont diffusées aux utilisateurs. Cette méthode consiste :

à enregistrer de manière sélective, selon les critères de conservation, un sous-ensemble de la pluralité des émissions diffusées sur la mémoire d’un serveur à distance des utilisateurs;

à fournir au premier d’une pluralité d’utilisateurs ayant le dispositif du premier utilisateur l’accès à au moins une partie d’une première émission diffusée et enregistrée pour une période de conservation;

à retirer la première émission diffusée et enregistrée de la mémoire à la fin de la période de conservation.

34. Méthode de la revendication 33, qui vise, en outre :

à syntoniser le dispositif du premier utilisateur à la première émission diffusée à une heure de syntonisation, cette heure étant postérieure à l’heure de départ de la première émission diffusée;

à déterminer que l’heure de départ de la première émission diffusée est écoulée;

à accéder, après cette détermination, à la partie de la première émission diffusée et enregistrée que le serveur distant fournit au premier dispositif utilisateur de telle sorte que cette partie corresponde à une partie de la première émission qui a été diffusée par l’installation avant l’heure de syntonisation.

36. Méthode de la revendication 33, qui vise, en outre :

à recevoir une demande dirigée au serveur distant provenant du premier dispositif utilisateur pour accéder à la première émission diffusée et enregistrée;

à transmettre la partie de la première émission diffusée et enregistrée depuis le serveur distant au premier dispositif utilisateur à la réception de cette demande.

[381] La revendication 87 est dépendante de la revendication 85, qui est, elle aussi, indépendante. Les revendications 85 et 87 sont reproduites ci-dessous :

[TRADUCTION]

85. Système qui comporte :

un serveur situé à distance des utilisateurs et configuré de façon à :

enregistrer de manière sélective une émission diffusée, sans interaction avec l’utilisateur, sur un dispositif de stockage d’un serveur à distance de l’équipement utilisateur de telle sorte que :

l’émission diffusée est enregistrée de manière sélective selon des critères déterminés par le serveur,

l’équipement utilisateur peut accéder à l’émission diffusée qui a été enregistrée de manière sélective.

87. Système de la revendication 85 par lequel l’émission diffusée et enregistrée n’est accessible que par l’équipement utilisateur pour une période d’accès prédéfinie.

[382] La revendication 127 est dépendante de la revendication 125, qui est indépendante. Le texte de deux revendications suit :

[TRADUCTION]

125. Méthode qui consiste :

à enregistrer automatiquement une partie seulement de la pluralité des émissions diffusées sur le dispositif de stockage d’un serveur situé à distance d’une pluralité d’équipements utilisateur;

à permettre à cette pluralité d’équipements utilisateur d’accéder au serveur de telle sorte que la pluralité d’utilisateurs n’accède qu’aux émissions diffusées qui ont été enregistrées;

à retirer une première émission diffusée du stockage en mémoire contenant les émissions diffusées à la fin d’une période prédéterminée.

127. Méthode de la revendication 125 par laquelle chaque émission diffusée et enregistrée n’est accessible par la pluralité des équipements utilisateur que pour une période d’accès prédéfinie.

B. Éléments essentiels des revendications 585

[383] Les experts s’entendent de manière générale pour déterminer les neuf éléments essentiels des revendications 585.

[384] Les revendications 34 et 36 sont toutes deux dépendantes de la revendication 33. Les éléments essentiels de la revendication 33 sont les suivants :

Élément 1 : Fournir aux utilisateurs l’accès aux enregistrements des émissions de télévision diffusées ayant une heure de départ et une heure de fin;

Élément 2 : Enregistrer de manière sélective, selon les critères de conservation, un sous-ensemble de la pluralité des émissions diffusées sur la mémoire d’un serveur à distance des utilisateurs;

Élément 3 : Fournir au premier utilisateur l’accès à au moins une partie d’une première émission diffusée et enregistrée pour une période de conservation;

Élément 4 : Retirer la première émission diffusée et enregistrée à la fin de la période de conservation.

[385] La revendication 34 est dépendante de la revendication 33 et ajoute les éléments suivants :

Élément 5 : Syntoniser le dispositif du premier utilisateur à la première émission diffusée à une heure de syntonisation, cette heure étant postérieure à l’heure de départ de la première émission diffusée;

Élément 6 : Déterminer que l’heure de départ de la première émission diffusée est écoulée;

Élément 7 : Accéder, après cette détermination, à la partie de la première émission diffusée et enregistrée que le serveur distant fournit au premier dispositif utilisateur de telle sorte que cette partie corresponde à une partie de la première émission qui a été diffusée avant l’heure de syntonisation.

[386] La revendication 36 est elle aussi dépendante de la revendication 33 et n’ajoute que les éléments suivants :

Élément 8 : Recevoir une demande visant à accéder à la première émission diffusée et enregistrée;

Élément 9 : Transmettre la partie de la première émission diffusée et enregistrée à la réception de cette demande.

[387] Les deux parties conviennent que la revendication 87 (qui est dépendante de la revendication 85) a les mêmes éléments essentiels que ceux de la revendication 33, mais que la revendication 87 montre un système, alors que la revendication 33, une méthode.

[388] Les deux parties conviennent également que la revendication 127 (qui est dépendante de la revendication 125) a les mêmes éléments essentiels que ceux des revendications 33 et 87. Bien que la revendication 127 utilise le terme « période d’accès » au lieu de « période de conservation », terme utilisé dans la revendication 33, la personne versée dans l’art comprendrait qu’il n’y a aucune différence entre ces deux termes.

C. Interprétation des revendications

[389] Le seul différend entre les experts sur l’interprétation des revendications porte sur la signification de l’élément « accéder, après cette détermination, à la partie » tiré de la revendication 34. Le différend se résume à la signification du mot « accessing » (accéder), qui correspond à la forme progressive du verbe « access ». La revendication est interprétée au moment de la date de publication du brevet 585, soit le 12 août 2004.

[390] Dans son rapport sur la contrefaçon, M. Wahlers a scindé l’élément « accéder, après cette détermination, à la partie » en deux composants. Selon son interprétation, « déterminer que l’heure de départ de la première émission diffusée est écoulée » voudrait dire que [traduction] « le système détermine que l’heure de syntonisation est postérieure à l’heure de départ ». Ensuite, selon son interprétation, « accéder » voudrait dire [traduction] « établir une connexion ou demander un signal pour confirmer que la connexion est disponible (p. ex. : sonder par PING) entre le dispositif du premier utilisateur et le serveur où la première émission est stockée ».

[391] Aux paragraphes 46 et 47 de son rapport sur la validité, M. Robinson donne à l’élément « accéder, après cette détermination, à la partie » le sens de [traduction] « demander au système de démarrer le visionnement de l’émission depuis le début lorsque cette émission est sélectionnée à l’aide du GEI ». Les défenderesses désignent cet élément comme « l’élément à détermination automatique ». Plutôt que de paraphraser la manière par laquelle M. Robinson a rendu son avis, je la reproduis ci-dessous.

[traduction]

46. Un élément essentiel de la revendication 34 est celui de la détermination, car il ne fait pas partie des revendications 29 et 33. Le brevet 585 ne définit pas le terme « détermination » et n’explique pas de quelle manière elle est effectuée, ni la personne (ou le système) faisant cette détermination. Cependant, la revendication 34 ne définit pas l’interaction de l’utilisateur qui est liée à l’accès automatique de la partie de l’émission manquée. De plus, la revendication 34 n’indique pas si l’utilisateur choisit d’accéder à la partie antérieure de l’émission une fois que la « détermination » est effectuée. La revendication 34 indique plutôt que l’accès à la partie antérieure s’effectue après la détermination. L’accès est automatique une fois que la détermination est effectuée.

47. À mon avis, la personne versée dans l’art lisant la revendication 34 comprendrait que lorsque l’utilisateur syntonise une émission après le début de l’émission, le système (ou le dispositif utilisateur, de manière indépendante de toute interaction avec l’utilisateur) détermine que l’heure de début de l’émission diffusée est écoulée et ce système accède ensuite à la partie de l’émission qui a été manquée depuis le serveur distant. Le système accède à la partie manquée sans nécessiter d’interactions avec l’utilisateur, puisque rien ne l’indique.

[392] Je remarque au passage que M. Robinson a proposé une autre opinion à ce sujet en abordant la question de l’antériorité.

[traduction]

59. On m’a demandé si l’objet des revendications du brevet 585 avait été divulgué et mis en pratique au 30 janvier 2003. À mon avis, Minerva et iMagic, deux des brevets résultant de ma recherche sur l’art antérieur, divulguent et rendent réalisables toutes les revendications sauf les revendications 34, 89, 128 et 129 selon mon interprétation de cet « élément de détermination ».

60. Cela dit, si je me trompe en disant que le terme « détermination » signifie l’accès et la transmission ou la fourniture de la partie de l’émission diffusée qui manque sans interaction avec l’utilisateur et qu’en fait il donne à l’utilisateur l’option d’accéder ou de recevoir la partie de l’émission diffusée qu’il a manquée, c’est qu’iMagic et Minerva divulguent les revendications 34, 89, 128 et 129 elles aussi et rendent celles-ci réalisables pour les raisons décrites ci-dessous.
[Souligné dans l’original.]

[393] Dans son rapport en réponse sur la validité, M. Wahlers conteste l’interprétation de M. Robinson en relevant que, pour M. Robinson, les termes « accès » et « transmission » sont interchangeables. De l’avis de M. Wahlers, le terme « accès » porte sur l’étape précédant la transmission, c’est-à-dire l’établissement d’une connexion en attente de la réception éventuelle d’une demande de lecture. M. Wahlers relève également que si « l’accès » englobait de fait la transmission et la lecture d’une émission, le système déclencherait aussitôt la lecture de l’émission depuis le début et non depuis l’heure de syntonisation chaque fois qu’une chaîne est sélectionnée. Selon sa perspective, la personne versée dans l’art comprendrait que ce type de comportement serait indésirable du point de vue de l’expérience utilisateur et entraînerait également une consommation importante des ressources en raison de la haute fréquence du passage de la télédiffusion à la diffusion en continu.

[394] Pour résumer, M. Wahlers attribue au terme « accès » le sens d’établir une connexion en vue d’une transmission, alors que M. Robinson interprète ce même terme dans le contexte de la revendication 34 et lui donne le sens de transmettre la partie de l’émission qui a été manquée dès la syntonisation.

[395] Après avoir soigneusement examiné les éléments de preuve des experts, je conclus que l’interprétation de cet élément par M. Wahlers devrait prévaloir pour les raisons suivantes.

[396] Premièrement, l’interprétation de M. Wahlers est conforme au sens ordinaire du terme. Selon l’Oxford English Dictionary (en ligne), le verbe « access » signifie dans le domaine de l’informatique « obtenir ou récupérer [des données ou un fichier]; obtenir l’accès [à un système ou à un réseau] ». De même, selon le Collins Dictionary (en ligne), « access » signifie « réussir à trouver ou à obtenir [des informations contenues sur un ordinateur] ».

[397] Deuxièmement, d’autres revendications et le mémoire du brevet 585 précisent le contexte de cette formulation. Chaque occurrence du verbe « access » dans le brevet (c.-à-d. de nombreuses fois) a le sens ordinaire de ce mot (c.-à-d. « obtenir » ou « fournir un accès »). À titre d’exemple, la revendication 36 décrit deux étapes : 1) « accéder à la première émission diffusée et enregistrée »; 2) « transmettre la partie de la première émission diffusée et enregistrée ». En faisant usage de deux termes différents, soit « accéder » et « transmettre » lorsqu’il s’agit d’émissions enregistrées, les inventeurs ont dû vouloir faire référence à deux actions ou deux étapes différentes, la première se produisant avant l’autre.

[398] Troisièmement, j’ai été particulièrement convaincu par l’argument selon lequel la personne versée dans l’art qui lit la revendication 34 serait d’avis que l’exigence du système de toujours commencer la lecture d’une émission depuis le début après sélection de cette émission avec le GEI serait indésirable du point de vue de l’utilisateur. Il en résulterait une consommation importante et non nécessaire de ressources, un état non compatible avec l’un des objectifs du brevet 585, soit « l’utilisation efficace du réseau ou de la mémoire locale ». Selon un principe général d’interprétation, lorsque deux sens sont possibles, il faut, dans la mesure du possible, rejeter le sens qui conduit à un résultat absurde : Henriksen v Tallon Ltd, [1965] RPC 434, à la p 443.

D. Validité

[399] Les défenderesses soutiennent que le concept inventif des revendications 585 était ancien ou sinon évident en fonction : 1) des connaissances générales courantes seulement; 2) d’iMagic ou de Minerva seulement; 3) de toute combinaison d’iMagic et de Minerva, des connaissances générales courantes, du brevet Oracle[12], du livre blanc Oracle[13] et du brevet Microsoft.

a) Antériorité

[400] Rovi appelle le brevet 585 le brevet de « recommencement ». M. Wahlers parle de l’objet du brevet 585 comme étant [traduction] « la capacité de remonter le temps pour lire des vidéos d’un passé proche, comme un jour ou une semaine ». Rovi soutient que le brevet 585 couvre des caractéristiques qui, aujourd’hui, avec le recul, semblent assez simples, mais qui étaient précurseures à l’époque.

[401] Les défenderesses reconnaissent que la caractéristique du recommencement, qui permet à l’utilisateur de visionner une émission déjà en cours depuis le début même s’il avait oublié de régler l’enregistreur vidéo personnel ou PVR, a été bien accueillie par leurs clients après son déploiement dans leurs systèmes IPTV. En fait, les défenderesses ont mis au premier plan et à maintes reprises la caractéristique du recommencement lors de la promotion de leurs services.

[402] Il n’est pas contesté que la caractéristique du recommencement était novatrice. Cependant, les défenderesses soutiennent que Rovi n’a pas inventé cette technologie. Elles disent qu’il s’agit du même objet que celui d’iMagic, un brevet appartenant à une société de télévision canadienne portant le même nom qui se spécialisait dans le développement de l’IPTV au Nouveau-Brunswick.

[403] Le brevet iMagic s’intitule « Système numérique à applications sur demande permettant la diffusion interactive par télévision/multimédia/Internet » et il a été publié le 29 mars 2002, soit environ un an avant la date de priorité du brevet 585.

[404] iMagic décrit un système IPTV qui comprend diverses applications sur demande, chacune étant accessible sur un GEI intégré et fonctionnant à l’aide du même serveur vidéo distant. Deux de ces applications sur demande sont Timeless TV et Virtual DVR.

[405] Les applications Timeless TV et Virtual DVR ont toutes deux recours au même serveur vidéo en réseau, le réseau DVR, un composant qui serait « essentiel à toute application sur demande », selon la description d’iMagic. Le mémoire du brevet offre une description détaillée du réseau DVR. Le serveur vidéo en réseau est situé à distance des utilisateurs; il capte et stocke automatiquement tout le contenu de la diffusion en direct des chaînes de télévision en temps réel.

[406] Selon la thèse des défenderesses, les deux applications d’iMagic antériorisent les revendications 585; cependant, lors des plaidoiries, leurs observations ne portaient que sur Timeless TV. Je procéderai de la même manière.

(i) Divulgation

[407] Timeless TV est conçue comme un guide de programmation chronologique ou non linéaire. Le fonctionnement de Timeless TV nécessite un ou plusieurs serveurs vidéo sur demande au sein d’un réseau qui enregistrent continuellement le contenu en multidiffusion pendant un certain nombre de jours, contenu réservé aux abonnés qui demandent l’accès à des émissions déjà diffusées au cours d’une période limitée définie par l’utilisateur. L’application Timeless TV se sert de ce même contenu enregistré continuellement pour permettre aux abonnés de sélectionner une émission pour un visionnement sur demande sans avoir à visionner cette émission à l’heure de diffusion prévue.

[408] Dans l’application Timeless TV, les serveurs vidéo du réseau enregistrent l’ensemble ou la majeure partie du contenu que diffusent un ensemble de sources ou chaînes choisies et les émissions enregistrées sont mises à la disposition des utilisateurs grâce à un GEI chronologique. La figure 6 du brevet iMagic nous en présente un exemple :

iMagic Fig 6

Friday, April 18, 1999 7:09PM

Vendredi 18 avril 1999 19 h 09

7:00PM – 7:30PM

19 h – 19 h 30

Travel with Beth

Travel with Beth

21 min. left

Reste 21 min.

Beth’s U.S. travel series continues. Special guest this week is Chuck from the hit series "Camping with Chuck". Chuck shows us how pitch a tent under highway overpasses for that great urban outdoor experience. (RR, Stereo, CC)

Beth’s U.S. travel series continues. Special guest this week is Chuck from the hit series "Camping with Chuck". Chuck shows us how pitch a tent under highway overpasses for that great urban outdoor experience. (R, Stéréo, STC)

TODAY

AUJOURD’HUI

TRAV

TRAV

Travel with Beth

Travel with Beth

Camping in Venice

Camping in Venice

SPT

SPT

Baseball (Atlanta vs Toronto)

Baseball (Atlanta vs Toronto)

TOON

TOON

Get that Cat!

Get that Cat!

Mousie & Potato

Mousie & Potato

MOV

MOV

There’s Something About Gerry

There’s Something About Gerry

SHOP

SHOP

Jewelry Hour

Jewelry Hour

Dolls of the World

Dolls of the World

WEB

WEB

Go to Portal Page

Aller à la page d’accueil

Fig. 6

Fig. 6

[409] À la figure 6, le GEI affiche l’heure actuelle, soit 19 h 09. En appuyant sur le bouton de la flèche gauche de la télécommande, l’utilisateur recule à 18 h 30 (ou plus tôt) pour sélectionner l’une des émissions déjà diffusées qu’il aimerait visionner, pourvu que cette émission ait été enregistrée par le serveur vidéo à distance dans la période prévue (iMagic donne comme exemple une période de sept jours). À l’expiration de la période prévue, la mémoire tampon circulaire du serveur vidéo écrase l’émission avec du nouveau contenu. Les émissions sont gardées en mémoire et accessibles aux utilisateurs jusqu’à leur écrasement.

[410] Les abonnés de Timeless TV peuvent ainsi visionner n’importe quelle émission déjà diffusée pourvu que cette émission ait été enregistrée au cours de la période prévue mise en œuvre par le fournisseur de service.

[411] L’application du réseau DVR est essentielle à chaque application de service sur demande. Le réseau DVR capte le contenu vidéo diffusé en temps réel en sélectionnant un nombre (p. ex. : maximum de 100) de stations de télévision en multidiffusion simultanée selon un horaire d’enregistrement établi par le fournisseur de service. Le nombre de jours que le contenu enregistré est conservé et disponible pour une lecture est désigné ci-après par la « période prévue ».

[412] Je tiens à mentionner à cette étape que les observations écrites des défenderesses m’ont été d’une grande aide dans mon analyse des questions sur la validité, en particulier les grandes lignes de la plaidoirie finale des défenderesses portant sur chaque brevet, car leurs arguments étaient pertinents et synchrones avec ceux de Rovi. Ces grandes lignes comprenaient des références précises et utiles aux extraits pertinents des rapports d’expert, des pièces présentées en preuve et de la transcription des témoignages. En comparaison, les observations finales de Rovi misent principalement sur le rapport d’expert de M. Wahlers, qui a été scruté par l’avocat avant le procès, et sur le témoignage principal de M. Wahlers dont une grande partie a été discréditée en contre-interrogatoire.

[413] Les éléments de preuve de M. Wahlers m’ont donné beaucoup de fil à retordre, surtout sur la question de la validité du brevet 585. Dans ses rapports sur le brevet 585, M. Wahlers a adopté des positions étonnantes qu’il a continué de défendre lors du procès, mais auxquelles il a finalement renoncé sans se battre en contre-interrogatoire.

[414] Lors de son contre-interrogatoire, M. Wahlers cherchait des faux-fuyants pour tenter de défendre des positions parfaitement intenables, notamment lorsqu’il affirmait que le brevet d’iMagic ne divulgue pas des « enregistrements initiés par l’opérateur », alors que c’était bel et bien le cas, ou quand il affirmait que le brevet d’iMagic ne mentionne que vaguement l’application Timeless TV, alors que le contraire est manifeste. Un autre exemple flagrant nous est donné lorsque M. Wahlers affirmait sans nuance dans son rapport sur la validité que la personne versée dans l’art ne saurait combiner iMagic et le serveur vidéo d’Oracle ou OVS, alors qu’iMagic décrit l’OVS et le désigne même comme étant le serveur de préférence.

[415] En contre-interrogatoire, M. Wahlers a fini par concéder pratiquement toutes les opinions importantes qu’il défendait dans ses rapports en matière de validité. Le contre-interrogatoire de M. Wahlers est truffé d’exemples où il s’est montré incapable ou peu disposé à prendre le point de vue de la personne versée dans l’art qui cherche à comprendre. Les réponses parfois incohérentes et contradictoires qu’il a données en contre-interrogatoire mettent en doute le fait que M. Wahlers ait vraiment lu le brevet d’iMagic avant de signer son rapport ou qu’il ait signé le rapport en connaissant son contenu.

[416] Le témoignage de M. Wahlers me donne de sérieux doutes sur sa fiabilité et c’est pourquoi je ne lui accorde que peu de poids, voire aucun, surtout en matière de validité.

[417] Il me reste le témoignage et les rapports de M. Robinson qui n’ont pas été ébranlés en contre-interrogatoire sur des questions clés ou qui n’ont pas été contestés.

[418] Les défenderesses soutiennent qu’iMagic divulgue tous les éléments essentiels des revendications 585. Elles ont fourni un tableau utile qui relie les éléments des revendications 585 à iMagic. Ce tableau est reproduit ci-dessous.

[TRADUCTION]

Élément

Divulgation dans iMagic

Revendication 33 (non invoquée, indépendante)

Revendication 34 (invoquée, dépend de la revendication 33)

Revendication 36 (invoquée, dépend de la revendication 33)

Revendication 85 (non invoquée, indépendante)

Revendication 87 (invoquée, dépendante de la revendication 85)

Revendication 125 (non invoquée, indépendante)

Revendication 127 (invoquée, dépendante de la revendication 125)

Élément 1 : Fournir aux utilisateurs l’accès aux enregistrements des émissions de télévision diffusées ayant une heure de départ et une heure de fin.

Cette invention se rapporte à un système interactif de diffusion de contenus multimédias sur demande à l’aide d’un réseau fédérateur de multidiffusion à large bande qui transmet des signaux numériques multimédias (dont la télévision) configurés IP [...] Un stockage central des données multimédias est situé au sein du réseau, à distance des abonnés, pour l’enregistrement du contenu multimédia. Un composant des services sur demande est configuré pour la réception d’une demande d’abonné visant un contenu enregistré, la localisation du contenu multimédia demandé dans le dispositif de stockage et la transmission du contenu multimédia demandé en vue d’être visionné sur un téléviseur ou un écran [...] Ce même composant reçoit une demande d’enregistrement (laquelle comprend la chaîne et les heures de diffusion pour identifier le contenu multimédia et peut provenir d’un GEI) provenant d’un abonné et enregistre le contenu multimédia en réponse à la demande d’enregistrement.

Élément 2 : Enregistrer de manière sélective, selon les critères de conservation, un sous-ensemble de la pluralité des émissions télédiffusées sur la mémoire d’un serveur à distance des utilisateurs.

Élément 3 : Fournir au premier utilisateur l’accès à au moins une partie d’une première émission diffusée et enregistrée pendant la période de conservation.

Dans l’application Timeless TV, les serveurs vidéo du réseau enregistrent l’ensemble ou la majeure partie du contenu que diffusent un ensemble de sources ou de chaînes choisies et les émissions enregistrées sont mises à la disposition des abonnés par l’ajout de données chronologiques de programmation, une nouvelle fonction du guide d’émissions interactif (GEI) de type DTVM (gestionnaire de télévision numérique). Les abonnés de Timeless TV pourront ainsi visionner n’importe quelle émission déjà diffusée, pourvu que cette émission ait été enregistrée au cours de la période prévue mise en œuvre par le fournisseur de service (p. ex. : les sept derniers jours)[...] Le nombre de jours que le contenu enregistré est conservé et disponible pour une lecture est désigné ci-après par la « période prévue ».

Élément 4 : Retirer la première émission diffusée et enregistrée à la fin de la période de conservation.

Le nombre de jours que le contenu enregistré est conservé et disponible pour une lecture est désigné ci-après par la « période prévue ».

Le contenu expiré pourra être effacé dès que l’heure de démarrage du processus programmé est écoulée à l’horloge du système. Le stockage disponible au contenu est récupéré à chaque suppression de contenu expiré. L’expiration du contenu est déterminée par la date à laquelle le contenu a été enregistré et les options de stockage déterminées par l’administrateur du service. Le contenu expiré et toutes les références à ce contenu (dont les métadonnées) sont supprimés par le composant 123 de suppression du contenu expiré.

Élément 5 : Syntoniser le dispositif du premier utilisateur à la première émission diffusée à une heure de syntonisation, cette heure étant postérieure à l’heure de départ de la première émission diffusée.

Élément 6 : Déterminer que l’heure de départ de la première émission diffusée est écoulée.

Élément 7 : Accéder, après cette détermination, à la partie de la première émission diffusée et enregistrée que le serveur distant fournit au premier dispositif utilisateur de telle sorte que cette partie corresponde à une partie de la première émission qui a été diffusée avant l’heure de syntonisation.

Le dispositif de stockage central (à distance des abonnés) qui contient l’émission enregistrée et son logiciel associé enregistre une seule copie de l’émission étiquetée pour l’abonné en le rendant accessible aux utilisateurs multiples. Il est possible d’enregistrer des chaînes multiples à un moment donné pour une lecture à la demande de l’utilisateur. De plus, l’enregistrement est effectué par le système sur une base « en temps voulu », c’est-à-dire que l’utilisateur peut demander un enregistrement après le début de la diffusion de l’émission sans dépasser la fin de la diffusion de l’émission parce que le système capte automatiquement toutes les diffusions et qu’il décide des diffusions à stocker en fonction des demandes d’enregistrement des utilisateurs lorsque la diffusion de l’émission se termine.

Dans l’application Timeless TV, les serveurs vidéo du réseau enregistrent l’ensemble ou la majeure partie du contenu que diffusent un ensemble de sources ou de chaînes choisies et les émissions enregistrées sont mises à la disposition des abonnés par l’ajout de données chronologiques de programmation, une nouvelle fonction du guide d’émissions interactif (GEI) de type DTVM (gestionnaire de télévision numérique).

Élément 8 : Recevoir une demande visant à accéder à la première émission diffusée et enregistrée.

Élément 9 : Transmettre la partie de la première émission diffusée et enregistrée à la réception de cette demande.

Un composant des services sur demande est configuré pour la réception d’une demande d’abonné visant un contenu enregistré, la localisation du contenu multimédia demandé dans le dispositif de stockage et la transmission du contenu multimédia demandé en vue d’être visionné sur un téléviseur ou un écran.

Éléments 2 et 3.

Voir les éléments 2 et 3 ci-dessus.

Éléments 3 et 4.

Voir les éléments 3 et 4 ci-dessus.

Éléments 2, 3 et 4.

Voir les éléments 2, 3 et 4 ci-dessus.

Éléments 3 et 4.

Voir les éléments 3 et 4 ci-dessus.

[419] Rovi fait valoir à titre de commentaire général qu’iMagic divulgue deux applications différentes, soit Timeless TV et Virtual DVR, et qu’aucune des deux ne divulgue les revendications 585. Elle prétend que M. Robinson aurait confondu ces deux applications distinctes dans son rapport sur la validité dans le but de faire croire que les revendications 585 avaient été antériorisées.

[420] Lors du procès, M. Robinson a reconnu qu’il n’aurait pas été possible pour le réseau DVR de prendre en charge à la fois le visionnement de contenu pendant la période prévue selon la description de l’application Timeless TV et, en même temps, la suppression de contenu non référencé. M. Wahlers a affirmé que ce conflit ne pouvait être résolu que si Timeless TV et Virtual DVR étaient considérées comme des caractéristiques distinctes qui fonctionnaient indépendamment l’une de l’autre.

[421] Devant cette incohérence, M. Robinson a convenu que son interprétation des caractéristiques de Timeless TV et de Virtual DVR était incompatible avec la formulation d’iMagic et que, lorsqu’il appliquait son interprétation, l’affirmation explicite du brevet sur le moment de supprimer les émissions « était invraisemblable ». Plutôt que d’accepter que son interprétation était fausse, M. Robinson a suggéré que les inventeurs qui avaient rédigé iMagic devaient avoir fait erreur.

[422] Rovi fait valoir que, lorsque M. Robinson suggère une erreur dans l’art antérieur, c’est qu’il se méprend sur le rôle qu’il doit jouer dans le présent contentieux. Elle soutient que ce portrait dépeint un expert prêt à dire tout ce qui est nécessaire pour soutenir son opinion. Je ne suis pas de cet avis.

[423] M. Robinson a admis en contre-interrogatoire qu’il a confondu les deux applications dans son rapport sur la validité. Il était sur la défensive lorsqu’il devait faire face à l’incohérence présentée et il était réticent à admettre qu’il avait tort. Sa réaction est critiquable, mais la fiabilité de son témoignage dans son ensemble n’a pas été minée en contre-interrogatoire.

[424] Rovi présente trois arguments pour expliquer qu’iMagic ne divulgue pas les revendications 585.

[425] Premièrement, Rovi soutient qu’iMagic ne divulgue pas les « enregistrements initiés par l’opérateur ». Cet argument n’est pas fondé puisque même l’expert de Rovi a reconnu le contraire.

[426] Deuxièmement, Rovi soutient qu’iMagic ne divulgue pas de quelle manière le décodeur accède à la partie manquante depuis le serveur distant parce qu’iMagic n’autorise pas l’accès immédiat à cette partie manquante. Dans ce cas aussi, l’argument n’est pas fondé. M. Wahlers a concédé ce point en contre-interrogatoire et a confirmé que l’accès immédiat n’était pas requis par la revendication 34. Dans l’application Timeless TV, le guide chronologique des émissions permet à l’utilisateur de syntoniser une émission diffusée à une certaine heure et, si cette émission a déjà été diffusée, il suffit de faire défiler le guide vers l’arrière pour accéder à la première émission diffusée et enregistrée.

[427] Troisièmement, Rovi souligne que M. Robinson a admis dans son rapport sur la validité et lors de son contre-interrogatoire qu’iMagic ne divulgue pas et n’antériorise pas la revendication 34. Je conviens que l’admission a été faite, mais il est important d’examiner le contexte entourant cette admission.

[428] M. Robinson indique dans son rapport sur la validité qu’on lui a demandé de déterminer si l’objet des revendications 585 était à la fois divulgué et réalisable le 30 janvier 2003. À son avis, Minerva et iMagic divulguent et rendent réalisables toutes les revendications exprimées [traduction] « sauf les revendications 34, 89, 128 et 129 selon mon interprétation de cet “élément de détermination” ». Il ajoute immédiatement après que, s’il se trompait sur la signification à donner au terme « détermination », c’est que [traduction] « iMagic et Minerva divulguent les revendications 34, 89, 128 et 129 elles aussi et rendent celles-ci réalisables ». Il en expose les raisons par la suite en détail.

[429] Il est manifeste que l’admission de M. Robinson voulant que la revendication 34 ne soit pas divulguée reposait sur son interprétation de l’élément de « détermination » qui signifiait d’après lui l’accès automatique à l’émission, alors qu’il s’agit d’une interprétation que Rovi rejette. M. Robinson a maintenu lors du procès que son interprétation était bonne; cependant, il a dit clairement que, si la Cour devait retenir l’interprétation de M. Wahlers, son avis concernant la divulgation et le caractère réalisable par iMagic et Minerva devrait s’appliquer.

[430] J’ai pris en compte l’échange entre l’avocat de Rovi et M. Robinson lorsque l’avocat a essayé à maintes reprises de faire admettre à M. Robinson qu’iMagic ne divulguait pas la revendication 34 ou ne rendait pas celle-ci réalisable. À mon avis, M. Robinson est resté ferme concernant l’opinion qu’il a émise au paragraphe 66 de son rapport sur la validité.

[431] Je devrais ajouter que Rovi ne peut jouer sur les deux tableaux. Si elle veut s’appuyer sur l’admission de M. Robinson voulant que la revendication 34 n’était pas divulguée par l’art antérieur, Rovi doit alors accepter également l’interprétation sur laquelle cette admission est fondée.

[432] Considérant les éléments de preuve dont je dispose, je conclus que les défenderesses ont établi selon la prépondérance des probabilités qu’iMagic divulgue tous les éléments essentiels des revendications 585.

(ii) Caractère réalisable

[433] Les experts conviennent que le brevet d’iMagic est bien plus technique et détaillé que le brevet 585. M. Robinson perçoit iMagic comme étant presque une description de solution sur la façon de construire le système, car iMagic ressemble beaucoup plus à une description de solution qu’aux demandes de brevet qu’il lit habituellement. M. Wahlers dit qu’il ne fait pas de doute qu’iMagic est l’un des brevets les plus détaillés qu’il ait jamais lus. En 2001, iMagic présentait un produit réel qui avait des milliers de clients.

[434] Rovi présente deux arguments justifiant le caractère non réalisable d’iMagic.

[435] Premièrement, Rovi soutient que le mémoire descriptif d’iMagic mentionne à peine l’application Timeless TV. Cet argument est sans fondement. iMagic mentionne fréquemment l’application Timeless TV, qui repose sur le réseau DVR, qui lui aussi est fréquemment mentionné. De plus, iMagic intègre explicitement la fonctionnalité de l’OVS.

[436] Deuxièmement, Rovi fait valoir qu’iMagic fournit très peu de détails sur sa mise en application, surtout en ce qui se rapporte à la suppression des enregistrements ou à l’accès aux enregistrements. Cependant, cet argument fait fi des éléments de preuve. L’expert de Rovi a lui-même dit en témoignage qu’iMagic est très détaillé et a convenu lors du contre-interrogatoire que l’application Timeless TV donnait une description de la suppression des émissions. En ce qui concerne l’accès aux enregistrements, M. Wahlers a concédé que [traduction] « iMagic donne plus d’informations sur les GEE chronologiques et sur la façon d’accéder à une émission déjà enregistrée que ne le fait le brevet 585 ».

[437] Je trouve quelque peu surprenant que Rovi prétende qu’iMagic n’a pas de caractère réalisable alors que son propre brevet n’offre aucune information, aucune divulgation et aucune description sur la façon de réaliser ce que les revendications exigent. Le brevet 585 présente essentiellement un article ou un ensemble d’idées. Comme l’a reconnu M. Ellis, aucun système réel ni aucun prototype n’avait été construit.

[438] Pour les motifs qui précèdent, je conclus qu’iMagic divulgue tous les éléments des revendications 585 et rend ceux-ci réalisables.

b) Évidence

[439] Les défenderesses allèguent, subsidiairement, l’évidence des revendications 585 compte tenu des connaissances générales courantes ou de ces connaissances en combinaison avec une ou plusieurs références d’antériorité dont iMagic, Minerva, DAVIC 1.3.1 et Microsoft. Leurs arguments reposent sur l’opinion d’expert de M. Robinson aux paragraphes 174 à 273 de son rapport sur la validité. Lors du procès, M. Robinson n’a pas du tout été contre-interrogé sur son opinion en matière d’évidence.

[440] Rovi prétend que cet élément de preuve doit être écarté dans sa totalité parce qu’il ne représente pas le témoignage de l’expert dans la présente procédure. Rovi souligne que M. Robinson ne s’est pas prononcé sur l’évidence durant son témoignage principal, car il a consacré tout son temps à la question de l’antériorité des revendications 585. Rovi se plaint dans ses observations finales que les défenderesses s’appuient encore sur la partie du rapport sur la validité de M. Robinson portant sur l’évidence [traduction] « comme si c’était son témoignage, alors qu’il n’en a pas du tout parlé dans l’interrogatoire principal ». Je ne suis pas de cet avis.

[441] Le rapport sur la validité de M. Robinson a été déposé à titre de pièce au procès et admis en preuve. Son admissibilité n’a pas été contestée par Rovi.

[442] Au paragraphe 60 de son rapport sur la validité, M. Robinson a clairement fait savoir que, s’il se trompait dans son interprétation de l’élément de la détermination automatique, iMagic et Minerva divulgueraient alors [traduction] « les revendications 34, 89, 128 et 129 elles aussi et rendraient celles-ci réalisables pour les raisons décrites ci-dessous ». Soyons clairs, il n’y a rien de fâcheux ou d’inhabituel à ce qu’un expert fournisse un avis subsidiaire.

[443] Rovi avait été avisée que l’évidence des revendications 585 serait une question litigieuse en l’espèce. Cette question a fait l’objet d’un examen approfondi par M. Robinson dans une section distincte de son rapport sur la validité. Rovi ne peut se plaindre que les défenderesses n’ont pas fait référence à cet élément de preuve en interrogatoire principal. Cet élément faisait déjà partie de la preuve. Si elle voulait le contester, Rovi aurait dû le faire en contre-interrogatoire.

[444] En revanche, l’opinion de M. Wahlers en matière d’évidence a été contestée sous tous ses aspects et celui-ci n’a pas été en mesure de la défendre en contre-interrogatoire. Vu les circonstances, je préfère le témoignage de M. Robinson lorsqu’il est incompatible avec celui de M. Wahlers.

(i) Étape 1 : La personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes

[445] Les parties conviennent que la personne versée dans l’art aurait de l’expérience à concevoir des GEI et à mettre en pratique la fonctionnalité des GEI, la conception de sites Web, la compression et la diffusion vidéo et les opérations de serveur vidéo.

[446] En janvier 2003, les connaissances générales courantes comprenaient ce qui suit :

a) Systèmes télévisuels interactifs : les GEI étaient présents dans beaucoup de systèmes disponibles sur le marché.

b) Serveurs distants : 1) Moyen d’enregistrer et de stocker en mémoire à court terme ou à long terme les émissions de télévision sur un serveur distant de manière à être accessibles aux groupes d’utilisateurs; 2) moyen de gérer une mémoire limitée de stockage et de supprimer les émissions après un laps de temps prédéfini.

c) L’architecture d’un réseau de télévision de haut niveau était bien connue.

d) Les systèmes de télévision avaient une « tête de ligne » pour recevoir tous les signaux de contenu entrants provenant de sources multiples (p. ex. : ondes hertziennes, satellite, câble et Internet) et préparer ces signaux à l’envoi au foyer de l’abonné. Les sources de contenu auraient englobé à la fois le contenu sur demande et le contenu qui n’était pas sur demande. Les signaux étaient traités en tête de ligne et transmis au foyer de l’utilisateur par l’intermédiaire d’un réseau. Le foyer de l’abonné comportait un téléviseur ou un ordinateur connecté à un décodeur pour recevoir les émissions de télévision entrantes ou sur demande.

[447] Le domaine de la distribution télévisuelle connaissait alors une grande évolution. Les sociétés de télévision ont fait évoluer leurs réseaux pour (i) accroître le nombre de chaînes offertes, (ii) fournir des services sur demande, (iii) offrir des services informatiques et vocaux, (iv) offrir des services interactifs à l’aide d’un GEE.

[448] L’état de la technique englobait iMagic, Minerva, le livre blanc et le brevet d’Oracle ainsi que le brevet Microsoft.

(ii) Étape 2 : Concept inventif des revendications 585

[449] Les experts conviennent que le concept inventif et l’objet des revendications 585 sont les éléments essentiels qui ont été décrits dans l’analyse sur l’antériorité qui précède.

(iii) Étape 3 : Recenser les différences, le cas échéant, qui existent entre l’état de la technique et l’idée originale

[450] Selon l’avis de M. Robinson, la personne versée dans l’art aurait, à partir des connaissances générales courantes, compris ce qui suit :

  1. les systèmes qui enregistraient une partie ou l’ensemble des émissions diffusées sur des serveurs distants;

  2. les utilisateurs qui accédaient aux émissions diffusées et enregistrées pour visionner ces émissions à l’heure de leur choix;

  3. la transmission d’une partie ou de la totalité des émissions aux utilisateurs après l’heure prévue de diffusion;

  4. l’enregistrement d’émissions en fonction de critères de conservation (p. ex. : une durée déterminée);

  5. la suppression d’émissions enregistrées à l’expiration de la période de conservation pour libérer l’espace de stockage.

[451] Considérant les éléments de preuve précédents, j’estime qu’en 2003 les enregistrements d’émissions de télévision initiés par l’opérateur sur un serveur distant pour usage ultérieur étaient bien connus et en usage. Ils ont été décrits dans le livre blanc d’Oracle, le brevet d’Oracle, Minerva, iMagic et le brevet Microsoft.

1) iMagic

[452] iMagic décrit en détail un système de bout en bout dans lequel l’opérateur peut enregistrer de manière sélective les émissions diffusées sur un serveur distant qui seront visionnées ultérieurement par les utilisateurs en accédant à ces émissions à l’aide d’un GEI. Rovi n’a pas réussi à mettre en évidence quoi que ce soit d’inventif dans les revendications 585 relativement à iMagic et plus précisément à Timeless TV. Je partage l’avis des défenderesses voulant que l’objet soit le même.

2) Livre blanc d’Oracle et brevet d’Oracle

[453] Vers la fin des années 1990, Oracle était un développeur et un fabricant de serveurs vidéo qui était réputé et de premier plan. La personne versée dans l’art connaissait le serveur vidéo d’Oracle, qui a été commercialisé par Oracle en 1997, décrit dans le livre blanc publié en 1998 et décrit dans un brevet qui a été déposé le 22 octobre 1997 et publié le 24 octobre 2000; toutes ces dates sont antérieures à la date de priorité du brevet 585.

[454] Le serveur vidéo d’Oracle était un produit technologique disponible sur le marché que les fournisseurs de service pouvaient connecter à leurs systèmes. Selon la description du livre blanc d’Oracle et du brevet d’Oracle, le serveur vidéo d’Oracle a donné à l’opérateur la capacité d’effectuer l’enregistrement d’émissions (« enregistrements initiés par l’opérateur »). Le livre blanc d’Oracle et le brevet d’Oracle indiquent clairement de quelle manière : 1) mettre en œuvre un système pour l’enregistrement de contenu télévisuel sur un serveur distant en fonction de critères de conservation, 2) permettre aux utilisateurs de déclencher la diffusion de ces émissions vers leur équipement de télévision et 3) supprimer ces émissions du serveur après un temps prédéfini, notamment en écrasant le contenu de la mémoire tampon circulaire.

[455] Dans le rapport de M. Wahlers, la principale critique du serveur vidéo d’Oracle était le manque de description sur la manière d’enregistrer sélectivement les émissions. Il s’est exprimé précisément comme suit :

[traduction]

La mise en mémoire tampon en continu sur une période prédéfinie est un concept qui diffère de l’enregistrement de manière sélective selon des critères de rétention, de l’enregistrement de manière sélective sans interaction avec l’utilisateur et de l’enregistrement automatique d’une partie seulement de la pluralité des émissions diffusées, des concepts prévus dans les revendications 585.

[456] Selon les passages des transcription présentés par Rovi, les systèmes des défenderesses fonctionnent à l’aide de |||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Cependant, pour défendre sa position en matière de contrefaçon, M. Wahlers a adopté une position opposée lors du procès en expliquant que l’enregistrement de toutes les émissions d’une chaîne sur une mémoire tampon circulaire faisait partie des revendications 585. Je rejette le témoignage de M. Wahlers en raison de son incohérence et de ses contradictions. M. Wahlers devrait s’en tenir à sa première opinion.

[457] La seule différence qui existe entre le serveur vidéo d’Oracle, décrit dans le livre blanc d’Oracle et le brevet d’Oracle, et les revendications 585 réside dans le fait que le livre blanc et le brevet d’Oracle ne décrivent pas la mise en application du système sur un GEI. Cependant, cette différence aurait fait partie des connaissances générales courantes. En 2003, le serveur vidéo d’Oracle était disponible sur le marché et était commercialisé auprès des entreprises de télévision qui avaient déjà développé leur propre GEI.

[458] M. Robinson a lui-même démontré la mise en application du serveur vidéo d’Oracle en utilisant le GEI de Minerva lors de deux conférences tenues en 2000 et en 2001 ayant attiré des centaines de milliers de participants. Minerva était une entreprise américaine de pointe bien connue en logiciel et en multimédia créée en 1992. Durant les années 1990, Minerva était à l’avant-garde des solutions de développement permettant le visionnement de la télévision en tirant parti de protocoles Internet. Le serveur vidéo d’Oracle est également le serveur de préférence dans la description d’iMagic qui comprenait un GEI.

[459] Selon la preuve présentée, je conclus que les revendications 585 auraient été évidentes en compte tenu seulement du livre blanc d’Oracle et du brevet d’Oracle.

3) Le brevet de Microsoft

[460] Microsoft est une société qui était, dans les années 1990, à l’avant-garde des progrès de la technologie IPTV, dont l’aboutissement est la plateforme Mediaroom qui fait l’objet de la présente instance. En 1995, Microsoft a déposé un brevet intitulé « System and Method for Calling Video on Demand using an Electronic Programming Guide » (système et méthode pour commander une vidéo sur demande à l’aide d’un guide d’émissions électronique). Le brevet de Microsoft a été publié le 12 mai 1998, soit presque cinq ans avant la date de priorité du brevet 585.

[461] Le brevet de Microsoft divulgue la mise en application d’un « GEI chronologique » semblable à celui actuellement mis en œuvre par Mediaroom, qui permet aux utilisateurs de faire défiler vers l’arrière dans le temps pour visionner du contenu sur demande à partir d’un serveur vidéo distant à opération continue. Par exemple, la figure 2 du brevet de Microsoft montre un GEI affichant l’heure du moment, 20 h 37. Elle illustre de quelle manière l’utilisateur peut sélectionner une émission antérieure (à 20 h 00 par exemple), ce qui déclenche la lecture du contenu enregistré sur un serveur distant.

Microsoft Fig

THURSDAY, OCT 13, 8:37pm

JEUDI 13 OCT., 20 h 37

SEINFELD

SEINFELD

"The Chinese Woman". George’s crossed phone lines acquaint the gang with a woman who isn’t what she seems.

"The Chinese Woman". George’s crossed phone lines acquaint the gang with a woman who isn’t what she seems.

PREVIEW CLIP

APERÇU

CBS

CBS

DUE SOUTH

DUE SOUTH

CHICAGO HOPE

CHICAGO HOPE

ABC

ABC

MATLOCK

MATLOCK

NBC

NBC

MAD ABOUT YOU

MAD ABOUT YOU

FRIENDS

FRIENDS

SEINFELD

SEINFELD

MADMAN OF THE PEOPLE

MADMAN OF THE PEOPLE

PBS

PBS

MYSTERY

MYSTERY

STAY LUCKY

STAY LUCKY

[462] Le brevet de Microsoft explique également que les utilisateurs peuvent faire « recommencer » une émission en cours de diffusion pour recevoir le contenu enregistré de la même émission. La manœuvre inclut le redémarrage de l’émission depuis le début. Par exemple, le brevet explique que l’accès aux enregistrements automatiques permet aux utilisateurs de reculer dans le temps pour visionner la partie de l’épisode de Seinfeld qu’ils ont manquée :

[traduction]

Il est également indiqué qu’il est possible de visionner à la fois des émissions en cours de diffusion et des émissions déjà diffusées. Prenons par exemple un utilisateur qui visionne le flux de données vidéo en temps réel de l’émission « Seinfeld » en diffusion, mais dont l’attention a été détournée en plein milieu de l’épisode. Cet utilisateur pourrait simplement « revenir en arrière » jusqu’au moment où son attention a été détournée pour visionner la suite. Le téléspectateur n’a pas vraiment rembobiné l’émission comme s’il s’agissait d’une vidéocassette, mais il est passé d’un flux de données vidéo en temps réel de l’épisode « Seinfeld » en cours de diffusion au flux de données vidéo enregistré de la partie antérieure du même épisode. L’utilisateur est alors en mesure de parcourir cette partie enregistrée et de rattraper le flux de données vidéo en temps réel. Les possibilités d’un tel système de télévision entièrement interactif donnent au téléspectateur une flexibilité et un contrôle formidables.

[463] Je conclus que les revendications 585 sont évidentes compte tenu du brevet de Microsoft pour les raisons qui suivent :

  1. Les éléments 1, 2, 8 et 9 sont évidents : le brevet de Microsoft enseigne l’enregistrement automatique initié par un opérateur d’un sous-ensemble des émissions de télévision sur un serveur distant.

  2. L’élément 3 est évident : le brevet de Microsoft enseigne la possibilité pour un utilisateur de visionner une émission qui a déjà été enregistrée sur ce serveur distant.

  3. Les éléments 5 à 8 sont évidents : le brevet de Microsoft enseigne la possibilité pour un utilisateur de revenir en arrière pour visionner la partie manquée d’une émission en cours de diffusion.

  4. L’élément 4 est évident : le brevet de Microsoft enseigne la suppression d’émissions, élément nécessaire d’un serveur média à opération continue.

[464] Les défenderesses ont établi selon la prépondérance des probabilités qu’il n’existe aucune différence entre l’état de la technique et le brevet 585. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de passer à l’étape 4 de l’analyse de Sanofi-Synthelabo.

E. Contrefaçon

[465] Lors du procès, les défenderesses ont concédé que les revendications 36, 87 et 127 seraient contrefaites advenant le cas où elles seraient jugées valides. Seule la contrefaçon de la revendication 34 était en litige. Je comprends à la lecture de leurs observations que les défenderesses concèdent que les mises en œuvre des décodeurs de Télé Fibe et de Télé Optik contreferaient la revendication 34 dans le cas où la revendication 34 serait déclarée valide. Par souci de clarté, Rovi n’allègue pas que les mises en œuvre de Bell ou de TELUS sur le Web ou les appareils mobiles contrefont une quelconque des revendications 585.

[466] Si je me trompe et que les revendications 585 étaient déclarées valides, je conclus que ces revendications ont été contrefaites par les mises en œuvre de décodeurs des défenderesses.

XIX. Le brevet 482

[467] Le brevet 482 a été déposé le 9 octobre 2001. Il revendique la priorité sur la demande de brevet no 60/239 377, déposée le 11 octobre 2000, aux États-Unis et la demande no 60/270 351, déposée le 21 février 2001, aux États-Unis.

[468] Le brevet 482 est intitulé « Systems and Methods for Caching Data in Media-On-Demand Systems » (systèmes et méthodes de mise en cache des données dans un système de média sur demande). Il se rapporte aux systèmes et aux méthodes s’appliquant à un GEE concernant la récupération de données ayant trait à des médias sur demande ou non et provenant de sources distinctes. Selon la description du brevet 482, les données des médias sur demande (notamment le titre ou la description de vidéos sur demande) et celles des médias non sur demande (titre des émissions de télévision, autres informations sur les émissions de télévision, etc.) sont des données qui décrivent un produit média ou qui sont associées à ce produit sans être le produit en soi. Le brevet 482 indique que la récupération et le stockage de certaines des données des médias sur demande sur l’équipement de télévision de l’utilisateur sont automatiques.

[469] La divulgation du brevet décrit le problème évoqué dans le brevet 482.

[traduction]

Certains systèmes avec guide d’émissions interactif fournissent des listes de vidéos offerts sur demande. Dans certains systèmes, les listes de vidéos offerts sur demande proviennent d’une source qui est distincte de la source qui produit des listes et d’autres informations de médias non sur demande, notamment les émissions de télévision. Un serveur de vidéos sur demande fournit, par exemple, des listes de vidéos sur demande au guide d’émissions, qui proviennent d’un flux en bande ou hors bande par rapport aux données du guide ou à la programmation de télévision habituelle. Lorsque les listes de vidéos sur demande proviennent d’un flux en bande, le guide d’émissions doit établir une connexion avec le serveur de vidéos sur demande (si elle n’est pas déjà établie) et se désyntoniser de l’émission de télévision que l’utilisateur visionne pour récupérer ces listes. Il s’ensuit que l’utilisateur va manquer une partie de l’émission de télévision qu’il visionne. Lorsque les listes de vidéos sur demande proviennent d’un flux hors bande, le guide des émissions doit encore établir une connexion avec le serveur de vidéos sur demande (si elle n’est pas déjà établie) pour récupérer ces listes. Par ce type d’approche, les connexions à faible bande passante entraînent parfois des délais d’attente inacceptables dans l’affichage des vidéos sur demande. De plus, certaines informations sur les vidéos sur demande, notamment les nouveaux vidéos, sont fréquemment demandées par les nombreux utilisateurs connectés au réseau. Chaque équipement utilisateur doit établir une séance avec le serveur pour chaque demande d’informations. Cette connexion peut entraîner une hausse rapide et marquée de demandes en ressources affluant sur le réseau de distribution.
[Non souligné dans l’original.]

[470] Essentiellement, les revendications 482 apportent une solution [traduction] « [aux] conséquences indésirables des interruptions pour l’expérience télévisuelle de l’utilisateur lors des périodes de pointe du réseau ».

[471] Les revendications 482 se divisent en méthodes (revendications 1, 5, 13 et 14) et en systèmes (revendications 41, 45, 53 et 54). Elles décrivent une méthode et un moyen de récupérer les données de médias qui sont sur demande ou non, d’afficher les données de médias qui sont sur demande ou non et de stocker les données de médias qui sont sur demande ou non, notamment la récupération et le stockage automatiques pour les médias sur demande réservés au GEE.

[472] Deux de ces revendications sont indépendantes, les revendications 1 (méthode) et 41 (système) desquelles dépendent les revendications dépendantes. Les revendications 1 et 41 sont litigieuses.

[473] Les revendications 5, 13 et 14 dépendent de la revendication 1, qui est indépendante :

[traduction]

1. Méthode de récupération de données servant à un système d’application de télévision interactive mis en œuvre au moins partiellement sur l’équipement de télévision d’un utilisateur par laquelle les données de médias non sur demande proviennent d’une source de données pour médias non sur demande et les données de médias sur demande proviennent d’une source de données pour médias sur demande, autrement dit la source de données pour médias non sur demande n’est pas la même que celle pour médias sur demande. Elle consiste :

à récupérer les données pour médias non sur demande de la source de données pour médias non sur demande;

à afficher un premier ensemble de données de médias sur demande sur l’équipement de télévision de l’utilisateur;

à reconnaître sur l’équipement de télévision de l’utilisateur un deuxième ensemble de données de médias sur demande qui correspond au premier ensemble de données de médias sur demande qui est affiché;

à récupérer automatiquement le deuxième ensemble de données de médias sur demande provenant de la source de données de médias sur demande en réponse à cette reconnaissance;

à stocker automatiquement le deuxième ensemble de données de médias sur demande sur l’équipement de télévision de l’utilisateur;

à afficher le deuxième ensemble de données de médias sur demande en réponse à l’utilisateur demandant minimalement l’accès au deuxième ensemble de données de médias sur demande;

à afficher les données des médias non sur demande en réponse à l’utilisateur demandant minimalement l’accès aux données des médias non sur demande.

5. Méthode de la revendication 1 par laquelle le deuxième ensemble de données de médias sur demande qui est récupéré est celui des listes de vidéos sur demande.

13. Méthode de la revendication 1 qui consiste en outre à récupérer les données des médias sur demande de la source de données des médias sur demande en réponse à la sélection par l’utilisateur de la liste des médias sur demande.

14. Méthode de la revendication 1 qui consiste en outre à déterminer si le deuxième ensemble de données des médias sur demande est en mémoire cache.

[474] Les revendications 45, 53 et 54 dépendent de la revendication 41, qui est indépendante.

[traduction]

41. Système de récupération de données servant à un système d’application de télévision interactive mis en œuvre au moins partiellement sur l’équipement de télévision d’un utilisateur par laquelle les données de médias non sur demande proviennent d’une source de données pour médias non sur demande et les données de médias sur demande proviennent d’une source de données pour médias sur demande, autrement dit la source de données pour médias sur demande n’est pas la même que celle pour médias non sur demande. Elle consiste en :

un moyen de récupérer les données pour médias non sur demande de la source de données pour médias non sur demande;

un moyen d’afficher un premier ensemble de données de médias sur demande sur l’équipement de télévision de l’utilisateur;

un moyen de reconnaître sur l’équipement de télévision de l’utilisateur un deuxième ensemble de données de médias sur demande qui correspond au premier ensemble de données de médias sur demande qui est affiché;

un moyen de récupérer automatiquement le deuxième ensemble de données de médias sur demande provenant de la source de données de médias sur demande;

un moyen de stocker automatiquement le deuxième ensemble de données de médias sur demande sur l’équipement de télévision de l’utilisateur;

un moyen d’afficher le deuxième ensemble de données de médias sur demande en réponse à l’utilisateur demandant minimalement l’accès au deuxième ensemble de données de médias sur demande;

un moyen d’afficher les données des médias non sur demande en réponse à l’utilisateur demandant minimalement l’accès aux données des médias non sur demande.

45. Système de la revendication 41 par lequel le deuxième ensemble de données de médias sur demande qui est récupéré est celui des listes de vidéos sur demande.

53. Système de la revendication 41 qui permet en outre de récupérer les données des médias sur demande de la source de données des médias sur demande en réponse à la sélection par l’utilisateur de la liste des médias sur demande.

54. Système de la revendication 41 qui permet en outre de déterminer si le deuxième ensemble de données des médias sur demande est en mémoire cache.

[475] Les experts conviennent de manière générale que les éléments essentiels des revendications 482 sont les suivants :

Élément 1 : Un système d’application de télévision interactive (dont au moins une partie de l’application doit être installée sur l’équipement de télévision de l’utilisateur, comme un décodeur);

Élément 2 : Des sources distinctes de données sur les médias (données de médias sur demande et données de médias non sur demande);

Élément 3 : Récupération de données de médias non sur demande;

Élément 4 : Consiste en trois sous-éléments :

i. Affichage d’un premier ensemble de données de médias sur demande;

ii. Reconnaissance par l’équipement de télévision de l’utilisateur d’un deuxième ensemble de données de médias sur demande qui correspond au premier ensemble de données de médias sur demande qui est affiché;

iii. Récupération automatique d’un deuxième ensemble de données de médias sur demande.

Élément 5 : Stockage automatique du deuxième ensemble de données de médias sur demande;

Élément 6 : Affichage du deuxième ensemble de données de médias sur demande (en réponse à l’utilisateur le demandant);

Élément 7 : Affichage des données de médias non sur demande (en réponse à l’utilisateur le demandant).

[476] Les experts conviennent que les revendications dépendantes ajoutent ce qui suit :

Revendications 5 et 45 : le deuxième ensemble de données de médias sur demande consiste en données sur les vidéos sur demande;

Revendications 13 et 53 : les données de médias sur demande provenant de leur source originale sont récupérées en réponse à la sélection par l’utilisateur de la liste des médias sur demande;

Revendications 14 et 54 : déterminer si le deuxième ensemble de données de médias sur demande est en mémoire cache.

A. Observations générales

[477] Il est utile d’écarter certains arguments soulevés par les parties avant d’analyser les questions de contrefaçon et de validité.

[478] Premièrement, les revendications 482 se rapportent à une façon particulière de récupérer les « données de médias sur demande » et de mettre en cache (ou stocker) celles-ci sur l’équipement de télévision de l’utilisateur. Les données de médias sur demande sont des informations qui décrivent les médias sur demande (notamment les titres, les affiches, la distribution et l’équipe de tournage et aussi le contenu sur Internet, comme la météo et le prix des actions). De même, les données de médias non sur demande sont des informations qui décrivent les médias non sur demande (titres et affiches d’émissions de télévision, etc.).

[479] Dans ses observations finales, Rovi faisait valoir que le brevet 482 n’avait rien à voir avec les vidéos sur demande offertes sur Internet. Cependant, le brevet 482 indique que les données de médias sur demande comprennent les vidéos sur demande, les jeux vidéo interactifs, les informations sur le marché boursier, la météo, les résultats sportifs, les statistiques sportives et d’autres informations adaptées de médias sur demande. Les termes « video-on-demand » et « on-demand video » sont employés de façon interchangeable dans le brevet 482.

[480] Deuxièmement, le brevet 482 exige que les données de médias sur demande soient « récupérées automatiquement », ce qui implique le téléchargement et le stockage de ces données avant même que l’utilisateur ne demande de les afficher. Il est plus rapide de récupérer ces données que de les télécharger depuis le serveur distant à chaque demande d’affichage de l’utilisateur. La récupération des médias sur demande depuis le serveur distant peut être retardée par des facteurs comme la latence du réseau, une connexion Internet lente ou une hausse rapide et marquée des demandes sur le réseau. La récupération automatique des données de médias sur demande sur l’équipement de télévision de l’utilisateur permettrait, selon les revendications 482, d’éviter ces problèmes.

[481] En dépit des problèmes relevés à maintes reprises dans le brevet 482, M. Wahlers a démenti dans son rapport l’affirmation selon laquelle les revendications 482 avaient quelque chose à voir avec la résolution de ces problèmes. C’est sur ce fondement qu’il fait valoir que l’art antérieur n’est pas pertinent. Pourtant, lors du procès, M. Wahlers a concédé qu’il s’agissait bien du problème que les revendications 482 voulaient régler.

[traduction]

Q. [...] Les revendications du brevet 482 tentent de réduire le volume du trafic sur le réseau. Il s’agit de réduire le trafic entre la tête de ligne et les foyers et de stocker les données en cache pour que l’affichage soit rapide, n’est-ce pas?

R. Exact.

[482] Pour terminer, à l’instar du brevet 585, le brevet 482 constitue un article ou un ensemble d’idées. Je note qu’il ne fournit aucun détail sur la façon de réaliser l’invention présumée. M. Ellis a reconnu qu’aucun prototype n’avait été créé en octobre 2001 qui réalisait les revendications du brevet 482.

B. Interprétation des revendications

1. Le traitement des données de médias sur demande doit-il suivre une séquence particulière?

[483] Le principal différend qui oppose les experts est de savoir si le brevet 482 exige que les étapes du traitement s’appliquant aux données de médias sur demande s’exécutent dans un ordre particulier. Si je déclarais que les revendications 482 exigent une certaine séquence, il n’est pas contesté que les systèmes IPTV des défenderesses ne contreferaient aucune des revendications. Les arguments ciblent les étapes énoncées à la revendication 1 et reprises à la revendication 41.

[484] Selon l’avis de M. Robinson, la séquence suivante serait requise :

[TRADUCTION]

A. Premièrement, un premier ensemble de données de médias sur demande s’affiche sur l’équipement de télévision de l’utilisateur;

B. Deuxièmement, l’équipement de télévision de l’utilisateur, et non pas le serveur distant, reconnaît un deuxième ensemble de données de médias sur demande qui correspond au premier ensemble de données de médias sur demande qui est affiché;

C. Troisièmement, le deuxième ensemble de données de médias sur demande est récupéré automatiquement du serveur distant et stocké automatiquement sur l’équipement de télévision de l’utilisateur;

D. Quatrièmement, le deuxième ensemble de données de médias sur demande est affiché en réponse à la demande de l’utilisateur.

[485] Pour ce qui est de la contrefaçon, Rovi soutient qu’aucune séquence ne doit être suivie. Rovi soutient qu’il n’est pas nécessaire que la récupération automatique suive l’affichage du premier ensemble. Dans ses observations finales, Rovi soutient que la jurisprudence indique clairement qu’il ne faut pas déceler dans les étapes de la méthode d’une revendication une séquence à suivre à moins que cette séquence n’y soit clairement énoncée; pour soutenir cette proposition, Rovi s’appuie sur l’affaire de la Cour de district des États-Unis, Bio-Rad Labs, Inc v 10X Genomics, Inc, 2020 US Dist LEXIS 197424, à la p 8.

[486] Cependant, les affaires américaines portant sur l’interprétation des revendications s’avèrent peu utiles au Canada où l’interprétation des revendications doit être téléologique, ce qui diffère de l’approche des tribunaux américains, qui s’appuient sur une interprétation littérale et la théorie des équivalents. Quoi qu’il en soit, Rovi a présenté l’affaire en question de manière inexacte. Après avoir énoncé la règle générale, le juge de district William G. Young a ajouté que [traduction] « une séquence précise est indiquée lorsque la formulation de la revendication exige que les étapes soient exécutées dans l’ordre indiqué par souci de logique ou de grammaire ou lorsque le mémoire exige directement ou implicitement une séquence dans les étapes » et qu’« il est également possible d’interpréter que la méthode d’une revendication exige une séquence dans l’exécution lorsque cette revendication exige implicitement un certain ordre, par exemple, lorsque la formulation d’une étape fait référence au résultat de l’étape précédente ».

[487] Je note que M. Wahlers, cherchant à écarter l’art antérieur en matière de validité, était d’avis qu’une séquence était requise et s’est appuyé systématiquement sur cette séquence pour écarter l’art antérieur. Dans son rapport, M. Wahlers a dit être d’avis que les revendications 482 exigeaient une séquence d’exécution et écartait l’art antérieur qui ne suivait pas cette séquence. Par exemple, M. Wahlers a écrit ceci pour écarter l’art antérieur :

[traduction]

Aristides ne décrit pas l’affichage d’un premier ensemble de données de médias sur demande qui serait suivi par la récupération et le stockage automatiques d’un deuxième ensemble de données de médias sur demande, comme l’envisagent [...] les revendications 1 et 41.

[…]

La personne versée dans l’art comprendrait que les revendications 482 exigent que l’affichage d’un premier ensemble de données de médias sur demande déclenche la récupération et le stockage d’un deuxième ensemble de données de médias sur demande.

[488] M. Wahlers a changé d’avis en contre-interrogatoire en faisant valoir que l’ordre n’était pas nécessaire et que l’argument qu’il a présenté dans son rapport sur cet ordre était une « erreur » :

[traduction]

Q. Je vous amène à la prochaine phrase. Du bas de la page 87 au haut de la page : « La personne versée dans l’art comprendrait que les revendications 482 exigent que l’affichage d’un premier ensemble de données de médias sur demande déclenche la récupération et le stockage d’un deuxième ensemble de données de médias sur demande ». Voyez-vous ce passage?

R. Oui.

Q. Et vous comprenez, Monsieur Wahlers, que votre interprétation est une opinion qui s’applique tout autant à la contrefaçon qu’à la validité, n’est-ce pas?

R. Exact.

Q. D’accord. Vous êtes donc d’avis qu’une séquence s’applique?

R. Je suis d’avis que j’étais [...] ma formulation était erronée, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. C’est donc une erreur de ma part, dans cette phrase. Je ne pense pas que l’affichage doit arriver en premier, avant l’arrivée d’un deuxième ensemble. Je ne le crois pas.

[489] Cette réponse n’est pas crédible. Dans le rapport de M. Wahlers, il est écrit clairement qu’une séquence était nécessaire et ce n’était pas une erreur de rédaction. Cette position était fondamentale à son avis sur la validité. Il a repris les mêmes formulations dans tout son rapport sur la validité et cette position était l’un des fondements par lequel M. Wahlers écartait l’art antérieur. Rovi s’appuie sur cette même séquence pour écarter l’art antérieur en matière de validité aux paragraphes 295(b) et 305(b) de ses observations écrites. Cependant, il n’est pas loisible à Rovi de soutenir une interprétation en matière de contrefaçon et une autre en matière d’invalidité.

[490] Rovi soutient que M. Robinson n’a jamais défini cette séquence dans son interprétation des revendications et qu’il a changé d’interprétation. Je ne suis pas de cet avis. M. Robinson a mentionné l’ordre des étapes des revendications 482 à l’aide des mots « before » (avant) et « after » (après) dans son rapport initial lorsqu’il s’agissait de donner son avis sur l’élément no 4 au paragraphe 60 de son rapport sur la validité, qui est reproduit ci-dessous.

[traduction]

La personne versée dans l’art comprendrait que la « récupération automatique » signifie que la récupération est faite sans que l’utilisateur indique vouloir accéder au deuxième ensemble de données de médias sur demande. Par exemple, comme le montrent les figures 13 et 14, après le lancement du guide de vidéos sur demande (620), dans le cas où l’accès aux données de titre de films en ordre alphabétique « Movies A-Z » de la figure 13 serait habituel ou probable, le système interactif de télévision pourrait récupérer et mettre en cache automatiquement les données sur les médias (titres) pour tous les films (ou quelques-uns) sur l’équipement de télévision de l’utilisateur (The Fan, Feminine Touch, etc. à la figure 14) lorsque l’utilisateur procède au lancement du guide à la figure 13 et avant que l’utilisateur sélectionne « Movies A-Z » (622 à la figure 13).La personne versée dans l’art comprendrait qu’une partie du deuxième ensemble de données de médias sur demande pourrait être récupérée de la source de médias sur demande en réponse à la demande de l’utilisateur, mais qu’au moins une partie des données de médias sur demande est récupérée automatiquement sans demande d’accès. La personne versée dans l’art comprendrait que cette récupération est nécessaire pour réaliser l’objet de l’invention. Si toutes les données de médias sur demande étaient récupérées seulement après que l’utilisateur en demande l’accès, la personne versée dans l’art comprendrait par exemple que, lorsque l’utilisateur clique sur « Movies A-Z », la récupération est « purement manuelle » et non pas « automatique ». La personne versée dans l’art comprendrait que la récupération « purement manuelle » n’est pas envisagée par les revendications 1 et 41.
[Souligné et italique dans l’original.]

[491] Dans ses observations finales, Rovi suggère que M. Robinson a admis que cela pouvait se produire au même moment lorsqu’il a donné un exemple au paragraphe 60 de son rapport sur la validité. Cependant, l’avocat de Rovi n’a pas lu toute la phrase se terminant par « avant que l’utilisateur sélectionne “Movies A-Z” ». Au paragraphe 58 de son rapport, M. Robinson a comparé cette méthode à celle des données de médias non sur demande, qui n’impose aucune limite sur la façon de faire ou le moment choisi. Il s’agit bien de la même séquence sur laquelle Rovi s’est appuyée dans son mémoire pour écarter l’art antérieur.

[492] Selon la preuve présentée, je conclus que les revendications 482 exigent une exécution en séquence. L’interprétation des revendications doit être téléologique sans examiner l’angle de la contrefaçon ou de la validité. La formulation claire des revendications 482 donne une séquence détaillée et précise des étapes à suivre. La formulation de la revendication exige que les étapes soient exécutées dans l’ordre précisé par souci de logique ou de grammaire. Il n’y a aucune ambiguïté à cet égard. J’accepte l’opinion ferme de M. Robinson selon laquelle la formulation claire des revendications implique qu’une séquence d’exécution est nécessaire.

2. Reconnaissance [...] d’un deuxième ensemble de données de médias sur demande qui correspond au premier ensemble de données de média sur demande qui est affiché

[493] Les experts ne sont pas non plus entendus sur l’interprétation de l’élément « un deuxième ensemble de données de médias sur demande ».

[494] Selon l’interprétation de M. Wahlers, le terme « deuxième ensemble » signifie un ensemble de données qui n’est pas encore affiché, mais qui se rapporte ou est accessoire au premier ensemble (affiché).

[495] M. Robinson n’a pas interprété le terme « deuxième ensemble » dans son rapport sur la validité. Il indique dans son rapport sur la contrefaçon produit en réponse que la personne versée dans l’art comprendrait que [traduction] « ces expressions [premier et deuxième ensemble de données de médias sur demande] renvoient à des données de type différent, que le but n’est pas d’avoir d’autres données du même type ».

[496] Dans son interrogatoire principal, M. Robinson a affirmé que le deuxième ensemble est composé de données qui correspondent au premier ensemble qui a déjà été affiché, une proposition cohérente avec l’interprétation de M. Wahlers. Lors de son contre-interrogatoire, M. Robinson a présenté une autre interprétation du terme « deuxième ensemble » qui, selon lui, dépend du moment où la récupération a lieu dans la séquence. Lorsqu’on lui a demandé où se trouvaient ces informations dans son rapport initial sur la validité, il n’était pas en mesure de fournir une référence.

[497] L’interprétation de M. Wahlers était raisonnable, elle était cohérente avec celle de M. Robinson lors de son interrogatoire principal au procès et elle était soutenue par la formulation du brevet 482. Vu les circonstances, j’adopte l’interprétation de M. Wahlers et je rejette les autres interprétations de M. Robinson.

3. Récupération automatique du deuxième ensemble de données de médias sur demande

[498] Les experts ne s’entendent pas pour dire que la récupération du deuxième ensemble de données de médias sur demande est automatique lorsqu’une indication parvient de l’utilisateur.

[499] Cependant, les deux experts conviennent que les revendications 482 exigent le téléchargement automatique du deuxième ensemble de données de médias sur demande. En d’autres mots, « la récupération automatique » signifie l’absence de demande d’accès provenant de l’utilisateur.

[500] Si le deuxième ensemble de données de médias sur demande n’est téléchargé qu’en réponse à une demande de l’utilisateur, il s’agit alors d’une récupération purement manuelle et non plus automatique qui, de ce fait, n’est pas visée par les revendications 482, comme l’a reconnu M. Wahlers en contre-interrogatoire :

[traduction]

Q. Vous dites bien au paragraphe 105 que vous n’êtes pas d’accord pour dire que la récupération automatique inclut la récupération purement manuelle des données de médias sur demande, c’est exact?

R. C’est exact. La récupération automatique n’inclut pas la récupération purement manuelle.

Q. D’accord. Et c’est votre fondement pour affirmer que les revendications n’ont pas une portée excessive?

R. Oui.

Q. J’aimerais vous parler de la signification de la récupération purement manuelle. C’est ce que vous énoncez au paragraphe 112. Vous dites dans ce paragraphe « Je suis d’accord avec M. Robinson lorsqu’il dit que si les données des médias sur demande ne sont récupérées que lorsque l’utilisateur en fait la demande, cette situation serait comprise comme étant une récupération purement manuelle et non pas automatique ». C’est bien cela?

R. Oui.

Q. Vous nuancez vos propos, cependant. Vous ajoutez que « pourvu que ce qu’il entend par cette phrase est que le deuxième ensemble est récupéré depuis un serveur distant ».

R. Oui.

Q. Seriez-vous alors d’accord avec la proposition suivante : une situation dans laquelle le deuxième ensemble de données de médias sur demande ne serait récupéré du serveur distant qu’en réponse à une demande d’accès de l’utilisateur serait comprise comme étant une récupération purement manuelle et non automatique?

R. Oui. Si l’utilisateur indiquait entre le premier et le deuxième ensemble qu’il désire accéder au deuxième ensemble, il ne s’agirait pas alors d’une récupération automatique.

Q. D’accord. Vous êtes d’avis que, lorsque le deuxième ensemble de données de médias sur demande n’est récupéré du serveur distant qu’en réponse à une demande d’accès de l’utilisateur, cette situation serait comprise comme étant une récupération purement manuelle, n’est-ce pas?

R. Oui.

Q. Et vous êtes d’avis que la récupération automatique n’inclut pas la récupération purement manuelle selon les revendications, n’est-ce pas?

R. Oui.

C. Les questions de contrefaçon et de validité

[501] Les questions de contrefaçon et de validité sont litigieuses.

[502] Rovi fait valoir que les services de Télé Fibe et de Télé Optik, dont les services de l’application Web, contrefont depuis février 2012 les revendications 482. Elle indique que les conclusions de M. Barth tirées de son analyse de capture de paquets et l’analyse sur la contrefaçon de M. Wahlers démontrent que tous les éléments essentiels des revendications 482 sont présents.

[503] M. Barth a mené ses essais sur de multiples décodeurs, notamment le Arris VIP5562 du service de Télé Fibe et le Cisco 7150 du service de Télé Optik. J’accepte que les conclusions de M. Barth s’appliquent également à tous les décodeurs en cause. Tous les décodeurs en cause partagent le même serveur et fonctionnent de la même façon pour ce qui est de la récupération et du stockage des données de médias sur demande. M. Robinson était d’accord avec cette conclusion.

[504] Les experts ne s’entendent pas sur la question de savoir si certains éléments essentiels des revendications 482 sont présents dans les services de Télé Fibe et de Télé Optik. Ces éléments sont les suivants :

  • (i)Revendications 1 et 41 : Élément no 4 – Reconnaissance [...] d’un deuxième ensemble de données de médias sur demande qui correspond au premier ensemble de données de média sur demande qui est affiché;

  • (ii)Revendications 1 et 41 : Élément no 4 – Reconnaissance sur l’équipement de télévision de l’utilisateur d’un deuxième ensemble de données de médias sur demande;

  • (iii)Revendications 1 et 41 : Élément no 4 – Récupération automatique d’un deuxième ensemble de données de médias sur demande;

  • (iv)Revendications 1 et 41 : Élément no 6 – Affichage du deuxième ensemble de données de médias sur demande en réponse à une demande de l’utilisateur.

[505] Rovi fait valoir que tous les éléments ci-dessus sont présents dans les services de Télé Fibe et de Télé Optik et que toutes les revendications 482 sont contrefaites par Bell et TELUS et continuent de l’être.

[506] Les défenderesses font valoir que soit les revendications 482 ne sont pas valides, soit elles ne sont pas contrefaites pour les raisons suivantes :

A. Premièrement, les revendications 482 sont antériorisées par Rosin.

B. Deuxièmement, les revendications 482 sont évidentes pour la personne versée dans l’art au regard des connaissances générales courantes ou de ces connaissances compte tenu de l’état de la technique qui englobe Aristides, LaJoie et O’Robarts.

C. Troisièmement, si l’interprétation de l’élément portant sur la récupération automatique des revendications 482 englobe la récupération purement manuelle (car c’est ce que font les systèmes IPTV de Bell et de TELUS), les revendications 482 ont une portée excessive.

D. Quatrièmement, Bell et TELUS ne contrefont pas les revendications 482 pour cinq raisons indépendantes.

1. Validité

a) Antériorité

[507] Les défenderesses soutiennent que Rosin divulgue tous les éléments essentiels des revendications 482.

[508] Rosin est un brevet américain déposé par Sony Corporation, une société d’électronique grand public de premier plan. Rosin a été publié le 22 février 2000, environ huit mois avant la date de priorité du brevet 482. Intitulé « Rotary Menu Wheel Interface » (interface avec menu rotatif), Rosin enseigne un guide d’émissions interactif complet qui comprend des manières efficaces de mettre en cache les données de médias sur demande dans la même séquence que celle du brevet 482.

(i) Divulgation
  • 1)Élément 1 : Système d’application de télévision interactive

[509] Rosin divulgue un système d’application de télévision interactive qui fonctionne au moins partiellement sur l’équipement de télévision de l’utilisateur. Rosin divulgue une page du guide. Même si M. Wahlers a soutenu une autre position dans son rapport, les deux experts conviennent à présent que la « page du guide » divulguée dans Rosin est un « système d’application de télévision interactive ». En effet, la page du guide de la figure 7 de Rosin représente une conception de GEI familière, pratiquement identique à celle des GEI de vidéos sur demande de Bell et de TELUS sur lesquels pèsent des allégations de contrefaçon.

PAGE DU GUIDE

Zone de Texte: PAGE DU GUIDE

[510] Par conséquent, il n’est pas contesté que Rosin divulgue l’élément 1.

  • 2)Élément 2 : Sources distinctes pour les données de médias

[511] Rosin divulgue des sources distinctes pour les données de médias sur demande et pour celles de médias non sur demande. La figure 1 de Rosin montre que les « données de médias sur demande » sont fournies par la « source Internet (serveur 16) » et les « données de médias non sur demande » (et leurs données associées) sont fournies par des sources distinctes, soit le « câble » (17) ou le service de « diffusion directe par satellite ou DBS » (19).

[512] Les deux experts conviennent que Rosin divulgue que les sources de données de médias convergent en une interface appelée interface à menu rotatif. À la figure 8 de Rosin, on voit que l’interface à menu rotatif présente les médias classiques non sur demande (p. ex. : ABC, PBS et QVC) et un lien vers la page de guide qui présente le contenu des médias sur demande ainsi que d’autres informations sur demande, notamment, le courriel, la recherche et les nouvelles Sony :

[513] Par conséquent, il n’est pas contesté que Rosin divulgue l’élément 2.

  • 3)Élément 3 : Récupération de données de médias non sur demande

[514] Rosin divulgue le troisième élément essentiel, à savoir la récupération des données de médias non sur demande. Telle qu’illustrée ci-dessus, l’interface à menu rotatif de Rosin comporte des panneaux présentant les chaînes de télévision, c’est-à-dire les données de médias non sur demande. Rosin indique que les données de médias non sur demande sont fournies par modem raccordé au téléphone ou par connexion satellite numérique ou les deux.

  • 4)Élément 4 : Récupération automatique d’un deuxième ensemble de données de médias sur demande

[515] D’après la discussion précédente, les revendications du brevet 482 requièrent une séquence d’exécution : 1) le premier ensemble de données de médias sur demande est affiché; 2) le deuxième ensemble de données de médias sur demande est reconnu sur l’équipement de télévision de l’utilisateur et correspond au premier ensemble affiché; 3) la récupération depuis la source du deuxième ensemble de données de médias sur demande qui a été reconnu a lieu. Cette séquence précise est divulguée de manière explicite dans Rosin.

[516] Rosin divulgue une façon de récupérer automatiquement les données de médias sur demande à l’aide d’un « agent intelligent » installé sur l’équipement de télévision de l’utilisateur. Cet agent intelligent analyse les habitudes de l’utilisateur et télécharge automatiquement les données qui, d’après ses prévisions, seront d’intérêt pour l’utilisateur :

[traduction]

L’agent [intelligent] enregistre les caractéristiques des sites Web déjà visités à partir de la page de guide qui contient les liens fournis par le serveur. Cet agent intelligent peut détecter les domaines d’intérêt de l’utilisateur d’après les habitudes de visionnement et de navigation du client afin de déterminer les préférences de cet utilisateur pour les thèmes ou sujets retenus [...].

[517] Rosin décrit la manière de se servir de l’agent intelligent dans la séquence demandée par les revendications 482 :

[traduction]

Les documents ou pages Web qui font partie des sites Web fréquemment visités peuvent également être mis à jour et téléchargés automatiquement durant les heures hors pointe, ce qui permet une navigation rapide hors ligne. Lorsqu’un lien est sélectionné par l’utilisateur, le client peut, pendant que la page Web déjà téléchargée et stockée est affichée à l’utilisateur [c’est le premier ensemble qui est affiché], établir une connexion avec le serveur POP pour suivre tout lien que contient cette page Web et télécharger des pages Web connexes ou apparentées qui seraient d’intérêt pour l’utilisateur de manière prévisible [c.-à-d. un deuxième ensemble correspondant au premier ensemble est défini et sa récupération est automatique].

[518] Dans son rapport, M. Wahlers a indiqué que Rosin ne divulguait que le téléchargement périodique des données de médias sur demande lors des heures hors pointe. Cependant, en contre-interrogatoire, il a convenu que Rosin divulguait plus que le téléchargement de données en dehors des heures de pointe, notamment dans les exemples présentés ci-dessus.

  • 5)Élément 5 : Stockage automatique du deuxième ensemble de données de médias sur demande

[519] Les deux experts conviennent que Rosin divulgue le stockage automatique des données de médias sur l’équipement de télévision de l’utilisateur (appelé « client » dans Rosin). Par exemple, Rosin explique la façon de mettre en cache et de stocker des données de médias :

[traduction]

[...] les objets ou les graphiques associés peuvent être téléchargés périodiquement chez le client et enregistrés sur le support de stockage numérique en dehors des heures de pointe, au petit matin lorsque l’utilisation est faible, pour offrir à l’utilisateur une interface dynamique et rapide.

[520] Par conséquent, il n’est pas contesté que Rosin divulgue l’élément 5.

  • 6)Élément 6 : Affichage du deuxième ensemble de données de médias sur demande

[521] Rosin divulgue le sixième élément (l’affichage du deuxième ensemble de données de médias sur demande en réponse à une demande de l’utilisateur), car il indique de quelle manière mettre en cache les données de médias sur demande de façon à afficher ces données lorsque l’utilisateur en demandera l’accès :

[traduction]

Le client ou le serveur peuvent déclencher le téléchargement en dehors des heures de pointe comme nous l’avons vu précédemment afin d’utiliser efficacement les connexions disponibles pour télécharger les données vers le client en vue d’un accès ultérieur par l’utilisateur.

[522] La personne versée dans l’art comprendrait que, lorsqu’un utilisateur demande à accéder à des informations ultérieurement, ces données seront récupérées de la mémoire cache pour être affichées.

[523] Par conséquent, il n’est pas contesté que Rosin divulgue l’élément 6.

  • 7)Élément 7 : Affichage des données de médias non sur demande

[524] Rosin divulgue le septième élément selon lequel les données de médias non sur demande doivent être affichées lorsque l’utilisateur en demande l’accès. Rosin divulgue cette fonction dans son interface à menu rotatif. En voici sa description :

[traduction]

Un aspect de la présente invention est l’affichage d’un menu rotatif à l’écran qui présente à la fois les liens Internet et la programmation de télévision classique disposée en chaînes en vue d’une sélection par l’utilisateur.

[525] La personne versée dans l’art comprendrait par cette description que l’interface à menu rotatif affiche les données de médias non sur demande lorsque l’utilisateur en demande l’accès. M. Wahlers n’apporte pas d’avis contraire concernant la divulgation de cet élément par Rosin.

[526] Par conséquent, il n’est pas contesté que Rosin divulgue l’élément 7.

  • 8)Revendications 5 et 45 : le deuxième ensemble consiste en des listes de données sur les vidéos sur demande

[527] Les revendications 5 et 45 requièrent que le deuxième ensemble de données de médias sur demande soit des listes de données sur les vidéos sur demande. M. Wahlers est d’avis que [traduction] « la personne versée dans l’art comprendrait que les listes de données sur les vidéos sur demande sont des données de médias sur demande servant à afficher les listes de telle sorte que l’utilisateur puisse sélectionner une émission offerte sur demande ». Cette fonction est divulguée par Rosin, qui indique expressément que le brevet vise à fournir un système unique permettant de visionner divers types d’informations, notamment des vidéos sur demande :

[traduction]

Par conséquent, il existe depuis longtemps le besoin d’avoir un système capable de naviguer sur Internet de manière efficace pour présenter du texte, des images, des extraits sonores et des vidéos sur demande de manière simple et intuitive, à la manière de la programmation de télévision classique destinée aux consommateurs de masse. La présente invention répond à ce besoin.

[528] Selon la critique de M. Wahlers à l’égard du brevet, Rosin ne divulguerait ni le contenu Internet ni les données de médias sur demande. L’interprétation étroite de M. Wahlers est contredite par le texte même du brevet 482, qui définit les « données de médias sur demande » de manière à inclure le « contenu Internet » classique, qui comprend notamment la météo et les résultats sportifs :

[traduction]

La source 128 de données de médias sur demande fournit des données qui peuvent être des informations sur les vidéos sur demande [,...] des informations sur du contenu audio sur demande [...], des informations sur les jeux vidéo interactifs ou d’autres applications, des informations sur le marché boursier, la météo, des résultats sportifs, des statistiques sportives et d’autres informations adaptées de médias sur demande [...]

[529] Lors du procès, M. Wahlers est revenu de la position tenue dans son rapport et a concédé que Rosin envisage que la « page du guide » pouvait contenir du contenu sur les vidéos sur demande.

[530] Par conséquent, il n’est pas contesté que Rosin divulgue les revendications 5 et 45.

  • 9)Revendications 13 et 53 : Les données de médias sur demande provenant de leur source originale sont récupérées en réponse à la sélection par l’utilisateur de la liste des médias sur demande

[531] Les revendications 13 et 53 requièrent que le système ait la capacité de récupérer les données de médias sur demande depuis la source première, c’est-à-dire le serveur, en réponse à une demande de l’utilisateur visant à accéder à une liste de médias sur demande. Rosin prévoit que les objets (c.-à-d. les données de médias sur demande) sont stockés sur le serveur et qu’ils sont téléchargés lorsque le lien de l’objet est sélectionné par l’utilisateur (c.-à-d. l’utilisateur demande d’accéder à l’objet). Par conséquent, il n’est pas contesté que Rosin divulgue les revendications 13 et 53.

  • 10)Revendications 14 et 54 : Déterminer si le deuxième ensemble de données de médias sur demande est en mémoire cache

[532] Les revendications 14 et 54 requièrent que le système ait la capacité de déterminer si le deuxième ensemble de données de médias sur demande a été mis en cache. Rosin divulgue la mise en cache des données de médias sur demande de deux façons distinctes : soit périodiquement, soit selon la séquence exigée par les revendications 482. Rosin décrit par la suite l’utilisation de ces informations mises en cache de façon à « offrir à l’utilisateur une interface dynamique et rapide ».

[533] La personne versée dans l’art comprendrait que la mise en cache et l’offre d’« une interface dynamique et rapide » demandées par Rosin seraient réalisées par l’utilisation de ces informations mises en cache (une action qui révèle nécessairement si les informations ont été mises en cache). Par conséquent, en divulguant la mise en cache des informations et l’utilité de ces informations mises en cache, Rosin divulgue que le système doit d’abord déterminer si les données ont été mises en cache. Par conséquent, il n’est pas contesté que Rosin divulgue les revendications 14 et 54.

(ii) Caractère réalisable

[534] Rosin rend réalisable chacun des éléments essentiels des revendications 482. Une personne versée dans l’art pourrait aisément mettre en pratique Rosin en tenant compte des connaissances générales courantes. Rosin donne des figures détaillées qui montrent la façon de mettre en place les composants du réseau (fig. 1), le guide de page et l’interface rotative (fig. 5, 7 et 8) et le procédé par lequel les données des médias sur demande sont récupérées et stockées automatiquement (fig. 5 et 7). On y trouve également des descriptions détaillées sur la technologie employée, « l’agent intelligent » et la façon de construire et de faire fonctionner le système.

[535] D’après la preuve présentée, en particulier les opinions convaincantes de M. Robinson, je conclus que Rosin divulgue et rend réalisables tous les éléments essentiels des revendications 482.

b) Évidence

[536] Les défenderesses soutiennent que les revendications 482 sont évidentes au regard des connaissances générales courantes ou de ces connaissances combinées à l’état de la technique qui englobe Aristides, LaJoie et O’Robarts.

[537] Rovi fait valoir que les revendications 482 sont inventives compte tenu de l’art antérieur et des connaissances générales courantes parce que l’art de la technique ne règle pas le même type de problème de latence que celui qui est envisagé dans les revendications 482. Rovi soutient que les revendications 482 cherchent à atténuer le problème des perturbations dans l’expérience utilisateur de visionnement qui surviennent lorsque l’utilisateur accède aux données des médias sur demande. Ce problème diffère de celui qui est abordé dans l’art antérieur, car il s’agit alors de réduire les délais d’attente qui sont causés par une hausse rapide et marquée de demandes sur le réseau. Rovi tente de distinguer deux problèmes en affirmant que la personne versée dans l’art comprendrait que les revendications 482 et l’art antérieur envisageraient des types de latence qui sont différents. Cependant, cet argument ne tient aucun compte du témoignage de son propre expert, selon lequel le problème que les revendications 482 tentaient de résoudre était celui de « réduire le trafic sur le réseau ».

(i) Étape 1 : Définir la personne versée dans l’art et les connaissances générales courantes

[538] Les experts conviennent que la personne versée dans l’art serait la même que celle de l’analyse du brevet 585.

[539] En l’an 2000, les connaissances générales courantes tenaient compte des nombreux systèmes de télévision interactifs disponibles sur le marché qui avaient un GEI. Ces systèmes exigeaient le téléchargement de données sur l’équipement de l’utilisateur, notamment des données de médias sur demande et de médias non sur demande. La personne versée dans l’art savait que, sans l’apport de la mise en cache de données sur l’équipement de l’utilisateur, les problèmes de réseau pouvaient interrompre l’expérience de visionnement de l’utilisateur. À cette époque, les propositions de solution visant à régler ces problèmes étaient nombreuses et avaient été mises en pratique. Le « double tampon » ou « tamponnage double » était une solution dont le secteur de l’informatique se servait depuis des décennies. Le double tampon est une façon de mettre en cache ou en tampon deux ensembles d’informations, ce qui ressemble à l’affichage d’un ensemble de données de médias sur demande suivi de la mise en cache d’un deuxième. Effectivement, la deuxième solution de mise en cache que Rosin enseigne est une application du tamponnage double.

[540] De plus, l’art de la technique englobait Aristides, LaJoie et O’Robarts.

(ii) Étape 2 : Concept inventif

[541] Les experts conviennent que le concept inventif et l’objet des revendications 482 sont les éléments essentiels qui ont été décrits dans l’analyse sur l’antériorité.

(iii) Étape 3 : Différence entre l’état de la technique et le concept inventif

[542] Encore une fois, le contre-interrogatoire de M. Robinson par Rovi lors du procès ne portait sur aucun élément de son opinion sur l’évidence.

Évidence des revendications 482 compte tenu d’Aristides et de LaJoie

[543] Aristides est un brevet déposé par Microsoft et intitulé « Interactive Entertainment Network System and Method for Providing Program Listings During Non-Peak Times » (Système de réseau de divertissement interactif et méthode visant à fournir des listes d’émissions en dehors des heures de pointe). Aristides a été publié et mis à la disposition du public en août 1997. Aristides est l’un de nombreux brevets de télévision interactive (O’Robarts, Girard, Lawler, etc.) qui ont été accordés à Microsoft à l’époque et la personne versée dans l’art aurait été au courant des efforts de Microsoft dans le monde de la télévision.

[544] Aristides enseigne une solution au problème que le brevet 482 cible, à savoir le téléchargement efficace des données de médias sur demande en dehors des heures de pointe pour éviter le temps d’attente sur le réseau. Aristides enseignait le téléchargement des données de médias sur l’équipement utilisateur avant les périodes d’activité intense pour alléger la charge sur le réseau :

[traduction]

Les enregistrements de données sur les émissions sont stockés sur le décodeur pour servir aux heures de pointe. Par conséquent, lors des prochaines heures de pointe, le GEE affichera les informations sur la programmation contenues dans les enregistrements de données sur les émissions au lieu de demander ces informations à la tête de ligne. Cette méthode de transmission avant les heures de pointe réduit de façon importante le nombre de demandes envoyées à la tête de ligne durant les heures de pointe.

[545] Aristides divulgue également pratiquement chaque élément du concept inventif des revendications 482, soit un GEI installé à l’équipement de télévision de l’utilisateur, une source pour les données de médias sur demande distincte de celle des données de médias non sur demande, la récupération des données de médias non sur demande depuis leur source, le stockage automatique du deuxième ensemble de données de médias sur demande, l’affichage du deuxième ensemble en réponse à la demande d’accès de l’utilisateur et l’affichage des données de médias non sur demande en réponse à une demande d’accès de l’utilisateur. Aristides ne diffère des revendications 482 que parce qu’il ne divulgue pas la séquence d’exécution.

[546] LaJoie était un brevet accordé à Time Warner Entertainment sous le titre « Inter-Active Program Guide with Default Selection Control » (guide d’émissions interactif avec contrôle de sélection par défaut). LaJoie a été publié et mis à la disposition du public en décembre 1998. La personne versée dans l’art aurait été au courant de ce que faisait Time Warner dans l’espace télévisuel et multimédia de l’époque.

[547] À l’instar d’Aristides et des revendications 482, LaJoie enseigne une façon de surmonter les délais d’attente indésirables sur le réseau résultant de l’obtention de données de médias d’un serveur. LaJoie enseigne plusieurs solutions, notamment une transmission périodique ou continue de données de médias vers l’équipement de télévision de l’utilisateur :

[traduction]

Par exemple, il est possible de transmettre de la tête de ligne les données d’une semaine complète afin de stocker ces données dans la mémoire interne du décodeur pour affichage sur demande de l’utilisateur [...] il est possible de recevoir et de stocker régulièrement, selon les besoins, les données de programmation dans la mémoire interne du décodeur sans que le décodeur n’envoie jamais de demande de description complète à la tête de ligne.

[548] LaJoie divulguait également presque tous les éléments du concept inventif des revendications 482. LaJoie ne diffère des revendications 482 que parce qu’il ne divulgue pas la séquence d’exécution.

[549] Par conséquent, dans la mesure où notre Cour souscrit à la nouvelle opinion de M. Wahlers offerte au procès, à savoir que les revendications 482 ne requièrent pas une séquence d’exécution, Aristides et LaJoie enseignent tous deux chacun des éléments des revendications 482. Quoi qu’il en soit, même si cette séquence était nécessaire, la personne versée dans l’art aurait trouvé cette différence évidente en tenant compte des connaissances générales courantes, de ce qui était divulgué dans Aristides et de l’art de la technique conformément à la description ci-dessous.

Évidence des revendications 482 compte tenu d’ O’Robarts et de la séquence

[550] O’Robarts est un brevet qui a été accordé à Microsoft Corporation sous le titre « An electronic television program guide » (guide d’émissions de télévision électronique). Publié le 25 novembre 1998, O’Robarts enseigne la séquence requise par les revendications 482.

[551] O’Robarts enseigne un système et une méthode de téléchargement automatique des données de médias sur l’équipement de télévision de l’utilisateur. En détail, O’Robarts enseigne un système qui se sert de l’intelligence artificielle pour prévoir les données de médias que l’utilisateur va probablement demander d’après ses visionnements antérieurs et télécharge ces données sur l’équipement de télévision de l’utilisateur. Fait important, O’Robarts suit lui aussi la séquence que les revendications 482 divulguent. En particulier, le premier ensemble de données de médias sur demande est affiché pour l’utilisateur et permet au GEI de colliger les préférences de visionnement. Après l’affichage de ces informations, l’équipement de télévision de l’utilisateur se sert des préférences pour générer automatiquement une demande (c.-à-d. la reconnaissance sur l’équipement de télévision de l’utilisateur) afin de récupérer et de stocker un deuxième ensemble de données de médias sur demande qui correspond au premier ensemble de données de médias sur demande.

[552] Même si O’Robarts n’enseigne pas tous les concepts inventifs des revendications 482, il rend la séquence d’exécution des revendications 482 évidente.

[553] Dans la mesure où des lacunes dans les concepts inventifs présumés des revendications 482 seraient relevées, ces lacunes seraient évidentes à la personne versée dans l’art à partir des enseignements d’Aristides, de LaJoie, de Rosin et d’O’Robarts.

[554] En octobre 2000, il n’y avait pas de différence entre l’état de la technique et le concept inventif des revendications 482. La personne versée dans l’art disposant des connaissances générales courantes, d’Aristides, de LaJoie, d’O’Robarts et de Rosin aurait été en mesure de créer les systèmes et les méthodes des revendications 482 sans avoir recours à une étape inventive ni à de l’ingéniosité. M. Wahlers critiquait l’art antérieur principalement sur deux points : 1) le problème à résoudre n’était pas le même que celui du brevet 482 (point concédé lors du procès); 2) l’art antérieur ne divulgue pas les vidéos sur demande, mais lors du procès, il a reconnu que Rosin, LaJoie et O’Robarts le faisaient tous. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de passer à l’étape 4 de l’analyse sur l’évidence.

[555] Il en résulte que le concept inventif des revendications 482 était évident compte tenu de Rosin seul et compte tenu de Rosin, d’Aristides, de LaJoie, d’O’Robarts et des connaissances générales courantes.

c) Portée excessive

[556] Les défenderesses font valoir que si les revendications 482 portent sur la récupération purement manuelle, leur portée est excessive. Comme je n’ai pas souscrit à cette interprétation préconisée par Rovi dans l’analyse sur la contrefaçon, l’argument de la portée excessive est sans objet. Cependant, si je me trompe, je conclus que les revendications 482 ont une portée qui dépasse l’invention divulguée compte tenu de l’objet de l’invention alléguée.

[557] Selon l’explication de M. Robinson dans son rapport sur la validité, l’invention divulguée par le brevet 482 est une méthode et un système visant la transmission des données de médias sur demande et non sur demande provenant de sources distinctes, la récupération automatique (avant toute demande d’accès de l’utilisateur) et le stockage automatique du deuxième ensemble de données de médias sur demande. Le brevet 482 indique clairement que l’objet de l’invention est de surmonter les conséquences indésirables suivantes : a) la perturbation de l’expérience de visionnement de l’utilisateur; e) les temps d’attente inacceptables; f) les hausses rapides et marquées de demandes de ressources sur le réseau.

[558] Selon M. Robinson, la personne versée dans l’art comprendrait que ces conséquences indésirables constituaient le problème fondamental que l’inventeur cherchait à régler par l’invention du brevet 482. Dans la description du brevet 482, la récupération des données de médias avant tout signalement de l’utilisateur en ce sens a pour but de régler le problème des perturbations de l’expérience de visionnement. De plus, le brevet 482 enseigne que la mise en cache et le stockage automatiques des données de médias en mémoire s’attaquent au problème des hausses rapides set marquées de demandes sur le réseau.

[559] M. Robinson affirme que la personne versée dans l’art comprendrait que, pour tirer profit de l’invention, il faut récupérer au moins une partie des données de médias sur demande sans attendre d’indication de l’utilisateur en ce sens et mettre en cache ces données sur l’équipement de télévision de l’utilisateur. Il s’agit bien de l’objet de l’invention, soit de réduire les perturbations de l’expérience de visionnement de l’utilisateur.

[560] M. Robinson note que le fait de récupérer les données de médias sur demande chaque fois que l’utilisateur le demande entraînerait les mêmes conséquences indésirables que le brevet 482 a relevées. De plus, si la récupération des données de médias sur demande n’est effectuée qu’en réponse à une demande de l’utilisateur, il s’agirait alors d’une récupération purement manuelle et non plus d’une récupération automatique. La récupération purement manuelle serait considérée comme l’opposé de la récupération automatique.

[561] Je souscris à l’avis de M. Robinson selon lequel la personne versée dans l’art comprendrait que l’invention décrite dans le brevet 482 requiert la récupération automatique d’au moins une partie des données de médias sur demande en l’absence de commande de l’utilisateur en ce sens parce que la récupération purement manuelle des données de médias sur demande entraîne les conséquences indésirables que le brevet 482 tente d’éviter.

[562] Les éléments de preuve dont je dispose ont établi que les systèmes de Bell et de TELUS |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| La personne versée dans l’art comprendrait qu’il s’agirait de la récupération purement manuelle des données de médias sur demande et non pas d’une récupération automatique des mêmes données, pourtant requise par les revendications 482. Par conséquent, les systèmes des défenderesses auraient pu avoir contrefait les revendications 482 que si j’étais arrivé à la conclusion que la récupération automatique englobe la récupération purement manuelle. Or il s’agit d’une interprétation qui n’est soutenue par aucun des experts, comme je l’ai déjà mentionné.

[563] Selon le témoignage non contesté de M. Robinson, le brevet 482 ne divulgue d’aucune façon la récupération manuelle des données de médias sur demande. Par conséquent, dans la mesure où le brevet 482 en aurait fait la revendication, cette revendication a une portée qui dépasse l’invention divulguée.

2. Contrefaçon

[564] Étant donné que les systèmes des défenderesses ne contrefont pas la séquence d’exécution, il ne peut y avoir de contrefaçon du brevet 482. Les systèmes IPTV des défenderesses n’utilisent pas la séquence particulière qui est requise par les revendications 482. Selon la discussion précédente, l’analyse de M. Wahlers montre que, à l’intérieur des systèmes des défenderesses, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Bell et TELUS n’utilisent pas la séquence requise.

[565] Pour cette seule raison, les défenderesses ne contrefont pas les revendications 482. Vu les circonstances, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments subsidiaires d’absence de contrefaçon que les défenderesses ont avancés.

[566] Cependant, si je me suis trompé dans l’analyse précédente, je tire les conclusions suivantes.

[567] Comme je l’ai expliqué au paragraphe 475 ci-dessus, les deux experts conviennent que l’un des éléments essentiels des revendications 482 est que les données de médias sur demande et les données de médias non sur demande doivent provenir de sources distinctes. Dans ses observations finales, Rovi a suggéré que Bell et TELUS avaient convenu dans l’exposé conjoint des faits et reconnu dans une communication préalable qu’il existait deux sources pour la mise en application sur le Web, mais cela s’avère inexact. Elles ont seulement convenu que les sources s’appliquaient aux décodeurs. Les défenderesses ont expressément nié que la mise en application sur le Web avait deux sources. Rovi n’a aucun élément de preuve qui établit que les mises en application Web ont deux sources distinctes et, par conséquent, elle ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver que ces mises en application sont une contrefaçon.

[568] Les revendications 482 requièrent que l’étape de la « reconnaissance » soit effectuée sur l’équipement de télévision de l’utilisateur. En d’autres mots, c’est l’équipement de télévision de l’utilisateur (c.-à-d. le décodeur ou le navigateur Web) et non le serveur distant qui « reconnaît » le deuxième ensemble de données de médias qui correspond au premier ensemble de ces données qui est affiché.

[569] M. Wahlers n’a jamais fourni d’opinion sur cette question. Il a plutôt évité la question en affirmant seulement que le système ou le service reconnaît le deuxième ensemble de données de médias sur demande, sans préciser quelle partie du système ou service effectuait la reconnaissance. M. Robinson a fait remarquer que M. Wahlers n’avait pas fourni d’opinion sur ce point important tout en notant que c’est en fait le |||||||||||||||||||| de Bell et de TELUS qui effectue l’étape de la reconnaissance. Étant donné que M. Wahlers n’a pas fourni d’opinion dans son rapport, il ne lui a pas été permis de témoigner sur cette question lors du procès.

[570] L’avocat de Rovi a tenté de faire passer un avis à la sauvette sur cette question dans le rapport en réponse de M. Barth. Il s’y trouve un seul exemple qui, selon M. Barth, prouve que cette reconnaissance a lieu sur l’équipement de télévision de l’utilisateur. Au-delà du fait qu’on ne lui a pas demandé à de fournir une opinion sur l’interprétation des revendications ou la contrefaçon, M. Barth présente l’exemple d’une adresse URL qui est envoyée |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| pour l’affiche du film « Joker ». Dans son rapport, M. Barth indique que l’adresse est si précise que la reconnaissance doit avoir eu lieu sur le décodeur. Cependant, lorsque M. Barth a été contre-interrogé sur ce point, il a admis que l’adresse URL provient de |||||||||||||||||| et non du décodeur. Il en résulte que M. Barth a confirmé la |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| de M. Robinson, et non l’équipement de télévision de l’utilisateur tel que requis par les revendications 482.

[571] Selon les éléments de preuve non contestés, un élément essentiel des revendications 482 est qu’il doit y avoir deux « ensembles » distincts de données de médias sur demande. Par conséquent, il ne peut y avoir de contrefaçon des revendications 482 par un système qui n’en a qu’un seul.

[572] Au cours de son contre-interrogatoire, M. Wahlers a reconnu que, dans tous les scénarios de contrefaçon de son rapport, toutes les données de médias sur demande avaient été téléchargées |||||||||||||||||||||| Selon lui, il n’y a jamais eu « deux ensembles » de données de médias sur demande.

[573] Les deux experts conviennent que les revendications 482 requièrent le téléchargement automatique du deuxième ensemble de données de médias sur demande. Si le deuxième ensemble de données de médias sur demande n’est téléchargé qu’en réponse à une demande de l’utilisateur, il s’agit alors d’une récupération purement manuelle et non plus automatique qui, de ce fait, n’est pas visée par les revendications 482.

[574] Lors de son contre-interrogatoire, M. Wahlers a reconnu que, dans tous les scénarios de contrefaçon de son rapport, toutes les données de médias sur demande étaient téléchargées |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||  | . Il s’agit d’une récupération purement manuelle et non d’une récupération automatique.

[575] Pour les raisons qui précèdent, Bell et TELUS ne contrefont pas les revendications 482.

XX. Les mesures de réparation

[576] L’article 55 de la Loi sur les brevets prévoit un recours pour l’obtention d’une indemnité dans une action en contrefaçon de brevet. Si le tribunal conclut que le brevet est valide et qu’il y a eu contrefaçon, le breveté a droit de recouvrer le dommage que cette contrefaçon lui a fait subir (art 55(1) de la Loi sur les brevets).

[577] De plus, le paragraphe 57(1) prévoit des recours en equity. Deux de ces recours sont l’interdiction par ordonnance (art 57(1)a) de la Loi sur les brevets) et une restitution des bénéfices (art 57(1)b) de la Loi sur les brevets). Lorsqu’un verdict de contrefaçon est rendu, le breveté peut choisir la mesure de réparation qu’il préfère et la Cour a le pouvoir discrétionnaire de la lui accorder (Merck & Co c Apotex Inc, 2006 CAF 323, au para 127 [Merck CAF]). Le breveté peut préférer la restitution des bénéfices aux dommages-intérêts.

[578] Étant donné que j’ai conclu que les revendications des brevets qui sont invoquées ne sont pas valides, il s’ensuit que Rovi n’a droit à aucun recours. Cependant, si je me suis trompé en rendant mes conclusions sur l’invalidité et la non-contrefaçon, il restera deux autres questions à examiner pour l’ensemble de la présente procédure : il s’agit du droit de Rovi à une restitution des bénéfices et à une ordonnance d’interdiction.

[579] Rovi fait valoir qu’elle a droit à la restitution des bénéfices. Elle affirme que, même si la restitution des bénéfices n’est pas automatique, cette mesure est habituellement accordée en l’absence d’une raison équitable de ne pas le faire. Selon Rovi, il n’existe aucun motif impérieux de ne pas accorder la restitution des bénéfices en l’espèce.

[580] Rovi soutient encore qu’elle a par présomption le droit à une ordonnance d’interdiction si l’une des revendications 585 a été contrefaite (comme je l’ai mentionné précédemment, cette mesure de réparation relative à la contrefaçon des revendications 482 n’est plus possible étant donné que le brevet 482 a expiré l’an dernier). Rovi prétend que de ne pas rendre une ordonnance d’interdiction à un demandeur ayant eu gain de cause équivaut en fait à une expropriation des droits de propriété intellectuelle du demandeur et transforme en fait le régime des brevets en régime obligatoire de licences. Selon Rovi, la jurisprudence indique clairement que le refus de rendre une ordonnance d’interdiction est exceptionnel et qu’il n’existe aucun motif impérieux ou exceptionnel pouvant justifier ce refus en l’espèce.

[581] Les défenderesses prétendent que, vu les circonstances de l’espèce, aucun des recours ne devrait être ordonné. Elles ont énoncé diverses raisons pour expliquer le refus d’un recours, notamment la complexité d’une restitution des bénéfices et l’inconduite de Rovi.

A. Le droit de Rovi à une restitution des bénéfices

1. Les règles de droit générales

[582] La réparation sous forme de restitution des bénéfices tire son origine de l’equity, et son objectif est de nature compensatoire.

[583] La restitution des bénéfices oblige le défendeur à rendre compte des bénéfices qu’il a réalisés au moyen de la contrefaçon. Le fait pour le contrefacteur de rembourser ses bénéfices le ramène à la position dans laquelle il aurait été s’il n’avait pas commis d’acte illégal. Il n’a pas pour objet de punir le défendeur, mais bien d’éviter un enrichissement injuste : Lubrizol Corp c Compagnie Pétrolière Impériale Ltée, [1997] 2 CF 3, aux pp 4, 5; Nova Chemicals Corp c Dow Chemicals Company, 2020 CAF 141 [Nova Chemicals], aux para 20, 24.

[584] La restitution des bénéfices « sert d’outil de dissuasion et de mécanisme de justice réparatrice dans le monde commercial » (Varco Canada Limited c Pason Systems Corp, 2013 CF 750, au para 398). L’outil de dissuasion disparaîtrait s’il suffisait au contrefacteur de payer des redevances pour se réserver les autres bénéfices réalisés grâce à l’exploitation illégale de l’invention : Nova Chemicals, au para 18. C’est ce même scénario que la Cour fédérale a qualifié de [traduction] « Essayez toujours de m’attraper pour voir » : Monsanto Canada Inc c Rivett, 2009 CF 317, aux para 23, 56. La restitution des bénéfices permet de résoudre ce problème en écartant l’incitation financière à la contrefaçon : Nova Chemicals, au para 20.

[585] Rovi fait valoir que la restitution des bénéfices devrait en principe être un recours offert en cas de contrefaçon de brevet; cela ne représente cependant pas l’état du droit.

[586] Comme l’affirmait le juge Simon Fothergill au paragraphe 6 de la décision Bayer Inc c Cobalt Pharmaceuticals Company, 2016 CF 1192, bien qu’il soit pratique courante dans les affaires de contrefaçon de brevet de permettre au demandeur de choisir entre les dommages-intérêts et la restitution des bénéfices, « cette pratique ne crée pas un droit de faire un choix ». L’octroi d’un recours en equity, comme la restitution des bénéfices, dépend du pouvoir discrétionnaire de la Cour, sous réserve des principes régissant sa disponibilité (voir Strother c 3464920 Canada Inc., 2007 CSC 24, au para 74; Bande indienne Wewaykum c Canada, 2002 CSC 79, au para 107; Apotex Inc c Bristol-Myers Squibb Co, 2003 CAF 263, au para 14; Philip Morris Products SA c Marlboro Canada Limitée, 2016 CAF 55 [Philip Morris CAF], au para 8).

2. Facteurs à prendre en considération

[587] Le juge qui détermine par son pouvoir discrétionnaire s’il doit accorder une restitution des bénéfices est habituellement orienté par plusieurs facteurs, dont les suivants :

  • a)La complexité et les difficultés pratiques d’une restitution des bénéfices : Beloit Canada Ltée c Valmet‑Dominion Inc, [1997] 3 CF 497 (CA) [Beloit], aux para 114, 115;

  • b)L’inconduite du breveté : Seedlings Life Science Ventures LLC c Pfizer Canada ULC, 2020 CF 1 [Seedlings], au para 251; Beloit, au para 111; Merck CAF, aux para 129-131;

  • c)La bonne foi du défendeur : Beloit citant au para 119 Reading & Bates Construction Co c Baker Energy Resources Corp, 1994 CarswellNat 1437F (CAF), au para 42;

  • d)Le fait que le breveté ne soit pas en compétition avec les défendeurs (Seedlings, aux para 252, 253; Merck CAF, aux para 128, 132) ou concède régulièrement une licence à l’égard de ses brevets : Jay-Lor International Inc c Penta Farm Systems Ltd, 2007 CF 358 [Jay-Lor], au para 119.

[588] Il ne s’agit pas d’une liste complète de facteurs et la pondération de chaque facteur dépend des circonstances l’affaire en question.

a) Complexité des calculs d’une restitution des bénéfices

[589] L’un des facteurs à prendre en compte est le niveau de complexité du calcul des bénéfices et le niveau de fiabilité du résultat obtenu (Eurocopter c Bell Helicoter Textron Canada Limitée, 2012 CF 113 [Eurocopter], aux para 411-414. La Cour ne se préoccupe pas de savoir si le calcul des bénéfices conforme aux principes donnerait à la restitution un taux de recouvrement important. C’est plutôt la proportionnalité de l’exercice de restitution qui la préoccupe, comme l’a déclaré le juge Yves de Montigny dans la décision Philip Morris Products SA c Marlboro Canada Limitée, [2015] FCJ No 1564, confirmée par Philip Morris CAF, aux para 25, 26.

[590] Rovi fait valoir qu’il ne peut y avoir de doute sur l’importance du taux de recouvrement provenant de la restitution des bénéfices. Elle indique que les brevets se rapportent à la fonctionnalité des GEI utilisés par la clientèle des défenderesses qui se chiffre en millions. Selon sa thèse, Rovi a droit à la restitution des bénéfices associés aux services de télévision des défenderesses, mais aussi à certains bénéfices que les défenderesses ont pu tirer de leurs autres services groupés. Par conséquent, elle dit que, même si la restitution des bénéfices était complexe, cet aspect n’aurait que peu d’importance dans l’analyse.

[591] Sans être déterminante à elle seule, la complexité de la restitution des bénéfices est un des facteurs qui influence l’évaluation du droit d’un breveté à une restitution des bénéfices. Comme l’explique la Cour d’appel fédérale au paragraphe 77 de l’arrêt AlliedSignal Inc c Du Pont Canada Inc, [1995] ACF no 744 [Allied], « la Cour peut éprouver de sérieuses difficultés d’ordre pratique au moment de chiffrer les bénéfices, en sorte qu’il est opportun que le juge de première instance tienne compte des conséquences sur le plan pratique de l’ordonnance qui accorde ce redressement dans une affaire donnée ».

[592] Selon le témoignage de M. Bazelon, la méthodologie énoncée dans son rapport et celui de M. Harington est bien dans la ligne de mire des experts en économie et en comptabilité. Pendant que M. Bazelon expliquait le modèle logit, une modélisation statistique de la probabilité qu’un événement ait lieu dans laquelle les probabilités d’un événement sont représentées par une combinaison linéaire d’une ou plusieurs variables indépendantes, il a affirmé que [traduction] « les économistes utilisent ce type de modèle et comparent le monde réel à un monde différent qu’ils tentent de modéliser sans relâche. C’est le cœur de notre activité et nous sommes nombreux. » M. Bazelon et M. Harington ont dit en témoignage avoir mené ce genre d’analyses dans le passé.

[593] M. Bakewell a déposé un rapport d’expert en réponse et il était d’avis qu’une analyse de restitution des bénéfices serait complexe. Il a soulevé par la suite diverses questions sur la façon de mettre en application les méthodologies décrites par MM. Bazelon et Harington.

[594] Rovi fait valoir que M. Bakewell n’était pas crédible et qu’il convient d’accorder peu de poids à son témoignage étant donné son rôle de défenseur du point de vue des défenderesses et des opinions contraires qu’il a données lors du contre-interrogatoire. Je ne suis pas de cet avis. M. Bakewell m’a paru être un témoin attentif, méticuleux et équilibré. Même s’ils ont eu des désaccords sur certaines questions, les experts financiers avaient un grand nombre de points en commun. Si certains des problèmes qu’il a énoncés étaient mineurs ou sans conséquence, M. Bakewell avait des critiques pertinentes sur les rapports de MM. Bazelon et Harington qui étaient instructives, car il a relevé des problèmes potentiels et graves qu’une restitution des bénéfices pourrait soulever.

[595] Pour plus de clarté, je n’ai aucune raison de douter de la crédibilité de MM. Bazelon et Harington. Leurs opinions étaient rigoureuses, fort étoffées et équilibrées. Cependant, leur témoignage se concentrait sur la méthodologie et la faisabilité de mener une restitution des bénéfices en l’espèce. En fait, M. Bazelon a reconnu en contre-interrogatoire qu’il n’était pas au courant au moment où il préparait son rapport initial de la chose suivante : les tribunaux du Canada considèrent la complexité au moment de décider d’accorder le choix d’une restitution des bénéfices.

[596] Rovi fait valoir que, même si elle demande des calculs, la restitution des bénéfices n’est pas démesurément complexe. À mon avis, cependant, la mesure est trop exigeante. Comme l’indique Philip Morris CAF au paragraphe 26, la question à trancher est celle de savoir si « l’exercice de restitution serait complexe et controversé et [si] le renvoi de la question des bénéfices entraînerait une procédure longue et compliquée et des différends qui compliqueraient et retardaient encore davantage le règlement final de l’affaire ».

[597] Les éléments de preuve m’indiquent que l’IPTV est un produit énormément complexe qui exige un logiciel complexe, un matériel important, un réseau de câbles à fibre optique de grande envergure et des équipes de milliers de personnes servant au développement, au lancement et à la maintenance. Les caractéristiques brevetées et revendiquées représentent une petite partie du logiciel qui, lui-même, représente une petite partie du produit complet, les services offerts par les défenderesses. En l’espèce, le scénario des faits ressemble à celui de l’affaire Eurocopter, dans laquelle le juge Luc Martineau a refusé d’accorder une restitution des bénéfices, ce recours en equity, au motif que le train d’atterrissage, « même s’il est nécessaire au bon fonctionnement [...] d’un hélicoptère », ne représentait qu’une fraction du coût total de l’hélicoptère.

[598] D’après la preuve dont je dispose, je conclus que, bien qu’elle ne soit pas impossible, la tentative d’isoler l’effet des caractéristiques individuelles en litige en l’espèce s’avérerait extrêmement difficile. Aux paragraphes 315 à 321 de leurs observations écrites, les défenderesses énumèrent six étapes que la restitution des bénéfices exigerait : détermination des marges sur coûts variables, établissement de la valeur des caractéristiques, modélisation du marché, évaluation des solutions évitant la contrefaçon, calcul des bénéfices d’IPTV et calcul des bénéfices des services groupés. Je retiens la thèse des défenderesses, celle d’une complexité de ce processus sur le plan des faits et aussi de l’analyse.

[599] De plus, M. Bazelon a reconnu que le résultat de ce processus ne serait pas fiable s’il survenait le moindre problème à l’une quelconque des étapes de l’analyse. Pour qu’elle juge que le déroulement d’une restitution des bénéfices est fiable, la Cour doit également juger que chaque étape de l’analyse est possible et fidèle à la réalité et donnera lieu à un résultat fiable. En me basant sur le dossier de la preuve, je ne suis pas convaincu que ce serait le cas en l’espèce. Il existe un risque réel que l’analyse soit en fin de compte fondée sur des hypothèses erronées relativement au comportement des clients ou du marché, aux solutions pour éviter la contrefaçon ou aux compétiteurs ou qu’elle soit fondée sur des décisions analytiques non transparentes en modélisation du marché. Ce qui est préoccupant n’est pas l’échec possible d’une analyse compliquée, onéreuse et chronopĥage, mais plutôt le manque de fiabilité du chiffre résultant de cette analyse qui pourrait induire la Cour en erreur.

[600] Il y a une autre difficulté en l’espèce. Le fait que Rovi ait retardé la délivrance de ses brevets – il en sera question dans la section ci-dessous – a pour conséquence que Rovi cherche à obtenir réparation pour un laps de temps durant lequel les brevets n’avaient pas été encore délivrés. Rovi n’a pas droit à une restitution des bénéfices tirés pendant ce laps de temps et le recours de Rovi se limite à une « indemnité raisonnable » conformément au paragraphe 55(2) de la Loi sur les brevets. La méthode servant à calculer cette indemnité raisonnable n’est pas établie, mais une indemnité raisonnable a fait l’objet d’un calcul dans Jay-Lor au paragraphe 122. Les défenderesses font valoir qu’il ne s’agit certainement pas de leurs bénéfices. Par conséquent, si Rovi avait le droit de choisir une restitution des bénéfices, il serait nécessaire de mener au moins deux analyses pour ce recours, soit la détermination des bénéfices pour la période postérieure à la délivrance des brevets et la détermination d’une indemnité raisonnable pour la période antérieure.

[601] Étant donné que les brevets ont été délivrés à des dates différentes, il faudrait encore distinguer les bénéfices et les indemnités en fonction de chaque brevet qui aurait été jugé valide et contrefait, ce qui ajoute de la complexité et un manque de fiabilité à un processus déjà très lourd.

[602] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que ce facteur ne milite pas en faveur de l’octroi d’un recours en equity, soit la restitution des bénéfices.

b) Conduite de Rovi

[603] Comme le mentionne Beloit au paragraphe 117, le fait d’avoir retardé une procédure en contrefaçon constitue un motif pour refuser le choix d’une restitution des bénéfices. Cependant, la plainte des défenderesses sur cette question ne porte pas sur le retard de Rovi à intenter son action, mais bien sur le retard de Rovi à faire ses demandes de brevet et le fait qu’elle ne se présente pas sans reproche devant la Cour pour demander un recours en equity. Les défenderesses ajoutent qu’il serait inéquitable d’exiger qu’elles comptabilisent les bénéfices réalisés relativement à des revendications qui sont postérieures au lancement de leurs produits et à l’inspection de ces produits par Rovi.

[604] Les défenderesses font valoir que Rovi se tapissait dans l’ombre pendant qu’elles ont cherché pendant une décennie à gagner des parts du marché pour devenir des fournisseurs d’IPTV de premier plan. Rovi cherche à présent à s’approprier des bénéfices réalisés par les efforts des défenderesses, mais elle a laissé la poussière s’accumuler sur ses demandes de brevet au Bureau des brevets. Selon les défenderesses, c’est pour ce genre de situation que l’on dit que « l’equity vient en aide au diligent, et non à celui qui tarde à faire valoir ses droits ». Je suis du même avis.

[605] Rovi ne conteste pas qu’il y a eu du retard dans ses demandes de brevet.

[606] Le brevet 870 a été déposé en juillet 1999, mais n’a pas été délivré avant janvier 2017, soit un délai de 17 ans et demi durant lequel Rovi a attendu le plus longtemps possible pour demander son examen avant de renoncer à la demande.

[607] Le brevet 629 a été déposé en septembre 1999, mais n’a pas été délivré avant novembre 2013, soit un délai de plus de 14 ans; encore une fois Rovi a attendu le plus longtemps possible pour demander l’examen du brevet, n’a pas payé les droits et a renoncé à sa demande.

[608] Le brevet 482 a été déposé en octobre 2001, mais n’a pas été délivré avant décembre 2015, un délai de plus de 14 ans, encore une instance où Rovi a attendu le plus longtemps possible pour demander l’examen du brevet, n’a pas répondu à l’examinateur, n’a pas payé les droits et a renoncé à sa demande.

[609] Le brevet 585 a été déposé en janvier 2004, mais n’a pas été délivré avant mai 2013, un délai de plus de 9 ans.

[610] Rovi soutient que les défenderesses n’ont fait valoir aucun argument voulant que la conduite de Rovi aille à l’encontre de la Loi sur les brevets, des Règles sur les brevets ou des objectifs des politiques qui s’appliquent. Elle maintient que le dépôt, le traitement de la demande et la délivrance de ses brevets étaient conformes au droit.

[611] Rovi prétend que, si les défenderesses suggèrent que les pratiques de Rovi sont hors norme, elles ne peuvent pas pour autant inscrire cette affirmation au dossier. Elle soutient que la preuve sur les pratiques de demande de brevet relève du domaine de la preuve par expert et que les défenderesses n’ont présenté aucune preuve de ce genre.

[612] Rovi s’appuie sur la décision du juge Roger Hughes Merck & Co c Apotex, 2006 CF 524, pour avancer que le témoignage d’un expert devant la Cour est nécessaire pour conclure au délai excessif causé dans le traitement d’une demande de brevet. Ce n’est toutefois pas ce que dit cette décision. Selon la preuve présentée au juge Hughes, presque douze ans s’étaient écoulés entre le dépôt de la demande et la délivrance du brevet en question. Il a conclu qu’il n’y avait aucun élément de preuve « de nature factuelle ou par témoignage d’expert » indiquant que le demandeur avait sciemment retardé la délivrance du brevet pour les motifs suivants :

[217] Aucun élément de preuve, de nature factuelle ou par témoignage d’expert, n’a été présenté pour établir que le délai pris pour l’instruction de la demande canadienne était indûment long ou court. Toute comparaison avec le délai nécessaire pour l’obtention du brevet des États-Unis est entravée par l’absence de preuve sur le caractère excessivement long ou court de l’instruction. La Cour a été invitée à prendre connaissance de l’historique des dossiers des États-Unis et du Canada et à tirer des déductions des communications avec les bureaux des brevets ainsi qu’avec les agents et avocats des poursuites pour savoir si Merck avait retardé l’instruction de la demande au Canada. Sans éléments de preuve sur la nature et le sens de la pratique de l’instruction des demandes de brevets dans les deux pays, la Cour ne peut inférer des conclusions pertinentes ni sur le retard ni sur la volonté de Merck.

[613] En l’espèce, il n’est pas demandé à la Cour de tirer une conclusion sur la question de savoir si Rovi a retardé la demande d’examen au Canada. Ces faits sont admis. Même si les délais causés dans le traitement d’une demande de brevet ne vont pas à l’encontre de la loi, la Cour n’évalue pas la conduite d’un breveté en se fondant uniquement sur la légalité de ses actions, car l’évaluation de la conduite (ou de l’inconduite) du breveté peut s’écarter de la lettre du droit.

[614] Selon Rovi, M. Armaly a dit en témoignage que Rovi n’avait aucune stratégie visant à retarder la délivrance de ses brevets et les défenderesses n’ont fourni aucune preuve du contraire. Cependant, cette observation ne tient aucunement compte des aveux de M. Armaly lors de son contre-interrogatoire.

[615] Rovi était parfaitement consciente que les défenderesses ont soulevé la question de la conduite de Rovi en réponse à Rovi qui demandait à obtenir la restitution des bénéfices et une ordonnance d’interdiction. Par anticipation, on a demandé à M. Armaly lors de son interrogatoire principal de commenter la stratégie de Rovi en matière de traitement des demandes de brevet. Interrogé à savoir si une partie de la stratégie de Rovi visait à faire retarder la délivrance des brevets, M. Armaly a nié.

[traduction]

R. Non. Vous savez, c’est quelque chose qui ne fait aucun sens sur le plan des affaires, certainement pas dans un monde où la durée du brevet est fixée à 20 ans à partir du premier dépôt. Notre objectif consiste à faire délivrer les brevets pour les présenter à nos clients en vue d’obtenir un contrat de licence. Nous n’obtenons habituellement pas le même crédit d’une demande en instance que d’un brevet délivré parce que les clients veulent savoir ce à quoi ils ont droit en fin de compte. Plus une demande de brevet demeure en instance au Bureau des brevets, plus la durée du brevet est courte. Il n’existe donc aucune justification valable en affaires pour faire retarder la délivrance.

[616] En contre-interrogatoire, M. Mason a méticuleusement passé en revue l’historique du traitement des quatre brevets avec M. Armaly. Tout au long du contre-interrogatoire portant sur ce sujet, M. Armaly était sur la défensive à chaque question posée et a refusé d’admettre que Rovi retardait le moindrement le traitement de ses brevets, en dépit des éléments de preuve montrant clairement le contraire. L’échange qui suit est typique de sa réaction.

[traduction]

Q. Le brevet 870 a bien été déposé en vertu du Traité de coopération en matière de brevet (PCT) le 13 juillet 1999?

R. Exact.

Q. Et la date de la délivrance était le 3 janvier 2017, c’est exact?

R. Exact.

Q. Il s’agit là d’un retard de plus de 17 années et demie entre le dépôt et la délivrance, c’est exact?

R. C’est un laps de temps. Je ne le considère pas comme un retard.

Q. Dix-sept ans et demi sur une durée de vie de 20 ans, ce n’est pas un retard?

R. C’est un laps de temps. Vous m’avez présenté une date et une autre. Je considère que la différence entre les deux est un laps de temps.

[617] Le fait que M. Armaly refuse d’admettre que le traitement du brevet 870 ait été retardé laisse perplexe et mine sa crédibilité à mes yeux.

[618] L’intransigeance de M. Armaly, qui ne peut s’expliquer que par un fort désir d’éviter de dire quoi que ce soit dont l’interprétation nuirait à la cause de Rovi, est révélée par l’échange reproduit ci-dessous.

[traduction]

Q. À présent, voyons pourquoi il a fallu autant de temps pour que le Bureau canadien des brevets délivre le brevet. Si nous examinons le traitement de la demande du brevet 870, nous voyons que Rovi a demandé le premier examen du brevet 870 le 15 juin 2004, et vous pouvez voir cela à la page 37 du fichier PDF, au prochain onglet, le no 7, monsieur le juge. Est-ce que vous le voyez, Monsieur Armaly?

R. Oui.

Q. Donc, le 15 juin 2004, Rovi a demandé l’examen de ce brevet. Vous êtes conscient, Monsieur Armaly, qu’il existe un délai de cinq ans au Canada pour demander l’examen d’un brevet?

R. Même si j’ai participé à un traitement au Canada, je ne me considérerais pas un expert du traitement des demandes de brevet au Canada.

Q. Vous n’avez aucune raison de contester qu’il existe au Canada un délai de cinq ans pour demander l’examen?

R. Je n’ai aucune raison personnelle de le contester, non.

Q. Comme vous le savez, plus vous attendez pour demander l’examen, plus ce sera long pour obtenir la délivrance de ce brevet d’une manière générale, n’est-ce pas?

R. Il est certain que l’examen ne démarrera pas avant qu’on ne le demande; il est donc vrai que plus vite on le demande, plus vite le traitement est en marche. Quant au lien à établir avec la délivrance, c’est une autre histoire.

Q. Une attente de cinq ans pour faire avancer le traitement veut dire que vous attendez [...] que vous repoussez d’au moins cinq ans la délivrance d’un brevet, c’est exact?

R. Il est certain que la délivrance n’arrivera pas avant de faire la demande d’examen, c’est exact.

Q. Dans notre cas, Rovi a attendu le délai maximal, soit cinq ans, non?

R. Je ne le sais pas.

Q. Bien, voyons les dates, le 15 juin 2004, et le dépôt était en juillet [...] la date du dépôt PCT est le 13 juillet 1999. Ne s’agit-il pas là du délai maximal de cinq ans?

R. Je ne faisais pas attention aux dates, donnez-moi un moment pour voir la première. J’avoue, nous avons attendu près de cinq ans, si mes calculs sont bons.

Q. Il vous restait moins d’un mois avant l’expiration du délai de cinq ans, c’est juste?

R. Près de cinq ans, oui.

Q. Je vous fais la suggestion suivante : attendre le délai maximal de cinq ans avant de demander l’examen, ce n’est pas le comportement d’une société qui cherche à obtenir la délivrance de brevets sans tarder.

R. Pardon, c’est une question ou une déclaration?

Q. Je vous ai suggéré qu’une société qui attend cinq ans avant de demander l’examen d’un brevet n’adopte pas un comportement digne d’une société qui cherche à obtenir la délivrance de brevets sans tarder.

R. Cela ressemble encore à une déclaration, mais s’il s’agit d’une question, je ne suis pas d’accord.

Q. Rovi aurait demandé à son conseiller en brevets d’attendre ce délai avant de demander l’examen, n’est-ce pas?

R. Je pense que notre conseiller n’aurait rien fait sans que nous l’ayons avisé de le faire. Je ne connais pas les instructions qui lui ont été données dans ce cas-là en particulier.

Q. Vous vous attendez à ce que la raison pour laquelle le conseiller n’a pas demandé l’examen avant qu’il ne le fasse était qu’il suivait les instructions de Rovi, c’est juste?

R. Soit de façon générale ou particulière dans ce cas-là, c’est juste.

[619] Voilà un aveu extraordinaire. M. Armaly concède que les instructions générales ou particulières qui ont été données aux agents de Rovi étaient d’attendre avant de demander l’examen des brevets, une attente qui durait parfois cinq ans. En raison des délais, les demandes de trois brevets ont été réputées abandonnées en application de l’article 73 de la Loi sur les brevets. Les défenderesses ont établi une preuve prima facie indiquant que Rovi ne s’est pas occupée de ses demandes de brevets de manière diligente. Les circonstances particulières de ce cas appellent une explication, mais aucune n’a été donnée. Tout ce que M. Armaly a pu trouver à dire était que causer des délais dans le traitement d’un brevet « ne fait aucun sens sur le plan des affaires ».

[620] La crédibilité de M. Armaly est encore descendue d’un cran en contre-interrogatoire lorsque des questions portant sur les demandes tardives de modifications des brevets de Rovi lui ont été posées. Il a éludé les questions en se demandant qui avait pu mener l’analyse du système de Télé Fibe en avril 2013 visant à déterminer s’il y avait eu contrefaçon, alors qu’il était évident que l’analyse avait été menée par Rovi ou au nom de Rovi. Il n’était pas non plus prêt à reconnaître que l’analyse avait été menée avant que Rovi modifie son brevet 870, notamment par l’ajout de revendications. M. Armaly a répondu [traduction] « Je ne sais pas. Je n’en serais pas surpris. »

[621] J’ai beaucoup de difficulté à accepter que M. Armaly, un avocat chevronné spécialisé dans les brevets dont le rôle était essentiellement axé sur la supervision du portefeuille de brevets de Rovi et qui avait justement été appelé à témoigner sur la stratégie de Rovi en matière d’avancement des brevets, ne connaisse pas l’historique de l’avancement des brevets. Feindre l’ignorance ne plaide pas en faveur de sa crédibilité.

[622] Rovi soutient qu’elle a fait des efforts significatifs de bonne foi pour négocier avec Bell, TELUS et Ericsson avant d’engager la présente procédure. Ce n’est que lorsque les négociations ont échoué qu’elle a intenté ces actions. Rovi prétend que son comportement était tout à fait approprié. Je ne suis pas de cet avis.

[623] Vue dans son ensemble, la tendance claire à retarder le traitement de certains de ses brevets et à modifier ses demandes tardivement amène inexorablement à la conclusion que les retards dans l’avancement des brevets ont été délibérément ancrés dans la stratégie commerciale de Rovi. Il est à noter que, durant toutes les négociations en matière de licences, Rovi n’a fait mention des brevets 482 et 585 ni à Bell ni à TELUS. Rovi n’a pas non plus fait mention à Bell du brevet 870, ne soulevant que les revendications du brevet 629 qu’elle n’a pas fait valoir dans la présente instance. En retardant la délivrance de ses brevets et en adoptant un comportement sournois au cours des négociations, Rovi a laissé Bell et TELUS intégrer pleinement la technologie prétendument brevetée dans leurs systèmes IPTV et attirer des millions de clients avant que de nombreuses revendications invoquées n’existent et avant même que les brevets ne soient délivrés.

[624] Une stratégie semblable est utilisée par des entités qui font valoir des brevets, c’est-à-dire des entreprises qui font l’acquisition de brevets de tiers en cherchant à obtenir plus que la valeur inhérente de l’invention présumée. Voici pourquoi. Lorsqu’il s’agit d’une négociation ex-ante, le concédant de licence potentiel ne paie qu’en fonction de la valeur que donne la technologie brevetée. Par contre, dans une négociation ex-post, lorsque cette technologie est déjà intégrée, le concédant de licence ne peut pas extraire la seule valeur de l’invention, il lui faut également extraire tous les coûts associés à une refonte du système en vue de retirer cette technologie.

[625] En n’étant pas diligente dans l’avancement de ses brevets, Rovi a laissé les défenderesses dans la position injuste de ne pas connaître les brevets qui auraient été prétendument contrefaits tandis que celles-ci essayaient de maximiser la valeur de leur technologie brevetée. Lorsque les brevets étaient en instance parce que les lettres patentes n’étaient pas délivrées, les défenderesses ne pouvaient intenter aucune action pour faire déclarer les brevets invalides conformément au paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets. La tentative de Rovi de jouer avec le système va à l’encontre de l’objectif d’une restitution des bénéfices. L’objectif du système de brevets est « d’encourager l’invention et de réglementer la délivrance de brevets au Canada » par l’octroi d’un monopole temporaire (Genecor International Inc c Canada (Commissaire aux brevets), 2008 CF 608, au para 39; Pope Appliance Corporation c Spanish River Pulp and Paper Mills Ltd, [1929] AC 269 citée dans CertainTeed Corporation c Canada (Procureur général), 2006 CF 436, au para 25. Les délais déraisonnables et inexplicables dans l’avancement des brevets portent préjudice au public et étouffent l’innovation prévue par le système des brevets.

[626] M. Bazelon a convenu que la « stagnation des brevets » ou délai dans la délivrance de brevets survient lorsque le détenteur profite du manque de flexibilité des contrefacteurs potentiels à la suite d’un lancement de produit en tentant d’obtenir des droits de licence élevés et déraisonnables, surtout sous la menace d’une ordonnance d’interdiction. Il s’agit d’une stratégie qui a été décrite : adopter avant tout litige un comportement qui vise à mettre le contrefacteur dans la position la plus défavorable pour la négociation; ensuite, retarder le brevet pour maximiser la dépendance du contrefacteur envers ce brevet et la proportion des bénéfices réclamés. Voir Jeff Berryman, « Comment on Norman Siebrasse, Business Method Patents and Patent Trolls », 54 Canadian Business Law Journal (2013), vol 54, 58-67, à la p 66.

[627] L’affaire dont je suis saisi illustre le problème de la « stagnation des brevets ». Le comportement de Rovi en l’espèce milite fortement contre l’octroi d’un recours en equity, la restitution des bénéfices, car cela inciterait les concessionnaires de licences à imiter le comportement de Rovi.

c) Comportement de Bell et de TELUS

[628] Le comportement d’un contrefacteur est un facteur pertinent au moment d’examiner la question de savoir si le demandeur a droit à une restitution des bénéfices. La contrefaçon délibérée, même si elle n’est pas nécessaire à l’octroi d’une restitution des bénéfices, peut renforcer l’argumentaire en faveur de ce recours (Laboratories Servier c Apotex Inc, 2008 CF 825, au para 509).

[629] Rovi fait valoir que les défenderesses connaissaient les brevets de Rovi et ont quand même opté pour la contrefaçon d’après les faits suivants. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[630] Selon Rovi, ce comportement démontre que les défenderesses connaissaient les brevets de Rovi, savaient que la contrefaçon de ces brevets était possible et ont décidé de prendre le risque calculé de ne pas obtenir de licences. Elle fait valoir qu’il s’agit bien du scénario « Essayez toujours de m’attraper pour voir » qui appelle la restitution des bénéfices. Je ne suis pas d’accord, car ce ne sont pas les faits qui m’ont été présentés.

[631] Rovi prétend que Bell et TELUS connaissaient les brevets de Rovi. Or, ce n’est pas le cas. Les défenderesses n’ont vu que les brevets exemplaires choisis par Rovi et ont eu un aperçu du portefeuille de brevets de Rovi. Aucun élément de preuve ne montre que les négociations de concession de licences étaient axées sur les revendications invoquées dans le présent litige, encore moins sur les brevets.

[632] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[633] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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[635] Selon le dossier de la preuve, je conclus que les défenderesses se sont comportées de manière responsable dans leurs relations avec Rovi et que leur conduite est irréprochable. Lorsque les défenderesses ont fait le lancement de leurs produits IPTV, elles étaient titulaires d’une licence de Rovi par l’intermédiaire de Microsoft. Les transactions de tiers, qui ne relèvent pas du contrôle des défenderesses, se seraient traduites par une perte de la couverture du brevet, selon Rovi, mais les défenderesses avaient déjà fait d’énormes investissements et payé Microsoft et Ericsson pour cette couverture. Dans de telles circonstances, il était tout à fait raisonnable de la part de Bell et de TELUS de demander à Rovi et à Ericsson de résoudre le problème.

[636] Il n’y a tout simplement rien au dossier qui prouverait la contrefaçon délibérée des défenderesses en l’espèce et appellerait des mesures dissuasives.

d) La question de savoir si le breveté a réalisé l’invention revendiquée par le brevet au Canada

[637] La preuve dont je dispose m’indique que Rovi n’est pas en compétition avec les défenderesses et ne peut offrir de service IPTV aux Canadiens. Si Rovi vend des logiciels, la majeure partie de ses bénéfices, près de 80 %, proviennent de licences de brevet. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||, et elle concède régulièrement des licences sur ses brevets. Les défenderesses font valoir qu’il s’agit là d’une autre raison pour ne pas accorder la restitution des bénéfices.

[638] Rovi soutient qu’il existe des raisons de principe valables pour ne pas refuser la restitution des bénéfices à celui qui ne met pas en œuvre son brevet. Parmi les justifications d’une restitution des bénéfices, elle relève l’interdiction de tirer profit d’une contrefaçon et aussi la dissuasion. Ces justifications s’appliquent également dans le cas où le breveté ne réalise pas son invention.

[639] La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé qu’un breveté qui ne réalisait pas d’invention ne devrait pas être privé du droit de choisir la restitution des bénéfices : Seedlings CAF, aux para 75-80. En même temps, la Cour a reconnu que la décision d’un breveté d’accorder des licences sur son invention est un facteur dont un tribunal peut tenir compte pour déterminer si le breveté a le droit de choisir une restitution des bénéfices.

[640] Le juge George R. Locke a émis une mise en garde contre l’application d’un principe large voulant qu’un breveté qui réalise des bénéfices par la concession de licences de brevet n’ait pas le droit de choisir une restitution des bénéfices (Seedlings CAF, au para 79, 80). Il s’est dit préoccupé de l’effet potentiel d’un principe aussi largement défini sur les inventeurs qui reconnaissent que leur point fort réside dans l’invention et qu’il est préférable pour eux de confier la production et la commercialisation de leurs inventions à d’autres spécialistes.

[641] Dans son rapport d’expert, M. Bazelon a dit être d’avis qu’il n’y avait pas lieu de faire une distinction entre une entité qui réalise ses inventions et une autre qui ne le fait pas et qui concède couramment des licences de brevet pour déterminer si le breveté a le droit à une restitution des bénéfices. Selon M. Bazelon, la différence qui existe entre une entité qui réalise ses inventions et une entité qui ne le fait pas et concède couramment des licences de brevet est une simple différence dans l’organisation de l’entreprise, et il n’y a pas lieu de faire de distinction entre elles. Sur ce point, je suis d’accord avec M. Bazelon.

[642] La question du droit d’une entité qui ne réalise pas ses inventions à une restitution des bénéfices doit être examinée sous l’angle du comportement de cette entité plutôt que sur la façon de commercialiser son invention, qui relève de l’efficacité commerciale.

3. Conclusion

[643] Après avoir soupesé les facteurs précédents, je ne suis pas disposé à exercer mon pouvoir discrétionnaire en faveur de Rovi. Le comportement de Rovi est en soi une raison suffisante pour lui refuser le droit de choisir la restitution des bénéfices. Ce faisant, je note que cela ne porte pas préjudice à Rovi, car elle peut encore réclamer des dommages-intérêts, sans doute une indemnité raisonnable, car c’est la mesure de compensation qui est accordée dans la vaste majorité des affaires de brevet.

B. Le droit de Rovi à une ordonnance d’interdiction

[644] Rovi sollicite une ordonnance d’interdiction concernant le brevet 585 qui expire en janvier 2024. Elle soutient que de ne pas accorder cette interdiction à un demandeur ayant eu gain de cause équivaut en fait à une expropriation des droits de propriété intellectuelle du demandeur et transforme en fait le régime des brevets en régime obligatoire de licences. Selon Rovi, il n’existe aucun motif valable de ne pas accorder une interdiction, vu les circonstances de l’espèce.

[645] Même si je suis d’accord qu’une interdiction est un recours vraisemblable dans le cas de contrefaçon, il demeure que ce recours en equity relève du pouvoir discrétionnaire du juge qui préside : Eurocopter, aux para 397, 398 et 410; Beloit, au para 108. Le libellé de l’article 57 de la Loi sur les brevets montre clairement qu’une conclusion de contrefaçon n’entraîne pas nécessairement une interdiction, mais que le juge a la possibilité de le faire.

[646] Pour décider s’il y a lieu de rendre une ordonnance d’interdiction, la Cour examine certains facteurs comme un long délai, la conduite reprochable, un caractère abusif ou une insignifiance : Eurocopter, au para 397; Novopharm, au para 132.

[647] Les défenderesses font valoir que les facteurs équitables de la discussion sur la restitution des bénéfices privent également Rovi du droit à une ordonnance d’interdiction. Elles disent que les longs délais de Rovi et la conduite raisonnable des défenderesses sont deux motifs valables de refuser d’accorder le droit à une ordonnance d’interdiction. Elles soulignent également que Rovi tire ses bénéfices de la concession de licences de brevet et qu’une indemnité raisonnable serait une compensation suffisante.

[648] Au cours de son contre-interrogatoire, M. Bazelon a convenu que la stagnation des brevets est un problème potentiel dans le système de brevets parce que, lorsqu’il lance son produit, le contrefacteur potentiel a une flexibilité réduite qui permet au breveté opportuniste d’essayer d’obtenir un droit de licence déraisonnable, surtout devant la menace possible d’une interdiction. Le caractère abusif de cette stratégie a été relevé dans la doctrine du Canada et des États-Unis et par la Cour suprême des États-Unis.

[649] Dans son arrêt eBay Inc v Merc-Exchange LLC, 547 US 388 (2006) [eBay], la Cour suprême des États-Unis a conclu que le critère à quatre volets généralement applicable aux injonctions permanentes s’applique dans les litiges soulevés en application de la loi sur les brevets et dans les actions en contrefaçon de brevet où la partie demanderesse a eu gain de cause, le titulaire de brevet qui concède sous licence ses brevets sans avoir d’activité commerciale dans la pratique de ses brevets n’est pas privé du droit d’obtenir une injonction permanente. Le juge Anthony M. Kennedy a émis des motifs concordants dans lesquels il dit être d’avis que dans le cas de sociétés se servant de brevets surtout pour obtenir de droits de licence, les dommages-intérêts représentent sans doute une compensation suffisante de la contrefaçon dans certains cas : aux pp 396, 397.

[traduction]

Dans les affaires qui voient maintenant le jour, les tribunaux de première instance doivent garder à l’esprit que dans bien des cas la nature du brevet mis en œuvre et la fonction économique du titulaire de brevet sont des considérations qui diffèrent passablement de ceux des affaires d’autrefois. Il s’est développé un nouveau secteur d’activité dans lequel les brevets ne servent plus à produire ou à vendre des biens, mais principalement à obtenir des droits de licence. Voir FTC, To Promote Innovation: The Proper Balance of Competition and Patent Law and Policy, ch 3, aux pp 38, 39 (oct. 2003), accessible à l’adresse http://www.ftc.gov/os/2003/ 10/innovationrpt.pdf (consulté le 11 mai 2006 et disponible au dossier du greffe de la Cour). Pour ce genre de sociétés, l’interdiction et les sanctions lourdes en cas d’infraction peuvent servir d’outil de négociation pour demander des droits exorbitants aux entreprises voulant obtenir une licence pour exploiter le brevet. Voir ibid. Lorsque l’invention brevetée ne représente qu’une petite composante de ce que l’entreprise cherche à produire et que la menace d’une interdiction ne sert qu’à donner un pouvoir excessif dans les négociations, les dommages-intérêts pourraient bien suffire à compenser une contrefaçon et l’interdiction pourrait ne pas servir l’intérêt public. De plus, la mesure injonctive peut avoir diverses conséquences sur le nombre croissant de brevets portant sur les méthodes commerciales, lesquelles n’avaient pas beaucoup d’importance autrefois sur les plans économique et juridique. Ces brevets, pouvant avoir un caractère flou ou une validité suspecte, pourraient influer sur le calcul suivant le critère à quatre volets.

[650] Dans son article « When Will a Permanent Injunction be Granted in Canada for Intellectual Property Infringement? The Influence of eBay v. Merc-Exchange » (2012) 24 Intellectual Property Journal 159, le professeur Jeff Berryman soutient qu’il y a des leçons à tirer de l’arrêt eBay à la page 175.

[traduction]

L’arrêt eBay montre qu’il est possible d’avoir un critère cohérent dans toutes les sphères de la propriété intellectuelle relativement à la disponibilité d’une injonction permanente. Il s’agit d’un critère qui est ostensiblement équilibré et qui envisage la possibilité de refuser d’accorder l’injonction même si le demandeur n’a plus qu’un recours en dommages-intérêts qui équivaut à une certaine forme de licence obligatoire. L’expérience américaine nous montre encore que l’abandon de critères catégoriels ne modifie pas radicalement le terrain. L’approche américaine a l’avantage de fournir de la flexibilité relativement à l’octroi de l’un des recours les plus coercitifs des tribunaux : l’injonction permanente. La venue de trolls de brevets a montré que cette flexibilité était nécessaire. Grâce à l’approche américaine, la possibilité de recourir à une interdiction pour maximiser une capacité d’exploitation s’amenuise.

[Renvois omis.]

[651] Je souscris aux commentaires du professeur Berryman et je considère qu’il conviendrait d’adopter l’approche américaine au pays. Comme je l’ai déjà mentionné, la présente espèce illustre le problème de la stagnation des brevets. Rendre une ordonnance d’interdiction sur la base des faits de la présente affaire enverrait le signal que notre Cour estime que la pratique commerciale de Rovi est acceptable et inciterait les entités de concession de licences à imiter la conduite de Rovi.

[652] La preuve dont je dispose m’indique que Rovi n’est pas en compétition avec Bell ou TELUS. Rovi reconnaît qu’elle ne peut fournir de service IPTV à des clients canadiens et concède couramment des licences pour ses brevets au Canada. Il s’agit effectivement d’une entité qui ne réalise pas ses inventions au Canada. À mon avis, il serait inéquitable d’empêcher Bell et TELUS de fournir des produits d’IPTV qui ne sont pas en compétition avec Rovi et il n’est pas dans l’intérêt public de refuser l’accès à des millions de clients aux services dont ils bénéficiaient déjà. L’expiration imminente du brevet 585 est une autre raison de ne pas imposer à Bell et à TELUS les coûts d’une modification de leurs systèmes pour se conformer à une ordonnance d’interdiction, alors que ces modifications seraient de courte durée.

[653] En l’espèce, une bonne politique et les considérations d’équité s’harmonisent. La stagnation des brevets est une pratique commerciale que notre Cour ne devrait pas tolérer et le système canadien de brevets ne devrait pas créer d’incitatifs pour des pratiques aussi déloyales. Il n’y a pas eu de conduite inappropriée de la part de Bell et de TELUS qui nécessiterait une sanction, alors que l’octroi d’une ordonnance d’interdiction risquerait très fortement de récompenser les retards de Rovi par une indemnisation excessive.

[654] Pour les motifs qui précèdent, je ne serais pas prêt à exercer mon pouvoir discrétionnaire pour Rovi en lui accordant une ordonnance d’interdiction.

XXI. Résumé et conclusion

[655] La preuve établit clairement que les revendications que Rovi a choisi d’invoquer à l’encontre de Bell et de TELUS sont invalides. Par conséquent, les requêtes de Rovi sont rejetées et les demandes reconventionnelles des défenderesses sont accueillies.

 


JUGEMENT dans les dossiers T-113-18 et T-206-18

LA COUR ORDONNE :

  1. Les actions des demanderesses sont rejetées.
  2. Les demandes reconventionnelles des défenderesses sont accueillies.
  3. Les revendications 346, 456, 721 et 724 du brevet canadien no 2 336 870 sont invalides et la revendication 346 n’est pas contrefaite.
  4. Les revendications 79, 80, 90 et 91 du brevet canadien no 2 339 629 sont invalides.
  5. Les revendications 1, 5, 13, 14, 41, 45, 53 et 54 du brevet canadien no 2 425 482 sont invalides et ne sont pas contrefaites.
  6. Les revendications 34, 36, 87 et 127 du brevet canadien no 2 514 585 sont invalides et la revendication 34 n’est pas contrefaite.
  7. La question des dépens est différée.

en blanc

« Roger R. Lafrenière »

en blanc

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossiers :

T-113-18 ET T-206-18

 

DOSSIER :

T-113-18

INTITULÉ :

ROVI GUIDES, INC. ET TIVO SOLUTIONS INC. c BELL CANADA

ET DOSSIER :

T-206-18

INTITULÉ :

ROVI GUIDES, INC. ET TIVO SOLUTIONS INC. c TELUS CORPORATION, TELUS COMMUNICATIONS INC. ET TELUS COMMUNICATIONS COMPANY

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

LeS 13 , 14, 15, 16 ET 17 juillet 2020, leS 20, 21, 22, ET 23 juillet 2020, leS 27, 28, 29, 30 ET 31 juillet 2020, leS 4, 5 ET 6 août 2020, leS 14 ET 15 janvier 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS

LE JUGE LAFRENIÈRE

Date des JUGEMENT ET MOTIFS confidentiels :

LE 7 OCTOBRE 2022

Date des jugement et motifs publics :

LE 24 OCTOBRE 2022

COMPARUTIONS :

Sana Halwani

Andrew Parley

Paul-Erik Veel

Kaitlin Soye

Jacqueline Chan

 

POUR LES DEMANDERESSES/

DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES

Steven Mason

Fiona Legere

Richard J. Lizius

Tracey Doyle

Brandon Mattalo

Emilie Bruneau

 

POUR LES DÉFENDERESSES/

DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lenczner Slaght Royce Smith Griffin LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES/

DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES/

DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES

 



 

[1] Brevet américain no 5 583 560 « Method and Apparatus for Audio-Visual Interface for the Selective Display of Listing Information and Display » (Méthode et appareil d’une interface audiovisuelle permettant d’afficher sélectivement des renseignements à l’écran), FC226, pièce 55 (Florin).

 

[2] Brevet OMPI no 92/22983, « Enregistreur-lecteur de grandes capacités, à accès sélectif et à sources multiples » (Browne).

[3] Brevet américain no 5 751 282, « System and Method for Calling Video on Demand Using an Electronic Programming Guide » (Système et méthode pour commander une vidéo sur demande à l’aide d’un guide d’émissions électronique) (Girard).

[4] Brevet américain no 5 675 734, « System for Transmitting Desired Digital Video or Audio Signals » (Système de transmission des signaux vidéo ou audionumériques souhaités) (Hair).

 

[5] Brevet canadien no 2 321 462 « Système numérique à applications sur demande permettant la diffusion interactive par télévision/multimédia/Internet » (iMagic).

[6] Brevet OMPI no WO 01/93588, « Procédé et système permettant d’enregistrer des émissions régulières sans équipement d’enregistrement local » (Minerva).

[7] Brevet américain no 5 751 282, « System and Method for Calling Video on Demand Using an Electronic Programming Guide » (Système et méthode pour commander une vidéo sur demande à l’aide d’un guide d’émissions électronique) (Microsoft).

[8] Brevet américain no 6 028 600, « Rotary Menu Wheel Interface » (Interface à menu rotatif) (Rosin).

[9] Brevet américain no 5 657 072, « Interactive Entertainment Network System and Method for Providing Program Listings During Non-Peak Times » (Système et méthode de divertissement interactif par réseau livrant des listes d’émissions lors des heures creuses) (Aristides).

[10] Brevet américain no 5 850 218, « Inter-active Program Guide with Default Selection Control » (Guide d’émissions interactif avec commande de sélection par défaut) (LaJoie).

[11] Brevet britannique no 2 325 537, « An Electronic Television Programme Guide » (Guide d’émissions de télévision électronique) (O’Robarts).

 

[12] Brevet américain no 6 138 147 « Method and Apparatus for Implementing Seamless Playback of Continuous Media Feeds » (Méthode et appareils servant à mettre en œuvre une lecture en contenu provenant de flux de médias continus), FC194, pièce 73; Rapport 73 de Robinson sur le brevet 585, paragraphes 227 à 232.

[13] « Real-Time Encoding and Feeds in Oracle Video Server: An Oracle White Paper » (Encodage et flux en temps réel sur un serveur vidéo Oracle : Livre blanc d’Oracle), Robert Ash, mars 1998, FC193, pièce 73; Rapport 73 de Robinson sur le brevet 585, paragraphes 216 à 226.

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