[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 21 octobre 2022
En présence de monsieur le juge Favel
demanderesse
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et
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LA PREMIÈRE NATION CARRY THE KETTLE
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défenderesse
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I. Nature de l’instance
[1] Orleen Saulteaux [la demanderesse] demande le contrôle judiciaire d’une décision datée du 3 novembre 2021 du Conseil de bande de la Première Nation Carry the Kettle [PNCTK ou la défenderesse] visant à destituer la demanderesse de son poste de conseillère [la décision].
[2] La demanderesse demande une ordonnance annulant la décision, une ordonnance déclarant qu’elle a droit à toute la rémunération qui lui aurait été versée en tant que conseillère à partir de la date de sa destitution jusqu’à la prochaine élection de la PNCTK, et une ordonnance à l’égard des dépens sur la base d’une somme globale élevée.
[3] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La demanderesse a été privée d’équité procédurale. La décision est également déraisonnable parce que la défenderesse a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.
II. Contexte
[4] La PNCTK est une nation des Nakota sur le territoire visé par le Traité no 4 dans le sud‑est de la Saskatchewan. La PNCTK est gouvernée par un chef et jusqu’à six conseillers.
A. La Loi électorale
[5] Les 14 et 15 décembre 2017, la PNCTK a promulgué la Cega-kin Nakoda Oyate Custom Election Act [Loi électorale coutumière Cega-Kin Nakoda Oyate ou Loi électorale] par un vote des membres. La Loi électorale est entrée en vigueur le 28 janvier 2018.
[6] L’article 19 de la Loi électorale permet au chef et au Conseil de destituer un conseiller en cas de comportement inacceptable, notamment de [traduction] « mauvaise conduite »
. Le paragraphe 19(3) énonce en outre dix motifs de destitution.
[7] L’article 12 de la Loi électorale prévoit la création du Tribunal de Cega-Kin Nakoda Oyate, composé de quatre membres de la PNCTK et d’un non-membre [le Tribunal]. Dans les procédures de destitution, le Tribunal fournit une recommandation au Conseil de bande, plutôt que de prendre une décision. Le paragraphe 19(6) précise que les autres membres du Conseil [traduction] « votent ensuite sur la question de savoir si le poste de conseiller concerné a été libéré pour contravention »
. L’alinéa 19(6)a) exige un vote à la majorité des deux tiers des membres du Conseil de bande pour la destitution.
[8] Cette affaire constitue la première fois que la PNCTK a été tenue de recourir aux procédures de destitution prévues à l’article 19 de la Loi électorale.
B. Événements ayant conduit à la réunion spéciale
[9] En janvier et février 2020, deux employés de la PNCTK, Fayth Runns et Patrick Chopik [les plaignants], ont déposé des plaintes contre la demanderesse pour avoir menacé et intimidé les plaignants, s’être livrée à une ingérence politique et avoir enfreint la politique sur les conflits d’intérêts [les plaintes]. La demanderesse affirme que les plaintes ont été déposées parce qu’elle a déjà soulevé des préoccupations concernant les problèmes de gestion financière. Elle affirme également que d’autres employés de la PNCTK ont porté plainte contre d’autres conseillers, dont le conseiller Eashappie, mais que ces plaintes n’ont jamais fait l’objet d’une enquête. La défenderesse affirme que la demanderesse a ciblé Patrick Chopik parce qu’il a remplacé la mère de cette dernière en tant que directeur des finances de la PNCTK.
[10] Le 7 février 2020, à la suite des plaintes, le Conseil de bande a adopté une résolution du Conseil de bande suspendant la demanderesse avec salaire [RCB de février 2020]. La RCB a reconnu [traduction] « l’inconduite d’un conseiller de la PNCTK en violation de l’alinéa 9(1)2) de la [Loi électorale], et d’appliquer le paragraphe 20(1) ».
[11] Le 19 février 2020, la demanderesse a été informée des plaintes, en a reçu des copies et a été invitée à faire part de son point de vue au Conseil de bande lors d’une réunion prévue le 28 février 2020. Le 27 février 2020, l’avocat de la PNCTK a écrit à l’avocat de la demanderesse pour réitérer le contenu de la lettre du 19 février 2020, mais a confirmé que la demanderesse n’avait [traduction] « pas été suspendue en tant que conseillère »
.
[12] Après la réunion du 28 février 2020, à laquelle la demanderesse a assisté, la PNCTK a nommé un enquêteur indépendant chargé d’examiner les plaintes [l’enquête]. Dirk Silversides, membre du barreau de la Saskatchewan, a été engagé pour mener l’enquête. L’enquête a comporté des entrevues, au cours desquelles les personnes interrogées ont eu l’occasion de résumer leurs témoignages et d’en confirmer l’exactitude. Les plaintes déposées contre d’autres membres du Conseil n’ont pas été examinées au cours de l’enquête.
[13] Le 3 mars 2020, la demanderesse s’est opposée à l’enquête, alléguant, entre autres, que le conseiller Eashappie avait orchestré les plaintes et que quatre plaintes formelles contre le conseiller Eashappie n’avaient pas fait l’objet d’une enquête.
[14] Le 7 juillet 2020, une réunion a été tenue avec des membres de la PNCTK. Lors de la réunion, la demanderesse a évoqué des plaintes contre d’autres conseillers qui n’avaient pas fait l’objet d’une enquête. Elle a également accusé le Conseil de bande d’être corrompu et d’accepter des pots-de-vin, et a révélé les détails d’une réunion à huis clos. Le Conseil de bande a envoyé une lettre de mise en demeure à la demanderesse, la menaçant de poursuites judiciaires pour diffamation.
[15] Le 24 juillet 2020, M. Silversides a terminé son rapport [le rapport], concluant que les plaintes étaient fondées. Le rapport résume les plaintes, la réponse de la demanderesse et les conclusions de M. Silversides. La demanderesse a reçu une copie du rapport le 26 août 2020. Le même jour, la PNCTK a avisé la demanderesse qu’une réunion spéciale devant le Tribunal se tiendrait le 2 septembre 2020 afin de décider si elle serait destituée de ses fonctions [l’avis de 2020]. L’avis de 2020 contenait cinq allégations, y compris celles mentionnées dans la lettre de mise en demeure.
[16] La réunion du 2 septembre 2020 a été ajournée parce que les enfants de la demanderesse avaient été impliqués dans un accident tragique. L’un des enfants de la demanderesse est décédé et l’autre a subi des lésions permanentes.
[17] Près de neuf mois se sont écoulés après l’ajournement de la réunion de septembre 2020. La demanderesse n’a jamais demandé officiellement à la PNCTK de reprendre ses fonctions. En avril 2021, la demanderesse a demandé que son téléphone portable professionnel soit mis à niveau. Des questions ont ensuite été soulevées quant à savoir si les dépenses devaient être approuvées lorsque la demanderesse ne remplissait pas ses fonctions de conseillère. Le 28 avril 2021, le chef O’Watch a envoyé un avis de destitution à la demanderesse, l’informant qu’elle ne recevrait plus de salaire à compter du 1er mai 2021. La demanderesse déclare avoir reçu la lettre le 21 mai 2021.
[18] Dans une lettre datée du 8 juin 2021, l’avocat de la demanderesse a écrit au Conseil de bande, affirmant que la destitution de la demanderesse était illégale en raison du non-respect de la Loi électorale. Le Conseil de bande, par une résolution datée du 24 juin 2021, a réintégré la demanderesse avec salaire rétroactif, mais cette dernière est restée suspendue.
C. La réunion spéciale et la recommandation
[19] Le 6 août 2021, la PNCTK a avisé la demanderesse de la tenue d’une réunion spéciale devant le Tribunal, prévue pour le 13 août 2021 [l’avis de 2021]. L’avis de 2021 comprenait des allégations supplémentaires relatives à la conduite de la demanderesse en 2018 (l’allégation no 2, ci-dessous), qui ne figuraient pas dans l’avis de 2020. L’avis de 2021 énonçait les allégations suivantes :
[20] La réunion du 13 août 2021 a été ajournée afin de donner à la demanderesse le temps de se préparer. Elle a été reportée au 15 août 2021, mais a été de nouveau ajournée parce que l’avocat de la demanderesse était malade. La réunion spéciale a finalement eu lieu le 19 octobre 2021 devant trois membres du Tribunal [la réunion spéciale].
[21] Avant la réunion spéciale, la PNCTK a invité la demanderesse à fournir des arguments écrits et des éléments de preuve. L’avocat de la demanderesse a envoyé des observations écrites et des centaines de pages de documents la veille de la réunion spéciale.
[22] Au cours de la réunion spéciale, la demanderesse a été informée des allégations portées contre elle et a eu l’occasion de présenter des observations. La demanderesse a posé des questions et a répondu à celles qui lui ont été posées. Toutefois, aucun témoin n’a témoigné et les plaignants n’ont pas déposé d’affidavit. La demanderesse déclare plutôt que le conseiller Eashappie a fourni des résumés par ouï-dire de la preuve à l’encontre de la demanderesse.
[23] Le 26 octobre 2021, le Tribunal a conclu que toutes les allégations, à l’exception des allégations no 2 et no 6, étaient fondées. Le Tribunal a conclu que les actes de la demanderesse constituaient une faute et a recommandé sa destitution [la recommandation]. La recommandation a été envoyée à la PNCTK et à son avocat, mais pas à la demanderesse. La demanderesse n’a appris l’existence de la recommandation qu’après le prononcé de la décision.
III. La décision
[24] Le 3 novembre 2021, le Conseil de bande a assisté à une réunion régulièrement convoquée. Lors de cette réunion, à laquelle la demanderesse n’a pas été invitée ni n’en a été avisée, le Conseil de bande a voté la destitution de la demanderesse. Le procès-verbal de la réunion indique que le [traduction] « Tribunal a recommandé de destituer Orleen Saulteaux de ses fonctions de Conseil de la nation »
et que [traduction] « le Chef et le Conseil acceptent la recommandation du Tribunal »
.
[25] La demanderesse n’a pas été informée qu’elle avait été destituée de ses fonctions. Dans l’après-midi du 3 novembre 2021, la demanderesse a remarqué qu’elle n’avait pas été payée et que son téléphone professionnel avait cessé de fonctionner. La demanderesse a contacté le service des finances de la PNCTK, qui lui a expliqué qu’il lui avait été demandé de cesser les paiements. La demanderesse a ensuite pris connaissance de la décision par le biais d’un message Facebook du 4 novembre 2021, dans lequel le chef O’Watch déclarait que la demanderesse avait été destituée et que le conseil avait [traduction] « accepté la recommandation »
du Tribunal. Le Conseil de bande n’a pas fourni d’autres motifs pour justifier sa décision.
IV. Question préliminaire
[26] La défenderesse soutient que la Cour fédérale n’est pas compétente pour réexaminer les décisions relatives à la destitution prises par la PNCTK. Plus précisément, la défenderesse soutient que les articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, ne confèrent à la Cour fédérale que la compétence d’exercer le contrôle judiciaire des actes d’un « office fédéral »
. Le paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales définit un « office fédéral »
comme un organisme exerçant une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale (Première Nation Crie Mikisew c Canada (Gouverneur général en conseil), 2018 CSC 40 au para 18 [Mikisew Cree]).
[27] La défenderesse affirme que le pouvoir de la PNCTK d’adopter des lois autochtones n’est conféré par aucune loi fédérale ou aucune prérogative de la Couronne. Bien que ces lois soient reconnues par la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5, elles ne sont pas habilitées par la Loi sur les Indiens et n’en dépendent pas. Par ailleurs, la défenderesse soutient que les articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales ne s’appliquent pas au Parlement (Mikisew Cree, au para 18). Par conséquent, ces articles ne devraient pas s’appliquer aux pouvoirs exercés par les gouvernements autochtones, car ces derniers sont assimilés au Parlement, et non à une forme de gouvernement inférieure.
[28] La défenderesse reconnaît que la Cour fédérale s’est déjà déclarée compétente pour examiner des décisions prises aux termes des lois électorales coutumières autochtones (Thomas c One Arrow First Nation, 2019 CF 1663 au para 14 [One Arrow]).
[29] La défenderesse n’explique pas suffisamment pourquoi la Cour devrait s’écarter du précédent établi. Dans l’arrêt R c Comeau, 2018 CSC 15, la Cour suprême du Canada a précisé les circonstances dans lesquelles un tribunal de première instance peut chercher à changer le statu quo (aux para 23 et 34). La défenderesse ne traite pas des affaires citées par le juge Grammond dans l’affaire One Arrow (au para 14) et ne fait pas non plus d’observations sur l’évolution fondamentale de la jurisprudence et de la société depuis que ces affaires ont été tranchées. La défenderesse affirme plutôt que le droit reconnaît désormais la nature inhérente du droit coutumier autochtone et que cette reconnaissance est nécessaire à la réconciliation. Avec respect, l’affirmation selon laquelle la défenderesse ne souscrit pas au principe de l’arrêt One Arrow n’est pas suffisante. En l’absence d’autres observations sur les raisons pour lesquelles la Cour devrait s’écarter du précédent, l’argument de la défenderesse concernant la compétence doit être rejeté.
V. Questions à trancher et norme de contrôle
[30] Après avoir examiné les observations des parties, les questions à trancher sont les suivantes :
[31] La demanderesse soutient que les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon une norme qui s’apparente à celle de la décision correcte, mais que la question ultime est celle de savoir si la procédure a été équitable dans toutes les circonstances (Shirt c Nation Crie de Saddle Lake, 2022 CF 321 au para 32). La demanderesse soutient également que le bien‑fondé de la décision, y compris la question de savoir si la PNCTK a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov 2019 CSC 65 aux para 23‑25 [Vavilov]).
[32] La défenderesse est d’accord avec les observations de la demanderesse sur la norme de contrôle. Toutefois, la défenderesse souligne que ces normes doivent être examinées à la lumière des [traduction] « droits inhérents de la PNCTK à l’autonomie gouvernementale »
et dans le but de favoriser le développement et la reconnaissance des lois autochtones protégées par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 (Renvoi à la Cour d’appel du Québec relatif à la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, 2022 QCCA 185). La défenderesse soutient qu’un degré élevé de déférence est dû aux décideurs des Premières Nations lors du contrôle d’une décision prise en vertu de la coutume (Hill c Nation des Onneiouts de la Thames et Clinton Wayne Hill, 2014 CF 796 au para 46). En outre, bien que les traditions juridiques autochtones semblent différentes des processus juridiques occidentaux, elles ne sont pas moins équitables. La défenderesse soutient que la Cour risque de devenir un instrument d’oppression si elle insiste sur l’adhésion aux idéaux occidentaux d’équité procédurale.
[33] Je suis d’accord avec les parties pour dire que le bien-fondé de la décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Aucune des exceptions énoncées dans l’arrêt Vavilov ne s’applique en l’espèce (aux para 16-17).
[34] Le contrôle d’une décision selon la norme du caractère raisonnable exige que la Cour examine l’intelligibilité, la transparence et la justification de la décision. En effectuant le contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit examiner à la fois le résultat de la décision et la justification de ce résultat, en particulier dans la mesure où ils sont liés aux contraintes factuelles et juridiques pertinentes (Vavilov, aux para 87, 99). Toutefois, une cour de révision doit s’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur »
(Vavilov, au para 125, citant Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31 au para 55). Lorsque les motifs du décideur permettent à la cour de révision de comprendre pourquoi la décision a été rendue et de déterminer si la décision appartient aux issues possibles acceptables, la décision sera jugée raisonnable (Vavilov, aux para 85-86).
[35] L’entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire est un type d’erreur substantielle qui porte sur le fond d’une décision. Cependant, quelle que soit la norme de contrôle appliquée, une décision résultant d’une entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire sera « en soi déraisonnable » (Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299 aux para 20-25 [Stemijon]; Gordon c Canada (Procureur général), 2016 CF 643 au para 27; Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Keto, 2020 CF 467 au para 29; Sheikh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 199 aux para 15-16).
[36] Je suis également d’accord avec les parties sur le fait que les questions d’équité procédurale peuvent faire l’objet d’un contrôle selon une norme qui s’apparente à celle de la décision correcte. Aucune déférence n’est due quant aux questions d’équité procédurale (Connolly c Canada (Revenu national), 2019 CAF 161 au para 57). Toutefois, « [l]’obligation d’équité procédurale en droit administratif est « éminemment variable », intrinsèquement souple et tributaire du contexte »
(Vavilov, au para 77). Dans le contexte des lois autochtones
« le contenu de cette obligation dépend des circonstances particulières et du contexte particulier de [l’organe d’appel].
Ce contexte peut et doit englober le respect des cours de justice envers la coutume considérée »
(Bruno c Commission d’appel en matière électorale de la Nation Crie de Samson, 2006 CAF 249 au para 20 [Samson Cree]; Labelle c Chiniki First Nation, 2022 CF 456 aux para 91-92 [Chiniki].
VI. Analyse
A. La demanderesse a-t-elle été privée de son droit à l’équité procédurale?
(1) Omission d’examiner les observations de la demanderesse
a) Position de la demanderesse
[37] La PNCTK n’a pas examiné les observations écrites de la demanderesse, qui ont été remises à l’avocat de la défenderesse la veille de la réunion spéciale. L’avocat de la défenderesse a omis par inadvertance de transmettre les observations écrites de la demanderesse à la PNCTK. Un décideur administratif ne peut pas rejeter les observations écrites au seul motif qu’elles ont été déposées en retard (Caceres c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 843 au para 23 [Caceres]; Haile c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 538 aux para 50, 62 [Haile]). La décision a été rendue deux semaines après la présentation des observations écrites, mais la PNCTK n’explique pas pourquoi les observations de la demanderesse n’ont jamais été prises en considération.
b) Position de la défenderesse
[38] Avant cette demande de contrôle judiciaire, la défenderesse n’était pas au courant que la demanderesse avait présenté des observations écrites. Les observations écrites de la demanderesse n’ont pas été examinées parce que son avocat les a envoyées à 21 h la veille de la réunion spéciale, en même temps que des centaines d’autres pages de documents. Lors de la réunion spéciale, la demanderesse a refusé d’accepter un classeur d’audience et n’a jamais fait référence à ses observations écrites. La loi attend des parties qu’elles fassent preuve d’un niveau élémentaire de responsabilité et de diligence pour s’assurer que les documents sur lesquels elles cherchent à s’appuyer se trouvent devant un décideur (Ahmad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1997 CanLII 5958 (CF) au para 6 [Ahmad]). La demanderesse a créé une circonstance susceptible de donner lieu à une erreur humaine, a fait l’autruche et reproche maintenant au décideur de n’avoir pas tenu compte de ses observations.
[39] Les affaires Caceres et Haile se distinguent de la présente affaire. Dans ces affaires, les décideurs ont refusé de prendre en considération les observations tardives alors qu’ils en connaissaient l’existence. En l’espèce, des efforts ont été déployés pour tenir compte des observations tardives de la demanderesse et la défenderesse ne savait pas que ces observations comprenaient des arguments écrits. Quoi qu’il en soit, l’essentiel des arguments écrits de la demanderesse (à savoir que la demanderesse conteste les allégations) a été soulevé lors de la réunion spéciale et examiné en conséquence.
c) Conclusion
[40] Je conclus que la défenderesse a violé le droit de la demanderesse à l’équité procédurale en omettant de tenir compte des observations écrites de la demanderesse.
[41] Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire que cette affaire est semblable aux affaires Caceres et Haile. Je n’accepte pas que les affaires Caceres et Haile se distinguent de l’espèce parce que les décideurs dans ces affaires savaient que les demandes tardives existaient. Au contraire, le dossier dont dispose la Cour montre que l’avocat de la PNCTK savait – ou, à tout le moins, aurait dû savoir – que la demanderesse avait présenté des observations écrites.
[42] Le 18 octobre 2021 à 20 h 54, l’avocat de la demanderesse a envoyé à l’avocat de la défenderesse un courriel indiquant : [traduction] « Je joins un mémoire que j’ai préparé au nom de Mme Saulteaux.
J’enverrai également, dans un courriel séparé, un lien de téléchargement pour les documents auxquels Mme Saulteaux pourrait se référer lors de l’audience »
[non souligné dans l’original]. À 21 h 20, l’avocat de la défenderesse a répondu en remerciant l’avocat de la demanderesse. Le lendemain matin, l’avocat de la défenderesse a envoyé aux membres du Tribunal un courriel indiquant que [traduction] « [n]ous avons reçu hier soir des observations écrites et des documents de la part de la conseillère Orleen Saulteaux pour la réunion d’aujourd’hui […] »
.
[43] Ce qui précède indique clairement que l’avocat de la défenderesse était au courant que la demanderesse avait envoyé des observations écrites. Il indique également que l’avocat de la défenderesse a informé le Tribunal qu’il avait reçu les observations écrites. Je ne peux donc pas accepter que la défenderesse ignorait que la demanderesse avait présenté des observations écrites jusqu’à ce que la présente demande de contrôle judiciaire soit introduite. Le Conseil de bande n’était peut-être pas au courant, mais son avocat aurait certainement dû l’informer autrement.
[44] Bien que j’admette que les parties doivent faire preuve d’un minimum de diligence pour s’assurer que les documents sont présentés au décideur, je ne suis pas d’accord avec la défenderesse pour dire que la présente affaire est similaire à l’affaire Ahmad. Dans cette affaire, les documents n’ont jamais été remis au décideur et la demanderesse n’a jamais fait de suivi pour confirmer la réception (au para 6). En l’espèce, il est clair que l’avocat a reçu les observations écrites de la demanderesse et en a confirmé la réception le 18 octobre 2021 à 21 h 20. L’avocat, et non la demanderesse, avait l’obligation de s’assurer que ce document était remis à sa cliente.
[45] La preuve indique également que la défenderesse n’a jamais fixé de date limite pour les observations de la demanderesse. L’avis de 2021 indique ce qui suit : [traduction] « [v]euillez soumettre toute preuve documentaire et tout commentaire écrit que vous pourriez avoir avant la réunion; ces documents et commentaires seront transmis au [Tribunal] pour examen »
. Le chef O’Watch, lors du contre-interrogatoire, a expliqué qu’il ne se souvenait pas s’il y avait eu une ordonnance de procédure fixant une date limite pour les soumissions.
[46] Le mercredi 13 octobre 2021, l’avocat de la défenderesse a demandé à l’avocat de la demanderesse si cette dernière présenterait des arguments écrits. L’avocat de la demanderesse n’a pas répondu. L’avocat de la défenderesse a envoyé un courriel de suivi le 17 octobre 2021 à 21 heures, deux jours avant la réunion spéciale. Le lendemain matin, l’avocat de la demanderesse l’a informée qu’elle fournirait des [traduction] « documents »
et des [traduction] « observations écrites »
plus tard dans la journée [non souligné dans l’original]. L’avocat de la défenderesse a pris connaissance de ces courriels et n’a pas soulevé d’objections quant au moment de leur envoi.
[47] La défenderesse avance deux raisons pour lesquelles le fait que les observations écrites de la demanderesse n’aient jamais été examinées. Premièrement, la défenderesse soutient qu’elle n’a pas eu le temps de lire les observations de la demanderesse. Je ne suis pas de cet avis. Le Conseil de bande, en tant que décideur final, a disposé de deux semaines entre la publication de la recommandation et la décision pour examiner les observations écrites de la demanderesse.
[48] Deuxièmement, la défenderesse soutient que l’erreur est sans conséquence parce que la demanderesse a présenté des observations orales lors de la réunion spéciale, au cours de laquelle l’essentiel des arguments écrits de la demanderesse a été examiné. Je ne suis pas de cet avis. L’avocat de la demanderesse, qui a préparé les observations écrites, ne s’est pas présenté à la réunion spéciale. La demanderesse a présenté des observations orales elle-même. Les observations écrites de la demanderesse expliquent sa position et ce qu’elle considère comme son [traduction] « obligation fiduciaire »
de communiquer ouvertement avec les membres du groupe; elles déclarent que les dispositions relatives à la destitution doivent être interprétées conformément aux principes constitutionnels comme la liberté d’expression; elles s’opposent au manque d’impartialité de la procédure et fournissent une objection détaillée à chaque allégation. À mon avis, bien que la demanderesse ait pu nier les allégations portées contre elle, il est loin d’être probable qu’elle ait été en mesure de formuler elle-même l’intégralité de ses observations écrites.
[49] Dans l’affaire Samson, la Cour d’appel fédérale a conclu que si une Première Nation
« devrait avoir une latitude étendue de choisir ses propres procédures […] des garanties procédurales de base doivent exister »
(au para 22). De même, dans l’affaire Re Therrien, 2001 CSC 35 [Therrien], la Cour suprême du Canada a fait remarquer que
« l’obligation d’agir équitablement comporte essentiellement deux volets, soit le droit d’être entendu et le droit à une audition impartiale
(au para 82; Balfour c Norway House Cree Nation, 2006 CF 213 au para 67 [Balfour]).
[50] Je conviens que ces principes ne doivent être appliqués qu’après avoir pris en compte la coutume d’une Première Nation. La défenderesse soutient que la coutume de la PNCTK donne la priorité aux délibérations et aux discussions. Il est clair que l’objectif des délibérations et des discussions est d’entendre les parties concernées. Il est donc logique que la PNCTK ait invité la demanderesse à présenter des observations écrites. Cependant, en raison de l’inadvertance de l’avocat, la PNCTK n’a pas respecté sa propre coutume et, ce faisant, a violé le droit de la demanderesse à l’équité procédurale. Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire que ce seul élément suffit pour trancher cette affaire.
(2) Omission de communiquer la recommandation
a) Position de la demanderesse
[51] La PNCTK a violé le droit de la demanderesse à l’équité procédurale parce que la PNCTK n’a jamais communiqué la recommandation à la demanderesse, l’empêchant ainsi d’y répondre. Lorsque les décideurs ne fournissent pas d’éléments de preuve pertinents à l’encontre d’un demandeur, ce dernier est privé de l’occasion d’y répondre adéquatement (Tourangeau c Première Nation de Smith’s Landing, 2020 CF 184 au para 60). Le droit de connaître les arguments présentés à son endroit ainsi que le droit de présenter d’autres observations à ce sujet constituent « le niveau minimal d’équité auquel a droit toute personne dont les droits, privilèges ou intérêts sont compromis »
(Gladman c Canada (Procureur général), 2017 CAF 109 au para 40 [Gladman]).
[52] En règle générale, en droit administratif, lorsqu’un organisme fait une recommandation au décideur final, cette recommandation doit être communiquée à la partie concernée afin qu’elle sache à quoi s’en tenir. Cette règle a été appliquée à la Commission des droits de la personne, à la Commission des libérations conditionnelles et dans le cadre de diverses procédures d’immigration. Si la PNCTK avait communiqué la recommandation, la demanderesse aurait corrigé les erreurs relatives aux allégations no 3 et no 4 (discutées plus en détail ci-dessous).
b) Position de la défenderesse
[53] La demanderesse n’avait pas droit à la communication de la recommandation afin de présenter de nouvelles observations ou, essentiellement, de plaider à nouveau sa cause. La Loi électorale ne prévoit pas un tel droit. En revanche, la procédure prévue par la Loi électorale a été suivie. La recommandation n’est pas un « fait[…] important[…] défavorable[…] non divulgué[…] » (Gladman at para 40). Il s’agit plutôt d’une conclusion d’un organisme indépendant à la suite de la réunion spéciale. Les exemples cités par la demanderesse en matière de droits de la personne, de droit pénal et de droit de l’immigration s’inscrivent dans des contextes législatifs et culturels différents. Nombre d’entre eux peuvent également être distingués sur la base du fait que les documents n’ont pas été communiqués avant une audience ou une décision sur le fond. En l’espèce, la recommandation a été formulée à la suite de l’audience sur le fond.
c) Conclusion
[54] Les parties sont en désaccord sur la question de savoir dans quelle mesure les principes d’équité procédurale devraient s’appliquer aux décideurs autochtones agissant en vertu du droit coutumier. En conséquence, il convient d’examiner brièvement la relation entre le droit coutumier autochtone et les principes d’équité procédurale.
[55] D’une part, la jurisprudence indique clairement que les coutumes autochtones ne peuvent outrepasser les principes d’équité procédurale (Sparvier c Bande indienne de Cowessess no 73, [1993] 3 CF 142 au para 47, [1993] ACF no 446 (QL); Felix c Sturgeon Lake First Nation, 2014 CF 911 au para 76; Beardy c Beardy, 2016 CF 383 au para 126; Shirt c Nation Crie de Saddle Lake, 2017 CF 364 au para 54; Chiniki, au para 72). D’autre part, la Cour d’appel fédérale a récemment confirmé qu’un libellé clair dans les codes coutumiers autochtones peut écarter les principes d’équité procédurale (Sturgeon Lake Cree Nation c Hamelin, 2018 CAF 131 aux para 52-56 [Hamelin]; Grey c Première Nation de Whitefish Lake, 2020 CF 949 au para 28 [Whitefish]).
[56] À mon avis, que le droit coutumier autochtone soit écrit ou non, il fait partie du « régime législatif » qui doit être pris en compte lors de l’évaluation du degré d’équité procédurale (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 au para 24, 1999 CanLII 699 [Baker]). Cela est conforme à l’approche formulée dans l’arrêt Samson Cree, où la Cour a conclu que les cours de révision doivent tenir compte de la coutume pertinente lors de l’évaluation du contenu de l’obligation d’équité procédurale (au para 20).
[57] En l’espèce, la coutume de la PNCTK est codifiée dans la Loi électorale. La « hiérarchie des sources »
dicte que la loi, y compris les codes coutumiers promulgués par les législateurs autochtones, « l’emporte sur une loi subordonnée et sur la common law »
(Hamelin, au para 54). Cependant, « si une loi est muette ou ambiguë à l’égard des droits procéduraux des parties concernées, les tribunaux doivent l’interpréter d’une manière conforme aux principes de justice naturelle »
, y compris le droit à un décideur impartial (Hamelin, au para 53, citant l’arrêt Ocean Port Hotel Ltd c Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), 2001 CSC 52 aux para 21-24).
[58] En résumé, si la Loi électorale est muette ou ambiguë à l’égard des questions soulevées par la demanderesse, les principes de common law en matière d’équité procédurale s’appliqueront et la Cour devra prendre en compte les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker pour déterminer le contenu de l’obligation d’équité.
[59] Je prends acte de la conviction de la défenderesse que la PNCTK est semblable au Parlement et n’est pas une forme inférieure de gouvernement. Je comprends également très bien que la défenderesse conteste le fait que la Cour se soit déclarée compétente à l’égard de gouvernements autochtones qui ne sont pas communément considérés comme des offices fédéraux. Cependant, c’est l’état actuel du droit. Tant que les Premières Nations qui prennent des décisions en vertu du droit coutumier seront considérées comme des offices fédéraux, elles seront soumises aux principes du droit administratif. Néanmoins, ce qui précède montre que les Premières Nations agissant en vertu du droit coutumier peuvent exercer leur compétence inhérente en adoptant des codes coutumiers dans un libellé clair et en disposant d’un large consensus de la communauté, sous réserve, bien entendu, des restrictions constitutionnelles.
[60] En ce qui concerne la communication de la recommandation, je suis d’accord avec la défenderesse pour dire que les exemples invoqués par la demanderesse s’inscrivent dans des contextes législatifs et culturels différents. La manière dont les recommandations sont traitées dans le droit relatif aux droits de la personne, le droit pénal et le droit de l’immigration n’est pas d’une grande utilité. Il en va de même pour la manière dont les autres Premières Nations traitent les recommandations en vertu de leur droit coutumier, car les lois autochtones diffèrent d’une communauté à l’autre. La Cour ne s’intéresse qu’au droit coutumier de la PNCTK qui régit la procédure de destitution. Par conséquent, le point de départ de la Cour doit être la Loi électorale.
[61] L’article 19 de la Loi électorale régit la procédure de destitution. Les paragraphes 19(5) et 19(6) prévoient ce qui suit :
[TRADUCTION]
(6) Les autres membres du Conseil votent alors sur la question de savoir si la vacance du poste de conseiller visé découle d’une infraction à une ou plusieurs des dispositions énoncées au paragraphe 19(3) ci-dessus.
a) Le poste est considéré comme vacant pour l’un des motifs énumérés au paragraphe 19(3) si les deux tiers (2/3) des membres restants du Conseil votent en faveur de la vacance du poste de l’intéressé au sein du Conseil. La décision du Conseil est définitive.
[62] La Loi électorale n’indique pas clairement si la recommandation doit être communiquée. Toutefois, il ressort clairement des dispositions ci-dessus que la Loi électorale ne prévoit pas de seconde possibilité pour un conseiller accusé de présenter des observations après la réunion spéciale. À cet égard, les parties semblent s’entendre pour dire que le Conseil de bande, plutôt que le Tribunal, est le décideur final dans les procédures de destitution. En conséquence, on ne sait pas à quoi servirait la communication de la recommandation. Compte tenu de ces circonstances, je conclus que ni l’équité procédurale ni la coutume de la PNCTK n’exigeaient que la recommandation soit communiquée à la demanderesse. La demanderesse a eu l’occasion de présenter ses observations lors de la réunion spéciale, à laquelle le Conseil de bande a assisté.
(3) Omission de fournir les motifs
a) Position de la demanderesse
[63] Il a été porté atteinte au droit de la demanderesse à l’équité procédurale parce que ni le Tribunal ni le Conseil de bande n’ont fourni de motifs écrits (Vavilov, au para 136). Des motifs écrits étaient requis parce que les conséquences de la décision avaient une incidence considérable sur la demanderesse et que cette dernière s’était vu accorder des droits de participation (Duckworth c Première Nation de Caldwell, 2021 CF 648 au para 40; McCallum c Peter Ballantyne Cree Nation, 2016 CF 1165 au para 45; Vavilov, au para 77). Notre Cour et la Cour d’appel fédérale ont toujours annulé les décisions relatives à la destitution dont certains éléments n’étaient pas expliqués dans les motifs (Louie c Louie, 2018 CF 550 au para 37 [Louie]; Johnny c Bande indienne d’Adams Lake, 2017 CAF 147 au para 23 [Adams Lake]). En l’espèce, aucun aspect de la décision n’est expliqué.
[64] Contrairement aux observations de la défenderesse, des motifs peuvent toujours être requis lorsque les dirigeants élus votent sur une décision (Congrégation des témoins de Jéhovah de St-Jérôme-Lafontaine c Lafontaine (Village), 2004 CSC 48 aux para 12-13 [Lafontaine]).
b) Position de la défenderesse
[65] Certains régimes législatifs ne requièrent pas de motifs formels (Vavilov, au para 136). En l’espèce, la Loi électorale et les lois autochtones de la PNCTK n’exigent pas de motifs formels pour les procédures de destitution. Contrairement aux dispositions de la Loi électorale régissant les appels relatifs aux élections [art 12(7)j) et 12(7)k)], les dispositions régissant les procédures de destitution (art 19) ne mentionnent pas de motifs formels. En revanche, elles requièrent un [traduction] « vote »
à la majorité des deux tiers. Les législateurs, y compris les législateurs autochtones, sont présumés éviter les mots superflus ou dénués de sens; chaque mot dans une loi est présumé intentionnel. L’inclusion d’un libellé explicite dans certains articles de la Loi électorale indique que le législateur ne voulait pas exiger des motifs formels lorsqu’il n’est pas explicitement énoncé qu’ils sont requis (Lukács c Canada (Office des transports), 2014 CAF 76 au para 43 [Lukács]). En outre, étant donné que la décision a été prise par vote, il n’aurait pas été possible d’avoir une seule série de motifs formels (Vavilov, aux para 136-137).
[66] Enfin, l’affaire Lafontaine se distingue de la présente affaire parce qu’elle concernait une municipalité. Cette municipalité avait une procédure établie pour fournir des motifs. En outre, contrairement à une Première Nation, une municipalité est une entité créée par la loi assujettie aux principes du droit administratif. En revanche, la loi reconnaît désormais l’autorité inhérente des structures de gouvernance autochtones.
c) Conclusion
[67] À mon avis, la demanderesse avait droit à des motifs et l’omission du Conseil de bande de fournir des motifs est inéquitable sur le plan de la procédure (Vavilov, au para 136).
[68] La demanderesse cite les affaires Louie et Adams Lake pour montrer que les Cours ont annulé des décisions relatives à la destitution lorsque certains éléments de la décision n’avaient pas été expliqués dans les motifs. Les observations des Cours dans les affaires Louie et Adams Lake portent sur le caractère raisonnable des décisions, non pas sur l’équité procédurale. Ainsi, aucune de ces deux affaires ne soutient l’argument relatif à l’équité procédurale de la demanderesse.
[69] Les paragraphes 19(5) et 19(6) de la Loi électorale ne précisent pas si le Conseil de bande est tenu de fournir des motifs dans les procédures de destitution. Je prends note de l’argument de la défenderesse selon lequel, contrairement aux alinéas 12(7)j) et 12(7)k) de la Loi électorale qui se rapportent aux appels relatifs aux élections, l’article 19 ne fait pas spécifiquement référence à des « motifs ». Je conviens qu’en règle générale, les silences du législateur doivent être considérés comme voulus et être interprétés comme des exclusions implicites (Lukács, au para 43). Toutefois, la défenderesse invite la Cour à déduire que l’exclusion implicite dans la Loi électorale devrait être appliquée pour éviter les principes de common law en matière d’équité procédurale. Le même argument a été rejeté par la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’affaire Mercredi v Saskatoon Provincial Correctional Centre, 2019 SKCA 86 aux para 46-51 [Mercredi]. Je suis d’accord avec la Cour d’appel de la Saskatchewan pour dire que la dérogation législative aux principes d’équité procédurale doit effectivement être exprimée (Mercredi, au para 50). La Loi électorale ne dispose pas expressément que le Conseil de bande n’est pas tenu de fournir des motifs.
[70] La Loi électorale fait expressément référence au [traduction] « vote »
du Conseil de bande dans le processus décisionnel. Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada a noté que des motifs formels peuvent ne pas être donnés « dans le cas où le processus décisionnel ne se prête pas facilement à la production d’une seule série de motifs, par exemple lorsqu’une municipalité adopte un règlement ou lorsqu’un barreau rend une décision au moyen de la tenue d’un vote »
(Vavilov, au para 137). À mon avis, le fait que la Loi électorale fasse référence à un vote n’équivaut pas à un libellé clair de la loi qui déroge aux principes de l’équité procédurale. Bien que la Loi électorale établisse une procédure permettant au Conseil de bande de prendre une décision, elle n’abolit pas pour autant les principes d’équité procédurale.
[71] Par conséquent, la question ultime est de savoir si les principes de common law en matière d’équité procédurale exigeaient que le Conseil de bande fournisse des motifs. En ce qui concerne la common law, des motifs sont requis lorsque la décision a une incidence considérable sur la personne concernée et que cette personne a les droits de participer à la procédure (Vavilov, au para 77). Ces deux critères sont remplis. Compte tenu de l’importance de la décision, la demanderesse avait le droit de comprendre comment et pourquoi la décision avait été prise (Vavilov, au para 79). Je note que ce droit semble cohérent avec les valeurs qui sous-tendent les discussions, les délibérations et la recherche d’un consensus.
[72] À mon avis, les motifs du Conseil de bande n’avaient pas besoin d’être élaborés ou formels. Ces motifs peuvent même être oraux plutôt qu’écrits. Néanmoins, en cas de destitution d’un conseiller, des motifs seront presque toujours exigés en l’absence d’une disposition législative expresse indiquant le contraire.
(4) Défaut de garantir l’impartialité/l’indépendance
a) Position de la demanderesse
[73] Le droit de la demanderesse à l’équité procédurale a été violé parce que le Conseil de bande a agi en tant que décideur, plaignant, poursuivant et témoin. Il n’y avait pas de séparation entre ces différentes fonctions, ce qui a donné lieu à une crainte raisonnable de partialité (2747-3174 Québec Inc c Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 RCS 919, 140 DLR (4th) 577 [Québec Inc]; MacBain c Lederman, [1985] 1 CF 856, 22 DLR (4th) 119 (CA) [Lederman]). Bien que la Loi électorale exige que le Conseil de bande agisse en tant que décideur, son rôle de plaignant, de poursuivant et de témoin est incompatible avec une prise de décision indépendante et impartiale. La demanderesse devait essentiellement persuader le décideur de rejeter les éléments de preuve et les allégations que le décideur avançait. Les membres du Conseil de bande auraient dû se récuser de la fonction décisionnelle. Au lieu de cela, ils ont choisi d’être juge dans leur propre cause, allant à l’encontre du principe selon lequel nul ne peut être juge et partie (Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c Montréal (Ville), [1997] 1 RCS 793 au para 73, 144 DLR (4th) 577 [Syndicat canadien], citant Renée Dussault & Louis Borgeat, Traité de droit administratif, 2e éd. (Toronto : Carswell, 1990) vol 4 aux p 244 et 245).
[74] Une crainte raisonnable de partialité est également apparue parce que l’avocat de la PNCTK a prodigué des conseils sur les processus de poursuite et d’arbitrage (Québec Inc, aux para 54-56). Le même avocat a menacé la demanderesse de poursuites judiciaires pour diffamation. Aborder une affaire avec un devoir de loyauté et de défense zélée à l’égard de l’une des parties au litige est fondamentalement incompatible avec une fonction juridictionnelle neutre et indépendante. Essentiellement, le Tribunal a été conseillé par un avocat qui était également tenu de défendre les intérêts personnels du Conseil de bande dans un litige potentiel distinct contre la demanderesse.
b) Position de la défenderesse
[75] Le Conseil de bande n’est pas assujetti aux principes du droit administratif tels que les notions occidentales d’indépendance et d’impartialité. Les procédures de destitution de la PNCTK ne sont pas de nature « administrative »
. Elles sont établies conformément aux lois autochtones et à la compétence inhérente de la PNCTK. Dans le cadre des processus juridiques autochtones de la PNCTK, il n’y a pas de « poursuite »
formelle suivie d’une « défense ». En revanche, les processus utilisés lors de la réunion spéciale favorisent la discussion, les délibérations et la recherche d’un consensus. Dans le contexte des procédures de destitution des Premières Nations, il n’est pas possible de s’attendre à retrouver une objectivité semblable à celle d’un tribunal (Hall c Première Nation Kwikwetlem, 2020 CF 994 aux para 47-48 [Hall]). Le degré d’indépendance exigé d’un décideur est déterminé par sa loi d’habilitation, y compris le règlement électoral de la Première Nation (Whitefish, au para 28). En vertu de la Loi électorale, le Conseil de bande ne peut pas refuser de participer à une réunion spéciale ou de l’administrer. Il n’y a pas de « poursuivants »
au sein du personnel de la PNCTK, et tout employé ou entrepreneur relèverait en fin de compte du Conseil de bande. Il n’est pas réaliste que les membres du Conseil de bande se « récusent »
comme le suggère la demanderesse – cela permettrait aux actes de la demanderesse d’être à l’abri d’un examen.
c) Conclusion
[76] Je conclus que le Conseil de bande n’a pas violé le droit de la demanderesse à l’équité procédurale parce qu’il a manqué d’impartialité ou d’indépendance.
[77] Un élément fondamental associé à l’équité procédurale est le droit à une audience impartiale (Therrien, au para 82; Balfour, au para 67). Ce principe se reflète dans le principe selon lequel nul ne peut être à la fois juge et partie, qui signifie qu’une personne ne peut pas être le juge de sa propre cause (Therrien, au para 82; Syndicat canadien, au para 73). Cependant, une instance législative peut autoriser une violation du principe selon lequel nul ne peut être juge et partie selon la loi (Québec Inc, au para 47, citant Brosseau c Alberta Securities Commission, [1989] 1 RCS 301 aux p 309 et 310, 57 DLR (4th) 458; Whitefish, au para 28). À mon avis, la Loi électorale fait intervenir l’exception au principe selon lequel nul ne peut être à la fois juge et partie parce que l’article 19 permet expressément au Conseil de bande de prendre la décision finale en ce qui concerne les destitutions. Le seul organe décisionnel est le Conseil de bande. Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec la demanderesse pour dire que les membres du Conseil de bande étaient tenus de se récuser avant la prise de décision. Si les membres du Conseil de bande faisaient partie d’un organe décisionnel plus large, il pourrait être possible et approprié pour eux de se récuser. Cependant, ce n’est pas ce que prévoit la Loi électorale.
[78] Je suis également convaincu par les arguments de la défenderesse selon lesquels, dans le contexte des petites Premières Nations, il n’est pas réaliste de s’attendre au même degré d’impartialité que celui que l’on attendrait des juges. Comme l’a noté le juge Phelan dans l’affaire Hall, « [s]
’agissant d’une petite communauté, le Conseil étant un petit organe, y ayant des dynamiques personnelles dans cette petite communauté, il n’est pas attendu de retrouver l’objectivité et l’impartialité qui caractérisent tout tribunal. Des opinions semblables sur une affaire de la part d’un conseiller ne constituent pas forcément une atteinte à l’équité procédurale, tant que celui-ci est disposé à changer d’avis et à examiner les questions de bonne foi »
(au para 48).
[79] La demanderesse affirme qu’elle a dû persuader le Conseil de bande de rejeter ses propres éléments de preuve. Toutefois, cela qualifie mal qui sont les plaignants dans cette affaire. Je pense qu’il est important de rappeler que la demanderesse a été suspendue à l’origine parce que deux employés, qui ne sont pas membres du Conseil de bande, ont déposé des plaintes contre elle. À la suite de cela, la demanderesse a porté plusieurs accusations contre le Conseil de bande. La demanderesse affirme que c’est ce qui a conduit au conflit allégué. À mon avis, il serait contraire à l’intention de la Loi électorale qu’une personne faisant l’objet d’une procédure de destitution puisse exclure les membres du Conseil de bande en présentant des allégations subséquentes à leur endroit. En effet, si les membres du Conseil de bande s’étaient récusés en raison de ce conflit allégué, il ne resterait plus personne pour prendre la décision. Cela ne peut pas être l’intention des membres de la PNCTK.
[80] En définitive, compte tenu du régime législatif et du contexte particulier des petites Premières Nations et des conseils de bande (Baker, aux para 21, 24), je ne crois pas que le droit de la demanderesse à l’équité procédurale a été violé.
B. La PNCTK a-t-elle entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?
(1) Position de la demanderesse
[81] La décision est déraisonnable et doit être annulée parce la PNCTK a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire (Stemijon, au para 24). Lors du contre-interrogatoire, le chef O’Watch a confirmé qu’il pensait que le Tribunal était le décideur et qu’il était « tenu de suivre »
la recommandation. En raison de cette croyance erronée, le Conseil de bande a simplement entériné la recommandation du Tribunal. (Carroll c Canada (Procureur général), 2015 CF 287 au paragraphe 127 [Carroll]; Therrien, au para 93). Lorsque les membres de la PNCTK ont ratifié la Loi électorale, ils ont conféré le pouvoir de destituer un conseiller au Conseil de bande, et non au Tribunal. L’omission du Conseil de bande de prendre une décision est contraire à la Loi électorale et à la volonté des membres de la PNCTK. Les membres du Conseil de bande auraient dû se récuser et exercer ensuite le pouvoir qui leur est conféré par la Loi électorale.
(2) Position de la défenderesse
[82] Les arguments de la demanderesse concernant l’impartialité et l’entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire sont contradictoires. D’une part, la demanderesse affirme que si les membres du Conseil de bande sont les décideurs, ils sont partiaux. D’autre part, si le Tribunal est le décideur, le Conseil de bande a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. En outre, la demanderesse a toujours plaidé pour que le Tribunal soit le décideur. C’est un abus de procédure que d’avancer maintenant un argument différent lors du contrôle judiciaire (Re Carlson, 2010 ABQB 701 aux para 11, 25, inf. pour d’autres motifs dans 2012 ABCA 173). Quoi qu’il en soit, le chef O’Watch ne peut que dire pourquoi il a voté d’une certaine manière. Même en ne tenant pas compte du vote du chef O’Watch, le résultat aurait été le même. La procédure de la PNCTK consiste à respecter la recommandation du Tribunal.
(3) Conclusion
[83] Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire que la PNCTK a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en se liant de manière inappropriée à la recommandation. Comme l’a dit la Cour dans la décision Carroll, « même si le fond de la plainte a été convenablement tranché dans le cadre d’une autre procédure, le [décideur final] doit exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de [la loi] »
(au para 126).
[84] Dans l’arrêt Stemijon, la Cour d’appel fédérale a expliqué le raisonnement qui sous-tend l’entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans les termes suivants aux paragraphes 22 et 24 :
[…] Depuis maintenant plusieurs décennies, « l’entrave au pouvoir discrétionnaire » constitue un motif automatique ou prévu d’annulation des décisions administratives […] Le raisonnement est le suivant. Les décideurs doivent respecter la loi. Si la loi leur accorde un pouvoir discrétionnaire d’une certaine étendue, ils ne peuvent l’assujettir à des restrictions obligatoires. Les autoriser à le faire équivaudrait à leur permettre de réécrire la loi. Seuls le législateur ou ses délégués dûment autorisés peuvent écrire ou réécrire la loi.
[…]
L’arrêt Dunsmuir réaffirme un principe primordial bien établi : « tout exercice de l’autorité publique procède de la loi » (paragraphes 27 et 28). Toute décision qui repose sur une autre source que la loi, par exemple une décision qui se fonde uniquement sur un énoncé de politique informel sans égard à la loi, ne peut pas appartenir aux issues acceptables pouvant se justifier et donc être raisonnables selon la définition formulée dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47. Une décision qui découle d’un pouvoir discrétionnaire limité est en soi déraisonnable.
[85] De même, dans l’arrêt Therrien, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :
« [i]l est bien connu que l’organisme qui se voit attribuer l’exercice d’un pouvoir en vertu de sa loi habilitante doit l’exercer lui-même et ne peut le déléguer à l’un de ses membres ou à une minorité de ceux-ci sans l’autorisation expresse ou implicite de la loi »
(au para 93).
[86] Les parties conviennent que les membres de la PNCTK ont donné au Conseil de bande, et non au Tribunal, le pouvoir de prendre les décisions finales dans les procédures de destitution. La Loi électorale ne délègue pas le pouvoir du Conseil de bande au Tribunal. En revanche, la Loi électorale prévoit que le Tribunal formule uniquement une [traduction] « recommandation »
. Lors du contre-interrogatoire, le chef O’Watch a admis qu’il pensait devoir suivre la recommandation du Tribunal. Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire que cette déclaration établit que le chef O’Watch a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.
[87] La défenderesse affirme qu’il importe peu que le chef O’Watch ait entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, car il ne peut parler au nom de l’ensemble du Conseil de bande et qu’il n’y a aucun moyen de savoir pourquoi les autres membres du Conseil ont voté en faveur de la destitution de la demanderesse. Ironiquement, les observations de la défenderesse sur ce point illustrent le caractère de prime abord déraisonnable de la décision. En l’absence de procès-verbal de réunion ou de justification expliquant pourquoi d’autres membres ont voté d’une certaine manière, je crois qu’il est raisonnable de supposer que, sous la direction du chef O’Watch, les membres du Conseil pensaient de la même manière qu’ils devaient adopter la recommandation.
[88] La défenderesse affirme que l’argument de la demanderesse concernant l’entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire équivaut à un abus de procédure. Je ne suis pas d’accord. Au cours de la procédure de destitution, la demanderesse a demandé que le Tribunal prenne la décision finale parce qu’elle avait des doutes quant à l’impartialité du Conseil de bande. Il n’y avait rien d’inadmissible à soulever ces questions au cours de la réunion spéciale. La demanderesse savait que dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour pourrait conclure que la Loi électorale habilite le Conseil de bande à prendre la décision finale. Dans le cadre de la présente demande, les deux parties conviennent que le Conseil de bande est le décideur final. En conséquence, je ne crois pas que la position de la demanderesse rend la procédure « injuste[…] au point [d’être] contraire[…] à l’intérêt de la justice »
(R c Power, [1994] 1 RCS 601, à la p 616, 165 NR 241). Les actes de la demanderesse ne sont pas inconciliables avec le sens du franc-jeu et de la décence qu’a la communauté, et ne sont pas non plus oppressifs ou vexatoires (Toronto (Ville) c SCFP, section locale 79, 2003 CSC 63 aux para 35-37). La demanderesse n’a pas non plus abusé de la procédure judiciaire de manière susceptible de discréditer l’administration de la justice (Canam Enterprises Inc c Coles, [2000] OJ no 4607 au para 55, 194 DLR (4th) 648 (CA), le juge Goudge, dissident, inf. par 2002 CSC 63).
[89] Il n’y a pas d’abus de procédure. La décision est en soi déraisonnable parce que le Conseil de bande a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en approuvant aveuglément la recommandation (Stemijon, au para 24).
C. La décision était-elle autrement déraisonnable?
[90] Compte tenu de mes conclusions selon lesquelles la défenderesse a violé le droit de la demanderesse à l’équité procédurale et a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé de la décision.
VII. Conclusion
[91] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La défenderesse a violé le droit de la demanderesse à l’équité procédurale en omettant d’examiner ses observations écrites et de fournir des motifs. La décision est également déraisonnable parce que la défenderesse a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en approuvant aveuglément la recommandation.
[92] Il est ordonné à la PNCTK de verser à la demanderesse toute la rémunération à laquelle elle aurait eu droit en tant que conseillère à compter de la date de sa destitution (McKenzie c Première Nation crie Mikisew, 2020 CF 1184 au para 99; Testawich c Duncan’s First Nation, 2014 CF 1052 au para 42; Tsetta c Conseil de Bande de la Première Nation des Dénés Couteaux-Jaunes, 2014 CF 396 au para 43).
[93] La demanderesse a également droit aux dépens. Étant donné qu’aucune des parties n’a présenté d’observations complètes sur les dépens, le Tribunal ordonne que les parties déposent leurs observations sur les dépens tel qu’il est indiqué dans l’ordonnance.
JUGEMENT dans le dossier T-1695-21
1.La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée au Conseil de bande pour un nouvel examen. Le Conseil de bande doit rendre sa décision dans un délai de trente jours à compter de la présente ordonnance et en aviser immédiatement la demanderesse.
2.La demanderesse a le droit de recevoir sa rémunération à compter de la date de sa destitution.
3.La demanderesse déposera ses observations sur les dépens auprès de la Cour d’ici le 11 novembre 2022. La défenderesse déposera ses observations sur les dépens auprès de la Cour d’ici le 2 décembre 2022.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER