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Date : 20221005


Dossiers : T-926-21

T-1061-21

Référence : 2022 CF 1380

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]

Ottawa (Ontario), le 5 octobre 2022

En présence de monsieur le juge Sébastien Grammond

Dossier : T-926-21

ENTRE :

ANNETTE PITTMAN, RAYMOND DICK,

SERAPHINE BOOMER ET DAYTON DICK

demandeurs

et

LA BANDE INDIENNE D’ASHCROFT, GREG BLAIN, EARL BLAIN,

DENNIS PITTMAN ET BLAIR MACKENZIE

EN SA QUALITÉ DE PRÉSIDENT D’ÉLECTION

défendeurs

Dossier : T-1061-21

ENTRE :

ANNETTE PITTMAN, RAYMOND DICK,

SERAPHINE BOOMER ET DAYTON DICK

demandeurs

et

LE CONSEIL DE LA BANDE INDIENNE D’ASHCROFT, GREG BLAIN,

EN SA QUALITÉ PERSONNELLE ET EN SA QUALITÉ DE

CHEF DE LA BANDE INDIENNE D’ASHCROFT,

EARL BLAIN, EN SA QUALITÉ DE CONSEILLER DE LA

BANDE INDIENNE D’ASHCROFT, DENNIS PITTMAN, EN SA QUALITÉ

DE CONSEILLER DE LA BANDE INDIENNE D’ASHCROFT ET ARNOLD BLAIN,

DALLAS BLAIN, JASON BLAIN, KYLE BLAIN, LESLIE BLAIN JR.,

LOGAN BLAIN, MELISSA BLAIN, ROMAN BLAIN, TRISTA BLAIN,

ZACHARY BLAIN, CLINTON BLANKINSHIP, SHAWN BLANKINSHIP,

LAVONNE COMIN, MATTHEW COMIN, ARLENE DIXON,

BRENDAN DIXON, NOLAN DIXON, RACHEL DIXON, ALFRED GARDNER,

DAWN GARDNER, KENNETH PETER GARDNER, KENNETH RYLEY GARDNER, FLECIA GORDON, MARCIE GORDON, ADAM GURNEY,

DENISE GURNEY, LESLEY HEIDEL, DEBRA KILBACK (VAN NOSTRAND),

JACQUELINE KOUPRIE, BETTY LOWRY, JAMES MARTIN,

KENNETH MARTIN, ADRIAN PELLETIER, ALEXANDER PELLETIER,

BLAISE PELLETIER, CECILA PELLETIER, ELLEN PELLETIER (LAMBERT),

ERIN PELLETIER, KATHERINE PELLETIER, MICHAEL PELLETIER,

REGINA PELLETIER, ROLAND PELLETIER, VINCENT PELLETIER,

SHARON SCHAMEHORN, TERESA VANDELL, MICHAEL VAN NOSTRAND

ET DELORESS WARNEBOLDT

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] L’appartenance à la bande indienne d’Ashcroft suscite maintes controverses. Les demandeurs, dont trois sont des candidats défaits lors de la dernière élection, affirment que deux groupes de personnes qui ont voté à l’élection n’ont pas le droit d’être membres de la bande. Ils cherchent à obtenir des déclarations portant que ces personnes n’ont pas le droit de vote et que l’élection et le référendum tenu en même temps étaient invalides, ainsi que d’autres ordonnances.

[2] La résolution de cette question fait intervenir deux aspects du principe de la primauté du droit : on ne peut pas alléguer une infraction à la loi à moins d’avoir des preuves de cette infraction; et la loi ne peut être modifiée sans suivre la procédure établie. En l’espèce, les Règles d’appartenance adoptées en 1987 par la bande constituent la loi pertinente. Les demandeurs soutiennent essentiellement que deux groupes de personnes ont été ajoutés à la liste des membres de la bande sans suivre la procédure établie par les Règles de 1987.

[3] Selon les demandeurs, le premier groupe de membres contestés est constitué de personnes qui, compte tenu de leur âge et du fait qu’elles n’ont qu’un seul parent membre de la bande, ne pouvaient devenir membres que par un vote de tous les membres de la bande. Il n’existe aucune trace écrite d’un tel vote concernant ces personnes. Les demandeurs en concluent que ces personnes ne sont jamais devenues membres. Je ne suis pas d’accord. La preuve disponible donne à penser que ces personnes ont été dûment admises dans la bande à la fin des années 1980 ou au début des années 1990. La perte ou la destruction des procès-verbaux des réunions concernées ne prive pas ces personnes de leur qualité de membre. La controverse entourant l’appartenance de ces personnes dure depuis de nombreuses années, mais aucune preuve ne démontre que leurs noms n’ont pas été inscrits en bonne et due forme sur la liste de la bande.

[4] Les demandeurs contestent l’appartenance d’un deuxième groupe de personnes. En 2012, le Conseil de la bande a adopté une résolution pour admettre les enfants dont un seul parent est membre de la bande, sans que tous les membres de la bande aient à voter dans chaque cas. En 2021, un référendum a été tenu pour adopter un code d’appartenance qui remplacerait les Règles de 1987 et établirait des règles semblables à celles qui figurent dans la résolution de 2012. Les demandeurs soutiennent que la résolution de 2012 et le référendum de 2021 sont invalides. Étant donné que les personnes de ce deuxième groupe tirent leur droit d’appartenance uniquement de la résolution de 2012 et du référendum de 2021, leurs noms n’auraient pas été ajoutés de façon légale à la liste de la bande.

[5] Je suis d’accord avec les demandeurs. Le Conseil n’avait pas le pouvoir de modifier les Règles de 1987 par voie de résolution. Les règles relatives à l’appartenance ne peuvent être modifiées que par un vote de la majorité des électeurs de la bande. Le référendum de 2021 était également invalide, car le vote des personnes faisant partie du deuxième groupe contesté était essentiel pour obtenir une majorité en faveur du nouveau code. Toutefois, ces personnes n’étaient pas encore membres et n’avaient donc pas le droit de vote. De ce fait, les personnes faisant partie du deuxième groupe contesté ne sont jamais devenues membres de la bande.

[6] Par conséquent, je déclarerai que les Règles de 1987 demeurent en vigueur, j’annulerai la résolution de 2012 et le référendum de 2021 et je déclarerai que les personnes faisant partie du deuxième groupe contesté ne sont pas membres de la bande. Je suspendrai cette dernière déclaration pendant 18 mois afin de permettre aux parties de parvenir à une solution mutuellement acceptable.

[7] En revanche, cette situation n’affecte pas les résultats de l’élection de 2021. Bien que les membres du deuxième groupe contesté aient voté illégalement, la marge de victoire était supérieure au nombre de personnes dans ce groupe.

I. Le contexte

A. La bande indienne d’Ashcroft

[8] La bande indienne d’Ashcroft est une Première Nation régie par la Loi sur les Indiens, LRC 1985, ch. I-5 [la Loi]. Elle fait partie de la Nation Nlaka’pamux. Les deux parties m’ont informé qu’il était approprié de l’appeler la « bande », et c’est ce que je ferai tout au long de ces motifs. La bande est située dans le Centre-Sud de la Colombie-Britannique. Avant les événements décrits ci-dessous, elle comptait environ 100 membres, dont une quarantaine résidait dans les réserves de la bande.

B. Les Règles d’appartenance de 1987

[9] En 1985, la Loi a été modifiée pour mettre fin à plus d’un siècle de discrimination à l’égard des femmes en ce qui concerne la transmission du statut d’Indien. Ces modifications sont connues sous le nom de projet de loi C-31. Plusieurs catégories de personnes qui avaient perdu leur statut d’Indien en vertu de l’ancienne version de la Loi, en particulier les femmes indiennes qui avaient épousé des hommes non indiens, ont recouvré leur statut d’Indien.

[10] Le projet de loi C-31 a toutefois établi une distinction entre le concept de statut d’Indien et celui d’appartenance à une Première nation. L’article 10 de la nouvelle Loi habilite les Premières Nations à adopter leurs propres codes d’appartenance. Toutefois, dans l’exercice de ce pouvoir, les Premières Nations ont dû reconnaître les droits acquis des personnes réintégrées. Autrement dit, les personnes qui ont retrouvé le statut d’Indien en vertu du projet de loi C-31 avaient automatiquement le droit de devenir membres de leur ancienne Première Nation. Une règle différente a été appliquée aux enfants de personnes réintégrées. Ces enfants ont obtenu le statut d’Indien en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi. Toutefois, le projet de loi C-31 a imposé un moratoire de deux ans sur leur droit automatique d’être membre d’une Première Nation. Cette mesure visait à donner aux Premières Nations le temps d’élaborer d’autres dispositions concernant l’admission des enfants de personnes réintégrées.

[11] La bande s’est prévalue de cette occasion et a adopté ses règles d’appartenance [les Règles] le 28 juin 1987. Le ministre des Affaires indiennes a confirmé la validité des Règles en septembre 1987. Pour ce motif, je dois traiter les Règles comme ayant été adoptées conformément aux exigences de l’article 10 de la Loi, même s’il subsiste peu de traces écrites du processus qui a conduit à leur adoption.

[12] L’article premier des Règles stipule que leur objectif est de [traduction] « protéger l’identité culturelle et sociale de la bande » et de « maintenir et renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté ». La partie II des Règles s’intitule [traduction] « Membres d’origine » et décrit en réalité les catégories de personnes qui ont automatiquement le droit d’être membre. Ces catégories comprennent les personnes qui étaient membres de la bande lorsque les Règles sont entrées en vigueur, les personnes dont les deux parents sont membres de la bande et les personnes qui ont recouvré le statut d’Indien en vertu du projet de loi C-31. En ce qui concerne les enfants des personnes réintégrées, l’article 4 des Règles prévoit l’appartenance automatique à certaines conditions :


 

[traduction]

Tous les enfants mineurs nés de parents naturels, dont au moins l’un des deux est un membre résident rétabli, sont considérés comme des membres d’origine.

[13] Cette disposition ne s’applique pas aux personnes qui étaient déjà adultes en 1987 ni aux enfants des personnes réintégrées qui résidaient hors réserve.

[14] La partie III des Règles est intitulée [traduction] « Appartenance discrétionnaire ». Elle permet aux personnes qui n’ont pas automatiquement droit au statut de membre au titre de la partie II de présenter une demande pour être admises dans la bande. Cette disposition s’applique notamment à [traduction] « tous les enfants des membres rétablis âgés de dix-huit ans ou plus à la date d’entrée en vigueur des présentes Règles ». Selon l’article 8, les demandeurs doivent prouver qu’ils ont le statut d’Indien et qu’ils sont des descendants d’un [traduction] « membre de la bande ayant du sang indien ». La partie VI énonce la [traduction] « Procédure de demande ». Un agent d’inscription doit d’abord s’assurer que la demande est accompagnée des documents appropriés. La demande est ensuite examinée par un comité d’appartenance qui est composé de représentants des [traduction] « quatre grandes familles » de la bande et d’un non-membre. Le comité d’appartenance peut recommander l’acceptation ou le rejet d’une demande. La demande doit ensuite faire l’objet d’un référendum auprès des membres de la bande.

C. Mise en œuvre des Règles de 1987 à 2004

[15] Dans les années qui ont suivi l’entrée en vigueur des Règles, un nombre important de personnes réintégrées ont obtenu automatiquement le statut de membre. De plus, bon nombre de leurs enfants ont présenté une demande d’admission discrétionnaire. La preuve montre que ces demandes ont été tranchées lors de réunions de la bande, auxquelles tous les membres de la bande pouvaient assister, plutôt que lors de référendums. En outre, il existe peu de traces de l’existence d’un comité d’appartenance distinct des réunions de la bande. Bien que les procès-verbaux de certaines de ces réunions de la bande subsistent, les parties s’accordent pour dire que de nombreux documents de cette époque ont aujourd’hui disparu. La preuve écrite de la procédure d’admission n’est donc pas toujours disponible. D’après les documents disponibles, il semble que toutes les demandes aient été acceptées, bien que quelques demandes de transfert d’une autre Première Nation aient été refusées.

[16] La pratique qui consistait à tenir des votes aux réunions de la bande semble avoir cessé vers 1996. Les défendeurs soutiennent que la bande a alors adopté une pratique consistant à admettre automatiquement tous les enfants dont au moins un des parents est membre de la bande, au lieu de les obliger à présenter une demande d’admission discrétionnaire conformément aux Règles de 1987. Ils ont appelé cette pratique la [traduction] « politique d’admettre tous les enfants ». Toutefois, il y a peu d’indications que qui que ce soit ait été admis au sein de la bande au cours de la période allant de 1996 à 2012. Selon toute vraisemblance, les membres du deuxième groupe contesté ont été admis dans la bande après 2012 (voir l’affidavit de Jodene Blain daté du 16 août 2021). Par conséquent, je ne peux parvenir à aucune conclusion quant à la pratique antérieure à 2012.

[17] En outre, des préoccupations ont commencé à être soulevées au sujet des aspects discriminatoires de certaines dispositions des Règles, notamment le fait que les enfants mineurs de personnes réintégrées étaient automatiquement admis, alors que les enfants adultes ne l’étaient pas, et le fait que l’admission automatique n’était accordée qu’aux enfants des membres qui résidaient dans la réserve. L’aspect discriminatoire de cette dernière règle est devenu plus évident à la suite de l’arrêt Corbiere c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 RCS 203 [Corbiere], de la Cour suprême du Canada.

D. Les controverses entourant le statut de membre de 2004 à 2012

[18] L’arrêt Corbiere a eu un autre effet sur la gouvernance de la bande : il a accordé aux membres résidant hors réserve le droit de voter aux élections du conseil, qui étaient alors tenues conformément à la Loi.

[19] M. Greg Blain, l’un des défendeurs dans le cadre de la présente instance, a été élu chef en 2004 et occupe ce poste depuis. Le père du chef Blain était une personne réintégrée qui est devenue membre de la bande lorsque les Règles sont entrées en vigueur en 1987. Le chef Blain a obtenu le statut d’Indien en 1988. Comme il était déjà adulte, il ne pouvait se prévaloir des dispositions relatives à l’appartenance automatique des Règles de 1987. Bien que cela soit contesté, le chef Blain affirme qu’il a présenté sa demande pour devenir membre en 1988 et qu’il a été admis peu de temps après. Il n’existe aucune trace écrite de sa demande ni du procès-verbal de la réunion au cours de laquelle il a été admis. Je reviendrai sur cette question plus loin dans les présents motifs.

[20] En 2006, Mme Annette Pittman, l’une des demandeurs, s’est présentée au poste de chef contre M. Blain et a perdu. Pendant la campagne électorale, elle a commencé à affirmer que la liste des membres et, par extension, la liste des électeurs contenaient les noms de personnes qui n’avaient jamais été dûment admises dans la bande par un vote des membres, y compris celui du chef Blain. Elle a dressé sa propre liste de membres, qui excluait un certain nombre de personnes qui, selon elle, n’avaient pas été dûment admises au sein de la bande. Elle a contesté les résultats de l’élection, mais le ministre a rejeté son appel.

[21] En 2009, alors que des doutes continuaient d’être exprimés quant à l’appartenance de nombreuses personnes dont le nom figurait sur la liste de la bande, le Conseil a accepté de commander un examen de la situation des membres. Il a retenu les services de Me Vina Starr, une avocate qui avait participé à la rédaction des Règles de 1987. Elle devait être aidée par Mme Charlene Pittman, l’agente d’inscription de la bande. Les personnes qui souhaitaient un examen de la situation des membres ont finalement réussi à persuader le Conseil d’inclure Mme Mae Kirkpatrick, ancienne chef de la bande et la tante de Mme Annette Pittman, dans le processus. Me Starr, Mme Kirkpatrick et Mme Charlene Pittman ont passé plusieurs jours à examiner les dossiers des membres. Cependant, elles n’ont jamais produit de rapport en tant que comité, parce que le Conseil a décidé de mettre fin au mandat de Me Starr. Me Starr a rédigé un rapport décrivant la démarche qu’elle a suivie, mais elle ne s’est pas prononcée sur le statut de membre de qui que ce soit. Mme Kirkpatrick a rédigé son propre rapport, dans lequel elle est parvenue à la conclusion que de nombreuses personnes dont le nom figurait sur la liste des membres auraient dû présenter une demande d’appartenance, mais ne l’ont jamais fait. Je reviendrai sur la méthodologie utilisée pour produire la liste de Mme Kirkpatrick plus loin dans les présents motifs.

[22] Le Conseil n’a pris aucune mesure à la suite de ce que j’appellerai l’« examen Starr ». Lors de l’élection de 2010, M. Raymond Cameron, qui est le fils de Mme Kirkpatrick, s’est présenté au poste de chef contre M. Blain et a perdu. M. Cameron a porté le résultat en appel devant le ministre, mais l’appel a été rejeté.

E. La décision de 2012 de notre Cour

[23] En 2011, M. Cameron a présenté deux demandes à notre Cour. La première était une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre de rejeter l’appel des résultats de l’élection. Dans la deuxième demande, M. Cameron a sollicité un bref de mandamus afin d’obliger la bande à appliquer les Règles et à entreprendre un processus d’examen de la situation des membres.

[24] Mon collègue le juge Richard Mosley a accueilli les deux demandes : Cameron c Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2012 CF 579. Sa décision était essentiellement motivée par le fait que la bande avait manqué à son devoir d’appliquer les Règles. Il a souligné qu’il existait « des motifs raisonnables de mettre en discussion la validité de la liste de la bande » (au paragraphe 57) et qu’aucune assemblée sur l’appartenance n’avait été convoquée depuis 2005 (au paragraphe 58). Apparemment, la bande n’avait déposé aucune preuve pour s’opposer à la demande. Le juge Mosley a également rejeté l’argument de la bande selon lequel la voie à suivre serait de demander le contrôle judiciaire de chacune des décisions d’inscrire le nom d’une personne sur la liste des membres sans suivre les Règles (aux paragraphes 53 et 54). Outre le fait qu’il n’est pas pratique de procéder de cette façon, il a fait remarquer que M. Cameron ne contestait pas le statut de membre de qui que ce soit, mais voulait simplement que la bande se conforme à sa propre loi.

[25] Dans son jugement formel, le juge Mosley a déclaré que le Conseil avait manqué à son obligation de gérer la liste des membres de la bande conformément aux Règles de 1987. Il a ordonné au Conseil de convoquer un comité d’appartenance et de lui soumettre le nom de chaque personne qui devait présenter une demande d’appartenance. L’élection imminente a été reportée pour permettre la réalisation de ce processus.

F. Les suites de la décision de notre Cour

[26] La bande a mis en place un processus pour réagir au jugement du juge Mosley. Ce que nous savons de ce processus se trouve dans un affidavit souscrit en 2012 par Darcy Robinson, qui était alors l’agent d’inscription et l’administrateur de la bande. M. Robinson affirme qu’il a compilé tous les renseignements disponibles concernant les questions d’appartenance, y compris les dossiers de la bande, qui étaient incomplets, les rapports Starr et Kirkpatrick de 2009 et les renseignements obtenus auprès de M. Cameron. De plus, la bande a écrit aux membres concernés pour connaître leur point de vue sur la question. Les réponses de chaque membre ne sont pas au dossier, mais M. Robinson affirme que [traduction] « de nombreuses personnes ont exprimé de la frustration de voir leur appartenance remise en question, et ont valoir que leur nom figurait depuis longtemps sur la liste de la bande et qu’elles étaient traitées comme des membres ».

[27] M. Robinson a ensuite demandé un avis juridique concernant la compatibilité des Règles de 1987 avec la Charte canadienne des droits et libertés [la Charte]. Cet avis a été présenté au Conseil lors d’une réunion tenue le 13 août 2012. Lors de cette réunion, une majorité de membres du Conseil a adopté une résolution (ci-après, la résolution no 2) précisant la manière dont les Règles de 1987 devraient être interprétées afin d’éviter toute discrimination. Le préambule de cette résolution est en réalité un jugement sur la validité constitutionnelle de l’article 4 des Règles de 1987. Il conclut que [traduction] « les dispositions discriminatoires du code, y compris l’article 4, sont, conformément à l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, inopérantes ». Le dispositif de la résolution contient la disposition suivante :

[traduction]

L’article 4 du code doit être lu et appliqué de façon à ce que les avantages qu’il prévoit soient accordés à chacun de manière égale. Les exigences énoncées à l’article 4 du code d’appartenance sont les suivantes :

Toute personne qui possède du sang indien et qui est née de parents naturels, dont au moins un est, était ou a le droit d’être membre de la bande d’Ashcroft, est considérée comme membre d’origine.

[...]

[28] Le Conseil s’est ensuite penché, dans le cadre de ce qu’on appelle la résolution no 4, sur le cas de chaque personne dont le statut de membre avait été contesté par M. Cameron ou lors de l’examen Starr. Dans chaque cas, le Conseil est arrivé à la conclusion que la personne était déjà membre et qu’elle n’avait pas besoin de présenter une demande d’appartenance discrétionnaire, soit parce qu’elle avait déjà présenté une demande et que celle-ci avait été approuvée, soit parce qu’elle avait automatiquement droit au statut de membre, conformément à l’interprétation des Règles de 1987 par le Conseil, tel qu’elle figure dans la résolution adoptée plus tôt le même jour.

[29] Le Conseil a également adopté une autre résolution (la résolution no 6) accordant le statut de membre à un certain nombre de personnes. Dans son affidavit, M. Robinson indique que cette résolution visait à résorber un arriéré de demandes d’appartenance qui n’avaient pas été traitées en raison des controverses en cours concernant le statut de membre. La liste jointe à la résolution montre que certaines de ces personnes ont été admises parce que leurs deux parents sont membres de la bande (une catégorie d’admission automatique en vertu des Règles de 1987), tandis que d’autres personnes sont admises sur la base de l’interprétation de l’article 4 par le Conseil.

[30] Le Conseil a également nommé un comité d’appartenance conformément aux Règles. Toutefois, ayant constaté que personne n’avait besoin de présenter une demande d’appartenance, le Conseil n’a pas transmis le nom de ces personnes à ce comité.

[31] M. Cameron n’était pas satisfait de la réponse du Conseil au jugement du juge Mosley. Il a présenté une requête afin de demander au juge Mosley de délivrer des instructions supplémentaires ainsi qu’une demande de contrôle judiciaire des résolutions adoptées lors de la réunion du Conseil du 13 août 2012. M. Cameron s’est toutefois désisté de l’instance. Je ne dispose que de peu d’information sur les raisons qui l’ont poussé à agir de la sorte. Il est décédé depuis lors. Rien n’indique qu’il soit parvenu à un quelconque accord avec le Conseil.

[32] Des élections ont eu lieu à la fin de 2012 et en 2016. (Depuis 2016, la bande organise ses élections conformément à la Loi sur les élections au sein de premières nations, LC 2014, c 5 [la LEPN].) La question de l’appartenance n’a pas été soulevée à ces occasions. Une autre élection a été déclenchée pour le 6 mai 2021. Raymond Dick, Seraphine Boomer et Dayton Dick, qui sont des demandeurs dans la présente instance, étaient candidats à cette élection. À cette occasion, le Conseil a également organisé un référendum afin de présenter un nouveau code d’appartenance aux membres de la bande. Ce code d’appartenance vise à régulariser le statut de toute personne dont le nom figure sur la liste existante des membres. Il permet également à toute personne qui est un Indien inscrit et dont au moins l’un des parents est membre de la bande et Indien inscrit de devenir membre.

[33] Avant l’élection, l’une des demandeurs, Mme Pittman, a soulevé la question de l’appartenance auprès de l’administrateur de bande et du président d’élection. Ses préoccupations ont été rejetées. L’élection et le référendum ont eu lieu, mais la liste électorale comprenait le nom de plusieurs personnes dont elle conteste le droit d’appartenance. Le chef Blain a été réélu par un écart de 42 voix. MM. Earl Blain et Dennis Pittman ont été élus conseillers par un écart de 34 voix. Le code d’appartenance a été adopté par un écart de 14 voix.

[34] Les demandeurs ont ensuite présenté deux demandes de contrôle judiciaire. La première, la « demande relative à la liste de la bande », conteste le défaut du Conseil de se conformer au jugement du juge Mosley et l’appartenance à la bande de deux groupes de personnes. Cette demande conteste également la validité des résolutions de 2012 et du référendum de 2021. La deuxième demande, que j’appellerai la « demande relative à la LEPN », est présentée en vertu de l’article 31 de la LEPN et conteste les résultats de l’élection de 2021.

II. Analyse

[35] Bien que les demandeurs aient présenté deux demandes distinctes et cherchent à obtenir un large éventail de mesures de réparation, deux questions fondamentales se posent : l’appartenance du premier groupe de membres contestés et celle du deuxième groupe. Les présents motifs sont donc organisés de la façon suivante : j’aborderai tout d’abord la question de la norme de contrôle, puis je me pencherai sur l’appartenance des premier et deuxième groupes contestés. Je traiterai de la validité des résolutions de 2012 et du référendum de 2021 dans le cadre de mes motifs concernant l’appartenance du deuxième groupe. Une fois que j’aurai établi l’appartenance des deux groupes, je tirerai les conclusions qui s’imposent concernant la validité de l’élection de 2021. Enfin, j’expliquerai quelles sont les mesures de réparation justifiées.

[36] D’emblée, j’insiste sur le fait que le présent jugement ne porte pas sur le bien-fondé relatif des Règles de 1987 et du code d’appartenance de 2021. Il appartient aux membres de la bande, et non à la Cour, de décider quelles catégories de personnes devraient devenir membres de la bande et selon quelle procédure. Je ne me prononcerai pas non plus sur la validité constitutionnelle des Règles de 1987. Pour des raisons que j’expliquerai plus loin, cette question n’a pas été soumise à la Cour en bonne et due forme.

A. La norme de contrôle applicable

[37] Le choix d’une norme de contrôle est un exercice difficile en l’espèce.

[38] Plusieurs aspects des demandes de contrôle judiciaire exigent que la Cour agisse à titre de décideur initial. Dans le cadre de la demande relative à la LEPN, la Cour doit déterminer la validité de l’élection sans faire preuve de déférence à l’égard de quiconque : McCallum c Canoe Lake Cree First Nation, 2022 CF 969 au paragraphe 68 [McCallum]. La demande relative à la liste de la bande vise à obtenir plusieurs déclarations, c’est-à-dire des énoncés de la situation juridique des parties.

[39] Par contre, d’autres aspects des demandes portent sur une contestation explicite ou implicite d’une décision particulière. Plus particulièrement, les demandeurs sollicitent l’annulation des résolutions de 2012 et l’invalidation du référendum de 2021. Ces décisions feraient normalement l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable : voir, par exemple, McCallum, au paragraphe 26. Même lorsqu’une déclaration est demandée, la situation juridique pertinente peut inclure une décision d’accorder le titre de membre à quelqu’un. L’application de la norme de la décision raisonnable à de telles décisions entraîne des difficultés pratiques, car nous n’avons aucune preuve de ces décisions et, du moins dans le cas du deuxième groupe contesté, on ne sait pas très bien qui aurait pris ces décisions. Il est donc d’autant plus difficile de faire la distinction entre les questions pour lesquelles la Cour est le décideur initial et celles pour lesquelles elle révise la décision d’une autre personne.

[40] Les parties n’ont pas présenté d’observations significatives concernant la norme de contrôle. Elles ont, dans une grande mesure, débattu de l’affaire comme si j’étais le décideur initial. Elles n’ont pas soutenu que les questions en jeu auraient dû être tranchées par un décideur désigné par la bande. À la fin de leurs observations, les défendeurs ont déclaré qu’ils avaient abandonné tout [traduction] « moyen de défense technique » et qu’ils souhaitaient que la Cour fournisse une solution globale sur le fond.

[41] Heureusement, il n’est pas nécessaire de parvenir à une conclusion définitive concernant la norme de contrôle, étant donné la façon dont je statue sur le fond. En ce qui concerne le premier groupe contesté, les demandeurs n’ont présenté aucune preuve démontrant que leur inscription sur la liste de la bande résulte d’une décision ou d’une application de la loi incorrecte ou, a fortiori, déraisonnable. L’appartenance du deuxième groupe contesté dépend en grande partie de la validité des résolutions de 2012 et du référendum de 2021. Je conclus que le Conseil a agi de façon déraisonnable lorsqu’il a prétendu adopter les résolutions de 2012. Quant au référendum, le raisonnement avancé par les défendeurs pour en démontrer la validité est déraisonnable.

B. Le premier groupe contesté

[42] Le premier groupe de membres contesté est composé de 21 personnes dont les noms figuraient sur la liste électorale de 2021, qui ont en fait voté lors de l’élection de 2021, mais qui ont été désignées dans le cadre de l’examen Starr de 2009 comme n’ayant pas été dûment admises au sein de la bande conformément aux Règles de 1987. Il s’agit des personnes suivantes : Arnold Blain, Greg Blain, Leslie Blain Jr., Clinton Blankinship, Shawn Blankinship, Lavonne Comin, Arlene Dixon, Alfred Gardner, Dawn Gardner, Kenneth Peter Gardner, Marcie Gordon, Denise Gurney, Lesley Heidel, Debra Kilback (Van Nostrand), Betty Lowry, James Martin, Kenneth Martin, Erin Pelletier, Sharon Schamehorn, Teresa Vandell et Deloress Warneboldt.

[43] Selon les demandeurs, ces personnes ont en commun le fait qu’elles n’étaient pas membres de la bande lors de l’entrée en vigueur des Règles de 1987, qu’elles étaient alors majeures (ou, dans quelques cas, mineures non résidentes), qu’elles ont un parent qui est membre de la bande et un autre qui ne l’est pas et qu’elles ont obtenu le statut d’Indien en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens, c’est-à-dire qu’elles sont les enfants d’une personne réintégrée.

[44] Essentiellement, les demandeurs soutiennent que ces personnes n’avaient pas automatiquement droit au statut de membre de la bande et ne pouvaient devenir membres que si leur demande était acceptée par un vote majoritaire des membres de la bande, conformément aux parties III et IV des Règles de 1987. Ils affirment qu’il n’existe aucune preuve d’un tel vote à l’égard des 21 personnes faisant partie du premier groupe contesté.

[45] Dans sa décision, le juge Mosley a reconnu que des préoccupations légitimes avaient été soulevées au sujet de l’appartenance de ces personnes (et de beaucoup d’autres). Il n’a toutefois pas tranché la question lui-même. Il envisageait un processus dans le cadre duquel un organe neutre examinerait la situation de chaque personne et prendrait une décision. Étant donné qu’il n’avait pas l’intention de trancher la question lui-même, j’interprète le paragraphe 8 de son jugement comme étant un résumé des allégations des demandeurs plutôt qu’une décision concernant le statut de membre du chef Blain.

[46] Les choses ne se sont pas déroulées comme le juge Mosley l’avait envisagé. Comme je l’ai expliqué plus haut, le Conseil a pris l’initiative de décider que toute personne dont l’appartenance était contestée était bel et bien un membre légitime, ce qui n’a laissé aucun travail au comité d’appartenance. Il ressort clairement de l’ordonnance du juge Mosley qu’il souhaitait que l’essentiel de l’examen de la situation des membres soit effectué par ce comité, et non par le Conseil lui-même. Il n’aurait pas pu envisager que le Conseil modifie les règles d’appartenance pour contourner son ordonnance.

[47] Dix ans se sont écoulés depuis la décision du juge Mosley. En fait, cela démontre qu’il est peu probable que l’on parvienne à quelque chose d’utile en ordonnant un nouvel examen de la situation des membres. La preuve dont je dispose est beaucoup plus étoffée que celle qui a apparemment été présentée au juge Mosley. Contrairement à ce qui a été demandé au juge Mosley, les demandeurs souhaitent en fait que je me prononce sur l’appartenance de certaines personnes. Les défendeurs ont dit espérer que ma décision règle la question une fois pour toutes. Par conséquent, je trancherai moi-même la question au lieu d’exiger un nouvel examen.

[48] D’emblée, il convient de souligner qu’il incombe aux demandeurs de prouver que les personnes faisant partie du premier groupe contesté n’ont pas droit au statut de membre. Il en est ainsi pour deux raisons interdépendantes. Premièrement, dans une demande de contrôle judiciaire, comme dans la plupart des procédures judiciaires, il incombe aux demandeurs d’établir leurs prétentions, par exemple qu’une décision est illégale ou déraisonnable. Un demandeur ne peut pas intenter une poursuite, s’abstenir de présenter une preuve et se contenter d’exiger que le défendeur établisse ses droits. Deuxièmement, il existe une présomption de régularité des décisions et des registres publics, souvent exprimée par la maxime latine, omnia praesumuntur rite et solemniter acta donec probetur in contrarium : Sidney N Lederman, Alan W Bryant et Michelle K Fuerst, The Law of Evidence in Canada, 6e édition (Markham : LexisNexis, 2022) aux paragraphes 4.57 à 4.59; Commission des relations de travail du Québec c Canadian Ingersoll-Rand Company Limited, [1968] RCS 695 à la p 706. En l’espèce, la présence du nom d’une personne sur la liste de la bande donne lieu à une présomption réfutable que la personne a acquis valablement le statut de membre. En fait, le nom de la plupart des personnes du premier groupe contesté figure sur la liste des membres de la bande depuis 1996 ou 1998.

[49] Les allégations des demandeurs reposent principalement, voire exclusivement, sur les conclusions de l’examen Starr de 2009. À ce stade, il est nécessaire de fournir des détails supplémentaires concernant le processus et le résultat de cet examen.

[50] En août 2009, Me Starr, Mme Kirkpatrick et Mme Charlene Pittman ont passé en revue l’ensemble de la liste des membres. Elles ont vérifié en vertu de quelle disposition précise de la Loi sur les Indiens et des Règles chaque personne avait droit au statut d’Indien ou de membre de la bande. Un dossier a été créé pour chaque personne et une liste a été établie pour compiler tous les renseignements.

[51] Lorsqu’une personne a acquis le statut d’Indien après le 27 juin 1987, soit la date d’entrée en vigueur des Règles, et qu’elle n’est pas automatiquement devenue membre en vertu de l’article 4 des Règles, la mention [traduction] « admis par vote » était ajoutée s’il existait une trace écrite de l’admission de cette personne lors d’une réunion précise; autrement, la mention [traduction] « doit présenter une demande » était inscrite. Mme Kirkpatrick explique le processus comme suit dans son affidavit :

[traduction]

Nous disposions d’un nombre très restreint de procès-verbaux des réunions des membres. Quels que soient les procès-verbaux relatifs à l’appartenance que la bande ait pu avoir, [Charlene] en avait très peu en sa possession en tant qu’agente d’inscription. Elle nous disait toujours : « J’ai ce que j’ai. » J’ai pu en fournir encore moins. Nous étions loin d’avoir un dossier complet. Lorsque nous n’avions pas de copie du procès-verbal, [Charlene] ou moi indiquions si nous nous souvenions clairement qu’une personne avait été admise par vote. Si l’une de nous avait des raisons de douter ou si nous n’étions pas d’accord, nous ne consignions pas le nom de la personne comme ayant été admise par vote. Sans surprise, et malgré le fait qu’elle ou moi, et parfois les deux, ayons assisté à de nombreuses réunions de membres, aucune de nous n’avait un souvenir précis de toutes les personnes qui avaient été admises par vote au cours de la dernière décennie.

[52] L’examen Starr n’a jamais été terminé. Le Conseil a congédié Me Starr en septembre 2009, apparemment après avoir appris que le résultat de son examen ne correspondait pas à ce qu’il souhaitait, et après que Me Starr a insisté pour présenter ses conclusions préliminaires aux membres de la bande plutôt qu’à l’avocat du Conseil. Me Starr a ensuite rédigé un rapport décrivant la genèse des Règles, le processus suivi en août 2009 et les circonstances de son congédiement en septembre 2009. Rien n’indique qu’elle était parvenue à des conclusions définitives sur l’appartenance de quiconque. Aucune liste n’est jointe à son rapport. Mme Kirkpatrick a rédigé son propre rapport indépendamment de Me Starr. Elle a joint ce qu’elle a décrit comme étant la dernière version de la liste de travail produite par les trois femmes, dans laquelle le nom de 69 personnes est accompagné d’une mention [traduction] « doit présenter une demande ».

[53] Mme Kirkpatrick précise que la liste établie par Me Starr, elle-même et Mme Charlene Pittman n’était pas censée être définitive et que Me Starr était prête à la réviser si de nouveaux renseignements étaient portés à sa connaissance. Pour sa part, Mme Charlene Pittman insiste sur le fait que les mentions [traduction] « doit présenter une demande » étaient provisoires et signifiaient seulement qu’un complément d’information était nécessaire pour parvenir à une conclusion. En effet, personne n’a communiqué avec les personnes concernées ni ne leur a demandé de fournir des renseignements pertinents qui seraient en leur possession.

[54] À mon avis, les demandeurs ne peuvent pas s’acquitter du fardeau de prouver que les personnes faisant partie du premier groupe contesté n’ont jamais été admises au sein de la bande en s’appuyant sur la liste jointe au rapport de Mme Kirkpatrick. La présomption de validité de la liste de la bande n’a pas été réfutée.

[55] Tout d’abord, comme le dit l’adage, l’absence de preuve n’est pas une preuve d’absence. Compte tenu du processus suivi, l’indication qu’une personne [traduction] « doit présenter une demande » ne signifie pas grand-chose, si ce n’est du fait qu’aucune preuve écrite n’a été trouvée dans les dossiers de la bande. Pourtant, les deux parties reconnaissent que les dossiers de la bande sont sérieusement incomplets. Comme les procès-verbaux des réunions qui subsistent montrent que la plupart des demandes ont été acceptées, la conclusion la plus probable est qu’une personne dont le nom était accompagné de la mention [traduction] « doit présenter une demande » a effectivement présenté une demande et s’est vu accorder le statut de membre, mais que les documents ont disparu.

[56] Le fait que Mme Kirkpatrick et Mme Charlene Pittman n’avaient aucun souvenir, avaient des doutes ou étaient en désaccord quant à leurs souvenirs ne prouve pas qu’une personne n’a jamais été admise au sein de la bande. En fait, dans son affidavit, Mme Kirkpatrick ne tire pas cette conclusion, sauf dans le cas du chef Blain. Elle déclare : [TRADUCTION] « Permettez-moi de dire ici que Greg Blain est le genre de personne qui marque les esprits. S’il avait été admis par vote et que j’avais été présente, je m’en serais souvenue et si je n’avais pas été là, d’autres m’en auraient certainement parlé ». Toutefois, une telle affirmation hypothétique est tout à fait insuffisante pour me permettre de conclure que le chef Blain n’a jamais été admis au sein de la bande.

[57] De plus, il y a des raisons de douter de l’exactitude des souvenirs de Mme Kirkpatrick. Elle indique qu’au moins sept personnes n’ont pas présenté de demande d’appartenance, même s’il existe des procès-verbaux de réunion des membres qui montrent qu’elles ont été dûment admises au sein de la bande : Nicole Blain (Pigeon), Norman Blain, Jodene Blain, James Lowry, Ricky Wilson, Larry Wilson et Philip Dobranski. Pourtant, Dean Lulu et Charles Wray, qui figurent comme membres en règle sur la liste de 2009, ont été admis le même jour que Nicole, Norman et Jodene Blain, lors d’une réunion présidée par Mme Kirkpatrick. Le ton très partisan du rapport de 2009 de Mme Kirkpatrick jette également un doute sur l’impartialité du processus.

[58] Deuxièmement, il n’y a aucune preuve positive que quelqu’un a été ajouté à la liste des membres en violation des Règles au cours de la période concernée. Ce que la preuve révèle, c’est que des réunions des membres ont été tenues de façon régulière dans les années qui ont suivi l’adoption des Règles, afin de traiter les nombreuses demandes présentées par des personnes qui avaient obtenu le statut d’Indien à la suite du projet de loi C-31. La version des faits mise de l’avant par les demandeurs supposerait que, à l’insu de Mme Kirkpatrick, qui était chef pendant une bonne partie de cette période, quelqu’un aurait subrepticement ajouté à la liste des membres le nom de personnes qui, en fait, n’avaient pas présenté de demande d’appartenance. Cela est tout simplement invraisemblable.

[59] Troisièmement, certains membres du premier groupe contesté ont témoigné et déclaré qu’ils avaient présenté une demande d’appartenance en 1987 ou peu après et qu’ils avaient été admis au sein de la bande. En particulier, Earl Blain a déclaré qu’il avait présenté une demande d’appartenance pour ses enfants mineurs, Jodene, Nicole et Norman, et qu’il croyait comprendre que ceux-ci avaient été admis par vote lors d’une réunion qui s’est tenue en novembre 1988. Il ajoute que les enfants de son frère, Les Blain Sr, qui sont Greg, Les Jr. et Lavonne, ont été admis à peu près en même temps. Le chef Blain affirme que lui et son frère Les Jr. ont présenté une demande d’appartenance en 1988. Au début de 1990, après avoir demandé des renseignements, les deux frères ont reçu une lettre de la bande indiquant qu’ils avaient été admis le 12 janvier 1989. Nous savons aujourd’hui qu’il ne s’agit pas de la bonne date, puisque c’est Stanley Blain qui a été admis à cette date. Néanmoins, cette preuve tend à confirmer que les membres du premier groupe contesté ont été admis dans la bande à la suite d’un vote.

[60] En résumé, il n’y a pas la moindre preuve que les membres du premier groupe contesté ont été admis à tort dans la bande. On doit présumer que leurs noms ont été ajoutés en bonne et due forme à la liste de la bande. Toute la preuve disponible tend à renforcer cette présomption au lieu de la réfuter. À moins de conclure que ces personnes ont perdu leurs droits lorsque la bande a perdu ses dossiers, nous devons maintenant accepter qu’elles sont des membres légitimes.

[61] Pour en arriver à cette conclusion, je ne m’appuie pas sur les comptes rendus de décisions joints à l’une des résolutions de 2012, dans lesquelles le Conseil prétendait conclure que les membres du premier groupe contesté (et d’autres) étaient des membres légitimes. Dans la plupart des cas, le Conseil a fondé sa décision sur sa propre interprétation des Règles de 1987, question que j’aborderai à présent. Seuls trois membres du premier groupe contesté ont été considérés comme ayant effectivement présenté une demande d’appartenance. Je ne dispose pas du dossier de preuve sur lequel le Conseil a fondé ses décisions. Les décisions peuvent simplement refléter le fait que le Conseil n’avait pas plus de procès-verbaux que j’en ai aujourd’hui et qu’il en avait peut-être même moins.

C. Le deuxième groupe contesté

[62] Les demandeurs contestent également l’inscription d’un deuxième groupe de personnes sur la liste des membres de la bande. Ces personnes seraient les enfants d’un membre du premier groupe contesté et d’une personne qui n’est pas membre de la bande. Conformément aux Règles de 1987, ils ne peuvent être admis dans la bande que par un vote des membres. Ces personnes sont les suivantes : Dallas Blain, Jason Blain, Kyle Blain, Logan Blain, Melissa Blain, Roman Blain, Trista Blain, Zachary Blain, Matthew Comin, Brendan Dixon, Nolan Dixon, Rachel Dixon, Kenneth Ryley Gardner, Flecia Gordon, Adam Gurney, Jacqueline Kouprie, Adrian Pelletier, Alexander Pelletier, Blaise Pelletier, Cecila Pelletier, Ellen Pelletier (Lambert), Katherine Pelletier, Michael Pelletier, Regina Pelletier, Roland Pelletier, Vincent Pelletier et Michael Van Nostrand. Elles ont toutes voté lors de l’élection et du référendum de 2021.

[63] Les parties s’accordent pour dire qu’aucun vote d’appartenance n’a eu lieu après 1996. Bien qu’il ne soit pas tout à fait certain que les membres du deuxième groupe contesté soient tous nés après cette date, les défendeurs reconnaissent qu’ils n’ont jamais fait l’objet d’un vote d’appartenance. Il s’ensuit qu’ils ne sont pas devenus membres de la bande uniquement en vertu des Règles de 1987. Selon les défendeurs, il existe néanmoins trois autres fondements pour conclure que ces personnes sont devenues membres. Premièrement, ils affirment que les Règles de 1987 doivent être interprétées selon les résolutions de 2012, ce qui ferait de ces personnes des membres, parce qu’elles ont un parent qui est membre de la bande. Deuxièmement, ils soutiennent que les Règles de 1987 ont été abrogées et remplacées par le nouveau code d’appartenance adopté lors du référendum de 2021. Il n’est pas contesté que les membres du deuxième groupe auraient le droit d’être membres si le code de 2021 avait été valablement adopté. Troisièmement, selon eux, la pratique consistant à admettre automatiquement les enfants dont un seul parent est membre de la bande est devenue une coutume qui remplace les Règles.

[64] Je ne peux me rendre aux arguments des défendeurs. Pour les motifs suivants, il était déraisonnable pour le Conseil d’adopter les résolutions de 2012 et de considérer que le code d’appartenance de 2021 avait été valablement adopté par référendum. De plus, les Règles de 1987 n’ont pas été remplacées par une coutume. Avant d’expliquer pourquoi il en est ainsi, je dois traiter de l’argument des défendeurs selon lequel le temps écoulé empêche toute contestation de la validité des résolutions ou du référendum.

(1) L’effet du passage du temps

[65] Les défendeurs soutiennent que la contestation par les demandeurs de la validité des résolutions de 2012 et du code d’appartenance qui aurait été adopté par référendum en 2021 est hors délai, probablement parce qu’elle a été déposée après le délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales.

[66] En ce qui concerne les résolutions, je ne suis pas d’accord. Le délai fixé par la loi ne s’applique pas lorsque la contestation est fondée sur l’absence de compétence pour adopter les mesures législatives subordonnées. La validité constitutionnelle des lois est une question qui peut toujours être soumise aux tribunaux, même si de nombreuses années se sont écoulées depuis la promulgation de la loi contestée : Manitoba Metis Federation Inc. c Canada (Procureur général), 2013 CSC 14 aux paragraphes 134 et 135, [2013] 1 RCS 623 [Manitoba Metis]. De même, il existe un courant jurisprudentiel bien établi selon lequel les règlements municipaux peuvent être contestés à tout moment, indépendamment des délais prescrits par la loi ou de l’appréciation discrétionnaire de la Cour quant au délai de présentation de la requête, lorsque la contestation est fondée sur un défaut de compétence : Tonks c Reid, [1967] RCS 81 à la p 85; Immeubles Port Louis Ltée c Lafontaine (Village), [1991] 1 RCS 326 à la p 372; Lorraine (Ville) c 2646‐8926 Québec inc, 2018 CSC 35 au paragraphe 25, [2018] 2 RCS 577.

[67] En l’espèce, le principal fondement de la contestation des demandeurs réside dans le fait que le Conseil n’avait pas le pouvoir (ou la compétence) de modifier les Règles de 1987 au moyen d’une résolution. Il n’y a donc pas de délai de prescription et la validité de la résolution peut être contestée à tout moment.

[68] La situation est quelque peu différente en ce qui concerne le référendum de 2021. Il ne fait aucun doute que les membres de la bande ont le pouvoir (ou la compétence) de modifier le code d’appartenance de la bande, par voie de référendum ou par d’autres moyens d’exprimer la volonté d’une majorité d’électeurs. Par conséquent, la contestation des demandeurs ne porte pas sur la compétence, mais sur la façon dont cette compétence a été exercée, et le délai prescrit par le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales s’applique.

[69] La demande de contrôle judiciaire a été présentée environ deux mois après le référendum, en dehors du délai de 30 jours fixé par le paragraphe 18.1(2). Les demandeurs sollicitent une prorogation de délai. Ils expliquent qu’en raison de ressources limitées, ils ont d’abord présenté la demande visant les résultats de l’élection, puis ont préparé la deuxième demande portant sur la liste des membres de la bande et le référendum. Je reconnais qu’il s’agit d’une explication raisonnable pour un délai relativement court et que les demandeurs ont toujours eu l’intention de contester les résultats du référendum. De plus, je ne vois pas en quoi ce court délai a pu porter préjudice aux défendeurs. Les défendeurs ne s’opposent pas à la prorogation du délai. Par conséquent, je prorogerai le délai de présentation de la demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-1061-21.

[70] De plus, si les résolutions de 2012 sont invalides, les personnes qui tirent leur appartenance de ces résolutions ne sont pas des membres légitimes de la bande. Il est vrai que, dans certaines circonstances, les décisions prises en vertu d’une mesure législative déclarée ultérieurement invalide ne sont pas elles-mêmes invalidées. Par exemple, une condamnation est maintenue même si la loi créant l’infraction est invalidée par la suite : R c Sarson, [1996] 2 RCS 223. Toutefois, l’application de ce principe à la présente affaire aurait pour effet de priver l’invalidation des résolutions de son effet pratique. Si nous devions valider toutes les décisions d’octroi du statut de membre prises jusqu’à aujourd’hui sur la base des critères énoncés dans les résolutions de 2012, nous créerions un état de fait permanent dans lequel une grande catégorie de personnes seraient considérées comme des membres, auraient le droit de voter aux élections de la bande et pourraient transmettre leur statut de membre à leurs enfants, alors même qu’elles n’auraient pas été admises conformément aux Règles de 1987. Au surplus, nous serions tenus de reconnaître que ces personnes ont valablement participé au référendum de 2021, qui visait à surmonter l’invalidité des résolutions de 2012, dont elles tirent prétendument leur statut de membre. On ne peut accepter qu’un aspect fondamental du statut politique de la bande soit modifié par un processus aussi circulaire et illégal, simplement parce que l’octroi du statut de membre à certaines personnes n’a pas été contesté dans un délai de 30 jours. Un changement aussi radical compromettrait la primauté du droit.

(2) L’invalidité des résolutions de 2012

[71] Comme je l’ai expliqué plus haut, le Conseil a adopté une série de résolutions visant à traiter les questions soulevées par le jugement du juge Mosley. L’une de ces résolutions (la résolution no 2) prétendait conclure que certains aspects des Règles de 1987 étaient discriminatoires et cherchait à les réécrire de manière à les rendre conformes à l’article 15 de la Charte. Une autre résolution (la résolution no 4) prétendait statuer sur l’appartenance de près de 100 personnes, selon les critères fixés par la première résolution. Enfin, une autre résolution (la résolution no 6) visait à admettre d’autres personnes dont les demandes n’avaient pas encore été traitées.

[72] En réalité, les résolutions de 2012 constituent une tentative de modification des Règles de 1987. Le Conseil n’a pas le pouvoir modifier ces Règles. Il n’a pas non plus le pouvoir de déclarer qu’elles sont inconstitutionnelles et de les interpréter d’une manière qu’il juge conforme à la Charte. Bien que les Règles imposent au Conseil de les appliquer de manière non discriminatoire, cela n’inclut pas le pouvoir de les modifier. Je me pencherai tour à tour sur chacune de ces propositions.

[73] Auparavant, je souligne que rien dans le jugement du juge Mosley n’obligeait le Conseil à agir comme il l’a fait. La validité constitutionnelle des Règles de 1987 n’a pas été contestée devant lui. La prémisse fondamentale de son jugement reposait sur le fait que le Conseil était tenu d’appliquer les Règles et non de les modifier de façon détournée.

(a) Le Conseil ne peut pas modifier les Règles de 1987

[74] Le Conseil ne peut pas modifier les Règles de 1987 parce qu’elles ont été adoptées par les membres de la bande et que les pouvoirs du Conseil sont subordonnés à ceux des membres. L’interprétation contraire est déraisonnable, car elle ignore la structure de la Loi et la jurisprudence qui l’applique. Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, aux paragraphes 174 à 188, [2019] 4 RCS 653 [Vavilov], le défaut du décideur de tenir compte de contraintes semblables a conduit la Cour suprême du Canada à conclure au caractère déraisonnable d’une décision.

[75] Les Règles de 1987 ont été adoptées en vertu de l’article 10 de la Loi. Le paragraphe 10(2) prévoit qu’une Première Nation peut adopter des règles d’appartenance avec l’autorisation de la majorité de ses électeurs. Il est bien établi qu’un pouvoir conféré aux membres d’une Première Nation ne peut pas être exercé par le conseil. Dans l’arrêt Première Nation de Key c Lavallée, 2021 CAF 123, au paragraphe 42, la Cour d’appel fédérale a déclaré que « la Loi sur les Indiens [...] réserve exclusivement à l’ensemble de la bande le traitement de certaines questions et l’exercice de certains pouvoirs. Il s’agit notamment de questions sur le titre ancestral et l’appartenance à la bande. » Voir également Omeasoo v Canada (Minister of Indian Affairs and Northern Development), [1989] 1 CNLR 110 (CF 1re inst.); Sandberg c Conseil de bande de la Nation crie de Norway House, 2005 CF 656, au paragraphe 12.

[76] En l’espèce, on ne peut faire autrement que de qualifier les résolutions de 2012 de modifications aux Règles de 1987. Elles visent à modifier l’une de leurs principales composantes, à savoir que les personnes dont un seul parent est membre de la bande doivent présenter une demande d’appartenance discrétionnaire. Les résolutions de 2012 prétendent remplacer cette règle par une règle très différente, selon laquelle ces personnes ont automatiquement un droit d’appartenance. En outre, elles visent à trancher les controverses entourant l’appartenance de certains individus ou à faire droit aux demandes d’appartenance. Aucune disposition des Règles ne confère au Conseil le pouvoir de prendre de telles décisions. Par conséquent, les résolutions de 2012 sont invalides, car elles outrepassent les pouvoirs du Conseil.

[77] Cela serait vrai même si le pouvoir d’adopter des règles d’appartenance était considéré comme un pouvoir inhérent, comme les défendeurs semblent le suggérer, plutôt qu’un pouvoir délégué par la Loi. Un tel pouvoir appartiendrait aux membres de la bande, et non au Conseil. Lorsqu’un pouvoir inhérent est exercé par les membres, le conseil est lié par les règles établies par les membres et ne peut prétendre les modifier : Lavallee c Louison, 1999 CanLII 8714 (CF) aux paragraphes 45 à 51; Whalen c Première Nation no 468 de Fort McMurray, 2019 CF 732, au paragraphe 48, [2019] 4 RCF 217 [Whalen]; Thomas c Première Nation One Arrow, 2019 CF 1663, au paragraphe 30.

[78] Les demandeurs ont axé leur contestation sur la résolution no 2, qui vise à modifier les règles d’appartenance, et la résolution no 4, qui vise à mettre en œuvre la résolution no 2. Cependant, il n’existe aucun élément de preuve concernant les personnes énumérées dans la résolution no 6. Elles ne font pas partie du premier ou du deuxième groupe contesté. Elles ne sont pas citées comme défendeurs dans le cadre de la présente instance. Parmi ces personnes, certaines pourraient avoir droit à une admission automatique en vertu des Règles de 1987. Les parties n’ont présenté aucune observation à cet égard. Pour ces motifs, je limiterai mes conclusions aux résolutions nos 2 et 4 et je m’abstiendrai d’exprimer une quelconque opinion sur la résolution no 6.

[79] Je voudrais également clarifier les conséquences de l’invalidation de la résolution no 4. Cette résolution visait à confirmer que près de 100 personnes sont membres de la bande. Elle est invalide parce que le Conseil n’a pas le pouvoir de statuer sur les litiges relatifs à l’appartenance. Cela ne signifie toutefois pas que les personnes nommées dans cette résolution ne sont pas membres en règle. L’invalidation de la résolution no 4 n’a aucune incidence sur le statut des personnes dont le nom a été valablement ajouté à la liste des membres. En effet, la plupart des membres du premier groupe contesté, sinon tous, sont nommés dans cette résolution. D’autres personnes dont le nom figure dans cette résolution ne sont pas parties à la présente instance et on ne m’a pas présenté des preuves ou des observations à leur sujet. Néanmoins, si elles se trouvent dans la même situation que les personnes du premier groupe contesté, les mêmes conclusions s’appliqueraient logiquement à elles.

(b) Le Conseil ne peut pas se prononcer sur la validité constitutionnelle des Règles de 1987

[80] Les défendeurs soutiennent que les résolutions de 2012 sont néanmoins valides parce que les Règles entrent en conflit avec la Charte. Le Conseil, pour ainsi dire, a dû choisir entre les Règles et la Charte, et on ne peut lui reprocher d’avoir privilégié la constitution canadienne. Cela suppose toutefois que le Conseil a compétence pour examiner une contestation constitutionnelle de la validité des Règles. Pour les motifs suivants, j’estime que ce n’est pas le cas.

[81] La Cour suprême du Canada a écrit il y a longtemps que « [l]a question de la constitutionnalité des lois a toujours été dans ce pays une question réglable par les voies de justice » : Thorson c Procureur Général du Canada, [1975] 1 RCS 138 à la p 151. Le rôle des tribunaux lorsqu’il s’agit de statuer sur la validité constitutionnelle des lois a été décrit comme un « pouvoir judiciaire fondamental dans un régime fédéral comme celui décrit dans la Loi constitutionnelle » : Procureur général du Canada c Law Society of British Columbia, [1982] 2 RCS 307 à la p 328. Par extension, les tribunaux administratifs peuvent trancher des questions constitutionnelles soulevées dans les affaires dont ils sont saisis, à condition qu’ils aient le pouvoir de trancher des questions de droit : R c Conway, 2010 CSC 22, [2010] 1 RCS 765. Par exemple, les tribunaux d’appel des élections des Premières Nations sont présumés avoir compétence sur les questions constitutionnelles : Perry c Première nation Cold Lake, 2018 CAF 73, au paragraphe 45. De même, les tribunaux administratifs doivent exercer leurs pouvoirs discrétionnaires d’une manière conforme aux valeurs de la Charte : Doré c Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 RCS 395 [Doré].

[82] Un organe législatif, qu’il s’agisse d’une assemblée législative ou d’un organe délégué, n’est pas investi d’un tel pouvoir. Bien entendu, si un organe législatif estime que l’un de ses propres textes est inconstitutionnel, il peut l’abroger ou le modifier. Toutefois, la nature de ce processus est fondamentalement différente de celle d’un tribunal qui déclare qu’une loi est inopérante parce qu’elle est contraire à la Constitution : R c Sullivan, 2022 CSC 19, au paragraphe 45. Il s’agit simplement d’un nouvel exercice du pouvoir législatif de l’organe.

[83] En revanche, un organe législatif, et à plus forte raison une composante du pouvoir exécutif, ne peut pas annuler ou refuser d’appliquer un texte d’un autre organe législatif parce qu’il l’estime inconstitutionnel. Il s’agirait d’une usurpation des pouvoirs de ce dernier. Dans une telle situation, la marche à suivre est de demander une décision judiciaire, comme l’ont fait à maintes reprises tous les ordres de gouvernement, à moins que l’organe en question ne dispose d’un pouvoir explicite de désaveu (voir, par exemple, l’ancien article 82 de la Loi; l’article 90 de la Loi constitutionnelle de 1867; et l’article 19.1 de la Loi sur les textes réglementaires, LRC 1985, c S-22).

[84] Si le Conseil exerçait une fonction législative lorsqu’il a adopté les résolutions contestées, il devait rester dans les limites de ses pouvoirs. Comme je l’ai expliqué plus haut, le Conseil n’avait pas le pouvoir d’adopter ou de modifier les règles d’appartenance. Le Conseil ne peut pas élargir ses pouvoirs législatifs en déclarant simplement les Règles contraires à la Charte. Il n’a pas le pouvoir de désavouer un code d’appartenance adopté par les membres de la bande. Bien au contraire, le Conseil est en position de subordination dans ce domaine, comme je l’ai montré plus haut. Un principe élémentaire de droit veut qu’un organe législatif respecte les normes supérieures et ne puisse pas les modifier : Friends of the Oldman River Society c Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 RCS 3 à la p 38.

[85] Les défendeurs semblent suggérer que le Conseil exerçait une fonction juridictionnelle lorsqu’il a prétendu déclarer les Règles inconstitutionnelles. Cependant, ils n’ont pas identifié la source d’un tel pouvoir. Les Règles, en particulier, n’accordent aucun pouvoir décisionnel discrétionnaire au Conseil en ce qui concerne l’appartenance, et encore moins le pouvoir de trancher des questions de droit. Selon les Règles, le pouvoir d’admission discrétionnaire doit être exercé par les membres de la bande, sur recommandation du comité d’appartenance. Le seul rôle du Conseil dans ce processus est de convoquer un référendum auprès des membres de la bande lorsque le comité d’appartenance formule une recommandation. Cette étape du processus ne comporte aucun pouvoir discrétionnaire. Comme il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire au départ, les principes énoncés dans l’arrêt Doré ne sont d’aucune utilité pour les défendeurs.

[86] Le jugement du juge Mosley n’a accordé aucun pouvoir supplémentaire au Conseil. Il est vrai qu’au paragraphe 72 de ses motifs, il a laissé « à la bande et à son conseil le soin de décider comment ils s’y prendront pour réparer le manquement et donner effet à cette réparation ». Néanmoins, dans son jugement formel, il a ordonné au Conseil de constituer un comité d’appartenance, qui devait examiner les demandes d’appartenance et faire des recommandations lors d’une réunion des membres de la bande. L’hypothèse était que le processus établi par les Règles serait suivi. Ce processus ne confère au Conseil aucun rôle décisionnel ni pouvoir discrétionnaire.

[87] Il était donc déraisonnable que le Conseil tente de modifier les Règles en prétendant juger de leur validité constitutionnelle. Il n’a pas le pouvoir de le faire. Comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada au paragraphe 68 de l’arrêt Vavilov :

La norme de la décision raisonnable ne permet pas aux décideurs administratifs d’interpréter leur loi habilitante à leur gré et ne les autorise donc pas à élargir la portée de leurs pouvoirs au-delà de ce que souhaitait le législateur.

[88] En pratique, cela signifie qu’un conseil qui estime qu’une disposition d’un code d’appartenance (ou d’un code électoral) est invalide ne peut pas prétendre rectifier la question lui-même; il doit plutôt lancer le processus de modification du code, qui nécessite habituellement l’approbation des membres : voir, par exemple, Clark c Conseil de bande de la Première Nation d’Abegweit, 2019 CF 721; Linklater c Première Nation Thunderchild, 2020 CF 1065; McCallum, aux paragraphes 96 à 103.

(c) Le Conseil ne peut pas s’appuyer sur son pouvoir d’appliquer les Règles

[89] Les défendeurs soutiennent également que le Conseil était habilité à adopter les résolutions de 2012 en vertu de l’article 31 des Règles, qui est rédigé ainsi :

[traduction]

31. La bande délègue par les présentes au conseil le pouvoir de prendre des règlements visant à assurer l’application juste et impartiale des présentes Règles, exempte de discrimination fondée sur le sexe, la religion, l’âge ou la famille, et conforme à l’intérêt supérieur de la bande.

[90] Une disposition semblable a été examinée dans l’affaire Angus c Conseil tribal de la Première Nation des Chipewyans des Prairies, 2008 CF 932. Dans cette affaire, une Première Nation a prétendu adopter une résolution mettant fin au mandat du président d’élection, ce qui a eu pour effet de contrecarrer la procédure d’appel en matière d’élection. Mon collègue le juge James Russell a conclu que la disposition en question « ne confère pas à un conseil de bande nouvellement élu le pouvoir de modifier la fonction et l’objet premiers du Code électoral [...] ».

[91] De même, en l’espèce, le Conseil ne peut pas s’appuyer sur l’article 31 pour modifier un élément fondamental des Règles. Modifier les Règles, ce n’est pas en « assurer l’application ». En outre, comme je l’ai expliqué plus haut, un principe juridique fondamental veut qu’une délégation de pouvoir soit présumée ne pas inclure le pouvoir de contredire l’instrument de délégation. Par conséquent, les résolutions ne peuvent contredire les Règles.

[92] De plus, les articles 26 à 29 des Règles prévoient une procédure de modification comportant une assemblée extraordinaire des membres de la bande. Ces dispositions deviendraient inutiles si l’article 31 avait la vaste portée réclamée par les défendeurs.

[93] Dans ce contexte, je ne peux pas interpréter l’interdiction de discrimination énoncée à l’article 31 comme conférant un pouvoir étendu d’examiner la validité constitutionnelle des Règles et de les modifier en conséquence. Autrement dit, l’interdiction s’applique à ce que le Conseil est habilité à faire (« assurer l’application [...] des présentes Règles »). Elle n’élargit pas les pouvoirs du Conseil.

(d) Les défendeurs ne peuvent contester la validité des Règles de 1987 dans le cadre de la présente instance

[94] Dans leurs observations écrites, les défendeurs font valoir que les Règles sont discriminatoires et vont à l’encontre de l’article 15 de la Charte, et ils demandent qu’elles soient déclarées inopérantes. Toutefois, ils n’ont pas présenté leur propre demande de contrôle judiciaire en vue d’obtenir un tel redressement ni donné d’avis de question constitutionnelle.

[95] Par conséquent, je ne suis pas régulièrement saisi de la question de la validité constitutionnelle des Règles. Rien dans les présents motifs ne doit être interprété comme une opinion sur cette question.

[96] Pour des motifs semblables, les défendeurs ne peuvent pas contester le processus par lequel les Règles ont été adoptées en 1987. Si la question avait été correctement soulevée, des éléments de preuve adéquats auraient pu être présentés à la Cour. Quoi qu’il en soit, le ministre a donné avis le 18 septembre 1987 que la bande contrôlait l’appartenance à ses effectifs. Cela semble indiquer que le ministre était convaincu que les Règles avaient été adoptées avec l’autorisation de la majorité des électeurs de la bande. D’ailleurs, au paragraphe 43 de son jugement, le juge Mosley a statué qu’il était trop tard pour contester la validité de l’adoption des Règles en 1987.

(3) L’invalidité du référendum de 2021

[97] Toutefois, les défendeurs soutiennent qu’un nouveau code d’appartenance a été adopté par voie de référendum en 2021 et qu’il accorde le statut de membre à toutes les personnes dont l’appartenance est contestée dans la présente instance. Cependant, cet argument se heurte au fait que les personnes dont l’appartenance est contestée ont voté au référendum de 2021. Autrement dit, si les résolutions de 2012 sont invalides, les personnes du deuxième groupe contesté n’étaient pas membres de la bande lorsqu’elles ont voté lors du référendum. Le fait que le référendum ait modifié les règles d’appartenance de la bande n’a pas d’effet rétroactif permettant à ces personnes de voter au référendum.

[98] Par conséquent, l’argument devient circulaire, à moins que les votes des membres contestés n’aient eu aucune incidence sur le résultat du référendum. Or, ce n’est pas le cas en l’espèce. Le deuxième groupe contesté compte 27 personnes, mais le code d’appartenance n’a été adopté que par une majorité de 14 voix. La méthode habituelle pour déterminer si une irrégularité a eu une incidence sur le résultat d’une élection, connue sous le nom de critère du « nombre magique », consiste à comparer le nombre de votes irréguliers à la majorité du candidat élu. Si le premier chiffre est supérieur au second, cela signifie que le résultat est compromis : Opitz c Wrzesnewskyj, 2012 CSC 55 aux paragraphes 71 à 73, [2012] 3 RCS 76 [Opitz]. La preuve ne me permet pas d’adopter en toute confiance un critère différent ou de parvenir à une conclusion différente : Pastion c Première nation Dene Tha’, 2018 CF 648 aux paragraphes 54 à 57, [2018] 4 RCF 467. Au contraire, il est raisonnable de supposer que la plupart des membres contestés ont voté en fonction de leurs propres intérêts.

[99] Les demandeurs ont avancé un argument supplémentaire pour soutenir que le code d’appartenance de 2021 n’a pas été valablement adopté : il n’a pas été approuvé par la majorité absolue des membres de la bande qui ont voté lors du référendum. Je ne suis pas d’accord. Bien que l’article 10 de la Loi et l’article 28 des Règles de 1987 prévoient l’adoption ou la modification des règles d’appartenance avec « l’autorisation de la majorité des électeurs », la Cour d’appel fédérale a déclaré que cela signifie que la majorité des électeurs doit voter et que la majorité de ceux qui votent doit être en faveur de la mesure proposée : Première Nation de Abénakis d’Odanak c Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2008 CAF 126, au paragraphe 42. Cette exigence a été remplie en l’espèce. Par conséquent, ma conclusion selon laquelle le code d’appartenance de 2021 n’a pas été valablement adopté ne repose pas sur ce motif.

[100] Les défendeurs soutiennent néanmoins que les résultats du référendum sont valides ou ne peuvent plus être contestés, en raison de la présomption de validité de la liste électorale ou de la doctrine du manque de diligence (« laches »). Je rejette ces arguments pour les motifs qui suivent.

(a) Regarder au-delà de la liste

[101] Les défendeurs soutiennent que le fait que le nom d’une personne figure sur la liste des membres de la bande est concluant et permet de déterminer qui pouvait voter au référendum de 2021. Ils s’appuient sur les arrêts Medeiros c Echum, 2001 CFPI 1318, aux paragraphes 103 à 109 [Medeiros] et Marchand c Canada (Registraire, Affaires indiennes et du Nord canadien), 2000 BCCA 642, au paragraphe 38 [Marchand].

[102] Les demandeurs répondent que la définition d’« électeur » à l’article 2 de la Loi sur les Indiens doit être interprétée comme signifiant que le nom d’une personne doit figurer sur la liste de la bande, mais aussi que cette personne doit avoir le droit d’être membre. En guise d’analogie, ils s’appuient également sur l’arrêt Opitz, au paragraphe 63, dans lequel la Cour suprême du Canada a déclaré qu’un juge peut examiner tout élément de preuve concernant l’âge, la citoyenneté ou la résidence d’une personne pour déterminer si cette dernière avait le droit de voter.

[103] Dans les circonstances exceptionnelles de la présente affaire, je conviens que la liste des membres de la bande ne constitue pas un élément de preuve concluant du droit de vote au référendum, mais pas pour les motifs invoqués par les demandeurs. Je dois dire que j’ai des réserves au sujet des prétentions radicales qu’ils ont fait valoir. Bien que la Cour suprême ait mentionné dans l’arrêt Opitz qu’un juge pouvait examiner la preuve concernant la citoyenneté d’un électeur, je comprends que cela signifie qu’un juge pourrait exiger la production du passeport de l’électeur, de son certificat de naissance ou d’une autre preuve acceptable de sa citoyenneté. Je serais étonné que la Cour ait à l’esprit que, dans le cadre d’un appel en matière d’élection, le droit à la citoyenneté d’un électeur puisse être contesté. Dans le contexte des Premières Nations, il existe des procédures pour contester l’appartenance d’une personne. Si elles ne sont pas utilisées, on ne peut normalement pas transformer un appel en matière d’élection en contestation de l’appartenance.

[104] Ce qui rend cette affaire différente, c’est qu’il ne s’agit pas d’un litige concernant l’appartenance d’une personne, mais d’une tentative illégale du Conseil de modifier unilatéralement les règles d’appartenance de la bande. Comme le juge Mosley l’a souligné, c’est la primauté du droit qui est en jeu. En tant qu’organisme public, le Conseil doit agir conformément à la loi. Au lieu de cela, le Conseil a décidé de faire fi de la loi adoptée par les membres de la bande et y a substitué ses propres règles, dans le but de contourner le jugement du juge Mosley. De même, dans l’affaire McCallum, au paragraphe 94, ma collègue la juge Cecily Y. Strickland a refusé de considérer la liste des membres comme étant déterminante parce qu’elle avait été créée sur la base de critères autres que ceux énoncés dans le code d’appartenance en vigueur.

[105] Le respect de la primauté du droit est d’autant plus important en l’espèce, car le Conseil a tenté de modifier la composition de la bande. Peu de questions sont plus importantes pour une Première Nation que la définition de ses effectifs. Il s’agit de l’identité même d’une Première Nation en tant qu’entité politique. C’est la raison pour laquelle le Parlement a habilité les électeurs des Premières Nations, et non leurs conseils, à adopter des règles ou des codes d’appartenance. De plus, il n’est pas nécessaire d’être très perspicace pour comprendre que donner aux conseils le pouvoir de modifier les règles d’appartenance ouvrirait la voie à la manipulation partisane.

[106] La décision d’élargir les critères d’appartenance à la bande doit être prise par une majorité de ceux qui sont membres avant de procéder à cet élargissement. Ceux qui bénéficieraient de l’élargissement ne peuvent pas voter lors du référendum. Autrement dit, le résultat du référendum n’est pas rétroactif. Ainsi, seules les personnes ayant le droit d’être membres en vertu des Règles de 1987 avaient le droit de vote. S’il en était autrement, l’autodétermination du groupe existant pourrait être compromise par ceux qui souhaitent s’y joindre, mais qui ne sont pas encore membres.

[107] Pour ces motifs, la question de la validité du référendum ne peut pas être dissociée de celle de la validité de la liste électorale. Il est incontestable que 27 personnes (les membres du deuxième groupe) étaient inscrites sur la liste sans avoir le droit d’être membres selon les Règles de 1987, parce qu’un seul de leurs parents est membre de la bande et qu’elles n’ont pas présenté de demande d’appartenance discrétionnaire. Le vote de ces 27 personnes pourrait bien avoir influencé le résultat.

[108] Les affaires Medeiros et Marchand n’aident pas les défendeurs. Dans l’affaire Medeiros, une Première Nation a tenu un vote pour ratifier un accord de règlement avec une société d’État, mais a empêché ses membres résidant hors réserve de voter, parce qu’elle considérait qu’ils formaient une Première Nation différente, mais non reconnue. Le juge Russell a conclu que la Première Nation ne pouvait pas ignorer sa propre liste de membres et s’arroger le pouvoir de créer une Première Nation distincte. La situation actuelle est très différente, puisqu’elle concerne l’adoption illégale de règles d’appartenance, ce qui compromet la validité de l’ensemble de la liste des membres.

[109] L’arrêt Marchand traitait de l’alinéa 6(1)a) de la Loi, qui accorde le statut d’Indien à une personne qui « était inscrite ou avait le droit de l’être le 16 avril 1985 ». La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a statué que cette expression comprend les personnes qui ont été inscrites par erreur avant cette date. Cette disposition a eu pour effet de régulariser le Registre des Indiens à cette date. Les Règles de 1987 ne contiennent aucune disposition correspondante qui permettrait de régulariser le statut des personnes appartenant au deuxième groupe contesté.

(b) Le manque de diligence et les arguments corrélatifs

[110] Les défendeurs ont également invoqué la doctrine du manque de diligence (« laches ») pour s’opposer aux allégations des demandeurs. Au paragraphe 145 de l’arrêt Manitoba Metis, la Cour suprême du Canada a décrit cette doctrine ainsi :

La doctrine des laches reconnue en equity exige qu’une procédure judiciaire fondée sur l’equity soit engagée sans retard injustifié. Elle ne fixe aucune limite précise, mais prend en compte les circonstances de chaque affaire. Pour déterminer si un retard peut être considéré comme donnant application à la doctrine des laches, il faut principalement considérer s’il y a eu : (1) acquiescement de la part du demandeur; et (2) changement de position de la part du défendeur parce qu’il croyait raisonnablement que le demandeur acceptait le statu quo [...]

[111] Dans leurs observations écrites, les défendeurs ont invoqué un moyen de défense fondé sur le manque de diligence, principalement à l’égard du premier groupe contesté, mais ils n’ont pas expliqué précisément en quoi le comportement des demandeurs constituait un acquiescement ni comment les défendeurs ont changé leur position en se fondant sur l’acquiescement des demandeurs. Les plaidoiries n’ont pas permis de clarifier les choses.

[112] Cet argument se heurte à un obstacle dirimant : il équivaut à demander à la Cour de valider une modification importante des Règles de 1987, simplement parce que le Conseil a persisté dans une ligne de conduite visant à les contourner. Pourtant, comme l’a souligné le juge Mosley, le non-respect par le Conseil des Règles de 1987 constitue une entorse à la primauté du droit. On ne peut tolérer le mépris systématique du Conseil pour les règles adoptées par les membres de la bande.

[113] Un autre problème fondamental est que l’acquiescement présuppose la connaissance : Manitoba Metis, au paragraphe 147. Pourtant, il n’y a guère de preuve montrant que qui que ce soit était au courant des résolutions de 2012 au moment où elles ont été prises ou au cours des années qui ont suivi. Les demandeurs déclarent n’avoir pris connaissance de leur existence qu’au lendemain de l’élection de 2021. Bien que les résolutions aient été divulguées à l’avocat de M. Cameron lors de leur adoption, la communication a été explicitement limitée aux fins du litige. Il n’existe aucune preuve que M. Cameron les a transmises à quelqu’un d’autre ou que le Conseil les a rendues publiques.

[114] Les défendeurs insistent beaucoup sur le désistement de M. Cameron à l’égard de sa contestation des résolutions de 2012 et de la réponse de la bande au jugement du juge Mosley. Étant donné que M. Cameron travaillait en étroite collaboration avec d’autres opposants au chef Blain, en particulier Mmes Pittman et Kirkpatrick — cette dernière étant sa mère — ses décisions devraient être attribuées à l’ensemble du groupe. Je ne peux pas souscrire à cet argument, car il n’existe aucune preuve des motifs qui ont conduit M. Cameron à se désister de ses procédures et aucune preuve indiquant que les demandeurs actuels étaient en accord avec le désistement. En particulier, rien n’indique que lui, les demandeurs actuels ou l’ensemble des opposants au chef Blain soient parvenus à un quelconque accord avec la bande.

[115] Quoi qu’il en soit, les défendeurs n’ont pas expliqué en quoi ils avaient changé de position ou agi à leur détriment en se fondant sur l’acquiescement allégué des demandeurs. Je note, à cet égard, qu’à une exception près, les défendeurs individuels n’ont pas comparu dans le cadre de la présente instance. Dans la mesure où le passage du temps aurait rendu plus difficile la collecte d’éléments de preuve concernant les votes des membres pendant la période allant de 1987 à 1996, ce problème toucherait principalement le premier groupe contesté, et pas le deuxième.

[116] Il semble que le véritable fondement de l’argument des défendeurs relatif au manque de diligence soit le fait que de nombreuses personnes seront soudainement privées des avantages liés à l’appartenance, alors qu’elles croyaient depuis longtemps être membres de la bande. La loi doit cependant être respectée, peu importe les inconvénients qui découlent de son application. Comme je l’expliquerai plus loin, la solution n’est pas de fermer les yeux sur un manquement systématique à l’application des Règles de 1987, mais de suspendre les effets du présent jugement pour permettre à toutes les parties de parvenir à une solution mutuellement acceptable.

(4) La coutume

[117] Les défendeurs soutiennent également que la pratique consistant à accorder le statut de membre à toute personne dont au moins un parent est membre de la bande — ce qu’ils appellent la [traduction] « politique d’admettre tous les enfants » — est devenue le droit coutumier de la bande et remplace les Règles de 1987. En effet, le préambule de la résolution no 2 de 2012 énonce que cette politique fait partie des [traduction] « coutumes, traditions et lois » de la bande.

[118] Je suis prêt à supposer, aux fins de la discussion, que l’article 10 de la Loi ne prescrit aucun processus particulier pour l’adoption d’un code d’appartenance et que le « consentement [de la] majorité des électeurs de la bande » peut être obtenu par des moyens qui incluent la coutume. En ce qui concerne les élections, notre Cour reconnaît l’existence d’une « coutume » « lorsqu’il est démontré qu’elle reflète le large consensus des membres d’une Première Nation » : Whalen, au paragraphe 32. Un large consensus peut s’exprimer par l’adoption d’une loi écrite au moyen d’un vote en bonne et due forme des membres d’une Première Nation : McCallum, au paragraphe 60. Il peut également découler d’une « ligne de conduite qui exprime l’accord tacite des membres de la Première Nation sur une règle particulière » : Whalen, au paragraphe 36. Le fardeau de prouver une coutume incombe à la partie qui l’allègue : Whalen, au paragraphe 41.

[119] Le principal obstacle à l’argument des défendeurs réside dans le fait que la coutume qui existait avant 1987 a elle-même été remplacée par l’adoption des Règles. Je dois supposer que les Règles ont été valablement adoptées par une majorité des membres de la bande, ce qui signifie que leur contenu a fait l’objet d’un large consensus au sein de la communauté. Les Règles ont donc satisfait au critère de la coutume et ont supplanté toute coutume antérieure qui leur serait contraire.

[120] Autrement dit, il n’y a pas de hiérarchie entre le droit coutumier non écrit et les lois écrites adoptées par les membres d’une Première Nation. Tous deux reflètent le large consensus de la communauté, tel que ce concept est compris dans la jurisprudence de notre Cour. Par conséquent, en cas de conflit, c’est la loi la plus récente qui prévaut.

[121] À cet égard, il n’est pas utile pour les défendeurs d’affirmer que les sondages menés en 1986 et en 1987, avant l’adoption des Règles, correspondaient davantage à la [traduction] « politique d’admettre tous les enfants » que les dispositions contenues dans les Règles. Ils ne peuvent pas non plus s’appuyer sur des éléments de preuve historiques censés décrire les lois de la bande avant l’imposition de la Loi. Nous devons supposer que les membres ont décidé d’écarter toute coutume préexistante lorsqu’ils ont adopté les Règles de 1987. La coutume préexistante ne constitue pas une limite au pouvoir des membres d’adopter des règles d’appartenance en vertu de l’article 10 de la Loi.

[122] Il est toutefois possible qu’une nouvelle coutume soit apparue après 1987 et qu’elle ait remplacé les Règles écrites. Cependant, il n’y a tout simplement aucune preuve montrant que la [traduction] « politique d’admettre tous les enfants » est devenue une coutume après 1987. Le fait que la plupart, voire la totalité, des demandes pour devenir membre présentées pendant la période allant de 1987 à 1996 ont été accordées peut montrer que les membres de la bande étaient d’avis que chaque enfant d’un membre devrait être admis; mais cette situation est également compatible avec le principe selon lequel il fallait procéder à un vote conformément aux Règles.

[123] En ce qui concerne la période allant de 1996 à 2012, j’ai conclu plus haut qu’il n’y a guère de preuve de l’admission de nouveaux membres et, a fortiori, de l’application de la prétendue [traduction] « politique d’admettre tous les enfants ». Surtout, rien ne prouve que les membres de la bande (par opposition aux membres du Conseil ou aux employés de la bande) aient été informés de la politique en vigueur, quelle qu’elle soit. Les gestes du Conseil qui ne sont pas généralement connus des membres ne peuvent pas changer la coutume : Bertrand c Première Nation Acho Dene Koe, 2021 CF 287 au paragraphe 37. Il m’est donc impossible de conclure qu’une politique suivie pendant cette période a fait l’objet d’un large consensus de la part des membres de la bande.

[124] Pour des raisons similaires, les résolutions de 2012 ne peuvent pas donner lieu à une coutume. Comme je l’ai expliqué plus haut, rien ne prouve qu’elles ont été rendues publiques et que les membres de la bande ont été mis au courant de leur existence. Le Conseil ne peut pas usurper le pouvoir des membres de la bande d’adopter ou de modifier des règles d’appartenance en déclarant tout simplement qu’il existe une coutume.

[125] Les défendeurs s’appuient également sur les résultats d’un sondage mené auprès des membres de la bande en 2012 à la suite du jugement du juge Mosley. Les résultats eux-mêmes du sondage n’ont pas été déposés en preuve. Nous ne disposons que d’un résumé fourni par M. Robinson dans son affidavit de 2012. Il semble que seulement 30 membres ont répondu au sondage. Il est difficile de tirer des conclusions à partir de renseignements aussi imprécis.

[126] Quant au référendum de 2021, j’ai expliqué plus haut qu’il ne peut pas constituer une expression valable de l’opinion des membres de la bande.

D. La validité de l’élection de 2021

[127] Les demandeurs contestent également la validité de l’élection de 2021. J’ai conclu que seuls les membres du deuxième groupe contesté, soit 27 personnes, ont voté sans en avoir le droit. Or, les candidats vainqueurs aux postes de chef et de conseiller ont été élus avec une marge de plus de 27 voix. Par conséquent, même si les membres du deuxième groupe contesté ont voté en violation des dispositions de la LEPN, cela n’a pas eu d’incidence sur le résultat de l’élection.

[128] De plus, comme le chef Blain est membre de la bande, le fait qu’il soit élu n’a pas constitué une infraction à la LEPN.

[129] Étant donné qu’il n’existe aucun motif pour annuler les résultats de l’élection de 2021, je n’ai pas à me prononcer sur la question de savoir si la demande de contrôle judiciaire des résultats de l’élection a été présentée dans le délai fixé par l’article 32 de la LEPN ni sur la question de savoir si la Cour a compétence pour proroger ce délai.

E. Les mesures de réparation demandées

[130] Il faut maintenant aborder la question des mesures de réparation. Les demandeurs ont sollicité un large éventail de mesures de réparation, y compris des déclarations, des injonctions et des ordonnances annulant les résultats de l’élection et du référendum de 2021. Ils demandent également à la Cour d’imposer un processus d’examen de la situation des membres semblable à celui envisagé par le juge Mosley et de conserver sa compétence.

[131] Étant donné qu’il n’y a aucune preuve indiquant que l’admission du premier groupe contesté au sein de la bande était irrégulière, toutes les mesures de réparation demandées à l’égard de ce groupe, y compris une déclaration selon laquelle le chef Blain n’est pas éligible et une ordonnance annulant les résultats de l’élection de 2021, sont rejetées. Pour le même motif, un examen de la situation des membres serait inutile, et aucune ordonnance n’est rendue à cet égard.

[132] En revanche, les personnes faisant partie du deuxième groupe contesté ne sont pas des membres légitimes de la bande, car les résolutions de 2012 et le référendum de 2021, qui prétendaient tous deux les admettre, étaient invalides. Pour remédier à cette situation et orienter les démarches ultérieures que les parties devront entreprendre, j’annulerai tout d’abord les résolutions de 2012 (c’est-à-dire les résolutions nos 2 et 4) et le référendum de 2021 et déclarerai que les Règles de 1987 demeurent en vigueur. Je rendrai également un jugement déclaratoire selon lequel les membres du deuxième groupe contesté n’ont pas été valablement admis au sein de la bande. Cela signifie que ces personnes ne peuvent pas se prévaloir des droits et avantages associés à l’appartenance à la bande.

[133] Cela placera sans aucun doute le deuxième groupe contesté dans une situation difficile. Ces personnes ont pu légitimement croire, pendant un certain nombre d’années, qu’elles étaient membres de la bande. Elles dépendent peut-être des services que la bande offre à ses membres et résident peut-être dans la réserve. Les membres de la bande pourraient bien vouloir corriger cette situation, du moins dans une certaine mesure. Une solution serait de modifier les Règles de 1987 afin d’étendre le statut de membre à certaines de ces personnes ou à l’ensemble d’entre elles, au moyen d’un référendum dans le cadre duquel seuls les membres actuels voteraient. Une autre solution, qui n’exige aucune modification des Règles, serait que certaines de ces personnes présentent une demande d’appartenance discrétionnaire en vertu des Règles de 1987. Le Conseil serait alors tenu de mettre en œuvre la procédure prévue par les Règles. Ce ne sont là que des exemples. Je ne veux pas imposer une ligne de conduite particulière ni exprimer une opinion quant aux personnes qui devraient avoir le droit d’être membres. Je reconnais simplement que des mesures peuvent être prises en réponse au présent jugement et qu’il faudra un certain temps pour le faire de façon appropriée.

[134] Les demandeurs tentent d’éviter certaines de ces conséquences en reformulant l’ordonnance qu’ils cherchent à obtenir de manière à ce qu’elle ne porte que sur le droit de vote des membres contestés. Cela est toutefois illogique. À moins que le code électoral ou le code d’appartenance d’une Première Nation ne contienne des dispositions particulières à cet effet, il est impossible d’être membre d’une Première Nation à certaines fins seulement. L’ordonnance modifiée que sollicitent les demandeurs pourrait également conduire à une situation dans laquelle les non-membres bénéficient des droits associés à l’appartenance pour une période indéterminée. Il est préférable de suspendre les effets du présent jugement sur les membres du deuxième groupe contesté pour une période de 18 mois. Durant cette période, les membres du deuxième groupe contesté jouiront des droits et avantages découlant de l’appartenance à la bande. Toutefois, cette suspension ne s’appliquera pas au droit de vote, car elle permettrait de rejouer le référendum de 2021, dans le cadre duquel des personnes qui ne sont pas membres ont voté.

III. Dispositif

[135] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-926-21 sera rejetée et la demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-1061-21 sera accueillie en partie. Je rendrai les ordonnances décrites ci-dessus.

[136] Aucuns dépens ne seront adjugés. Il s’agit d’un cas de succès partagé dans lequel chaque partie a gain de cause relativement à une partie distincte de l’affaire. De plus, les deux parties ont une part de responsabilité dans les controverses qui affligent la bande depuis plus de quinze ans. Dans ces circonstances, il serait injuste de demander à une partie de payer les frais de l’autre partie.


JUGEMENT dans les dossiers T-926-21 et T-1061-21

LA COUR STATUE :

  1. La requête des demandeurs afin de faire proroger le délai pour présenter leur demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-1061-21 est accueillie.

  2. La demande de contrôle judiciaire présentée dans le dossier T-926-21 est rejetée.

  3. La demande de contrôle judiciaire présentée dans le dossier T-1061-21 est accueillie en partie.

  4. Les résolutions nos 2 et 4 adoptées par le Conseil de la bande indienne d’Ashcroft le 13 août 2012 sont ultra vires et sont par les présentes annulées.

  5. Les résultats du référendum tenu le 6 mai 2021 sont annulés et le code d’appartenance proposé pour adoption n’a jamais été valablement adopté.

  6. L’appartenance à la bande indienne d’Ashcroft est régie par les Règles d’appartenance adoptées le 28 juin 1987.

  7. Dallas Blain, Jason Blain, Kyle Blain, Logan Blain, Melissa Blain, Roman Blain, Trista Blain, Zachary Blain, Matthew Comin, Brendan Dixon, Nolan Dixon, Rachel Dixon, Kenneth Ryley Gardner, Flecia Gordon, Adam Gurney, Jacqueline Kouprie, Adrian Pelletier, Alexander Pelletier, Blaise Pelletier, Cecila Pelletier, Ellen Pelletier (Lambert), Katherine Pelletier, Michael Pelletier, Regina Pelletier, Roland Pelletier, Vincent Pelletier et Michael Van Nostrand n’ont pas été valablement admis au sein de la bande indienne d’Ashcroft et ne peuvent se prévaloir des droits et avantages associés à l’appartenance à la bande.

  8. Les effets de la déclaration énoncée au paragraphe précédent sont suspendus pendant 18 mois à compter de la date du présent jugement, sauf en ce qui concerne le droit de vote aux élections de la bande, à un référendum, à une assemblée générale ou à d’autres occasions semblables, y compris tout processus prévu au paragraphe 10(2) de la Loi sur les Indiens.

  9. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Sébastien Grammond »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

t-926-21

T-1061-21

INTITULÉ :

T-926-21 : ANNETTE PITTMAN, RAYMOND DICK, SERAPHINE BOOMER ET DAYTON DICK c LA BANDE INDIENNE D’ASHCROFT, GREG BLAIN, EARL BLAIN, DENNIS PITTMAN ET BLAIR MACKENZIE, EN SA QUALITÉ DE PRÉSIDENT D’ÉLECTION

T-1061-21 : ANNETTE PITTMAN, RAYMOND DICK, SERAPHINE BOOMER ET DAYTON DICK c LE CONSEIL DE LA BANDE INDIENNE D’ASHCROFT, GREG BLAIN, EN SA QUALITÉ PERSONNELLE ET EN SA QUALITÉ DE CHEF DE LA BANDE INDIENNE D’ASHCROFT, EARL BLAIN, EN SA QUALITÉ DE CONSEILLER DE LA BANDE INDIENNE D’ASHCROFT, DENNIS PITTMAN, EN SA QUALITÉ

DE CONSEILLER DE LA BANDE INDIENNE D’ASHCROFT, ET ARNOLD BLAIN, DALLAS BLAIN, JASON BLAIN, KYLE BLAIN, LESLIE BLAIN JR., LOGAN BLAIN, MELISSA BLAIN, ROMAN BLAIN, TRISTA BLAIN, ZACHARY BLAIN, CLINTON BLANKINSHIP, SHAWN BLANKINSHIP, LAVONNE COMIN, MATTHEW COMIN, ARLENE DIXON, BRENDAN DIXON, NOLAN DIXON, RACHEL DIXON, ALFRED GARDNER, DAWN GARDNER, KENNETH PETER GARDNER, KENNETH RYLEY GARDNER, FLECIA GORDON, MARCIE GORDON, ADAM GURNEY, DENISE GURNEY, LESLEY HEIDEL, DEBRA KILBACK (VAN NOSTRAND), JACQUELINE KOUPRIE, BETTY LOWRY, JAMES MARTIN, KENNETH MARTIN, ADRIAN PELLETIER, ALEXANDER PELLETIER, BLAISE PELLETIER, CECILA PELLETIER, ELLEN PELLETIER (LAMBERT), ERIN PELLETIER, KATHERINE PELLETIER, MICHAEL PELLETIER, REGINA PELLETIER, ROLAND PELLETIER, VINCENT PELLETIER, SHARON SCHAMEHORN, TERESA VANDELL, MICHAEL VAN NOSTRAND ET DELORESS WARNEBOLDT

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 JUIN 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

DATE DES MOTIFS :

LE 5 OCTOBRE 2022

COMPARUTIONS :

Michael Lee Ross

Lisa C. Fong

POUR LES DEMANDEURS

Craig E. Jones, c.r.

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Lee Ross Law Corporation Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DEMANDEURS

Branch MacMaster LLP

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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