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Date : 20221006


Dossier : T‐1107‐22

Référence : 2022 CF 1382

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2022

En présence de monsieur le juge Henry S. Brown

ENTRE :

LARSON ANDERSON, EDWARD ALBERT, ANTHONY APETAGON, ORVILLE APETAGON, DEON CLARKE, JOHN L. HENRY

demandeurs

et

PAM TAIT‐REAUME, ROY FOLSTER, ERIC ROSS SR., SHERRY MENOW, BESSIE FOLSTER, GWEN APETAGON, HILDA ALBERT, STEPHANIE CONNORS, HUBERT HART, JERLEEN SULLIVAN, DAVID SWANSON

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Nature de l’affaire

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision, en date du 19 mai 2022 [la décision], par laquelle le comité d’appel en matière d’élections de la Nation crie de Norway House [le CAE] a accueilli l’appel relatif aux résultats de l’élection du chef et du Conseil interjeté par des membres de la Nation crie de Norway House [la NCNH]. La décision du CAE annule l’élection du chef et de tous les membres du Conseil, et interdit au chef élu, Larson Anderson, de se présenter aux élections pour une période de six ans, au motif qu’une « manœuvre frauduleuse » a été constatée. Les demandeurs demandent à la Cour d’infirmer la décision et de les rétablir dans leurs fonctions d’élus.

[2] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie pour les motifs exposés ci‐après, et l’affaire sera renvoyée pour qu’un CAE différemment constitué rende une nouvelle décision.

II. Faits

[3] En 1997, la NCNH a adopté sa propre loi coutumière sur les procédures électorales, la Election Procedures Act (aussi appelée dans les présents motifs l’« EPA »).

[4] Bien que l’EPA expose le processus électoral, il ne s’agit pas d’un code exhaustif. Par exemple, l’article 6.1 permet à tout électeur de voter par bulletin de vote d’un électeur absent, peu importe son lieu de résidence, mais l’EPA ne précise pas la procédure à suivre pour déposer ce bulletin de vote.

[5] De plus, l’EPA ne précise pas comment les modifications proposées par le chef et le Conseil doivent être traitées. Une disposition singulière de l’EPA prévoit que le chef et le Conseil élus ont le pouvoir d’accepter ou de rejeter les modifications proposées par les membres de la bande, même si l’ensemble des membres ont voté en faveur de la modification.

[6] Le préambule de l’EPA précise que les procédures électorales sont censées être [traduction] « conformes aux tendances et pratiques actuelles de la Nation crie de Norway House ».

[7] Le vote électronique a déjà été utilisé par cette Première Nation et son électorat. En 2017, avant que le vote électronique ne soit expressément autorisé par le processus de ratification prévu dans la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations, la NCNH a utilisé avec succès les services et la plateforme de One Feather (l’entreprise qui a assisté la NCNH pour le vote électronique de 2022 en cause en l’espèce) pour la tenue de son vote secret. [Je souligne.]

[8] De plus, les élections de 2006 et de 2009 ont été portées en appel. Dans chacune de ces deux procédures, qui sont les plus récents appels interjetés devant le CAE, des audiences à la manière de celles devant une cour de justice ont été tenues : les appels ont été instruits en public; les participants ont eu l’occasion de contester la preuve présentée par d’autres; les participants avaient en outre le droit de présenter leur propre preuve ainsi que des observations.

[9] Aucune de ces caractéristiques n’était présente dans la procédure faisant l’objet du présent contrôle judiciaire.

A. Processus ayant mené à l’élection du chef et du Conseil en 2022

[10] À titre d’information, le chef et le Conseil sont chargés d’exposer le processus électoral au moyen d’une Résolution du conseil de bande [la RCB]. La première étape consiste à fixer une date d’élection et à nommer un directeur de scrutin, ce qui a été fait par une RCB le 3 novembre 2020.

[11] Le 9 novembre 2021, Stephanie Connors, qui compte plus de 23 ans d’expérience à titre de directrice de scrutin, a été officiellement désignée par la NCNH comme directrice de scrutin indépendante pour mener le processus électoral de la NCNH du 7 mars 2021.

[12] Il est important de noter que l’article 5.1 de l’EPA confère au directeur de scrutin le pouvoir discrétionnaire d’indiquer les [traduction] « heures, dates et lieux » où le vote aura lieu.

[13] L’article 5.4 vient renforcer le pouvoir général et le pouvoir discrétionnaire du directeur de scrutin en précisant que les décisions du directeur de scrutin sont [traduction] « définitives et exécutoires ».

[14] L’élection du chef et des conseillers en 2022 a eu lieu pendant la pandémie de COVID‐19.

[15] La COVID‐19 a eu des conséquences graves sur cette Première Nation.

[16] Au cours des deux dernières semaines de janvier 2022, la COVID‐19 a eu les incidences suivantes sur l’électorat de la Première Nation :

  • a)Plus de 500 personnes dans la collectivité (qui compte environ 6 500 résidents) étaient en quarantaine;

  • b)Il n’y avait aucun moyen de savoir si la situation de la COVID‐19 allait empirer.

  • c)Les chiffres officiels indiquaient que 567 membres de la bande vivant dans la réserve étaient en isolement et qu’il y avait 213 cas actifs.

[17] Le 5 janvier 2022, en raison des effets de la pandémie de COVID‐19 et de la façon dont elle touchait les membres de la NCNH, la directrice de scrutin a recommandé au chef et au Conseil de permettre aux membres d’utiliser le courrier électronique pour transmettre leur vote (vote en ligne). Elle était d’avis que le vote électronique améliorerait l’accessibilité pour les électeurs, permettant ainsi à plus de citoyens d’exercer leur droit de vote. Elle estimait en outre qu’il s’agissait d’un moyen fiable et efficace de voter qui présentait des avantages incontestables par rapport au vote par la poste.

[18] La Première Nation, par l’entremise de son Conseil, a accepté la recommandation de la directrice de scrutin compte tenu des ravages de la pandémie de COVID‐19 sur ses membres et de l’importance d’exercer le droit de vote. La recommandation a été entérinée par une RCB en date du 22 janvier 2022. La RCB permettait le vote électronique conformément à la position de la directrice de scrutin.

[19] Conformément aux procédures de la bande, le chef de l’époque, le demandeur Larson Anderson, n’a pas participé au vote sur l’approbation du vote électronique.

[20] Le défendeur Hubert Hart, qui a interjeté appel des résultats de l’élection, était conseiller à l’époque où a été adoptée la RCB, et non seulement il a voté en faveur de la motion d’approbation de la RCB visant à autoriser l’utilisation du vote en ligne, mais il l’a appuyée.

[21] Le 27 janvier 2022, la décision de la directrice de scrutin d’utiliser le vote électronique en plus du vote par la poste et du vote en personne a été communiquée aux membres de la bande par les médias sociaux et affichée à de nombreux endroits dans la réserve et en ligne.

[22] Personne n’a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la directrice de scrutin de mettre en œuvre le vote électronique ou de la RCB qui permettait le vote en ligne.

[23] En fait, une seule personne s’est opposée soit à la RCB autorisant le vote électronique soit à la décision de la directrice de scrutin de recourir au vote électronique. Il s’agit de Jerleen Sullivan, qui compte parmi les défendeurs, qui ne s’y est opposée qu’après les élections (ce qui est peut‐être révélateur), pour lesquelles elle était candidate (mais elle n’a pas été élue). Mme Sullivan n’a pas présenté d’observations dans le cadre du présent contrôle judiciaire.

[24] Le 9 avril 2022, avant qu’il rende la décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire, le CAE a fait observer et décidé qu’en raison des exigences liées à la COVID‐19, le chef et le Conseil étaient en droit de modifier l’EPA pour l’élection de 2022 afin que le CAE puisse compter sept membres.

[25] Le même jour, le 9 avril 2022, au cours de la même réunion, le CAE a discuté de la question du vote en ligne et, comme pour l’augmentation du nombre de membres du CAE (et contrairement à sa décision finale), a jugé que la RCB autorisant le vote en ligne constituait un exercice ponctuel valable des pouvoirs du chef et du Conseil pendant la pandémie. L’extrait suivant figure dans le procès‐verbal du CAE du 9 avril 2022 :

[traduction]
Étant donné l’arrêté d’urgence en matière de santé publique suivi de l’arrêté d’urgence fédéral, pris en raison de la pandémie de COVID‐19 [...] le chef et le Conseil ont le pouvoir de passer outre à la loi qui régit le CAE, pour cette élection uniquement, de sorte qu’il n’était pas nécessaire de consulter la collectivité, car il s’agit d’une exception ponctuelle, d’une dérogation unique.

[26] Le 19 avril 2022, le demandeur Larson Anderson et les membres du Conseil ont appris qu’un appel des résultats de l’élection avait été interjeté. Le chef et le Conseil ont demandé à leur avocat d’obtenir des précisions sur le processus d’appel en cours.

[27] Dans des courriels échangés les 19 et 20 avril 2022 entre l’avocat du Conseil et l’avocate du CAE :

1) l’avocate du CAE a indiqué qu’il y avait « un appel » (et non deux appels, comme c’était le cas);

2) l’avocate du CAE a fait savoir que le processus d’appel des résultats d’élections « respecte l’Election Procedures Act de la NCNH »;

3) l’avocate du CAE n’a pas répondu à la demande qui lui a été présentée le 20 avril 2022 visant à obtenir des précisions sur le processus et à savoir si le chef et le Conseil seraient autorisés à présenter des observations et, dans l’affirmative, à connaître la procédure à suivre. L’avocate du CAE a répondu ceci le 20 avril 2022 [traduction] : « vous serez avisé de la date de l’audience d’appel lorsqu’elle sera fixée ».

4) l’avocate du CAE a envoyé le 4 mai 2022 un courriel, sans plus de détails, comprenant une copie d’un avis d’audience (daté du 28 avril 2022). Cet avis ne concernait que l’appel « Hart » et indiquait que l’appel « Hart » serait instruit le 9 mai 2022 au Veteran’s Hall du multiplex de la NCNH.

[28] Comme le Conseil ne connaissait toujours pas les détails des allégations portées à son encontre, et étant donné le manque de clarté quant au processus d’appel à venir, le demandeur Larson Anderson a demandé à un employé de la bande de déterminer quel rôle, le cas échéant, le chef et le Conseil pourraient jouer à l’audience à venir.

[29] La présidente du CAE, Pam Tait‐Reaume, qui fait partie des défendeurs, a confirmé personnellement que les audiences d’appel prévues n’étaient pas publiques, mais que les membres actuels du Conseil et les membres du public auraient l’occasion de discuter de l’appel, le cas échéant, après la tenue des audiences prévues.

[30] Selon la preuve dont je dispose, ces communications avec la présidente et l’avocate du CAE ont laissé le chef et le Conseil dans l’impression sincère que les audiences prévues étaient des audiences préliminaires visant à déterminer si les appels avaient des chances de succès ou s’ils pouvaient être rejetés par procédure sommaire. C’est le processus qui avait été suivi par le CAE en 2018.

[31] Le chef et le Conseil se sont donc présenté aux audiences du 9 ou du 12 mai 2022. Ils ont attendu de voir si les appels seraient instruits. Je remarque qu’en 2018, quand ce processus avait été suivi, les appels n’avaient pas été instruits.

[32] En fait, le chef et le Conseil ont découvert plus tard que les audiences du 9 et du 12 mai 2022 n’avaient pas eu lieu au moment ou à l’endroit précisés dans les avis. Ils ont par la suite confirmé que seuls le CAE, l’avocate du CAE et les plaignants pouvaient assister aux audiences tenues par le CAE.

[33] Je conclus, au vu du dossier dont je dispose, que les demandeurs ont été exclus de la procédure d’appel du CAE.

[34] La décision du CAE (datée du 18 ou du 19 mai) a été rendue publique le 20 mai 2022 et transmise électroniquement par l’avocate du CAE au chef Anderson, qui fait partie des demandeurs, au conseiller David Swanson ainsi qu’aux membres du CAE.

III. Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[35] La décision du CAE a été rendue publique le 20 mai 2022. Les motifs donnés étaient les suivants :

  • 1)le chef élu a participé à l’adoption d’une Résolution du conseil de bande, avant le début du processus électoral, par laquelle le conseil de bande de l’époque a approuvé l’utilisation du vote en ligne en plus du vote en personne et du par la poste en raison de la pandémie de COVID‐19;

  • 2)le chef élu a participé à la publication, notamment dans le Winnipeg Sun et le Toronto Star, d’articles de journaux qui contenaient des « promesses électorales ».

[36] Le CAE a également annulé les résultats de l’élection de tous les conseillers élus, probablement parce que le vote avait eu lieu en ligne.

IV. Questions en litige

[37] Voici les principales questions :

  • a)Question préliminaire – l’affidavit de la présidente du CAE, Pam Tait‐Reaume, laquelle fait partie des défendeurs, devrait‐il être exclu?

  • b)Y a‐t‐il eu manquement à l’équité procédurale?

  • c)La décision du CAE était‐elle raisonnable en ce qui a trait à la « manœuvre frauduleuse »?

  • d)Le CAE avait‐il compétence pour instruire un appel de la décision de la directrice de scrutin? Le délai d’appel était‐il expiré de sorte que la décision ne pouvait faire l’objet d’un appel?

  • e)Quelle est la réparation appropriée?

V. Norme de contrôle

[38] Les demandeurs allèguent des manquements à l’équité procédurale et à la justice naturelle. Par conséquent, ils soutiennent que la norme de contrôle pertinente est celle de la décision correcte. Ils affirment également que cette norme est requise étant donné que l’affaire porte sur un conflit de compétence entre la directrice de scrutin et le CAE, soit la question de savoir qui a compétence pour se prononcer sur le bien-fondé du vote en ligne.

[39] Les défendeurs (sauf Mme Connors, M. Hart et Mme Sullivan) soutiennent que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.

[40] Le défendeur Hart est d’accord avec les demandeurs pour dire que, en matière d’équité procédurale et de justice naturelle, la norme de contrôle est celle de la décision correcte. Cette position se limite cependant à la première question posée par les demandeurs. Il n’est pas d’accord pour l’application de cette norme aux autres questions, pour lesquelles c’est la norme de la décision raisonnable qui convient selon lui.

[41] Les défendeurs David Swanson et Jarleen Sullivan n’ont ni l’un ni l’autre présenté d’observations dans le cadre du présent contrôle judiciaire.

A. Norme de la décision raisonnable

[42] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est à la fois rigoureux et adapté au contexte : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 67. Appliquant le cadre de l’arrêt Vavilov dans Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, le juge Rowe explique ce qui est requis pour qu’une décision soit raisonnable et ce qui est exigé d’une cour de révision qui procède au contrôle selon la norme de la décision raisonnable :

[31] La décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, par. 85). Par conséquent, lorsqu’elle procède au contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, « une cour de révision doit d’abord examiner les motifs donnés avec “une attention respectueuse” et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à [l]a conclusion » (Vavilov, par. 84, citant Dunsmuir, par. 48). Les motifs devraient être interprétés de façon globale et contextuelle afin de comprendre « le fondement sur lequel repose la décision » (Vavilov, par. 97, citant Newfoundland Nurses).

[32] La cour de révision devrait se demander si la décision dans son ensemble est raisonnable : « ... ce qui est raisonnable dans un cas donné dépend toujours des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière sous examen » (Vavilov, par. 90). Elle doit se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‐ci » (Vavilov, par. 99, citant Dunsmuir, par. 47 et 74, et Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 RCS 5, par. 13).

[33] Lors d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, « [i]l incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable » (Vavilov, par. 100). La partie qui conteste la décision doit convaincre la cour de justice que « la lacune ou la déficience [invoquée] [...] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov, par. 100). En l’espèce, ce fardeau incombe au Syndicat.

B. Norme de la décision correcte

[43] La présomption selon laquelle la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, établie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Vavilov, ne s’applique pas aux contrôles portant sur des manquements à la justice naturelle ou à l’obligation d’équité procédurale. Comme l’a souligné la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov :

[23] Lorsqu’une cour examine une décision administrative sur le fond (c.‐à‐d. le contrôle judiciaire d’une mesure administrative qui ne comporte pas d’examen d’un manquement à la justice naturelle ou à l’obligation d’équité procédurale), la norme de contrôle qu’elle applique doit refléter l’intention du législateur sur le rôle de la cour de révision, sauf dans les cas où la primauté du droit empêche de donner effet à cette intention. L’analyse a donc comme point de départ une présomption selon laquelle le législateur a voulu que la norme de contrôle applicable soit celle de la décision raisonnable.

[Je souligne.]

[44] La norme de contrôle appropriée pour les questions d’équité procédurale et de justice naturelle est celle de la décision correcte : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43. L’arrêt Vavilov n’a pas changé ce principe. Cela dit, je tiens à souligner que, dans Bergeron c Canada (Procureur général), 2015 CAF 160 au para 69, la Cour d’appel fédérale affirme qu’il convient de « procéder selon la norme de la décision correcte “en se montrant respectueux [des] choix [du décideur]” et en faisant preuve d’un “degré de retenue” : Ré: Sonne c Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada, 2014 CAF 48, 455 N.R. 87 au para 42 ». Mais voir aussi Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69.

[45] Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada explique, au paragraphe 50, ce que doit faire une cour de révision lorsqu’elle examine une décision selon la norme de la décision correcte :

[50] La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d’accord ou non avec la conclusion du décideur. En cas de désaccord, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose. La cour de révision doit se demander dès le départ si la décision du tribunal administratif était la bonne.

[46] L’arrêt de principe sur la nature de l’équité procédurale est Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1999] 2 RCS 817 [Baker], où la Cour suprême du Canada a dit ceci :

21 L’existence de l’obligation d’équité, toutefois, ne détermine pas quelles exigences s’appliqueront dans des circonstances données. Comme je l’écrivais dans l’arrêt Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, à la p. 682, « la notion d’équité procédurale est éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas ». Il faut tenir compte de toutes les circonstances pour décider de la nature de l’obligation d’équité procédurale : Knight, aux pp. 682 et 683; Cardinal, précité, à la p. 654; Assoc. des résidents du Vieux St‐Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170, le juge Sopinka.

22 Bien que l’obligation d’équité soit souple et variable et qu’elle repose sur une appréciation du contexte de la loi particulière et des droits visés, il est utile d’examiner les critères à appliquer pour définir les droits procéduraux requis par l’obligation d’équité dans des circonstances données. Je souligne que l’idée sous‐jacente à tous ces facteurs est que les droits de participation faisant partie de l’obligation d’équité procédurale visent à garantir que les décisions administratives sont prises au moyen d’une procédure équitable et ouverte, adaptée au type de décision et à son contexte légal institutionnel et social, comprenant la possibilité donnée aux personnes visées par la décision de présenter leurs points de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu’ils soient considérés par le décideur.

VI. Dispositions pertinentes

[47] L’article 7.1 de l’EPA de la Nation crie de Norway House prévoit ce qui suit :

[traduction]
7.1 Dans les trente (30) jours suivant l’affichage de la déclaration écrite par le Bureau d’élection, conformément à l’article 5.15, tout candidat ou électeur qui a des motifs raisonnables de croire : a) qu’il y a eu une manœuvre frauduleuse relativement à la décision; b) que les procédures n’ont pas été respectées; ou c) qu’une personne n’est pas admissible en qualité de candidat ou d’électeur au sens des présentes, peut interjeter appel auprès du bureau des élections et énoncer les motifs d’appel.

[48] L’article 7.3 de l’EPA prévoit ce qui suit :

[traduction]
7.3 Le comité d’appel instruit l’appel dans les trente (30) jours suivant le dépôt de l’avis d’appel, et il rend sa décision dans les dix (10) jours suivant l’instruction. Le comité d’appel n’est pas lié par les règles de preuve. La décision du comité d’appel est définitive et exécutoire. Tout appel devant une cour de justice doit porter sur des questions de droit et non de fait.

[Je souligne.]

[49] L’article 97 des Règles des Cours fédérales est rédigé comme suit :

Défaut de comparaître ou inconduite

Failure to attend or misconduct

97 Si une personne ne se présente pas à un interrogatoire oral ou si elle refuse de prêter serment, de répondre à une question légitime, de produire un document ou un élément matériel demandés ou de se conformer à une ordonnance rendue en application de la règle 96, la Cour peut :

97 Where a person fails to attend an oral examination or refuses to take an oath, answer a proper question, produce a document or other material required to be produced or comply with an order made under rule 96, the Court may

a) ordonner à cette personne de subir l’interrogatoire ou un nouvel interrogatoire oral, selon le cas, à ses frais;

(a) order the person to attend or re‐attend, as the case may be, at his or her own expense;

b) ordonner à cette personne de répondre à toute question à l’égard de laquelle une objection a été jugée injustifiée ainsi qu’à toute question légitime découlant de sa réponse;

(b) order the person to answer a question that was improperly objected to and any proper question arising from the answer;

c) ordonner la radiation de tout ou partie de la preuve de cette personne, y compris ses affidavits;

(c) strike all or part of the person’s evidence, including an affidavit made by the person;

d) ordonner que l’instance soit rejetée ou rendre jugement par défaut, selon le cas;

(d) dismiss the proceeding or give judgment by default, as the case may be; or

e) ordonner que la personne ou la partie au nom de laquelle la personne est interrogée paie les frais de l’interrogatoire oral.

(e) order the person or the party on whose behalf the person is being examined to pay the costs of the examination.

[50] Le paragraphe 317(1) des Règles des Cours fédérales est libellé comme suit :

Matériel en la possession de l’office fédéral

Material from tribunal

317 (1) Toute partie peut demander la transmission des documents ou des éléments matériels pertinents quant à la demande, qu’elle n’a pas mais qui sont en la possession de l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de la demande, en signifiant à l’office une requête à cet effet puis en la déposant. La requête précise les documents ou les éléments matériels demandés.

317 (1) A party may request material relevant to an application that is in the possession of a tribunal whose order is the subject of the application and not in the possession of the party by serving on the tribunal and filing a written request, identifying the material requested.

[51] L’article 318 des Règles des Cours fédérales est rédigé comme suit :

Documents à transmettre

Material to be transmitted

318 (1) Dans les 20 jours suivant la signification de la demande de transmission visée à la règle 317, l’office fédéral transmet :

318 (1) Within 20 days after service of a request under rule 317, the tribunal shall transmit

a) au greffe et à la partie qui en a fait la demande une copie certifiée conforme des documents en cause;

(a) a certified copy of the requested material to the Registry and to the party making the request; or

b) au greffe les documents qui ne se prêtent pas à la reproduction et les éléments matériels en cause.

(b) where the material cannot be reproduced, the original material to the Registry.

VII. Analyse

A. Question préliminaire – l’affidavit de la présidente du CAE, Pam Tait‐Reaume, laquelle fait partie des défendeurs, devrait‐il être exclu?

[52] Les demandeurs soutiennent, et je suis d’accord avec eux, que plusieurs offres pour contre‐interroger la présidente du CAE, Pam Tait‐Reaume, n’ont pas eu de suite. J’admets que l’avocate des membres du CAE, y compris de Pam Tait‐Reaume, a accepté d’assister au contre‐interrogatoire, mais qu’elle ne s’est pas présentée les jours prévus.

[53] Le 20 juin 2022, le juge de gestion de l’instance Coughlan a rendu une ordonnance, avec le consentement des défendeurs, qui prévoyait que tout contre‐interrogatoire devait avoir lieu au cours de la semaine du 11 au 15 juillet 2022. Les demandeurs ont proposé que l’avocate des défendeurs contre‐interroge les déposants des demandeurs les 12 et 13 juillet 2022, ce que l’avocate des défendeurs a accepté par courriel le 11 juillet 2022, et il a également été convenu d’un contre‐interrogatoire des déposants des défendeurs les 14 et 15 juillet 2022.

[54] Les déposants des demandeurs se sont présentés pour le contre‐interrogatoire prévu. Toutefois, l’avocate des défendeurs n’est pas venue. La veille du contre‐interrogatoire prévu, l’avocate a déclaré par courriel qu’elle n’avait pas consenti à la date et à l’heure, sans toutefois expliquer pourquoi son client était soudainement devenu « non disponible ». À mon avis, les parties avaient accepté de se présenter au contre‐interrogatoire.

[55] L’avocat des demandeurs a souligné l’existence de l’ordonnance sur consentement et a expliqué que ses clients n’étaient disponibles que jusqu’au 19 juillet 2022 inclusivement. Il a proposé d’autres moments pour le contre‐interrogatoire afin que le contre‐interrogatoire ait lieu dans le délai prescrit par la Cour. L’offre a été ignorée.

[56] Les demandeurs ont obtenu des certificats de non‐comparution pour défaut de se présenter aux contre‐interrogatoires.

[57] Au paragraphe 8 de Marvel Characters Inc. c Randy River Inc., 2003 CF 986, le protonotaire Lafrenière (maintenant juge) a déclaré ce qui suit : « [...] étant donné la pénurie de ressources judiciaires, on devrait encourager les parties à s’entendre, comme elles le font habituellement, sur la date et sur le lieu des interrogatoires. Une fois qu’elles se sont entendues, les parties devraient respecter cette entente ou faire face aux conséquences prévues à l’article 97 des Règles. » Je suis tout à fait d’accord.

[58] Le protonotaire Lafrenière fait remarquer qu’il n’avait été convenu d’aucun changement de lieu dans l’affaire dont il était saisi, et qu’une fois l’entente conclue, les options qui s’offrent à la partie qui cherche à renoncer à l’horaire convenu sont limitées : elle doit procéder à l’interrogatoire comme convenu, ou demander des directives à la Cour. Il a jouté :

11 [...] Les demanderesses n’ont adopté ni l’une ni l’autre solution. On ne saurait répondre en disant qu’une assignation à comparaître n’a pas été signifiée ou que la défenderesse n’a pas versé d’indemnité de déplacement étant donné que, par entente, les parties ont renoncé à ces formalités. Je conclus donc que les demanderesses ont omis de se présenter à l’interrogatoire qui était prévu et qu’elles n’ont pas respecté le délai fixé par la Cour aux fins de l’achèvement de la première série d’interrogatoires préalables au plus tard le 21 juillet 2003.

12 Il faut décourager une telle conduite de la part des demanderesses en se fondant sur les sanctions prévues à l’article 97 des Règles. L’omission de le faire saperait tout simplement l’objet de l’article 97 des Règles et permettrait aux parties de ne faire aucun cas des ententes conclues au sujet de la date et du lieu des interrogatoires [...] ».

[59] Je conviens avec les demandeurs que la conséquence appropriée, aux termes de l’article 97 des Règles et compte tenu des faits de l’espèce, est la radiation de toutes les parties de l’affidavit de la présidente du CAE, Pam Tait‐Reaume, souscrit le 8 juillet 2022, qui ne consistent pas en des admissions. Je ne suis pas convaincu qu’on devrait simplement leur accorder peu de poids dans les circonstances de l’espèce, compte tenu de ce que je considère comme la gravité du défaut de comparaître et de l’absence de justification. Non seulement il y a eu un manquement à l’entente, sans doute de la nature d’un engagement, mais le comportement des défendeurs à cet égard était contraire à l’ordonnance du juge de gestion de l’instance Coughlan, qui a fixé des délais pour ces contre‐interrogatoires.

B. Y a‐t‐il eu manquement à l’équité procédurale?

[60] À mon humble avis, la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie parce que la décision est le résultat d’un processus vicié et inéquitable sur le plan de la procédure. Contrairement à l’affaire Baker, les défendeurs ont été privés en l’espèce d’une occasion de « présenter leurs points de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu’ils soient considérés par le décideur ». Je conclus également que la décision est déraisonnable parce qu’elle n’est pas justifiée au regard du dossier et des dispositions sur lesquels devait s’appuyer le CAE.

[61] Je traiterai de la norme de la décision raisonnable dans la prochaine section des présents motifs.

[62] Pour en revenir à la question de l’équité procédurale, et compte tenu de ma conclusion selon laquelle les questions d’équité procédurale commandent un contrôle selon la norme de la décision correcte, il n’est pas nécessaire d’examiner les observations des demandeurs concernant les « tribunaux concurrents », ni leurs observations en faveur de la norme de la décision correcte fondées sur l’article 7.3 de l’EPA, qui exige que les décisions de la CAE soient [traduction« définitives et exécutoires », les appels ne pouvant porter que sur des [traduction] « questions de droit et non de fait ».

[63] Le demandeur allègue les manquements suivants à l’obligation d’équité procédurale :

  1. Le CAE n’a pas informé le chef des détails des allégations de M. Hart soulevées dans l’appel.

  2. Le CAE n’a fourni aucun renseignement sur le processus d’audience, ni la date ni l’heure de l’instruction des appels.

  3. Le chef de l’époque, Larson Anderson, et les membres du Conseil n’étaient pas autorisés à assister à l’audience, car elle était considérée comme « privée ».

  4. Le lieu de l’audience a été changé au dernier moment et il s’agissait d’une audience à huis clos.

[64] Je suis d’avis, en ce qui concerne ces points, que l’EPA est dans une large mesure muette sur les méthodes d’appel. Toutefois, il est clair que le CAE n’a pas donné l’occasion à l’ancien chef et aux membres du Conseil de répondre aux allégations devant lui.

[65] Les défendeurs, à l’exclusion de M. Hart, de Mme Sullivan et de Mme Connors, ont fourni peu d’observations de fond sur la question de l’équité procédurale dans leur mémoire. Dans ses observations de vive voix, l’avocate a simplement affirmé que les audiences étaient publiques et que tout le monde était le bienvenu.

[66] En toute déférence, je ne suis pas convaincu que ce soit le cas. J’estime qu’un préavis insuffisant a été donné aux demandeurs et qu’ils ont été privés du droit d’être entendus. Bien que la tenue des audiences du CAE ait été annoncée publiquement, les éléments de preuve dont je dispose montrent que les membres du public et, plus important, les défendeurs, en tant que parties concernées, n’ont pas été informés du processus que le CAE suivrait et n’ont pas été autorisés à y participer.

[67] Je reviens aux facteurs énoncés dans l’arrêt Baker, à savoir :

la nature de la décision;

il est nécessaire qu’il y ait une évaluation 1) de la fonction du tribunal; 2) de la nature de l’organisme rendant la décision; 3) du processus suivi; 4) des questions à trancher

essentiellement, plus il y a de processus judiciaires qui sont intégrés dans une décision, plus il est probable que « l’obligation d’agir équitablement exigera des protections procédurales proches du modèle du procès »

la nature du régime législatif;

les indications qui s’y rapportent dans la loi aident à définir l’obligation d’équité

des protections procédurales plus importantes seront probablement exigées lorsque la loi ne prévoit aucune procédure d’appel

l’importance de la décision pour les personnes visées;

essentiellement, plus la décision est importante pour les personnes visées, « plus les protections procédurales requises seront rigoureuses »

les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision;

bien que l’attente légitime ne crée pas de droits matériels, « [s]i le demandeur s’attend légitimement à ce qu’une certaine procédure soit suivie, l’obligation d’équité exigera cette procédure »

les choix de procédure que l’organisme fait lui‐même

selon la Cour suprême, « il faut accorder une grande importance au choix de procédures par l’organisme lui‐même et à ses contraintes institutionnelles »

[68] À première vue, il y a eu dans la présente affaire, à l’égard de nombreux facteurs énoncés dans l’analyse effectuée dans l’arrêt Baker, un écart manifestement injustifié par rapport aux normes requises en matière d’équité procédurale.

[69] Il convient de souligner que deux appels semblables ont été instruits relativement aux résultats des élections en 2006 et en 2009. Les demandeurs font remarquer que dans ces procédures, contrairement à celle relative à l’appel dont il est question en l’espèce :

[traduction]
[...] le CAE a tenu les audiences publiques, et un processus quasi judiciaire a suivi. Les participants ont eu l’occasion de contester le témoignage des autres, de présenter leur propre témoignage et de fournir des observations complètes.

[70] Ce n’était pas le cas dans le processus du CAE qui m’a été décrit en l’espèce.

[71] Compte tenu du préambule de l’EPA, selon lequel les procédures électorales sont [traduction] « conformes aux tendances et aux pratiques actuelles de la Nation crie de Norway House », je conviens qu’il faut accorder beaucoup de poids à la coutume. À mon avis, les appels dans la présente affaire étaient inéquitables sur le plan de la procédure lorsqu’on les compare aux pratiques antérieures.

[72] Je suis également d’avis que le fait que le CAE n’ait pas donné aux demandeurs un préavis équitable de l’endroit et du moment où les appels seraient instruits et qu’il ne leur ait pas donné l’occasion d’assister et de participer à l’audience contrevient aux principes fondamentaux de justice naturelle et d’équité procédurale.

[73] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

C. La décision du comité d’appel en matière d’élections était‐elle raisonnable en ce qui concerne la « manœuvre frauduleuse »?

[74] À mon avis, l’EPA est un code relativement complet, mais pas suffisamment rigide pour justifier de priver une grande partie des membres de la Première Nation de leur droit de vote lors de l’élection du chef et du Conseil de 2022 en raison des conséquences graves de la pandémie de COVID‐19.

[75] Il n’est pas contesté que les élections de 2022 devaient avoir lieu en plein cœur de la pandémie de COVID‐19.

[76] La COVID‐19 et les mesures d’urgence sanitaire connexes en vigueur dans la Première Nation ont touché un très grand pourcentage de ses membres. Rappelons qu’au moment où le vote électronique a été recommandé par la directrice de scrutin et autorisé par une RCB, les faits étaient les suivants :

  • a)Plus de 500 personnes dans la collectivité (qui compte environ 6 500 résidents) étaient en quarantaine;

  • b)Il n’y avait aucun moyen de savoir si la situation de la COVID‐19 allait empirer;

  • c)Les chiffres officiels tenus à l’époque indiquaient que 567 membres de la bande vivant dans la réserve étaient en isolement et qu’il y avait 213 cas actifs.

[77] Les défendeurs, à l’exclusion de M. Hart, de Mme Sullivan et de Mme Connors, soutiennent que le chef Anderson s’est livré à une manœuvre frauduleuse en appuyant le vote en ligne et qu’il a violé les conditions de la « période électorale » en faisant des promesses de campagne aux membres de la Nation qui pourraient être interprétées comme influençant l’élection. Les défendeurs membres du CAE ont contesté la conclusion d’une « entente », annoncée pour la première fois au cours d’une « période d’interdiction » de publicité électorale, assimilable ainsi à des manœuvres frauduleuses.

[78] Je ne suis pas d’accord avec ces prétentions. Je ne suis pas convaincu que le dossier étaye raisonnablement la conclusion de la CAE concernant les manœuvres frauduleuses. Je m’en remets à la décision rendue par mon collègue dans l’affaire Wilson pour ce qui est des lignes directrices qui m’ont permis de parvenir à cette conclusion.

[79] Stephanie Connors, qui fait partie des défendeurs, n’a pas présenté d’observations sur ce point.

[80] À la lumière du contexte et de l’ensemble de l’EPA, j’estime raisonnable la décision relative à la tenue d’un vote électronique pendant cette période d’urgence sanitaire. Pour commencer, l’EPA ne définit pas précisément ce en quoi consistent les « procédures » électorales, ce qui, comme point de départ, donne une certaine latitude au directeur de scrutin. Ce dernier jouit d’une latitude beaucoup plus grande, puisque l’article 5.1 de l’EPA indique que c’est le directeur de scrutin qui a le pouvoir discrétionnaire d’indiquer les [traduction] « heures, dates et lieux » où le vote aura lieu. À mon humble avis, cela pourrait signifier que l’on permette aux membres de voter depuis leur domicile, par Internet.

[81] Je ferai également remarquer que la Cour suprême du Canada a adopté la proposition selon laquelle les activités sur Internet auxquelles participent deux entités ont lieu aux deux endroits, en l’espèce au domicile du membre de la Première Nation et au bureau de scrutin. Elle a admis le concept « à la fois ici et à l’autre endroit » dans Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c Assoc. canadienne des fournisseurs Internet, [2004] 2 RCS 427, 2004 CSC 45, aux paragraphes 58 et 59 :

58 Dans l’arrêt Libman c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 178, le juge La Forest a clarifié la question de la compétence. Il s’agissait d’une affaire de combine frauduleuse pour vendre des actions. Des vendeurs se trouvant à Toronto sollicitaient au téléphone des acheteurs aux États‐Unis, et l’argent investi par ces derniers (que l’accusé à Toronto faisait passer par l’Amérique centrale) se retrouvait finalement au Canada. L’accusé soutenait que le crime, à supposer qu’il y en ait eu un, avait été perpétré aux États‐Unis. Or, le juge La Forest a estimé que « [c]e genre de raisonnement a provoqué, peut‐être pas tout à fait à juste titre, le reproche selon lequel un avocat est une personne qui peut considérer des choses connexes comme non reliées entre elles. En effet, tout le monde sait que l’opération en l’espèce se situe à la fois ici et à l’autre endroit » (p. 208 (je souligne)). S’exprimant au nom de notre Cour, il a formulé comme suit le principe de la territorialité applicable (p. 212‐213) :

Je pourrais résumer ainsi ma façon d’aborder les limites du principe de la territorialité. Selon moi, il suffit, pour soumettre une infraction à la compétence de nos tribunaux, qu’une partie importante des activités qui la constituent se soit déroulée au Canada. Comme l’affirment les auteurs modernes, il suffit qu’il y ait un « lien réel et important » entre l’infraction et notre pays [...] [Je souligne.]

59 Aussi, à mon avis, une télécommunication effectuée à partir d’un pays étranger vers le Canada ou à partir du Canada vers un pays étranger « se situe à la fois ici et à l’autre endroit ». Le lieu de réception peut constituer un facteur de rattachement tout aussi « important » que le lieu d’origine (sans compter l’emplacement physique du serveur hôte, qui peut se trouver dans un pays tiers). Voir, dans le même sens, Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626, par. 52; et Kitakufe c. Oloya, [1998] O.J. No. 2537 (QL) (Div. gén.). Dans l’affaire Citron c. Zundel, précitée, par exemple, le fait que le serveur hôte était situé en Californie était peu concluant dans la mesure où tant le fournisseur de contenu (Zundel) que la majeure partie de son public cible se trouvaient au Canada. La décision rendue s’appuyait sur des motifs liés à la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais pour les besoins du présent pourvoi, l’illustration demeure néanmoins instructive.

[Je souligne.]

[82] Il me semble donc que, tout comme les télécommunications d’un pays à l’autre se font à la fois ici et à l’autre endroit, le vote en ligne se fait aussi bien au terminal de l’électeur qu’au terminal fournisseur de services de vote en ligne One Feather choisi par la directrice du scrutin, c’est‐à‐dire ici et à l’autre endroit. Cela confirme également que la décision de la directrice de scrutin d’accepter le vote en ligne dans ces circonstances respecte la norme de la décision raisonnable.

[83] Autre élément militant raisonnablement en faveur de la décision de la directrice de scrutin et du Conseil de la Première Nation, le préambule de l’EPA indique que les procédures électorales de la NCNH sont censées être « conformes aux tendances et aux pratiques actuelles de la Nation crie de Norway House ». À cet égard, il est important de rappeler que cette Première Nation a utilisé le vote en ligne récemment, en 2017, avant que le vote électronique ne soit expressément autorisé en vertu du processus de ratification établi dans la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations, lorsque la NCNH a utilisé avec succès les services et la plateforme de One Feather (l’entreprise qui a assisté la NCNH pour le vote électronique de 2022 en cause en l’espèce) pour tenir un vote secret de ses membres. [Je souligne.]

[84] Il convient également de mentionner que la directrice de scrutin a demandé et obtenu l’approbation du vote en ligne auprès du Conseil, ce qui était particulièrement prudent et responsable compte tenu du fait que le Conseil avait déclaré un état d’urgence sanitaire qui était alors en vigueur.

[85] Je remarque également que la directrice de scrutin est habilitée à nommer les personnes qu’elle juge nécessaires pour faciliter le déroulement du scrutin (article 5.5). Elle a également le pouvoir discrétionnaire d’obtenir l’équipement nécessaire pour assurer le secret du vote (article 5.7), ce qui, à mon avis, inclut raisonnablement le recours aux services de vote en ligne de l’entreprise One Feather et de son équipement électronique pour faciliter le déroulement du scrutin.

[86] À mon avis, tout ce qui précède milite en faveur du caractère raisonnable de la décision de la directrice de scrutin de permettre le vote en ligne en pleine pandémie de COVID‐19.

[87] Si j’ai bien compris, le CAE fait simplement valoir que l’EPA ne prévoit pas expressément le vote en ligne et qu’un tel vote est donc interdit, de sorte que, entre autres choses, l’élection doit être entièrement annulée, le chef Anderson doit être reconnu coupable de manœuvres frauduleuses et on doit lui interdire d’occuper un poste au sein de la NCNH pendant six ans.

[88] Je conviens que l’EPA est muette sur le vote en ligne, mais, pour les motifs exposés ci‐dessus, le recours à ce type de vote était raisonnable dans les circonstances de l’espèce.

[89] Compte tenu de ces conclusions, on ne peut raisonnablement critiquer ni le chef ni les conseillers pour avoir appuyé ou utilisé le vote en ligne pour l’élection de 2022.

[90] Je suis également d’avis que le chef ne peut en aucun cas être blâmé, car en réalité il n’a pas voté pour la RCB : le dossier révèle au contraire qu’il a suivi la pratique de la NCNH et qu’il s’est abstenu de voter. Il n’est pas raisonnable de penser qu’il pourrait dès lors être empêché d’occuper un poste au sein de la Première nation pendant six ans, et encore moins qu’on puisse conclure qu’il s’est livré à des manœuvres frauduleuses.

[91] Ces conclusions me permettent de trancher que la décision du CAE doit être infirmée parce qu’elle est déraisonnable en ce qui a trait au vote en ligne.

[92] Cela dit, je suis également d’avis que le CAE a agi de façon déraisonnable en concluant que le chef Anderson s’était livré à une manœuvre frauduleuse. Je remarque que l’EPA ne définit nulle part une manœuvre frauduleuse. Aux paragraphes 24 à 28 de Wilson c Comité d’appel en matière d’élections de la Nation crie de Norway House, 2008 CF 1173 [Wilson], la juge Dawson (plus tard juge de la Cour d’appel) a estimé que la question de savoir ce qui constitue une manœuvre frauduleuse est une question de droit et qu’il n’y a donc pas lieu de faire preuve de retenue en ce qui concerne la conclusion du comité d’appel en matière d’élections à cet égard.

[93] Dans la décision Wilson, la juge Dawson a fourni une définition d’une manœuvre frauduleuse dans le contexte des appels relatifs aux élections au sein de la NCNH aux paragraphes 23, 32 et 33 :

23 [...] Ce qui importe, c’est le mobile ou l’intention qui sous‐tend la conduite reprochée. La conduite a‐t‐elle pour objet d’influencer irrégulièrement le résultat d’une élection?

[...]

32 De plus, le Comité d’appel était tenu de prendre en compte la nature cumulative de la conduite des trois candidats réélus.

33 Le Comité d’appel était également tenu de prendre en compte leur intention. Il lui incombait d’examiner, par exemple, pour quelle raison les trois candidats réélus avaient agi comme ils l’avaient fait, et s’ils tentaient d’influencer irrégulièrement l’issue de l’élection. Une élection ne suspend pas les activités du conseil, mais les conseillers doivent exécuter leurs fonctions de manière scrupuleusement équitable et honnête. Les avantages doivent être distribués au mérite. Lorsqu’un avantage conféré n’est pas fondé sur le mérite, mais plutôt sur une intention d’influencer un électeur, cela donne lieu à une manœuvre corruptrice.

[Je souligne.]

[94] Je suis d’accord avec les demandeurs. La juge Dawson a mis l’accent sur le motif (intention ou mens rea) d’influencer « de façon irrégulière » le vote, ainsi que sur la conduite (actus) qui était répréhensible, comme la distribution d’avantages sous le contrôle du chef et du Conseil, non fondée sur des raisons légitimes, dans le but illégitime d’acheter des votes.

[95] La situation en l’espèce n’est pas du tout analogue à celle de l’affaire Wilson. Dans le cas qui nous occupe, il est question de la publication d’un communiqué de presse, par la Première Nation et une société minière de nickel, qui soulignait des avantages potentiels pour la Première Nation et ses membres. En toute déférence, j’estime que cela n’est pas comparable à la situation dans l’affaire Wilson décrite dans Muskego c Nation crie de Norway House, 2011 CF 732, au paragraphe 6 : « Dans son appel, Wilson alléguait que ces personnes avaient de façon illégitime approuvé l’attribution de logements, de roulottes et de sommes provenant du fonds pour besoins spéciaux [...] ».

[96] En outre, selon la preuve déposée à la Cour, le chef Anderson n’a pas participé à la publication du communiqué de presse. Le communiqué de presse a été rédigé et publié par un consultant tiers qui ne savait pas qu’un processus électoral avait commencé en janvier 2022 et dont le témoignage sous serment non contredit était que le moment des élections n’avait aucune incidence sur sa décision de rédiger et de publier le communiqué. Par conséquent, je ne suis pas convaincu que le chef Anderson a rédigé le communiqué de presse; selon le dossier, il a plutôt été rédigé et publié par le consultant. Je ne suis pas en mesure de trouver une justification aux conclusions du CAE au vu de la preuve au dossier sur laquelle je dois me fonder.

[97] Par conséquent, les conclusions du CAE sont à mon avis insoutenables étant donné qu’il n’y avait aucune preuve d’une intention d’influencer indûment le vote, aucun acte de quiconque distribuant des avantages aux membres de la bande, encore moins la distribution illégitime d’avantages, et que, au contraire, le chef Anderson n’a pas voté en faveur du communiqué de presse, n’en est pas l’auteur et n’a pas participé à sa rédaction. Je remarque également que le communiqué de presse ne fait aucune mention d’argent, d’emplois et de logements que quiconque pourrait recevoir. De plus, j’accepte le témoignage des demandeurs selon lequel le communiqué de presse a été publié dans le cours normal des activités de la Première Nation et n’avait rien à voir avec le processus électoral.

[98] Je conviens également qu’il n’y avait pas de « période d’interdiction » au cours de laquelle des annonces, comme le communiqué de presse, ne pouvaient être faites, certainement pas dans l’EPA. Le Conseil a effectivement décidé qu’il était interdit aux représentants élus et aux candidats membres du personnel de se présenter au bureau de la Première Nation au cours des 10 jours précédant l’élection, mais le communiqué a été publié avant le début de cette période.

[99] Compte tenu de ces conclusions, les décisions du CAE à l’égard des demandeurs doivent être infirmées non seulement pour manquement à l’équité procédurale, mais aussi parce qu’elles sont déraisonnables car elles ne sont pas justifiées au vu de la preuve au dossier sur laquelle je dois me fonder.

D. Le CAE avait‐il compétence pour instruire un appel de la décision de la directrice de scrutin? Le délai d’appel était‐il expiré de sorte que la décision ne pouvait faire l’objet d’un appel?

[100] Bien que ce ne soit peut‐être pas nécessaire à ce stade‐ci, j’aimerais ajouter deux points.

[101] Premièrement, la période de contestation de la décision de la directrice de scrutin ou de la Première Nation de procéder au vote en ligne a commencé à courir le 22 janvier 2022, lorsque la directrice de scrutin a publié sa décision et l’a communiquée aux membres de la NCNH. La procédure à suivre par les personnes souhaitant contester cette décision aurait été de déposer une demande de contrôle judiciaire dans les 30 jours conformément à l’article 18.1 et au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales. Cela n’a pas été fait.

[102] De plus, comme les demandeurs l’ont souligné à juste titre, l’article 7.3 de l’EPA exige que tout appel relatif à une élection soit instruit dans les 30 jours suivant le dépôt de l’avis d’appel. Or, les appels « Sullivan » et « Hart » ont été instruits en dehors de ce délai, soit respectivement les 41e jour et 34e jour suivant ce dépôt. Cela n’est pas contesté.

E. Quelle est la réparation appropriée?

[103] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Les demandeurs demandent que la décision soit infirmée, sans qu’il soit ordonné que l’affaire soit réexaminée, comme le prévoirait habituellement une ordonnance accueillant une demande de contrôle judiciaire. Je ne suis pas convaincu qu’il faille faire une exception. Les demandeurs craignent notamment la partialité, mais l’ordonnance de réexamen habituelle exige également que la nouvelle décision soit rendue par un tribunal différemment constitué, comme ce sera le cas dans mon jugement en l’espèce.

[104] Par conséquent, je rendrai le jugement habituel exigeant un réexamen par un CAE différemment constitué, nommé de la manière établie par l’EPA.

VIII. Conclusion

[105] Comme il a été mentionné précédemment, la décision était à la fois inéquitable sur le plan procédural et déraisonnable. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

IX. Dépens

[106] Les demandeurs ont sollicité les dépens suivants :

  • a)une indemnité partielle sous forme de somme globale de 100 000 $, tout compris, payable par les défendeurs (à l’exclusion de M. Hart, de Mme Sullivan et de M. Swanson), c.‐à‐d. une condamnation conjointe de Pam Tait‐Reaume, Roy Folster, Sherry Menow, Bessie Folster, Gwen Apetagon et Hilda Albert à payer cette somme;

  • b)une somme globale de 1 000 $, tout compris, payable par le défendeur Hubert Hart.

[107] Les demandeurs n’ont pas sollicité de dépens à l’encontre des défendeurs Mme Sullivan et M. Swanson, en raison de l’absence de participation, ni à l’encontre de M. Ross Jr.

[108] La directrice de scrutin, Mme Connors, a demandé la même indemnité partielle sous forme de somme globale de 100 000 $, tout compris, sans mentionner M. Hart, Mme Sullivan ou M. Swanson, mais elle n’a pas demandé de dépens à l’encontre de M. Ross Sr.

[109] Pam Tait‐Reaume, qui fait partie des défendeurs, a demandé, pour elle‐même en tant que présidente et les autres membres du CAE, une somme globale de 50 000 $, ce qui correspond approximativement à leurs dépens avocat‐client. Leur avocate, qui, si j’ai bien compris, est également l’avocate de la Première Nation (qui n’était pas partie à la présente instance), a informé la Cour que la pratique de la Première Nation consiste à payer les dépens.

[110] Des mémoires de dépens ont été déposés.

[111] Compte tenu du fait qu’il n’y a aucune raison pour laquelle les dépens ne devraient pas suivre l’issue de la cause, de la défense des demandeurs et du fait qu’ils ont obtenu gain de cause, de la nature très grave de la conclusion du CAE à l’égard du chef et des conseillers (y compris l’interdiction potentiellement dévastatrice imposée au chef Anderson, l’empêchant d’occuper un poste au sein de la Première Nation pendant six ans), du fait que le CAE a conclu qu’aucun des résultats des élections, y compris l’élection du chef et de tous les conseillers, [traduction] « ne relevait de l’Election Procedures Act », ce qui était erroné, des irrégularités déjà relevées dans les présents motifs, de la complexité du présent litige, du fait que la somme globale réclamée est inférieure à la moitié des dépens avocat‐client, et du fait qu’il n’y a pas eu d’opposition au montant réclamé par les demandeurs, je conclus que les observations des demandeurs concernant les dépens sont raisonnables et j’adjugerai donc ces dépens.

[112] Essentiellement pour les mêmes raisons, je suis d’avis que les observations de la directrice de scrutin, Mme Connors, concernant les dépens sont raisonnables et j’ordonnerai leur adjudication, mais pas à l’encontre de Mme Sullivan ou de M. Hart.

[113] Les dépens que j’ai adjugés aux demandeurs et à Mme Connors ne sont pas payables « conjointement ».

[114] Je refuse de traiter des observations sur les dépens présentées par les parties qui n’ont pas eu gain de cause et je laisse la Première Nation et les parties régler elles-mêmes les questions d’indemnisation ou de compensation des parties déboutées. Cela dit, et bien que je n’aie pas à me prononcer sur les pratiques de la Première Nation en matière de compensation ou d’indemnisation des dépens, étant donné que la pratique de cette Première Nation a été évoquée lors de l’audience, je suggérerais de manière non contraignante que, par souci d’équité, la pratique passée guide le paiement des factures d’honoraires juridiques de la Première Nation.


JUGEMENT dans l’affaire T‐1107‐22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision du comité d’appel en matière d’élections est infirmée.

  3. Les appels contre l’élection des demandeurs sont renvoyés à un autre comité d’appel en matière d’élections devant être nommé conformément à l’Electoral Procedures Act pour qu’il rende une nouvelle décision.

  4. Les défendeurs, à l’exclusion de M. Hart, de Mme Sullivan, de M. Ross Jr., de M. Swanson et de Mme Connors, verseront aux demandeurs la somme globale de 100 000 $, tout compris.

  5. Le défendeur Hart versera aux demandeurs la somme globale de 1 000 $, tout compris.

  6. Les défendeurs, à l’exclusion de M. Hart, de Mme Sullivan, de M. Swanson, de M. Ross Sr. et de Mme Connors, verseront à Mme Connors, qui fait partie des défendeurs, la somme globale de 100 000 $, tout compris.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‐1107‐22

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

LARSON ANDERSON, EDWARD ALBERT, ANTHONY APETAGON, ORVILLE APETAGON, DEON CLARKE, JOHN L. HENRY c PAM TAIT‐REAUME, ROY FOLSTER, ERIC ROSS SR., SHERRY MENOW, BESSIE FOLSTER, GWEN APETAGON, HILDA ALBERT, STEPHANIE CONNORS, HUBERT HART, JERLEEN SULLIVAN, DAVID SWANSON

 

LEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 août 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DES MOTIFS :

Le 6 octobre 2022

COMPARUTIONS :

Harley I. Schachter

POUR LES DEMANDEURS

Leah Ballantyne

POUR LES DÉFENDEURS

(PAM TAIT‐REAUME, ROY FOLSTER, SHERRY MENOW, BESSIE FOLSTER, GWEN APETAGON, HILDA ALBERT)

 

Sarah D. McNamara

POUR LE DÉFENDEUR

(ERIC ROSS SR.)

John B. Harvie

POUR LE DÉFENDEUR

(STEPHANIE CONNERS)

 

Peter Mueller

POUR LE DÉFENDEUR

(HUBERT HART)

Jerleen Sullivan

POUR LE DÉFENDEUR

(agissant pour son propre compte)

David Swanson

POUR LE DÉFENDEUR

(agissant pour son propre compte)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Duboff Edwards Schachter

Law Corporation

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LES DEMANDEURS

Leah Ballantyne

Law Corporation

Chilliwack (Colombie‐Britannique)

 

POUR LES DÉFENDEURS

(PAM TAIT‐REAUME, ROY FOLSTER, SHERRY MENOW, BESSIE FOLSTER, GWEN APETAGON, HILDA ALBERT)

 

McNicol Bourcier

Avocats et procureurs

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

(ERIC ROSS SR.)

Myers LLP

Avocats et procureurs

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

(STEPHANIE CONNERS)

Taylor McCaffery LLP

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

(HUBERT HART)

 

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