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Date : 20220927


Dossier : IMM‑5885‑21

Référence : 2022 CF 1338

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 septembre 2022

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

GEORGE GHOSSN

MONA DIAB

RANA GHOSSN

FATEN GHOSSN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les demandeurs sont une famille qui était parrainée par la Barrhaven United Church pour l’obtention de la résidence permanente dans la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou de la catégorie de personnes de pays d’accueil. Ils sont des citoyens de la Syrie, qui affirment qu’ils résident désormais au Liban. Un agent des visas à l’étranger (l’agent) les a interviewés, avec l’aide d’un interprète. L’agent a rejeté la demande de résidence permanente parce qu’il avait des doutes quant à leur crédibilité.

[2] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de l’agent et prétendent que l’agent s’est concentré à tort sur la seule question de savoir s’ils résidaient au Liban et qu’il a traité cet élément comme un critère d’admissibilité. Ce faisant, l’agent, soutiennent‑ils, n’a pas tenu compte de la jurisprudence applicable et a déraisonnablement omis de prendre en compte leurs allégations de risque. Ils affirment que l’agent a commis une erreur en se concentrant sur des contradictions mineures dans leurs affirmations quant au fait qu’ils résident au Liban, au lieu d’apprécier leur situation et les risques auxquels ils sont exposés en Syrie.

[3] Les demandeurs ont présenté trois demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire distinctes contestant les décisions rendues dans chacun de leur cas. Puisqu’il y a chevauchement, et avec le consentement des parties, les dossiers ont été regroupés par ordonnance de la Cour en date du 13 octobre 2021. Une copie des présents motifs sera versée dans chacun des dossiers.

[4] Pour les motifs qui suivent, la présente demande est accueillie. La décision de l’agent est ambiguë pour ce qui est de la question de savoir si le bon critère juridique a été appliqué et, pour cette raison, elle ne satisfait pas aux exigences relatives à l’intelligibilité.

[5] Pour faciliter la compréhension, les demandeurs sont désignés par leur prénom.

I. Contexte

[6] Les demandeurs sont une famille comptant quatre personnes : George Ghossn (le demandeur principal), son épouse Mona Diab (la demanderesse associée), et leurs filles adultes, Rana Ghossn et Faten Ghossn. Ils affirment qu’ils sont des citoyens de la Syrie qui résident désormais au Liban. Ils demandent l’asile parce que, en tant que chrétiens, ils sont exposés à de la persécution religieuse en Syrie. La Barrhaven United Church a parrainé leur demande de résidence permanente au Canada.

[7] Les demandeurs décrivent la violence subie et les menaces reçues par les chrétiens en Syrie ainsi que les efforts qu’ils ont déployés pour trouver un refuge dans ce pays. Ils affirment que, lorsqu’ils sont retournés à leur domicile, avant de fuir le pays et demander l’asile, des groupes armés se sont présentés chez eux et ont menacé de tuer tout chrétien qui ne partirait pas. Ils se sont ensuite enfuis au Liban en septembre 2013 et affirment qu’ils résident dans ce pays depuis lors. Les demandeurs reconnaissent qu’ils sont brièvement retournés en Syrie pour diverses raisons, mais prétendent qu’ils résident par ailleurs au Liban depuis 2013.

[8] Un agent a interviewé les demandeurs avec l’aide d’un interprète à Beyrouth, au Liban. Il a rencontré les membres de la famille individuellement, puis leur a donné la possibilité de répondre ensemble aux doutes relatifs à leur crédibilité. Il a ensuite rendu une décision rejetant leur demande de résidence permanente dans la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou la catégorie des personnes de pays d’accueil au motif que les demandeurs ne satisfaisaient pas aux exigences établies pour immigrer au Canada.

[9] L’agent a fondé sa décision sur les doutes qu’il entretenait quant à la crédibilité des demandeurs – plus particulièrement, leur affirmation selon laquelle ils résidaient au Liban depuis 2013. Les principaux doutes évoqués par l’agent se rapportaient à des divergences ou à l’absence de documents faisant état de leur entrée au Liban, à des contradictions entre les demandeurs en ce qui concernait leur logement au Liban et la façon dont ils subvenaient à leurs besoins pendant qu’ils résidaient dans ce pays, de même qu’à des différences dans leurs affirmations quant à la manière dont ils avaient su qu’une explosion s’était produite à Beyrouth – ce qui, pour l’agent, constituait un événement important survenu au Liban pendant la période au cours de laquelle les demandeurs ont affirmé qu’ils résidaient dans ce pays. L’agent a aussi souligné un doute quant à la façon dont Rana et Faten avaient renouvelé leur passeport syrien (ce qui nécessite la prise d’empreintes digitales) si elles n’étaient pas retournées en Syrie.

[10] La décision résumait les doutes quant à la crédibilité avant de conclure que l’agent n’était pas convaincu que les demandeurs avaient dit la vérité. Par conséquent, l’agent a rejeté leurs demandes.

II. Questions en litige et norme de contrôle

[11] La seule question en litige consiste à savoir si la décision de l’agent est raisonnable. La norme de contrôle qui s’applique est celle de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].

[12] Suivant le cadre établi dans l’arrêt Vavilov, le rôle d’une cour de révision « consiste à examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et à déterminer si la décision est fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes » (Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 [Société canadienne des postes], au para 2). Il incombe au demandeur de convaincre la Cour que « la lacune ou la déficience [invoquée] [...] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov, au para 100, cité avec approbation dans l’arrêt Société canadienne des postes, au para 33).

III. Analyse

[13] La contestation de la décision par les demandeurs porte sur l’argument selon lequel l’agent a traité à tort le fait qu’ils résident au Liban comme une condition préalable à leur admissibilité au parrainage dans la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou la catégorie des personnes de pays d’accueil. Ils affirment que le passage de la lettre de décision qui suit illustre leurs dires à cet égard :

[traduction]

Plus particulièrement, je crains que vous n’ayez pas dit la vérité quand vous affirmez que vous résidez au Liban depuis 2015. Vous n’avez pas pu fournir d’explication raisonnable quant au fait que vous n’avez pas le moindre document au sujet de votre dernière entrée et de votre dernier séjour au Liban. J’ai aussi relevé des divergences entre votre témoignage et celui de vos filles en ce qui concerne la configuration de votre logement actuel au Liban et la façon dont votre famille et vous‑même subvenez à vos besoins. Vous n’avez pas pu répondre à des questions au sujet de l’explosion qui s’est produite à Beyrouth, en dépit de vos affirmations selon lesquelles vous étiez au Liban quand cela est arrivé. Ces divergences soulèvent des doutes qui sont directement liés à votre admissibilité.

Sur la foi de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que vous avez dit la vérité. Vos réponses sont directement liées à votre admissibilité dans les catégories dans lesquelles vous avez présenté vos demandes.

[14] Les demandeurs font valoir que les seuls doutes et questions de l’agent se rapportaient à leur lieu de résidence, et que l’agent n’a posé aucune question sur leurs affirmations concernant les risques auxquels ils sont exposés en Syrie. Ils affirment que l’agent a traité le fait qu’ils résident au Liban comme une condition d’admissibilité de leur demande, et ils prétendent que la Cour a jugé dans des affaires antérieures que ce processus de raisonnement n’était pas raisonnable.

[15] Dans la décision Ameni c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 164, le juge Brown a conclu que la décision de l’agent des visas était déraisonnable parce que celui‑ci avait considéré le fait d’habiter à l’extérieur du pays de nationalité comme une exigence impérative en ce qui concerne l’admissibilité à la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou à la catégorie des pays d’origine. Il a souligné que ni la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], ni le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement] ne prévoit une telle condition; ces textes exigent seulement que le demandeur doive « se trouver hors » du pays de risque au moment où il a présenté sa demande.

[16] La Cour a appliqué un raisonnement analogue dans les décisions Amani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1215, et Ward c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 863 [Ward]. Les demandeurs affirment que la décision Ward est un précédent particulièrement convaincant parce qu’elle concerne des faits pratiquement identiques à ceux en l’espèce, et que le juge Ahmed a conclu que la décision était déraisonnable.

[17] Le défendeur soutient que l’agent n’a pas commis l’erreur alléguée par les demandeurs; l’agent a plutôt fondé son refus sur l’appréciation globale de la crédibilité. Il fait valoir que l’agent a renvoyé au paragraphe 16(1) de la LIPR dans la lettre de décision et dans les notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC) qui résument les entrevues menées avec les demandeurs. Selon cette disposition, les demandeurs doivent répondre véridiquement à toutes les questions qui leur sont posées lors du contrôle de leur demande et donner tous les documents et les éléments de preuve pertinents demandés par l’agent.

[18] Dans les notes consignées dans le SMGC, l’agent indique expressément que les motifs du refus comprennent l’admissibilité à la lumière de l’article 16 de la LIPR :

[traduction]

Plus particulièrement, je crains que vous n’ayez pas dit la vérité quand vous affirmez que vous résidez au Liban depuis 2015 […].

Après avoir examiné les documents et interviewé les [demandeurs], je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur satisfait aux exigences de l’article 16 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, puisque son manque de crédibilité a une incidence sur leur admissibilité. Par conséquent, je ne suis pas convaincu que la demande des [demandeurs] au titre de l’article 96 de la Loi [réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières] et/ou de l’article 147 du Règlement [pays d’accueil] est crédible.

[19] Le défendeur soutient que la conclusion tirée par l’agent quant à la crédibilité était suffisante pour trancher la demande et, par conséquent, qu’il n’était pas nécessaire de prendre aussi en compte leurs affirmations quant au risque, et cite à l’appui la décision Noori c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1095 aux para 17‑18. De plus, il affirme que les conclusions de l’agent en matière de crédibilité commandent une grande retenue, étant donné qu’elles sont au cœur du rôle confié à l’agent par le cadre législatif, et cite à l’appui la décision Ramalingam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 278 au para 47.

[20] Le défendeur affirme que la décision Ward invoquée par les demandeurs est différente parce que, dans cette affaire, l’agent a conclu que les demandeurs résidaient en Syrie et, par conséquent, qu’ils n’entraient pas dans la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou la catégorie de personnes de pays d’accueil. En l’espèce, le défendeur estime que l’agent n’a pas tiré de conclusion quant à la résidence et n’a pas fondé sa décision finale sur le lieu de résidence des demandeurs.

[21] Au lieu d’invoquer la jurisprudence citée par les demandeurs, le défendeur prétend que la décision Al Hasan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1155 [Al Hasan] sied davantage à l’affaire que doit trancher la Cour. Dans la décision Al Hasan, les demandeurs étaient des résidents de la Syrie qui prétendaient résider au Liban, mais l’un d’eux a par la suite reconnu qu’il avait menti quant à leur lieu de résidence. L’agente a rejeté leurs demandes de résidence permanente parce qu’ils avaient menti pendant le processus d’immigration, et le juge Grammond a maintenu la décision en la qualifiant de raisonnable. Le défendeur prie la Cour de produire le même résultat en l’espèce.

[22] Je ne puis pas conclure que la décision de l’agent en l’espèce est raisonnable, parce qu’elle ne satisfait pas aux exigences énoncées dans l’arrêt Vavilov en matière de justification. Il peut fort bien s’agir d’un cas où le résultat est justifiable , mais n’est pas justifié par le raisonnement énoncé dans la décision (voir l’arrêt Vavilov, au para 86).

[23] La jurisprudence examinée précédemment donne l’effet cumulatif suivant : lorsqu’il examine une demande présentée au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou de la catégorie du pays de résidence, l’agent ne peut pas traiter la résidence dans un pays qui n’est pas le lieu de persécution ou de risque (qui est, généralement, le pays de nationalité) comme une condition d’admissibilité. Il suffit que le demandeur soit à l’extérieur du pays qui présente un risque au moment de l’entrevue pour être « admissible » à présenter une demande dans ces catégories. Il est toutefois loisible à l’agent d’apprécier la crédibilité de la demande présentée par le demandeur, et la question de savoir si celui‑ci réside toujours dans le pays où il est exposé à de la persécution ou à un risque est l’une des considérations prises en compte. C’est l’un des éléments essentiels de la protection internationale offerte aux réfugiés, et il s’applique à l’appréciation de la question de savoir si un demandeur appartient à une catégorie ou à une autre.

[24] Selon la jurisprudence, lorsque les doutes de l’agent en matière de crédibilité se rapportent au lieu de résidence du demandeur, l’agent est tenu par les dispositions législatives de préciser en quoi ses doutes se rapportent à la crédibilité sous‑jacente des affirmations formulées par le demandeur quant au risque auquel il est exposé. Donc, par exemple, la crédibilité d’un demandeur qui prétend qu’il est exposé à une persécution générale dans son pays d’origine en raison de sa religion peut être minée s’il continue de vivre à son domicile dans ce pays et de pratiquer sa religion comme avant. Par ailleurs, si le demandeur s’est enfui dans une autre région ou s’est joint à une église clandestine, sa crédibilité peut s’en trouver accrue. Cependant, si son affirmation selon laquelle il s’est enfui dans un pays voisin est mise en doute, il peut s’agir d’une considération pertinente, mais seulement dans la mesure où elle se rapporte à une appréciation de la crédibilité de sa demande d’asile ou dans la mesure où elle a une incidence sur sa crédibilité.

[25] La question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si l’agent a commis l’erreur de traiter le lieu de résidence des demandeurs comme une condition à leur admissibilité à présenter une demande dans l’une des catégories qui s’appliquent ou si l’agent a tout simplement conclu que les demandeurs avaient menti et, pour cette raison, qu’ils ne satisfont pas à l’exigence essentielle énoncée à l’article 16 de la LIPR.

[26] La difficulté que pose la décision de l’agent tient au fait qu’elle a tendance à pointer dans les deux directions. Les seuls doutes quant à la crédibilité qui sont exprimés dans la décision et dans les notes consignées dans le SMGC se rapportent au lieu de résidence des demandeurs, et l’agent affirme que les divergences dans les éléments de preuve relatifs à ceux‑ci [traduction] « soulèvent des doutes qui sont liés directement à [leur] admissibilité ». Les doutes et les questions de l’agent se rapportaient aux éléments de preuve des demandeurs quant au moment où ils sont partis au Liban et à la question de savoir s’ils étaient retournés en Syrie et à quel moment, et à des divergences quant à leurs conditions de vie, la façon dont ils subviennent à leurs besoins et leurs affirmations concernant l’explosion qui est survenue à Beyrouth. Aucun de ces éléments n’a trait au risque auquel ils sont exposés en Syrie ni à aucune autre question quant à leur admissibilité.

[27] Je conviens avec le défendeur que la décision de l’agent et les notes consignées dans le SMGC dénotent aussi un doute quant à la question de savoir si les demandeurs satisfont aux exigences énoncées à l’article 16 de la LIPR et, pour cette raison, l’agent n’était pas convaincu qu’ils répondaient aux critères applicables à la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières au titre de l’article 96 de la LIPR ou de la catégorie de personnes de pays d’accueil au titre de l’article 147 du Règlement. Toutefois, il ne ressort pas clairement de la décision qu’il s’agissait du motif du refus.

[28] La structure de la lettre de décision met le problème en lumière. L’agent résume ses doutes au sujet des affirmations formulées par les demandeurs quant au fait qu’ils résident au Liban dans les paragraphes que j’ai cités précédemment. Il vaut la peine de répéter qu’à la fin des paragraphes en question, l’agent affirme ce qui suit : [traduction] « [c]es divergences soulèvent des doutes qui sont directement liés à votre admissibilité » et « je ne suis pas convaincu que vous ayez dit la vérité ». L’agent a poursuivi ses observations en ces termes : [traduction] « Vos réponses sont directement liées à votre admissibilité dans les catégories dans lesquelles vous avez présenté vos demandes ». Ce raisonnement étaye l’argument avancé par les demandeurs selon lequel l’agent a traité à tort le fait qu’ils résident au Liban comme un critère d’admissibilité.

[29] L’agent cite ensuite la LIPR et le Règlement comme des [traduction] « conditions à remplir eu égard à [leur] demande ». Ces renvois comprennent les dispositions qui décrivent les deux catégories qui s’appliquent, soit l’article 96 de la LIPR, qui définit un réfugié au sens de la Convention comme étant une personne qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité, et l’article 147 du Règlement, lequel prévoit que, pour appartenir à la catégorie de personnes de pays d’accueil, l’étranger doit être hors du pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle. L’agent cite ensuite le paragraphe 11(1) de la LIPR, selon lequel l’agent doit être convaincu que l’étranger n’est pas interdit de territoire avant de délivrer un visa. Les renvois aux dispositions législatives tendent à étayer la position du défendeur.

[30] Le problème, toutefois, tient au fait que l’agent n’a pas expliqué ce qu’il entend par [traduction] « admissibilité » et n’a pas analysé la façon dont les dispositions législatives auxquelles il a renvoyé s’appliquaient au cas des demandeurs. Pour justifier le résultat aux demandeurs, l’agent devait expliquer en quoi les conclusions quant à la crédibilité se rapportant à leur lieu de résidence étaient pertinentes eu égard à la décision – et démontrer que le lieu de résidence n’était pas traité comme une condition d’admissibilité. Même si j’accepte l’argument du défendeur selon lequel il est possible d’interpréter la décision de cette façon, j’estime qu’il me faut combler un trop grand nombre d’espaces laissés vides pour ce faire. Cela contrevient aux exigences inscrites dans l’arrêt Vavilov.

[31] L’erreur, en l’espèce, tient au fait que la décision de l’agent était ambiguë en ce qui concerne le critère de l’[traduction] « admissibilité » que les demandeurs ne remplissaient pas. Était‑ce parce qu’ils n’ont pas démontré qu’ils résidaient au Liban ou parce qu’ils n’ont pas convaincu l’agent qu’ils ont quitté la Syrie parce qu’ils y avaient été persécutés en tant que chrétiens? Ce n’est pas clair. À cet égard, c’est un exemple de décision qui peut être justifiable, mais qui n’est pas justifiée – et, selon l’arrêt Vavilov, cela rend la décision déraisonnable. Il s’agissait d’un élément au cœur de la décision de l’agent et les lacunes énumérées plus haut commandent l’annulation de la décision.

[32] Pour toutes ces raisons, je conclus que la décision est déraisonnable. La décision de l’agent est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

[33] Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5885‑21

LA COUR STATUE :

  1. La demande est accueillie. La décision est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.

  2. Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.

« William F. Pentney »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5885‑21

INTITULÉ :

GEORGE GHOSS ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 AOÛT 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

DATE DES MOTIFS :

LE 27 SEPTEMBRE 2022

COMPARUTIONS :

Nicholas Hersh

 

POUR LE DEMANDEUR

Brooklyne Eeuwes

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Services juridiques communautaires d’Ottawa

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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