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Date : 20220916


Dossier : IMM-2687-19

Référence : 2022 CF 1302

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 septembre 2022

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

ADIL YOUSUF

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, Adil Yousouf, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté sa demande d’asile. Il a demandé l’asile en alléguant qu’il risquait d’être persécuté au Pakistan à cause de son orientation sexuelle. Il soutient que la SPR a rendu une décision déraisonnable parce que les conclusions qu’elle a tirées au sujet de sa crédibilité reposent sur le fait qu’elle a jugé, sans corroboration et sans justification, que la preuve qu'il avait présentée n’était pas vraisemblable.

[2] Pour les motifs qui sont exposés ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision de l’agent repose sur des conclusions injustifiées relatives à la vraisemblance qui ne sont pas étayées par les éléments de preuve et qui ne satisfont pas aux normes sous-tendant cette analyse qui ont été établies dans une série cohérente de décisions de la Cour.

I. Le contexte

[3] Le demandeur est un citoyen du Pakistan qui est né et a vécu à Dubaï, aux Émirats arabes unis (ÉAU), jusqu’en mars 2017. Il s’identifie comme un homme gai et vivait en couple avec un homme à Dubaï, mais le père de son partenaire a découvert leur relation et a menacé de dénoncer le demandeur à la police puis de le faire expulser, avec sa famille, s’il ne quittait pas les ÉAU. Le demandeur s’est enfui au Pakistan.

[4] Au Pakistan, il a amorcé une relation avec un homme, et ils ont été découverts ensemble, en septembre 2017, dans un petit hôtel où vivait le demandeur. Le responsable de l’hôtel les a dénoncés aux policiers, qui ont arrêté et détenu le demandeur. Ce dernier affirme avoir été libéré par la police seulement après le versement d’un pot-de-vin par un ami.

[5] Le demandeur s’est rendu aux États-Unis, d’où il est entré au Canada. Il a présenté une demande d’asile en alléguant être exposé à un risque personnalisé de persécution ainsi qu’à un risque pour sa vie et sa sécurité s’il retournait au Pakistan, puisqu’il y a déjà été arrêté et emprisonné à cause de son orientation sexuelle. La SPR a rejeté sa demande pour des raisons liées à la crédibilité et au fait qu’il n’avait pas réussi à établir son identité en tant qu’homme gai.

[6] La SPR a isolé cinq éléments dans l’exposé circonstancié du demandeur qui minaient sa crédibilité :

  1. Découverte dans le petit hôtel : La SPR a mis en doute la description, donnée par le demandeur, de la façon dont son partenaire et lui avaient été découverts :

[traduction]

Le demandeur a expliqué qu’ils avaient allumé leur téléviseur à un volume élevé pour que personne n’entende leurs rapports sexuels. Le fort volume du téléviseur pouvait empêcher qu’on les entende, mais il y avait quand même le risque pour eux de ne pas se rendre compte que quelqu’un entrait dans la chambre, puisque le personnel avait un passe-partout […] En outre, comme le demandeur d'asile, seulement quelques mois auparavant, avait été surpris dans ses rapports sexuels avec son partenaire à Dubaï, je crois qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il prenne des précautions supplémentaires pour ne pas se faire surprendre une nouvelle fois; par exemple, il aurait pu bloquer la porte avec un meuble et tendre l’oreille pour savoir si quelqu’un passait près de la chambre (décision de la SPR, à la p 4).

  1. Poursuite du séjour au petit hôtel même après avoir été découvert : Le demandeur a expliqué que lui-même et son partenaire n’avaient pas quitté le petit hôtel sur-le-champ, parce qu’ils ne croyaient pas que l’employé les ayant découverts signalerait l’incident à la police. Aux dires du de la SPR : [TRADUCTION] « À mon avis, la mesure raisonnable à prendre aurait été pour le demandeur et son partenaire de quitter les lieux, plutôt que de croire simplement que l’employé ne les dénoncerait pas. En fin de compte, les policiers sont arrivés et ont arrêté le demandeur d'asile » (décision de la SPR, au para 13).

  2. Fuite par la fenêtre de la salle de bain : Le demandeur a raconté que, lorsque les policiers sont entrés dans la chambre, son partenaire a déclaré qu’il avait besoin d’aller à la salle de bain et en a profité pour s’enfuir par la fenêtre. La SPR en a conclu ainsi : [TRADUCTION] « Il n’est pas non plus crédible que les policiers soient à ce point incompétents qu’ils permettent au partenaire du demandeur de se rendre à la salle de bain sans vérifier d’abord qu’il ne pouvait pas s’enfuir à partir de cette pièce » (décision de la SPR, au para 14).

  3. Poursuite du séjour au Pakistan : À ce sujet, la SPR s’est exprimée en ces termes :

[traduction]

Il ne me semble pas crédible non plus que le demandeur se rende au Pakistan et y séjourne pendant plus de six mois, jusqu’au moment où il a été arrêté à cause de ses relations homosexuelles. Il devait savoir que toute activité homosexuelle est illégale dans ce pays. Le demandeur d'asile possédait un visa valide pour les États-Unis depuis 2013, et on peut présumer qu’il aurait pu s’y rendre directement au lieu de s’en aller au Pakistan, où il savait qu’il serait poursuivi s’il était surpris à avoir des rapports homosexuels (décision de la SPR, au para 12).

  1. Falsification du rapport de police : Le demandeur a présenté une copie d’un premier rapport d’information (le PRI) qui, selon lui, avait été falsifié par la police et remis à l’ami de son frère. Il a expliqué que les policiers avaient donné ce rapport à l’ami en question pour faire savoir au demandeur qu’ils étaient à sa recherche. La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas présenté de [traduction] « motif raisonnable expliquant pourquoi » la police rédigerait un tel rapport et le remettrait à l’ami de son frère, notamment pour les raisons suivantes :

[traduction]

[…] l’auteur du rapport s’incriminait. Le policier indiquait dans le rapport qu’il avait manqué à son devoir parce qu’il s’était endormi pendant qu’il assurait la garde du demandeur à l’hôpital, ce qui aurait ainsi permis à ce dernier de s’enfuir. Il n’est pas crédible que le policier, en rédigeant ce rapport, se place dans une situation où il serait sanctionné par ses supérieurs (décision de la SPR, au para 15).

En plus, la SPR a conclu que le PRI avait peu de force probante parce qu’il s’agissait d’une copie envoyée par courriel, et non d’un original, et qu’il précisait que l’incident s’était produit le 6 novembre 2017, alors que, selon la preuve du demandeur, il se serait produit le 2 septembre 2017.

[7] Selon la SPR, le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir son orientation sexuelle en tant qu’homme gai en raison des conclusions défavorables relatives à la crédibilité décrites plus haut et du fait qu’il [traduction] « n’a pas présenté la meilleure preuve possible pour corroborer son identité sexuelle » (décision de la SPR, au para 17). La SPR a souligné que le demandeur n’avait pas présenté d’éléments de preuve émanant de son partenaire canadien actuel ou de sa sœur avec qui il vit et qui, selon ses dires, connaît son orientation sexuelle. La SPR s’est aussi exprimée défavorablement au sujet du défaut du demandeur de présenter des éléments de preuve provenant de ses anciens partenaires aux ÉAU ou au Pakistan. Elle a également jugé que les deux photos présentées par le demandeur, où ce dernier apparaît en compagnie de son partenaire canadien actuel, n’établissaient pas son identité sexuelle; elle leur a attribué peu d’importance. La SPR a par ailleurs accordé une force probante limitée à la preuve relative au 519 Community Centre en raison du manque de détails sur la participation du demandeur aux activités du centre ou son adhésion à l’organisme.

[8] Sur la base de tous ces éléments, la SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur. La Section d’appel des réfugiés (la SAR) a rejeté l’appel en invoquant son absence de compétence, étant donné les dispositions lui interdisant de se saisir d’appels présentés par des demandeurs d’asile arrivés au Canada en passant par les États-Unis. Le cas du demandeur a été suspendu jusqu’à ce que la décision soit rendue dans une affaire où cette interdiction était contestée (Kreishan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 223, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, dossier no 38864 de la CSC). Une fois que cette contestation a pris fin, les parties ont bénéficié d’un délai pour présenter d’autres observations, puis l’audience de l’affaire a été mise au rôle.

II. Les questions en litige et la norme de contrôle

[9] La seule question en litige en l’espèce est celle de savoir si la décision de la SPR est raisonnable, ce qui nécessite en retour de répondre à deux questions :

  1. La SPR a-t-elle tiré des conclusions déraisonnables quant à la vraisemblance qui n’étaient pas corroborées par la preuve?

  2. La SPR a-t-elle traité de manière raisonnable les éléments de preuve présentés par le demandeur à l’appui de sa demande?

[10] Cette question doit être évaluée au regard du cadre d’analyse régissant le contrôle selon la norme de la décision raisonnable établi dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Suivant ce cadre, le rôle d’une cour de révision « consiste à examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et à déterminer si la décision est fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes » (Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 [Société canadienne des postes] au para 2). Il incombe à un demandeur de convaincre la cour de justice que « la lacune ou la déficience [invoquée] […] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov, au para 100, cité avec approbation dans Société canadienne des postes, au para 33).

III. Analyse

A. La SPR a tiré des conclusions déraisonnables quant à la vraisemblance qui n’étaient pas corroborées par la preuve

[11] Le demandeur soutient que la décision de la SPR est déraisonnable parce qu’elle s’appuie sur plusieurs conclusions relatives à la vraisemblance que ne corrobore pas la preuve présentée. Selon lui, cette décision entre en contradiction avec la jurisprudence de la Cour, soit les décisions Jele c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 24, Ansar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1152 et Gjelaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 37 [Gjelaj]. Le demandeur fait valoir que la SPR a commis une erreur en ne formulant pas la norme de preuve qui avait servi à apprécier la vraisemblance de son exposé et en émettant plutôt des conjectures quant à ce qui aurait pu se produire (Gjelaj, au para 4).

[12] En outre, le demandeur affirme que les conclusions de la SPR relatives à l’invraisemblance montrent que la SPR n’a pas suivi les Directives numéro 9 du président, intitulées Procédures devant la CISR portant sur l’orientation et les caractères sexuels, l’identité et l’expression de genre (les directives OCSIEG).

[13] J’abonde dans le même sens que le demandeur sur ce point. La Cour fédérale a répété maintes fois la mise en garde suivant laquelle des conclusions sur la vraisemblance doivent être formulées seulement quand certaines conditions sont remplies. La jurisprudence pertinente a été résumée récemment par la juge Fuhrer dans la décision YZ c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 232 au para 12 :

Les conclusions d’invraisemblance ne doivent être tirées que dans les cas les plus évidents, par exemple lorsque les faits allégués « débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le revendicateur le prétend » […] Les conclusions d’invraisemblance commandent une norme plus rigoureuse que celle qui s’applique aux conclusions quant à la crédibilité, lesquelles appellent une grande retenue […] En l’absence d’éléments de preuve fiables et vérifiables au regard desquels la vraisemblance des faits peut être appréciée, les conclusions d’invraisemblance peuvent être tout au plus des conjectures non fondées et inadmissibles […] (citations omises).

[14] En l’espèce, il n’y a rien dans le dossier qui étaye la conclusion du commissaire, soit qu’il était invraisemblable pour le demandeur d’avoir des rapports sexuels avec un homme au Pakistan, dans une chambre privée dont la porte était verrouillée, sans avoir pris de précautions supplémentaires comme de bloquer la porte avec un meuble. Cette conclusion ne cadre pas non plus avec les directives OCSIEG, qui énoncent ce qui suit à la section 7.5.1 : « Il peut être également vraisemblable qu’elle [la personne dont les OCSIEG doivent être pris en considération] ait participé à des activités qui auraient pu l’exposer à un risque dans son pays de référence ».

[15] Rien au dossier ne précise le temps qui s’est écoulé entre le moment où le demandeur et son partenaire se sont fait surprendre et l’arrivée des policiers ni rien qui appuie l’affirmation du commissaire suivant laquelle il était déraisonnable pour le demandeur de croire que l’employé du petit hôtel ne les dénoncerait pas. Il n’y a aucun élément de preuve contredisant les propos du demandeur relativement à la fuite de son partenaire par la fenêtre de la salle de bain, pas plus qu’il n’y a de preuve étayant l’hypothèse formulée par le commissaire, soit que la police aurait pris des mesures pour s’assurer que cela ne se produise pas.

[16] Quant au choix du demandeur de se rendre au Pakistan plutôt qu’aux États-Unis, la transcription de l’audience révèle une certaine confusion. Il semble que le demandeur croyait que le commissaire lui demandait la raison pour laquelle il n’était pas allé aux États-Unis dès qu’il a reçu son visa en 2013, alors que le commissaire voulait savoir pourquoi le demandeur est retourné au Pakistan après avoir été découvert et menacé aux ÉAU. La SPR n’a pas expliqué pourquoi elle a remis en question le témoignage du demandeur quant au fait que sa découverte au petit hôtel et son arrestation puis sa détention subséquentes constituaient un incident culminant qui l’avait convaincu qu’il devait fuir au Pakistan.

[17] En résumé, le droit est clair : les conclusions qui sont tirées au sujet de l’invraisemblance doivent être fondées sur le dossier et s’appuyer sur un raisonnement clair. Dans la présente affaire, la SPR avait donc l’obligation de démontrer qu’elle a tenu compte des éléments de preuve pertinents relatifs aux conditions dans le pays (p ex, concernant la qualité et l’efficacité du travail de la police au Pakistan), qu’elle était consciente de la nature privée de l’orientation sexuelle d’une personne et qu’elle a appliqué les directives OCSIEG (voir Yahaya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1570 au para 15). La SPR ne s'est pas penchée sur ces points dans son analyse, de sorte que cette dernière est déraisonnable.

B. La SPR a traité de manière déraisonnable certains éléments de preuve corroborants

[18] Le demandeur fait valoir que la SPR a commis une erreur en n’accordant pas le poids approprié aux éléments de preuve qu’il avait présentés, dont les photos où il apparaît en compagnie de son partenaire canadien, la preuve émanant de l’organisme 519 Community Centre et le PRI. Il soutient aussi qu’elle a eu tort d’exiger la présentation d’éléments de preuve qui corroboraient son orientation sexuelle.

[19] Je suis d’accord avec le défendeur quand il souligne que certains arguments du demandeur sur cette question reviennent à demander simplement à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve. Il n’appartient pas à la cour de révision de procéder à sa propre appréciation des éléments de preuve. Toutefois, je suis d’avis que certains points soulevés par le demandeur sont solides.

[20] Par exemple, la SPR a reproché au demandeur d’avoir omis de présenter la meilleure preuve à l’appui de sa demande, soulignant le fait qu’il n’a pas cité comme témoins son partenaire ou sa sœur. Cette critique n’est pas déraisonnable. Cependant, la SPR ne mentionne pas que le demandeur a présenté des affidavits faits sous serment souscrits par son frère et par des amis de son frère, et leurs témoignages corroborent des aspects clés de son exposé circonstancié.

[21] Qui plus est, la SPR a commis une erreur quand elle a affirmé que le rapport de police [le PRI] était aussi suspect, ce qui l’a amenée à lui attribuer peu de force probante, mais sans tirer de conclusion précise quant à son authenticité. La jurisprudence exige toujours une conclusion explicite sur l’absence d’authenticité d’un document avant que le décideur puisse juger qu’il a peu de force probante (El Sayed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1246 au para 28; Mabirizi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1354 au para 19).

[22] À mon avis, la SPR effectue une analyse déraisonnable des photos ou de la preuve présentée par l’organisme 519 Community Centre. L’évaluation de ces éléments de preuve reflète l’examen fait par la SPR quant à la valeur probante des documents en question, et mon examen du dossier m’amène à conclure que les conclusions tirées par la SPR étaient adéquates.

IV. Conclusion

[23] Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Les conclusions tirées par la SPR sur la vraisemblance ne sont pas corroborées par la preuve ou par l’analyse rigoureuse exigée par la jurisprudence de la Cour fédérale. Comme l’a affirmé le juge Mosley au paragraphe 15 de la décision Santos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 937 :

[…] les conclusions sur la vraisemblance reposent sur un raisonnement distinct de celui des conclusions sur la crédibilité et peuvent être influencées par des présomptions culturelles ou des perceptions erronées. En conséquence, les conclusions d’invraisemblance doivent être fondées sur une preuve claire et un raisonnement clair à l’appui des déductions de la Commission et devraient faire état des éléments de preuve pertinents qui pourraient réfuter lesdites conclusions.

[24] Dans la présente affaire, l’analyse de la SPR n’est pas satisfaisante; au lieu d’effectuer l’examen contextuel rigoureux auquel elle était tenue, la SPR s’est livrée à des conjectures – en particulier pour ce qui est des motivations et des actions de la police. Cette démarche est contraire à la jurisprudence (voir Sanchez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 665 ainsi que les décisions et arrêts qui y sont cités). La décision Sanchez a été appliquée récemment dans Al Dya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 901 (au para 29), où le juge McHaffie a souligné qu’il faut reconnaître que l’improbable peut se produire, ce qui met en lumière l’importance de s’appuyer sur la preuve pour tirer des conclusions au sujet de l’invraisemblance (au para 35). Le juge Norris a réitéré ce point récemment dans la décision Zaiter c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 908 aux para 8-9.

[25] L’analyse de la SPR est déraisonnable et, comme cette analyse constituait un aspect central de sa décision, ces lacunes sont suffisamment graves pour justifier d’annuler la décision. La décision sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour nouvel examen.

[26] Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-2687-19

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés pour nouvel examen.

  3. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« William F. Pentney »

Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Corbeil

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2687-19

INTITULÉ :

ADIL YOUSUF c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 JANVIER 2022

JUGEMENT ET MOTIFS

LE JUGE PENTNEY

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 16 SEPTEMBRE 2022

COMPARUTIONS :

Christina M. Gural

 

POUR LE DEMANDEUR

Brad Gotkin

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Christina M. Gural

Avocate

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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