Dossier : T-510-21
Référence : 2022 CF 1075
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 19 juillet 2022
En présence de madame la juge Aylen
ENTRE :
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GISELE LEGAULT
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demanderesse
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et
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LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE s/n BANQUE SCOTIA ET LA BANQUE TORONTO-DOMINION
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défenderesses
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Le 22 mars 2021, la demanderesse a déposé la présente demande de contrôle judiciaire à l’encontre de [traduction] « la décision rendue le 11 novembre 2012 par la Commission canadienne des droits de la personne à l’égard de sa plainte relative aux droits de la personne »
.
[2] Pourtant, le dossier de demande de la demanderesse ne comprend aucune décision de la Commission canadienne des droits de la personne [la CCDP]. Il semblerait toutefois que la demanderesse ait déposé une plainte auprès de la CCDP en 2012 à l’encontre de son ancien employeur, Via Rail Canada Inc.
[3] La preuve présentée par les défenderesses montre que la demanderesse est une cliente et de la Banque de Nouvelle-Écosse et de la Banque Scotia. Cependant, les défenderesses n’ont connaissance d’aucune plainte qui aurait été déposée par la demanderesse à leur égard auprès de la CCDP, ni d’aucune décision qui aurait été rendue par un arbitre ou un tribunal administratif fédéral dans un dossier mettant en cause la demanderesse et l’une ou l’autre des défenderesses.
[4] La demanderesse conteste la décision des défenderesses de mettre fin à leurs services de livret pour l’ensemble des clients en novembre 2020 (dans le cas de la Banque Toronto-Dominion) et en mars 2021 (dans le cas de la Banque Scotia). La demanderesse demande à la Cour d’examiner ces décisions et d’ordonner soit l’ajout d’une clause de droits acquis, soit la prise de mesures d’adaptation afin que les personnes âgées et les personnes atteintes d’une déficience puissent continuer à utiliser les services de livret. La demanderesse affirme que la décision de la CCDP concernant Via Rail est pertinente dans la mesure où elle établit qu’elle est atteinte d’une déficience et qu’elle est incapable d’apprendre à se servir du programme en ligne utilisé par Via Rail, ce qui, selon la demanderesse, devrait être pris en compte en l’espèce. La demanderesse affirme en outre que la décision des défenderesses de mettre fin à l’utilisation des livrets est contraire à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, constitue un manquement à leur obligation de prendre des mesures d’adaptation à son égard, enfreint la Loi de mise en œuvre de la Charte du numérique (projet de loi C-11), constitue une violation de contrat et l’a privée de son droit à l’équité procédurale.
[5] Les défenderesses soutiennent que la Cour n’est pas valablement saisie d’une demande de contrôle judiciaire, étant donné qu’il n’existe aucune décision susceptible de contrôle, et que la demande devrait donc être rejetée. Malgré le fait que la Cour ait demandé à la demanderesse de traiter cette question dans ses observations orales, elle ne l’a pas fait.
[6] Pour que la Cour puisse être valablement saisie d’une demande de contrôle judiciaire, il faut a) qu’il y ait une décision ou une ordonnance pour laquelle une réparation est demandée et b) que la décision ou l’ordonnance contestée émane d’un office fédéral [voir Canada (Gouverneur général en conseil) c Première nation crie Mikisew, 2016 CAF 311 au para 23]. Les articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, prévoient expressément que ce ne sont que les décisions et mesures prises par un « office fédéral »
qui peuvent faire l’objet du contrôle par la Cour [voir Mikisew, précité, au para 27].
[7] Le terme « office fédéral »
est défini ainsi au paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales :
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[8] Par conséquent, seules les entités qui exercent une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale peuvent être un office fédéral. La Cour doit donc examiner la compétence ou le pouvoir particulier exercé dans un cas particulier et la source de cette compétence ou de ce pouvoir [voir Air Canada c Administration portuaire de Toronto, 2011 CAF 347 au para 47; Anisman c Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 52]. De plus, la mesure prise ou le pouvoir exercé doit être de nature publique, puisqu’une entité n’agit pas en qualité d’« office fédéral »
lorsqu’elle prend une mesure de nature privée ou exerce un pouvoir de nature privée [voir Air Canada, précité, au para 50].
[9] La demanderesse n’a soumis aucune décision d’un office fédéral, comme la CCDP, au contrôle de la Cour. Dans la mesure où la demanderesse affirme que les défenderesses sont des offices fédéraux, elle n’a pas précisé la compétence ou le pouvoir particulier exercé par les défenderesses ni la source de cette compétence ou de ce pouvoir qui permettraient de les qualifier ainsi. Par ailleurs, même si les défenderesses pouvaient être qualifiées d’offices fédéraux (ce qui n’est pas le cas à mon avis), je conclus que leur décision d’interrompre les services de livret pour leurs clients est une décision d’affaires de nature privée à l’égard de laquelle il n’existe aucun recours en contrôle judiciaire [voir Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses (Judicial Committee) c Wall, 2018 CSC 26 aux paras 14-15; Air Canada, précité, au para 60].
[10] Par conséquent, je conclus que la Cour n’est pas valablement saisie de la présente demande de contrôle judiciaire. La demande sera donc rejetée.
[11] Les défenderesses ont fait savoir qu’elles sont mal désignées dans l’intitulé de la cause : la Banque Toronto-Dominion est nommée par erreur la Toronto Dominion Canada Trust (TDCT) et la Banque de Nouvelle-Écosse est nommée par erreur la Banque Scotia (BNÉ). Par la présente décision, l’intitulé de la cause sera modifié, avec effet immédiat.
[12] La Banque Toronto-Dominion n’a présenté aucune réclamation au titre des dépens, mais la Banque de Nouvelle-Écosse a réclamé 5 000 $ à ce titre. Puisqu’elle a eu gain de cause en l’espèce, la Banque de Nouvelle-Écosse a droit aux dépens. Cependant, je ne suis pas convaincue que le montant demandé soit raisonnable compte tenu du montant prévu au tarif et du degré d’effort consacré par la Banque de Nouvelle-Écosse à la présente demande. Ainsi, je conclus que la demanderesse devra payer à la Banque de Nouvelle-Écosse la somme de 2 000 $ au titre des dépens.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-510-21
LA COUR STATUE :
L’intitulé est par la présente modifié, avec effet immédiat, afin que les défenderesses, la Banque de Nouvelle-Écosse s/n Banque Scotia et la Banque Toronto-Dominion, soient désignées correctement.
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
La demanderesse doit payer à la Banque de Nouvelle‑Écosse la somme de 2 000 $ au titre des dépens.
« Mandy Aylen »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Blain McIntosh
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-510-21
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INTITULÉ :
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GISELE LEGAULT c LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE s/n BANQUE SCOTIA ET LA BANQUE TORONTO-DOMINION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 19 JUILLET 2022
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JUGEMENT ET MOTIFs :
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LA JUGE AyLEN
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DATE DES MOTIFS :
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LE 19 JUILLET 2022
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COMPARUTIONS :
Gisele Legault
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POUR LA DEMANDERESSE
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David S. Alli
Bonny Mak
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POUR LA DÉFENDERESSE,
LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE S/N BANQUE SCOTIA
POUR LA DÉFENDERESSE,
LA BANQUE TORONTO-DOMINION
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Hicks Morley Hamilton Stewart Storie LLP
Toronto (Ontario)
Fasken Martineau DuMoulin LLP
Toronto (Ontario)
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POUR LA DÉFENDERESSE,
LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE S/N BANQUE SCOTIA
POUR LA DÉFENDERESSE,
LA BANQUE TORONTO-DOMINION
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