Dossier : T-821-21
Référence : 2022 CF 1138
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2022
En présence de monsieur le juge Favel
ENTRE : |
KELSEY LORENTZ |
requérant |
et |
LOREEN SUHR ET CLAYTON CHARLIE |
intimés |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Nature de l’affaire
[1] La Cour est saisie d’une requête présentée en vertu de l’article 31 de la Loi sur les élections au sein de premières nations, LC 2014, c 5 [la LEPN] pour contester l’élection partielle du 14 avril 2021 de la Nation de Ts’il Kaz Koh de Burns Lake [Burns Lake] pour le poste de chef [l’élection partielle]. Kelsey Lorentz [le requérant] est membre et électeur de Burns Lake. Loreen Suhr [l’intimée Suhr] était la présidente d’élection [la PE] pour l’élection partielle, et Clayton Charlie [l’intimé Charlie] était le candidat retenu pour le poste de chef [collectivement, les intimés].
[2] Le requérant sollicite une ordonnance invalidant l’élection partielle en vertu de l’article 31 et du paragraphe 35(1) de la LEPN.
[3] La requête est accueillie. Trois bulletins de vote ont été indûment remis à des électeurs, contrairement à l’alinéa 14b) de la LEPN et au paragraphe 16(2) du Règlement sur les élections au sein de premières nations, DORS/2015-86 [le REPN].
II. Contexte
A. Les faits
[4] Burns Lake est une collectivité éloignée située à l’intérieur des terres de la Colombie-Britannique. Elle compte environ 130 membres, dont 80 vivent hors réserve. L’organe directeur de Burns Lake est composé d’un chef et de deux conseillers.
[5] La LEPN et le REPN [ensemble, le régime de la LEPN] s’appliquent aux Premières Nations qui ont choisi de se soustraire au régime électoral de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5 et de se soumettre au régime de la LEPN. Burns Lake est une première nation participante au régime de la LEPN. Le régime de la LEPN prévoit des délais précis pour tenir les élections et permet aux électeurs hors réserve de voter par la poste.
B. Événements menant à l’élection partielle
[6] En janvier 2021, l’ancien chef de Burns Lake, le chef Gerow, a démissionné avec effet immédiat. Cette démission a déclenché l’élection partielle. L’administrateur de la bande a retenu les services de l’intimée Suhr comme PE, dont la nomination a été officialisée par une résolution du conseil de bande en date du 3 février 2021. L’intimée Suhr avait déjà agi à titre de PE lors de deux autres élections de Burns Lake. Étant donné le besoin urgent d’élire un nouveau chef, l’administrateur de la bande et l’intimée Suhr ont fixé la date de l’élection partielle au 14 avril 2021.
[7] Le 8 février 2021, Burns Lake a fourni à l’intimée Suhr une liste de tous les électeurs admissibles à l’élection partielle. Cette liste comprenait la dernière adresse connue des électeurs [la liste des électeurs].
[8] Le 13 février 2021, l’intimée Suhr a envoyé l’avis d’assemblée de mise en candidature, le formulaire de mise en candidature par la poste et le formulaire de demande de bulletin de vote postal [les documents relatifs à l’avis de mise en candidature] aux adresses figurant sur la liste des électeurs. Elle a ensuite mis à jour sa propre liste d’envoi [la liste d’envoi de l’avis de mise en candidature]. La liste d’envoi de l’avis de mise en candidature comprend le nom, l’adresse et la date d’envoi des documents relatifs à l’avis de mise en candidature.
[9] L’avis d’assemblée de mise en candidature mentionnait deux dates de manière erronée. La date de l’élection partielle était mentionnée par erreur comme étant le jeudi 14 avril 2021 au lieu du mercredi 14 avril 2021. Le formulaire de demande de bulletin de vote indiquait également que l’élection partielle se tiendrait le jeudi 14 avril 2021. Le formulaire de demande de bulletin de vote indiquait que la date limite pour demander un bulletin de vote par la poste était le jeudi 8 avril 2021.
[10] L’intimée Suhr a commencé à recevoir des formulaires de demande de bulletin de vote postal dûment remplis au cours des mois de février et de mars. Elle a dressé une liste des électeurs ayant demandé un bulletin de vote postal [la liste des bulletins de vote postaux]. Lors de l’établissement de la liste des bulletins de vote postaux, l’intimée Suhr a copié le nom, l’adresse, l’adresse électronique et le numéro de téléphone fournis par l’électeur sur son formulaire de demande de bulletin de vote postal.
[11] Le 16 mars 2021, après la nomination et la confirmation des candidats, l’intimée Suhr a envoyé une trousse de vote postale à chaque électeur ayant soumis un formulaire de demande de bulletin de vote postal dûment rempli. Ces trousses de vote postales comprenaient un avis de scrutin, qui indiquait correctement que l’élection partielle se tiendrait le mercredi 14 avril 2021. Cet avis de scrutin indiquait également que la date limite pour demander une trousse de vote postale était le 7 avril 2021 (un jour plus tôt que la date indiquée sur le formulaire de demande de bulletin de vote).
[12] L’intimée Suhr a reçu d’autres formulaires de demande de bulletin de vote postal jusqu’au 7 avril 2021. Elle déclare qu’elle s’est rendue à Postes Canada tous les jours pour vérifier s’il y avait des formulaires de demande de bulletin de vote postal et pour envoyer des trousses de vote postales.
[13] Le requérant soutient qu’il y a eu un certain nombre d’irrégularités procédurales ou techniques qui contrevenaient au régime de la LEPN. Par conséquent, au moins trois membres de Burns Lake n’ont pas reçu l’avis de scrutin, trois se sont vu refuser les trousses de vote postales et six (sept si on inclut le requérant) ont été privés de leur droit de vote à l’élection partielle. Les plaintes particulières de ces électeurs sont examinées ci-dessous.
C. Entente de remise et de collecte des bulletins de vote postaux
[14] Le 8 avril 2021, l’intimé Charlie a communiqué avec l’intimée Suhr par courriel pour lui demander comment trois électeurs (Norman Gerow, Bob Garcia et Juanita Symington), qui n’avaient pas reçu leur trousse de vote postale, pourraient voter lors de l’élection partielle. Plus tard dans la journée, les intimés ont eu une conversation téléphonique au cours de laquelle ils ont discuté de la possibilité que les électeurs désignent un membre de la bande pour leur remettre en mains propres leurs trousses de vote postales et les renvoyer à l’intimée Suhr [l’entente de remise et de collecte]. L’intimé Charlie a indiqué que son frère, Ron, pourrait agir en tant que messager désigné pour les trois électeurs déterminés. Il a également indiqué à l’intimée Suhr qu’il accompagnerait Ron au cours du trajet.
[15] Plus tard dans la journée, l’intimée Suhr a appelé Judy Szonyi de Services aux Autochtones Canada [SAC], qui a approuvé l’entente de remise et de collecte. Mme Szonyi a indiqué qu’elle entrerait en contact avec les trois électeurs. À 18 h 27, Mme Szonyi a envoyé un courriel à l’ancien chef Gerow et aux deux conseillers pour leur demander d’informer tous les membres de l’entente de remise et de collecte. Le courriel de Mme Szonyi indiquait que la date limite pour demander une trousse de bulletin de vote était [traduction] « aujourd’hui, le 8 avril »
. Le requérant déclare que les courriels de l’intimée Suhr indiquent qu’elle a fixé la date limite non annoncée du 8 avril 2021 à 20 h, soit environ 90 minutes après que Mme Szonyi a envoyé un courriel à l’ancien chef Gerow et aux conseillers.
[16] L’intimée Suhr affirme que, compte tenu de sa consultation avec SAC et des pratiques électorales antérieures de Burns Lake, elle pensait que l’entente de remise et de collecte était légale. Toutes les parties conviennent que, lors des élections antérieures qui ont eu lieu dans la communauté de Burns Lake, les électeurs ont demandé à des candidats ou à d’autres membres de la bande de recueillir leurs bulletins de vote et de les apporter « à pied »
jusqu’au bureau de vote. Toutefois, le requérant affirme que, par le passé, les candidats n’ont jamais remis de trousses de vote postales aux électeurs – ils n’ont fait que recueillir les bulletins de vote postaux dûment remplis, ce qui est permis en vertu du paragraphe 17(2) du REPN.
[17] À la fin de la journée du 8 avril 2021, l’intimée Suhr a reçu quatre demandes de participation à l’entente de remise et de collecte. La nouvelle demande provenait du requérant. Le requérant déclare qu’il n’a appris l’existence de l’entente de remise et de collecte que parce que sa mère, la conseillère Ellen Lorentz [la conseillère Lorentz], était l’un des premiers destinataires des courriels de Mme Szonyi.
[18] L’intimée Suhr a préparé une trousse de vote postale et un formulaire d’autorisation pour les quatre électeurs souhaitant participer à l’entente de remise et de collecte. Elle a placé tous les documents dans une enveloppe scellée. Elle a ensuite appelé l’intimé Charlie et pris des dispositions pour que Ron vienne chercher les documents le 10 ou le 11 avril 2021 à Prince George.
[19] L’intimé Charlie déclare que lui et Ron ont remis les bulletins de vote à Norman Gerow, Bob Garcia et Juanita Symington le 10 avril 2021 et qu’il n’était pas présent lorsque ces électeurs ont rempli leur bulletin de vote. Lorsqu’ils ont ouvert l’enveloppe scellée pour récupérer les trousses de vote postales pour le premier électeur, ils se sont rendu compte qu’ils avaient également le bulletin de vote du requérant. L’intimé Charlie déclare qu’il a été surpris, car le requérant n’a jamais communiqué avec lui pour prendre les dispositions nécessaires en vue d’assurer la remise de sa trousse de vote postale, et personne ne l’a informé de cette demande. L’intimé Charlie a ensuite communiqué avec le requérant par Facebook Messenger et par téléphone pour planifier la remise.
[20] Le requérant déclare que, lors de l’appel téléphonique, l’intimé Charlie lui a demandé pour qui il avait l’intention de voter. Le requérant déclare qu’il a répondu qu’il n’était pas encore certain, mais qu’il rencontrerait l’intimé Charlie à Vernon, en Colombie-Britannique, le 12 avril 2021 à 13 h pour obtenir son bulletin de vote. L’intimé Charlie nie avoir demandé au requérant pour qui il allait voter et nie avoir prévu de rencontrer le requérant à 13 h à Vernon le 12 avril 2021. L’intimé Charlie déclare que, lors de l’appel téléphonique, il a dit au requérant qu’il serait à Kelowna le 11 avril 2021 et qu’il s’est assuré que le requérant avait son numéro de téléphone au cas où il souhaiterait planifier la remise. L’intimé Charlie déclare qu’il a eu l’impression que le requérant ne souhaitait pas participer au scrutin.
[21] Il n’est pas contesté que l’intimé Charlie se trouvait à Vernon à 13 h le 12 avril 2021. L’intimé Charlie déclare que deux électeurs, John et Mike Creyke, ont communiqué avec lui le matin du 12 avril 2021 pour récupérer leur bulletin de vote postal dûment rempli. John se trouvait à Vernon et Mike était à Chilliwack. L’intimé Charlie déclare qu’il est parti de Kelowna pour se rendre à Vernon le 12 avril 2021 afin de rencontrer Mike. Il affirme que pendant qu’il s’y trouvait, le requérant n’a jamais communiqué avec lui.
[22] La conseillère Lorentz a envoyé trois textos à l’intimé Charlie le 12 avril 2021 pour coordonner la remise du bulletin de vote du requérant. Vers 10 h 30, elle a proposé que la sœur du requérant aille récupérer le bulletin de vote du requérant auprès de l’intimé Charlie. L’intimé Charlie n’a pas répondu avant 14 h, heure à laquelle il a indiqué qu’il avait quitté Vernon. Le requérant affirme qu’il a ensuite appelé l’intimé Charlie à deux reprises, mais que celui-ci n’a pas répondu. Le dossier montre que ces appels ont été passés vers 16 h. L’intimé Charlie déclare qu’il n’a pas eu de nouvelles du requérant le 12 avril 2021 avant 16 h 25 ce jour-là.
[23] L’intimé Charlie a répondu à la conseillère Lorentz et au requérant à 16 h 09 et à 16 h 36, respectivement. L’intimé Charlie déclare qu’il leur a répondu alors qu’il se trouvait dans une halte routière près de Kamloops, au cours de son trajet vers Chilliwack. L’intimé Charlie déclare qu’il n’a répondu à leurs messages qu’après 16 h parce qu’il conduisait et qu’il ne pouvait pas toujours avoir accès au réseau sur l’autoroute. Il a dit au requérant et à la conseillère Lorentz qu’un tiers, comme la sœur du requérant, ne pouvait pas aller chercher le bulletin de vote du requérant. Dans le même message, l’intimé Charlie a également dit au requérant qu’il pourrait passer par Vernon le 13 avril 2021, car, à ce moment-là, il pensait qu’il allait toujours se rendre à Chilliwack pour rencontrer Mike Creyke. Cela ne s’est pas produit. L’intimé Charlie affirme que, lorsqu’il était à Kamloops, Mike lui a dit qu’il avait trouvé quelqu’un d’autre pour livrer son bulletin de vote par messager. Par conséquent, l’intimé Charlie et Ron ont décidé de retourner à Burns Lake sans communiquer cette décision au requérant.
[24] L’intimé Charlie n’a pas livré le bulletin de vote du requérant et ce dernier n’a pas voté à l’élection partielle.
[25] La conseillère Lorentz jure que le 15 avril 2021, le lendemain de l’élection partielle, l’intimé Charlie lui a dit au moins deux fois qu’il l’avait délibérément écartée, ainsi que le requérant, parce qu’il n’était pas certain que le requérant allait voter pour lui. L’intimé Charlie nie avoir tenu ces propos.
D. L’élection partielle
[26] L’élection partielle a eu lieu le 14 avril 2021. Ce jour-là, Ron a remis à l’intimée Suhr les bulletins de vote qu’il avait recueillis dans le cadre de l’entente de remise et de collecte. De même, d’autres membres de la bande (y compris la conseillère Lorentz) ont remis en mains propres des trousses comportant des bulletins de vote postaux dûment remplis appartenant à d’autres électeurs.
[27] L’intimé Charlie a remporté l’élection partielle par une voix. Le relevé du scrutin officiel a été enregistré ainsi : Dan George (4), Ryan Tibbett (23), Albert Gerow (23) et Clayton Charlie (24).
III. Questions préliminaires
A. La crédibilité de l’intimé Charlie
[28] Le requérant demande à la Cour de rejeter le témoignage de l’intimé Charlie concernant son départ de Vernon le 12 avril 2021. Essentiellement, le requérant prétend que l’intimé Charlie a fait diverses déclarations incohérentes au sujet de son déplacement, qui établissent qu’il a intentionnellement évité le requérant pendant la durée de l’entente de remise et de collecte.
[29] Selon l’intimé Charlie, la Cour devrait rejeter l’affirmation du requérant selon laquelle son déplacement de Vernon à Kamloops n’est pas crédible. L’intimé Charlie n’a jamais témoigné quant à la durée de son déplacement, et il n’y a aucune preuve de l’heure à laquelle il a commencé son trajet, des conditions de circulation ou des haltes qu’il a effectuées. Il est inapproprié de la part du requérant d’essayer de mettre en doute la crédibilité de l’intimé Charlie alors qu’il a choisi de ne pas procéder à un contre-interrogatoire et qu’il n’a pas admis de nouveaux éléments de preuve sous forme d’affidavits pour contredire le témoignage de celui-ci.
[30] Je suis d’accord avec l’intimé Charlie pour dire que le requérant aurait dû exercer son droit au contre-interrogatoire s’il souhaitait contester le témoignage en question. Il serait injuste que la Cour rende une conclusion défavorable sur la crédibilité sans que la question des déplacements de l’intimé Charlie lui soit d’abord posée (Flett c Première Nation de Pine Creek, 2022 CF 805 aux para 23, 36). Quoi qu’il en soit, les circonstances entourant la tentative de remise du bulletin de vote du requérant ne sont pas pertinentes pour la détermination de la présente requête.
B. De nouveaux arguments soulevés par le requérant
[31] Lors de l’audience, l’intimée Suhr s’est opposée à cinq des arguments du requérant au motif qu’il s’agissait de nouveaux arguments : (1) la myriade d’erreurs commises qui a corrompu l’intégrité de l’élection partielle; (2) l’effet cumulatif des violations quant aux périodes de préavis requises; (3) l’envoi par la poste des trousses pendant le long week-end; (4) le règlement en lien avec la COVID-19 applicable aux élections des Premières Nations; et (5) le vote secret et l’article 18 de la LEPN.
[32] Au cours des observations en réponse, le requérant a reconnu que les observations (4) et (5) étaient nouvelles et n’étaient pas étayées par le dossier. À la fin de l’audience, l’intimée Suhr a retiré ses objections aux observations (2) et (3).
[33] La nouvelle question qui reste à examiner par la Cour est celle de savoir si l’intégrité de l’élection partielle a été corrompue par la myriade d’erreurs commises. J’estime que cet argument est semblable à celui que la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a examiné dans l’arrêt Cyr v McNab, 2016 SKQB 357 [McNab SKQB], dans lequel la Cour a conclu qu’une myriade d’erreurs et d’irrégularités ne constituait pas une fraude ni n’avait un effet corrosif suffisant pour porter atteinte à l’intégrité de l’élection (au para 41). Je suis du même avis. Ce principe s’applique à la présente affaire.
IV. Questions en litige
[34] Après avoir examiné les observations des parties, j’estime que les questions à traiter sont les suivantes :
Y a-t-il eu une contravention au régime de la LEPN pour l’un ou l’autre des motifs suivants, laquelle
« a vraisemblablement influé sur le résultat »
de l’élection partielle?la compression du calendrier de l’élection partielle;
le fait d’indiquer une date erronée sur les documents relatifs à l’avis de mise en candidature;
le manquement à l’obligation d’afficher l’avis de scrutin;
le manquement à l’obligation d’assurer la remise de bulletins de vote postaux urgents;
le manquement à l’obligation de veiller à l’entreposage en lieu sûr des bulletins de vote postaux;
la remise des bulletins de vote postaux dans le cadre de l’entente de remise et de collecte;
le fait d’entraver intentionnellement la tenue de l’élection partielle.
S’il y a eu une contravention qui a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle, la Cour doit-elle exercer son pouvoir discrétionnaire pour invalider l’élection partielle?
V. Les thèses des parties
A. Y a-t-il eu une contravention au régime de la LEPN qui a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle?
(1) La thèse du requérant
(a)La compression du calendrier de l’élection
[35] Les paragraphes 5(1) et 7(1) ainsi que les articles 14 et 16 du REPN fixent les délais minimaux pour l’envoi de l’avis de la tenue de l’assemblée de mise en candidature, la tenue de l’assemblée de mise en candidature, l’envoi des trousses de vote postales et l’envoi de l’avis de scrutin partiel. Dans tous les cas, l’intimée Suhr n’a pas respecté ces délais d’un ou de deux jours.
(b) Le fait d’indiquer une date erronée sur les documents relatifs à l’avis de mise en candidature
[36] L’intimée Suhr a contrevenu à l’alinéa 5(2)e) du REPN, car l’avis de la tenue de l’assemblée de mise en candidature comportait la date du « jeudi 14 avril 2021 »
, qui n’est pas une date réelle.
(c) Le manquement à l’obligation d’afficher l’avis de scrutin
[37] L’article 14 du REPN exige que le PE émette l’avis de scrutin aux membres 30 jours francs avant la date de l’élection partielle et qu’elle affiche cet avis à au moins un endroit bien en vue dans la réserve. L’intimée Suhr n’a pas prouvé qu’elle avait affiché l’avis de scrutin.
(d) Le manquement à l’obligation d’assurer la remise de bulletins de vote postaux urgents
[38] Le paragraphe 16(2) du REPN est rédigé en ces termes : « [...] six jours ou plus avant la date de l’élection, le président d’élection envoie [à l’électeur] la trousse par la poste ou la lui remet à l’heure et au lieu convenus, et ce, dans les plus brefs délais après la réception de la demande »
. L’intimée Suhr a contrevenu au paragraphe 16(2) parce qu’elle n’a pas utilisé les services postaux accélérés pour assurer la remise en temps voulu des trousses de vote postales aux électeurs. L’intimée Suhr a également contrevenu au paragraphe 16(2) en refusant de fournir des bulletins de vote urgents à quatre électeurs (M. Favelle, M. Holland, M. Lorentz et M. Delisle).
(e) Le manquement à l’obligation de veiller à l’entreposage en lieu sûr des bulletins de vote postaux
[39] Le paragraphe 17(4) du REPN exige que le PE veille à l’entreposage en lieu sûr des trousses jusqu’à leur ouverture. L’intimée Suhr a contrevenu au paragraphe 17(4) lorsqu’elle a permis à Postes Canada de retourner les bulletins de vote de Darren, Ashley, Amanda et Robert Gerow [la trousse à l’intention des Gerow]. Ces bulletins ont été remis à l’adresse désignée fournie par l’intimée Suhr avant la fermeture des bureaux de scrutin. Par conséquent, l’intimée Suhr avait l’obligation de veiller à l’entreposage en lieu sûr des bulletins.
(f) La remise des bulletins de vote postaux dans le cadre de l’entente de remise et de collecte
(g) Le fait d’entraver intentionnellement la tenue de l’élection partielle
[40] Le requérant aborde ces sous-questions ensemble. La première allégation se rapporte à l’alinéa 14b) de la LEPN et au paragraphe 16(2) du REPN. La deuxième allégation, l’entrave intentionnelle à la tenue de l’élection partielle, se rapporte à l’interdiction prévue à l’article 27 de la LEPN.
[41] L’article 27 de la LEPN interdit d’entraver intentionnellement la tenue d’élections. Les intimés ont intentionnellement entravé la tenue de l’élection partielle au moyen de l’entente de remise et de collecte. Les intimés ont créé un moyen particulier de remettre et de recueillir les bulletins de vote auprès des électeurs choisis par l’intimé Charlie. Cette entente était également destinée à rester secrète, puisqu’elle n’a pas fait l’objet d’une large publicité. Par conséquent, l’intimé Charlie a été le seul candidat à bénéficier d’un accès privilégié à la remise et à la collecte des bulletins de vote auprès des électeurs.
[42] L’entente de remise et de collecte contrevient à l’alinéa 14b) de la LEPN et au paragraphe 16(2) du REPN. L’alinéa 14b) interdit la possession d’un bulletin de vote qui n’a pas été délivré à son détenteur, à moins qu’il ne soit expressément autorisé à le posséder en vertu du REPN. Le paragraphe 16(2) du REPN ne prévoit que la remise en mains propres d’une trousse de vote postale par le PE. Dans l’ensemble, le régime de la LEPN autorise uniquement le PE à remettre en mains propres les bulletins de vote postaux aux électeurs. Par conséquent, les trousses de vote postales remises par l’intimé Charlie et dont les bulletins de vote ont été remplis par Norman Gerow, Bob Garcia et Juanita Symington ne sont pas valables. Bien que l’article 17 du REPN permette à quiconque de fournir aux électeurs une assistance en recueillant leurs bulletins de vote remplis, les mesures prises par l’intimé Charlie vont au-delà de cette autorisation, car ce dernier remplissait une tâche essentielle réservée au PE en émettant des bulletins de vote aux électeurs.
[43] L’entente de remise et de collecte a également donné lieu à un conflit d’intérêts. En mettant en œuvre l’entente de remise et de collecte, l’intimée Suhr a essentiellement nommé l’intimé Charlie son adjoint. Il s’agit d’un conflit d’intérêts, car un PE a l’obligation d’être indépendant et impartial, et de veiller à ce que tout le monde puisse voter, quelle que soit sa préférence quant aux candidats. En tant que candidat, l’intimé Charlie avait un intérêt personnel à savoir qui recevait les bulletins de vote. Les quatre personnes autorisées à faire recueillir leurs bulletins de vote dans le cadre de l’entente de remise et de collecte étaient les trois électeurs proposés par l’intimé Charlie et le requérant, qui a été ajouté par l’intimée Suhr. L’intimé Charlie a agi de manière partiale et a entravé la tenue de l’élection partielle en refusant de remettre au requérant son bulletin de vote.
[44] L’ensemble de ces violations a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle. Un seul vote aurait pu créer une égalité entre l’intimé Charlie et l’un ou l’autre des candidats à l’élection, ce qui aurait conduit à un vote décisif. Au moins neuf électeurs ont été privés de leur droit de vote et les trois votes recueillis par l’intimé Charlie ne sont pas valables. Au total, douze votes permettent de conclure que cette situation a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle. La compression illégale du calendrier de l’élection partielle a vraisemblablement influé sur beaucoup plus de votes, comme le montre le faible taux de participation.
(2) La thèse de l’intimée Suhr
[45] Contrairement à ce que fait observer le requérant, le seuil pour conclure à une contravention au régime de la LEPN n’équivaut pas à une myriade d’irrégularités administratives qui ont un effet corrosif sur l’élection partielle (McNab SKQB, au para 41). Il faut plutôt que ce soit la violation précise qui ait vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle. Le requérant ne l’a pas démontré selon la prépondérance des probabilités.
(a) La compression du calendrier de l’élection partielle
[46] L’intimée Suhr admet que le calendrier de l’élection partielle a été accidentellement raccourci d’un jour. Étant donné que l’erreur a été commise à l’échelle de tout le calendrier, on peut en déduire que l’intimée Suhr a compté des « jours »
plutôt que des « jours francs »
.
[47] Le requérant n’a apporté aucune « preuve convaincante »
que cette erreur a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle. Le requérant soutient que MM. Favelle, Delisle et Holland n’ont pas reçu les documents relatifs à l’avis de mise en candidature. Cependant, cette situation était due à des problèmes avec Postes Canada ou en lien avec leurs adresses postales. En outre, rien ne prouve qu’un jour franc supplémentaire aurait influé sur le résultat de l’élection partielle. De même, rien ne prouve qu’un jour supplémentaire entre la tenue de l’assemblée de mise en candidature et l’élection aurait influé sur le résultat ou si les trousses de vote postales avaient été envoyées le 15 mars 2021 au lieu du 16 mars 2021. L’argument du requérant selon lequel un calendrier abrégé [traduction] « aurait augmenté la probabilité »
que l’électorat de la bande soit privé de son droit de vote est purement hypothétique.
(b) Le fait d’indiquer une date erronée sur les documents relatifs à l’avis de mise en candidature
[48] L’intimée Suhr admet qu’une erreur s’est glissée dans les documents relatifs à l’avis de mise en candidature. Cependant, cela ne contrevient pas à l’alinéa 5(2)e) du REPN, car tous les documents relatifs à l’élection partielle comprenaient la date exacte du 14 avril 2021. En outre, tous les documents relatifs à l’élection partielle qui ont suivi les documents relatifs à l’avis de mise en candidature comportaient la bonne date, à savoir le mercredi 14 avril 2021.
[49] Même si cette coquille constitue une contravention, le requérant n’a pas démontré que cette erreur a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle. Aucun déposant ne jure que la coquille a influé sur sa capacité à voter lors de l’élection partielle.
(c) Le manquement à l’obligation d’afficher l’avis de scrutin
[50] Le requérant n’a pas établi qu’il y a eu contravention à l’égard de l’article 14 du REPN. Les observations du requérant ne tiennent pas compte de la présomption de régularité et cherchent à inverser le fardeau de la preuve. Quoi qu’il en soit, l’intimé Charlie a affirmé avoir vu l’avis de scrutin affiché à l’extérieur du bureau de la bande le 10 mars 2021. Même s’il y a eu contravention, le requérant n’a présenté aucune preuve que cette contravention ait pu vraisemblablement influer sur le résultat de l’élection partielle.
(d) Le manquement à l’obligation d’assurer la remise de bulletins de vote postaux urgents
[51] La Cour doit rejeter l’interprétation que fait le requérant du paragraphe 16(2) du REPN. Le paragraphe 16(2) n’impose pas à un PE l’obligation positive de veiller à ce qu’un électeur reçoive une trousse de vote postale. Le libellé clair du paragraphe 16(2) indique indéniablement qu’un PE est seulement tenu d’envoyer aux électeurs une trousse de vote postale par la poste, et ce, dans les plus brefs délais après la réception de leur formulaire de demande de bulletin de vote postal. Aucune disposition du régime de la LEPN n’impose à un PE l’obligation positive d’utiliser un service de courrier accéléré. Une conclusion contraire élargirait indûment les obligations d’un PE dans le cadre du régime de la LEPN d’une manière qui n’est pas étayée par le libellé.
[52] En outre, l’intimée Suhr n’a pas « refusé »
d’envoyer des trousses de vote postales à MM. Holland, Lorentz, Favelle ou Delisle. M. Holland n’a jamais soumis de formulaire de demande de bulletin de vote postal. Par conséquent, conformément à l’article 15 et au paragraphe 16(1) du REPN, l’intimée Suhr n’était pas autorisée à lui envoyer une trousse de vote postale.
[53] Le formulaire de demande de bulletin de vote postal de M. Lorentz a été reçu le 23 février 2021 et sa trousse de vote postale a été envoyée le 16 mars 2021 – le premier jour où l’intimée Suhr a commencé à envoyer des trousses de vote postales. De même, l’intimée Suhr a reçu les formulaires de demande de bulletin de vote postal de M. Favelle et de M. Delisle le 25 mars 2021 et le 6 avril 2021, respectivement. Elle leur a rapidement envoyé leurs trousses de vote postales le 26 mars 2021 et le 6 avril 2021. L’intimée Suhr s’est conformée aux obligations qui lui incombaient en vertu du paragraphe 16(2) d’envoyer les trousses de vote postales « dans les plus brefs délais »
.
[54] Même si l’intimée Suhr avait l’obligation positive de veiller à ce que les trousses de vote postales parviennent aux électeurs dans un certain délai, le requérant n’a pas réussi à établir en quoi un manquement à cette obligation a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle.
(e) Le manquement à l’obligation de veiller à l’entreposage en lieu sûr des bulletins de vote postaux
[55] Il n’y a pas eu de contravention au paragraphe 17(4) du REPN. La trousse à l’intention des Gerow a été renvoyée par Postes Canada avant même d’être parvenue à l’intimée Suhr. Cette dernière n’était pas responsable de l’« entreposage en lieu sûr »
de bulletins de vote qui n’ont jamais été en sa possession. Sans autre preuve, il faut présumer que l’intimée Suhr a veillé à l’entreposage en lieu sûr des bulletins qui ont été en sa possession.
(f) La remise des bulletins de vote postaux dans le cadre de l’entente de remise et de collecte
(g) Le fait d’entraver intentionnellement la tenue de l’élection partielle
[56] L’intimée Suhr aborde également ces sous-questions ensemble. Il n’y a pas eu de contravention au titre de l’article 27 de la LEPN. La seule intention de l’intimée Suhr était de s’assurer que les électeurs pouvaient voter. Dans son témoignage non contredit, l’intimée Suhr affirme qu’elle n’a aucun intérêt dans le résultat de l’élection partielle et qu’elle n’a aucune relation avec quelque candidat que ce soit.
[57] L’intimée Suhr n’a mis en œuvre l’entente de remise et de collecte qu’après avoir demandé l’avis de SAC. Un système de remise similaire a été approuvé par notre Cour dans l’affaire Good c Canada (Procureur général), 2018 CF 1199 au para 195 [Good]).
(3) La thèse de l’intimé Charlie
[58] L’intimé Charlie adopte les observations de l’intimée Suhr concernant les violations alléguées relatives à ses responsabilités en tant que PE. Pour les mêmes raisons que celles exposées par l’intimée Suhr, l’intimé Charlie soutient que ces violations alléguées ne sont pas susceptibles d’influer sur le résultat de l’élection partielle.
[59] Les observations de l’intimé Charlie se concentrent sur les allégations du requérant relatives à l’entente de remise et de collecte et à l’entrave intentionnelle. L’intimé Charlie souligne que le requérant ne sépare pas ces arguments dans ses observations. Une contravention à l’alinéa 14b) de la LEPN ne peut constituer une entrave en vertu de l’article 27 parce que cet article ne vise que la conduite « qui n’est pas autrement interdite »
par la LEPN.
(a) La remise des bulletins de vote postaux dans le cadre de l’entente de remise et de collecte
[60] Si le requérant soutient que l’intimé Charlie a contrevenu à l’alinéa 14b) de la LEPN en tant que violation indépendante de l’entrave intentionnelle, cet argument doit être rejeté pour deux motifs. Premièrement, la Cour doit rejeter l’interprétation du requérant selon laquelle le paragraphe 16(2) du REPN limite la remise des trousses de vote postales par le PE en mains propres et par lui seul. L’interprétation du requérant va à l’encontre de l’objet de la LEPN, interdit aux électeurs d’obtenir des bulletins de vote par d’autres moyens que par la poste (ce que le paragraphe 16(2) prévoit expressément) et est incompatible avec d’autres lois fédérales qui font clairement la distinction entre un bulletin de vote « remis »
par n’importe qui et « remis en mains propres »
par des personnes désignées.
[61] Deuxièmement, l’article 17 du REPN ne limite pas le type d’assistance qu’un électeur peut recevoir. Le paragraphe 17(1) prévoit une méthode à utiliser par un électeur « qui vote »
et le paragraphe 17(2) dispose que si cet électeur est incapable d’utiliser cette méthode, il peut demander l’assistance d’une personne. Interpréter le paragraphe 17(2) comme permettant la demande d’assistance pour retourner les bulletins de vote, mais non pour les remettre, n’a pas de sens et n’est pas étayé par le libellé. En l’espèce, certains électeurs étaient incapables d’utiliser la méthode prévue au paragraphe 17(1), car ils étaient incapables d’obtenir leurs bulletins de vote postaux à temps. Cela leur a permis de demander l’assistance de l’intimé Charlie en application du paragraphe 17(2). En vertu du paragraphe 16(2) du REPN, l’intimée Suhr était autorisée à mettre en œuvre l’entente de remise et de collecte. Il ne s’agit pas d’une violation de l’alinéa 14b) de la LEPN.
[62] Même si l’intimé Charlie avait contrevenu au régime de la LEPN en possédant et en remettant des bulletins de vote, le fait de remédier à cette violation n’aurait pas influé sur le résultat de l’élection partielle. Si l’intimée Suhr avait remis ces bulletins, comme l’indique le requérant, le résultat aurait été le même.
(b) Le fait d’entraver intentionnellement la tenue de l’élection partielle
[63] L’intimé Charlie soutient que trois éléments sont nécessaires pour constituer l’« infraction »
d’entrave intentionnelle en vertu de l’article 27 de la LEPN. Il affirme que le libellé de cet article indique que la conduite alléguée : (1) ne peut pas être une violation d’un autre article de la LEPN; (2) doit être faite avec l’intention précise d’entraver la tenue de l’élection partielle; et (3) doit réellement entraver la tenue de l’élection partielle, et non pas simplement être inutile.
[64] Le requérant n’a pas expliqué en quoi un conflit d’intérêts constitue une entrave au sens de l’article 27. Même si l’intimé Charlie était en conflit d’intérêts, la Cour doit évaluer le conflit allégué dans le contexte des pratiques électorales antérieures. Les membres de Burns Lake ont l’habitude d’obtenir l’aide d’autres personnes, y compris des candidats, pour faire remettre leurs trousses de vote postales remplies à la date de l’élection ou avant cette date. Par conséquent, si la pratique consistant à fournir une assistance aux électeurs hors réserve pour qu’ils puissent voter peut sembler constituer un conflit d’intérêts, ce n’est manifestement pas le cas lorsqu’on la considère dans son contexte.
[65] L’omission alléguée de l’intimé Charlie de remettre une trousse de vote postale au requérant ne constitue pas une entrave au sens de l’article 27, et ce, pour deux motifs. Premièrement, la véritable raison pour laquelle le requérant n’a pas reçu sa trousse de vote postale est qu’il n’a pas réussi à prendre rendez-vous avec l’intimé Charlie et Ron. Même si la Cour reconnaît que l’intimé Charlie a accepté de rencontrer le requérant le 12 avril 2021 à 13 h à Vernon, le requérant ne s’est pas présenté. Le requérant a attendu jusqu’à 16 h 25 pour communiquer avec l’intimé Charlie. Deuxièmement, le requérant n’a pas expliqué comment les éléments de l’article 27 sont respectés. Pour que la conduite alléguée viole l’article 27, il aurait fallu a) qu’elle entrave réellement la tenue de l’élection partielle, et pas seulement qu’elle rende plus difficile la tâche de voter d’un électeur; et b) qu’elle soit commise avec l’intention précise d’entraver la tenue de l’élection partielle.
[66] Le premier élément n’est pas satisfait, car, même si l’intimé Charlie a intentionnellement omis de remettre la trousse de vote postale du requérant, il n’avait aucune obligation légale de le faire. L’intimé Charlie avait l’obligation légale, en vertu du paragraphe 17(2) du REPN, de remettre les bulletins de vote à Norman Gerow, Bob Garcia et Juanita Symington, ce dont il s’est acquitté. Dans le cadre de l’entente de remise et de collecte, l’intimé Charlie a toujours agi en vertu du paragraphe 17(2). Comme l’a confirmé l’intimée Suhr, à aucun moment l’intimé Charlie n’a agi en tant que PE ou PE adjoint. Aucun élément de preuve n’indique le contraire. L’intimé Charlie n’était pas obligé d’apporter au requérant une trousse de vote postale aux termes du paragraphe 17(2), car le requérant n’a pas pris de dispositions avec l’intimé Charlie pour qu’il lui apporte son bulletin de vote. En outre, l’omission alléguée de l’intimé Charlie d’apporter au requérant sa trousse de vote postale n’a pas entravé la tenue de l’élection partielle, car le requérant disposait d’autres moyens pour voter lors de l’élection partielle. Un désagrément n’équivaut pas à une entrave.
[67] Le deuxième élément n’est pas satisfait, car l’intimé Charlie n’a pas intentionnellement omis de remettre le bulletin de vote ou d’entraver l’élection partielle. Au contraire, l’intimé Charlie a communiqué avec le requérant lorsqu’il a appris que c’est Ron qui détenait le bulletin de vote du requérant. Le requérant n’a pris aucune disposition pour obtenir le bulletin de vote et ne s’est pas présenté non plus au lieu de rencontre prévu.
[68] Même si l’intimé Charlie a entravé la tenue de l’élection partielle en ne remettant pas au requérant une trousse de vote postale, cette violation n’a vraisemblablement pas influé sur le résultat de l’élection partielle. Le requérant pouvait voter. Le requérant n’a pas pu voter en raison de sa propre inaction. Divers exemples tirés du dossier montrent que le requérant n’a rien fait pour obtenir son bulletin de vote et qu’il s’en est remis plutôt à d’autres. Il a également décidé de ne pas voter en personne bien que sa mère ait fait le trajet de sa ville, à lui, à Burns Lake pour l’élection partielle.
B. S’il y a eu une contravention qui a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle, la Cour doit-elle exercer son pouvoir discrétionnaire pour invalider l’élection partielle?
(1) La thèse du requérant
[69] Le requérant soutient que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour invalider l’élection partielle parce que la compression illégale du calendrier électoral a augmenté la probabilité que l’électorat de Burns Lake soit privé de son droit de vote. Le refus d’invalider l’élection partielle créerait un précédent malencontreux pour les élections futures des Premières Nations visant des électeurs hors réserve. La Cour suprême du Canada a dénoncé le traitement discriminatoire des membres hors réserve en matière électorale (Corbiere c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 RCS 203, 173 DLR (4th) 1 [Corbiere]). En outre, l’annulation de l’élection partielle découragerait les manœuvres de dernière minute et enverrait un message fort indiquant qu’elles ne peuvent se substituer à une élection correctement organisée.
(2) La thèse de l’intimée Suhr
[70] Le requérant n’a pas réussi à établir l’existence de contraventions susceptibles d’influer sur le résultat de l’élection partielle. Si elle conclut le contraire, la Cour devrait néanmoins refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour invalider l’élection partielle.
[71] L’annulation d’une élection est une mesure extrême qu’un tribunal ne devrait pas prendre à la légère. Les contraventions alléguées sont des erreurs administratives commises de bonne foi (contrairement à la fraude ou à la corruption) et ne méritent pas l’invalidation de l’élection partielle. Une telle invalidation priverait de leur droit de vote tous les électeurs qui ont voté lors de l’élection partielle et plongerait Burns Lake dans sa troisième élection depuis novembre 2020. Cela minerait la confiance du public dans la finalité et la légitimité du processus électoral au sein d’une nation qui a déjà été confrontée à d’importantes turbulences électorales ces dernières années, à grands frais (O’Soup v Montana, 2019 SKQB 185 aux para 122-125 [O’Soup].
(3) La thèse de l’intimé Charlie
[72] Les observations de l’intimé Charlie sur cette question sont similaires à celles de l’intimée Suhr. L’intimé Charlie ajoute qu’au moment où la présente décision sera rendue, il ne lui restera probablement plus que deux ans à servir en tant que chef. En outre, l’intimé Charlie demande instamment à la Cour de tenir compte du fait que le requérant a réellement introduit la présente requête à titre de représailles politiques.
VI. Analyse
A. Y a-t-il eu une contravention au régime de la LEPN qui a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle?
[73] Dans l’affaire Bird c Première Nation de Paul, 2020 CF 475 [Bird], la juge McVeigh a résumé certains des principes clés applicables dans le cadre du régime de la LEPN :
[28] Lorsqu’elle est saisie d’une requête en contestation, la Cour doit examiner les affidavits et déterminer si les requérants ont démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y avait eu contravention à la LEPN (Good c Canada (Procureur général), 2018 CF 1199, aux par. 49 et 57 [Good]).
[29] Les requérants doivent d’abord démontrer qu’il y a eu contravention à la LEPN. La contravention peut [traduction] « prendre la forme d’une action ou d’une omission commise par un électeur, un candidat ou un membre du personnel électoral » (O’Soup, précitée, au par. 27). Le tribunal doit présumer que toutes les procédures nécessaires ont été suivies lors de l’élection contestée (O’Soup, par. 91).
[30] Ensuite, en plus de prouver qu’il y a eu contravention, les requérants doivent démontrer que cette contravention a « vraisemblablement influé sur le résultat » de l’élection. Comme le juge Layh l’a fait remarquer dans le jugement Paquachan c Louison, 2017 SKQB 239, au par. 19 [Paquachan], il faut tenir compte dans une certaine mesure des erreurs administratives lors de toute élection, et les contraventions qui ne sont pas susceptibles d’en avoir influencé le résultat n’entraînent pas son annulation. Pour démontrer qu’une irrégularité a « vraisemblablement » influé sur le résultat, il [traduction] « est nécessaire de présenter une preuve convaincante », puisque la décision d’ordonner la tenue d’un nouveau scrutin a de graves répercussions (O’Soup, par. 117).
[31] Suivant la jurisprudence, même si les requérants satisfont à ces deux exigences, le tribunal a le pouvoir discrétionnaire de refuser d’ordonner la tenue d’une nouvelle élection. L’invalidation d’une élection comporte de conséquences considérables, car elle prive des électeurs de leur droit de vote, augmente le risque de litiges futurs, ébranle la certitude des résultats démocratiques et peut provoquer désillusion et apathie chez les électeurs (Paquachan, précitée, au par. 20).
[32] De plus, dans Papequash c Brass, 2018 CF 325, le juge Barnes a expliqué qu’il sera plus difficile d’invalider une élection dans les cas impliquant des irrégularités procédurales, comme c’est le cas en l’espèce, par opposition aux cas de corruption flagrante :
[34] Ce ne sont pas tous les manquements à la Loi ou au Règlement qui justifient l’annulation d’une élection au sein d’une bande. Il n’est pas rare qu’une distinction soit faite entre les causes impliquant des irrégularités procédurales de nature technique et les causes qui traitent de fraude ou de corruption. Dans la première situation, il est possible qu’une approche mathématique prudente (p. ex. le critère du nombre magique inversé) soit nécessaire pour établir la probabilité qu’un résultat différent soit obtenu. Cependant, lorsque le résultat d’une élection a été faussé par une fraude au point de remettre en question l’intégrité du processus électoral, une annulation peut être justifiée, peu importe le nombre de votes valides prouvé. L’une des raisons de l’adoption d’une approche plus rigoureuse en cas de corruption électorale est qu’il pourrait être impossible de confirmer l’ampleur exacte de l’inconduite, ou il se peut que la conduite soit mal interprétée. Cela est particulièrement vrai lorsque des allégations d’achat de votes sont soulevées et lorsque les deux parties à la transaction sont coupables et ont souvent tendance à agir secrètement : voir Gadwa c. Kehewin First Nation, 2016 CF 597, [2016] FJC no 569 (QL).
[Souligné dans l’original.]
[74] En l’espèce, les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir à qui incombe le fardeau de la preuve dans une procédure d’élection contestée. Le requérant soutient qu’une fois qu’il a établi l’existence prima facie d’une contravention, le fardeau de la preuve repose ensuite sur les intimés. Les intimés, quant à eux, soutiennent que c’est le requérant qui porte le fardeau de la preuve tout au long de la procédure.
[75] Dans l’affaire Johnstone c Première Nation Mistawasis Nehiyawak, 2022 CF 492 [Johnstone], j’ai déclaré ce qui suit :
[32] Suivant l’article 31 de la LEPN, le demandeur doit démontrer à première vue, selon la prépondérance des probabilités, (1) qu’une « contravention à l’une des dispositions de la […] loi ou des règlements » a eu lieu et (2) que cette contravention « a vraisemblablement influé sur le résultat » de l’élection. Si le demandeur s’acquitte de cette obligation, le défendeur [traduction] « risque de voir [ses] votes […] annulés, sauf s’il est à même de présenter un élément de preuve permettant raisonnablement de conclure soit à l’absence [de contravention], soit à la validité des votes en cause malgré [la contravention] » (McNabb v Cyr, 2017 SKCA 27 au para 23 [McNabb], citant Opitz c Wrzesnewskyj, 2012 CSC 55 [Opitz]; voir aussi O’Soup v Montana, 2019 SKQB 185 aux para 29‑30 [O’Soup]; Good, au para 52)
[33] Dans la décision McNabb, la Cour d’appel de la Saskatchewan a également déclaré que [traduction] « la présomption de régularité se reflète dans le fardeau de la preuve et la charge de présentation qui incombent au demandeur de démontrer qu’une contravention ayant vraisemblablement influé sur le résultat d’une élection a été commise » (au para 26).
[Non souligné dans l’original.]
[76] En bref, un requérant doit établir une preuve prima facie qu’une contravention a été commise et que cette contravention a vraisemblablement influé sur l’élection. S’il ne répond pas par des éléments de preuve suffisants, l’intimé court le risque de voir l’invalidation de cette dernière.
[77] Le requérant n’a formulé aucune de ses allégations en termes de fraude ou de corruption. À mon avis, les violations signalées par le requérant sont toutes de nature technique ou procédurale. Par conséquent, le critère du nombre magique inversé est approprié dans les circonstances. Selon ce critère, « [l]’élection doit être annulée si le nombre de votes rejetés est égal ou supérieur à la majorité du candidat élu »
(Opitz c Wrzesnewskyj, 2012 CSC 55 au para 73 [Opitz]). Les parties conviennent qu’en l’espèce, le nombre magique est un.
[78] Le requérant soutient que l’ensemble des violations alléguées a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle. Je suis d’accord avec les intimés pour dire que le requérant doit démontrer que chaque allégation technique a remis en cause un vote et qu’au total, il y a suffisamment de votes remis en cause pour vraisemblablement influer sur le résultat de l’élection partielle (Bird, au para 118; McNab SKQB, au para 41; Johnstone, au para 81) À mon avis, en l’absence d’allégation de fraude ou de corruption, la Cour ne peut pas examiner la tenue de l’élection dans son ensemble et décider d’invalider cette dernière. Il doit y avoir un lien de causalité entre un vote contesté et une violation technique.
(1) La compression du calendrier de l’élection partielle
[79] Les intimés concèdent que l’intimée Suhr a contrevenu aux paragraphes 5(1) et 7(1) ainsi que les articles 14 et 16 du REPN en comprimant par inadvertance le calendrier de l’élection partielle. Je suis d’accord avec l’intimée sur le fait que le requérant n’a pas apporté de preuve convaincante que cette erreur a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle.
[80] Au moins deux électeurs (Jason Delisle et Lynda Gerow) ont déclaré dans leur témoignage qu’ils n’avaient pas renvoyé leur trousse de vote postale dûment remplie parce qu’ils pensaient que cette trousse ne parviendrait pas à la boîte postale de l’intimée Suhr avant la tenue de l’élection partielle. Si le calendrier de l’élection avait été prolongé d’un jour, il est possible que ces électeurs aient renvoyé leurs bulletins de vote. Il était moins probable, mais toujours possible, que ces bulletins arrivent avant la tenue de l’élection partielle. En fin de compte, ce raisonnement repose cependant sur des conjectures. La Cour a besoin d’une preuve « convaincante »
pour conclure qu’une contravention a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle (Paquachan v Louison, 2017 SKQB 239 au para 24 [Paquachan]; O’Soup, au para 117). Je ne suis pas convaincu que le requérant se soit acquitté du fardeau qui lui incombait.
(2) Le fait d’indiquer une date erronée sur les documents relatifs à l’avis de mise en candidature
[81] À mon avis, le fait de ne pas indiquer la bonne date dans les documents relatifs à l’avis de mise en candidature constitue une violation prima facie de l’alinéa 5(2)e) du REPN. Je conclus qu’il importe peu que toutes les communications aient indiqué la date exacte du 14 avril 2021. La confusion provient de l’inclusion des mots « mercredi »
et « jeudi »
avant la date. En outre, je ne suis pas convaincu par l’argument de l’intimée selon lequel il n’y a pas eu de contravention parce que les documents ultérieurs relatifs à l’élection partielle, tels que les trousses de vote postales, comportaient la date exacte de l’élection partielle. Ces documents ne sont parvenus qu’à certains électeurs. À mon avis, l’intimée Suhr aurait dû travailler avec Burns Lake pour corriger cette erreur.
[82] Cela dit, le requérant n’a pas établi que cette contravention a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle. Les affidavits de Lynda Gerow et de Brian Favelle confirment que la date erronée leur a été communiquée. M. Favelle déclare en outre qu’il y a eu [traduction] « confusion sur la date réelle de l’élection »
. Cependant, aucun déposant n’a déclaré qu’il n’était pas au courant de la date de l’élection partielle ou que cette erreur avait nui à sa capacité à voter lors de l’élection partielle.
(3) Le manquement à l’obligation d’afficher l’avis de scrutin
[83] Je ne constate pas de violation de l’article 14 du REPN. Il incombe au requérant d’établir qu’il y a eu contravention au régime de la LEPN. Le requérant n’a présenté aucune preuve à l’appui de son allégation selon laquelle l’intimée Suhr a omis d’afficher un avis de scrutin à au moins un endroit bien en vue dans la réserve. Je conviens avec les intimés qu’en l’absence de toute preuve contraire, la Cour doit présumer que l’intimée Suhr s’est conformée à ses obligations en vertu du régime de la LEPN (McNabb c Cyr, 2017 SKCA 27 aux para 25-26 [McNabb SKCA]; Paquachan, au para 21; O’Soup, au para 33). De plus, j’accepte la preuve non contredite de l’intimé Charlie selon laquelle il a vu un avis de scrutin à l’extérieur du bureau de la bande le 10 mars 2021.
(4) Le manquement à l’obligation d’assurer la remise de bulletins de vote postaux urgents
[84] Je ne suis pas d’accord avec l’interprétation que fait le requérant du paragraphe 16(2) du REPN. Selon la méthode d’analyse raisonnée en matière d’interprétation législative, il faut lire les termes du paragraphe 16(2) dans leur « contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur »
(Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 RCS 27 au para 21). Lorsque le paragraphe 16(2) est lu à la lumière du paragraphe 16(1), il est clair que le législateur avait l’intention de donner aux électeurs la possibilité de voter même s’ils n’ont pas demandé leur bulletin de vote postal dans le délai de 30 jours prescrit par le paragraphe 16(1) (Paquachan, au para 93). J’accepte la thèse du requérant selon laquelle cette intention est conforme aux principes de la Charte et à l’importance fondamentale du droit de vote qui appartient aux peuples des Premières Nations, y compris aux membres de la bande vivant hors réserve (McNab SKQB, aux para 22-25; Corbiere, au para 17). Toutefois, malgré cette intention, je n’accepte pas que le paragraphe 16(2) aille jusqu’à imposer une obligation positive aux PE de veiller à ce que les électeurs reçoivent les trousses de vote postales dans un certain délai.
[85] Selon la structure du paragraphe 16(2), les mots « dans les plus brefs délais »
s’appliquent à la mise à la poste ou à la remise d’une trousse de vote postale. Contrairement à ce qu’affirme le requérant, il n’est pas possible de lire cette phrase de telle sorte que les mots « dans les plus brefs délais »
fassent allusion au moment de la réception d’une trousse de vote postale. De même, je ne trouve pas que le régime de la LEPN impose à un PE l’obligation d’utiliser un service de courrier accéléré ou recommandé pour les demandes de bulletins de vote postaux urgents. Le requérant n’a pas cité de jurisprudence à l’appui de cette interprétation. À mon avis, le mot « poste »
, dans son sens ordinaire, se rapporte au service postal ordinaire. Je suis d’accord avec les intimés sur le fait qu’une conclusion contraire élargirait de manière inadmissible les obligations d’un PE prévues par la loi.
[86] Cela ne veut pas dire qu’un PE doit ou ne peut pas utiliser le service de courrier accéléré lorsque les électeurs le demandent. En effet, dans de nombreuses circonstances, il peut être prudent pour un PE d’utiliser le service de courrier accéléré pour les trousses de vote postales urgentes. Je souligne que l’intimée Suhr a envoyé une trousse de vote postale par courrier Xpresspost à M. Delisle après que celui-ci lui a demandé d’utiliser le service de livraison le lendemain. À titre de comparaison, Mme Gerow n’a jamais demandé à l’intimée Suhr d’envoyer sa trousse par Xpresspost. En fin de compte, j’estime que le fait que l’intimée Suhr n’ait pas envoyé à Lynda Gerow, ou à tout autre électeur, une trousse de vote postale par Xpresspost ne constitue pas une contravention à l’égard du paragraphe 16(2).
[87] De même, je ne suis pas d’accord avec le fait que l’intimée Suhr a refusé de fournir des bulletins de vote urgents au requérant, à M. Favelle, à M. Holland ou à M. Delisle. La preuve établit que l’intimée Suhr a tenté à deux reprises d’envoyer au requérant une trousse de vote postale. Les deux fois, Postes Canada a retourné les trousses à l’intimée Suhr parce que l’adresse n’existait pas. Après avoir examiné le formulaire de demande de bulletin de vote postal du requérant, j’accepte la thèse de l’intimée Suhr selon laquelle elle a indiqué la mauvaise adresse parce que le requérant n’a pas orthographié et écrit son adresse lisiblement. Je souligne que l’intimée Suhr aurait pu se reporter à la liste électorale pour confirmer qu’elle avait correctement adressé la seconde trousse. Toutefois, il appert que l’adresse du requérant était également mal orthographiée sur la liste électorale. Le nom de la rue du requérant sur la liste électorale était mal orthographié : « Mable »
au lieu de « Mabel »
. J’estime que l’intimée Suhr a fait des efforts raisonnables pour envoyer au requérant une trousse de vote postale urgente « dans les plus brefs délais »
.
[88] J’accepte également le témoignage de l’intimée Suhr selon lequel M. Holland n’a jamais soumis de formulaire de demande de bulletin de vote postal. Le 7 avril 2021, la mère de M. Holland, Jean Sam, a appelé l’intimée Suhr pour lui demander un bulletin de vote postal pour son fils. Mme Sam déclare que l’intimée Suhr lui a dit qu’un bulletin de vote postal avait été envoyé à M. Holland et qu’elle ne pouvait pas l’aider davantage. L’intimée Suhr affirme que Mme Sam l’a mal comprise. L’intimée Suhr déclare avoir dit à Mme Sam qu’elle ne pouvait pas envoyer à M. Holland une trousse de vote postale avant d’avoir reçu son formulaire de demande de bulletin de vote postal. Comme l’a fait remarquer le requérant, le nom de M. Holland ne figure pas sur la liste des bulletins de vote postaux de l’intimée Suhr. Cela indique que M. Holland n’a jamais soumis de formulaire de demande de bulletin de vote postal. En l’absence d’une demande écrite de la part de M. Holland accompagnée d’une preuve d’identité, l’intimée Suhr n’était pas autorisée à envoyer la trousse de vote postale de M. Holland par la poste ou à la lui « remet[tre] »
« à l’heure et au lieu convenus »
à Prince George.
[89] Enfin, je suis d’accord avec les intimés pour dire que l’intimée Suhr a envoyé les trousses de vote postales à M. Favelle et à M. Delisle « dans les plus brefs délais »
après la réception de leurs formulaires de demande de bulletin de vote postal dûment remplis.
[90] La liste électorale fournie par la bande indiquait de manière erronée l’adresse de M. Favelle comme étant « 210 Nikola Road »
. Son adresse exacte est « 120 Nikola Road »
. L’intimée Suhr a inscrit l’adresse erronée dans sa liste d’envoi de l’avis de mise en candidature. Je reconnais que l’intimée Suhr a envoyé les documents relatifs à l’avis de mise en candidature de M. Favelle (y compris son formulaire de demande de bulletin de vote postal) à la mauvaise adresse. Toutefois, le requérant n’a pas expliqué de manière adéquate en quoi cette erreur constitue en soi une contravention au régime de la LEPN. Aux termes des paragraphes 4(1) et 5(1) du REPN, il incombe à la bande de fournir aux PE des coordonnées à jour.
[91] L’intimée Suhr déclare que le 25 mars 2021 ou avant cette date, les documents relatifs à l’avis de mise en candidature de M. Favelle ont été [traduction] « renvoyés à l’expéditeur »
. Le requérant soutient que l’intimée Suhr a très probablement reçu les documents relatifs à l’avis de mise en candidature renvoyés bien avant le 25 mars 2021. Il souligne le fait que d’autres articles de courrier renvoyés ont été retournés de nouveau à l’intimée Suhr dans les trois à dix jours suivant leur envoi. Là encore, le requérant n’a pas établi de lien entre cette contravention alléguée et une disposition précise du régime de la LEPN. De plus, il serait hypothétique de conclure que l’intimée Suhr a négligé de tenir compte du courrier renvoyé sans autre preuve.
[92] Le 25 mars 2021, l’intimée Suhr a appelé M. Favelle pour clarifier son adresse. Elle a mis à jour sa liste de bulletins de vote postaux en indiquant la bonne adresse de M. Favelle. Elle n’a pas mis à jour sa liste d’envoi de l’avis de mise en candidature ni la liste électorale fournie par la bande. Ce jour-là, M. Favelle a envoyé à l’intimée Suhr un formulaire de demande de bulletin de vote postal dûment rempli. Le lendemain, l’intimée Suhr a envoyé à M. Favelle une trousse de vote postale. M. Favelle affirme qu’il n’a jamais reçu cette trousse. Encore là, le requérant demande à la Cour de supposer que l’intimée Suhr a envoyé la trousse de vote postale de M. Favelle à la mauvaise adresse une deuxième fois parce qu’elle n’avait pas mis à jour la liste d’envoi de l’avis de mise en candidature ou la liste électorale avec l’adresse exacte de M. Favelle. À mon avis, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour que la Cour puisse se prononcer sur le bien-fondé de cette inférence. Il est tout aussi probable que la deuxième trousse de vote postale de M. Favelle se soit perdue dans le courrier. La liste des bulletins de vote postaux de l’intimée Suhr indique la bonne adresse. En fin de compte, l’intimée Suhr a envoyé la trousse de vote postale de M. Favelle le lendemain du jour où il en a fait la demande par écrit. Je suis convaincu qu’elle a respecté les obligations que lui impose la loi en vertu du paragraphe 16(2) du REPN.
[93] Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si l’intimée Suhr a déjà essayé d’envoyer à M. Delisle ses documents relatifs à l’avis de mise en candidature. La preuve documentaire indique que la bande n’a jamais donné à l’intimée Suhr une adresse postale pour M. Delisle. Toutefois, le requérant souligne qu’une adresse erronée figure à côté du nom de M. Delisle dans la liste d’envoi de l’avis de mise en candidature et que, selon cette liste d’envoi, les documents relatifs à l’avis de mise en candidature ont été envoyés à M. Delisle le 13 février 2021. Cette observation n’est pas fondée. Même si l’intimée Suhr a envoyé les documents relatifs à l’avis de mise en candidature à cette adresse, le requérant n’a pas réussi à désigner une disposition précise du régime de la LEPN qui a été violée. Qui plus est, cela ne fait aucune différence, car de telles circonstances n’auraient pas permis à M. Delisle de voter. J’insiste de nouveau sur le fait qu’en vertu des paragraphes 4(1) et 5(1) du REPN, il incombe à la bande de fournir aux PE des coordonnées à jour.
[94] L’intimée Suhr a eu sa première communication de M. Delisle le 5 avril 2021. Ce dernier a soumis son formulaire de demande de bulletin de vote postal dûment rempli à l’intimée Suhr le 6 avril 2021, et celle-ci lui a envoyé sa trousse de vote postale le lendemain par Xpresspost. Je conclus que, dans ces circonstances, l’intimée Suhr a envoyé à M. Delisle sa trousse de vote postale dans les plus brefs délais après la réception de son formulaire de demande de bulletin de vote postal et de son adresse postale exacte.
[95] Pour tous ces motifs, je ne crois pas que l’intimée Suhr ait contrevenu au paragraphe 16(2) du REPN.
(5) Le manquement à l’obligation de veiller à l’entreposage en lieu sûr des bulletins de vote postaux
[96] Le requérant et l’intimée Suhr conviennent qu’un employé de Postes Canada a retourné la trousse à l’intention des Gerow parce que la boîte postale de l’intimée Suhr était [traduction] « fermée »
. Cependant, tous les éléments de preuve sur ce point constituent du ouï-dire (le requérant s’appuie sur les déclarations faites par un employé de Postes Canada à l’épouse de M. Gerow, et l’intimée Suhr s’appuie sur les déclarations faites par divers employés de Postes Canada). La seule preuve fiable provient de l’intimée Suhr, qui déclare que sa boîte postale n’a jamais été fermée.
[97] J’accepte la thèse de l’intimée Suhr selon laquelle la trousse à l’intention des Gerow a été retournée par erreur par Postes Canada après son arrivée à Prince George. Il n’existe aucune preuve que la trousse à l’intention des Gerow se soit jamais rendue à la boîte postale de l’intimée Suhr. Le requérant n’a pas réfuté la présomption de régularité. Je ne constate aucune violation du paragraphe 17(4) du REPN.
(6) La remise des bulletins de vote postaux dans le cadre de l’entente de remise et de collecte
[98] Dans la mesure où le requérant prétend que l’alinéa 14b) de la LEPN et le paragraphe 16(2) du REPN ont été violés indépendamment de l’article 27, je suis d’accord.
[99] L’alinéa 14b) interdit la possession d’un bulletin de vote qui n’a pas été délivré à son détenteur, à moins qu’il ne soit expressément autorisé à le posséder en vertu du REPN. Par conséquent, la question clé de cette sous-question est de savoir si le REPN permet à une personne, autre que le PE, de remettre des bulletins de vote postaux aux électeurs. Pour répondre à cette question, la Cour doit interpréter le paragraphe 16(2) et l’article 17 du REPN.
[100] Je suis d’accord avec le requérant pour dire que le paragraphe 16(2) n’autorise un PE qu’à envoyer par la poste ou à remettre en mains propres aux électeurs des bulletins de vote urgents postaux. L’intimé affirme que cette interprétation est contraire au but de la LEPN, qui est de permettre aux collectivités autochtones du Canada de disposer d’autres processus électoraux (Good, au para 47). Je considère que les commentaires de la juge McVeigh dans l’arrêt Good signifient que le régime de la LEPN offre d’autres solutions aux élections prévues par la Loi sur les Indiens. Je ne suis pas d’accord pour dire que l’interprétation du paragraphe 16(2) de la manière proposée par le requérant va à l’encontre de cette intention. En fait, à mon avis, l’interprétation du paragraphe 16(2) proposée par le requérant confirme l’intention du régime de la LEPN. Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation pour le REPN indique qu’un objectif du régime de la LEPN est de diminuer la « distribution trop élastique de bulletins de vote postaux »
et le risque que « les bulletins de vote postaux fassent l’objet de manipulations frauduleuses »
(Règlement sur les élections de premières nations : Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, Gaz. C. 1995. II, vol. 149, no 8, 1178 et 1185). Bien que le requérant n’ait pas allégué d’activités frauduleuses en l’espèce, de telles activités pourraient être l’une des conséquences pratiques malheureuses de l’autorisation donnée aux candidats de remettre aux électeurs les bulletins de vote postaux.
[101] De même, je ne suis pas d’accord avec l’intimé pour dire que l’interprétation du paragraphe 16(2) par le requérant interdit la remise des bulletins de vote postaux par d’autres moyens que la poste. À mon avis, le paragraphe 16(2) autorise la remise en mains propres par le PE. C’est ce qu’exprime l’expression « à l’heure et au lieu convenus »
.
[102] Enfin, je ne suis pas convaincu par l’observation de l’intimé Charlie selon laquelle le législateur a choisi les mots « remettre en mains propres »
pour signifier son intention que seules les personnes désignées puissent effectuer la remise en question. Le paragraphe 16(2) est rédigé en ces termes : « [s]i l’électeur soumet une demande écrite de bulletin de vote postal six jours ou plus avant la date de l’élection, le président d’élection lui envoie la trousse par la poste ou la lui remet à l’heure et au lieu convenus, et ce, dans les plus brefs délais après la réception de la demande »
. À mon avis, le paragraphe 16(2) est sans équivoque en ce sens que la seule personne qui peut faciliter la remise d’un bulletin de vote postal urgent est un PE. En fin de compte, le législateur n’aurait pas utilisé les mots « président d’élection »
s’il avait estimé que toute autre personne pouvait exercer les responsabilités prévues au paragraphe 16(2).
[103] À mon avis, l’utilisation du terme « en mains propres »
indique que la remise doit se faire en personne plutôt que par d’autres moyens, comme la poste. Cette interprétation est étayée par diverses dispositions invoquées par l’intimé Charlie, qui établissent une distinction entre la remise d’un avis « en mains propres, par la poste, par télécopieur ou par courrier électronique »
(Règlement sur l’inspection aux fins d’évaluation foncière des premières nations, DORS/2007-242, art 7(1); Règlement sur la procédure d’examen par la Commission de la fiscalité des premières nations, DORS/2007-239, art 4(1)).
[104] Le paragraphe 17(1) de la LEPN énonce la méthode globale permettant à un électeur de voter par bulletin de vote postal. Le terme permissif « peut »
est utilisé parce qu’un électeur peut voter par bulletin de vote postal, en personne le jour de l’élection ou en personne à un bureau de vote par anticipation. L’alinéa 17(1)f) envisage clairement le renvoi d’un bulletin de vote postal rempli par l’électeur au PE ou à son adjoint. Par conséquent, le paragraphe 17(2) permet seulement à un électeur de demander l’aide d’une « personne » lorsqu’il renvoie son bulletin de vote postal rempli. Pour les raisons déjà mentionnées ci-dessus, je ne suis pas d’accord avec l’intimé Charlie pour dire que cette interprétation va à l’encontre de l’objet du régime de la LEPN. Au contraire, le fait de s’assurer qu’un PE contrôle la délivrance des bulletins de vote postaux accroît l’intégrité du processus électoral et limite la « distribution élastique des bulletins de vote postaux »
.
[105] L’intimée Suhr fait une analogie entre l’entente de remise et de collecte et la situation dans l’affaire Good, où notre Cour a conclu que le fait de déposer « en personne »
des bulletins de vote ne constituait pas, en soi, une violation du régime de la LEPN (au para 195). L’analyse qui précède est conforme à la conclusion de la Cour dans l’affaire Good. Dans l’affaire Good, les bulletins de vote « déposés en personne »
avaient été envoyés aux électeurs par le PE après que les électeurs eurent rempli un formulaire de demande de bulletin de vote postal (aux para 168-170). L’affaire Good se distingue également de la présente affaire parce que, dans l’affaire Good, le requérant a allégué que le « fait de déposer en personne »
des bulletins de vote était une question de fraude plutôt qu’une violation de l’alinéa 14b) et du paragraphe 16(2) (au para 168).
[106] Pour ces motifs, je conclus que la composante remise de l’entente de remise et de collecte a violé l’alinéa 14b) de la LEPN et le paragraphe 16(2) du REPN. Je ne pense pas que l’article 17 du REPN puisse être interprété comme permettant ces contraventions. Par conséquent, je suis d’accord avec le requérant pour dire que les votes de Norman Gerow, Bob Garcia et Juanita Symington sont invalides. La différence de trois voix a vraisemblablement influé sur le résultat de l’élection partielle, car la différence entre l’intimé Charlie et le second candidat n’était que d’une voix.
(7) L’entrave intentionnelle à la tenue de l’élection partielle
[107] Ayant conclu que l’alinéa 14b) et le paragraphe 16(2) du REPN ont été violés, il n’est pas nécessaire d’analyser la question de savoir si les intimés ont intentionnellement entravé la tenue de l’élection partielle aux termes de l’article 27 de la LEPN.
B. La Cour devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire pour invalider l’élection partielle?
[108] Le paragraphe 35(1) de la LEPN est rédigé en ces termes :
35(1) Au terme de l’audition, le tribunal peut, si le motif visé à l’article 31 est établi, invalider l’élection contestée.
[Non souligné dans l’original.]
[109] Le pouvoir discrétionnaire de la Cour découle de l’emploi du mot permissif « peut »
(McNabb SKCA, au para 45; Paquachan, au para 25). Toutefois, le pouvoir discrétionnaire de la Cour est limité par l’application du critère du nombre magique parce que [traduction] « cette application est purement arithmétique et n’admet qu’une seule réponse correcte. Selon la preuve et les calculs, l’identité du gagnant fait ou ne fait pas de doute »
(McNabb SKCA, au para 48). De même, dans l’arrêt Opitz, la majorité de la Cour suprême a déclaré ce qui suit : « [s]i le tribunal est convaincu que le rejet de certains votes laisse planer un doute sur la victoire du candidat élu, il serait déraisonnable que le tribunal n’annule pas l’élection »
(au para 23). En l’espèce, le vainqueur est incertain parce qu’il y a eu trois votes illégaux.
[110] Je suis d’accord avec les intimés pour dire que les tribunaux devraient solennellement annuler les élections des Premières Nations. Je reconnais que, par rapport aux élections précédentes, le taux de participation à l’élection partielle a été faible. Je reconnais également qu’une troisième élection pour le poste de chef pourrait éroder davantage la confiance du public dans la finalité et la légitimité de la politique de Burns Lake. Cela dit, le dossier dont dispose la Cour indique que de nombreux membres de Burns Lake (y compris l’intimé Charlie) estimaient que l’élection partielle était fondamentalement entachée d’irrégularités. D’autres, dont Mme Lorentz et l’ancien chef Gerow, ont demandé à SAC de prolonger l’élection de deux semaines. À mon avis, il y a un risque que la confiance du public dans le processus électoral soit ébranlée si la Cour refuse d’invalider l’élection partielle.
[111] En tant que communauté comptant de nombreux électeurs hors réserve, Burns Lake est confrontée à des défis uniques liés aux bulletins de vote postaux. Afin de promouvoir la confiance dans le processus électoral, il incombe aux dirigeants de la bande de collaborer avec le PE pour vérifier que les coordonnées des membres sont à jour, pour que les électeurs demandent rapidement des bulletins de vote postaux et pour veiller à ce que les délais, conformément au régime de la LEPN, soient suffisants pour traiter toutes les questions relatives aux élections.
Conclusion
[112] Pour tous ces motifs, j’accueille la requête, j’invalide les résultats de l’élection partielle et j’ordonne la tenue d’une nouvelle élection.
[113] Le requérant sollicite une ordonnance de dépens selon le tarif B quelle que soit l’issue de la cause, conformément à l’article 400 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Subsidiairement, si les intimés puisent dans les fonds de Burns Lake, le requérant sollicite une indemnisation complète pour ses dépens.
[114] L’intimé Charlie demande des dépens payables conformément au tarif B. L’intimée Suhr demande de pouvoir présenter des observations sur les dépens après la publication des motifs de la présente décision.
[115] Je suis d’accord avec l’intimée Suhr pour dire qu’il est préférable de permettre aux parties de présenter d’autres observations, en tenant compte de l’issue de la requête (Bertrand c Première Nation Acho Dene Koe, 2021 CF 287 au para 104).
JUGEMENT dans le dossier T-821-21
LA COUR STATUE que :
La requête en contestation de l’élection partielle de Burns Lake est accueillie.
En vertu du paragraphe 35(1) de la LEPN, la Cour ordonne qu’une nouvelle élection ait lieu conformément aux dispositions du régime de la LEPN.
Les parties déposeront leurs observations relatives aux dépens dans un délai de 30 jours à compter de la présente ordonnance.
« Paul Favel »
Juge
Traduction certifiée conforme
C. Tardif
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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Dossier : |
T-821-21 |
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INTITULÉ :
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KELSEY LORENTZ c LOREEN SUHR ET CLAYTON CHARLIE |
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE |
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LES 4 ET 5 AVRIL 2022 |
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
Le juge FAVEL |
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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LE 8 SEPTEMBRE 2022 |
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COMPARUTIONS :
Karey Brooks Jason Harman |
Pour le requérant |
Joseph Ensom |
Pour l’INTIMÉE (LOREEN SUHR) |
Nazeer Mitha Graeme Hooper |
Pour l’INTIMÉ (CLAYTON CHARLIE) |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
JFK Law Corporation Vancouver (C.-B.) |
Pour le REQUÉRANT |
Harris & Company LLP Vancouver (C.-B.) |
Pour l’INTIMÉE (LOREEN SUHR) |
Mitha Law Group
Vancouver (C.-B.)
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Pour l’INTIMÉ (CLAYTON CHARLIE) |