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Date : 20040402

Dossier : T-319-98

Référence :2004 CF 508

ENTRE :

                                             VOLKSWAGEN CANADA INC.

                                                                                                                          demanderesse

                                                                                             défenderesse reconventionnelle

                                                                     - et -

                             ACCESS INTERNATIONAL AUTOMOTIVE LTD.

                                                                                                                           défenderesse

                                                                                           demanderesse reconventionnelle

                                                                     - et -

                                            VOLKSWAGEN AG et AUDI AG

                                                                                                                          tierces parties

                                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                       (Prononcés à l'audience à Calgary (Alberta),

                                                             le 1er avril 2004)

LE JUGE HUGESSEN

[1]                Je dois aujourd'hui continuer l'audition d'une requête qui est introduite par la défenderesse et qui a été instruite à l'origine le 5 février dernier, ainsi que l'audition d'une autre requête introduite par la défenderesse le 4 mars. Les deux requêtes visent essentiellement au même redressement, à savoir le rejet de l'action principale, la condamnation de la demanderesse pour outrage parce qu'elle n'a pas produit les documents que des ordonnances de la Cour lui enjoignaient de produire, enfin les dépens.


[2]                Le 5 février, j'ai aussi instruit et rejeté deux autres requêtes introduites par la demanderesse, l'une qui visait à faire annuler une ordonnance antérieure par consentement relative à la production de documents, et l'autre qui visait à faire autoriser la production d'un nouvel affidavit. En rejetant ces requêtes, je suspendais jusqu'à aujourd'hui ma décision relative aux dépens.

[3]                À l'audience du 5 février, il a bien été précisé que la demanderesse ne s'était pas conformée à une ordonnance antérieure par consentement qui l'obligeait à produire un autre affidavit et d'autres documents. J'avais alors donné à la demanderesse une autre possibilité de s'exécuter et, après avoir fixé les dates de mesures provisoires, j'avais arrêté la date d'aujourd'hui pour décision finale sur cette affaire. Il n'a pas été contesté le 5 février que la demanderesse ne s'était pas conformée à l'ordonnance par consentement d'avril 2003, et il n'est pas contesté aujourd'hui qu'elle a négligé aussi de tirer parti de la période de grâce qui lui a été consentie par l'ordonnance du 5 février.


[4]                L'avocat de la demanderesse admet à juste titre que ces faits autorisent la Cour à ordonner le rejet de l'action, ce que j'entends faire. Il dit aussi que je devrais radier la défense déposée contre la demande reconventionnelle, et la demande reconventionnelle elle-même. S'agissant de la demande reconventionnelle, je n'ai devant moi aucune requête en bonne et due forme, mais, s'agissant de la défense déposée contre la demande reconventionnelle, l'avocat de la défenderesse m'a demandé, pour des raisons sur lesquelles je crois inopportun de m'exprimer aujourd'hui, de ne pas accéder à cette proposition.

[5]                Puisque la demande reconventionnelle est la propre action de la défenderesse et qu'elle est indépendante de l'action principale, le maintien de la défense en opposition à cette demande reconventionnelle est un aspect sur lequel je ne crois pas devoir agir contre les voeux de la défenderesse, demanderesse reconventionnelle. Je me limiterai, en ce qui concerne la demande reconventionnelle, à rendre une ordonnance de planification après avoir entendu les parties.


[6]                J'en arrive à la question de savoir si je devrais ou non rendre contre la demanderesse une ordonnance d'exposé de moyens parce qu'elle a ignoré l'ordonnance d'avril 2003 et celle du 5 février de cette année. Il ne fait aucun doute que la preuve dont je dispose justifierait une telle ordonnance. Il existe un commencement de preuve d'outrage, et l'avocat de la défenderesse m'a signalé des précédents selon lesquels, dans ces conditions, la Cour n'avait aucun pouvoir discrétionnaire en application des anciennes Règles de la Cour fédérale. Malheureusement, je crois que ce principe ne vaut plus. D'abord, les Règles de la Cour fédérale (1998) ont considérablement changé et ont recodifié les règles relatives à l'outrage. La règle 467, qui est la règle contemporaine, fait ressortir clairement, selon moi, par l'emploi du mot « peut » , qu'aujourd'hui la Cour conserve toujours le pouvoir discrétionnaire de rendre ou non une ordonnance d'exposé de moyens.

[7]                Deuxièmement, par principe, il me semble que la Cour doit se montrer circonspecte, voire prudente, lorsqu'elle exerce ses pouvoirs de contrainte, surtout lorsqu'il s'agit essentiellement de défaillances procédurales. Ici, me semble-t-il, le manquement indubitable de la demanderesse sera plus que suffisamment sanctionné par le rejet de son action et par l'adjudication de dépens que je m'apprête à prononcer.


[8]                J'en arrive à la question des dépens. Le non-respect par la demanderesse de son obligation de produire des documents ne date pas d'aujourd'hui, et il est très grave. L'introduction même de la requête qui a finalement conduit à l'ordonnance par consentement rendue en avril 2003 n'aurait pas dû être nécessaire puisque, depuis le début de l'action, elle avait connaissance de l'existence et de l'utilité des documents dont la production a été ordonnée. Avant même l'inscription officielle de l'ordonnance par consentement, mais après que la demanderesse eut donné son consentement à ladite ordonnance, elle avait décidé d'échapper à ses conséquences. Ce n'est qu'après que la défenderesse eut déposé l'une des deux requêtes devant moi en août 2003 que la demanderesse, par l'une des requêtes que j'ai rejetées le 5 février 2004, a cherché à faire annuler l'ordonnance par consentement. Et avant cela, montrant une attitude que l'on ne peut que qualifier d'abusive, la demanderesse avait insisté pour faire procéder, tout à fait inutilement, au contre-interrogatoire de l'auteur de l'affidavit de la défenderesse. Après que furent rendues les ordonnances du 5 février, la demanderesse fut dissuadée par sa société mère allemande, dans les jours qui ont suivi, de se conformer à l'ordonnance d'avril 2003 comme à celle du 5 février 2004. Pour autant, la demanderesse a continué ses tactiques obstructionnistes et dilatoires. À mon avis, une ordonnance d'adjudication de dépens avocat-client, proches d'une indemnisation totale, est justifiée pour l'ensemble des requêtes dont ont disposé l'ordonnance par consentement d'avril 2003, les ordonnances rendues le 5 février 2004 et l'ordonnance rendue aujourd'hui. Eu égard à la preuve par affidavit que j'ai devant moi, je n'ai aucune hésitation à fixer cette somme à 70 000 $, somme qui comprend tous les débours.


[9]                Quant aux dépens de l'action principale, qui sera rejetée, je tiens compte de ce qu'il semble que la demanderesse a refusé environ quatre offres de règlement, dont chacune se révèle au moins aussi favorable pour la demanderesse, voire beaucoup plus favorable, que ce qu'elle obtiendra de la procédure d'aujourd'hui. Je tiens compte également de la difficulté et du caractère inédit de certains des points soulevés, et je prends en compte le fait que la conduite de la procédure par la demanderesse a été particulièrement pesante pour la défenderesse, entité beaucoup plus modeste et plus vulnérable. Je ne dispose pas cependant, parce que je ne le peux pas, des dépens afférents à la demande reconventionnelle, laquelle, sur la propre requête de la défenderesse-demanderesse reconventionnelle, demeure pendante. Je fixerai les dépens à 40 000 $, selon la formule partie-partie, y compris tous les débours, mais à l'exclusion des dépens découlant d'une médiation infructueuse et de procédures conduites devant la Cour d'appel.

[10]            Une ordonnance sera donc rendue, rejetant l'action principale, sans possibilité d'engager une autre action, et avec dépens en faveur de la défenderesse pour la somme totale de 110 000 $. J'entendrai les arguments des avocats en prévision d'une ordonnance de planification se rapportant à la demande reconventionnelle et aux autres points non résolus.

                                                                                                              « James K. Hugessen »           

                                                                                                                                           Juge                        

Ottawa (Ontario)

le 2 avril 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                        COUR FÉDÉRALE

                                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-319-98

INTITULÉ :                                        Volkswagen Canada Inc. c. Access International Automotive Ltd.

LIEU DE L'AUDIENCE :                  CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 1er AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE HUGESSEN

DATE DES MOTIFS :                       LE 2 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

L.E. Trent Horne                                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Michael J. Donaldson                                                              POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sim, Hughes, Ashton & McKay LLP

Toronto (Ontario)                                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Burnet, Duckworth & Palmer LLP

Calgary (Alberta)                                                                    POUR LA DÉFENDERESSE


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