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Date : 20220802


Dossier : IMM‑4460‑21

Référence : 2022 CF 1148

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 août 2022

En présence de monsieur le juge James W. O’Reilly

ENTRE :

YONGQIU LIN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] En 2018, M. Yongqiu Lin a demandé l’asile au Canada en alléguant craindre d’être persécuté pour des motifs religieux en Chine, car il est chrétien. Il dit avoir fréquenté une église clandestine en Chine et avoir ensuite été détenu et interrogé par des membres du Bureau de la sécurité publique (le BSP). Ils ont relâché le demandeur après que celui‑ci les eut assuré qu’il ne s’engagerait pas dans des activités religieuses illégales.

[2] La demande d’asile de M. Lin a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés en raison du manque d’éléments de preuve crédibles. M. Lin a, sans succès, interjeté appel de la décision de la SPR auprès de la Section d’appel des réfugiés. La SAR a également constaté un manque d’éléments de preuve crédibles à l’appui de la demande de M. Lin. Plus particulièrement, elle a conclu que le témoignage de M. Lin était incohérent et vague. En outre, elle a conclu qu’un document présenté par M. Lin, soit une décision relative à une peine administrative, n’était pas authentique. Enfin, la SAR n’a pas été convaincue que M. Lin serait exposé à de la persécution religieuse en Chine, parce qu’il n’était pas un véritable chrétien et que, quoi qu’il en soit, il n’attirerait pas l’attention des autorités chinoises.

[3] M. Lin soutient que la SAR l’a traité de manière inéquitable en tirant des conclusions défavorables sur des omissions dans son témoignage sans lui donner l’occasion de fournir de plus amples renseignements. De même, il soutient que la SAR aurait dû lui donner l’occasion de dissiper ses doutes au sujet de l’authenticité de la décision relative à la peine administrative. M. Lin soutient également que les conclusions de la SAR en matière de crédibilité étaient déraisonnables, parce que celles‑ci étaient contredites par les éléments de preuve dont elle disposait. Le demandeur me demande d’annuler la décision de la SAR et de renvoyer l’affaire à un tribunal différemment constitué pour qu’il procède à un nouvel examen de son appel.

[4] Je ne vois aucun motif d’infirmer la décision de la SAR. La SAR n’a pas traité M. Lin de manière inéquitable : elle lui a offert la pleine possibilité de présenter sa cause. En outre, les conclusions de la SAR en matière de crédibilité n’étaient pas déraisonnables, compte tenu des éléments de preuve qui lui ont été présentés. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[5] Deux questions en litige sont soulevées :

  1. La SAR a‑t‑elle traité M. Lin de manière inéquitable?

  2. Les conclusions de la SAR en matière de crédibilité étaient‑elles déraisonnables?

II. La décision de la SAR

[6] La SAR a jugé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles étayant que M. Lin est un véritable chrétien. La SPR a posé à M. Lin des questions sur sa connaissance du christianisme, mais son témoignage ne suffisait pas pour convaincre la SPR qu’il était un chrétien pratiquant. La SAR a souscrit à l’évaluation de la SPR; elle a également conclu qu’il était peu probable que M. Lin poursuive des activités religieuses en Chine ou que les autorités chinoises le perçoivent comme un chrétien.

[7] La SAR a conclu que le témoignage de M. Lin était incohérent quant à ce qu’il savait à propos du christianisme avant de fréquenter l’église clandestine; il a dit qu’il n’en savait rien, mais a ensuite déclaré qu’un ami lui avait parlé du christianisme un mois avant qu’il assiste à son premier service religieux.

[8] La SAR a également conclu que le témoignage de M. Lin sur sa détention était vague, puisqu’il n’a pas précisé combien de personnes l’avaient interrogé, combien de temps avait duré l’interrogatoire, s’il avait été nourri, ou s’il était seul dans sa cellule de détention.

[9] Pour ce qui est de la décision relative à la peine administrative, la SAR a conclu qu’elle comprenait des renseignements qui contredisaient le témoignage de M. Lin. En particulier, M. Lin a déclaré qu’il avait fait parvenir un seul DVD religieux à un ami, tandis que la décision fait référence à plusieurs disques compacts. En outre, le numéro de certificat d’identité de M. Lin ne figurait pas dans la décision, malgré que la loi l’impose. Enfin, M. Lin n’avait pas fait référence à ce document dans son formulaire de fondement de la demande d’asile; il ne l’a fourni que plus d’un an plus tard et n’a fourni aucun élément de preuve à l’audience quant à la façon dont il l’avait obtenu. La SAR a conclu que la décision n’était pas authentique.

III. La première question en litige — La SAR a‑t‑elle traité M. Lin de manière inéquitable?

[10] M. Lin soutient que la SAR l’a traité de manière inéquitable à deux égards. Premièrement, il affirme que la SAR a jugé que son témoignage sur sa détention par le BSP était vague sans lui donner l’occasion de dissiper cette impression. Deuxièmement, il soutient que la SAR a conclu que la décision relative à la peine administrative n’était pas authentique pour des motifs qui n’ont pas été abordés par la SPR et sans lui donner la possibilité de se prononcer à ce sujet.

[11] En ce qui concerne le premier point, je ne suis pas d’accord avec M. Lin. La SAR s’est acquittée de son obligation d’examiner les éléments de preuve présentés à la SPR et de tirer des conclusions sur le caractère suffisant de ces éléments. Il incombait à M. Lin de prouver qu’il était exposé à un risque de persécution religieuse s’il retournait en Chine. L’allégation selon laquelle il avait été détenu par le BSP en raison de ses activités religieuses passées était au fondement de sa demande d’asile. En outre, la question de savoir si son témoignage à ce sujet était crédible s’avérait cruciale dans le cadre de son appel devant la SAR. La SAR a examiné les éléments de preuve et a conclu qu’ils étaient vagues, c’est‑à‑dire qu’ils ne comprenaient pas le genre de détails auxquels on s’attendrait de la part d’une personne qui allègue être victime de persécution religieuse. Ce faisant, la SAR n’a pas traité M. Lin de manière inéquitable.

[12] En ce qui concerne le deuxième point, là encore, je ne suis pas d’accord avec M. Lin. La SPR a conclu que la décision relative à la peine administrative était probablement frauduleuse. La SAR a fait de même, en donnant des motifs supplémentaires à l’appui de sa conclusion. La question de l’authenticité de la décision était en litige à la fois devant la SPR et la SAR. Il ne s’agissait pas d’une nouvelle question soulevée par la SAR; par conséquent, la SAR n’était pas tenue d’aviser M. Lin quant au fait qu’elle examinait l’authenticité de ce document ni de lui offrir la possibilité de formuler des observations supplémentaires. La SAR n’a pas traité M. Lin de manière inéquitable.

[13] M. Lin a allégué devant moi qu’il y avait une faille dans la traduction du document, ce qui expliquerait la contradiction entre la mention d’un seul DVD et celle où il était question de plusieurs disques compacts. Même si la déclaration sous serment du traducteur sur laquelle M. Lin s’appuie pouvait être admise dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire (ce que je n’ai pas à trancher), la déclaration sous serment ne fait pas clairement état d’une véritable erreur de traduction. Le traducteur déclare simplement que le texte de la décision [TRADUCTION]°« suggère » la présence d’un seul disque compact plutôt que de plusieurs disques. Néanmoins, la SAR a donné des motifs supplémentaires pour étayer sa conclusion selon laquelle la décision n’était pas authentique; sa conclusion ne reposait pas uniquement sur la contradiction apparente entre un seul DVD et plusieurs disques compacts. Par conséquent, indépendamment de toute erreur de traduction, la SAR n’a pas commis d’erreur dans sa conclusion sur ce point.

IV. La deuxième question en litige — Les conclusions de la SAR en matière de crédibilité étaient‑elles déraisonnables?

[14] M. Lin soutient qu’il était déraisonnable pour la SAR de conclure que la partie de son témoignage relatif à l’acquisition de connaissances sur le christianisme était contradictoire. Il affirme que le contenu de son formulaire de fondement de la demande allait dans le même sens que le contenu de son témoignage.

[15] M. Lin soutient également que la conclusion de la SAR selon laquelle il n’était pas un véritable chrétien était déraisonnable, étant donné qu’il avait répondu correctement à la plupart des questions de la SAR sur le christianisme.

[16] En ce qui concerne la première conclusion de la SAR, je souligne que M. Lin a déclaré dans son formulaire de fondement de la demande d’asile qu’un ami lui avait dit qu’il était chrétien et avait mentionné l’église clandestine. L’ami a exhorté M. Lin à se livrer à Jésus et à se rendre à l’église, puis M. Lin a accepté de s’y rendre. En revanche, dans son témoignage verbal, M. Lin a déclaré que son ami ne lui avait rien dit en ce qui concerne le christianisme, mais qu’il lui avait parlé de l’église. La SAR estimait que cette incohérence constituait la [TRADUCTION]°« question fondamentale » qui se posait dans le cadre de la demande d’asile de M. Lin.

[17] Bien que l’incohérence qui ressort de cet élément de preuve ne soit pas majeure, M. Lin n’avait pas clairement expliqué pourquoi il avait initialement rejoint l’église clandestine dans le contexte de sa demande d’asile, ce qui laissait la SAR perplexe. Il n’était pas déraisonnable pour la SAR d’avoir des réserves quant au témoignage de M. Lin et de souligner l’incohérence de sa version des faits comme motif de préoccupation quant à sa crédibilité.

[18] En ce qui concerne la deuxième conclusion de la SAR, je relève que M. Lin a pu répondre aux questions de la SAR sur la communion, le baptême et la Cène. Toutefois, il n’a pas été en mesure d’expliquer ce que signifie la Pentecôte ou ce qui distingue la foi pentecôtiste des autres formes de christianisme. La SAR était perplexe quant à ce manque de connaissances, étant donné que M. Lin avait affirmé être membre de l’église pentecôtiste depuis 2018. Encore une fois, dans le contexte de la demande d’asile, les réserves de la SAR, et le fait que cette dernière se soit fondée sur le manque de connaissances de M. Lin pour conclure qu’il n’était pas véritablement un adepte de la foi pentecôtiste, n’étaient pas déraisonnables.

[19] Par conséquent, je ne peux conclure que les conclusions de la SAR en matière de crédibilité étaient déraisonnables.

V. La conclusion et la décision

[20] La SAR a traité M. Lin de façon équitable en lui offrant une possibilité adéquate d’aborder les questions qui avaient été soulevées dans la décision de la SPR. De plus, ses conclusions en matière de crédibilité n’étaient pas déraisonnables, car elles étaient fondées sur la preuve. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre des parties n’ont proposé de question de portée générale à certifier et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4460‑21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4460‑21

INTITULÉ :

YONGQIU LIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

tenue par vidéoconférence à Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 AVRIL 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

DATE DES MOTIFS :

LE 2 AOÛT 2022

COMPARUTIONS :

Michael Korman

POUR LE DEMANDEUR

Stephen Jarvis

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Korman & Korman LLP

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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