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Recueil des arrêts de la Cour fédérale
Freitas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1re inst.) [1999] 2 C.F. 432

     Date : 19980313

     Dossier : IMM-3402-97

ENTRE

     ROBERTO AMBROSIO SAN VICENTE FREITAS,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

         (Prononcés à l'audience le 12 mars 1998)

LE JUGE RICHARD

[1]          Le requérant demande un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande d'annulation de la décision de la section du statut de réfugié (SSR).

[2]          Le requérant n'a pas contesté la mesure d'expulsion elle-même.


[3]          En raison de l'alinéa 49(1)d) de la Loi sur l'immigration, il n'y a pas de sursis d'exécution prévu par la loi. Pour obtenir un sursis d'exécution, le requérant doit satisfaire à chacun des trois éléments du critère à trois volets.

[4]          L'avocat de l'intimé reconnaît qu'il existe une sérieuse question à trancher, puisque le requérant a obtenu l'autorisation de présenter sa demande de contrôle judiciaire de la décision de la SSR selon laquelle il ne peut revendiquer le statut de réfugié en raison de l'article Fc) de l'Article premier.

[5]          Le requérant a été déclaré coupable d'une grave infraction criminelle, et il a été condamné à neuf ans d'emprisonnement après avoir déjà passé sept mois et demi en détention avant procès.

[6]          Les mesures prises par le requérant et quatre autres personnes ont conduit le juge à conclure en premier lieu qu'il existait un complot ourdi pour réaliser, par la force, l'évasion de deux trafiquants de drogues colombiens de la Fredericton County Jail et, de plus, que M. San Vicente participait à ce complot. Ses quatre co-conspirateurs ont plaidé coupable relativement à l'accusation et ont été condamnés à dix ans d'emprisonnement. M. San Vicente a plaidé non coupable. Toutefois, au procès, il a été déclaré coupable et condamné à neuf ans d'emprisonnement après qu'il eut été noté qu'il avait déjà purgé sept mois et demi en détention avant procès à ce moment-là.

[7]          En condamnant M. San Vicente pour sa participation à l'infraction, le juge Stevenson a dit :

         [TRADUCTION] Si vous et vos compagnons avaient tenté d'entrer par effraction dans la Fredericton Jail et de libérer Jaramillo et Escobar, utilisant les armes qui avaient été accumulées, et compte tenu des munitions que vous aviez, la possibilité de tuer ou de blesser le personnel correctionnel, d'autres détenus dans la prison, et peut-être des spectateurs ou quiconque se trouvait dans le voisinage à ce moment-là dépasse presque l'imagination. À part cela, la prise d'otages était possible. Or, comme je dis à partir de ce que nous savons, c'est la conclusion qu'on doit tirer. Peut-être vous étiez tous des amateurs, je ne sais pas, mais je dois présumer que lorsqu'on est armé et équipé comme vous et vos compagnons, vous étiez disposés à utiliser ces armes et cet équipement pour la fin que vous aviez en pensée, ce qui constitue, à mon avis, le pire scénario.

[8]          Le requérant fonde sa prétention qu'il y a préjudice irréparable sur les facteurs suivants :

         1)      La similarité du comportement des PTJ qui a entraîné l'arrestation illégale et le meurtre ultérieur de Briceno et de Fuenmayor (deux co-accusés);
         2)      L'horrible dossier des violations des droits de la personne de la part des PTJ qui inclut la torture et l'exécution sommaire de personnes perçues comme étant indésirables, et le fait que bien que le Venezuela soit une démocratie, ils ont pu exercer impunément ces activités;
         3)      M. San Vicente, comme les deux victimes du meurtre, est connu des PTJ. Au milieu des années 80, il a rendu publiques des violations des droits de la personne de la part des PTJ, qui ont mis son nom sur la liste des recherchés.

[9]          L'intimé a déposé un message en date du 26 mars 1997 provenant du premier secrétaire (immigration) à l'Ambassade du Canada au Venezuela. Ce message est ainsi rédigé :

         [TRADUCTION]      Nous accusons réception de votre lettre télécopiée en date du 18 février 1997 concernant M. Roberto Ambrosio San Vicente, du Venezuela. M. Jim Whelan, agent de liaison de la GRC et moi sommes allés au bureau local de l'Interpol pour clarifier la situation avec le Commissaire en chef Francie Fluche Hostler.
         Le Commissaire en chef Fluche a confirmé que, par suite de la demande de révision constitutionnelle présentée par un avocat, le nom de M. San Vicente a été retiré du dossier judiciaire de condamnation de ses complices, ainsi que de la liste des suspects recherchés détenue par la police (les mandats d'arrestation ne sont pas utilisés au Venezuela). Donc, M. San Vicente, à moins d'avoir été encore une fois impliqué dans un crime, ne serait pas arrêté ni détenu par les autorités policières locales; même ses condamnations antérieures (datant d'avant 1980) et ses activités criminelles notoires ne justifieraient pas une telle mesure. Quant à "Los Simultaneous", (nom donné à un groupe parce qu'ils attaquaient toujours deux banques simultanément), il n'existe, bien entendu, aucune preuve formelle de la constitution du groupe. Toutefois, les autorités policières locales connaissaient le "modus operandi" de ce dernier et le considéraient comme tel.

[10]          Il existe une preuve contradictoire concernant la question du préjudice irréparable. À l'évidence, le requérant craint de retourner au Venezuela.

[11]          Toutefois, même si la preuve établissait qu'il subirait un préjudice irréparable, la prépondérance des inconvénients penche en faveur de l'intimé.

[12]          En l'espèce, c'est dans l'intérêt public qu'il faut permettre à l'intimé d'exécuter la mesure de renvoi. Le requérant a été déclaré coupable au Canada d'une grave infraction criminelle dans les circonstances décrites par le juge qui a prononcé la sentence. En n'accordant pas un sursis d'exécution légal dans ces circonstances, le Parlement a indiqué que l'intérêt public résidait dans l'exécution opportune d'une mesure de renvoi.

[13]          L'avocat du requérant s'est appuyé sur l'affaire Suresh entendue par la Cour de justice de l'Ontario (Division générale) le 23 janvier 1998. Dans cette affaire, le requérant n'avait pas été déclaré coupable d'une grave infraction au Canada, et il avait allégué qu'il y avait eu violation de la Charte.


[14]          La demande est rejetée.

                                 John D. Richard

                                         Juge

Ottawa (Ontario)

Le 13 mars 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-3402-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Roberto Ambrosio San Vicente Freitas c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 12 mars 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge Richard

EN DATE DU                      13 mars 1998

ONT COMPARU :

    Harvey Savage                      pour le requérant
    James Brender                      pour l'intimé
                        

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Refugee Law Office                  pour le requérant
    Toronto (Ontario)
    George Thomson
    Sous-procureur général
    du Canada                      pour l'intimé
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