Date : 20220708
Dossier : T‑1066‑17
Référence : 2022 CF 1007
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2022
En présence de monsieur le juge Roy
ENTRE :
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T‑REX PROPERTY AB
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demanderesse
(défenderesse reconventionnelle)
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et
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PATTISON OUTDOOR ADVERTISING LIMITED PARTNERSHIP, PATTISON OUTDOOR ADVERTISING LTD, JIM PATTISON INDUSTRIES LTD
et ONESTOP MEDIA GROUP INC
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défenderesses
(demanderesses reconventionnelles)
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ORDONNANCE ET MOTIFS
[1] Le procès dans l’action en contrefaçon qu’a intentée la demanderesse (défenderesse reconventionnelle) (ci‑après T‑Rex) concernant son brevet numéro CA 2 252 973 se poursuivra en octobre 2022; dans l’intervalle, les défenderesses (demanderesses reconventionnelles) (ci‑après Pattison) comparaissent devant la Cour pour demander une augmentation du cautionnement pour dépens déjà accordé par la Cour (l’ordonnance rendue le 16 avril 2021 par la protonotaire Steele, qui était la juge responsable de la gestion de l’instance).
[2] Le motif de la requête est que le procès, qui devait durer trois semaines, devrait maintenant durer trois semaines de plus, et que deux jours, peut‑être trois, devraient également s’ajouter pour la présentation des observations finales, en février 2023. Pattison soutient que le cautionnement pour dépens doit être rajusté en conséquence.
I.
Contexte
[3] En fait, il s’agit de la deuxième requête visant à augmenter le cautionnement pour dépens. Initialement, T‑Rex a déposé un cautionnement de 50 000 $ pour la période allant jusqu’à la fin de l’interrogatoire préalable. Pattison a par la suite demandé une caution supplémentaire de 350 000 $ et la protonotaire Steele a refusé d’accorder une augmentation avant la fin de l’interrogatoire préalable. En revanche, elle a accordé une augmentation du cautionnement pour dépens pour la période allant jusqu’à la fin du procès, qui devait durer trois semaines.
[4] Afin de décider si une augmentation du cautionnement pour cette période doit être ordonnée et, si elle est justifiée, à combien elle devrait se chiffrer, il est important de comprendre la base sur laquelle l’ordonnance du 16 avril 2021 a été rendue.
[5] En plus des 350 000 $ pour ses frais de la période allant jusqu’à la fin de l’interrogatoire préalable, Pattison a demandé à la Cour qu’une somme de 1 150 000 $ soit consignée à titre de cautionnement pour ses frais de la période allant jusqu’à la fin du procès. Elle a soutenu qu’une somme représentant 25 % de ses frais prévus devrait être la base de calcul appropriée, plutôt que la colonne III du tableau du tarif B (art 407 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles]). En outre, elle demande une somme représentant 100 % de ses débours passés et prévus.
[6] Comme je l’ai déjà indiqué, T‑Rex a eu gain de cause lorsqu’elle a contesté l’augmentation du cautionnement pour les dépens de la période allant jusqu’à la fin de l’interrogatoire préalable. Par contre, pour la période allant jusqu’à la fin du procès, T‑Rex a concédé qu’un cautionnement additionnel était justifié, mais elle s’est dite d’avis que le montant devait être réduit, car la demande de Pattison était déraisonnable et visait à exercer une pression financière sur elle. Il a été suggéré que l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B serve de base de calcul, en combinaison avec des débours raisonnables. Les frais et les débours devraient être réduits en raison de la demande reconventionnelle de Pattison de façon à totaliser 270 000 $.
[7] La Cour a rédigé de longs motifs. Elle a conclu, en s’appuyant sur la décision Regents of the University of California c I‑MED Pharma Inc, 2016 CF 975, qu’elle devait examiner les facteurs ci‑dessous pour déterminer le montant de cautionnement additionnel en conformité avec le paragraphe 416(6) des Règles :
(a) il existe un écart important entre le cautionnement accordé et les dépens réels;
(b) les dépens réels n’étaient pas raisonnablement prévisibles;
(c) la requête en cautionnement initiale était fondée sur une évaluation de la complexité de l’affaire, laquelle n’était pas réaliste.
[8] T‑Rex n’a pas contesté le cautionnement pour dépens exigé concernant les étapes suivant l’interrogatoire préalable, à la lumière de l’alinéa 416(1)a) des Règles :
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La situation n’a pas changé, si ce n’est que la durée du procès a plus que doublé. Pattison invoque de nouveau le paragraphe 416(6) des Règles à l’appui de l’augmentation sollicitée.
II.
L’ordonnance de la protonotaire Steele
[9] Dans l’ordonnance du 16 avril 2021, la protonotaire Steele a conclu qu’une somme globale n’était pas appropriée. Pattison, dans sa requête dont la Cour est maintenant saisie, ne sollicite pas une somme globale; elle dit utiliser la même base de calcul que la protonotaire Steele, se fondant sur le tarif B.
[10] La protonotaire Steele a également conclu que la colonne III n’était pas appropriée non plus, étant donné ses lacunes, dans les affaires de cette nature (Allergan Inc c Sandoz Canada Inc, 2021 CF 186 au para 25). Elle a conclu que, dans la présente affaire, le tarif devrait être complété de deux façons : au lieu de la colonne III du tarif B, soit la hauteur par défaut des dépens adjugés par la Cour fédérale, le calcul devrait se baser sur l’échelon supérieur de la colonne IV, et le montant ainsi obtenu devrait être augmenté de 25 %.
[11] En conséquence, la Cour était satisfaite du projet de mémoire de dépens proposé par T‑Rex concernant les frais juridiques calculés selon l’échelon supérieur de la colonne IV; l’augmentation de 25 % porte ce montant (102 600 $) à 128 250 $.
[12] En ce qui a trait aux débours, Pattison a réclamé 550 000 $ pour deux experts ainsi que 150 000 $ pour ses dépenses (appelées « dépenses diverses »
). La Cour n’a pas convenu que l’affaire justifiait un cautionnement pour les dépens relatifs à deux experts, et elle a réduit le montant sollicité à 275 000 $. Les 150 000 $ pour les dépenses diverses n’ont pas été contestés. Les débours ont ainsi totalisé 425 000 $.
[13] Mais ce n’est pas tout. T‑Rex a soutenu que le total des frais et des débours devait être réduit de 35 %, car il comprenait ceux de la demande reconventionnelle de Pattison. La Cour a jugé qu’une réduction était appropriée (Apotex Inc c H Lundbeck A/S, 2010 CF 807), mais qu’elle devait être de 20 % plutôt que de 35 %.
[14] En conséquence, le calcul du montant du cautionnement pour les dépens du procès (les étapes suivant l’interrogatoire préalable) a été le suivant :
Frais juridiques : 128 250 $
Débours : 275 000 $ (experts) + 150 000 $ (dépenses diverses)
553 250 $
La réduction de 20 % a porté le total à 442 600 $. Les taxes n’étaient pas comprises. Une fois celles‑ci ajoutées, le montant total du cautionnement pour dépens s’élevait à 500 138 $.
III.
L’objet de la requête
[15] Cette fois‑ci, Pattison sollicite une somme additionnelle de 437 000 $. Elle affirme qu’elle se base sur les conclusions et la méthode de calcul de la protonotaire Steele, et que les frais doivent être calculés en fonction des dix‑sept jours supplémentaires (15 jours d’audience et deux jours de présentation des observations finales) et du total des débours prévus.
[16] Pattison soutient que le doublement imprévisible de la durée du procès justifie une augmentation du cautionnement. Certes, la durée prévue du procès a été communiquée bien avant (en janvier 2021) que les rapports d’experts, comptant des centaines de pages, ne soient produits à partir de septembre 2021. En effet, Pattison fait appel à des experts supplémentaires. En outre, Pattison s’appuie sur la mention que l’ordonnance du 16 avril 2021 était [traduction] « sans préjudice au droit [de Pattison] de demander une augmentation du cautionnement s’il se révèle insuffisant »
(l’ordonnance au para 2 de la p 17).
[17] Quant aux honoraires d’avocats, Pattison dit appliquer la formule qu’a utilisée la protonotaire Steele, soit l’échelon supérieur de la colonne IV augmenté de 25 %. Son projet de mémoire de dépens a été préparé en fonction de 32 jours d’audience, ce qui donne un total de 215 550 $, taxes non comprises. Une fois celles‑ci ajoutées, il est de 241 469 $, et l’augmentation de 25 % le porte à 301 837 $. Toutefois, il faut en retrancher les frais juridiques pour 15 jours d’audience qui ont déjà été pris en compte dans l’ordonnance du 16 avril 2021.
[18] En ce qui concerne les débours, l’ordonnance prévoyait déjà 425 000 $ (275 000 $ pour les experts et 150 000 $ pour les dépenses diverses).
[19] Chose surprenante à mon avis, Pattison fait fi de ce qui a déjà été décidé par la protonotaire Steele, car elle sollicite des débours équivalents au total des honoraires qu’elle a versés à trois experts, ce qui donne un total 670 156 $. Elle y ajoute une somme de 145 000 $ qui servira, prévoit‑elle, à payer les contributions des experts par la suite. Dans l’ordonnance du 16 avril 2021, la protonotaire Steele avait fixé la limite à 275 000 $.
[20] T‑Rex, pour sa part, s’oppose à la demande de Pattison, en soulignant que le droit à un cautionnement additionnel n’est pas automatique. Les 17 jours supplémentaires ne justifient pas la somme demandée. Il n’a pas été établi, soutient T‑Rex, qu’il existe un écart considérable entre ce qui a déjà été accordé dans l’ordonnance et les dépenses réelles, que ces dépenses n’étaient pas raisonnablement prévisibles, et que l’évaluation initiale de la complexité de l’affaire n’était pas réaliste.
[21] T‑Rex, après avoir examiné les différences entre le projet de mémoire de dépens qu’elle avait déposé en vue de la décision rendue le 16 avril 2021 et qui avait été accepté par la protonotaire Steele, et le projet de mémoire de dépens que Pattison a déposé dans le cadre de la présente requête, fait observer que les montants des nouveaux articles totalisent 6 300 $ (à la note 19 de son exposé des faits et du droit), puis elle énumère les articles suivants : deuxième demande d’aveux et réponse (2 400 $), extraits et réponses de l’inventeur (1 200 $), conférences supplémentaires de gestion de l’instance et de gestion de l’instruction (2 400 $), formation sur la trousse d’outils eTrial (300 $). T‑Rex fait également observer que Pattison a inscrit une somme additionnelle de 107 100 $ pour les 17 jours de procès supplémentaires. En ce qui a trait aux débours, il est souligné que Pattison demande 145 000 $ pour ses experts, tandis que les autres débours réclamés équivalent à la somme engagée pour la première moitié du procès, soit 54 988,26 $.
[22] T‑Rex soutient que Pattison [traduction] « retente sa chance »
. Elle ne conteste pas qu’il y a un écart entre le cautionnement ordonné et les dépenses réelles, ou que les dépenses étaient imprévisibles. Mais elle soutient que la complexité de l’affaire n’a pas changé depuis avril 2021. Cela justifierait de ne rien changer au cautionnement pour dépens.
[23] Subsidiairement, si un rajustement était justifié, la Cour devrait envisager une réduction des dépens lors de la taxation, laquelle devrait se refléter dans le montant du cautionnement pour dépens accordé. Une telle possibilité existerait si Pattison n’était pas en mesure de prouver que le brevet en litige est nul aux termes de l’article 53 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4 : T‑Rex affirme que, l’article 53 impliquant la notion de fraude, l’impossibilité de prouver une telle allégation pourrait avoir de lourdes conséquences en matière de dépens et ainsi justifier une réduction du cautionnement. En outre, T‑Rex affirme que le montant du cautionnement pour dépens en l’espèce serait plus élevé que dans d’autres affaires de contrefaçon de brevet. Par conséquent, si une augmentation du montant du cautionnement pour dépens ordonné le 16 avril 2021 était jugée appropriée, seuls les 17 jours supplémentaires prévus pour mener à terme le procès devraient être pris en compte.
[24] En ce qui concerne les débours, T‑Rex souligne que seuls ceux qui sont raisonnables sont recouvrables. Le caractère raisonnable des débours relatifs aux experts ne peut pas être apprécié d’après la preuve produite à l’appui de la présente requête : elle ne contient rien concernant le nombre d’heures, le taux horaire ou même la description des tâches effectuées. Non seulement le dossier ne contient pas de renseignements, ni même de factures, mais une partie du travail effectué par le principal expert de Pattison est sans objet, car Pattison a consenti à retirer son [traduction] « document de référence de Daktronics datant de 1996 »
, auquel était consacré une partie du rapport initial que cet expert a remis le 17 septembre 2021.
[25] En outre, T‑Rex conteste les honoraires des experts au motif que la Cour a exprimé des réserves au sujet des dépens relatifs aux experts. Dans de récentes affaires, la Cour s’est montrée critique à propos des frais que la partie gagnante souhaitait se faire rembourser. T‑Rex souligne que son expert a exigé moins de 50 % de ce qu’a exigé le principal expert de Pattison. Il faut, bien sûr, souligner que l’expert de T‑Rex a aussi agi à ce titre dans le litige aux États‑Unis, ce qui a permis à T‑Rex de réaliser des économies. T‑Rex soutient qu’aucune augmentation des débours liés aux honoraires d’experts ne devrait être envisagée.
[26] Quant aux [traduction] « dépenses diverses »
, T‑Rex fait observer que, sur les 120 000 $ (après la réduction de 20 %) accordés dans l’ordonnance du 16 avril 2021 pour les [traduction] « autres dépenses »
, seulement 54 988,26 $ ont été engagés. T‑Rex se plaint que plus de 5 000 $ ont été réclamés pour les frais de déplacement alors que le procès s’est tenu par vidéoconférence, et aucun renseignement n’a été fourni. De même, 12 278,14 $ ont été réclamés pour les [traduction] « frais de documentation »
dans une affaire qui s’est déroulée virtuellement; il n’y a aucun moyen d’établir comment des frais de plus de 12 000 $ ont pu s’accumuler après l’interrogatoire préalable. T‑Rex soutient que des frais font partie des [traduction] « frais généraux habituels d’un litige »
qui doivent être justifiés (13 133 $ pour les frais d’investigation informatique et 4 373 $ pour les frais de recherche). Sans justification de la part de Pattison, il est impossible de procéder à une évaluation. Étant donné que les 65 000 $ accordés dans l’ordonnance du 16 avril 2021 pour les [traduction] « autres dépenses »
n’ont pas encore été comptabilisés et que certains articles ne sont pas détaillés, les 54 988 $ de plus que réclame Pattison ne devraient pas être accordés, selon T‑Rex.
IV.
Analyse
[27] Je crois que l’analyse a pour point de départ le paragraphe 416(6) des Règles, suivant lequel il est possible d’ordonner qu’un montant additionnel soit consigné à titre de cautionnement pour les dépens. Comme je l’ai déjà mentionné au paragraphe 7 des présents motifs, les facteurs à prendre en compte avant de rendre une telle décision sont les suivants : (1) il existe un écart important entre le cautionnement accordé et les dépens réels, (2) les dépens réels n’étaient pas raisonnablement prévisibles, et (3) la complexité de l’affaire a été mal évaluée. La protonotaire Steele a accordé une somme de 500 138 $, qui s’est ajoutée aux 50 000 $ convenus entre les parties.
[28] Puisqu’une augmentation était sollicitée, la Cour a insisté pour que Pattison fournisse une analyse marginale. Il faut se souvenir que Pattison, dans son exposé des faits et du droit, a dit [traduction] « se baser sur les décisions de la protonotaire Steele et sur la méthode de calcul qu’elle a utilisée en avril 2021 »
(note de bas de page 5 de l’exposé des faits et du droit). Malheureusement, l’analyse marginale n’a jamais été fournie. Bien qu’elle soit peut‑être quelque peu exagérée, il y a du vrai dans l’affirmation de T‑Rex selon laquelle il est possible que, dans une certaine mesure, Pattison [traduction] « retente sa chance »
plutôt que de solliciter une somme additionnelle.
[29] En effet, certaines différences ont été relevées, par exemple, entre le mémoire de dépens qu’a utilisé la protonotaire Steele et celui qu’a déposé Pattison. La plus importante d’entre elles était peut‑être celle du nombre d’heures par jour d’audience : le premier mémoire de dépens qu’a accepté la protonotaire Steele faisait état de 5,5 heures par jour, et ce, pour le premier et le deuxième avocat. Pattison a changé le nombre d’heures par jour pour la durée du procès, qui est passé à 6 heures, y compris pour les 15 premiers jours, s’écartant ainsi de la décision de la Cour. Comme je l’ai souligné au cours de l’audition de la présente requête, le point de départ doit être l’ordonnance non contestée de la protonotaire Steele, et Pattison doit tenter de justifier les rajustements en invoquant des changements de circonstances.
[30] Trois grandes catégories de dépenses sont à considérer en l’espèce : (1) les frais à payer selon l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B, (2) les débours pour les experts, et (3) les dépenses diverses.
[31] Elles doivent être examinées plus avant seulement si le cautionnement doit augmenter. Je crois que tel est le cas. À mon avis, il y a un écart entre le cautionnement accordé et les dépenses réelles, car celles‑ci n’étaient pas raisonnablement prévisibles au moment où l’ordonnance d’avril 2021 a été rendue. Il faut se souvenir que la durée du procès a été fixée en janvier 2021, mais que les rapports des experts n’ont commencé à être accessibles qu’en septembre 2021. Ils se sont alors révélés extrêmement complexes, ce qui a vraisemblablement donné, dans une certaine mesure, un nouveau visage à l’affaire. Comme le veut l’expression, il faut juger sur pièces : en l’espèce, l’interrogatoire des deux premiers témoins, à savoir l’inventeur présumé et l’expert dont T‑Rex a retenu les services, a été beaucoup plus long qu’initialement prévu. La longueur et la complexité des rapports d’experts ne sont pas étrangères à cette réalité.
[32] Cela dit, il n’a pas été établi que divers débours devraient être rajustés. Une somme de 150 000 $ (120 000 $, en fait, car elle a été réduite de 20 %) a été accordée en avril 2021. Pattison rapporte en avoir dépensé moins de 50 %. T‑Rex laisse entendre que certaines des sommes pourraient être suspectes si elles n’étaient pas entièrement justifiées. Je ne vois aucune raison de rajuster les débours accordés pour les dépenses diverses.
[33] Non seulement Pattison demande que le cautionnement pour dépens soit rajusté de façon à pleinement compenser son choix d’embaucher plus d’experts, mais elle réclame également des débours de 145 000 $ pour de futures dépenses liées à ses experts. On se souviendra que, dans l’ordonnance du 16 avril 2021, 275 000 $ étaient accordés pour les experts, car, de l’avis de la protonotaire Steele, il était approprié de faire appel à un expert, et non pas à deux, comme le demandait Pattison. La somme sollicitée, 550 000 $, a été divisée en deux. Celle qui est maintenant sollicitée est bien supérieure à celle qu’a accordée la protonotaire Steele. En outre, cette somme devait tenir compte de l’expertise dont Pattison a besoin pour tenter d’établir que l’article 53 de la Loi sur les brevets a été enfreint. Au cours de l’audition de la présente requête, Pattison a confirmé que la question liée à l’article 53 n’était pas nouvelle et qu’elle était connue au moment où l’ordonnance d’avril 2021 avait été rendue, de sorte que les 275 000 $ devaient comprendre les honoraires d’experts qu’elle devait verser pour avancer cet argument. En d’autres mots, on ne peut dire que la somme demandée, 550 000 $, a été réduite à 275 000 $ par inadvertance, sans connaître toute l’étendue de l’expertise requise. Il semble que ce soit par choix que Pattison a retenu les services de deux nouveaux experts, en plus de son principal expert, expressément pour avancer son argument lié à l’article 53. Elle cherche maintenant à récupérer les sommes que cela représente.
[34] Je souligne que Pattison a insisté sur le montant déjà versé en honoraires à son principal expert. À mon avis, T‑Rex a raison de souligner que les honoraires versés à son propre expert sont deux fois moins élevés; en outre, il n’y a aucun moyen d’évaluer ces frais. Aucun renseignement n’est accessible, comme je l’ai déjà mentionné, mais au moins une question a été traitée par cet expert, avant que, une fois son avis obtenu, celle‑ci ne soit abandonnée. Elle concerne des antériorités potentielles. Pattison a choisi de tenter de s’appuyer sur le manuel de Daktronics de 1996 ou sur le système Daktronics Venus 4000 lui‑même (en tant qu’antériorité), avant d’abandonner cette voie le 5 mars 2022 (pièce C jointe à l’affidavit d’Anna Antonetti souscrit le 4 mai 2022). En fait, le premier rapport d’expert (du 17 septembre 2021) ainsi que ce que l’on a appelé le [traduction] « rapport d’expert complémentaire »
du 17 décembre 2021 traitaient du manuel de Daktronics de 1996, qui a depuis été retiré, et du système Daktronics Venus 4600 lui‑même. Cependant, il semble que d’autres [traduction] « documents relatifs à Daktronics »
pourraient maintenant être invoqués.
[35] Pattison demande également une somme d’argent non négligeable pour la préparation de ses deux autres témoins experts, MM. Morin et Richey. Ce sont les deux nouveaux experts dont Pattison a retenu les services pour traiter de sa question liée à l’article 53.
[36] La Cour a exprimé certaines réserves à propos des coûts associés aux honoraires d’experts. En outre, la Cour n’est pas disposée à accepter l’argument de Pattison selon lequel l’ordonnance du 16 avril 2021 devrait être remplacée par de tout nouveaux calculs. Le paragraphe 416(6) des Règles traite d’un montant additionnel de cautionnement. Comme l’ordonnance du 16 avril 2021 n’a jamais été contestée, elle subsiste.
[37] Les observations présentées pour le compte de Pattison reposent sur une base complètement différente de celle de l’ordonnance du 16 avril 2021. Pattison cherche à recouvrer des sommes engagées pour des experts dont elle a choisi de retenir les services. Le montant dépasse largement celui que la protonotaire a ordonné à titre de cautionnement, et aucune forme d’explication n’est à venir. Pattison n’a pas non plus fourni d’analyse marginale; or, une telle analyse aurait pu expliquer l’augmentation des coûts et des dépenses liées au nombre de jours nécessaires pour mener à terme le procès. Elle semble plutôt avoir fait fi, en grande partie, de l’ordonnance judiciaire du 16 avril 2021 et avoir créé des tableaux pour tenter d’inclure dans un nouveau mémoire de dépens plus de 615 000 $ pour les honoraires d’experts et 145 000 $ pour d’autres contributions de trois nouveaux experts, et non pour celui déjà pris en compte.
[38] En ce qui concerne les 145 000 $ additionnels, très peu de précisions sont fournies pour démontrer la nécessité d’une telle somme. Il est dit que 115 000 $ sont nécessaires pour le principal expert de Pattison, car il devra se préparer de nouveau à témoigner et il devra également assister aux témoignages des témoins pertinents relativement à son expertise. Absolument rien n’indique pourquoi il a besoin d’une telle somme pour se préparer de nouveau et écouter en entier d’autres témoignages.
[39] Ce n’est pas d’hier que les dépenses liées aux experts suscitent des réserves. Il y a vingt‑cinq ans, on pouvait lire ce qui suit dans la décision AlliedSignal Inc c DuPont Canada Inc, (1998) 81 CPR (3d) 129 :
[77] Certes, une partie a le droit d’engager l’expert ou les experts de son choix pour faire avancer sa cause, mais cela ne signifie pas que le succombant doive immanquablement payer la note de l’expert ou des experts de la partie qui a gain de cause sans contester les honoraires et les débours demandés. La jurisprudence regorge d’affaires où l’on attaque de telles notes, fondamentalement sur deux fronts : sur le premier, on met en cause le caractère raisonnable des honoraires demandés, et sur le second, on attaque des débours qui correspondent à des articles qui figurent d’une manière parfaitement légitime dans un mémoire de frais en disant qu’ils dénotent un train de vie de riche. En d’autres termes, le niveau d’expertise nécessaire dans une affaire donnée peut justifier qu’on engage la « cadillac » des témoins experts, mais cela ne signifie pas que le succombant devra nécessairement payer la « cadillac » si l’on pouvait faire appel à d’autres témoins experts qui demandaient des honoraires moindres. Cette attitude prudente est exprimée par le juge Sirois de la Cour du Banc de la Reine de Saskatchewan dans l’affaire Angelstad v. Frederick Estate24 :
[traduction] Certains témoins experts semblent réclamer tout ce que le client peut payer, tandis que d’autres ont une attitude très raisonnable à l’égard de la rémunération qu’ils reçoivent pour témoigner devant la Cour. Cela a pour effet de placer l’avocat dans une position peu enviable lorsqu’il estime que le témoignage de l’expert est important pour la cause de son client parce qu’il croit nécessaire de citer l’expert à témoigner quel qu’en soit le coût. Si cette décision peut être acceptable et légitime du point de vue de l’avocat, cela ne signifie pas que la Cour approuvera nécessairement les honoraires de l’expert à l’égard d’un poste qui peut être imputé en entier à la partie qui n’a pas eu gain de cause. Il semble que les avocats en soient venus en pratique à payer tout simplement la facture d’honoraires de l’expert quitte à tenter de la faire passer pour un débours. L’avocat qui cherche à obtenir le paiement des frais du témoin expert a le fardeau de justifier la dépense en ce sens que la partie qui n’obtient pas gain de cause ne devrait pas être tenue de payer des coûts qui ne sont pas raisonnables eu égard à l’importance du rôle joué par la déposition du témoin dans l’issue du procès et à la complexité de l’expertise.
[40] Plus récemment, le juge Locke, maintenant juge à la Cour d’appel fédéral, a traité des sommes excessives que facturent des experts et a exprimé la volonté de la Cour de limiter les sommes à verser à la fin du procès. Voici le paragraphe 46 de sa décision dans l’affaire Camso Inc c Soucy International Inc, 2019 CF 816 [Camso] :
[46] De plus, je trouve que la somme qu’il a facturée (environ 388 000 $) est excessive, même dans une cause où il était question de la contrefaçon de 246 revendications dans trois brevets, où il y avait des dizaines de pièces d’art antérieur pertinentes (quelques‑unes difficiles à trouver) et où il y avait plusieurs produits prétendument contrefaisants.
En l’espèce, il y a bien moins de revendications en litige que dans la décision Camso, et celles‑ci se trouvent toutes dans le même brevet. L’objet pourrait se révéler complexe et ésotérique, mais il n’a pas encore été démontré que les débours liés aux honoraires d’experts sont raisonnables. À ce stade‑ci de l’instance, les explications font grandement défaut.
[41] Un examen approfondi est la norme. Mon collègue le juge Manson, dont l’expertise en droit de la propriété intellectuelle est reconnue, a récemment affirmé ce qui suit dans la décision Betser‑Zilevitch c Petrochina Canada Ltd, 2021 CF 151 :
[21] Les honoraires d’expert qui ont été versés dans le cadre de l’action sous‑jacente commandent un examen plus approfondi. Ces honoraires ne devraient pas toujours être automatiquement indemnisables. S’il est vrai qu’une partie est libre de retenir les services des experts qu’elle désire, il reste que la Cour doit se préoccuper des honoraires de plus en plus élevés et souvent extravagants qui sont facturés par ces témoins (Janssen‑Ortho Inc c Novopharm Ltd, 2006 CF 1333 au para 43). À eux seuls, les honoraires de M. Brindle sont plus de deux fois plus élevés que ceux des experts du demandeur. Cette situation justifie de limiter les honoraires de M. Brindle à 104 440 $ (ce qui correspond aux deux tiers de la somme facturée).
Je suis tout à fait d’accord. Je souligne que notre collègue le juge Fothergill a souscrit au même passage dans la décision Swist c MEG Energy Corp, 2021 CF 198.
[42] Il ne s’agit pas de conclure qu’en définitive, les débours liés aux honoraires d’experts en l’espèce doivent être limités, et ce, à telle ou telle somme. Ce serait prématuré. Le fait est plutôt que le cautionnement pour dépens a été expressément traité dans une décision judiciaire. Pattison a volontairement retenu les services d’experts supplémentaires, ce qui lui a occasionné des dépenses nettement supérieures au montant du cautionnement que la Cour avait ordonné. Une analyse marginale pourrait expliquer cette augmentation substantielle, mais une telle analyse n’a pas été fournie. Sans analyse ni renseignements expliquant comment on en est arrivé à une telle somme, rien ne permet à la Cour de jauger le montant du cautionnement déjà accordé.
[43] Ne reste que l’affirmation de Pattison selon laquelle une somme additionnelle à titre de cautionnement devrait être accordée, parce qu’il y aura 17 jours d’audience de plus avant la fin de ce procès. Je crois que le montant des frais juridiques pour 17 jours d’audience indiqué au mémoire de dépens et une somme eu égard au fait que des experts doivent soutenir l’avocat de Pattison dans les 15 derniers jours sont appropriés.
[44] La somme pour les honoraires de deux avocats, selon l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif B et à raison de 5,5 heures par jour, est conforme à la méthode de calcul adoptée par la protonotaire Steele dans l’ordonnance de la Cour du 16 avril 2021. La somme de 102 600 $ pour les frais juridiques [traduction] « probables »
qu’occasionne un procès devant durer 15 jours avait été acceptée. Les 17 jours supplémentaires exigeraient une somme de 115 000 $, avec une augmentation de 25 % du tarif. Toutefois, une fois réduite de 20 % pour tenir compte de la demande reconventionnelle de Pattison, la somme serait, à nouveau, de 115 000 $. Comme la protonotaire Steele, je laisse aux parties le soin de calculer et d’ajouter aux 115 000 $ les taxes appropriées (ordonnance du 16 avril 2021 au para 36).
[45] Le rajustement pour les honoraires d’avocats pourrait bien s’appliquer à l’appui de l’expert dont les avocats de Pattison auront besoin pendant plus de jours qu’initialement prévu. Je ne doute pas de l’utilité d’un tel appui, vu la complexité de la preuve. La difficulté est de déterminer la somme raisonnable. Pattison a évoqué la somme de 145 000 $ pour la période allant jusqu’à la fin du procès. Pour 15 jours d’audience, cela équivaut à près de 10 000 $ par jour ou, à raison de 5,5 heures par jour, à environ 1 800 $ de l’heure. Sans que le moindre renseignement sur les honoraires des experts ait été fourni, et même si un certain temps de préparation est pris en compte, une telle somme est nettement excessive.
[46] Sur les 145 000 $ réclamés, Pattison a demandé 30 000 $ pour deux experts dont elle a retenu les services afin de traiter de la question liée à l’article 53. Aucune somme à titre de cautionnement ne devrait être accordée. Je suis enclin à accorder la somme de 30 000 $ à titre de cautionnement pour l’appui dont Pattison pourrait avoir besoin de la part de son expert principal. Cette somme comprend les taxes applicables.
[47] T‑Rex a demandé que, s’il est ordonné de consigner une somme additionnelle à titre de cautionnement, le cautionnement soit déposé conformément à l’article 418 des Règles, au plus tôt 30 jours avant la reprise du procès. Comme il a été décidé que le procès reprendra le 24 octobre 2022, la somme requise devra être consignée à la Cour (ou une lettre de crédit irrévocable du montant total de 115 000 $, plus les taxes applicables, et 30 000 $ devront être déposés) au plus tard le 23 septembre 2022.
[48] Compte tenu des circonstances, y compris le fait que les deux parties obtiennent gain de cause, aucuns dépens ne seront adjugés relativement à la présente requête.
ORDONNANCE dans le dossier T‑1066‑17
LA COUR ORDONNE :
La requête des défenderesses (demanderesses reconventionnelles) visant l’augmentation du cautionnement pour dépens est en partie accueillie;
La demanderesse (défenderesse reconventionnelle) doit consigner à la Cour une somme totale additionnelle à titre de cautionnement pour les dépens des défenderesses (demanderesses reconventionnelles) de 115 000 $, plus les taxes applicables, pour les honoraires d’avocats et de 30 000 $ pour les débours relatifs aux experts;
La demanderesse (défenderesse reconventionnelle) peut satisfaire à son obligation de fournir une somme additionnelle à titre de cautionnement pour débours en la consignant à la Cour, ou en déposant une lettre de crédit irrévocable du montant total de 115 000 $, plus les taxes applicables, et 30 000 $ d’une institution financière reconnue, ou d’une autre manière qui satisfait les défenderesses (demanderesses reconventionnelles). La somme doit être consignée à la Cour au plus tard le 23 septembre 2022;
Si la demanderesse (défenderesse reconventionnelle) ne dépose pas le cautionnement pour les dépens des défenderesses (demanderesses reconventionnelles) conformément à la présente ordonnance, les défenderesses (demanderesses reconventionnelles) pourraient obtenir le rejet de la présente action par voie de requête;
Aucuns dépens ne seront adjugés relativement à la présente requête.
« Yvan Roy »
Juge
Traduction certifiée conforme
M. Deslippes
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T‑1066‑17
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INTITULÉ :
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T‑REX PROPERTY AB c PATTISON OUTDOOR ADVERTISING LIMITED PARTNERSHIP, PATTISON OUTDOOR ADVERTISING LTD, JIM PATTISON INDUSTRIES LTD
et ONESTOP MEDIA GROUP INC
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 6 JUIN 2022
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ORDONNANCE ET MOTIFS
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LE JUGE ROY
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DATE DES MOTIFS :
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LE 8 JUILLET 2022
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COMPARUTIONS :
David Turgeon
Joanie Lapalme
Patricia Hénault
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POUR LA DEMANDERESSE (DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE)
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Peter Choe
Charlotte McDonald
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POUR LES DÉFENDERESSES (DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES)
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Montréal (Québec)
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POUR LA DEMANDERESSE (DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE)
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Gowling WLG (Canada) LLP
Toronto (Ontario)
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POUR LES DÉFENDERESSES (DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES)
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