Date : 20220623
Dossier : IMM‑6206‑21
Référence : 2022 CF 944
[TRADUCTION FRANÇAISE]
St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), le 23 juin 2022
En présence de madame la juge Heneghan
ENTRE :
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FAIZAN ALI MEER
alias FAIZAN ALI RASHID ALI MEER
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS ET ORDONNANCE
[1] Le 13 septembre 2021, monsieur Faizan Ali Meer, alias Faizan Ali Rashid Ali Meer (le demandeur), a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada d’annuler son statut de réfugié au sens de la Convention.
[2] Le demandeur a déposé son dossier de demande le 10 novembre 2021. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) a déposé son mémoire le 10 décembre 2021. Le demandeur a déposé sa réponse le 20 décembre 2021.
[3] Selon le répertoire des inscriptions enregistrées que tient la Cour, le dossier a été transmis à la Cour le 3 mars 2022 en vue d’un jugement.
[4] Le 29 mars 2022, la Cour d’appel fédérale a rendu un jugement dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Galindo Camayo, 2022 CAF 50.
[5] Le 30 mars 2022, l’avocat du demandeur a écrit à l’avocat du défendeur pour lui demander si cette récente décision de la Cour d’appel fédérale pouvait être ajoutée à la jurisprudence invoquée par le demandeur, étant donné qu’elle [TRADUCTION] « se rapporte directement à [leurs] arguments soulevés dans la demande de contrôle judiciaire »
.
[6] L’avocat du demandeur a aussi demandé si cette lettre informelle suffisait.
[7] L’avocat du défendeur a répondu par une lettre datée du 1er avril 2022, s’opposant à la demande de l’avocat du demandeur.
[8] Devant le refus de l’avocat du défendeur d’accepter cette demande informelle visant à ajouter la jurisprudence en question, l’avocat du demandeur a dû déposer une requête en bonne et due forme en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles).
[9] Le demandeur a déposé un avis de requête le 16 mai 2022. Le défendeur a produit son dossier de requête en réponse le 24 mai 2022.
[10] À l’appui de sa requête, le demandeur a déposé l’affidavit d’Anabell Sandoval Urquizo, adjointe juridique au cabinet d’avocats qui le représente en l’espèce. Les faits énoncés ci‑dessus sont tirés de cet affidavit, des observations écrites du défendeur et du répertoire des inscriptions enregistrées.
[11] Le défendeur a énoncé aux paragraphes 6 et 7 de son mémoire le fondement de son opposition à la requête du demandeur visant à déposer une décision actuelle et pertinente de la Cour d’appel fédérale. Ces paragraphes sont ainsi rédigés :
[TRADUCTION]
La décision que le demandeur cherche maintenant à inclure dans son dossier est datée du 29 mars 2022. La Cour d’appel a rendu cette décision plusieurs mois après la mise en état de la demande d’autorisation. Comme la décision n’existait pas au moment où le demandeur a déposé ses observations, il ne convient pas que celui‑ci cherche maintenant à inclure cette décision.
L’inclusion de nouvelle jurisprudence après la présentation de tous les documents est préjudiciable et injuste pour le défendeur, qui se voit privé de la possibilité d’y répondre à l’étape de l’autorisation. Le défendeur est privé de la possibilité de présenter des arguments sur les questions de savoir si la nouvelle jurisprudence s’applique aux faits de la décision dans l’appel, si le tribunal a commis une erreur susceptible de contrôle comme l’affirme le demandeur, et si la décision du tribunal continue de satisfaire au critère du caractère raisonnable malgré la publication de la nouvelle jurisprudence présentée.
[12] À mon avis, les objections du défendeur sont sans fondement.
[13] En premier lieu, « la common law s’applique toujours »
; voir les décisions dans R. c Amato, [1982] 2 RCS 418 au paragraphe 66 et Renova Holdings Ltd. v. Canadian Wheat Board (2006), 286 FTR 201 au paragraphe 33.
[14] En deuxième lieu, bien que le processus de contrôle judiciaire soit de nature contradictoire, il ne s’agit pas seulement de « marquer »
des points contre la partie adverse.
[15] En troisième lieu, la demande d’autorisation ne sera pas tranchée uniquement sur la base de la jurisprudence, mais sur la question de savoir si le demandeur, sur la base des faits et du droit, communique une argumentation défendable dans son mémoire.
[16] Le défendeur a adopté une position technique en présentant l’argument ci‑après au paragraphe 8 de ses observations dans le dossier de réponse :
[TRADUCTION]
La pratique consistant à inclure de la nouvelle jurisprudence lorsqu’une partie n’a pas eu l’occasion d’y répondre avant que les actes de procédure soient mis en état à l’étape de l’autorisation ne devrait pas être permise.
[17] La demande présentée par l’avocat du demandeur en l’espèce n’est pas le signe d’une « pratique consistant à inclure de la nouvelle jurisprudence »
.
[18] Si l’autorisation est accordée en l’espèce, les deux parties auront l’occasion de déposer d’autres mémoires d’arguments faisant état d’autres jurisprudences que celles mentionnées dans les mémoires initiaux.
[19] Après avoir examiné les observations des parties et la récente décision pertinente de la Cour d’appel fédérale, j’accueille la requête du demandeur dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire.
[20] À mon avis, cette requête était inutile. Je renvoie à l’article 3 des Règles, qui est ainsi libellé :
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[21] Je renvoie également à l’article 22 des Règles des Cours fédérales sur la citoyenneté, l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/93‑22, qui dispose ce qui suit :
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[22] À mon avis, le défendeur a adopté une position déraisonnablement agressive à l’égard de la demande du demandeur de déposer une jurisprudence récente et pertinente. La récente décision de la Cour d’appel fédérale pourrait bien aider à trancher équitablement la demande d’autorisation.
[23] La présentation d’une requête officielle a nécessité du temps et des efforts de la part du demandeur. Elle a exigé du temps au défendeur. Elle a exigé du temps à la Cour.
[24] La position du défendeur est contraire à l’esprit de l’article 3 des Règles.
[25] Dans ces circonstances, il y a lieu d’octroyer une indemnité symbolique.
[26] Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, j’adjuge des dépens de 250 $ au demandeur, payables immédiatement par le défendeur, quelle que soit l’issue de l’instance.
ORDONNANCE dans le dossier IMM‑6206‑21
LA COUR ORDONNE que la requête du demandeur est accueillie et que le dépôt de la décision dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Galindo Camayo, 2022 CAF 50 est autorisé.
Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire et pour les motifs exposés ci‑dessus, j’adjuge des dépens de 250 $ au demandeur, payables immédiatement par le défendeur, quelle que soit l’issue de l’instance.
« E. Heneghan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM‑6206‑21
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INTITULÉ :
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FAIZAN ALI MEER ABDI ALI HASSAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À ST. JOHN’S (TERRE‑NEUVE‑ET‑LABRADOR) AU TITRE DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES
MOTIFS ET ORDONNANCE :
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LA JUGE HENEGHAN
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DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :
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LE 23 JUIN 2022
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OBSERVATIONS ÉCRITES :
Bjorn Harsanyi
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POUR LE DEMANDEUR
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Galina Bining
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Stewart Sharma Harsanyi
Avocats
Calgary (Alberta)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Edmonton (Alberta)
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POUR LE DÉFENDEUR
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