Dossier : T-655-21
Référence : 2022 CF 1068
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 19 juillet 2022
En présence de madame la juge Aylen
ENTRE :
|
RONALD HENDRIKX
|
demandeur
|
et
|
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
|
défendeur
|
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] La Cour est saisie d’un recours en révision exercé en vertu de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A-1 (la LAI). Le demandeur, qui agit pour son propre compte, exerce un recours en révision d’un compte rendu du Commissariat à l’information du Canada [le CI], daté du 16 mars 2021, dans lequel il a été conclu que sa plainte n’était pas fondée. Dans sa plainte au CI, il a allégué que l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] n’avait pas fait des recherches raisonnables au regard de la LAI en réponse à sa demande d’accès à un enregistrement vidéo d’une fouille secondaire à laquelle il avait été soumis à l’aéroport international de Vancouver le 1er août 2020. L’ASFC et le CI sont arrivés à la même conclusion, soit que l’ASFC avait écrasé la vidéo demandée avant que le demandeur ne fasse la demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels [la demande d’AIPRP], et que la vidéo n’existait donc plus. Dans son avis de recours, le demandeur sollicite une ordonnance de communication de la vidéo. Cependant, dans son exposé des faits et du droit, ce sont différentes réparations qu’il sollicite, à savoir : a) une conclusion selon laquelle sa plainte au CI était fondée; b) une conclusion selon laquelle des infractions au paragraphe 67.1(1) de la LAI ont été commises; c) le renvoi de cette affaire directement au procureur général du Canada; d) toute autre ordonnance ou réparation que la Cour estime indiquée.
[2] Pour les motifs qui suivent, le demandeur sera débouté de son recours.
I.
Contexte
[3] Le 5 août 2020, le demandeur a déposé une plainte au sujet de la perte de son portefeuille constatée après une fouille secondaire de l’ASFC à l’aéroport international de Vancouver, et il a demandé à obtenir l’enregistrement de vidéosurveillance de cette fouille effectuée le 1er août 2020.
[4] Le 29 août et le 4 septembre 2020, le demandeur s’est entretenu avec le surintendant Dhillon de l’ASFC, le responsable de l’enquête sur sa plainte, qui a invité le demandeur à faire une demande d’AIPRP pour obtenir la vidéo.
[5] Le 7 octobre 2020, le demandeur a reçu une lettre non datée en réponse à sa plainte de la part du chef des opérations de la région du Pacifique. Voici un extrait de la lettre :
[traduction]
[…] Je peux vous assurer qu’une enquête a été menée pour savoir si le portefeuille perdu avait été examiné ou s’il pourrait avoir été égaré dans la zone des inspections secondaires. Selon mes informations, le surintendant Dhillon vous a parlé à ce sujet. J’ai le regret de vous informer que, malheureusement, dans ce cas, nous n’avons pas été en mesure de confirmer au moyen des séquences vidéo qu’un gros portefeuille noir se trouvait effectivement sur les lieux durant l’examen. Par ailleurs, l’ASF [l’agent des services frontaliers] qui a examiné vos articles affirme qu’il n’a pas examiné de portefeuille et que vous avez eu la consigne de ranger vous-même tous vos effets personnels. De plus, lui et d’autres agents ont fait tout leur possible pour retrouver le portefeuille dans l’aire d’examen après avoir été informés du problème.
Après examen, les hauts fonctionnaires ont conclu que les agents qui ont participé à votre examen avaient suivi les procédures et les lignes directrices établies. Cependant, je regrette que l’article que vous avez perdu n’ait pas été retrouvé […]
Je prends note que vous demandez les séquences vidéo de l’examen secondaire et, selon mes informations, le surintendant Dhillon vous a déjà indiqué comment faire une demande de renseignements personnels détenus par l’ASFC […] Pour faire une demande d’accès à l’information, veuillez consulter le site Web du gouvernement du Canada à l’adresse suivante […]
[6] Le 26 octobre 2020, le demandeur a présenté une demande d’AIPRP visant [traduction] « tous les enregistrements de vidéosurveillance d’une fouille effectuée le 1er août 2020 à l’aéroport international de Vancouver »
.
[7] Le 9 novembre 2020, l’ASFC a avisé le demandeur par lettre que la vidéo [traduction] « n’exist[ait] pas »
. Cette lettre comportait aussi le passage suivant :
[traduction]
Une recherche de la vidéo que vous voulez obtenir a été effectuée, mais, malheureusement, la vidéo n’a pas été trouvée. Nos séquences vidéo sont continuellement écrasées 30 à 60 jours après leur création, selon le point d’entrée.
[8] Le 16 novembre 2020, le demandeur a déposé une plainte au CI au sujet de la réponse de l’ASFC à sa demande d’AIPRP. Dans sa plainte, le demandeur a allégué que l’ASFC n’avait pas raisonnablement recherché les enregistrements visés dans sa demande. Dans un compte rendu daté du 16 mars 2021, le CI a conclu que l’ASFC avait confié la demande au secteur de programme le plus approprié et qu’elle avait effectué la recherche dans le fonds de renseignements pertinent. Le CI a souligné que la vidéo demandée n’avait pu être trouvée et que l’ASCF l’avait écrasée avant que le demandeur fasse sa demande d’accès. Il a également dit avoir confirmé que la vidéo avait été écrasée conformément à la politique de conservation de l’ASFC. Le CI était convaincu que l’ASFC avait effectué une recherche raisonnable des enregistrements et, par conséquent, il a conclu que la plainte du demandeur n’était pas fondée.
[9] Le 16 avril 2021, le demandeur a exercé le présent recours en vertu de l’article 41 de la LAI. Peu après avoir reçu un avis de recours, le procureur général du Canada a avisé le demandeur que le ministre de la Sécurité publique, et non pas le CI, était le défendeur approprié. Comme les parties ne sont pas parvenues à s’entendre sur cette question, le ministre de la Sécurité publique a fait valoir son droit de comparaître en tant que partie au recours en vertu du paragraphe 41.2(1) de la LAI, et il a signifié et déposé un avis de comparution.
II.
La question préliminaire
[10] À titre de question préliminaire, et comme je l’ai mentionné ci-dessus, le ministre de la Sécurité publique affirme qu’en l’espèce, c’est lui, et non le CI, qui est le défendeur approprié. Le demandeur maintient que le CI est le défendeur approprié, notamment en raison de la réparation qu’il demande en vertu du paragraphe 67.1(1) de la LAI, mais il ne cite aucun précédent à l’appui de sa position.
[11] Le paragraphe 41(5) de la LAI prévoit ce qui suit :
|
|
[12] Ainsi, suivant le paragraphe 41(5) de la LAI, seul le responsable de l’institution fédérale concernée (en l’espèce, le ministre de la Sécurité publique) peut être désigné défendeur.
[13] Le CI n’est pas le défendeur approprié en raison de la nature d’un recours exercé en vertu de l’article 41. Cette disposition ne permet pas au demandeur d’exercer un recours relativement à l’enquête du CI, ni à la Cour de procéder à la révision de quelque recommandation du CI que ce soit. La Cour se penche plutôt sur la décision par laquelle l’institution fédérale a refusé l’accès aux documents [voir Canada (Procureur général) c Bellemare, [2000] ACF no 2077, aux para 11-13].
[14] Par conséquent, l’intitulé sera modifié, avec effet immédiat, de façon à ce que le ministre de la Sécurité publique soit le seul défendeur désigné en l’espèce.
III.
La question qui demeure en litige
[15] Dans son avis de recours et son exposé des faits et du droit, le demandeur sollicite des réparations liées à l’enquête et aux recommandations du CI; toutefois, il n’a pas soumis à la Cour une liste expresse de questions à trancher. Toutefois, comme je l’ai mentionné plus haut, l’article 41 de la LAI n’accorde pas compétence à la Cour pour procéder à la révision des conclusions et des recommandations du CI [voir Bellemare, précité, au para 13].
[16] Le défendeur affirme que les questions à trancher en l’espèce sont celles de savoir : a) si l’ASFC était autorisée à refuser de communiquer l’enregistrement demandé, étant donné qu’il n’existait pas; b) si la Cour peut accorder les réparations que le demandeur a sollicitées dans son mémoire.
[17] Après avoir examiné les observations des parties, je suis convaincue que la seule question à trancher est celle de savoir s’il y a des motifs d’accorder les diverses formes de réparation que sollicite le demandeur.
[18] En ce qui concerne la question que soulève le présent recours, je souligne que l’article 44.1 de la LAI prévoit que les recours exercés en vertu de l’article 41 sont « entendus et jugés comme une nouvelle affaire »
. Par conséquent, la présomption générale selon laquelle la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable ne s’applique pas [voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 32-35; Kimery c Canada (Justice), 2022 CF 829 au para 17]. Il ne s’agit pas d’un cas où le ministre a exercé un pouvoir discrétionnaire en vertu de la LAI et où, par conséquent, la déférence et une révision selon la norme de la décision raisonnable s’imposent [voir Lambert c Canada (Patrimoine canadien), 2022 CF 553 au para 7; Canada (Commissariat à l’information) c Canada (Premier ministre), 2019 CAF 95 au para 31].
IV.
Analyse
[19] Dans l’examen des réparations que sollicite le demandeur, il est essentiel de garder à l’esprit le rôle que joue la Cour dans le cadre d’un recours exercé en vertu de l’article 41. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale au paragraphe 36 de l’arrêt Blank c Canada (Justice), 2016 CAF 189 :
Répétons-le, en vertu de la Loi, le rôle principal de surveillance appartient au commissaire. Le rôle de la Cour fédérale est étroitement circonscrit : l’article 41, s’il est interprété à la lumière des articles 48 et 49, limite le pouvoir de la Cour fédérale en matière de révision à ordonner la communication de dossiers précis lorsqu’elle a été refusée en contravention à la Loi. À moins que le législateur ne change la loi, il n’appartient pas à la Cour d’ordonner et de superviser la collecte des dossiers détenus par l’administrateur d’une institution publique ou d’examiner la façon dont les institutions publiques répondent aux demandes d’accès, à l’exception peut-être des circonstances les plus flagrantes de mauvaise foi. Le dossier confidentiel dont je dispose ne me donne pas de motifs raisonnables de conclure à une tentative de compromettre l’intégrité des dossiers […]
[20] L’alinéa 10(1)a) de la LAI autorise une institution fédérale à refuser de communiquer un document qui n’existe pas. À l’appui de son affirmation selon laquelle la vidéo n’existait plus, le défendeur a déposé l’affidavit de Béatrice Lanoix, souscrit le 18 janvier 2022. Mme Lanoix est la directrice adjointe intérimaire de la division de l’AIPRP de la direction générale de la politique stratégique à l’ASFC. Voici un extrait de son témoignage :
[traduction]
3. Le 26 octobre 2022, l’ASFC a reçu une demande d’accès à l’information de la part du demandeur (A-2020-16673). Ce dernier a demandé tous les enregistrements de vidéosurveillance d’une fouille à laquelle il avait été soumis le 1er août 2020 à l’aéroport international de Vancouver. Une copie de la demande reçue par l’ASCF est jointe aux présentes en tant que pièce A.
4. En réponse à la demande, le 29 octobre 2020, la division de l’AIPRP de l’ASFC a communiqué avec l’agent de liaison de l’AIPRP de la région du Pacifique pour qu’elle soit traitée. La division de l’AIPRP de l’ASFC a demandé à la région du Pacifique de rechercher l’enregistrement de surveillance vidéo, car l’aéroport international de Vancouver se trouve dans cette région. Ensuite, l’AIPRP de la région du Pacifique a demandé à l’aéroport international de Vancouver d’effectuer la recherche de l’enregistrement. Les enregistrements de vidéosurveillance de l’aéroport sont stockés sur place. Il était donc approprié que cette division soit chargée de la recherche.
5. Le 5 novembre 2020, l’AIPRP de la région du Pacifique a répondu à la division de l’AIPRP de l’ASFC qu’aucun des enregistrements visés n’avait été trouvé. Une recherche avait été effectuée, mais, en raison du délai, les enregistrements de cette date avaient été écrasés. Il n’y a pas de copie de sauvegarde ou d’archives des enregistrements vidéo. Une copie du courriel dans lequel l’agent de liaison de l’AIPRP de la région du Pacifique a répondu qu’il n’y avait « aucun résultat » ainsi que les documents à l’appui sont joints aux présentes en tant que pièce B.
[…]
9. La Politique de l’ASFC sur l’utilisation ouverte de la technologie de surveillance et d’enregistrement audiovisuel [la politique sur l’audiovisuel] prévoit que les enregistrements de surveillance audiovisuelle sont conservés pendant au moins 30 jours. Conformément à cette politique, les enregistrements de vidéosurveillance de l’ASFC sont automatiquement écrasés après de 30 à 60 jours, selon le lieu. Une copie de cette politique est jointe aux présentes en tant que pièce E.
10. En préparant le présent affidavit, j’ai communiqué avec la région du Pacifique et j’ai examiné les documents pertinents qui sont au dossier. Mon examen du dossier a révélé que la bande avait été écrasée et que, par inadvertance administrative, aucune copie n’avait été faite.
11. Le 5 août 2020, le demandeur a déposé une plainte au sujet d’un portefeuille manquant après une inspection secondaire que l’ASFC avait effectuée le 1er août 2021 à l’aéroport international de Vancouver. Le 6 août 2020, le surintendant Sanjit Dhillon, qui travaille à l’aéroport international de Vancouver, a été chargé d’examiner la plainte du demandeur. Toutefois, le surintendant Gurpreet Hara, qui était en service ce jour-là et qui a de l’expérience dans l’utilisation du logiciel de surveillance, a été chargé d’extraire l’enregistrement en question. J’ai parlé au surintendant Hara, qui m’a informée qu’il avait trouvé la vidéo en question et qu’il l’avait visionnée pour répondre à la plainte. Il n’a pas sauvegardé la vidéo en question. Le surintendant Hara m’a informée qu’il avait indiqué les estampilles temporelles de la recherche en question au surintendant Dhillon et qu’il avait pensé que le surintendant Dhillon sauvegarderait l’enregistrement.
12. Le surintendant Dhillon a ensuite dû prendre un congé imprévu du 7 au 25 août 2020. J’ai parlé au surintendant Dhillon, qui savait que le surintendant Hara avait examiné l’enregistrement de vidéosurveillance. Le surintendant Dhillon pensait que le surintendant Hara avait sauvegardé la vidéo. Au retour de son congé, en septembre, le surintendant Dhillon a constaté que la vidéo n’avait pas été sauvegardée, et il n’a pas pu récupérer les séquences parce que le système les écrase après 30 jours.
13. J’ai également parlé à la chef Nicole Goodman, qui a signé la réponse à la plainte du demandeur. Elle a confirmé qu’elle n’avait jamais eu de copie de la vidéo et que la vidéo n’existait plus.
[21] Je comprends que le demandeur ait été frustré que l’ASFC n’ait pas conservé la vidéo après qu’il eut déposé sa plainte. En outre, d’après la preuve dont je dispose, il semblerait que, malgré les demandes répétées de précisions au sujet de la recherche de la vidéo et des raisons pour lesquelles on ne l’a pas trouvée (dont je ne donne pas les détails dans les présents motifs), la première explication qui a permis de mieux comprendre la conduite de l’ASFC à l’égard de la demande d’accès à la vidéo du demandeur n’a été fournie que dans l’affidavit de Mme Lanoix.
[22] Toutefois, je suis convaincue que la preuve soumise à la Cour démontre clairement qu’au moment où le demandeur a déposé sa demande d’AIPRP (ce qui est en cause dans la présente instance), la vidéo n’existait plus et qu’il ne pouvait donc être ordonné qu’elle soit communiquée. En conséquence, je conclus que l’ASFC a, de façon appropriée, refusé de communiquer la vidéo en conformité avec l’alinéa 10(1)a) de la LAI.
[23] En raison de l’explication fournie dans l’affidavit de Mme Lanoix, le demandeur a changé d’approche dans le cadre du présent recours, autant pour ce qui est des motifs de révision qu’à l’égard des réparations demandées. Plutôt que de solliciter une ordonnance de communication d’une copie de la vidéo, il affirme maintenant que l’ASFC a contrevenu à sa propre politique de conservation des documents et qu’elle n’a pas traité son dossier de bonne foi. Le demandeur affirme que le surintendant avait la responsabilité de transférer l’enregistrement et de protéger la preuve dès que sa plainte a été déposée, le 5 août 2022, et encore plus après leur première conversation, car il avait explicitement mentionné qu’il demandait l’accès à la vidéo. Il affirme que, de plus, le surintendant aurait dû savoir que l’enregistrement original à l’aéroport international de Vancouver avait été détruit ou qu’il le serait sous peu lors de leur conversation, le 4 septembre 2020, puisque la politique prévoit que les enregistrements de routine sont conservés pendant au moins 30 jours après leur date de création. Selon le demandeur, l’affirmation du surintendant à propos de la demande d’AIPRP en ligne visait à l’induire en erreur, puisque le surintendant n’avait pas l’intention de transférer l’enregistrement dans un dispositif de stockage permanent. Le demandeur affirme que la conduite du surintendant contrevient à la fois à la politique de conservation des documents de l’ASFC, à l’alinéa 67.1(1)a) de la LAI et au Code criminel, car ce dernier a détruit un élément de preuve susceptible d’être utilisé dans le cadre d’une instance judiciaire.
[24] Le demandeur affirme également que le chef et directeur général de l’enquête supervise les réponses procédurales et veille au respect des délais relatifs à ces réponses, reçoit de l’information et oriente l’enquête. Il affirme que le chef et directeur général de l’enquête a la responsabilité de s’assurer que la politique de conservation des documents de l’ASCF est appliquée et que la preuve vidéo de l’enquête est protégée au cas où elle serait requise dans le cadre d’une procédure. Il affirme que le chef et directeur général de l’enquête a commis un acte de négligence en ne supervisant pas adéquatement l’enquête et en ne veillant pas à ce que la vidéo soit protégée immédiatement après le dépôt de la plainte. De plus, il allègue que la consigne de faire une demande d’AIPRP en ligne ne lui a pas été donnée de bonne foi et qu’elle était trompeuse, car le chef des opérations savait que la vidéo avait déjà été détruite. Le demandeur affirme que le chef et directeur général de l’enquête avait participé à un [traduction] « camouflage »
.
[25] En outre, le demandeur affirme que :
[traduction]
Béatrice Lanoix savait que la vidéo du système de vidéosurveillance était un document protégé.
Alors :
Béatrice Lanoix a remplacé des recherches de documents protégés par des recherches de documents temporaires qui ne donnent « AUCUN RÉSULTAT », et elle a dit que c’était la politique de conservation des documents de l’ASFC.
98. Le demandeur soutient qu’il s’agit d’une infraction à l’alinéa 67.1(1)b), parce qu’elle a falsifié un document en le remplaçant frauduleusement par autre chose. L’objectif est de tromper les gens à leur détriment. Le demandeur prétend qu’il s’agit également d’un acte frauduleux.
95. Le demandeur soutient que Béatrice Lanoix a agi de la sorte avec l’aide du personnel de son bureau, de l’agent de liaison de l’AIPRP de la région du Pacifique et probablement d’autres agents de liaison de l’ASFC. Lorsque l’agent de liaison reçoit une demande qui doit être bloquée, il l’envoie à l’administration aéroportuaire pour qu’elle soit traitée et s’assurer qu’il n’y ait aucun résultat. Il s’agit d’une activité hautement illégale et d’une arnaque. Béatrice Lanoix est le pivot d’une opération qui consiste à camoufler, par des actes frauduleux, des activités illégales ou criminelles, voire à la fois illégales et criminelles, qui sont menées au sein de l’ASFC.
[26] Le demandeur soutient qu’il a été victime d’un vol lors d’une fouille secondaire et d’une dissimulation de documents destinée à entraver l’enquête sur sa plainte.
[27] Dans son avis de recours, aucune des allégations mentionnées ci-dessus n’est détaillée, et il n’y a aucune demande de réparation, sauf celle que lui soit communiquée la vidéo. L’article 301 des Règles des Cours fédérales exige qu’un tel avis contienne un énoncé précis de la réparation demandée ainsi qu’un énoncé complet et concis des motifs invoqués. L’objectif est de garantir que le défendeur a la possibilité d’y répondre en produisant une preuve et en présentant des observations écrites. Après la remise de l’affidavit de Mme Lanoix, le demandeur n’a pas obtenu l’autorisation de modifier son avis de recours en vue de tenter d’obtenir les réparations supplémentaires visées en l’espèce et de préciser les motifs de révision liés à ces réparations, ce qui empêche la Cour de les examiner [voir Cumming c Canada (Gendarmerie royale du Canada), 2020 CF 271 au para 26; SC Prodal 94 SRL c Spirits International BV, 2009 CAF 88 aux para 11-15; Frezza c Canada (Défense nationale), 2014 CF 32 aux para 54-55]. Pour ce seul motif, la Cour n’est pas fondée à examiner les nouvelles allégations du demandeur et les réparations supplémentaires qu’il réclame.
[28] En tout état de cause, je conclus qu’il n’y a pas de preuve à l’appui d’une conclusion selon laquelle l’ASCF a agi de mauvaise foi, a commis une fraude ou s’est autrement livrée à une conduite inacceptable, et, faute d’une telle conclusion, la Cour ne peut examiner la façon dont l’ASFC a répondu à la demande d’AIPRP. Les diverses allégations du demandeur selon lesquelles de nombreux représentants de l’ASCF se sont livrés à une conduite inappropriée dans le traitement de sa demande d’AIPRP sont entièrement conjecturales, et elles ne sont étayées par aucun des éléments de preuve dont dispose la Cour.
[29] Qui plus est, aucune des nouvelles réparations demandées dans le cadre du présent recours ne peut être accordée au demandeur. En ce qui concerne sa demande en vue que je tire la conclusion selon laquelle sa plainte au CI était fondée, comme je l’ai mentionné plus haut, la Cour saisie d’un recours exercé en vertu de l’article 41 n’a pas compétence pour examiner les conclusions du CI concernant la plainte du demandeur. À l’audience, le demandeur a tenté de faire valoir que la Cour avait compétence pour examiner les questions d’équité procédurale liées à l’enquête du CI, mais il a uniquement exercé un recours en vertu de l’article 41, et non pas présenté une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. De ce fait, la Cour n’a pas compétence pour examiner les allégations de manquement à l’équité procédurale [voir Oleinik c Canada (Commissaire à la protection de la vie privée), 2011 CF 1266]. En tout état de cause, le demandeur a omis de plaider dans son avis de recours ou dans son exposé des faits et du droit bon nombre des lacunes en matière d’équité procédurale qu’il a invoquées à l’audience.
[30] En ce qui concerne sa demande en vue que je tire la conclusion selon laquelle des infractions au paragraphe 67.1(1) de la LAI ont été commises, je précise que ce paragraphe prévoit que nul ne peut, dans l’intention d’entraver le droit d’accès prévu par la présente partie : a) détruire, tronquer ou modifier un document; b) falsifier un document ou faire un faux document; c) cacher un document; d) ordonner, proposer, conseiller ou amener de n’importe quelle façon une autre personne à commettre un acte visé à l’un des alinéas a) à c). Suivant le paragraphe 67.1(2), quiconque contrevient au paragraphe 67.1(1) est coupable d’un acte criminel ou d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. La Cour saisie d’un recours exercé en vertu de l’article 41 ne peut pas tirer de conclusion à l’égard de telles infractions. En outre, je ne vois pas comment la Cour pourrait avoir compétence pour tirer une telle conclusion.
[31] En ce qui concerne sa demande que l’affaire soit directement renvoyée au procureur général du Canada, je reproduis ci-dessous ce que prévoit le paragraphe 63(2) de la LAI :
|
|
[32] Le paragraphe 63(2) de la LAI confère un pouvoir uniquement au Commissaire à l’information, et non pas à la Cour. Par ailleurs, bien que l’article 49 lui confère le pouvoir général de « rend[re] une autre ordonnance si elle l’estime indiqué »
, la Cour ne peut faire une telle chose que si elle conclut que le chef de l’institution fédérale n’est pas autorisé à refuser de communiquer le document en cause [voir Lambert, précité, au para 60]. En l’espèce, une telle conclusion n’a pas été tirée.
[33] En conséquence, je ne suis pas convaincue qu’il existe ne serait-ce qu’un motif d’accorder les réparations que sollicite le demandeur. La demande sera donc rejetée.
V.
Dépens
[34] Comme le défendeur ne sollicite pas les dépens afférents au présent recours, aucuns dépens ne seront adjugés.
JUGEMENT dans le dossier T-655-21
LA COUR STATUE que :
L’intitulé est par les présentes modifié, avec effet immédiat, de façon à remplacer le Commissariat à l’information par le ministre de la Sécurité publique à titre de défendeur désigné;
Le recours est rejeté;
Chaque partie assumera ses propres frais afférents au présent recours.
« Mandy Aylen »
Juge
Traduction certifiée conforme
N. Belhumeur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T-655-21
|
INTITULÉ :
|
RONALD HENDRIKX c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
VIDÉOCONFÉRENCE
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 18 JUILLET 2022
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LA JUGE AYLEN
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 19 JUILLET 2022
|
COMPARUTIONS :
Ronald Hendrikx
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Meg Jones
|
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
|
POUR LE DÉFENDEUR
|