Date : 20220719
Dossier : IMM-522-21
Référence : 2022 CF 1065
Ottawa (Ontario), le 19 juillet 2022
En présence de madame la juge Kane
ENTRE :
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EJAZ GEORGE
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RUBINA GEORGE
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Les demandeurs, M. Ejaz George et Mme Rubina George, sollicitent le contrôle judiciaire de la décision rendue le 5 janvier 2021 par la Section d’appel des réfugiés [la SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR]. La SAR a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi leur identité en tant que citoyens du Pakistan et qu’ils n’étaient donc ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi].
[2] Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée. Les demandeurs n’ont pas démontré que la décision de la SAR était entachée d’une erreur susceptible de contrôle; la décision était suffisamment transparente, justifiée par la preuve au dossier et par le droit et intelligible.
I.
Le contexte
[3] Les demandeurs déclarent être frère et sœur. Ils demandent l’asile au motif qu’ils sont victimes de persécution en tant que chrétiens au Pakistan.
[4] En avril 2016, les demandeurs ont tous deux obtenu un visa de résident temporaire pour assister aux funérailles d’un neveu. M. George est arrivé au Canada le 29 avril 2016 et a présenté sa demande d’asile le 18 novembre 2016. Mme George est arrivée le 8 mai 2016 et a présenté sa demande d’asile le 19 octobre 2016.
A.
L’historique des procédures
[5] À l’origine, chaque demandeur a présenté une demande d’asile distincte. Les demandes ont été jointes à la demande du ministre, conformément au paragraphe 55(1) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256 [les Règles de la SPR], qui prévoit la jonction des demandes des membres d’une même famille. Les demandes ont ensuite été séparées à la demande de Mme George, qui a allégué l’existence d’un conflit familial entre son frère et elle.
[6] La demande de M. George a d’abord été entendue par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la CISR. La SPR lui a accordé l’asile à l’audience le 30 novembre 2017. Sa demande a été rouverte en mars 2018 au motif que le ministre n’avait été informé ni de l’audience ni de la séparation des demandes des demandeurs.
[7] À l’audition de la demande de Mme George en mai 2018, la SPR a fait remarquer que cette dernière n’avait pas été franche en affirmant qu’elle et M. George avaient vécu à la même adresse au Canada. Le ministre a présenté une demande de jonction des demandes des deux membres de la famille. La SPR a ordonné la jonction des demandes le 7 mai 2018.
[8] En raison d’autres complications procédurales impliquant des allégations de lacune dans l’interprétation à l’audience devant la SPR, une nouvelle audience a été ordonnée et les demandes de M. et Mme George ont été entendues par la SPR le 29 janvier 2019 et le 28 mai 2019.
B.
La décision de la SPR
[9] La SPR a rendu sa décision le 8 août 2019 et a rejeté les demandes d’asile des demandeurs au motif qu’ils n’avaient pas établi leur identité.
[10] La SPR a fait remarquer que les demandeurs avaient fourni ce qui semblait être de véritables passeports délivrés par le gouvernement du Pakistan. Cependant, les passeports, ainsi que les autres documents d’identité, indiquent que M. George est né le 25 août 1970 et que Mme George – sa sœur – est née le 14 janvier 1971. La SPR a souligné qu’il est [traduction] « intrinsèquement improbable »
que les demandeurs – qui allèguent être frère et sœur biologiques nés de la même mère et du même père dans leur témoignage et leurs documents – aient pu naître à moins de cinq mois d’intervalle.
[11] La SPR a pris note de l’explication des demandeurs selon laquelle il s’agissait des dates de naissance que leurs parents leur avaient fournies et qu’ils avaient utilisées leur vie entière. La SPR a jugé invraisemblable que les demandeurs ne se soient pas renseignés sur l’exactitude de ces dates de naissance et ne les aient pas fait corriger. La SPR a conclu que le témoignage des demandeurs concernant leurs dates de naissance n’était pas crédible.
[12] La SPR a également indiqué que plusieurs autres documents d’identité corroborants ont été obtenus par des tiers au Pakistan après l’arrivée des demandeurs au Canada ou ont été obtenus de manière irrégulière. Par exemple, la SPR a pris acte du témoignage des demandeurs selon lequel leur carte d’identité nationale et leur passeport ont été délivrés sur la base d’une photocopie des documents d’identité de leurs parents et non sur la base de leurs propres documents d’identité. La SPR a également pris acte du témoignage de M. George selon lequel il avait obtenu un certificat de baptême en 2016 afin d’obtenir un certificat de famille; cependant, son certificat de famille a été délivré deux ans plus tard et a été recueilli par quelqu’un d’autre que M. George selon les renseignements figurant dans les bases de données gouvernementales. La SPR a également fait remarquer que Mme George avait fourni des certificats de résidence et de domicile qui indiquaient le nom de son beau-père comme mari, ce qu’elle n’a pas réussi à expliquer raisonnablement.
[13] La SPR a conclu que dans l’ensemble, les explications des demandeurs concernant les problèmes liés à leurs documents d’identité étaient vagues, contradictoires et changeantes.
[14] La SPR a conclu que les dates de naissance des demandeurs ne pouvaient pas être exactes, peu importe que les documents d’identité soient frauduleux ou simplement obtenus de manière irrégulière sur la base de renseignements erronés; la SPR a fait remarquer que les deux types de documents sont facilement accessibles au Pakistan. La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi leur identité à l’aide d’éléments de preuve crédibles et fiables et a rejeté leur demande d’asile sans autre analyse.
II.
La décision de la SAR faisant l’objet du contrôle
[15] Dans le cadre de leur appel devant la SAR, les demandeurs ont présenté des lettres et des affidavits après le dépôt de leur dossier en vue d’expliquer brièvement que les problèmes liés à leurs dates de naissance découlaient, selon eux, d’une erreur technique.
[16] La SAR a conclu que ces éléments de preuve ne répondaient pas aux exigences législatives en matière de nouveaux éléments de preuve, car ils étaient normalement accessibles avant la décision de la SPR. La SAR a également fait remarquer que les demandeurs, en présentant ces éléments de preuve, tentaient de combler les lacunes de leur témoignage devant la SPR. Par conséquent, la SAR n’en a pas tenu compte. Les demandeurs n’ont pas contesté cette conclusion.
[17] La SAR a ensuite examiné l’allégation des demandeurs visant la conclusion de la SPR sur le manque de franchise de Mme George lors de son audience initiale sur la question de sa première adresse de résidence au Canada (à savoir si elle vivait avec son frère, le demandeur principal, ou avec son cousin). Les demandeurs faisaient valoir que cette conclusion avait entaché la partialité de la SPR au moment d’analyser leur témoignage dans le cadre de leurs demandes jointes subséquemment. La SAR a rejeté cette affirmation, car elle n’a trouvé aucune preuve d’une crainte raisonnable de partialité de la part de la SPR. La SAR a également fait remarquer que l’avocat des demandeurs avait eu l’occasion de soulever des questions de procédure visant la partialité devant la SPR, mais qu’il ne l’avait pas fait.
[18] En ce qui concerne la question de l’identité, la SAR a souscrit à la conclusion de la SPR qu’il n’était pas possible que les demandeurs soient frère et sœur biologiques compte tenu des dates de naissance qu’ils ont déclarées et qui étaient indiquées sur leurs documents. La SAR a confirmé qu’ils n’avaient pas fourni d’explication raisonnable. Elle a rejeté les arguments des demandeurs selon lesquels la SPR n’avait pas tenu compte de leurs explications ni du fait que la tenue des dossiers au Pakistan ne devrait pas être soumise aux mêmes normes qu’au Canada. La SAR a fait remarquer que les demandeurs n’avaient pas avancé cet argument et que c’était plutôt leur avocat qui avait plaidé la tenue de dossiers inadéquate sans aucune preuve à l’appui. La SAR a souligné que les demandeurs avaient toujours affirmé que leurs dates de naissance étaient exactes.
[19] La SAR a confirmé les conclusions de la SPR concernant les autres documents d’identité obtenus par des tiers. La SAR a souligné que la preuve documentaire contenue dans le cartable national de documentation indique qu’une personne ne peut obtenir une carte d’identité nationale au Pakistan sans présenter ses propres documents d’identité. La SAR a souligné que l’explication des demandeurs concernant les documents qu’ils avaient présentés pour obtenir leurs passeports était également incompatible avec la preuve sur la documentation requise. Les demandeurs n’ont pas contesté les conclusions de la SPR concernant leurs certificats de famille et de résidence; néanmoins, la SAR avait les mêmes doutes que la SPR quant à la crédibilité et à la fiabilité de ces documents.
[20] La SAR a examiné l’argument des demandeurs selon lequel la SPR avait formulé des conclusions de crédibilité vagues, peu claires et inintelligibles concernant leur témoignage. La SAR a convenu que la SPR n’avait pas fourni d’exemples précis. Toutefois, la SAR a procédé à une appréciation indépendante de la preuve et a notamment examiné la transcription de l’audience devant la SPR. La SAR a également conclu que le témoignage des demandeurs sur une série de questions était contradictoire, vague et changeant et a donné plusieurs exemples précis.
[21] La SAR a rejeté l’argument des demandeurs selon lequel la SPR avait commis une erreur en ne renvoyant pas les passeports des demandeurs aux fins de vérification de l’authenticité. La SAR a fait remarquer qu’il incombe aux demandeurs d’asile de présenter des documents d’identité acceptables et que la SPR n’est pas tenue de les renvoyer aux fins d’analyse judiciaire.
[22] La SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en refusant d’évaluer davantage les demandes d’asile des demandeurs, étant donné que l’identité est une question préliminaire fondamentale.
III.
La question en litige et la norme de contrôle
[23] La question est celle de savoir si la décision de la SAR de rejeter les demandes d’asile des demandeurs au motif que ces derniers n’avaient pas établi leur identité était raisonnable.
[24] La décision de la SAR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16‑17, 25 [Vavilov]; voir également Terganus c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 903 au para 15; Behary c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 794 au para 7.
[25] Une décision raisonnable doit être « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti »
(Vavilov, aux para 85, 102, 105-107). Une décision ne devrait pas être infirmée à moins qu’elle ne souffre de « lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence »
(Vavilov, au para 100). Les tribunaux devraient généralement s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur, bien qu’ils puissent intervenir si le décideur s’est fondamentalement mépris sur la preuve ou qu’il n’en a pas tenu compte (Vavilov, aux para 125-126).
IV.
Les observations des demandeurs
[26] Dans leurs observations écrites, les demandeurs font valoir qu’ils ont peut-être été naïfs de croire que leurs dates de naissance étaient correctes, comme leur avaient dit leurs parents, mais que cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas réellement frère et sœur. Ils soutiennent également que cette naïveté n’exclut pas la possibilité que leurs dates de naissance résultent d’une tenue de dossiers inadéquate au Pakistan. Les demandeurs renvoient aux éléments de preuve documentaire décrivant des problèmes d’enregistrement des naissances au Pakistan, en particulier pour les enfants nés hors de l’hôpital, et d’inexactitudes sur les cartes d’identité nationales.
[27] Les demandeurs soutiennent qu’ils ont fourni de nombreux autres documents qui couvrent une longue période et qui corroborent leur identité de citoyens pakistanais, y compris des certificats délivrés par le gouvernement, des documents scolaires et des lettres de parents et de l’église des demandeurs. Les demandeurs soutiennent que la SAR a accordé une attention déraisonnable à l’invraisemblance de leurs dates de naissance compte tenu des nombreux éléments de preuve qui démontrent qu’ils sont citoyens du Pakistan. Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur en n’évaluant pas les autres documents et en ne tirant aucune conclusion précise quant à leur authenticité.
V.
Les observations du défendeur
[28] Le défendeur fait valoir qu’il est clairement établi en droit que la SPR n’a pas à analyser davantage la preuve et la demande si un demandeur d’asile ne parvient pas à établir son identité. Le défendeur fait remarquer que les conditions du pays ne peuvent à elles seules justifier l’octroi de l’asile lorsque les demandeurs n’ont présenté aucune preuve crédible (Sellan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CAF 381).
[29] Le défendeur soutient également que les doutes de la SAR concernant les documents d’identité et les dates de naissance improbables étaient raisonnables et bien expliqués.
[30] Enfin, le défendeur fait remarquer que la SAR a analysé et rejeté l’argument des demandeurs selon lequel il aurait fallu tenir compte de la tenue inadéquate des dossiers au Pakistan.
VI.
La décision est raisonnable
[31] Je souligne que les demandeurs n’ont présenté aucun affidavit dans le cadre de la présente demande. Par conséquent, la Cour ne pouvait compter que sur les transcriptions de leur témoignage devant la SPR, les documents au dossier et leurs observations selon lesquelles ils sont frère et sœur nés à moins de cinq mois d’intervalle et qu’ils n’avaient aucune raison de contester cette bizarrerie avant de demander l’asile au Canada.
[32] L’article 106 de la Loi prévoit ce qui suit :
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[33] Les Règles de la SPR prévoient ce qui suit :
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[34] Comme la Cour fédérale l’a indiqué dans la décision Naeem c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1134 au paragraphe 5 :
La question de l’identité est décisive dans une demande d’asile. Si un demandeur ne peut montrer à la cour de révision que la Commission a agi de manière déraisonnable dans l’évaluation de l’identité, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée (Najam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 425, au paragraphe 16; Hang Su c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 680, au paragraphe 14; Elmi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 773, au paragraphe 4; Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319, au paragraphe 47 [Rahal]; Diallo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 471, au paragraphe 17).
[35] Dans la décision Toure c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1189 au paragraphe 32 [Toure], la Cour a expliqué que la question de l’identité relève de l’expertise de la SPR (et ce même principe s’applique à la SAR) :
Il est également bien établi que la question de l’identité est au cœur même de l’expertise de la SPR et la Cour ne devrait intervenir qu’avec prudence à l’égard des décisions rendues par la SPR sur cette question (Barry [c] Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 8, [2014] ACF no 10, au paragraphe 19 [Barry]). En outre, la juge Gleason affirme dans Rahal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 319, [2012] ACF no 369, au paragraphe 48 [Rahal] :
[...] Je suis d’avis que, pour autant qu’il y ait des éléments de preuve pour appuyer les conclusions de la Commission quant à l’identité, que la SPR en donne les raisons (qui ne sont pas manifestement spécieuses) et qu’il n’y a pas d’incohérence patente entre la décision de la Commission et la force probante de la preuve au dossier, la conclusion de la SPR quant à l’identité appelle un degré élevé de retenue et sera considérée comme une décision raisonnable. Autrement dit, si ces facteurs s’appliquent, il est impossible de dire que la conclusion a été rendue de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve.
[36] Dans l’affaire Anto c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 125 au paragraphe 20, la Cour a fait remarquer ce qui suit :
Lorsqu’un demandeur d’asile n’est pas en mesure d’établir son identité, une conclusion défavorable quant à sa crédibilité « sera presque inévitablement tirée », portant ainsi un « coup fatal » à la demande (Barry c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 8 aux paras 21-22). La jurisprudence de la Cour nous enseigne sans équivoque que l’identité est une question déterminante et qu’aucune analyse du bien-fondé de la demande d’asile n’est nécessaire si l’identité n’est pas établie (Daniel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2016 CF 1049 au para 28).
[37] Plus récemment, les mêmes principes ont été soulignés dans la décision Habimana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 143 au paragraphe 12.
[38] Autrement dit, la question de l’identité est au cœur de chaque demande d’asile. Il incombe au demandeur d’établir, selon la prépondérance des probabilités, son identité au moyen de documents acceptables. L’omission de s’acquitter de cette obligation entraîne d’emblée le rejet de la demande. En outre, la capacité du demandeur d’asile à établir son identité est liée à sa crédibilité de manière plus générale.
[39] La conclusion selon laquelle l’identité n’a pas été établie est lourde de conséquences, car elle empêche l’examen des allégations de persécution. Cela dit, la décision de la SAR n’est entachée d’aucune erreur. Comme il est indiqué au paragraphe 32 de la décision Toure, la SPR a l’expertise nécessaire pour décider si l’identité a été établie, et cela vaut aussi pour la SAR. Par conséquent, ces décisions commandent la retenue.
[40] En l’espèce, la SAR a mené son propre examen de la preuve et a tiré la même conclusion que la SPR concernant le défaut des demandeurs d’établir leur identité ou de fournir une explication raisonnable pour ce manquement. La SAR a également tiré des conclusions supplémentaires sur la crédibilité fondées sur son examen des transcriptions de l’audience devant la SPR et a motivé ses conclusions.
[41] Les demandeurs reprennent en l’espèce leur allégation, soulevée par leur avocat devant la SAR, selon laquelle leurs dates de naissance invraisemblables pourraient résulter d’une erreur de tenue de dossiers. Cependant, la SAR a pris acte de cet argument et a souligné l’insistance des demandeurs sur l’exactitude de leurs dates de naissance malgré l’invraisemblance d’être nés à 4,5 mois d’intervalle. La SAR a également conclu qu’il n’y avait aucune preuve d’une erreur de tenue de dossiers.
[42] Il est possible que leurs dossiers de naissance comportaient des dates incorrectes au moment de la délivrance, mais ce n’est pas l’explication donnée par les demandeurs. Ces derniers n’ont jamais cherché non plus à fournir des éléments de preuve les concernant personnellement pour étayer cette possibilité. Les demandeurs ont maintenu que les documents étaient exacts et qu’ils n’avaient jamais eu de raison de remettre leurs dates de naissance en question. Le changement d’approche ultérieur des demandeurs ne peut réparer leur témoignage devant la SPR.
[43] L’affirmation des demandeurs selon laquelle la conclusion de la SAR était inéquitable ne tient pas compte de la jurisprudence, qui a établi que le défaut d’établir l’identité est fatal.
[44] Les demandeurs font valoir que la SPR a accordé une attention déraisonnable à leurs dates de naissance et, ce faisant, n’a pas tenu compte d’autres éléments de preuve documentaire attestant qu’ils sont citoyens du Pakistan. Or, la SAR a plutôt mené son propre examen du dossier, y compris les transcriptions, et a tenu compte des réponses des demandeurs aux questions de la SPR concernant la provenance des autres documents. La SAR a conclu que l’incohérence entre le témoignage des demandeurs et la preuve documentaire objective concernant les documents nécessaires à l’obtention de leur passeport et de leur carte d’identité nationale permettait de tirer une conclusion défavorable quant à leur crédibilité. La SAR a exprimé les mêmes préoccupations que la SPR concernant le certificat de famille de M. George et les certificats de résidence et de domicile de Mme George. Les demandeurs n’ont pas contesté ces conclusions.
[45] Les demandeurs ont également déclaré que la SAR a commis une erreur en n’évaluant pas tous les documents d’identité présentés et en ne se prononçant pas sur leur authenticité et leur valeur probante. Or, la SAR est présumée avoir examiné tous les éléments de preuve. La SAR a clairement indiqué qu’elle avait examiné tous les documents et elle a exprimé les mêmes doutes que la SPR quant à leur crédibilité et leur fiabilité. Les demandeurs n’ont fait état d’aucun document particulier qui permettrait d’infirmer les conclusions générales de la SAR concernant la crédibilité de leur identité.
[46] La transcription de l’audience devant la SPR démontre clairement que les demandeurs ont toujours déclaré qu’ils avaient accepté leurs dates de naissance sans la contester. Ils n’ont jamais laissé entendre que la tenue des dossiers au Pakistan était inadéquate, comme ils le soulèvent en l’espèce. En outre, leur témoignage concernant leur identité était contradictoire et absurde. Par exemple, M. George utilisait plusieurs noms différents pour ses comptes courriel et Facebook, et il était réticent à le reconnaître. Mme George a été évasive et incohérente en ce qui concerne l’endroit où elle vivait avant son mariage, la raison pour laquelle le nom de son beau‑père figurait sur certains de ses documents en tant qu’époux, la raison pour laquelle elle n’a pas fourni sa première adresse de résidence après son arrivée au Canada et la question de savoir si l’adresse de son cousin a été utilisée pour dissimuler le fait qu’elle vivait avec son frère afin d’éviter la jonction de leurs demandes. Mme George n’a pu expliquer pourquoi elle n’avait pas une connaissance directe des renseignements fournis sur certains formulaires, si ce n’est qu’elle n’a apparemment pas lu les formulaires avant de les signer. La SPR a longuement examiné le témoignage des demandeurs et leur a donné plusieurs fois l’occasion de clarifier leurs réponses, ce qui n’a conduit qu’à des réponses encore plus incohérentes et vagues.
[47] La SAR n’a pas mal interprété ou ignoré des éléments de preuve ou la jurisprudence. Sa décision ne présente aucune lacune grave. Il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau les éléments de preuve présentés pour établir l’identité des demandeurs. La décision de la SAR selon laquelle les documents et les témoignages des demandeurs ne sont pas suffisamment crédibles pour établir leur identité est bien étayée par le dossier; la décision est raisonnable et elle commande la retenue.
JUGEMENT dans le dossier IMM-522-21
LA COUR STATUE :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Il n’y a pas de question à certifier.
« Catherine M. Kane »
Juge
Traduction certifiée conforme
Mylène Boudreau
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-522-21
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INTITULÉ :
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EJAZ GEORGE ET RUBINA GEORGE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 13 JUILLET 2022
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JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LA JUGE KANE
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DATE DES MOTIFS :
|
LE 19 JUILLET 2022
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COMPARUTIONS :
Miranda Lim
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POUR LES DEMANDEURS
|
James Todd
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Korman & Korman LLP
Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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