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Date : 20021213

Dossier : IMM-3554-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1296

Ottawa (Ontario), le vendredi 13 décembre 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                    JAGDIP KAUR KAINTH

                                                                                                                                     demanderesse

                                                                         - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]                 La présente demande de contrôle judiciaire soulève la question de savoir si l'agente des visas a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu'elle a décidé que le frère de la demanderesse, Manjit Singh Sidhu, n'était pas un fils à charge au sens de la définition contenue au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement). L'agente n'était pas convaincue que M. Sidhu avait été inscrit à des cours de formation générale, théorique ou professionnelle et avait suivi à temps plein ce genre de cours sans interruption depuis la date de ses 19 ans.

[2]                 Les motifs justifiant la décision de l'agente des visas ont été exposés dans la lettre de refus :

[traduction] Pendant l'année scolaire 1997-1998, Manjit Singh Sidhu a été admis au B.A., un programme d'études d'une durée de trois ans. Il a échoué sa première année (première partie) en avril 1998, en avril 1999 et en avril 2000. À sa troisième tentative (avril 2000), il a obtenu une note de 4 % en anglais. L'échange suivant, qui a eu lieu lors de l'entrevue avec lui, indique qu'il n'a rien appris dans le cadre du programme de B.A. :

Q. : Qu'avez-vous appris en anglais?

R. : Je ne me rappelle pas.

Q. : Qu'avez-vous étudié en histoire?

R. : Je ne sais pas.

Q. : Qu'avez-vous appris en géographie?

R. : Je ne me rappelle pas.

Q. : Vos relevés de notes indiquent que vous avez suivi un cours de P. Admn. Qu'est-ce que c'est?

R. : Addition publique.

Le fait de suivre des cours dont il est question dans la définition de « fils à charge » , au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, a à la fois un aspect qualitatif et un aspect quantitatif. Manjit Singh Sidhu n'a pas été en mesure de compléter la première année du programme de trois ans menant à l'obtention d'un B.A., malgré trois tentatives. De plus, lors de son entrevue, il ne savait pratiquement rien au sujet des cours d'anglais, d'histoire et de géographie. Il ne savait même pas ce qu'était le cours de P. Admn, l'un des cours qu'il a suivis pendant les années 1998-1999 et 1999-2000. Pour ce qui est de l'aspect qualitatif du fait de suivre des cours, je conclus que Manjit Singh Sidhu n'a pas suivi de cours dans le cadre d'un programme de formation générale, théorique ou professionnelle depuis la date de ses 19 ans.

On vous a expliqué, à la fin de l'entrevue, que Manjit Singh Sidhu n'est pas admissible au Canada à titre de fils à charge parce qu'il n'est pas visé par la définition de « fils à charge » contenue au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978.


[3]                 L'agente des visas a donné des explications additionnelles dans l'affidavit qu'elle a déposé en opposition à la présente demande :

[traduction] 10.    À l'entrevue, Manjit Singh Sidhu a indiqué que, dans le cadre de la première partie de son programme de B.A., il avait suivi des cours d'anglais, de panjabi, de géographie, d'histoire et d'éducation physique. Il a été incapable cependant de me dire ce qu'il avait étudié ou appris dans ses cours d'anglais, d'histoire et de géographie. Je lui ai demandé ce que signifiait « P. ADMN » , l'une des matières inscrites sur son relevé de notes d'avril 2000 (p. 26 du dossier du tribunal). Il a répondu : « Addition publique » . Le fait que Manjit Singh Sidhu a été incapable de décrire le contenu de ses cours m'a amenée à conclure qu'il ne les avait pas réellement suivis, même s'il était inscrit à un programme de B.A. J'ai constaté également que Manjit Singh Sidhu avait échoué les cinq cours à l'examen desquels il s'était présenté pendant l'année scolaire 1999-2000, n'y obtenant que de très basses notes. Par exemple, il a obtenu une note de 4 % en anglais et de 19 % en histoire après trois années d'études, et une note de 14,5 % en administration publique après deux années d'études (p. 26 du dossier du tribunal). Manjit Singh Sidhu était peut-être inscrit à un programme menant à l'obtention d'un B.A., mais soit il n'a pas réellement, pendant ses trois années d'études, suivi les cours de la première année, soit sa présence aux cours n'était pas d'une qualité suffisante pour qu'on puisse considérer qu'il les a suivis au sens de la définition de « fils à charge » contenue au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978.

[4]                 L'agente des visas n'a pas été contre-interrogée relativement à son affidavit.

[5]                 Il est bien établi en droit, depuis l'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 3 C.F. 280 (C.A.F.), qu'un agent des visas a le pouvoir de déterminer si un prétendu « fils à charge » a véritablement été inscrit et a réellement et avec sérieux suivi à temps plein des cours dans un programme d'études. La Cour d'appel a fait remarquer dans cet arrêt qu'une personne peut avoir de mauvaises notes et être tout de même un véritable étudiant. Cependant, si les notes sont très basses, l'agent de visas devrait être convaincu que l'étudiant a fait véritablement des efforts dans ses études malgré les résultats peu reluisants qu'il a obtenus. Les facteurs suivants doivent alors être pris en compte :


1.          le dossier de présence de l'étudiant;

2.          les notes qu'il a obtenues;

3.          sa capacité de discuter, à tout le moins de façon rudimentaire, des matières étudiées;

4.          la question de savoir si son programme d'études se déroule de manière satisfaisante;

5.          la question de savoir s'il a fait des efforts réels et sérieux pour assimiler les connaissances enseignées dans ses cours.

[6]                 Comme M. le juge Rothstein, siégeant ad hoc à la présente section, l'a mentionné dans la décision Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 1178, un tribunal de révision doit faire montre de beaucoup de retenue à l'égard de la décision prise par un agent des visas relativement à la question de savoir si une personne satisfait à ces critères.

[7]                 Bien que le fait d'avoir des mauvaises notes ne soit pas suffisant en soi pour conclure qu'un étudiant n'a pas fait de véritables efforts, en l'espèce, M. Sidhu a échoué pendant trois années consécutives les examens de la première des trois années du programme menant à l'obtention d'un B.A. M. Sidhu avait obtenu des notes de 4 % en anglais et de 19 % en histoire après avoir suivi ces cours trois fois en trois ans, ainsi


qu'une note de 14,5 % après avoir suivi le cours d'administration publique pendant deux années consécutives. En outre, les notes qu'il a obtenues en anglais, en panjabi et en histoire à sa troisième tentative étaient plus basses qu'à sa première tentative. M. Sidhu ne pouvait pas discuter de quelque manière que ce soit avec l'agente des visas de ce qu'il avait étudié en anglais, en histoire ou en géographie. Compte tenu de tous ces faits, il n'était pas déraisonnable pour l'agente des visas de conclure que M. Sidhu n'avait pas fait de véritables efforts pour étudier et pour comprendre la matière enseignée dans les cours auxquels il était inscrit.

[8]                 On a prétendu pour le compte de M. Sidhu que l'agente des visas avait manqué à son obligation d'agir équitablement envers lui parce qu'elle aurait dû lui demander pourquoi il avait interrompu ses études après trois tentatives et lui poser des questions au sujet de son nouveau programme d'études.

[9]                 Il importe de rappeler que l'obligation d'un agent des visas d'agir équitablement envers un demandeur de visa est limitée. Voir Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CAF 345.

[10]            Les notes versées dans le STIDI et l'affidavit de l'agente des visas, qui ne sont pas contestés par M. Sidhu, indiquent que cette dernière a vérifié que M. Sidhu suivait des


cours menant à l'obtention d'un diplôme de mécanicien en équipement agricole, même si aucune note n'était disponible à la date de l'entrevue. Elle a passé en revue avec M. Sidhu ses antécédents scolaires et lui a demandé quelles matières il avait étudiées. Elle lui a aussi demandé ce que signifiait l'abréviation « P. Admn » (le titre de l'un des cours mentionnés sur son relevé de notes). M. Sidhu a répondu qu'il s'agissait d'un cours d'[traduction] « addition publique » . L'agente des visas a également demandé à M. Sidhu ce qu'il avait appris dans ses cours d'anglais, d'histoire et de géographie et combien de manuels d'anglais il avait.

[11]            Il est vrai que l'agente des visas aurait pu poser plus de questions au sujet des nouvelles études entreprises par M. Sidhu, mais ce dernier aurait dû lui expliquer pourquoi il avait entrepris ces études si cela était utile pour comprendre ou pour expliquer ses difficultés scolaires. M. Sidhu aurait pu le faire au cours de l'entrevue. À la lumière de l'ensemble des circonstances, je ne suis pas convaincue que l'agente a manqué à son obligation d'agir équitablement en ne posant pas plus de questions au demandeur au sujet de son nouveau programme d'études. M. Sidhu a eu l'occasion pendant l'entrevue de démontrer, comme il devait le faire, qu'il satisfaisait aux critères de sélection.

[12]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. La question proposée à des fins de certification par l'avocat de M. Sidhu était, à mon avis, inextricablement liée aux faits de la présente affaire et ne soulevait pas une question de portée générale, de sorte qu'aucune question ne sera certifiée.


[13]            Je dois dire quelques mots au sujet d'un point de procédure. Ni M. Sidhu ni son père, qui a présenté une demande de résidence permanente, n'étaient parties à la présente instance. La seule demanderesse est la soeur de M. Sidhu, laquelle a présenté une demande dans le but de parrainer son père, sa mère et son frère. Le ministre a fait valoir qu'un répondant n'a pas la qualité voulue pour demander la mesure de redressement sollicitée par M. Sidhu et a déposé une requête interlocutoire demandant à la Cour d'annuler la demande pour cette raison. Cette requête a été rejetée, sans que la décision soit motivée, et l'ordonnance interlocutoire ne précise pas si elle a été rejetée sur le fond ou si elle a été rejetée afin qu'elle fasse l'objet d'un examen par le juge saisi de la demande. Or, le ministre n'ayant pas soulevé la question lors de l'audition de la présente demande, je ne me prononcerai pas sur elle.

ORDONNANCE

[14]            LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                     « Eleanor R. Dawson »          

                                                                                                                                                    Juge                         

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-3554-01

INTITULÉ :                                        JAGDIP KAUR KAINTH c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 20 novembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        Madame le juge Dawson

DATE DES MOTIFS :                        Le 13 décembre 2002

COMPARUTIONS :

Ramesh S. Sangha                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Amina Riaz                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ramesh S. Sangha                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Mississauga (Ontario)

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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