Date : 20220707
Dossier : IMM‑7399‑21
Référence : 2022 CF 1006
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Vancouver (Colombie‑Britannique), le 7 juillet 2022
En présence de madame la juge Pallotta
ENTRE :
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BAHMAN GHADIMI
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1] Le demandeur, Bahman Ghadimi, est un citoyen allemand qui a présenté une demande de visa en vue de rendre visite à sa sœur au Canada ainsi que pour aller se recueillir sur la tombe de sa mère. Puisque le demandeur est visé par une mesure d’expulsion qui avait été prise contre lui en 2013, il doit obtenir une autorisation de revenir au Canada (ARC) : paragraphe 52(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]; paragraphe 226(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR]. La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire relativement à une décision par laquelle un agent d’immigration (l’agent) a rejeté la demande d’ARC du demandeur. L’agent a conclu qu’il n’y avait pas de motifs suffisamment convaincants pour justifier la délivrance d’une ARC, au regard des circonstances ayant mené à la prise d’une mesure d’expulsion contre le demandeur.
[2] M. Ghadimi affirme que la décision de l’agent est déraisonnable. Il soutient que les raisons qu’il a données pour justifier son retour au Canada n’avaient pas besoin d’être particulièrement convaincantes, puisque les faits qui lui étaient reprochés et qui ont mené à la prise de la mesure d’expulsion étaient de faible gravité. L’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a pris une mesure d’expulsion contre M. Ghadimi, puisqu’il avait tenté d’entrer au Canada la veille de l’expiration d’une mesure d’exclusion d’une période d’un an qui le visait.
[3] Pour les motifs exposés ci‑dessous, M. Ghadimi n’a pas établi que la décision de l’agent est déraisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
II.
La question en litige et la norme de contrôle
[4] La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la décision de l’agent est déraisonnable.
[5] La question de savoir si la décision de l’agent est raisonnable doit être tranchée en fonction des indications données dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse : Vavilov, aux para 12‑13, 75 et 85. La cour de révision ne se demande pas quelle décision elle aurait rendue, ne tente pas de prendre en compte l’éventail des conclusions possibles, ne se livre pas à une nouvelle analyse et ne cherche pas à déterminer la solution correcte au problème : Vavilov, au para 83. La cour de révision doit plutôt s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur administratif, et se demander si la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, aux para 15 et 83.
III.
Analyse
[6] M. Ghadimi soutient que la décision de l’agent est déraisonnable, car elle va à l’encontre de la jurisprudence de la Cour fédérale. Se fondant sur la décision Zarazua Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 32 aux paragraphes 23‑28 [Zarazua Gutierrez], il soutient qu’un agent qui examine une demande d’ARC doit tenir compte de la gravité des faits à l’origine de l’interdiction de territoire qui, dans son cas, consistaient en une erreur de calcul de la date à laquelle il pouvait revenir au Canada. Il affirme que les motifs de l’agent ne font pas état d’une analyse raisonnable quant à la faible gravité de son infraction à la LIPR.
[7] M. Ghadimi fait valoir que, lorsque les faits menant à la nécessité de présenter une demande d’ARC sont de faible gravité, les raisons données pour justifier un retour au Canada n’ont pas à être particulièrement convaincantes. À cet égard, M. Ghadimi s’appuie sur l’affaire Umlani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1373 au paragraphe 69 [Umlani], dans laquelle le tourisme était invoqué comme raison pour justifier un retour. Le motif pour lequel M. Ghadimi souhaite revenir au Canada est de rendre visite à sa famille, ce qui s’avère une raison davantage impérieuse que le tourisme. Le fait de souhaiter rendre visite à sa famille peut constituer un motif suffisamment convaincant : Manoo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 396 [Manoo] et Monroy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 811 [Monroy]. M. Ghadimi affirme que l’agent, dans ses observations, ne fait même pas mention du but de sa visite et qu’il y donne plutôt l’impression d’avoir procédé à une appréciation des facteurs d’ordre humanitaire en l’espèce, ce qui n’est pas suffisant.
[8] Le défendeur fait valoir qu’une ARC n’est pas censée servir de moyen normal de passer outre à une interdiction permanente de retour au Canada : Parra Andujo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 731 aux para 1 et 26. Le défendeur soutient que l’agent était en droit de tenir compte des antécédents défavorables de M. Ghadimi en matière d’immigration ainsi que de sa tentative de minimiser ses antécédents de non‑respect de la LIPR; l’agent n’était pas tenu d’examiner les faits à l’origine de la mesure d’expulsion prise contre le demandeur en 2013. Le défendeur est d’avis que les décisions de la Cour fédérale sur lesquelles M. Ghadimi s’appuie diffèrent de la présente affaire quant aux faits.
[9] À mon avis, M. Ghadimi n’a pas démontré que la décision de l’agent est déraisonnable.
[10] Comme le souligne à juste titre le défendeur, un agent jouit d’un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu’il se prononce sur une demande d’ARC : Dheskali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2021 CF 1191 au para 14 [Dheskali]; Monroy au para 24. Il n’existe pas d’approche unique ou de liste obligatoire de facteurs qu’un agent doit prendre en compte : Dheskali, au para 14; Quintero Pacheco c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 347 au para 47 [Quintero Pacheco]. En outre, il incombe au demandeur d’établir que sa situation personnelle, considérée dans son ensemble, justifie l’octroi d’une ARC.
[11] Je ne souscris pas à la prétention de M. Ghadimi selon lequel la décision de l’agent va à l’encontre de la jurisprudence de la Cour. La décision Zarazua Gutierrez n’établit pas de règle ou de principe général obligeant l’agent à évaluer la gravité de l’infraction, et la décision Umlani n’énonce pas de principe général selon lequel les raisons qui motivent le demandeur à revenir au Canada n’ont pas besoin d’être particulièrement convaincantes lorsque les faits ayant mené à la nécessité de présenter une demande d’ARC sont de faible gravité. Les décisions Zarazua Gutierrez et Umlani ont tous deux été rendues sur la base de circonstances factuelles bien précises – la Cour l’a d’ailleurs souligné au paragraphe 73 de la décision Ulmani – et celles‑ci se distinguent des faits en l’espèce. De même, il est possible d’effectuer une distinction entre les faits des décisions Monroy et Manoo et ceux de la présente affaire.
[12] Je comprends que M. Ghadimi n’est pas d’accord avec la façon dont l’agent a soupesé les divers facteurs; toutefois, je ne suis pas convaincue que l’agent a ce faisant commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire. Il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’apprécier à nouveau la preuve : Vavilov, au para 125; voir également Dheskali, au para 15.
[13] L’agent avait le droit de tenir compte de l’ensemble des antécédents de M. Ghadimi en matière d’immigration. Il a aussi relevé, de façon raisonnable selon moi, que M. Ghadimi avait tenté de minimiser ses antécédents défavorables en matière d’immigration, en indiquant dans sa demande d’ARC qu’il était [TRADUCTION] « en congé »
au cours de la période où il a été établi qu’il travaillait sans autorisation au Canada. Les notes consignées dans le SMGC indiquent que l’agent a tenu compte des facteurs d’ordre humanitaire, mais a conclu qu’ils [TRADUCTION] « ne suffisaient pas pour passer outre aux motifs d’interdiction de territoire
». M. Ghadimi souligne l’observation du défendeur selon laquelle les demandes d’ARC ne doivent pas être vues « comme de mini‑demandes fondées sur des motifs humanitaires »
(Dheskali, au para 14, citant la décision Quintero Pacheco, au para 51). Toutefois, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’agent n’a pas commis d’erreur en tenant compte des facteurs d’ordre humanitaire, d’autant plus que M. Ghadimi a invoqué des motifs d’ordre humanitaire à l’appui de sa demande d’ARC.
IV.
Conclusion
[14] M. Ghadimi n’a pas établi que l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en refusant sa demande d’ARC. La demande en l’espèce est rejetée.
[15] Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier et, à mon avis, la présente affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑7399‑21
LA COUR STATUE :
La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Il n’y a aucune question à certifier.
« Christine M. Pallotta »
Juge
Traduction certifiée conforme
M. Deslippes
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM‑7399‑21
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INTITULÉ :
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BAHMAN GHADIMI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 29 JUIN 2022
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LA JUGE PALLOTTA
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DATE DES MOTIFS :
|
LE 7 JUILLET 2022
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COMPARUTIONS :
Steven Meurrens
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POUR LE DEMANDEUR
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Aminollah Sabzevari
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Larlee Rosenberg
Cabinet d’avocats
Vancouver (Colombie‑Britannique)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Vancouver (Colombie‑Britannique)
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POUR LE DÉFENDEUR
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