Date : 20220711
Dossiers : T-1836-17
T-1837-17
Référence : 2022 CF 1013
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 11 juillet 2022
En présence de madame la juge Heneghan
ACTION RÉELLE EN MATIÈRE D’AMIRAUTÉ CONTRE LE NAVIRE NM « INUKSUK I »
ET ACTION PERSONNELLE EN MATIÈRE D’AMIRAUTÉ CONTRE SES PROPRIÉTAIRES, SES AFFRÉTEURS ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR CE NAVIRE
Dossier : T-1836-17
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ENTRE :
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SEALAND MARINE ELECTRONICS SALES AND SERVICES LTD.
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demanderesse
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et
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LES PROPRIÉTAIRES, LES AFFRÉTEURS ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE NM |
défendeurs
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ACTION RÉELLE EN MATIÈRE D’AMIRAUTÉ CONTRE LE NAVIRE NM « SIVULLIQ »
ET ACTION PERSONNELLE EN MATIÈRE D’AMIRAUTÉ CONTRE SES PROPRIÉTAIRES, SES AFFRÉTEURS ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR CE NAVIRE
Dossier : T-1837-17
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ENTRE :
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SEALAND MARINE ELECTRONICS SALES AND SERVICES LTD.
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demanderesse
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et
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LES PROPRIÉTAIRES, LES AFFRÉTEURS ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE NM |
défendeurs
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MOTIFS ET ORDONNANCE
[1] Dans un jugement rendu le 26 août 2021, dans le dossier T-1836-17, les propriétaires, les affréteurs et toutes les personnes ayant un droit sur le navire NM « Inuksuk I »
, ainsi que Inuksuk Fisheries Ltd. et la Baffin Fisheries Coalition (les défendeurs) ont été condamnés à payer la somme de 13 368,06 $, le tout avec intérêts et dépens.
[2] Dans un jugement rendu le 26 août 2021, dans le dossier T-1837-17, les propriétaires, les affréteurs et toutes les personnes ayant un droit sur le navire NM « Sivulliq »
, ainsi que Remoy Fisheries Ltd. et la Baffin Fisheries Coalition (les défendeurs) ont été condamnés à payer la somme de 171 396,46 $, le tout avec intérêts et dépens.
[3] Après que l’avocat de la demanderesse eut fait parvenir une lettre datée du 15 octobre 2021 à la Cour, une conférence de gestion de l’instance a été tenue le 8 novembre 2021 pour discuter du délai dans lequel les parties devaient régler la question des intérêts et des dépens.
[4] Conformément à une directive émise le 23 novembre 2021, une audience a été fixée au lundi 11 janvier 2021. Les parties ont déposé leurs observations écrites et leur jurisprudence en décembre 2021.
[5] La demanderesse réclame des intérêts avant jugement au taux composé de 2 %. Elle s’appuie sur l’arrêt Platypus Marine, Inc c Tatu (Navire), 2017 CAF 184, citant l’arrêt Canadian General Electric Co c Pickford & Black Ltd, [1972] RCS 52. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a analysé la justification invoquée pour accorder des intérêts avant jugement dans les affaires d’amirauté.
[6] La demanderesse s’appuie également sur l’arrêt Banque d’Amérique du Canada c Société de Fiducie Mutuelle, dans lequel la Cour suprême du Canada a analysé le fondement de l’octroi d’intérêts composés, à savoir la réparation intégrale, c’est-à-dire le rétablissement de la partie qui a gain de cause dans sa position antérieure et l’octroi des intérêts composés pour annuler ses pertes financières, dans le cadre d’un litige.
[7] En outre, la demanderesse réclame des dépens majorés, c’est-à-dire une somme se situant entre l’échelon supérieur de la colonne IV du tarif, conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), et les dépens sur la base avocat-client. Elle invoque le large pouvoir discrétionnaire en matière d’adjudication des dépens que confère l’article 400 des Règles.
[8] La demanderesse réclame également des intérêts après jugement.
[9] Les défendeurs soutiennent que la demanderesse n’a pas droit à des intérêts avant jugement au taux de 2 %, car il n’existe aucune preuve « positive »
selon laquelle les parties s’étaient entendues sur un taux d’intérêt de 2 % sur les comptes en souffrance. Ils soutiennent que les factures n’ont été présentées qu’après que les biens et les services eurent été fournis, et qu’il n’est pas question d’intérêts dans les modalités qui figurent sur les bons de travail. Une copie de ces modalités a été versée en tant que pièce P-2 au procès.
[10] Les défendeurs, s’appuyant sur la décision Deep Shore Marine Contracting Inc c Polish Princess (Navire), 2005 CF 1469, soutiennent également que la question des intérêts liés à une facture pour des biens et des services est d’ordre contractuel et que les éléments de base d’une entente doivent être démontrés au moyen d’une preuve. Ils font valoir qu’aucune preuve en ce sens n’a été présentée au procès.
[11] Les défendeurs soutiennent que rien ne justifie d’accorder des intérêts composés et que les intérêts avant jugement devraient être accordés au taux applicable aux sommes versées à la Cour ou, à titre subsidiaire, au taux simple de 5 %, soit le taux habituel des intérêts accordés dans les affaires d’amirauté. Le taux d’intérêt applicable aux sommes versées à la Cour est celui que prévoit la Loi sur la gestion des finances publiques, LRC 1985, c F-11.
[12] Les défendeurs soutiennent également que, suivant le paragraphe 37(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, les intérêts après jugement devraient être accordés conformément à l’article 5 du Judgment Interest Act, RSN 1990, c J-2, puisque le « fait générateur »
est survenu à Terre-Neuve-et-Labrador. Les dispositions terre-neuviennes prévoient actuellement l’octroi d’intérêts après jugement au taux simple de 2 %.
[13] En outre, les défendeurs soutiennent que rien ne justifie l’adjudication de dépens majorés dans de telles affaires.
[14] La demanderesse réclame le recouvrement des intérêts avant jugement et après jugement relativement aux jugements inscrits à l’égard des actions visées en l’espèce. Les paragraphes 36(1) et 37(1) de la Loi sur les Cours fédérales, précitée, sont pertinents; ils prévoient ce qui suit :
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[15] Les deux parties conviennent que des intérêts avant jugement sont exigibles. Le litige concerne le taux d’intérêt et la question de savoir s’il doit être simple ou composé.
[16] Le seul témoignage au procès concernant l’intérêt à payer sur le montant des factures impayées était celui de M. Harold Young, principal responsable et propriétaire de la personne morale demanderesse. Voici un extrait de son témoignage du 18 janvier 2021, qui se trouve aux lignes 21 à 28 de la page 31, et aux lignes 1 à 6 de la page 32 :
[traduction]
Q. Regardons de nouveau à gauche; il y a une remarque dans un encadré à propos des intérêts. Que dit-elle?
A. Que des intérêts de 2 % par mois sont facturés sur tous les comptes.
Q. Est-ce que c’est ce que vous faites?
A. Dans la plupart des cas, non, parce que je n’ai pas de problème avec mes comptes. Je connais mes clients depuis des années, et je les connais très bien. Ils paient à temps. Dans cette industrie, votre honneur, ils doivent aller pêcher, alors parfois je leur donne 60 ou 90 jours; je leur donne la chance de pêcher pour qu’ils soient payés avant de me payer. J’aime être payé dans les 30 jours, mais ça ne marche pas toujours comme ça.
[17] Voici un autre extrait du témoignage de M. Young du 18 janvier 2021, qui se trouve aux lignes 6 à 18 de la page 60 :
[traduction]
Q. Et une fois qu’il l’a sorti et qu’un bon de commande a été appliqué, si un bon de commande devait l’être, après combien de temps pouviez-vous vous attendre à recevoir le paiement?
A. Comme je l’ai dit, pour beaucoup de ces sociétés, le bateau va vers le nord, selon la vente de leurs prises, et ça, ça prend de 30 à 90 jours. Des sociétés paient régulièrement en 90 jours, et d’autres en 30 jours. Ça dépend des pêches et du temps qu’il leur faut pour générer de l’argent.
Q. Comment Baffin se comparait-elle aux autres en ce qui concerne le paiement des factures?
R. Baffin, plutôt bien : c’était habituellement en 60 jours.
[18] Les défendeurs soutiennent que ce témoignage ne suffit pas à démontrer que les parties s’étaient mises d’accord sur un taux d’intérêt ou sur la question de savoir s’il serait composé.
[19] Je souscris aux observations des défendeurs selon lesquels il n’existe aucune preuve que les parties se sont mises d’accord sur un taux d’intérêt de 2 % ou sur la question de savoir si les intérêts avant jugement seraient composés.
[20] La demanderesse s’appuie à juste titre sur l’arrêt Banque d’Amérique du Canada c Société de Fiducie, précité, en ce qui a trait aux explications de la Cour concernant la justification invoquée pour accorder des intérêts composés. Toutefois, le fait de s’appuyer sur un précédent n’établit pas le droit à des intérêts composés dans une affaire donnée. Je ne suis pas convaincue que la demanderesse a démontré que des intérêts composés devraient être accordés en l’espèce.
[21] L’inclusion de la mention que des [traduction] « intérêts de 2 % par mois sont facturés sur tous les montants »
témoigne de l’intention que les intérêts soient facturés sur les comptes en souffrance. Les actions dans la présente affaire ont été intentées en vue d’obtenir le paiement de trois factures, soit les factures nos 103366 (la pièce P-3), 103367 (la pièce P-5) et 103386 (la pièce P-6).
[22] Je renvoie à la Loi sur l’intérêt, LRC 1985, c I-15. Les articles 3, 4 et 5 sont applicables en l’espèce; ils prévoient ce qui suit :
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[23] L’article 3 prévoit un taux d’intérêt simple de 5 %. L’article 4 interdit d’accorder des intérêts à un taux ou un pourcentage par jour, semaine ou mois, ou pour une période de moins d’un an, à moins que le maximum annuel ne soit énoncé. L’article 5 prévoit que, s’il y a intention d’exiger des intérêts, mais que le taux n’est pas recouvrable conformément à l’article 4, la somme recouvrable est alors l’intérêt à un taux simple de 5 %.
[24] Les défendeurs plaident en faveur d’intérêts avant jugement au taux prévu par la Loi sur la gestion des finances publiques, précitée, c’est-à-dire celui payé sur les sommes versées à la Cour, mais ils n’ont présenté aucun élément de preuve indiquant ce que pourrait être ce taux.
[25] À titre subsidiaire, les défendeurs proposent que les intérêts avant jugement soient fixés au taux simple de 5 %, conformément à la Loi sur l’intérêt, précitée.
[26] Je renvoie au paragraphe 36(7) de la Loi sur les Cours fédérales, précitée, qui prévoit ce qui suit :
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[27] Les actions en l’espèce concernent des biens et des services fournis à deux navires de pêche. Les demandes relèvent de la compétence de la Cour suivant les alinéas 22(2)m) et 22(2)n) de la Loi sur les Cours fédérales, précitée. Elles relèvent également du droit maritime canadien.
[28] Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, compte tenu de la preuve et des arguments, j’adopte le taux simple de 5 % concernant les intérêts avant jugement.
[29] La demanderesse a présenté ses demandes en intentant des actions personnelles et réelles devant la Cour fédérale, plutôt que devant la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador. L’instance devant la Cour fédérale a donné à la demanderesse la possibilité de faire saisir les navires des défendeurs afin d’obtenir une garantie à l’égard de ses demandes, et elle a exercé ce droit.
[30] Par la suite, afin d’obtenir la mainlevée de la saisie de leurs navires, les défendeurs ont versé une somme à la Cour.
[31] Le 29 décembre 2017, ils ont versé la somme de 14 704,86 $ à la Cour dans le dossier T-1836-17 pour obtenir la mainlevée de la saisie de leur navire « Inuksuk I »
.
[32] Le 3 janvier 2018, ils ont versé la somme de 188 536,11 $ à la Cour dans le dossier T-1837-17 pour obtenir la mainlevée de la saisie de leur navire « Sivulliq »
.
[33] La Loi sur les Cours fédérales, précitée, reconnaît que l’octroi d’intérêts dans les procédures en matière d’amirauté suscite des considérations particulières; voir le paragraphe 36(7) de la Loi sur les Cours fédérales, précitée. La Cour d’appel fédérale a abordé ce point dans l’arrêt Platypus Marine, Inc c Tatu (Navire), précité.
[34] La Cour d’appel fédérale, sous la plume du juge Nadon, a affirmé ce qui suit aux paragraphes 40 et 41 :
40 […] Platypus a raison, en ce sens qu’en l’absence d’une entente sur les intérêts, elle aurait eu le droit de demander des intérêts avant jugement à compter de la date du manquement (ou plutôt, en l’espèce, des 10 différentes dates de manquement). Dans l’arrêt Canadian General Electric Co. c. Pickford & Black Ltd., [1972] R.C.S. 52, la Cour suprême du Canada a mentionné clairement que, lorsqu’il s’agit d’affaires d’amirauté, les intérêts étaient dus à compter du moment où la dette était devenue exigible. Le juge Ritchie, qui a rédigé le jugement unanime de la Cour, a fait les commentaires suivants, aux pages 56 et 57 :
La règle, en Cour d’amirauté, est la même que celle qui s’applique aux affaires d’amirauté en Angleterre et, à mon avis, le Juge A.K. MacLean, agissant en tant que Président de la Cour de l’Échiquier, l’énonce exactement dans The Pacifico v. Winslow Marine Railway and Ship‑building Company, lorsqu’il dit :
Le principe adopté par la Cour d’amirauté, statuant en equity, énoncé par sir Robert Phillimore dans The Northumbria (1869) 3 A. & E. 5, et tiré du droit civil, est que le créancier a toujours droit aux intérêts lorsque le débiteur a différé le paiement, que l’obligation résulte d’un contrat ou d’un délit. Il semble que le point de vue adopté par la Cour d’amirauté a été que la personne responsable d’une dette ou de dommages, ayant retenu la somme à payer au demandeur, devrait être considérée comme l’ayant reçue pour le compte de celui à qui le principal est payable. Les dommages et les intérêts, en vertu du droit civil, sont la perte qu’une personne a subie ou le gain qu’elle a manqué de réaliser. Les motifs sont, je crois, nombreux et manifestes de faire prévaloir, dans des affaires comme celle‑ci, un principe différent de celui qui s’applique aux affaires commerciales ordinaires.
[Non souligné dans l’original et renvoi omis.]
41 Plus récemment, dans l’affaire Kuehne + Nagel Ltd. c. Agrimax Ltd., 2010 CF 1303, 196 A.C.W.S. (3d) 3, le juge Harrington de la Cour fédérale a fait la même remarque ainsi, au paragraphe 24 de ses motifs :
[24] Les dispositions relatives aux intérêts avant jugement contenues à l’article 36 de la Loi sur les Cours fédérales ne s’appliquent pas, comme il est indiqué au paragraphe 7 de cet article, aux réclamations en matière de droit maritime canadien. Il y a une abondance de décisions judiciaires selon lesquelles les intérêts avant jugement dans les affaires relevant du droit maritime dépendent des dommages, sont laissés à l’appréciation de la Cour et, si les arguments à cet égard sont convaincants, courent à compter de la date à laquelle la dette est payable. L’une des premières décisions rendues sur le sujet est Telephone Co. of Canada c. Mar‑Tirenno (The), [1974] 1 C.F. 294, qui a été confirmée par la Cour d’appel fédérale dans [1976] 1 C.F. 539.
[Non souligné dans l’original.]
[Souligné dans l’original.]
[35] La question devant ensuite être tranchée est celle de la date à compter de laquelle ces intérêts sont exigibles.
[36] Les dates des factures en cause sont différentes. La facture no 103366 (la pièce P-3) est datée du 7 août 2017. La facture no 103367 (la pièce P-5) est datée du 8 août 2017. La facture no 103386 (la pièce P-6) est datée du 12 septembre 2017.
[37] Je renvoie à nouveau à l’arrêt Platypus, précité, dans lequel, aux paragraphes 42 et 44, la Cour a affirmé ce qui suit :
42 Par conséquent, indépendamment de l’entente verbale, Platypus aurait eu le droit de demander des intérêts à compter de la date des factures (par la « date de facture », je veux dire la date à laquelle la facture a été délivrée à Platinum ou reçue par elle) qui indiquait clairement que le montant mentionné devait être payé à la date de sa réception. Ainsi, l’entente verbale doit être caractérisée et comprise à la lumière du fait que Platinum devait effectivement des intérêts sur les montants visés par les 10 factures.
[…]
44 Ainsi, j’estime que des intérêts devraient donc être calculés à compter de la date de chaque facture. Toutefois, étant donné la conclusion du juge, basée sur le témoignage de M. Linnabury, selon laquelle les factures n’étaient pas délivrées à la date indiquée sur la facture, un délai de grâce de deux jours pour tenir compte de la livraison semble approprié et équitable dans les circonstances.
[38] Le demandeur sollicite le recouvrement des intérêts avant jugement calculés à compter de 30 jours après la date de chaque facture.
[39] Selon le témoignage de M. Young, la demanderesse [traduction] « aimerait »
recevoir le paiement en 30 jours, mais, parfois, la période de paiement est prolongée, passant à 60 ou à 90 jours.
[40] Selon la preuve présentée au procès et les observations des parties sur les dépens, j’accorde des intérêts avant jugement au taux simple de 2 %, calculés à compter de 30 jours après la date de chaque facture.
[41] Les parties conviennent que les intérêts après jugement sont régis par le Judgment Interest Act de Terre-Neuve-et-Labrador, précité. Cette loi prévoit actuellement des intérêts après jugement au taux simple de 2 %.
[42] Pour terminer, il reste à trancher la question des dépens.
[43] La demanderesse réclame les dépens à l’échelon supérieur de la colonne IV ou sur la base avocat‑client, au motif que les défendeurs ont formulé des allégations de fraude, de complot et de détournement qui ont en fin de compte été rejetées. Elle se fonde entre autres sur les arrêts Exeter c Canada (Procureur général), 2014 CAF 119, et Hamilton c Open Window Bakery Ltd, [2004] 1 RCS 303.
[44] Les défendeurs soutiennent qu’ils ne devraient pas être pénalisés par l’adjudication des dépens au motif que leur moyen de défense, à savoir un moyen de défense fondé sur la compensation en equity, n’a pas été établi.
[45] Je souligne que les allégations de fraude, de complot et de détournement n’ont pas été formulées par les défendeurs en tant que « causes »
d’action, mais comme fondements du moyen de défense fondé sur la compensation en equity.
[46] Que ces allégations soient formulées à titre de moyen de défense ou qu’elles le soient dans une déclaration ou une demande reconventionnelle, je n’y vois aucune différence de principe. Bien que les défendeurs aient, à un certain point, déposé une demande reconventionnelle, laquelle aurait suscité un débat au sujet de la question de savoir si la Cour a compétence pour entendre ce plaidoyer, ils l’ont abandonnée, choisissant de maintenir ces allégations à titre de moyen de défense fondé sur la compensation en equity.
[47] Dans ses observations, la demanderesse renvoie aux motifs du jugement et elle souligne que les défendeurs n’ont pas fait comparaître certaines personnes dont le témoignage aurait pu toucher aux allégations de fraude, de complot et de conversion. Elle mentionne entre autres que les défendeurs n’ont pas déposé en preuve l’audit juricomptable.
[48] Le paragraphe 400(1) des Règles confère à la Cour tous les pouvoirs discrétionnaires en matière de dépens; il est ainsi libellé :
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[49] Des facteurs dont la Cour peut tenir compte pour adjuger les dépens sont énumérés au paragraphe 400(3). À mon avis, les alinéas 400(3)a), b) et c) sont pertinents pour l’adjudication des dépens en l’espèce :
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[50] En ce qui concerne l’alinéa 400(3)a), je souligne que les deux demandes de la demanderesse ont été entièrement accueillies.
[51] En ce qui concerne l’alinéa 400(3)b), je souligne que la demanderesse a réussi à obtenir un jugement lui accordant les sommes réclamées.
[52] En ce qui concerne l’alinéa 400(3)c), je juge qu’une demande comme celle en l’espèce, présentée en vertu des alinéas 22(2)m) et n) de la Loi sur les Cours fédérales, précitée, relativement à des biens et des services fournis à deux navires, est simple. Les questions en litige se sont complexifiées quand les défendeurs ont invoqué le moyen de défense fondé sur la compensation en equity.
[53] Pour faire valoir ce moyen de défense, les défendeurs ont présenté une myriade de factures et de bons de travail visant à prouver leurs allégations de fraude, de complot et de détournement.
[54] La demanderesse a présenté deux projets de mémoire de dépens, l’un selon la colonne III du tarif et l’autre selon la colonne IV. Elle n’a pas présenté de mémoire de dépens selon la colonne V ou sur la base avocat-client.
[55] Dans le projet de mémoire de dépens selon la colonne III, le total indiqué est de 52 255 $. Dans celui selon la colonne IV, le total indiqué est de 78 992,50 $.
[56] La Cour peut décider de la base sur laquelle les dépens seront adjugés, puis soit adjuger une somme globale au titre des dépens conformément à l’article 400(4) des Règles, soit renvoyer l’affaire à un officier taxateur conformément à l’article 400(5) des Règles.
[57] L’étape de la présentation de la preuve du procès a duré huit jours, soit les 18, 19, 20, 21, 22, 25, 26 et 27 janvier 2021. La présentation des observations du 25 février 2021 a duré 7 heures 32 minutes.
[58] La présentation des observations du 11 janvier 2022 a duré 2 heures 51 minutes.
[59] Compte tenu de la durée de la présentation de la preuve, du temps consacré à l’examen des nombreuses factures soumises en plus des trois factures en cause, du rejet des allégations de fraude, de complot et de détournement à la base du moyen de défense fondé sur la compensation en equity, et du résultat final, j’adjuge, dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, une somme globale de 85 000 $, qui comprend les frais, les débours et les taxes applicables, au titre des dépens.
[60] Des intérêts après jugement courent sur la somme globale adjugée au titre des dépens au taux simple actuel de 2 %.
[61] Les intérêts accumulés sur les sommes que les défendeurs ont versées dans les dossiers T-1836-17 et T-1837-17 pour la mainlevée de la saisie de leurs navires seront retranchés des intérêts qu’ils ont à payer.
[62] Une ordonnance relative aux présents motifs sera rendue.
ORDONNANCE dans les dossiers T-1836-17 et T-1837-17
LA COUR ORDONNE que, concernant les factures nos 103366, 103367 et 103386, les intérêts avant jugement soient accordés au taux simple de 5 % et que, pour chacune d’elle, les intérêts soient calculés à compter de 30 jours après la date de la facture.
Relativement aux jugements dans les dossiers T-1836-17 et T-1837-17, les intérêts après jugement sont accordés au taux simple de 2 % et, pour chacun d’eux, les intérêts doivent être calculés à compter de la date d’inscription du jugement.
Dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que me confèrent les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, une somme globale de 85 000 $, qui comprend les frais, les débours et les taxes applicables, est adjugée à la demanderesse au titre des dépens dans les dossiers T-1836-17 et T-1837-17.
Les défendeurs recevront les intérêts accumulés sur les sommes qu’ils ont versées à la Cour.
« E. Heneghan »
Juge
Traduction certifiée conforme
N. Belhumeur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS :
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T-1836-17
T-1837-17
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INTITULÉ :
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SEALAND MARINE ELECTRONICS SALES AND SERVICES LTD. c LES PROPRIÉTAIRES, LES AFFRÉTEURS ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE NM
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 11 JANVIER 2022
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MOTIFS ET ORDONNANCE
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LA JUGE HENEGHAN
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DATE DES MOTIFS :
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LE 11 JUILLET 2022
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COMPARUTIONS :
Brad Leyte
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POUR LA DEMANDERESSE
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Philip J. Buckingham
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POUR LES DÉFENDEURS
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
CBS Legal Services
Avocats
Conception Bay South (Terre-Neuve-et-Labrador)
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POUR LA DEMANDERESSE
|
Goodland Buckingham
Avocats
St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)
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POUR LES DÉFENDEURS
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