Date : 20220630
Dossier : T-939-21
Référence : 2022 CF 973
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 30 juin 2022
En présence de madame la juge Henegan
ENTRE : |
JOYANTI DATTA |
demanderesse |
et |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
défendeur |
MOTIFS ET JUGEMENT
[1] Mme Joyanti Datta (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 31 mai 2021 par l’Agence du revenu du Canada (l’ARC). Dans cette décision, l’ARC a conclu que la demanderesse n’était pas admissible à des prestations au titre du programme de la Prestation canadienne de relance économique (la PCRE), créé par la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12 (la Loi).
[2] La demanderesse a désigné l’ARC à titre de défenderesse dans son avis de demande. Conformément à l’article 303 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), le bon défendeur dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire est le procureur général du Canada (le défendeur); l’intitulé est donc modifié en conséquence.
[3] Les renseignements qui suivent sont tirés de l’affidavit souscrit par la demanderesse le 8 juillet 2021 et du dossier certifié du tribunal (le DCT) préparé par l’ARC.
[4] La demanderesse a quitté le Bangladesh pour venir au Canada après le décès de son époux en 2001. Elle vit avec son fils et la famille de celui-ci en Alberta. Elle a agi comme gardienne des enfants de son fils, services qui lui ont été payés en espèces.
[5] La demanderesse a présenté une demande de prestations au titre du programme de la PCRE. Elle a reçu des fonds pour les périodes du 27 septembre au 9 octobre 2020 et du 11 au 24 octobre 2020.
[6] Par la suite, l’ARC a procédé à un examen de validation de l’admissibilité de la demanderesse et lui a offert la possibilité de présenter des documents pour appuyer son allégation selon laquelle elle satisfaisait au critère exigeant d’avoir gagné au moins 5 000 $ en 2019, en 2020 ou au cours des 12 mois ayant précédé la date de sa demande de prestation.
[7] La demanderesse a présenté une lettre datée du 27 novembre 2020 à laquelle étaient joints des reçus de services de garde d’enfants pour 2019 et 2020, de même qu’un état des revenus d’une société de personnes établie au Bangladesh pour l’année d’imposition 2019.
[8] La demanderesse a envoyé une autre lettre datée du 5 janvier 2021 et elle a transmis des documents supplémentaires, y compris des captures d’écran de relevés de comptes bancaires dont elle avait le contrôle.
[9] Les documents ont été examinés par un employé de l’ARC. L’ARC a conclu que la demanderesse n’avait pas gagné des revenus d’au moins 5 000 $ provenant d’un emploi ou d’un travail exécuté pour son compte en 2019, en 2020 ou au cours des 12 mois ayant précédé la date de sa première demande de prestation.
[10] L’ARC a informé la demanderesse de sa décision dans une lettre datée du 28 janvier 2021. Dans sa lettre, l’ARC a expliqué à la demanderesse qu’elle pouvait solliciter un examen de cette décision, lequel examen serait réalisé par un employé de l’ARC n’ayant pas pris part à la première décision.
[11] Dans une lettre datée du 5 février 2021, la demanderesse a sollicité un second examen.
[12] Ce second examen a de nouveau mené l’ARC à conclure que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle satisfaisait à l’exigence liée aux revenus pour être admissible à la prestation. La décision de l’ARC a été communiquée à la demanderesse dans une lettre datée du 13 mai 2021.
[13] Le 10 juin 2021, la demanderesse a déposé la présente demande de contrôle judiciaire.
[14] La demanderesse soutient que l’ARC a commis une erreur en additionnant ses revenus pour les années 2019 et 2020. Elle fait valoir qu’elle a fourni des documents qui montraient que ses revenus de garde d’enfants s’élevaient à 3 500 $ pour 2019 et à 1 600 $ pour 2020.
[15] La demanderesse soutient aussi que ses revenus provenant d’une société de personnes à l’étranger s’élevaient à 2 400 $ pour février 2020 et à 4 250 $ pour mai 2020. Dans ces circonstances, elle affirme qu’elle satisfaisait à l’exigence liée aux revenus pour être admissible à la PCRE.
[16] Le défendeur, en revanche, prétend que les documents présentés par la demanderesse, combinés aux renseignements sur l’impôt sur le revenu dont disposait l’ARC, n’appuyaient pas l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle satisfaisait à l’exigence liée aux revenus.
[17] Le défendeur fait valoir que l’ARC a examiné attentivement les renseignements contenus dans ses dossiers de même que les documents présentés par la demanderesse et qu’elle a raisonnablement conclu que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle était admissible à la PCRE.
[18] Le défendeur fait aussi valoir que les revenus de la demanderesse provenant d’une société de personne ne sont pas visés par la Loi puisqu’ils ne proviennent pas d’une source de revenu « prévue »
.
[19] La décision de la SAR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, rendu par la Cour suprême du Canada.
[20] Dans son examen du caractère raisonnable, la Cour doit se demander si la décision qui fait l’objet du contrôle « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci »
; voir Vavilov, précité, au para 99.
[21] La décision de l’ARC est fondée sur les faits et elle respecte le cadre établi par la Loi. Les alinéas 3(1)a) à 3(1)c) de la Loi prévoient ce qui suit :
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[22] Les articles 4 et 7, qui sont aussi pertinents, prévoient ce qui suit :
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[23] Ces dispositions visent à préciser qui peut présenter une demande de PCRE et pour quelle période de deux semaines « à laquelle la prestation se rapporte »
.
[24] L’alinéa 3(1)d) désigne les sources de revenu qui sont reconnues comme étant des sources de revenu admissibles; il prévoit ce qui suit :
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[25] La demanderesse allègue qu’elle a touché des revenus de garde d’enfants s’élevant à 3 500 $ en 2019 et à 1 600 $ en 2020. Tous les paiements ont été faits en espèces. Il ressort clairement de l’examen du DCT que l’ARC n’a pas admis la preuve présentée par la demanderesse concernant ses revenus de garde d’enfants.
[26] À mon avis, l’ARC a raisonnablement conclu que la preuve documentaire ne suffisait pas à étayer l’allégation formulée par la demanderesse au sujet de ses revenus de garde d’enfants.
[27] La preuve présentée était constituée à la fois de factures et de relevés de comptes bancaires. Toutefois, les montants ne concordaient pas. L’ARC a fait part à la demanderesse de ses réserves à ce sujet. Elle a expliqué à la demanderesse que la question de savoir si elle [traduction] « croyait que [celle-ci] avait gagné l’argent »
n’avait pas d’importance; les premier et second examens reposaient sur la preuve, et la preuve documentaire dont disposait le décideur n’appuyait pas les montants déclarés. Ainsi, aucun revenu de garde d’enfants n’a été pris en compte dans l’examen de l’admissibilité à la PCRE.
[28] Lorsqu’elle a déposé la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse a fourni des documents supplémentaires. Ces documents comprennent des relevés bancaires fournis par son fils, qui montrent les retraits des montants que celui-ci lui aurait versés.
[29] Cependant, ces renseignements n’avaient pas été présentés au décideur. Un contrôle judiciaire n’est pas une nouvelle audience.
[30] Les éléments de preuve qui n’avaient pas été présentés au décideur ne peuvent généralement pas être pris en compte lors d’un contrôle judiciaire; voir la décision Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), [2012] ACF no 93.
[31] À mon avis, selon les renseignements et la preuve documentaire qui ont été pris en compte lors du second examen, le décideur a raisonnablement conclu qu’il n’existait pas de [traduction] « preuve réelle des revenus touchés »
pour la garde d’enfants.
[32] La demanderesse soutient qu’elle a tiré d’une société de personnes des revenus qui s’élevaient à 2 400 $ en février 2020 et à 4 250 $ en mai 2020.
[33] La demanderesse a fourni la preuve qu’une somme de 2 400 $ avait été déposée dans son compte le 12 février 2020.
[34] La demanderesse n’a toutefois produit aucune preuve documentaire au cours du processus d’examen de l’ARC pour appuyer son allégation selon laquelle elle avait tiré un revenu de 4 250 $ d’une société de personnes.
[35] Dans son affidavit, la demanderesse a expliqué qu’elle avait commis une erreur en ne déclarant pas ce revenu lors du processus d’examen de l’ARC. Cependant, même si elle reconnaît son erreur, il n’en reste pas moins que les renseignements n’avaient pas été présentés au décideur et qu’ils n’ont donc pas été pris en compte lors du second examen de l’ARC.
[36] Une preuve suffisante avait été présentée au décideur seulement à l’égard des revenus de 2 400 $ tirés d’une société de personnes, ce qui est en deçà du seuil de 5 000 $ requis pour être admissible à la PCRE.
[37] Selon moi, le décideur a raisonnablement conclu que la preuve documentaire ne suffisait pas à appuyer l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle avait atteint le seuil requis pour être admissible à la PCRE.
[38] La décision ne contient aucune erreur susceptible de contrôle et rien ne justifie l’intervention de la Cour.
[39] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[40] Le défendeur ne sollicite pas de dépens, et exerçant le pouvoir discrétionnaire que me confère l’article 400 des Règles, je n’en accorde pas.
JUGEMENT dans le dossier T-939-21
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Le défendeur ne sollicite pas de dépens, et exerçant le pouvoir discrétionnaire que me confère l’article 400 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, je n’en accorde pas.
« E. Heneghan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Geneviève Bernier
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T-939-21 |
INTITULÉ :
|
JOYANTI DATTA c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
LIEU DE L’AUDIENCE :
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AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE EDMONTON (ALBERTA) ET ST. JOHN’S (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR) |
DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 17 JANVIER 2022 |
MOTIFS ET JUGEMENT :
|
LA JUGE HENEGHAN |
DATE DES MOTIFS :
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LE 30 JUIN 2022 |
COMPARUTIONS :
Joyanti Datta |
POUR LA DEMANDERESSE (POUR SON PROPRE COMPTE) |
Daniel G. Segal |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Procureur général du Canada Edmonton (Alberta) |
POUR LE DÉFENDEUR |