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Dossier : T‑555‑20

Référence : 2022 CF 996

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 6 juillet 2022

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

JANSSEN INC. ET

ACTELION PHARMACEUTICALS LTD

demanderesses

et

APOTEX INC.

défenderesse

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT

(Jugement rendu le 20 mai 2022 – 2022 CF 995)

(Jugement et motifs confidentiels rendus le 20 mai 2022)

Table des matières

I. Aperçu 3

II. Contexte 6

A. Les parties et la nature de la présente instance 6

B. Le brevet 770 7

C. HTAP et maladies dans lesquelles intervient la vasoconstriction 9

III. Questions en litige 10

IV. Témoins 13

A. La Dre Mielniczuk (témoin expert des demanderesses) 14

B. Le Dr Kapasi (témoin expert des demanderesses) 15

C. Le Dr McIvor (témoin expert d’Apotex) 18

D. Mme Picard (témoin expert d’Apotex) 19

V. La personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes 25

VI. Interprétation des revendications 32

A. Principes juridiques 32

B. Revendications invoquées 34

C. Opinion des experts concernant l’interprétation des revendications 37

D. Position des parties concernant l’interprétation des revendications 41

E. Analyse de l’interprétation des revendications 48

a) Revendications 1 à 5 50

b) Revendications 10 à 20 53

c) Revendications 21 à 31 57

VII. Contrefaçon 58

A. Contrefaçon directe 59

(1) Observations des parties 59

(2) Analyse 60

B. Incitation à la contrefaçon 62

(1) Observations des parties 63

(2) Analyse 71

a) Premier volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac 71

b) Deuxième volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac 74

c) Troisième volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac 84

VIII. Conclusion 86

IX. Post-scriptum 87

ANNEXE A 90

 


 

I. Aperçu

[1] Les demanderesses, Janssen Inc. (Janssen) et Actelion Pharmaceuticals Ltd (Actelion), intentent la présente action en contrefaçon de brevet contre Apotex Inc. (Apotex) en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 [le Règlement], pris en vertu de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P-4 [la Loi sur les brevets].

[2] Janssen commercialise au Canada un médicament sur ordonnance appelé OPSUMIT®, un comprimé pelliculé contenant 10 mg de macitentan comme ingrédient actif, pour traiter les patients atteints d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). L’HTAP est une maladie grave et incurable qui se caractérise par une pression sanguine élevée dans les vaisseaux sanguins des poumons. Elle découle de modifications des artères qui transportent le sang désoxygéné du cœur aux poumons aux fins de réoxygénation. Si elle n’est pas traitée, l’hypertension artérielle fatigue le cœur et peut causer une insuffisance cardiaque et mener au décès.

[3] OPSUMIT appartient à une classe de médicaments appelée antagonistes des récepteurs de l’endothéline (ARE). Les ARE agissent en se fixant aux récepteurs de l’endothéline dans les parois des vaisseaux sanguins, ce qui empêche la fixation de l’endothéline sur ces récepteurs. La fixation de l’endothéline est l’une des étapes de la voie de l’endothéline, une voie biologique qui entraîne la contraction et la prolifération des cellules musculaires lisses dans les parois des vaisseaux sanguins; lorsque la paroi des artères s’épaissit et que leur lumière diminue, le cœur doit fournir un effort accru pour propulser le sang dans les artères. En bloquant l’étape de fixation de l’endothéline, les ARE contrecarrent les effets de vasoconstriction et de prolifération de la voie de l’endothéline.

[4] OPSUMIT peut être prescrit seul ou en combinaison avec une autre classe de médicaments appelée inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (I-PDE5). Comme les ARE, les I-PDE5 influent sur la pression artérielle, mais ils le font en augmentant les effets de vasorelaxation et d’antiprolifération associés à la voie de l’oxyde nitrique. Le sildénafil et le tadalafil sont deux I-PDE5 qui sont prescrits pour traiter l’HTAP.

[5] À l’heure actuelle, Janssen est la seule société autorisée par Santé Canada à vendre du macitentan comme médicament sur ordonnance. Apotex demande l’approbation de Santé Canada pour vendre un médicament sur ordonnance générique contenant 10 mg de macitentan comme ingrédient actif (APO-MACITENTAN).

[6] Les demanderesses allèguent que, si Apotex vendait APO-MACITENTAN, elle contreferait les revendications 1 à 5, 10 à 20 et 21 à 31 (les revendications invoquées) du brevet canadien no 2659770 d’Actelion, intitulé « Compositions thérapeutiques comportant un antagoniste des récepteurs de l’endothéline spécifique et un inhibiteur [de la] PDE5 » (le brevet 770).

[7] Les revendications 1, 10 et 21 sont des revendications indépendantes du brevet 770 qui concernent l’utilisation de macitentan en combinaison avec un I-PDE5 pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction. Les autres revendications invoquées dépendent directement ou indirectement des revendications 1, 10 ou 21, et leur portée est plus étroite. Les revendications dépendantes comprennent des limites concernant l’I-PDE5 utilisé, la maladie visée par le traitement, ou les deux.

[8] Selon les demanderesses, Apotex contrefera directement ou indirectement certaines revendications invoquées en faisant des déclarations dans la monographie de produit (MP) d’APO-MACITENTAN qui inciteront d’autres personnes à les contrefaire, notamment les médecins prescripteurs. En ce qui concerne l’incitation à la contrefaçon, les demanderesses allèguent que la MP d’APO-MACITENTAN indique qu’APO-MACITENTAN ne devrait pas être utilisé différemment d’OPSUMIT. Elles allèguent que la MP d’APO-MACITENTAN comprend des données sur la bioéquivalence et les résultats d’un essai clinique de phase 3 multicentrique, à double insu et contrôlé par placebo (l’essai SERAPHIN) mené auprès de 742 patients atteints d’HTAP, dans le cadre duquel on a établi l’innocuité et l’efficacité du macitentan en monothérapie ou en combinaison avec un I-PDE5. Ainsi, la MP d’APO-MACITENTAN encouragera les médecins à utiliser APO-MACITENTAN de la même façon qu’OPSUMIT, en combinaison avec des I-PDE5.

[9] Aux fins de la présente instance seulement, Apotex reconnaît que les revendications invoquées sont valides. Apotex conteste les allégations des demanderesses au motif qu’elle ne contrefera aucune des revendications invoquées. Apotex allègue qu’elle ne contrefera pas directement les revendications invoquées parce qu’elle ne réalisera pas tous les éléments essentiels des revendications, et qu’elle ne contrefera pas indirectement les revendications invoquées parce que la section [traduction] « Indications et utilisation clinique » de la MP d’APO-MACITENTAN indique que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, et la MP ne laisse pas entendre que les médecins ou les patients devraient utiliser APO-MACITENTAN en combinaison avec un I-PDE5.

[10] Pour les motifs qui suivent, les demanderesses n’ont pas établi qu’Apotex contrefera directement l’une ou l’autre des revendications invoquées. Les demanderesses ont établi qu’Apotex incitera à la contrefaçon des revendications 1 à 5 et 21 à 31.

II. Contexte

A. Les parties et la nature de la présente instance

[11] Janssen est une société pharmaceutique dont le siège social est à Toronto, en Ontario. Actelion est une société pharmaceutique et biotechnologique dont le siège social est à Allschwil, en Suisse. Janssen appartient en propriété exclusive à Johnson & Johnson, qui a acquis Actelion en 2017. Janssen et Actelion sont toutes deux membres du groupe de sociétés Johnson & Johnson. Janssen est une « première personne » visée aux paragraphes 4(1) et 6(1) du Règlement. Actelion est la propriétaire inscrite du brevet 770 et une partie nécessaire à la présente action par application du paragraphe 6(2) du Règlement.

[12] Apotex est une société pharmaceutique dont le siège social est à Toronto, en Ontario. Apotex est une « seconde personne » visée aux paragraphes 5(1) et 6(1) du Règlement.

[13] Apotex a déposé une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) auprès de Santé Canada, dans laquelle elle demande l’autorisation de commercialiser les comprimés d’APO-MACITENTAN, en considération de leurs caractéristiques pharmaceutiques et de leur biodisponibilité équivalentes à celles d’OPSUMIT.

[14] Le ministre de la Santé tient une liste des brevets liés aux médicaments dont la vente a été autorisée en vertu d’un avis de conformité (AC). En application du Règlement, Apotex devait, pour obtenir l’autorisation de commercialiser son produit de macitentan, examiner la liste de brevets associée à OPSUMIT et prendre position à cet égard. Apotex a signifié un avis d’allégation le 6 avril 2020, et les demanderesses ont intenté la présente action en réponse.

[15] Au moment où la présente action a été intentée, trois brevets liés à OPSUMIT étaient inscrits au registre : le brevet canadien no 2437675, le brevet canadien no 2621273 et le brevet 770. Le brevet canadien no 2437675 est expiré, et le brevet canadien no 2621273 n’est pas en cause dans la présente action. Seul le brevet 770 est en cause.

[16] L’introduction de la présente action a entraîné une suspension automatique qui empêche le ministre de la Santé de délivrer un AC à Apotex pour une période maximale de 24 mois, afin que l’action puisse être entendue et tranchée.

B. Le brevet 770

[17] Le brevet 770 a été délivré le 18 novembre 2014. Il porte sur un composé particulier, appelé « formula (I) » [ou « formule (I) » en français] tout au long du brevet, combiné à un I-PDE5 pour traiter des maladies dans lesquelles intervient la vasoconstriction. La formule (I) est identifiée par le schéma suivant de sa structure chimique :

[18] Il ne fait aucun doute que la formule (I) est le composé maintenant connu sous le nom de macitentan, l’ingrédient actif d’OPSUMIT, et que la formule (I), ou le macitentan, est un ARE.

[19] Le premier paragraphe du mémoire descriptif du brevet 770 indique que l’invention concerne un produit renfermant le composé de formule (I), combiné à au moins un composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5, utilisé à des fins thérapeutiques pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction. Le mémoire descriptif indique qu’une [traduction] « maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction » s’entend, en particulier, de l’hypertension, de l’hypertension pulmonaire (HTP, y compris l’HTAP), de l’artériopathie diabétique, de l’insuffisance cardiaque, de la dysfonction érectile ou de l’angine de poitrine. Certaines des revendications invoquées n’incluent aucune limite quant à la maladie particulière dans laquelle intervient la vasoconstriction, tandis que d’autres visent exclusivement les maladies énumérées ci-dessus dans lesquelles intervient la vasoconstriction; l’hypertension et l’HTP; l’HTP en particulier; ou l’HTAP en particulier.

[20] Le mémoire descriptif du brevet définit un [traduction] « composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 » comme étant un composé dont la capacité d’inhiber la PDE5, établie selon un protocole d’essai expérimental décrit dans le brevet, atteint ou dépasse un certain seuil de mesure. Quatre exemples d’I-PDE5 sont fournis : le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil et l’udénafil. Certaines des revendications invoquées n’incluent aucune limite quant aux I‑PDE5, et d’autres les limitent aux quatre exemples d’I-PDE5; au sildénafil ou au tadalafil; au sildénafil en particulier; ou au tadalafil en particulier.

C. HTAP et maladies dans lesquelles intervient la vasoconstriction

[21] La vasoconstriction est la constriction des vaisseaux (artères et veines) de l’appareil circulatoire. Les vaisseaux forment deux voies de circulation par lesquelles le sang est acheminé entre les différentes parties du corps, le cœur et les poumons. La circulation générale fait intervenir le côté gauche du cœur, qui pompe le sang oxygéné du cœur au reste du corps (à l’exception des poumons). La circulation pulmonaire fait intervenir le côté droit du cœur, qui pompe le sang désoxygéné du cœur aux poumons, où il sera réoxygéné.

[22] Bien que certaines des revendications invoquées englobent d’autres maladies associées à la vasoconstriction et ne se limitent pas à l’HTAP, l’HTAP est la seule maladie qui se rapporte aux questions en litige dans la présente action, parce que les allégations de contrefaçon directe et indirecte concernent exclusivement l’HTAP.

[23] L’HTAP est un sous-type d’HTP, un terme général qui décrit une pression artérielle anormalement élevée dans le système circulatoire pulmonaire. Comme je le mentionne plus haut, l’HTAP est une maladie progressive et incurable, dans laquelle les parois des artères pulmonaires se resserrent et s’épaississent, ce qui augmente la résistance vasculaire à la circulation du sang et l’effort que doit fournir le côté droit du cœur pour propulser le sang dans des artères dont la lumière est réduite. En raison de cet effort supplémentaire, le ventricule droit du cœur grossit et se dilate. Au fil du temps, ces changements deviennent insoutenables. Le ventricule droit s’affaiblit, sa capacité à acheminer le sang du cœur aux poumons est compromise et, après un temps, le cœur ne peut plus accomplir sa fonction.

III. Questions en litige

[24] Les questions en litige dans la présente action concernent l’interprétation des revendications et la contrefaçon des revendications invoquées. Comme je le mentionne plus haut, la Cour n’est pas saisie de la question de la validité du brevet 770.

[25] Il faut interpréter les revendications invoquées du brevet 770 avant d’évaluer si elles ont été contrefaites : Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 au para 43 [Whirlpool]. Pour ce faire, il faut que les revendications soient interprétées de façon éclairée et en fonction de l’objet, du point de vue d’une personne fictive ayant des compétences usuelles dans l’art ou la science dont relève le brevet, et à qui le brevet est destiné (la personne versée dans l’art) : Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 au para 44 [Free World].

[26] Bien que les parties en l’espèce et leurs témoins experts s’entendent dans une large mesure (à quelques différences près) sur les compétences de la personne versée dans l’art et sur l’expérience et les connaissances utiles que cette personne pourrait appliquer aux questions en litige dans la présente action, la première question en litige consiste à définir la personne versée dans l’art.

[27] Les parties ont déposé un tableau conjoint des revendications. Malgré leur interprétation identique des éléments essentiels des revendications invoquées, les parties ne s’entendent pas sur la signification des revendications. Deux questions sont contestées : (i) celle de savoir si les revendications 1 et 10 et leurs revendications dépendantes sont, essentiellement, des revendications visant l’utilisation de macitentan pour traiter une maladie, y compris l’HTAP; et (ii) pour toutes les revendications invoquées, celle de savoir si le terme [traduction] « combinaison » implique que l’utilisation du macitentan et d’un I-PDE5 est envisagée par le médecin dès le début du traitement d’un patient.

[28] L’analyse de la Cour quant à l’interprétation des revendications ne se limite pas à ces deux questions. La Cour n’est pas tenue d’accepter l’interprétation proposée par les parties ou les experts. L’interprétation des revendications est une question de droit qu’il appartient à la Cour de trancher : Whirlpool, au para 61; Zero Spill Systems (Int’l) Inc c Heide, 2015 CAF 115 au para 41 [Zero Spill]. La deuxième question en litige consiste à interpréter les revendications invoquées.

[29] La demande relative au brevet 770 a été publiée le 6 mars 2008. Il s’agit de la date déterminante pour l’interprétation des revendications : Free World, aux para 53-54. Les compétences et les connaissances que la personne versée dans l’art met à profit pour interpréter les revendications sont celles en date du 6 mars 2008. Par souci de simplicité, je n’utiliserai parfois que « mars 2008 » ou « 2008 » pour renvoyer à la date de publication du brevet 770.

[30] Les demanderesses ont le fardeau de prouver la contrefaçon selon la prépondérance des probabilités. L’énoncé conjoint des questions en litige présenté par les parties énonce la question de la contrefaçon de la façon suivante :

[traduction]

La Cour sera tenue de décider si la fabrication, la construction, l’exploitation ou la vente de comprimés pelliculés de 10 mg d’APO-MACITENTAN par Apotex Inc., conformément à sa présentation abrégée de drogue nouvelle no 2365227, contreferait, si elle était approuvée, l’une ou l’autre des revendications invoquées du brevet 770, directement ou indirectement par incitation à la contrefaçon.

[31] La troisième question en litige consiste à savoir si les demanderesses ont établi qu’Apotex contreferait directement les revendications 1 à 5 et 10 à 20 si elle était autorisée à commercialiser APO-MACITENTAN.

[32] La quatrième question en litige consiste à savoir si les demanderesses ont établi qu’Apotex contreferait indirectement les revendications 1 à 5 et 10 à 20 en incitant d’autres personnes, notamment les médecins prescripteurs, à les contrefaire. Comme je le mentionne plus haut, les demanderesses affirment que les déclarations faites dans la MP d’APO-MACITENTAN inciteront les médecins prescripteurs à contrefaire les revendications invoquées.

[33] Au début du procès, les demanderesses ont déclaré qu’elles alléguaient qu’Apotex contreferait indirectement les revendications 10 à 20, mais dans leurs conclusions écrites elles n’ont pas mentionné la contrefaçon indirecte des revendications 10 à 20. Compte tenu de mon interprétation des revendications 10 à 20, je n’aurais pas conclu à la contrefaçon indirecte de ces revendications.

IV. Témoins

[34] Chacune des parties a présenté des témoignages d’expert à l’appui de sa position sur l’interprétation et la contrefaçon des revendications. Les demanderesses se sont appuyées sur les témoignages d’expert de la Dre Mielniczuk et du Dr Kapasi. Apotex s’est appuyée sur les témoignages d’expert du Dr McIvor et de Mme Picard.

[35] Les parties s’entendent généralement sur les faits. Par conséquent, aucun témoin des faits n’a été appelé. Les parties ont présenté un document conjoint expliquant les notions scientifiques de base, ainsi qu’un exposé conjoint des faits.

[36] Cela dit, les demanderesses soutiennent qu’Apotex aurait dû appeler un de ses employés à témoigner à titre de témoin des faits. Elles font valoir que la Cour devrait tirer une conclusion défavorable de son défaut de le faire, parce que les seuls éléments de preuve qu’Apotex a présentés au sujet de ses actes et de ses intentions – qui sont d’une importance centrale pour la question de la contrefaçon – sont des hypothèses formulées par le Dr McIvor et Mme Picard. Les demanderesses font donc valoir que la Cour devrait conclure qu’Apotex n’a cité aucun de ses employés à témoigner parce que le témoignage ainsi obtenu n’aurait pas appuyé sa position.

[37] Je refuse de tirer une conclusion défavorable du défaut allégué d’Apotex de citer un de ses employés à témoigner. Selon l’exposé conjoint des questions en litige, la question de la contrefaçon consiste à savoir si la fabrication, la construction, l’exploitation ou la vente d’APO‑MACITENTAN, conformément à la PADN d’Apotex, constituerait une contrefaçon directe ou indirecte. À cet égard, les demanderesses ont demandé à la Dre Mielniczuk et au Dr Kapasi d’examiner la MP d’APO-MACITENTAN et l’étiquette de produit qu’Apotex a présentées dans le cadre de sa PADN, et de donner leur opinion sur : (i) la façon dont APO-MACITENTAN sera utilisé par les médecins et les patients s’il est approuvé, vendu et utilisé au Canada; et (ii) l’influence qu’Apotex exercera sur l’utilisation d’APO-MACITENTAN au Canada par les médecins et les patients. Les deux experts se sont dits d’avis qu’Apotex affirmerait qu’APO‑MACITENTAN peut être utilisé en remplacement d’OPSUMIT compte tenu des renseignements contenus dans la MP proposée d’APO-MACITENTAN.

[38] Voici une brève description des compétences et du témoignage de chaque témoin expert.

A. La Dre Mielniczuk (témoin expert des demanderesses)

[39] La Dre Mielniczuk est cardiologue et directrice médicale à la Clinique d’hypertension pulmonaire de l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. Elle occupe ce poste depuis 2007. La Dre Mielniczuk a obtenu son doctorat en médecine de l’Université McMaster en 1998. Elle a terminé une résidence en médecine interne à l’Université Queen’s en 2001 et un fellowship en cardiologie à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa en 2004. En 2006, la Dre Mielniczuk a terminé un fellowship en insuffisance cardiaque avancée et transplantation cardiaque au Brigham and Women’s Hospital, à Boston (Massachusetts). Elle a obtenu une maîtrise en sciences cliniques et en épidémiologie de la Harvard School of Public Health en 2007.

[40] Les activités de recherche de la Dre Mielniczuk portent sur l’insuffisance cardiaque, les conséquences cliniques de l’insuffisance cardiaque associée à l’HTP et l’évaluation du métabolisme énergétique myocardique en présence d’insuffisance cardiaque droite.

[41] Apotex ne s’est pas opposée à ce que la Dre Mielniczuk soit reconnue comme témoin expert. J’ai conclu que la Dre Mielniczuk était qualifiée pour fournir un témoignage d’expert sur la base des qualifications suivantes, proposées par les demanderesses :

[traduction]

La Dre Mielniczuk est une médecin, chercheuse et professeure de cardiologie dont l’expertise englobe (i) l’hypertension pulmonaire (« HTP ») [y compris l’hypertension artérielle pulmonaire (« HTAP »)], (ii) le développement et la science du traitement de l’HTP (y compris l’HTAP), et (iii) le traitement passé et présent de l’HTP (y compris l’HTAP) au Canada.

[42] La Dre Mielniczuk a préparé un rapport de témoin expert daté du 15 juillet 2021. Dans son rapport, la Dre Mielniczuk a donné son opinion sur les questions visées par son mandat, soit les compétences et les connaissances de la personne versée dans l’art, l’interprétation des revendications invoquées, la façon dont l’HTAP est traitée aujourd’hui, la façon dont APO-MACITENTAN sera utilisé par les médecins et les patients au Canada, et l’influence d’Apotex sur l’utilisation d’APO‑MACITENTAN par les médecins et les patients. Le rapport de la Dre Mielniczuk a été considéré comme ayant été lu.

B. Le Dr Kapasi (témoin expert des demanderesses)

[43] Le Dr Kapasi est professeur adjoint de médecine à l’Université de la Colombie-Britannique. Le Dr Kapasi a obtenu son doctorat en médecine de l’Université de l’Alberta en 2003 et a effectué une résidence en médecine familiale en 2004. Il a également achevé une résidence en médecine interne à l’Université du Manitoba en 2006, un programme de sous-spécialité en pneumologie en 2008 et un fellowship en transplantation pulmonaire et cardiopulmonaire en 2009. Le Dr Kapasi a obtenu une maîtrise en maladies vasculaires pulmonaires de l’Université de Bologne en 2012.

[44] Depuis le début de sa pratique de la médecine en 2009, le Dr Kapasi s’est consacré au traitement des maladies cardiovasculaires, avec un intérêt particulier pour les maladies touchant le système circulatoire pulmonaire.

[45] Les demanderesses ont proposé que le Dr Kapasi soit reconnu comme témoin expert sur la base des qualifications suivantes :

[traduction]

Le Dr Kapasi est un médecin, chercheur et professeur de médecine pulmonaire dont l’expertise englobe (i) l’hypertension pulmonaire (« HTP ») [y compris l’hypertension artérielle pulmonaire (« HTAP »)], (ii) le développement et la science du traitement de l’HTP (y compris l’HTAP), et (iii) le traitement passé et présent de l’HTP (y compris l’HTAP) au Canada.

[46] Apotex ne s’est pas opposée aux qualifications proposées, et j’ai conclu que le Dr Kapasi était qualifié pour fournir un témoignage d’expert, compte tenu des qualifications proposées par les demanderesses.

[47] Le Dr Kapasi a préparé un rapport de témoin expert daté du 15 juillet 2021. Dans son rapport, le Dr Kapasi a donné son opinion sur les questions visées par son mandat, qui étaient les mêmes que celles visées par le rapport de la Dre Mielniczuk. Le rapport du Dr Kapasi a été considéré comme ayant été lu.

[48] Avant le procès, Apotex s’est opposée au témoignage d’expert du Dr Kapasi au motif qu’il faisait double emploi avec celui de la Dre Mielniczuk. Après avoir fait noter son objection, Apotex a déclaré qu’elle présenterait ses observations sur la question dans ses conclusions finales.

[49] Apotex n’a présenté aucune observation sur son objection dans ses conclusions finales écrites ou orales. La Cour a demandé à Apotex si elle avait retiré son objection, et Apotex a répondu qu’elle ne s’opposait pas à l’admissibilité du témoignage d’expert du Dr Kapasi, mais qu’elle se réservait le droit de traiter de la question dans le contexte des dépens. Apotex a ensuite ajouté que la nature redondante de la preuve devrait être prise en considération dans l’évaluation du poids à accorder au témoignage du Dr Kapasi, et les demanderesses ont formulé une objection. Les demanderesses étaient d’avis que, puisque Apotex n’avait présenté aucune observation sur la question dans ses conclusions finales (en fait, Apotex s’est appuyée et sur le témoignage du Dr Kapasi et sur celui de la Dre Mielniczuk sur divers points) et qu’elle avait retiré son objection, elle ne pouvait pas faire valoir que la Cour devrait accorder moins de poids au témoignage d’expert du Dr Kapasi parce qu’il fait double emploi avec celui de la Dre Mielniczuk. Quoi qu’il en soit, les demanderesses soutiennent que le témoignage d’expert du Dr Kapasi et celui de la Dre Mielniczuk sont complémentaires et non redondants.

[50] Apotex a fait valoir que le témoignage d’opinion d’un deuxième expert en HTAP se trouvant dans une situation semblable n’est pas susceptible d’aider la Cour, compte tenu du cadre établi dans l’arrêt R c Mohan, [1994] 2 RCS 9. À mon avis, il s’agit d’une question liée à l’admissibilité de la preuve d’expert, et Apotex a déclaré qu’elle ne s’opposait pas à l’admissibilité du témoignage du Dr Kapasi. Apotex a également fait valoir que la Cour ne devrait pas trancher les questions en s’appuyant sur le fait que deux têtes valent mieux qu’une. À mon avis, cette mise en garde était inutile. Je n’ai pas accordé « plus de poids » à l’opinion d’un ou l’autre des experts des demanderesses simplement parce qu’ils étaient deux.

C. Le Dr McIvor (témoin expert d’Apotex)

[51] Le Dr McIvor est un pneumologue dont la pratique clinique et la recherche se concentrent sur différents troubles respiratoires. Le Dr McIvor a suivi une formation en médecine interne au Royaume-Uni de 1984 à 1989 et a suivi le programme de formation en pneumologie de l’Université de Toronto de 1990 à 1992. Le Dr McIvor a obtenu son doctorat en médecine de l’Université Queen’s à Belfast (Irlande du Nord) en 1994 et une maîtrise en épidémiologie clinique de l’Université McMaster en 1995. Depuis 2005, il est pneumologue au Firestone Institute for Respiratory Health (FIRH) de l’hôpital St. Joseph’s Healthcare Hamilton et professeur de médecine à l’Université McMaster. Le FIRH est un centre spécialisé pour les patients de la région de Hamilton qui souffrent d’asthme et de maladies respiratoires chroniques, y compris les patients atteints d’HTAP.

[52] Le Dr Kapasi a été qualifié à titre de témoin expert sur la base de ce qui suit :

[traduction]

Le Dr McIvor est un pneumologue qui possède une expertise dans le diagnostic, la prise en charge et le traitement des troubles respiratoires, y compris l’hypertension artérielle pulmonaire.

[53] Le Dr McIvor a préparé un rapport de témoin expert daté du 12 octobre 2021. Dans son rapport, le Dr McIvor a donné son opinion sur les questions visées par son mandat, soit les compétences et les connaissances de la personne versée dans l’art, l’interprétation des revendications invoquées, la façon dont l’HTAP est traitée aujourd’hui, la façon dont un médecin comprendrait les instructions énoncées dans la MP d’APO‑MACITENTAN et la question de savoir si la MP contreferait directement les revendications invoquées ou inciterait les médecins à les contrefaire. Le Dr McIvor a également répondu aux rapports de la Dre Mielniczuk et du Dr Kapasi. Le rapport du Dr McIvor a été considéré comme ayant été lu.

D. Mme Picard (témoin expert d’Apotex)

[54] Mme Picard est pharmacienne et présidente de SPharm Inc., une firme d’experts-conseils en réglementation qui offre des stratégies et des conseils aux entreprises pharmaceutiques. Elle détient une maîtrise en pharmacie hospitalière et possède 30 ans d’expérience dans le domaine de la réglementation.

[55] Mme Picard a préparé un rapport d’expert daté du 12 octobre 2021. Mme Picard avait été mandatée de donner son opinion sur la question de savoir si Apotex serait autorisée à commercialiser ou à promouvoir l’utilisation d’APO-MACITENTAN en combinaison avec des I-PDE5, compte tenu de la MP d’APO-MACITENTAN qui lui avait été fournie. Elle avait également reçu une copie du rapport d’expert du Dr Kapasi et de celui de la Dre Mielniczuk et avait été mandatée de commenter les parties se rapportant à son expertise et d’indiquer si elle était d’accord ou non.

[56] Apotex a proposé que Mme Picard soit reconnue comme témoin expert sur la base des qualifications suivantes :

[traduction]

Susanne Picard est une pharmacienne autorisée et experte de la réglementation pharmaceutique au Canada, y compris de la préparation, du dépôt et de la gestion de présentations abrégées de drogue nouvelle. Elle possède une expertise particulière dans les domaines suivants : a) la préparation, le dépôt et l’interprétation des monographies de produit (« MP ») de produits de marque et de produits génériques; b) les lignes directrices et les règlements applicables à la préparation des MP; c) l’évaluation des MP par Santé Canada; et d) les règlements applicables à la commercialisation des produits pharmaceutiques approuvés.

[57] Au procès, les demanderesses se sont opposées aux qualifications proposées pour Mme Picard. Après avoir entendu les arguments des parties, j’ai révisé les qualifications proposées par Apotex en supprimant le mot [traduction] « particulière » dans la deuxième phrase et en ajoutant une réserve. Ces modifications visaient à clarifier que Mme Picard présentait un point de vue par rapport aux MP, aux règlements, aux lignes directrices et à l’évaluation des MP par Santé Canada, et que son opinion se limitait à ce point de vue. Voici l’énoncé révisé de ses qualifications :

[traduction]

Susanne Picard est une pharmacienne autorisée et experte de la réglementation pharmaceutique au Canada, y compris de la préparation, du dépôt et de la gestion de présentations abrégées de drogue nouvelle. Elle possède une expertise particulière dans les domaines suivants : a) la préparation, le dépôt et l’interprétation des monographies de produit (« MP ») de produits de marque et de produits génériques; b) les lignes directrices et les règlements applicables à la préparation des MP; c) l’évaluation des MP par Santé Canada; et d) les règlements applicables à la commercialisation des produits pharmaceutiques approuvés, dans la mesure où les domaines mentionnés aux points a), b), c) et d) ci-dessus se rapportent à son expertise en tant que pharmacienne ou experte de la réglementation pharmaceutique.

[58] Les demanderesses ont également fait valoir qu’une grande partie du rapport d’expert de Mme Picard, soit presque tous les paragraphes dans lesquels Mme Picard donne son opinion sur la MP d’APO‑MACITENTAN, est inadmissible. Il s’agit des paragraphes 23, 24, 53, 55 à 60, et 62 à 80. Les autres paragraphes du rapport fournissent des renseignements sur les compétences de Mme Picard ou sur les règlements pris en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et d’autres aspects du cadre qui régit la commercialisation des médicaments au Canada.

[59] Les demanderesses ne contestent pas les qualifications de Mme Picard à titre d’experte dans le domaine de la réglementation, mais elles affirment que son expertise à cet égard n’est pas pertinente dans le contexte des questions en litige en l’espèce et n’étaye pas la plupart des opinions contenues dans son rapport. Les demanderesses s’opposent aux paragraphes susmentionnés pour deux motifs principaux : (i) Mme Picard fournit des opinions qui ne relèvent pas de son expertise; et (ii) Mme Picard fournit des opinions sur le droit interne, qui devraient être exclues pour cette raison et aussi parce qu’elles sont inutiles.

[60] Selon les demanderesses, la qualification de Mme Picard n’est pas suffisante et son opinion n’est pas pertinente ni nécessaire pour aider la Cour : White Burgess Langille Inman c Abbott and Haliburton Co, 2015 CSC 23. Comme toutes les versions de la MP qui ont été présentées à Santé Canada ont déjà été déposées en preuve, l’interprétation de ces ébauches par Mme Picard, une experte en réglementation, n’est pas pertinente quant à la question de l’incitation à la contrefaçon, et Mme Picard ne peut pas présenter le point de vue d’un médecin spécialiste en HTAP. De plus, Mme Picard n’est pas avocate et la Cour n’a pas besoin de son témoignage pour admettre d’office la Loi sur les aliments et drogues ou les règlements pris en vertu de celle-ci. Les demanderesses font également remarquer que l’opinion de Mme Picard en ce qui concerne ce qu’Apotex peut et ne peut pas faire du point de vue réglementaire n’est pas fondée sur des éléments de preuve factuels liés à Apotex, et que Mme Picard ne connaît pas les plans de commercialisation d’Apotex.

[61] Les demanderesses affirment que la présente affaire est analogue à l’affaire Bell Helicopter Textron Canada Limitée c Eurocopter, 2013 CAF 219. Dans cette affaire, la Cour a jugé que l’opinion d’un expert sur le processus d’examen des brevets par le Bureau des brevets n’était pas pertinente pour les motifs suivants : l’expert n’avait aucune expertise relative à la technologie en question, l’historique de l’examen du brevet avait déjà été déposé en preuve, le point de vue d’un examinateur de brevets n’était pas pertinent dans le contexte de l’évaluation par la Cour de la validité du brevet du point de vue de la personne versée dans l’art, et une opinion d’expert sur le droit interne n’était pas nécessaire.

[62] En réponse, Apotex a fait valoir que la Cour devrait mettre la question de l’admissibilité du témoignage d’expert de Mme Picard en délibéré, mais que, si la Cour était portée à se prononcer sur la question lors du procès, son témoignage était admissible en tant que témoignage d’expert.

[63] En ce qui concerne le premier point, Apotex a fait valoir qu’il serait prématuré de se prononcer sur l’admissibilité au procès. Il n’y a pas de motifs suffisants pour conclure que certaines parties du rapport de Mme Picard devraient être exclues en raison des critères d’admissibilité ou pour justifier que la Cour exerce son rôle discrétionnaire de gardien et qu’elle soupèse les risques et les bénéfices éventuels que présente l’admission de son témoignage. Une des questions centrales dans la présente action concerne les intentions d’Apotex qui se dégagent d’une interprétation objective de la MP, et l’expérience de Mme Picard lui permet de se prononcer sur ce qui peut être déduit de la MP compte tenu de l’objectif des MP et du cadre réglementaire qui s’y applique. Apotex a fait valoir qu’il serait efficace de permettre à Mme Picard de témoigner, sous réserve de l’objection, et que cette approche favoriserait également l’équité, parce qu’Apotex n’avait pas été informée à l’avance des paragraphes contestés et des motifs pour lesquels ils étaient contestés.

[64] En ce qui concerne le deuxième point, Apotex a fait valoir que le témoignage d’expert de Mme Picard satisfait aux critères d’admissibilité et que la Cour devrait tenir compte des objections des demanderesses dans le contexte de son évaluation du poids à accorder à la preuve. Le point de vue réglementaire d’un expert qui fournit à des entreprises pharmaceutiques des conseils sur les MP et sur la commercialisation de produits pharmaceutiques est utile pour aider la Cour à comprendre la MP. Bien qu’il soit fondé sur la loi, le témoignage de Mme Picard n’est pas un avis juridique et ne devrait pas être exclu pour ce motif. Mme Picard peut aider la Cour à comprendre un régime complexe qui fait interagir des lois, des normes, des documents d’orientation et d’autres éléments.

[65] J’étais d’accord avec Apotex pour dire qu’il était prématuré de se prononcer sur l’admissibilité de la preuve de Mme Picard lors du procès. Je n’étais pas convaincue que tous les paragraphes contestés devraient être exclus au motif qu’ils n’étaient pas pertinents ou nécessaires, et j’ai mis ma décision à cet égard en délibéré.

[66] Comme je le mentionne plus haut, Mme Picard a d’abord été mandatée de donner son opinion sur la question de savoir si Apotex serait autorisée à commercialiser ou à promouvoir l’utilisation d’APO-MACITENTAN en combinaison avec des I-PDE5, compte tenu de la MP d’APO-MACITENTAN qui lui avait été fournie. Elle a également reçu une copie du rapport d’expert du Dr Kapasi et de celui de la Dre Mielniczuk et a été mandatée de commenter les parties se rapportant à son expertise et d’indiquer si elle était d’accord ou non.

[67] En ce qui concerne le deuxième élément de son mandat, je conclus que le rapport d’expert et le témoignage de Mme Picard sont inadmissibles parce que ses opinions ne relèvent pas de son expertise. Par exemple, Mme Picard s’est prononcée sur la question de savoir si les mentions de l’essai SERAPHIN dans la MP d’APO-MACITENTAN appuieraient l’utilisation du macitentan en monothérapie ou en traitement combiné. Mme Picard n’est pas compétente pour le faire, puisqu’elle n’est pas médecin, elle n’est pas une spécialiste de l’HTAP et ses compétences ne lui permettent pas de juger si la MP d’APO-MACITENTAN [traduction] « ne traite aucunement de l’efficacité de l’utilisation en traitement combiné ». Son opinion à cet égard était fondée sur une comparaison côte à côte des mots supprimés de la MP d’APO-MACITENTAN. Il s’agit d’un exercice qui porte sur la forme plutôt que sur le fond et qui peut induire en erreur, mené par un témoin expert qui n’a aucune expertise en HTAP.

[68] En ce qui concerne le premier élément de son mandat, et dans la mesure où la preuve de Mme Picard relevaient de son expertise dans le domaine de la réglementation pharmaceutique, je conclus que les opinions formulées ont une pertinence négligeable par rapport aux questions que la Cour doit trancher en l’espèce. Par exemple, Mme Picard a fourni une opinion générale selon laquelle il n’est pas loisible aux fabricants de produits pharmaceutiques génériques d’omettre des études cliniques et précliniques qui sont incluses dans une MP visant le « produit de référence » (la MP du fabricant du médicament de marque), parce que ces études sont généralement menées pour établir l’innocuité ou l’efficacité du médicament en question. Toutefois, Mme Picard ne sait pas quels éléments particuliers de l’essai SERAPHIN Apotex était ou n’était pas tenue d’inclure. Un autre exemple est le fait que Mme Picard a indiqué qu’Apotex ne serait pas autorisée à commercialiser ou à promouvoir l’utilisation d’APO-MACITENTAN en combinaison avec des I-PDE5, compte tenu de la MP d’APO-MACITENTAN qui lui avait été fournie. Toutefois, la question en l’espèce est de savoir si le contenu de la MP d’APO-MACITENTAN inciterait en soi les médecins à se livrer à une contrefaçon. J’accorde peu de poids à ces opinions.

V. La personne versée dans l’art et ses connaissances générales courantes

[69] La personne fictive ayant des compétences dans l’art, ou la « personne versée dans l’art », est un concept juridique qui intègre un certain nombre d’éléments qui aident à résoudre les questions d’interprétation des revendications, de contrefaçon et de validité dans une action en matière de brevet.

[70] La personne versée dans l’art possède les compétences et les connaissances nécessaires pour être en mesure, techniquement parlant, de comprendre la nature et la description de l’invention : Whirlpool, au para 53. Elle a des compétences et des connaissances usuelles dans l’art ou la science dont relève le brevet : Free World, au para 44. La personne versée dans l’art incarne les « connaissances générales courantes », connues de manière générale et acceptées dans le domaine, et elle fait preuve d’une diligence raisonnable pour se tenir au courant des progrès dans le domaine : Pfizer Canada Inc c Teva Canada Limitée, 2017 CF 777, au para 185.

[71] Lorsqu’un brevet se rapporte à plusieurs domaines scientifiques ou techniques, la personne versée dans l’art peut être considérée comme une équipe de personnes : Amgen Inc c Pfizer Canada ULC, 2020 CF 522 au para 172. Toutefois, la personne versée dans l’art n’est pas définie en fonction de chacune des revendications une par une : Teva Canada Limitée c Janssen Inc, 2018 CF 754 au para 236, conf par 2019 CAF 273, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 39007 (7 mai 2020).

[72] Les témoins experts aident la Cour en formulant des opinions sur les compétences, l’expérience et les connaissances utiles de la personne fictive versée dans l’art, ainsi que sur la façon d’évaluer les questions en litige du point de vue de la personne versée dans l’art, compte tenu de son expérience et de ses connaissances : Tetra Tech EBA Inc c Georgetown Rail Equipment Company, 2019 CAF 203, au para 88, citant Free World, au para 51.

[73] La Dre Mielniczuk et le Dr Kapasi soutiennent que le brevet 770 porte essentiellement sur l’utilisation du macitentan en combinaison avec un I-PDE5 pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction, en particulier l’HTP et l’HTAP. Par conséquent, la personne versée dans l’art serait un cardiologue, un pneumologue ou un interniste général qui est capable d’identifier et de diagnostiquer l’HTP et l’HTAP, et qui est capable de fournir un traitement direct ou de diriger les patients vers le spécialiste approprié. Le Dr Kapasi ajoute que la personne versée dans l’art peut faire partie d’une plus grande équipe comprenant des personnes qui possèdent une expertise en études précliniques sur les animaux et en pharmacologie et qui s’intéressent à la recherche sur les maladies touchant l’appareil circulatoire.

[74] Le Dr McIvor est d’avis que la personne versée dans l’art est un médecin qui a une expérience du traitement des patients atteints de maladies dans lesquelles intervient la vasoconstriction, y compris l’HTAP. Étant donné que les maladies respiratoires graves, comme l’HTAP, sont traitées par des spécialistes, la personne versée dans l’art aurait une formation spécialisée. La personne versée dans l’art aurait plusieurs années d’expérience clinique pratique, ainsi que de l’expérience ou des connaissances dans la conception d’essais cliniques et l’interprétation de leurs résultats.

[75] Bien que le Dr McIvor souligne que certaines parties du brevet 770 s’adressent aux personnes qui ont de l’expérience dans la formulation de produits pharmaceutiques ou les essais précliniques, il a adopté le point de vue voulant que la personne versée dans l’art ait les compétences d’un médecin.

[76] Mme Picard n’a fourni aucune opinion sur la personne versée dans l’art. Dans les présents motifs, les « médecins experts » s’entendent de la Dre Mielniczuk, du Dr Kapasi et du Dr McIvor.

[77] En l’espèce, les parties et les médecins experts se sont concentrés sur les compétences de la personne versée dans l’art en tant que médecin qui traite l’HTP et l’HTAP. À cet égard, ils s’entendent essentiellement sur les compétences de la personne versée dans l’art. Bien que le brevet 770 ne se limite pas à l’HTP ou à l’HTAP, dans la mesure où le mémoire descriptif précise que la maladie destinée à être traitée est [traduction] « de préférence » l’hypertension ou l’HTP, [traduction] « en particulier » l’HTP et [traduction] « notamment » l’HTAP, j’accepte que le brevet 770 est plutôt axé sur l’hypertension et l’HTP. En outre, j’accepte que les décisions concernant le traitement et la prise en charge des patients atteints d’HTAP sont prises par des spécialistes ayant une compréhension de l’HTP et de l’HTAP. À mon avis, la personne versée dans l’art qui est visée par le brevet 770 aurait des connaissances et des compétences liées au traitement de maladies dans lesquelles intervient la vasoconstriction en général, mais elle aurait également des connaissances spécialisées concernant l’HTP ou l’HTAP et ses traitements.

[78] Les rapports de la Dre Mielniczuk et du Dr Kapasi résument les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art en date de 2008 en ce qui a trait à l’HTP et à l’HTAP, y compris le diagnostic et le traitement de l’HTAP au regard des méthodes de diagnostic et des traitements disponibles à l’époque. Leurs principaux points sont les suivants :

  • a)L’HTAP représente un sous-groupe de l’HTP qui est caractérisé par une pression artérielle élevée dans les artères pulmonaires en raison d’un remodelage et d’un rétrécissement progressifs des parois artérielles;

  • b)La gravité des symptômes d’un patient était évaluée selon un système de classification fonctionnelle élaboré par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS); les classes fonctionnelles I à IV décrivaient les niveaux progressifs d’incapacité et servaient à surveiller la progression de la maladie et à éclairer l’approche thérapeutique;

  • c)L’HTAP était rarement diagnostiquée à un stade précoce : les patients tardaient souvent à demander un traitement parce que les symptômes progressent graduellement; le diagnostic était souvent retardé parce que les symptômes d’HTAP peuvent être attribués à des maladies cardiorespiratoires plus courantes, et les affections concomitantes (particulièrement chez les patients âgés) peuvent masquer la maladie; par conséquent, l’HTAP était souvent diagnostiquée après que d’autres possibilités avaient été écartées, et elle était généralement diagnostiquée chez des patients relativement jeunes, en particulier chez de jeunes femmes par ailleurs en bonne santé;

  • d)Au moment où la plupart des patients amorçaient un traitement pour l’HTAP, leur maladie avait atteint la classe fonctionnelle III de l’OMS (fatigue, douleurs thoraciques et autres symptômes, ainsi qu’une activité inférieure à l’activité normale), et la survie moyenne était d’environ cinq ans;

  • e)En date de 2008, il restait d’importantes lacunes dans les connaissances sur les causes profondes de l’HTAP, ainsi que sur l’efficacité et l’innocuité des traitements potentiels;

  • f)En raison de la complexité de la maladie, les patients atteints d’HTAP étaient dirigés vers des cliniques spécialisées en HTAP pour l’établissement d’un plan de traitement;

  • g)Le plan de traitement pouvait comprendre des médicaments de soutien (par exemple, anticoagulants ou diurétiques); un faible pourcentage de patients était traité avec de fortes doses d’inhibiteurs calciques (les inhibiteurs calciques n’étaient pas approuvés pour traiter l’HTAP au Canada et il s’agissait donc d’une utilisation « non indiquée »); et un traitement au moyen de médicaments conçus spécifiquement pour l’HTAP était envisagé chez la grande majorité des patients;

  • h)En date de 2008, trois classes de médicaments pouvaient servir à traiter l’HTAP – les analogues de la prostacycline, les ARE et les I-PDE5; les médicaments autorisés dans ces classes étaient approuvés pour les patients à un stade avancé correspondant aux classes fonctionnelles III ou IV de l’OMS seulement, en partie parce que les essais cliniques s’étaient concentrés sur les patients correspondant à ces classes et que le pronostic à long terme demeurait mal compris;

  • i)En date de 2008, l’époprosténol, un analogue de la prostacycline, était considéré comme le traitement le plus efficace, mais il devait être administré par perfusion continue dans les artères pulmonaires à l’aide d’une pompe et d’un cathéter intraveineux; le tréprostinil était un autre analogue de la prostacycline approuvé, administré par voie intraveineuse ou par injection sous-cutanée; l’iloprost, un analogue de la prostacycline administré par inhalation, était approuvé aux États-Unis et en Europe, mais pas au Canada;

  • j)Les trois ARE connus étaient le bosentan (approuvé au Canada en 2001), le sitaxsentan (approuvé au Canada en 2007, puis retiré du marché en 2010 en raison de préoccupations liées à la toxicité hépatique) et l’ambrisentan (approuvé aux États-Unis), qui étaient tous administrés par voie orale;

  • k)En 2008, les ARE n’étaient approuvés que pour traiter l’HTAP, et leur utilisation « non indiquée » dans le traitement d’autres maladies était extrêmement limitée (comme c’est encore le cas aujourd’hui);

  • l)Le sildénafil, un I-PDE5, était approuvé pour traiter l’HTAP depuis 2006; le tadalafil n’avait pas encore été approuvé pour traiter l’HTAP, mais était commercialisé pour le traitement de la dysfonction érectile; avant leur approbation pour traiter l’HTAP, le sildénafil et le tadalafil étaient parfois utilisés de façon « non indiquée » pour traiter l’HTAP; les deux médicaments étaient administrés par voie orale;

  • m)L’approche de traitement privilégiée en 2008 consistait à commencer par la monothérapie;

  • n)Les patients appartenant à la classe fonctionnelle III de l’OMS recevaient généralement un ARE ou un I-PDE5; l’époprosténol était habituellement prescrit aux patients appartenant à la classe IV;

  • o)Si le traitement initial échouait, le patient cessait de prendre le médicament et passait à la prochaine option de traitement disponible; le traitement combiné était utilisé en dernier recours dans un nombre limité de cas, car cette approche n’était pas étayée par des essais cliniques et les médicaments, dont le coût était élevé, n’étaient couverts par aucun programme provincial ou régime privé d’assurance-médicaments.

[79] Le rapport du Dr McIvor comprend une section sur le contexte qui décrit la vasoconstriction, l’HTP et l’HTAP, les traitements pharmacologiques disponibles et les approches de traitement (monothérapie par rapport au traitement combiné). Le Dr McIvor reconnaît qu’il n’a fait aucune distinction entre ce qui était connu avant et après mars 2008, sauf de façon générale. Le rapport du Dr McIvor indique que la personne versée dans l’art aurait été au courant de ce qui suit en 2008 : renseignements sur la vasoconstriction, l’HTP et l’HTAP, connaissance des différents sous-types d’HTAP en fonction de l’étiologie, et connaissance des classes fonctionnelles de l’OMS. De façon générale, la personne versée dans l’art était au courant des classes de médicaments qui pouvaient être utilisés pour traiter des maladies dans lesquelles intervient la vasoconstriction, en particulier l’HTP et l’HTAP; toutefois, en ce qui concerne les traitements pharmacologiques disponibles et les approches de traitement, les détails précis concernant les médicaments et leurs modalités d’utilisation auraient continué d’évoluer après le 6 mars 2008. En particulier, le Dr McIvor fait remarquer que l’essai SERAPHIN, un essai clinique conçu pour évaluer les effets du macitentan chez les patients atteints d’HTAP, a été achevé bien après le 6 mars 2008.

[80] Le Dr McIvor ne s’est pas opposé à la description faite par la Dre Mielniczuk ou le Dr Kapasi des connaissances générales courantes en date de 2008.

[81] J’accepte que tous les renseignements décrits ci-dessus (à l’exception de ceux concernant l’essai SERAPHIN, qui a été achevé après 2008) faisaient partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art en date de 2008.

VI. Interprétation des revendications

A. Principes juridiques

[82] Les revendications doivent être interprétées de façon éclairée et en fonction de l’objet, du point de vue de la personne versée dans l’art : Free World, au para 44. L’interprétation téléologique permet de déterminer si les éléments de la revendication sont essentiels ou non essentiels : Free World, au para 50; Tearlab Corporation c I-MED Pharma Inc, 2019 CAF 179, aux para 30-34 [Tearlab]. Il n’y a pas de contrefaçon lorsqu’un élément essentiel est différent ou omis : Free World, au para 31.

[83] Les paragraphes 30-34 de l’arrêt Tearlab résument les principes clés de l’interprétation des revendications :

[30] Les principes généraux d’interprétation des revendications sont maintenant fixés et ont été consacré[s] par la Cour suprême du Canada dans trois arrêts (Whirlpool aux paragraphes 49 à 55; Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024, aux paragraphes 31 à 67 [Free World Trust]; Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., 1981 CanLII 15 (CSC), [1981] 1 R.C.S. 504, à la page 520 [Consolboard]). Ces principes peuvent se résumer ainsi.

[31] La Loi sur les brevets favorise le respect de la teneur des revendications, qui favorise à son tour tant l’équité que la prévisibilité (Free World Trust aux alinéas 31a) et b) et au paragraphe 41). La teneur d’une revendication doit toutefois être interprétée de façon éclairée et en fonction de l’objet (à l’alinéa 31c)), et par un esprit désireux de comprendre (au paragraphe 44). Suivant une interprétation téléologique, il ressort de la teneur des revendications que certains éléments de l’invention sont essentiels, alors que d’autres ne le sont pas (à l’alinéa 31e)). Il incombe au juge appelé à interpréter des revendications de distinguer les cas les uns des autres, de départager l’essentiel et le non-essentiel et d’accorder au « champ » délimité dans un cas appartenant à la première catégorie la protection juridique à laquelle a droit le titulaire d’un brevet valide (au paragraphe 15).

[32] Pour déterminer ces éléments, la teneur des revendications doit être interprétée du point de vue du lecteur versé dans l’art, à la lumière des connaissances générales courantes de ce dernier (Free World Trust, aux paragraphes 44 et 45; voir aussi Frac Shack, au paragraphe 60; Whirlpool, au paragraphe 53). Comme il a été observé dans la décision Free World Trust :

[51] … Les mots choisis par l’inventeur seront interprétés selon le sens que l’inventeur est présumé avoir voulu leur donner et d’une manière qui est favorable à l’accomplissement de l’objet, exprès ou tacite, des revendications. Cependant, l’inventeur qui s’exprime mal ou qui crée par ailleurs une restriction inutile ou complexe ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Le public doit pouvoir s’en remettre aux termes employés à condition qu’ils soient interprétés de manière équitable et éclairée. [Souligné dans l’original.]

[33] L’interprétation des revendications appelle l’examen de l’ensemble de la divulgation et des revendications « pour déterminer la nature de l’invention et son mode de fonctionnement, … sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public » (Consolboard, à la page 520; voir également Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60, [2012] 3 R.C.S. 625, au paragraphe 50). On peut alors tenir compte des spécifications du brevet pour comprendre la signification des termes utilisés dans les revendications. Il faut veiller, cependant, à ne pas interpréter ces termes de façon à « élargir ou restreindre la portée de la revendication telle qu’elle était écrite et, … interprétée » (Whirlpool, au paragraphe 52; voir aussi Free World Trust, au paragraphe 32). La Cour suprême du Canada a récemment souligné que l’analyse de la validité est principalement axée sur les revendications; les spécifications seront pertinentes lorsque les revendications sont ambiguës (AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2017 CSC 36, [2017] 1 R.C.S. 943, au paragraphe 31; voir aussi Ciba, aux paragraphes 74 et 75).

[34] Finalement, il est important de souligner que l’interprétation des revendications doit être la même qu’il soit question de validité ou de contrefaçon (Whirlpool, au paragraphe 49b)).

[84] Comme je le mentionne plus haut, la date pertinente pour l’interprétation des revendications en l’espèce est le 6 mars 2008.

[85] Les parties ont présenté un tableau conjoint des revendications, joint à l’annexe A des présents motifs, qui décrit l’interprétation des revendications invoquées proposée par les demanderesses et la défenderesse. Comme je le mentionne plus haut, l’interprétation des revendications est une question de droit qu’il appartient à la Cour de trancher : Whirlpool, au para 61; Zero Spill, au para 41.

B. Revendications invoquées

[86] Les revendications invoquées dans le brevet 770 sont ainsi libellées (les revendications indépendantes sont en caractères gras) :

[traduction]

1. Produit renfermant le composé de formule (I) ci-dessous

ou un sel pharmaceutiquement acceptable de ce composé, en combinaison avec au moins un composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5, ou un sel pharmaceutiquement acceptable de ce composé, utilisé à des fins thérapeutiques, simultanément, séparément ou pendant une période donnée, pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

2. Produit conforme à la revendication 1, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou l’udénafil.

3. Produit conforme à la revendication 2, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le tadalafil.

4. Produit conforme à la revendication 2, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil.

5. Produit conforme à la revendication 2, où la maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction est l’hypertension, l’hypertension pulmonaire, l’artériopathie diabétique, l’insuffisance cardiaque, la dysfonction érectile ou l’angine de poitrine.

[…]

10. Utilisation du composé de formule (I) au sens de la revendication 1, ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable dudit composé de formule (I), en combinaison avec au moins un composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5, ou un sel pharmaceutiquement acceptable de ce composé, à des fins de fabrication d’un médicament destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

11. Utilisation conforme à la revendication 10, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou l’udénafil.

12. Utilisation conforme à la revendication 11, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil ou le tadalafil.

13. Utilisation conforme à la revendication 12, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil.

14. Utilisation conforme à la revendication 12, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le tadalafil.

15. Utilisation conforme à la revendication 10, où la maladie à traiter est l’hypertension ou l’hypertension pulmonaire.

16. Utilisation conforme à la revendication 15, où la maladie à traiter est l’hypertension pulmonaire.

17. Utilisation conforme à la revendication 16, où la maladie à traiter est l’hypertension artérielle pulmonaire.

18. Utilisation conforme à la revendication 17, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil ou le tadalafil.

19. Utilisation conforme à la revendication 17, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil.

20. Utilisation conforme à la revendication 17, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le tadalafil.

21. Utilisation du composé de formule (I) au sens de la revendication 1, ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable dudit composé de formule (I), en combinaison avec au moins un composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5, ou un sel pharmaceutiquement acceptable de ce composé, pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

22. Utilisation conforme à la revendication 21, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou l’udénafil.

23. Utilisation conforme à la revendication 22, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil ou le tadalafil.

24. Utilisation conforme à la revendication 23, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil.

25. Utilisation conforme à la revendication 23, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le tadalafil.

26. Utilisation conforme à la revendication 21, où la maladie est l’hypertension ou l’hypertension pulmonaire.

27. Utilisation conforme à la revendication 26, où la maladie est l’hypertension pulmonaire.

28. Utilisation conforme à la revendication 27, où la maladie est l’hypertension artérielle pulmonaire.

29. Utilisation conforme à la revendication 28, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil ou le tadalafil.

30. Utilisation conforme à la revendication 28, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil.

31. Utilisation conforme à la revendication 28, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le tadalafil.

C. Opinion des experts concernant l’interprétation des revendications

[87] Les médecins experts, soit la Dre Mielniczuk, le Dr Kapasi et le Dr McIvor, ont donné leur opinion sur l’interprétation des revendications. Mme Picard ne s’est pas prononcée sur la question.

[88] La Dre Mielniczuk est d’avis que la personne versée dans l’art distinguerait deux éléments principaux dans la revendication 1 : (i) un produit renfermant du macitentan en combinaison avec au moins un I-PDE5; (ii) utilisé à des fins thérapeutiques pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction. La personne versée dans l’art comprendrait que la combinaison du macitentan et de l’I-PDE5 peut être administrée : (i) par la même voie et en même temps; (ii) par des voies différentes en même temps; (iii) de façon séquentielle, par la même voie d’administration ou par une voie d’administration différente. Le rapport de la Dre Mielniczuk comprend une annexe qui résume les éléments essentiels des revendications 1 à 5 et 10 à 31. Selon elle, les éléments essentiels de la revendication 1 sont les suivants :

[traduction]

a) produit renfermant du macitentan (ou son sel);

b) administré en combinaison avec au moins un inhibiteur de la PDE5 (ou son sel);

c) où (i) le produit renfermant du macitentan et (ii) l’inhibiteur de la PDE5 sont administrés simultanément, séparément ou de façon séquentielle;

d) utilisé à des fins thérapeutiques pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

[89] L’opinion du Dr Kapasi concernant la revendication 1 est similaire. Le rapport du Dr Kapasi comprend une annexe qui résume les éléments essentiels des revendications 1 à 5 et 10 à 31. Selon lui, les éléments essentiels de la revendication 1 sont les suivants :

[traduction]

a) produit renfermant du macitentan (ou son sel);

b) en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel);

c) utilisation à des fins thérapeutiques pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction;

d) administration simultanée, séparée ou pendant une période donnée (i) du produit renfermant du macitentan et (ii) de l’inhibiteur de la PDE5.

[90] Le Dr McIvor est d’avis que la revendication 1 vise le macitentan utilisé en combinaison avec un I-PDE5 pour traiter une maladie liée au rétrécissement des vaisseaux sanguins. Le produit peut comprendre à la fois du macitentan et un I-PDE5 sous la même forme posologique, ou seulement du macitentan, à condition qu’il soit utilisé en combinaison avec un I-PDE5 pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction. Le Dr McIvor est d’avis que la personne versée dans l’art comprendrait que la mention de l’utilisation du macitentan en combinaison avec un I-PDE5 à des fins thérapeutiques s’entend de l’utilisation conjointe des deux médicaments dans le cadre du même régime de traitement pour traiter la même maladie, ce qui diffère de la simple utilisation concomitante de deux médicaments sans reconnaître qu’ils agiraient ensemble pour traiter une maladie. Le Dr McIvor est également d’avis que la personne versée dans l’art se reporterait aux définitions des termes [traduction] « simultanément » ou « simultané », « séparément » ou « séparé » et « pendant une période donnée » dans la divulgation du brevet 770, et il n’est pas d’accord avec la Dre Mielniczuk et le Dr Kapasi pour dire que [traduction] « pendant une période donnée » est synonyme de « l’un après l’autre ». La personne versée dans l’art considérerait que l’expression [traduction] « pendant une période donnée » signifie que le médecin établit un plan d’administration au début du traitement, ce qui est différent du cas où un médecin prescrit un deuxième médicament à la suite d’un premier, en se fondant sur une évaluation de l’état du patient plutôt que sur un plan de traitement prédéfini.

[91] Les médecins experts conviennent que les revendications 2 à 4 limitent l’I-PDE5 à des composés particuliers, et que la revendication 5 limite les maladies à l’hypertension, à l’HTP, à l’artériopathie diabétique, à l’insuffisance cardiaque, à la dysfonction érectile ou à l’angine de poitrine.

[92] La Dre Mielniczuk est d’avis que les revendications indépendantes 10 et 21 revendiquent l’utilisation de macitentan en combinaison avec un I-PDE5 à une fin particulière. La revendication 10 concerne une utilisation à des fins de fabrication d’un médicament pour traiter une maladie liée à la vasoconstriction. La revendication 21 vise le traitement d’une maladie liée à la vasoconstriction. La personne versée dans l’art comprendrait que le macitentan et l’I-PDE5 se présenteraient sous une forme posologique à des fins d’administration au patient. Selon le tableau joint en annexe au rapport de la Dre Mielniczuk, les éléments essentiels de la revendication 10 sont les suivants :

[traduction]

a) utilisation de macitentan (ou de son sel);

b) à des fins de fabrication d’un médicament;

c) en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel);

d) où le médicament est destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

[93] Le Dr Kapasi fournit une opinion similaire et rappelle que la revendication 10 ne limite d’aucune façon les modalités ou le moment d’administration de la combinaison, mais que le brevet 770 dans son ensemble indique clairement que diverses options sont possibles. Il résume les éléments essentiels de la revendication 10 ainsi :

[traduction]

a) utilisation de macitentan (ou de son sel) à des fins de fabrication d’un médicament;

b) en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel);

c) où le médicament est destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

[94] Le Dr McIvor est d’avis que l’objet de la revendication 10 est analogue à celui de la revendication 1 : bien que la revendication 1 renvoie à un produit, la revendication 10 renvoie à la préparation d’un médicament à la même fin. Par conséquent, comme la revendication 1, la revendication 10 couvre l’utilisation de macitentan en combinaison avec des I-PDE5 pour traiter des maladies dans lesquelles intervient la vasoconstriction.

[95] Les médecins experts conviennent que les revendications 11 à 14 dépendent de la revendication 10 et limitent l’I-PDE5 à des composés particuliers. Les revendications 15 à 20 dépendent également de la revendication 10 et précisent la maladie à traiter ou l’I-PDE5 à utiliser.

[96] La Dre Mielniczuk et le Dr Kapasi soutiennent que la revendication 21 vise l’utilisation de macitentan en combinaison avec un I-PDE5 pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction. Ils affirment que les éléments essentiels de la revendication 21 sont les suivants :

[traduction]

a) utilisation de macitentan (ou de son sel);

b) en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel);

c) pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

[97] Le Dr McIvor exprime la même opinion et fait remarquer que la personne versée dans l’art comprendrait que la revendication 21 (comme les revendications 1 et 10) vise l’utilisation de macitentan pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction lorsqu’il est utilisé en combinaison avec un I-PDE5.

[98] Les revendications dépendantes 22 à 31, dont la structure est semblable à celle des revendications 11 à 20, limitent les maladies visées ou les I-PDE5 utilisés.

D. Position des parties concernant l’interprétation des revendications

[99] Selon le tableau conjoint des revendications, l’interprétation des revendications invoquées proposée par les parties semblent comprendre les mêmes éléments essentiels. L’interprétation qu’elles proposent de donner aux revendications indépendantes 1, 10 et 21 est la suivante :

[traduction]

Revendication 1

a) produit renfermant du macitentan (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

b) en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

c) utilisation à des fins thérapeutiques pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction;

d) administration simultanée, séparée ou pendant une période donnée a) du produit renfermant du macitentan et b) de l’I-PDE5.

Revendication 10

a) utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable) à des fins de fabrication d’un médicament;

b) en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

c) où le médicament est destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

Revendication 21

a) utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

b) en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

c) pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

[100] Malgré cet accord apparent, les parties ne s’entendent pas sur la nature fondamentale des revendications et sur l’interprétation téléologique de certains éléments des revendications.

[101] Le premier point de désaccord concerne le sens du terme [traduction] « combinaison ». Apotex affirme que le terme [traduction] « combinaison » serait interprété comme signifiant que le macitentan et l’I-PDE5 agissent ensemble pour traiter la maladie en question, et aussi qu’il s’appliquerait à l’utilisation de macitentan et d’un I-PDE5 dans le cas où un médecin prévoit cette utilisation dès le début du traitement. Apotex déclare que les termes [traduction] « simultanément » ou « simultané », « séparément » ou « séparé » et « pendant une période donnée » seraient interprétés de la façon énoncée dans la divulgation du brevet 770 (à la page 2), à savoir :

[traduction]

« Simultanément » ou « simultané », relativement à une utilisation à des fins thérapeutiques, signifie dans la présente demande que l’utilisation à des fins thérapeutiques visée consiste en l’administration de deux ingrédients actifs ou plus par la même voie et au même moment.

« Séparément » ou « séparé », relativement à une utilisation à des fins thérapeutiques, signifie dans la présente demande que l’utilisation à des fins thérapeutiques visée consiste en l’administration de deux ingrédients actifs ou plus à peu près au même moment par au moins deux voies différentes.

L’administration thérapeutique « pendant une période donnée » s’entend dans la présente demande de l’administration de deux ingrédients ou plus à des moments différents et, en particulier, d’une méthode d’administration selon laquelle toute l’administration de l’un des ingrédients actifs est achevée avant le début de l’administration de l’autre ou des autres ingrédients. De cette façon, il est possible d’administrer l’un des ingrédients actifs pendant plusieurs mois avant d’administrer l’autre ou les autres ingrédients actifs. Dans ce cas, il n’y a aucune administration simultanée.

[102] En se fondant sur ces définitions, le Dr McIvor s’est dit d’avis que [traduction] « pendant une période donnée » signifie que le médecin établit un plan d’administration combinée pour un patient au début de son traitement.

[103] Les demanderesses ne contestent pas que le terme [traduction] « combinaison » serait interprété comme signifiant que le macitentan et l’I-PDE5 agissent ensemble pour traiter la maladie en question; cependant, elles ne sont pas d’accord pour dire que la [traduction] « combinaison » se limite à un plan de traitement combiné envisagé dès le début du traitement. Elles font valoir qu’une telle restriction ne correspond pas à la définition de [traduction] « pendant une période donnée », où il est question de deux ingrédients actifs ou plus administrés à des moments différents, y compris lorsque le deuxième ingrédient est administré plusieurs mois après le premier. La définition n’indique pas qu’un traitement combiné est envisagé au début du traitement. De plus, la façon dont Apotex limite la notion de [traduction] « combinaison » est incompatible avec une interprétation téléologique à la lumière des connaissances générales courantes. En mars 2008, la monothérapie était la norme de soins, et un médecin n’établissait généralement pas un plan d’administration combinée au début du traitement. Si le traitement initial échouait, un autre médicament contre l’HTAP était envisagé; le traitement combiné était utilisé en dernier recours dans un nombre limité de cas. La personne versée dans l’art n’aurait pas interprété la notion de [traduction] « combinaison » de façon à exclure la principale méthode selon laquelle deux traitements pouvaient être administrés contre l’HTAP en 2008.

[104] En outre, les parties ne s’entendent pas sur la nature fondamentale des trois ensembles de revendications. Leur différend sur ce point se rapporte à la question de savoir si, à l’égard des revendications 1 à 5, la Cour est tenue de procéder à une analyse de la contrefaçon directe ou seulement à une analyse de la contrefaçon indirecte par incitation. La position d’Apotex est que le brevet 770 est un brevet d’utilisation et que toutes les revendications invoquées sont véritablement des revendications d’utilisation, ce qui signifie qu’elle ne contreferait directement aucune des revendications invoquées, puisque les fabricants de produits pharmaceutiques n’utilisent pas les médicaments. Les demanderesses déclarent que la position d’Apotex fait abstraction des éléments de produit et de médicament des revendications 1 à 5 et 10 à 20. Elles affirment que l’approche d’Apotex est semblable à l’approche de « l’esprit de l’invention » qui a été rejetée par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Whirlpool et Free World. Selon les demanderesses, les revendications invoquées se divisent clairement en trois ensembles distincts de revendications : les revendications de produit (revendications 1 à 5), les revendications de type suisse concernant l’utilisation à des fins de fabrication d’un médicament (revendications 10 à 20) et les revendications d’utilisation (revendications 21 à 31). Les revendications 21 à 31 ne comprennent aucun élément de produit ou de médicament, et elles sont les seules revendications sur [traduction] « l’utilisation seulement » de macitentan en combinaison avec un I-PDE5 pour traiter des maladies dans lesquelles intervient la vasoconstriction. Bien que les revendications 1 à 5 et 10 à 20 comportent des éléments d’utilisation, cela n’en fait pas des revendications d’utilisation. En ce qui concerne la revendication 1, les demanderesses déclarent que le quatrième élément, l’élément d), exige seulement que le produit soit destiné à être administré à un patient, et non pas qu’il soit effectivement administré à un patient. Par conséquent, les demanderesses affirment qu’Apotex contreferait directement les revendications 1 à 5 et qu’elle inciterait d’autres personnes à les contrefaire. Elles allèguent qu’Apotex contreferait aussi directement les revendications 10 à 20 et qu’elle contreferait indirectement les revendications 21 à 31 en incitant d’autres personnes à les contrefaire.

[105] Les demanderesses font remarquer que le témoin expert d’Apotex, le Dr McIvor, ne conteste pas l’interprétation des revendications qui a été présentée par la Dre Mielniczuk et le Dr Kapasi. Le Dr McIvor ne conteste pas que la revendication 1 est une revendication de produit, et il décrit la revendication 10 comme étant liée à l’utilisation de macitentan non pas seulement comme traitement, mais aussi dans la fabrication d’un médicament.

[106] Apotex déclare que les experts ont reconnu qu’il est, en grande partie, impossible de distinguer l’objet des revendications 21 à 31 de l’objet des revendications 1 à 5 et 10 à 20, et qu’aucun des experts n’affirme que le brevet 770 est axé sur un nouveau produit, un nouveau médicament ou une nouvelle formulation. Malgré la mention d’un [traduction] « produit » dans la revendication 1 (et dans les revendications dépendantes 2 à 5), les témoins experts s’entendent sur le fait qu’un élément essentiel de ces revendications est l’utilisation de macitentan en combinaison avec un I-PDE5 et son administration à un patient (séparément, de façon séquentielle ou pendant une période donnée). De même, bien que la revendication 10 prévoie la [traduction] « fabrication d’un médicament », les revendications 10 à 20 sont fondamentalement des « revendications d’utilisation » visant l’utilisation de macitentan en combinaison avec un I-PDE5 et la façon dont il est administré aux patients.

[107] Apotex soutient que l’approche des demanderesses vise à demander à la Cour de reformuler les revendications et ne tient pas compte du fait que toutes les revendications invoquées visent fondamentalement l’utilisation de macitentan comme traitement combiné. Selon elle, l’approche des demanderesses est sans fondement, puisque la loi indique clairement que les revendications d’un brevet sont liées à l’objet de l’invention : Loi sur les brevets, art 27(4). Une revendication n’est pas une « description supplémentaire de l’invention, mais elle est une limitation de la description de l’invention figurant dans le corps du mémoire descriptif » : Merck & Co, Inc c Pharmascience Inc, 2010 CF 510 au para 44.

[108] Selon Apotex, l’interprétation téléologique des revendications oriente l’analyse vers ce qui a réellement été inventé. Cette logique a été appliquée dans la décision Hoffman-La Roche Limited c Sandoz Canada Inc, 2021 CF 384 [Hoffman-La Roche], aux paragraphes 97 et 98, pour rejeter la tentative du breveté d’élargir la portée des revendications d’« utilisation » en les redéfinissant comme des revendications de produit. Dans la décision Hoffman-La Roche, le juge Manson a rejeté l’argument selon lequel les revendications invoquées pouvaient être classées en trois types de revendications distincts (revendications de type allemand, revendications de type suisse et revendications pour « utilisation de produits ») au motif qu’il s’agissait d’un argument de forme plutôt que de fond :

[97] L’approche de Roche vise à conclure que la forme de la revendication prime sur le fond. Ce faisant, elle éclipse l’approche appropriée de l’interprétation des revendications. Comme on l’a vu plus haut, l’exercice d’interprétation des revendications met l’accent sur une interprétation téléologique. Dans la présente affaire, les revendications invoquées pour les brevets 654 et 997 ont été correctement interprétées comme des revendications d’utilisation, tel qu’il a déjà été mentionné. […] L’invention alléguée en l’espèce réside dans l’utilisation de la pirfénidone, que ce soit dans le contexte du brevet 654 ou du brevet 997, et non dans la fabrication ou la composition de la pirfénidone, un composé connu.

[Souligné dans l’original.]

[109] Selon Apotex, tous les médecins experts estiment que l’utilisation de macitentan pour traiter certaines maladies est un élément essentiel des revendications, et rien ne justifie que la Cour – en se fondant sur le droit ou sur une opinion d’expert – reformule les revendications du brevet 770 et procède à une analyse de la contrefaçon directe.

E. Analyse de l’interprétation des revendications

[110] En ce qui concerne le premier point de désaccord des parties, je conclus que la revendication 1 ne se limite pas à une utilisation de macitentan et d’un I-PDE5 envisagée par le médecin au début du traitement.

[111] Le mémoire descriptif du brevet 770 n’indique pas que l’une ou l’autre des modalités d’administration thérapeutique dépend du moment auquel intervient la décision du médecin prescripteur. Les définitions des termes [traduction] « simultanément » ou « simultané », « séparément » ou « séparé » et « pendant une période donnée », dans le mémoire descriptif du brevet 770, reflètent un large éventail de façons dont les deux ingrédients actifs, ou un plus grand nombre d’ingrédients actifs, pourraient être administrés en combinaison. Ces façons ne se limitent pas à l’administration simultanée et les ingrédients actifs peuvent être administrés en même temps par la même voie, séparément par différentes voies, ou l’un après l’autre.

[112] La personne versée dans l’art interpréterait la revendication à la lumière des connaissances générales courantes, à savoir que : (i) les ARE n’étaient approuvés que pour traiter l’HTAP; (ii) la monothérapie était la norme de soins pour traiter l’HTAP en 2008; (iii) le traitement combiné était utilisé en dernier recours dans un nombre limité de cas, lorsque le traitement au moyen d’un seul médicament échouait. La Dre Mielniczuk s’est dite d’avis que les médecins traitaient l’HTAP en fonction de la détérioration, n’intensifiant le traitement que si l’état du patient s’aggravait. En contre-interrogatoire, le Dr McIvor a déclaré que la monothérapie était la norme de soins pour traiter l’HTAP en 2008 et que l’approche la plus probable à cette époque, en ce qui a trait au traitement combiné, aurait consisté à administrer un médicament à un patient, à surveiller l’état de ce dernier et, si son état ne s’améliorait pas, à lui administrer un autre médicament (monothérapie séquentielle) ou à ajouter un deuxième médicament (traitement combiné). Il a convenu que cela correspondait au sens de [traduction] « combinaison » dans le brevet 770.

[113] Pour ces motifs, je conclus que la personne versée dans l’art n’interpréterait pas la revendication 1 de façon à exclure ce qu’elle considérerait comme la façon probable d’administrer la combinaison revendiquée aux patients atteints d’HTAP en 2008.

[114] Passons au désaccord des parties concernant la nature fondamentale des trois ensembles de revendications invoquées. Par souci de commodité, j’ai reproduit le libellé de chaque revendication indépendante et les éléments essentiels proposés par les parties dans le tableau conjoint des revendications.

a) Revendications 1 à 5

Revendication 1

Interprétation proposée par les parties

1. Produit renfermant le composé de formule (I) ci-dessous ou un sel pharmaceutiquement acceptable de ce composé, en combinaison avec au moins un composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5, ou un sel pharmaceutiquement acceptable de ce composé, utilisé à des fins thérapeutiques, simultanément, séparément ou pendant une période donnée, pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

a) produit renfermant du macitentan (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

b) en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

c) utilisation à des fins thérapeutiques pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction;

d) administration simultanée, séparée ou pendant une période donnée a) du produit renfermant du macitentan et b) de l’I-PDE5.

[115] En ce qui concerne l’élément d) de la revendication, les demanderesses affirment que la Cour doit déterminer si l’élément exige que le produit soit effectivement administré à un patient ou seulement que le produit soit destiné à être administré à un patient. Selon les demanderesses, si la Cour conclut que l’élément d) exige seulement que le produit soit destiné à être administré à un patient, Apotex contreferait directement la revendication 1.

[116] Il est évident que le mot « administration » ne figure pas dans la revendication 1, et les médecins experts n’expliquent pas pleinement pourquoi ils considèrent l’administration de la combinaison comme étant un élément essentiel distinct. Le mémoire descriptif du brevet 770 définit les termes [traduction] « simultanément », « séparément » et « pendant une période donnée » comme des façons d’administrer la combinaison. Toutefois, une lecture simple de la revendication 1 montre que l’expression [traduction] « simultanément, séparément ou pendant une période donnée » se rattache à [traduction] « utilisé à des fins thérapeutiques », tandis que l’interprétation proposée par les parties rompt ce lien en définissant l’administration comme un élément essentiel distinct.

[117] L’interprétation téléologique des revendications est axée sur le libellé des revendications, qui définissent le monopole : Loi sur les brevets, art 27(4). La divulgation ne doit pas servir à élargir ou à restreindre la portée des revendications telles qu’elles sont écrites et interprétées : Tearlab, au para 33, citant Whirlpool, au para 52, et Free World, au para 32. Lorsque les mots de la revendication 1 sont lus dans l’ordre dans lequel ils figurent, les éléments sont les suivants :

a) produit renfermant du macitentan (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

b) en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

c) utilisé à des fins thérapeutiques, simultanément, séparément ou pendant une période donnée, pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

[118] Une lecture simple de la revendication 1 ne donne pas à penser que l’administration à un patient est un élément essentiel. Je conclus que la personne versée dans l’art ne considérerait pas l’administration à un patient comme un élément essentiel.

[119] Je suis d’accord avec les parties et leurs experts pour dire que [traduction] « en combinaison » est un élément essentiel. Je suis également d’accord avec les parties et leurs experts pour dire que le libellé de la revendication ne lie pas l’élément [traduction] « en combinaison » au produit qui contient du macitentan (le premier élément essentiel). Le Dr McIvor est d’avis que la revendication 1 vise un produit qui comprend à la fois du macitentan et un I-PDE5, ou un produit qui comprend uniquement du macitentan, à condition qu’il soit utilisé en combinaison avec un I-PDE5. Il s’ensuit nécessairement que, à son avis, le produit visé par la revendication 1 ne se limite pas à un produit qui contient à la fois du macitentan et un I‑PDE5. Bien que les experts des demanderesses n’aient pas traité explicitement de la question de savoir si la revendication 1 vise un produit qui contient du macitentan et un I-PDE5, ils sont d’avis que la revendication vise un produit qui ne comprend que du macitentan, à condition qu’il soit utilisé en combinaison avec un I-PDE5. Par conséquent, comme le Dr McIvor, ils ne lient pas l’élément [traduction] « en combinaison » au produit.

[120] À mon avis, la personne versée dans l’art jugerait que la revendication 1 englobe un mode de réalisation où deux ingrédients actifs – le macitentan et un I-PDE5 – sont combinés dans une même forme posologique ou dans un emballage qui comprend deux formes posologiques, mais elle ne restreindrait pas la revendication 1 à ce mode de réalisation. La revendication 1 vise également un produit qui ne contient que du macitentan, si les autres éléments de la revendication sont respectés. Lorsqu’un produit ne contient pas de macitentan combiné à un I-PDE5, il doit y avoir une combinaison du produit et d’un I-PDE5.

[121] Cette interprétation est conforme à la divulgation du brevet. Le premier paragraphe du brevet 770, qui décrit ce à quoi l’invention se rapporte, reprend mot pour mot la revendication 1. À mon avis, la revendication 1 serait donc une revendication générale.

[122] Je conclus que les éléments de la revendication 1 sont les suivants :

Revendication 1

a) produit renfermant du macitentan (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

b) en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

c) utilisé à des fins thérapeutiques, simultanément, séparément ou pendant une période donnée, pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

[123] Les éléments d’une revendication sont censés être essentiels : Mediatube Corp c Bell Canada, 2017 CF 6 au para 33. Suivant une interprétation téléologique, je conclus que ces éléments sont tous essentiels.

[124] Les limites qui sont ajoutées par les revendications dépendantes 2 à 4 sont simples et non controversées. Suivant une interprétation téléologique, les revendications 2 à 5 ajoutent les limites suivantes :

Revendication 2 : l’I-PDE5 est le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou l’udénafil.

Revendication 3 : l’I-PDE5 est le tadalafil.

Revendication 4 : l’I-PDE5 est le sildénafil.

Revendication 5 : la maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction est l’hypertension, l’hypertension pulmonaire, l’artériopathie diabétique, l’insuffisance cardiaque, la dysfonction érectile ou l’angine de poitrine.

b) Revendications 10 à 20

Revendication 10

Interprétation proposée par les parties

10. Utilisation du composé de formule (I) au sens de la revendication 1, ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable dudit composé de formule (I), en combinaison avec au moins un composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5, ou un sel pharmaceutiquement acceptable de ce composé, à des fins de fabrication d’un médicament destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

a) utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable) à des fins de fabrication d’un médicament;

b) en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

c) où le médicament est destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

[125] Comme le montre le tableau qui précède, l’interprétation proposée par les parties modifie l’ordre des mots dans la revendication 10. La revendication 10 est ainsi libellée : utilisation de macitentan, en combinaison avec au moins un I-PDE5, à des fins de fabrication d’un médicament destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction (j’omets le renvoi au sel pharmaceutiquement acceptable pour des raisons de simplicité). L’interprétation proposée pour la revendication 10 est : une utilisation de macitentan à des fins de fabrication d’un médicament destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction, en combinaison avec au moins un I-PDE5.

[126] La revendication 10 est ce qu’on appelle une revendication de « type suisse », une structure de revendication reconnue. Comme le juge Manson l’a indiqué dans la décision Hoffman‑La Roche, les revendications de type suisse ne sont pas toujours interprétées de la même façon et elles ne « bénéficie[nt pas] automatiquement d’une interprétation littérale » : Hoffman-La Roche, au para 102. Reconnaissant l’exercice d’interprétation des revendications spécifique au contexte, le juge Manson a déclaré que les revendications de type suisse « peuvent être interprétées comme des revendications d’utilisation lorsque les circonstances le justifient ». Le juge Manson a conclu que c’était le cas dans cette affaire. Il a statué que les revendications en cause, de type suisse, ne pouvaient pas « viser un nouveau produit destiné à être utilisé dans un médicament si, en fait, ce produit utilisé dans un médicament n’est plus nouveau » : Hoffman-La Roche, au para 102.

[127] Les demanderesses font valoir qu’une interprétation téléologique des revendications de type suisse montre qu’il s’agit d’un type de revendications de produit. Selon les demanderesses, la revendication 10 comprend à la fois un élément de produit (un médicament) et un élément d’utilisation, en ce sens que le médicament est utilisé à des fins de traitement en combinaison avec un I-PDE5. Apotex fait valoir qu’une interprétation téléologique des revendications oriente l’analyse de ce qui a été inventé. Les revendications 10 à 20 sont fondamentalement axées sur l’utilisation du macitentan et, en particulier, sur la façon dont il est administré aux patients. Apotex déclare que cette logique a été appliquée dans l’affaire Hoffman-La Roche pour rejeter la tentative du breveté d’élargir la portée des revendications d’utilisation en les redéfinissant comme des revendications de produit. Les demanderesses répliquent que l’interprétation proposée par Apotex ne tient pas compte de l’élément de médicament de la revendication 10.

[128] Comme je le mentionne plus haut, l’interprétation téléologique est axée sur le libellé des revendications. Les mots choisis par le breveté jouent nécessairement un rôle clé : ABB Technology AG c Hyundai Heavy Industries Co, Ltd, 2015 CAF 181 aux para 42-43. À mon avis, l’interprétation proposée par les parties dénature la revendication 10, car les parties réorganisent les termes employés dans la revendication pour en élargir la portée. À la simple lecture, la revendication 10 vise une utilisation à des fins de fabrication d’un médicament et rattache l’expression [traduction] « en combinaison » à cette utilisation. Autrement dit, la revendication 10 revendique l’utilisation de la combinaison (macitentan et I‑PDE5) à des fins de fabrication d’un médicament.

[129] La préoccupation d’Apotex, à savoir que la structure de type suisse des revendications 10 à 20 ne devrait pas être utilisée pour revendiquer un nouveau produit à des fins d’utilisation dans un médicament lorsque le produit n’est pas nouveau, ne s’applique pas. La présente affaire ne soulève pas les mêmes enjeux que l’affaire Hoffman-La Roche, puisque la revendication 10 comprend l’élément [traduction] « en combinaison » et que le brevet 770 vise une nouvelle combinaison, soit la combinaison du macitentan et d’un I-PDE5.

[130] Je conclus que les éléments de la revendication 10, qui sont tous des éléments essentiels, sont les suivants :

Revendication 10

a) utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

b) en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

c) à des fins de fabrication d’un médicament destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

[131] Les limites qui sont ajoutées par les revendications dépendantes 11 à 20 sont simples et non controversées. Suivant une interprétation téléologique, les revendications 11 à 20 ajoutent les limites suivantes :

Revendication 11 : l’I-PDE5 est le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou l’udénafil.

Revendication 12 : l’I-PDE5 est le sildénafil ou le tadalafil.

Revendication 13 : l’I-PDE5 est le sildénafil.

Revendication 14 : l’I-PDE5 est le tadalafil.

Revendication 15 : la maladie est l’hypertension ou l’HTP.

Revendication 16 : la maladie est l’HTP.

Revendication 17 : la maladie est l’HTAP.

Revendication 18 : la maladie est l’HTAP et l’I-PDE5 est le sildénafil ou le tadalafil.

Revendication 19 : la maladie est l’HTAP et l’I-PDE5 est le sildénafil.

Revendication 20 : la maladie est l’HTAP et l’I-PDE5 est le tadalafil.

c) Revendications 21 à 31

Revendication 21

Interprétation proposée par les parties

21. Utilisation du composé de formule (I) au sens de la revendication 1, ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable dudit composé de formule (I), en combinaison avec au moins un composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5, ou un sel pharmaceutiquement acceptable de ce composé, pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

a) utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

b) en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

c) pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

[132] Je suis d’accord avec les parties et les médecins experts pour dire que, suivant une interprétation téléologique, la revendication 21 comprend les éléments essentiels suivants :

Revendication 21

a) utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

b) en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

c) pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

[133] Suivant une interprétation téléologique, les limites énoncées dans les revendications 22 à 31 reflètent celles qui sont énoncées dans les revendications 11 à 20 :

Revendication 22 : l’I-PDE5 est le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou l’udénafil.

Revendication 23 : l’I-PDE5 est le sildénafil ou le tadalafil.

Revendication 24 : l’I-PDE5 est le sildénafil.

Revendication 25 : l’I-PDE5 est le tadalafil.

Revendication 26 : la maladie est l’hypertension ou l’HTP.

Revendication 27 : la maladie est l’HTP.

Revendication 28 : la maladie est l’HTAP.

Revendication 29 : la maladie est l’HTAP et l’I-PDE5 est le sildénafil ou le tadalafil.

Revendication 30 : la maladie est l’HTAP et l’I-PDE5 est le sildénafil.

Revendication 31 : la maladie est l’HTAP et l’I-PDE5 est le tadalafil.

VII. Contrefaçon

[134] La Loi sur les brevets accorde au breveté le droit, la faculté et le privilège exclusif de fabriquer, de construire, d’exploiter et de vendre à d’autres, pour qu’ils l’exploitent, l’objet de l’invention : Loi sur les brevets, art 42; Monsanto Canada Inc c Schmeiser, 2004 CSC 34 au para 25 [Monsanto]. La contrefaçon est un acte qui prive l’inventeur, en tout ou en partie, directement ou indirectement, de la pleine jouissance du monopole conféré par la loi : Monsanto, au para 35.

[135] Dans les procédures intentées en vertu du Règlement, la contrefaçon renvoie aux actes de la « seconde personne » : Pharmascience Inc c Sanofi-Aventis Canada Inc, 2006 CAF 229 aux para 55-59.

[136] Il incombe aux demanderesses de prouver la contrefaçon : Monsanto, au para 29.

A. Contrefaçon directe

(1) Observations des parties

[137] Les demanderesses allèguent qu’Apotex contrefera directement les revendications 1 à 5 et 10 à 20 du brevet 770. Elles allèguent qu’Apotex ne demande pas l’approbation d’une utilisation « non brevetée » – le macitentan a une indication approuvée et une utilisation réelle, qui sont de traiter les patients atteints d’HTAP. Le traitement combiné est la norme de soins pour les patients atteints d’HTAP au Canada, et la plupart des patients auxquels du macitentan est prescrit recevront également un I-PDE5.

[138] Les demanderesses affirment que les revendications 1 à 5 du brevet 770 sont des revendications de produit, et qu’une revendication de produit peut être contrefaite par un produit adapté à une utilisation brevetée : Janssen Inc c Teva Canada Ltd, 2020 CF 593 aux para 35, 252-256 [Teva (palipéridone)]; Hospira Healthcare Corporation c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2018 CF 259 aux para 298-300, 303, 318, conf à cet égard par 2020 CAF 30 au para 41. Elles allèguent qu’un produit qui contient du macitentan contreferait les revendications 1 à 5 du brevet 770 si le produit était destiné à être utilisé en combinaison avec un I-PDE5. Ainsi, Apotex contrefera directement les revendications 1 à 5 en fabriquant et en vendant APO-MACITENTAN à des fins d’utilisation en combinaison avec un I-PDE5-I pour traiter l’HTAP.

[139] De même, les demanderesses affirment qu’Apotex contrefera directement les revendications 10 à 20 parce que le macitentan sera utilisé dans la fabrication d’APO-MACITENTAN et qu’APO-MACITENTAN sera destiné à être utilisé en combinaison avec un I-PDE5 pour traiter l’HTAP.

[140] Apotex allègue que l’approche des demanderesses ne tient pas compte du fait que les revendications 1 à 5 et 10 à 20 visent l’utilisation de macitentan en combinaison avec un I-PDE5 pour traiter certaines maladies. Si l’utilisation est un élément essentiel des revendications, il ne peut pas y avoir de contrefaçon directe si le contrefacteur allégué n’utilise pas le médicament dans le but énoncé dans les revendications : Hoffman-La Roche, au para 109. Apotex affirme que rien ne permet de conclure qu’elle contrefera directement l’une ou l’autre des revendications invoquées, parce qu’elle n’administrerait pas de macitentan aux patients.

(2) Analyse

[141] La Dre Mielniczuk et le Dr Kapasi ont comparé les éléments essentiels des revendications invoquées à la façon dont APO-MACITENTAN sera utilisé s’il est approuvé. En ce qui concerne la revendication 1, ils sont d’avis que les éléments essentiels seront présents : a) APO-MACITENTAN renfermera du macitentan; b) il sera administré en combinaison avec un I-PDE5 (ou son sel), en particulier le citrate de sildénafil ou le tadalafil; c) il sera destiné à une utilisation à des fins thérapeutiques dans le traitement d’une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction, en particulier l’HTAP; et d) APO-MACITENTAN et l’I-PDE5 seront administrés simultanément, séparément ou pendant une période donnée/de façon séquentielle. En ce qui concerne la revendication 10, ils sont d’avis que les éléments essentiels seront présents : a) Apotex utilisera du macitentan à des fins de fabrication d’un médicament, à savoir APO-MACITENTAN; b) APO-MACITENTAN sera utilisé en combinaison avec un I-PDE5-I (ou son sel), en particulier le citrate de sildénafil ou le tadalafil; et c) APO-MACITENTAN sera destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction, en particulier l’HTAP.

[142] La Dre Mielniczuk et le Dr Kapasi ont déclaré qu’un élément des revendications 1 et 10 était l’administration d’un produit renfermant du macitentan et d’un I-PDE5 à un patient. Ils ont reconnu en contre-interrogatoire que les entreprises pharmaceutiques n’administrent pas de médicaments aux patients; ce sont les médecins ou les patients qui le font.

[143] Le Dr McIvor est d’avis qu’il n’y aura aucune contrefaçon directe parce que, notamment, chacune des revendications invoquées comprend un élément sous-jacent commun, qui est l’utilisation de macitentan en combinaison avec un I-PDE5. Le Dr McIvor est d’avis qu’Apotex n’utilisera pas APO-MACITENTAN en combinaison avec un I-PDE5 pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction, y compris l’HTAP.

[144] Pour les motifs présentés ci-dessus, dans la section consacrée à l’interprétation des revendications, j’ai conclu que l’administration à un patient n’est pas un élément essentiel des revendications 1 à 5 et 10 à 20. Toutefois, le recours au macitentan [traduction] « en combinaison » avec au moins un I-PDE5 est un élément essentiel de ces revendications; il n’est pas question, comme l’affirment les demanderesses, que le produit renfermant du macitentan (revendications 1 à 5) ou le médicament renfermant du macitentan (revendications 10 à 20) soit simplement [traduction] « destiné à être utilisé en combinaison » avec un I-PDE5. La preuve ne permet pas d’établir qu’Apotex : (i) fabriquera, exploitera ou vendra un produit renfermant du macitentan en combinaison avec un I-PDE5; (ii) combinera un produit renfermant du macitentan avec un I-PDE5 pour traiter l’HTAP; ou (iii) utilisera du macitentan en combinaison avec un I-PDE5 pour fabriquer un médicament. Apotex ne contrefera pas directement ces revendications, puisqu’elle ne réalise pas l’élément [traduction] « en combinaison ».

[145] J’arriverais à la même conclusion sur la question de la contrefaçon directe en me fondant sur l’interprétation proposée par les parties. En plus de l’élément [traduction] « en combinaison », l’interprétation proposée par les parties comprend un élément essentiel lié à l’administration. Tous les médecins experts s’entendent pour dire qu’Apotex n’administre pas de macitentan et d’I-PDE5 aux patients.

[146] En conclusion, Apotex ne contrefera pas directement les revendications 1à 5 et 10 à 20.

B. Incitation à la contrefaçon

[147] Il est possible qu’un fabricant de médicaments génériques soit impliqué dans la contrefaçon par des tiers s’il les y a incités. Le critère à trois volets applicable à l’incitation à la contrefaçon est énoncé dans l’arrêt Corlac Inc c Weatherford Canada Ltd, 2011 CAF 228 au para 162 [Corlac], autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 34459 (29 mars 2012) :

  • 1.l’acte de contrefaçon doit avoir été exécuté par le contrefacteur direct;

  • 2.l’exécution de l’acte de contrefaçon doit avoir été influencée par les agissements du présumé incitateur de sorte que, sans cette influence, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu;

  • 3.l’influence doit avoir été exercée sciemment par l’incitateur, autrement dit l’incitateur doit savoir que son influence entraînera l’exécution de l’acte de contrefaçon.

(1) Observations des parties

[148] Les demanderesses soutiennent que le critère de la contrefaçon est vaste, puisqu’il englobe toute activité qui prive le breveté de sa pleine utilisation de l’invention : Monsanto, aux para 35-37. L’incitation est une forme de contrefaçon.

[149] Les demanderesses font valoir que la contrefaçon est une question de fait et que l’issue de diverses affaires de contrefaçon dans le contexte pharmaceutique repose sur les éléments de preuve. Les fabricants de médicaments génériques ont obtenu gain de cause lorsque les éléments de preuve démontraient que la contrefaçon directe (premier volet du critère) était improbable ou que la MP du médicament générique ne mentionnait pas ou ne suggérait pas l’utilisation contrefaisante (deuxième volet du critère), par exemple la MP du médicament générique était une « étiquette restreinte ». Les brevetés ont obtenu gain de cause lorsque les éléments de preuve démontraient qu’il y aurait eu contrefaçon directe et que le fabricant de médicaments génériques était impliqué dans la contrefaçon, souvent parce que, malgré les affirmations contraires du fabricant de médicaments génériques, la MP n’était pas « restreinte ».

[150] Les demanderesses font valoir que le premier volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac est rempli – il y aura une contrefaçon directe des revendications 1 à 5 et 21 à 31 du brevet 770 par les médecins et les patients. S’il est approuvé, APO-MACITENTAN sera utilisé pour traiter l’HTAP en combinaison avec un I-PDE5, le plus souvent du tadalafil.

[151] Les demanderesses soutiennent que le cœur du différend concerne le deuxième volet. À cet égard, la MP du fabricant de médicaments génériques joue un rôle clé dans la détermination de l’incitation : AB Hassle c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), 2002 CAF 421 au para 55 [AB Hassle]. La MP d’APO-MACITENTAN incitera les médecins à prescrire APO-MACITENTAN en combinaison avec un I-PDE5 pour traiter l’HTAP.

[152] Les demanderesses déclarent qu’il ne s’agit pas d’une affaire visant une « étiquette restreinte ». Apotex demande l’approbation d’une seule utilisation indiquée, et c’est la même utilisation indiquée que pour OPSUMIT : le traitement des patients atteints d’HTAP appartenant à la classe fonctionnelle II ou III (risque intermédiaire) de l’OMS. Aucune autre utilisation n’est approuvée pour le macitentan, et rien dans la MP d’APO-MACITENTAN n’indique aux médecins que son utilisation devrait différer de celle d’OPSUMIT.

[153] La MP doit être considérée dans son ensemble : Janssen Inc c Apotex Inc, 2021 CF 7 au para 242. La MP d’APO-MACITENTAN comprend des données sur la bioéquivalence et les résultats de l’essai SERAPHIN, lequel a établi l’innocuité et l’efficacité du macitentan en monothérapie et en combinaison avec un I-PDE5. Au moment du recrutement, 61 % des patients de l’essai SERAPHIN prenaient un I-PDE5. De plus, la section de la MP d’APO-MACITENTAN sur les interactions médicamenteuses indique que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. L’inclusion des résultats de l’essai SERAPHIN, ainsi que des renseignements sur la bioéquivalence, fera savoir aux médecins qu’APO-MACITENTAN est sûr et efficace pour une utilisation combinée avec un I-PDE5 et encouragera les médecins à utiliser APO-MACITENTAN de la même façon qu’OPSUMIT, c’est-à-dire en combinaison avec des I-PDE5. La Dre Mielniczuk et le Dr Kapasi sont d’avis que les médecins examineront les renseignements contenus dans la MP d’APO-MACITENTAN et s’appuieront sur ces renseignements pour prescrire APO-MACITENTAN.

[154] Les demanderesses soutiennent que les témoignages de la Dre Mielniczuk et du Dr Kapasi devraient être privilégiés par rapport à ceux des témoins experts d’Apotex. La Dre Mielniczuk et le Dr Kapasi prescrivent régulièrement des médicaments contre l’HTAP et ont récemment participé à la création de lignes directrices consensuelles canadiennes, ce qui leur a permis de collaborer avec d’autres experts en HTAP et de prendre connaissance des pratiques de chacun. Aucun poids ne devrait être accordé au témoignage de Mme Picard, parce qu’elle ne peut pas se prononcer sur la question clé de savoir si la MP influencerait un médecin prescripteur. Bien que le Dr McIvor ait été qualifié comme pneumologue, il n’est pas un expert en HTAP et il ne prescrit pas régulièrement des médicaments contre l’HTAP. Son expérience directe de l’HTAP découle d’interactions avec des patients hospitalisés dont le diagnostic est posé pendant l’hospitalisation. Lorsque ces patients reçoivent un diagnostic d’HTAP, ils sont orientés vers les collègues du Dr McIvor qui se spécialisent dans le domaine. Le Dr McIvor a reconnu le caractère artificiel de l’exercice par lequel il a, dans le cadre de son mandat, examiné dans son rapport les MP caviardées ou les comparaisons côte à côte des MP de médicaments de marque et de médicaments génériques renfermant du macitentan. En outre, il était généralement d’avis que les MP n’influencent pas les prescripteurs et que son opinion resterait la même, quoi qu’indique la MP d’APO-MACITENTAN. Les demanderesses font valoir que le témoignage du Dr McIvor au sujet du contenu de la MP d’APO-MACITENTAN n’est pas utile à la Cour en raison du manque d’expérience du Dr McIvor en matière d’HTAP et de son mépris fondamental des documents sur lesquels il s’est prononcé, et qu’aucun poids ne devrait être accordé à son opinion.

[155] Les demanderesses soutiennent que la présente affaire est analogue aux affaires Genpharm Inc c AB Hassle, 2004 CAF 413 [Genpharm], et Abbott Laboratories Limited c Canada (Santé), 2006 CF 1411, conf par 2007 CAF 251 [Novopharm]. Dans l’arrêt Genpharm, la Cour d’appel fédérale a confirmé la conclusion d’incitation tirée par la cour de première instance, qui avait conclu que l’inclusion d’études renvoyant à l’utilisation brevetée constituait une « tentative flagrante » de donner au lecteur de la MP l’impression que le produit générique peut être utilisé aux fins de l’utilisation brevetée. Dans l’arrêt Novopharm, une décision similaire a été confirmée pour des motifs similaires.

[156] Par conséquent, les activités d’Apotex seront la cause « déterminante » de la contrefaçon. Cela demeure vrai même si la décision de prescrire un traitement combiné est fondée sur l’exercice du talent et du jugement du médecin. Sinon, on ne pourrait jamais conclure à l’incitation à la contrefaçon dans le contexte des brevets pharmaceutiques : Janssen Inc c Pharmascience Inc, 2022 CF 62 aux para 132-133, 137 [Pharmascience (palipéridone)]; Janssen Inc c Apotex Inc, 2022 CF 107 aux para 142-143, 148 [Apotex (palipéridone)]. En outre, le critère du « facteur déterminant » (parfois désigné au moyen de l’expression « n’eût été ») n’exige pas que les activités d’Apotex soient la seule cause de la contrefaçon : Athey c Leonati, [1996] 3 RCS 458.

[157] En ce qui concerne le troisième volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac, les demanderesses soutiennent qu’il n’est pas difficile d’y satisfaire. La connaissance peut être déduite du fait que l’incitateur a créé et distribué la source de l’influence : Apotex (palipéridone), aux para 149-150; Western Oilfield Equipment Rentals Ltd c M-I LLC, 2019 CF 1606 au para 133; Corporation de soins de santé Hospira c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 30 au para 44 [Hospira CAF]. Apotex contrôle son produit, APO-MACITENTAN, et le contenu de sa MP, qui sera mis à la disposition des médecins, et au moins certains médecins seront influencés à se livrer à la contrefaçon. Apotex sait ou devrait savoir qu’elle exercera une influence sur la façon dont son produit sera utilisé.

[158] Apotex affirme que le critère applicable à l’incitation à la contrefaçon est rigoureux et qu’il est difficile d’y satisfaire. Elle fait valoir que les demanderesses demandent à la Cour d’accorder un monopole de fait sur l’utilisation du macitentan comme monothérapie, ce qui mènerait à une véritable injustice, puisque cela élargirait artificiellement le monopole des demanderesses sur le macitentan : AB Hassle, au para 57.

[159] Apotex affirme que les demanderesses sous-estiment les principes de droit applicables lorsqu’elles font valoir que chaque affaire dépend des éléments de preuve présentés : la jurisprudence antérieure est instructive pour éclairer l’analyse.

[160] En ce qui concerne le premier élément, bien qu’Apotex reconnaisse la possibilité évidente que le macitentan soit utilisé de manière « non indiquée » en combinaison avec un I-PDE5, Apotex soutient que les demanderesses ne se sont pas acquittées du fardeau de preuve qui leur incombait. Les éléments de preuve n’établissent pas qu’un médecin prescrirait APO-MACITENTAN en combinaison avec un I-PDE5, ou qu’un médecin prescrirait OPSUMIT ou du macitentan en combinaison avec un I-PDE5 et que la pharmacie qui exécute l’ordonnance fournirait APO-MACITENTAN.

[161] À l’instar des demanderesses, Apotex soutient que le cœur de la présente affaire touche à la question de l’influence. Les principaux arguments d’Apotex se rapportent au deuxième volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac.

[162] Apotex affirme qu’elle ne demande pas l’approbation de l’utilisation exposée dans les revendications invoquées et que la MP d’APO-MACITENTAN n’encourage pas les médecins à prescrire APO-MACITENTAN pour cette utilisation. Apotex fait remarquer que la monothérapie joue toujours un rôle dans le traitement de l’HTAP chez une part non négligeable de patients, variant de 10 % à 30 % environ selon les données prises en compte.

[163] Apotex soutient qu’il n’est généralement pas possible de conclure qu’il y a eu incitation à la contrefaçon à partir d’une simple mention de l’utilisation revendiquée dans la MP, par exemple dans des explications relatives aux contre-indications ou à l’interaction médicamenteuse ou dans une bibliographie scientifique : Novopharm Limited c Sanofi-Aventis Canada Inc, 2007 CAF 167 aux para 10-11. Apotex insiste sur le fait que l’analyse devrait être axée sur ce que la MP enseigne, plutôt que sur la façon les médecins pourraient utiliser le produit : Bayer Inc c Pharmaceutical Partners of Canada Inc, 2015 CF 797 aux para 59-61, 64 [Bayer], conf par 2016 CAF 13.

[164] Apotex fait valoir que la MP d’APO-MACITENTAN n’enseigne pas qu’APO-MACITENTAN peut être utilisé en combinaison avec un I-PDE5. L’information présentée dans la section [traduction] « Indications et utilisation clinique » ne donne pas à penser qu’APO-MACITENTAN peut être utilisé avec un I-PDE5, et toute utilisation de ce genre serait « non indiquée ». Les renvois à |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et la mention de l’essai SERAPHIN sont précisément le type de références isolées et subtiles qui, selon les tribunaux, n’équivalent pas à une incitation. Le MP d’APO-MACITENTAN ne contient aucune des mentions de l’utilisation du macitentan en traitement combiné que l’on trouve dans la MP d’OPSUMIT, et les résultats de l’essai SERAPHIN y sont seulement mentionnés relativement à l’utilité du macitentan en monothérapie. La MP ne fournit aucune instruction concernant la façon d’administrer APO-MACITENTAN en combinaison avec un I-PDE5, et elle n’indique pas si ces médicaments devraient être administrés simultanément, séparément ou pendant une période donnée.

[165] Apotex soutient que la présente affaire n’est pas différente de l’affaire Lundbeck Canada Inc c Ratiopharm Inc, 2009 CF 1102 [Lundbeck]. Dans cette affaire, le brevet revendiquait l’utilisation d’un médicament dans le cadre d’un traitement combiné, mais la MP de Ratiopharm ne prévoyait l’utilisation du médicament qu’en monothérapie. De plus, Ratiopharm ne demandait pas l’approbation du médicament pour l’utiliser en combinaison avec d’autres médicaments.

[166] Apotex soutient que le principe de causalité fondé sur le « facteur déterminant » au deuxième volet du critère exige une preuve que le comportement répréhensible du défendeur est la cause déterminante de la contrefaçon directe, et que, n’eût été l’influence du défendeur, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu : Ediger c Johnston, 2013 CSC 18 au para 28. Apotex déclare qu’il ne suffit pas d’établir qu’un défendeur est en partie responsable de la contrefaçon, et fait valoir que le paragraphe 26 de la décision Bayer Inc c Pharmaceutical Partners of Canada Inc, 2015 CF 388 (conf par 2015 CF 797 et 2016 CAF 13), et les paragraphes 19 à 21, 27 et 28 de la décision Apotex Inc c Nycomed Canada Inc, 2011 CF 1441, appuient cette proposition. Apotex soutient que la MP d’APO-MACITENTAN ne peut pas être le « facteur déterminant » alors que les spécialistes de l’HTAP fondent leurs décisions de prescription sur des études cliniques et sur leur expérience pratique. Dans le domaine de l’HTAP, les médecins connaissent très bien l’essai SERAPHIN, et le contenu de la MP d’APO-MACITENTAN importe peu. Apotex fait valoir que les décisions de prescription, y compris la façon d’utiliser le macitentan dans le cadre d’un traitement combiné et le moment auquel il convient d’y recourir, ne seraient pas éclairées de façon notable par ce qui est énoncé dans la MP d’APO-MACITENTAN.

[167] En ce qui concerne le troisième volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac, Apotex fait remarquer que la connaissance en question est la connaissance de l’influence plutôt que la connaissance que l’activité en découlant constituera une contrefaçon : Hospira CAF, au para 45. Apotex soutient que rien dans la preuve n’établit qu’elle possède cette connaissance. Au contraire, les éléments de preuve démontrent qu’Apotex a « expurgé » sa MP de toute mention de l’utilisation combinée de macitentan avec un I-PDE5.

(2) Analyse

a) Premier volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac

[168] Le premier volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac exige que l’acte de contrefaçon ait été exécuté par le contrefacteur direct : Corlac, au para 162. Aucun contact direct n’est requis entre l’incitateur et le contrefacteur direct, et il n’est pas non plus nécessaire que l’incitateur allégué fournisse tous les composants ou éléments de l’invention revendiquée : Apotex (palipéridone), au para 116.

[169] Bien qu’Apotex ait soutenu dans ses observations finales que la preuve ne permettait pas d’établir la contrefaction directe par un médecin, Apotex n’a pas [traduction] « trop insisté sur ce point » parce qu’elle a reconnu la possibilité évidente d’une utilisation « non indiquée ». Le Dr McIvor a reconnu que les médecins pourraient prescrire APO-MACITENTAN pour une utilisation en combinaison avec un I-PDE5; toutefois, il s’agirait selon lui d’une utilisation « non indiquée ».

[170] La Dre Mielniczuk est d’avis que, si Apotex était autorisée à vendre APO-MACITENTAN avec la MP proposée pour celui-ci, l’utilisation « indiquée » serait la même que celle d’OPSUMIT. Selon elle, chaque patient qui recevrait APO-MACITENTAN aurait autrement reçu OPSUMIT pour le traitement de l’HTAP et, dans la plupart des cas, l’utilisation se ferait en combinaison avec un I-PDE5. À son avis, APO-MACITENTAN servirait en grande majorité (dans environ 80 % des cas) à traiter l’HTAP en combinaison avec un I-PDE5.

[171] Le Dr Kapasi est d’avis que les médecins utiliseront APO-MACITENTAN de la même façon qu’OPSUMIT pour traiter les patients atteints d’HTAP. Dans la plupart des cas (environ 80 % à 90 % du temps), APO-MACITENTAN sera prescrit en combinaison avec un autre traitement spécifique contre l’HTAP, qui sera le plus fréquemment un I-PDE5 (environ 80 % du temps), le plus souvent le tadalafil. Le Dr Kapasi a déclaré que, en pratique, OPSUMIT et APO-MACITENTAN n’ont aucune utilisation autre que le traitement des patients atteints d’HTAP, et que, si APO-MACITENTAN était approuvé, il serait rarement, voire jamais, utilisé de manière « non indiquée », à l’instar d’OPSUMIT.

[172] Le Dr McIvor est d’avis qu’un médecin qui lit la MP d’APO-MACITENTAN constatera qu’Apotex destine son produit à la monothérapie exclusivement. Par conséquent, si un médecin souhaite prescrire du macitentan dans le cadre d’un traitement combiné, ce médecin prescrira probablement OPSUMIT plutôt qu’APO-MACITENTAN. Toutefois, le Dr McIvor est également d’avis que, selon son expérience, les médecins ne consultent généralement pas les MP lorsqu’ils prescrivent un médicament, et qu’un médecin privilégiera ce qui est le mieux pour ses patients, même si cela contredit les intentions ou les espoirs d’une entreprise pharmaceutique.

[173] Dans le contexte de son opinion sur l’incitation à la contrefaçon, le Dr McIvor a déclaré qu’APO-MACITENTAN pourrait être prescrit en combinaison avec des I-PDE5 ou d’autres produits lorsqu’OPSUMIT n’est pas disponible, si des considérations liées aux coûts militent en faveur de l’utilisation du produit générique, ou si un patient devrait mieux tolérer les excipients du produit générique. Dans ces cas, les médecins reconnaîtront qu’il s’agit d’une utilisation « non indiquée » selon la MP d’APO-MACITENTAN, sauf s’ils ignorent ce que prévoit la MP d’APO-MACITENTAN. D’une façon comme de l’autre, la décision sera prise par le médecin sans l’influence d’Apotex.

[174] En contre-interrogatoire, le Dr McIvor a convenu que le traitement combiné est la norme de soins pour la plupart des patients atteints d’HTAP. Il a également fait les déclarations suivantes :

[TRADUCTION]

Q. Vous vous attendez à ce qu’APO-MACITENTAN ne soit pas prescrit par les médecins ou utilisé par les patients pour traiter des maladies autres que l’HTAP, n’est-ce pas?

R. Oui, c’est exact.

Q. Il ne sera donc pas prescrit ou utilisé pour traiter une maladie pour laquelle il n’est pas indiqué, n’est-ce pas?

R. En effet. Il sera utilisé comme prescrit par le médecin en fonction des bienfaits escomptés pour le patient, pour l’HTAP.

Q. C’est ça. Je pense que vous conviendriez, et peut-être avez-vous déjà convenu, qu’un inhibiteur de la PDE5 serait aussi prescrit pour traiter l’HTAP chez certains de ces patients, n’est-ce pas?

R. Certaines personnes atteintes d’HTAP, oui, prendraient déjà un inhibiteur de la PDE5, oui.

[175] Les éléments de preuve établissent que, s’il est approuvé, APO-MACITENTAN sera combiné à un I-PDE5 (le sildénafil ou, plus couramment, le tadalafil) pour traiter l’HTAP. Les demanderesses ont établi que les médecins prescripteurs et les patients contreferont directement les revendications 1 à 5 et 21 à 31.

b) Deuxième volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac

[176] Aux termes du deuxième volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac, l’exécution de l’acte de contrefaçon doit avoir été influencée par les agissements de l’incitateur allégué de sorte que, sans cette influence, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu : Corlac, au para 162. Ce critère est parfois appelé le critère du « facteur déterminant ».

[177] Dans le contexte d’un litige en matière de brevet pharmaceutique, l’incitation exige plus que la simple vente d’un médicament générique ou la reconnaissance que le médicament générique sera vraisemblablement utilisé pour contrefaire un brevet : AB Hassle, au para 57; Aventis Pharma Inc c Apotex Inc, 2005 CF 1461 au para 32, conf par 2006 CAF 357; Solvay Pharma Inc c Apotex Inc, 2008 CF 308 au para 136; Bristol-Myers Squibb Canada c Apotex Inc, 2017 CF 1061 au para 37.

[178] Comme je le mentionne plus haut, Apotex affirme que la position des demanderesses selon laquelle chaque affaire dépend des éléments de preuve ne tient pas dûment compte de la jurisprudence. Apotex mentionne des affaires dans lesquelles les données sur la bioéquivalence, la citation de résultats d’essais cliniques et la mention d’une utilisation brevetée dans une MP, notamment dans le contexte des renseignements sur l’innocuité des interactions médicamenteuses, ne permettaient pas de satisfaire au deuxième volet du critère de l’incitation, et elle soutient que ces affaires devraient éclairer l’analyse dans la présente affaire.

[179] Bien que je sois d’accord avec Apotex pour dire que la jurisprudence antérieure est instructive pour éclairer l’analyse de l’incitation, le critère énoncé dans l’arrêt Corlac exige l’application de conclusions de fait au critère juridique. Chaque affaire dépendra de l’ensemble des éléments de preuve qui ont été soumis à la Cour, et la jurisprudence antérieure ne l’emporte pas sur l’exercice fondé sur les éléments de preuve qui doit être entrepris. Dans trois décisions récentes concernant le même médicament (la palipéridone), la Cour a tiré des conclusions différentes sur la question de l’incitation, parce que les éléments de preuve soumis étaient différents : Teva (palipéridone), Pharmascience (palipéridone), Apotex (palipéridone).

[180] Je fais également remarquer que nombre des affaires invoquées par Apotex ont été tranchées dans un contexte différent, soit en vertu de l’ancien règlement. Comme l’a fait remarquer le juge Manson au paragraphe 257 de la décision Teva (palipéridone) :

Dans les demandes présentées en vertu de l’ancien régime des médicaments brevetés (avis de conformité), l’examen qu’il fallait effectuer visait à déterminer si les allégations d’absence de contrefaçon étaient justifiées. En vertu des modifications de septembre 2017, les instances introduites en vertu du Règlement sont des actions complètes en matière de brevets. Dans le cadre d’affaires d’incitation introduites sous le régime antérieur à septembre 2017, la Cour a fait remarquer que, si le médicament générique était commercialisé et commençait à inciter à la contrefaçon, le propriétaire de la marque pourrait encore intenter une action en contrefaçon (voir, par exemple, Bayer Inc c Pharmaceutical Partners of Canada Inc, 2015 CF 388 au para 33; Lundbeck Canada Inc c Ratiopharm Inc, 2009 CF 1102 au para 383 [Lundbeck]). Ce n’est plus le cas sous le nouveau régime.

[181] Je suis d’accord avec les demanderesses pour dire que le fait que la décision de prescrire un traitement combiné soit fondée sur l’exercice du talent et du jugement du médecin n’est pas incompatible avec le critère du « facteur déterminant ». Le degré d’influence requis pour satisfaire au deuxième volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac peut varier d’une affaire à l’autre. Tout dépend des éléments de preuve.

[182] En l’espèce, les éléments de preuve liés au deuxième volet portent sur la façon dont les médecins qui prescrivent des médicaments contre l’HTAP comprendraient le contenu de la MP d’APO-MACITENTAN, ainsi que sur la question de savoir si celle-ci inciterait ces médecins à prescrire APO-MACITENTAN en combinaison avec un I-PDE5.

[183] Les médecins experts conviennent que la norme de soins actuelle pour les patients atteints d’HTAP est un traitement combiné et, le plus souvent, la combinaison comprend un ARE et un I-PDE5. À cet égard, la Dre Mielniczuk est d’avis qu’APO-MACITENTAN servira en grande majorité à traiter l’HTAP en combinaison avec un I-PDE5. De même, le Dr Kapasi est d’avis que, dans la plupart des cas, APO-MACITENTAN sera prescrit en combinaison avec un autre traitement spécifique contre l’HTAP, qui sera le plus fréquemment un I-PDE5, en particulier le tadalafil. Dans leurs rapports, le Dr Kapasi et la Dre Mielniczuk ont estimé, sans préciser d’où provenait cette information, qu’environ 80 % ou plus des patients recevaient un traitement combiné comprenant du macitentan et un I-PDE5. En contre-interrogatoire, ils ont expliqué que ces estimations étaient fondées sur des données relatives à OPSUMIT, fournies à Janssen par un comité consultatif sur l’HTAP, ainsi que sur leurs propres pratiques cliniques. Il est clair qu’il s’agissait d’estimations approximatives fondées sur des données partielles, et certaines estimations des données du marché ont montré qu’environ 30 % des patients qui recevaient OPSUMIT le prenaient en monothérapie. En résumé, même s’il s’agissait d’estimations approximatives, je suis convaincue que, chez une forte majorité des patients atteints d’HTAP auxquels OPSUMIT est prescrit, celui-ci est administré en combinaison avec un I-PDE5.

[184] L’HTAP est une maladie rare qui touche environ 25 à 30 personnes sur un million. La prescription de médicaments contre l’HTAP est restreinte au Canada – dans la plupart des provinces, le macitentan ne peut être prescrit que par un nombre limité de médecins spécialistes qui travaillent dans des centres reconnus spécialisés en HTP. Le Dr Kapasi a déclaré que, au Canada, environ 30 médecins spécialisés peuvent prescrire des traitements spécifiques à l’HTAP, notamment le macitentan.

[185] La Dre Mielniczuk a déclaré dans son témoignage (i) que tout médecin qui prescrit du macitentan serait au courant des données de l’essai SERAPHIN, en raison de leur publication dans le New England Journal of Medicine, (ii) et que l’essai SERAPHIN était révolutionnaire, puisque c’était la première étude déterminante à démontrer que le traitement combiné était efficace chez les patients atteints d’HTAP. Le Dr Kapasi a déclaré que l’essai SERAPHIN avait été l’une des premières études contre placebo dans laquelle les patients étaient autorisés à suivre d’autres traitements contre l’HTAP. Près des deux tiers des patients inscrits suivaient un traitement de base, et la grande majorité d’entre eux prenaient un I-PDE5, principalement du sildénafil ou du tadalafil.

[186] Dans son rapport, le Dr McIvor a exprimé l’avis que l’essai SERAPHIN avait démontré l’utilité du macitentan en monothérapie dans le traitement de l’HTAP et le fait que l’utilisation simultanée d’autres médicaments pour traiter l’HTAP [traduction] « n’avait pas nui à son efficacité ». Toutefois, en contre-interrogatoire, le Dr McIvor a reconnu que, du point de vue des médecins, l’essai SERAPHIN établissait l’innocuité et l’efficacité du macitentan dans le traitement de l’HTAP, en monothérapie aussi bien qu’en combinaison avec des I-PDE5 :

[TRADUCTION]

Q. […] Ma question portait sur ce que les médecins ont appris des résultats de l’essai Seraphin, et je conviens qu’ils -- ils auraient retenu une chose, soit que le macitentan, en soi, était sûr et efficace pour traiter l’HTAP. Or, je crois que les médecins ont retenu une deuxième chose de l’essai Seraphin, à savoir que le macitentan en combinaison avec un inhibiteur de la PDE5 était sûr et efficace; est-ce juste?

R. Si vous avez lu et compris l’essai, vous ne pouvez plus ignorer ce que vous a appris l’essai.

Q. Donc la réponse est oui?

R. C’est exact, oui.

Q. D’accord. L’essai montrait non seulement que les inhibiteurs de la PDE5 ne nuisaient pas à l’innocuité et à l’efficacité du macitentan, mais aussi que le macitentan était sûr et efficace, seul ou en combinaison, c’est bien le cas?

R. C’est exact.

[187] Je conclus que les spécialistes de l’HTAP reconnaissent que l’essai SERAPHIN est un essai déterminant, qui a démontré l’innocuité et l’efficacité du macitentan administré seul ou en combinaison avec un I-PDE5.

[188] Comme le montre une comparaison côte à côte des MP d’OPSUMIT et d’APO-MACITENTAN, la MP d’APO-MACITENTAN n’inclut pas certaines mentions d’un traitement combiné qui se trouvent dans la MP d’OPSUMIT. La section [traduction] « Indications et utilisation clinique » |||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| La section [traduction] « Renseignements scientifiques » |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[189] Le Dr McIvor est d’avis qu’un médecin comprendrait que c’est la section [traduction] « Indications et utilisation clinique » de la MP qui précise les détails du produit en question et la façon dont il doit être utilisé. Cette section de la MP d’APO-MACITENTAN est ainsi libellée :

[traduction]

|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[190] Le Dr McIvor est d’avis que la personne versée dans l’art comprendrait que cette mention indique qu’APO-MACITENTAN est pris seul plutôt qu’en combinaison avec d’autres produits thérapeutiques et que, à cet égard, l’indication d’APO-MACITENTAN diffère de celle d’OPSUMIT. Selon le Dr McIvor, un médecin tiendrait particulièrement compte de cette restriction, sachant que les médecins reconnaissent l’utilisation d’OPSUMIT et d’autres ARE en monothérapie ou en combinaison avec d’autres médicaments, comme des I-PDE5. Un médecin qui examine la MP d’APO-MACITENTAN remarquerait que cette description semble se poursuivre dans l’analyse qui y est faite de l’essai SERAPHIN. Le Dr McIvor est d’avis qu’une comparaison côte à côte des MP d’APO-MACITENTAN et d’OPSUMIT, en ce qui a trait aux résultats de l’essai SERAPHIN, montre que la MP d’APO-MACITENTAN présente uniquement les résultats de l’essai SERAPHIN qui se rapportent à l’utilisation du macitentan en monothérapie.

[191] Toutefois, les éléments de preuve n’établissent pas que les médecins effectueraient une comparaison côte à côte de la MP d’OPSUMIT et de la MP d’APO-MACITENTAN avant de prescrire APO-MACITENTAN. Le Dr McIvor a admis qu’un médecin ne comparerait pas les monographies des produits de marque et des produits génériques, et qu’une comparaison côte à côte est un exercice artificiel.

[192] De plus, la MP d’APO-MACITENTAN doit être considérée dans son ensemble. À cet égard, j’accepte l’opinion de la Dre Mielniczuk selon laquelle les données provenant de l’essai clinique SERAPHIN sont une part importante des renseignements contenus dans la MP d’APO-MACITENTAN, car les médecins considèrent que cet essai confirme l’innocuité et l’efficacité du macitentan dans le traitement de l’HTAP, en monothérapie et en combinaison avec des I‑PDE5. J’accepte le témoignage de la Dre Mielniczuk selon lequel la déclaration contenue dans la section [traduction] « Indications et utilisation clinique » de la MP d’APO-MACITENTAN, à savoir que ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, lorsqu’elle est lue dans le contexte de la MP en entier, ne suggère pas aux médecins de s’écarter de la pratique bien établie et fondée sur des données probantes en ce qui a trait à la prescription de macitentan aux patients atteints d’HTAP des classes fonctionnelles II et III de l’OMS.

[193] Comme je le mentionne plus haut, la majorité des patients inscrits à l’essai SERAPHIN recevait un I-PDE5. La MP d’APO-MACITENTAN s’appuie sur les données concernant tous les patients inscrits à l’essai SERAPHIN, y compris les patients qui recevaient un traitement combiné. Ces données sont citées tout au long de la MP d’APO-MACITENTAN, dans laquelle elles servent à établir l’innocuité et l’efficacité d’APO-MACITENTAN. Les données étayent les mises en garde et les précautions, l’information sur l’innocuité et les effets indésirables, ainsi que les renseignements sur les interactions avec le sildénafil, un I-PDE5. Par exemple :

  • a)dans la section [traduction] « Effets indésirables du médicament déterminés au cours des essais cliniques », la MP d’APO-MACITENTAN comprend |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ;

  • b)la section [traduction] « Interactions médicamenteuses » comprend ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||Apotex soutient qu’une incitation à la contrefaçon ne peut généralement pas être déduite d’un simple renvoi à l’utilisation revendiquée, comme dans le cadre de l’explication de contre-indications ou d’interactions médicamenteuses. Toutefois, j’estime que cette déclaration est plus qu’un simple renvoi. Il s’agit d’un renvoi parmi d’autres qui se rapporte aux données concernant tous les patients de l’essai SERAPHIN, y compris ceux qui recevaient un traitement combiné;

  • c)dans la section [traduction] « Essais cliniques », aux pages 16 à 21, à la suite des études comparatives sur la biodisponibilité, la MP d’APO-MACITENTAN décrit l’essai SERAPHIN et comprend une déclaration selon laquelle ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. La section décrit ensuite ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Elle comprend également ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[194] Apotex fait valoir qu’il n’y a aucune instruction dans la MP quant à la façon d’administrer APO-MACITENTAN en combinaison avec un I-PDE5; toutefois, il n’y a pas non plus d’instruction à cet effet dans la MP d’OPSUMIT. Rien n’indique qu’un spécialiste de l’HTAP aurait besoin de plus d’information que celle contenue dans la MP pour prescrire du macitentan en combinaison avec un I-PDE5.

[195] En ce qui concerne les pratiques de prescription des spécialistes de l’HTAP, la Dre Mielniczuk et le Dr Kapasi sont d’avis que, avant de prescrire APO-MACITENTAN, les médecins examineront les renseignements contenus dans la MP d’APO-MACITENTAN et s’appuieront sur ces renseignements. La Dre Mielniczuk a affirmé qu’on avait peu eu recours à des médicaments génériques contre l’HTAP, et que les médecins voudraient s’assurer qu’un médicament générique a le même profil d’innocuité et d’efficacité que le médicament de marque. L’HTAP est une maladie complexe et progressive, les concentrations médicamenteuses doivent être maintenues à l’intérieur d’un intervalle précis dans l’organisme, et les effets secondaires ne sont pas sans conséquence, ce qui laisse [traduction] « peu de marge de manœuvre » pour parvenir à l’effet thérapeutique désiré au moyen du médicament prescrit. Au procès, la Dre Mielniczuk a témoigné au sujet des pratiques de prescription des spécialistes de l’HTAP :

[TRADUCTION]

Maintenant, l’autre point se rapporte au concept des traitements génériques chez les patients atteints d’hypertension artérielle pulmonaire. De nombreux experts cliniciens, dont moi-même, ont une certaine appréhension à l’égard des médicaments génériques. Le fait est que les patients atteints d’hypertension artérielle pulmonaire sont, comme je l’ai déjà décrit, des patients extrêmement fragiles, et même avec les meilleures options de traitement, malheureusement, la maladie progresse chez beaucoup de nos patients.

Lorsque nous présentons des décisions thérapeutiques et des options thérapeutiques à nos patients, nous voulons être fermement convaincus que ce que nous prescrivons aura l’effet attendu, en fonction de notre connaissance du médicament.

Et compte tenu de l’étroite fenêtre de traitement dont nous disposons, la possibilité d’une surestimation ou d’une sous-estimation de la réponse clinique aux médicaments génériques entraîne une certaine ambivalence ou une certaine préoccupation chez les médecins traitants. Plus particulièrement, comme on le sait, la disponibilité d’un médicament générique peut être différente de celle d’un autre médicament générique et de celle du médicament de marque. Donc, tout ce qui peut faire varier le processus de traitement ou l’effet du traitement crée un certain degré d’incertitude ou de malaise chez de nombreux cliniciens.

[196] Selon le Dr McIvor, le Dr Kapasi et la Dre Mielniczuk ont fait abstraction de certaines différences manifestes entre la MP d’OPSUMIT et la MP d’APO-MACITENTAN ou les ont sous-estimées. À son avis, si les médecins prescrivaient APO-MACITENTAN en combinaison avec un I-PDE5 d’une manière semblable à OPSUMIT, cela équivaudrait à une utilisation « non indiquée », qui ne correspond pas à l’utilisation d’APO-MACITENTAN prévue par Apotex. De plus, le Dr McIvor a soutenu que les médecins ne seraient pas influencés par la MP. Il est d’avis que les pneumologues qui traitent l’HTAP fondent généralement leurs décisions de prescription sur une évaluation minutieuse des besoins du patient, sur leur compréhension du médicament en fonction de ce qu’indique la littérature didactique, sur les renseignements recueillis lors de conférences médicales et sur leur propre pratique clinique, plutôt que sur les indications d’un médicament qui sont énoncées dans une MP ou sur d’autres renseignements fournis par les représentants d’une entreprise pharmaceutique. Dans ces cas, les médecins reconnaîtront qu’il s’agit d’une utilisation « non indiquée » selon la MP d’APO-MACITENTAN, sauf s’ils ignorent ce que prévoit la MP d’APO-MACITENTAN. D’une façon comme de l’autre, la décision sera prise par le médecin sans l’influence d’Apotex. Plus simplement, un médecin privilégiera ce qui est le mieux pour ses patients, même si cela contredit les intentions ou les espoirs d’une entreprise pharmaceutique.

[197] Je préfère la preuve de la Dre Mielniczuk et du Dr Kapasi. Ce sont des médecins spécialisés qui traitent régulièrement des patients atteints d’HTAP, ils sont très actifs dans ce domaine, et ils sont plus à même de se prononcer sur les pratiques de prescription en matière d’HTAP. Je conclus également que l’opinion du Dr McIvor sur les pratiques de prescription est quelque peu incohérente. D’une part, il déclare que les médecins spécialisés en HTAP tiendraient particulièrement compte de la mention selon laquelle |||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et qu’ils reconnaîtraient que cette mention est reprise dans la MP (pour les motifs qui précèdent, je ne suis pas d’accord); d’autre part, il déclare que les médecins spécialisés en HTAP ne seraient pas influencés par la MP, que lui-même ne lit pas les MP et que les MP ne font pas partie de ses sources d’information.

[198] Je conclus que les médecins prescripteurs spécialisés en HTAP examineront les renseignements contenus dans la MP d’APO-MACITENTAN et s’appuieront sur ces renseignements avant de prescrire APO-MACITENTAN.

[199] Les demanderesses ont établi que les médecins prescripteurs seraient influencés par la MP d’APO-MACITENTAN, de sorte que, n’eût été cette influence, il n’y aurait pas de contrefaçon directe. La MP d’APO-MACITENTAN incitera les médecins prescripteurs à contrefaire les revendications 1 à 5 et 21 à 31 du brevet 770.

c) Troisième volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac

[200] Suivant le troisième volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac, l’influence doit avoir été exercée sciemment par l’incitateur. Il s’agit de la connaissance de l’influence plutôt que la connaissance que l’activité en découlant constituera une contrefaçon : Hospira CAF, au para 45.

[201] Les demanderesses soutiennent que la connaissance peut être déduite du fait que l’incitateur a créé et distribué la source de l’influence. Apotex contrôle son produit, APO‑MACITENTAN, et le contenu de sa MP, qui sera mise à la disposition des médecins. Les demanderesses soutiennent que la preuve montre que certains médecins seront influencés à se livrer à une contrefaçon : Apotex (palipéridone), aux para 158-159. Apotex sait ou devrait savoir qu’elle exercera une influence sur la façon dont son produit sera utilisé.

[202] Apotex soutient que les demanderesses n’ont pas produit de preuve pour satisfaire à l’exigence relative à la connaissance énoncée au troisième volet du critère de l’incitation. Selon Apotex, la seule preuve pertinente quant à cette question est celle de Mme Picard, qui est d’avis que les entreprises pharmaceutiques et les organismes de réglementation du domaine de la santé reconnaîtraient que la MP d’APO-MACITENTAN n’autorise pas la commercialisation d’APO-MACITENTAN en vue d’un traitement combiné. La MP a été « expurgée » de toute mention de l’utilisation combinée de macitentan avec un I-PDE5.

[203] Je conclus que les demanderesses ont satisfait au troisième volet du critère énoncé dans l’arrêt Corlac. Apotex sait ou devrait savoir que le contenu de la MP d’APO‑MACITENTAN influencera les médecins à se livrer à des actes de contrefaçon. Pour les motifs qui précèdent, Apotex n’a pas « expurgé » sa MP. Je n’ai pas tiré de conclusion défavorable du fait qu’aucun employé d’Apotex n’a témoigné, mais il reste que la Cour ne disposait d’aucune preuve sur les efforts déployés par Apotex pour retirer certains renseignements de la MP et sur les échanges qui auraient pu avoir lieu avec Santé Canada à cet égard. Mme Picard a déclaré dans son témoignage qu’elle n’avait parlé à aucun employé d’Apotex et qu’elle n’avait reçu aucun renseignement sur les plans de commercialisation d’APO‑MACITENTAN ou sur la façon dont Apotex s’attend à ce que le médicament soit utilisé.

VIII. Conclusion

[204] Les demanderesses n’ont pas établi qu’Apotex contrefera directement ou indirectement les revendications 10 à 20 du brevet 770.

[205] Les demanderesses n’ont pas établi qu’Apotex contrefera directement les revendications 1 à 5 du brevet 770.

[206] Les demanderesses ont établi qu’Apotex contrefera indirectement les revendications 1 à 5 et 21 à 31 du brevet 770 en incitant les médecins à les contrefaire. Ces actes de contrefaçon seront influencés par Apotex, par l’intermédiaire de la MP d’APO-MACITENTAN, et Apotex a connaissance de l’influence.

[207] Au procès, les parties n’ont pas présenté d’observations sur les dépens. Elles ont informé la Cour qu’elles s’étaient entendues sur l’adjudication d’une somme globale au titre des dépens et qu’elles présenteraient à la Cour un projet d’ordonnance. Les parties disposent de sept jours pour fournir un projet d’ordonnance, accompagné d’une proposition conjointe et d’un calendrier pour régler les questions en suspens relatives aux dépens.

IX. Post-scriptum

[208] Le jugement et les motifs confidentiels ont été transmis aux parties le 20 mai 2022, accompagnés d’une directive par laquelle la Cour a demandé aux parties de présenter leur position sur la question du caviardage des renseignements confidentiels visés par l’ordonnance de confidentialité rendue dans le cadre de la présente instance.

[209] Apotex a présenté sa proposition quant aux éléments à caviarder. Les demanderesses étaient d’avis qu’aucun caviardage n’était requis, car les motifs ne contiennent pas de renseignements qui, s’ils étaient divulgués, entraîneraient un risque de préjudice qui l’emporterait sur l’intérêt public de rendre les motifs intégraux accessibles au public.

[210] Je ne suis souscris pas à la position des demanderesses selon laquelle les motifs devraient être publiés sans caviardage. Toutefois, Apotex propose de caviarder plus que les renseignements qui sont confidentiels au sens de l’ordonnance de confidentialité, et plus que ce qui est raisonnablement nécessaire pour protéger les intérêts commerciaux d’Apotex.

[211] L’ordonnance de confidentialité définit les renseignements confidentiels comme les renseignements scientifiques ou techniques non publics contenus dans la PADN d’APO-MACITENTAN déposée auprès de Santé Canada, y compris les versions préliminaires de la MP. L’ordonnance de confidentialité prévoit, pour plus de certitude, que cela comprend tout renseignement sur l’utilisation prévue d’APO-MACITENTAN, les résultats de toute étude clinique déclarée, y compris les données sur la bioéquivalence, ainsi que les résultats et les détails des composantes de la formule d’APO-MACITENTAN d’Apotex.

[212] À mon avis, une partie du caviardage proposé par Apotex vise des renseignements qui sont identiques ou semblables à ceux divulgués par Apotex à l’audience publique ou des phrases complètes qui contiennent, en plus des éléments confidentiels, des éléments non confidentiels. Une autre partie du caviardage proposé vise des déclarations générales au sujet de la MP d’APO-MACITENTAN, y compris certaines opinions d’expert et certains arguments juridiques formulés par les avocats qui ne divulguent pas le contenu précis et confidentiel de la MP d’APO-MACITENTAN.

[213] En me fondant sur les principes énoncés dans l’arrêt Sierra Club du Canada c Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, je conclus que, dans le cas de certains renseignements qu’Apotex propose de caviarder, le risque de préjudice à Apotex ne l’emporte pas sur l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires. De plus, l’ampleur du caviardage proposé par Apotex aurait rendu difficile la compréhension des présents motifs. Au moment de caviarder les motifs d’une décision, la Cour doit se demander si le caviardage d’importantes parties des motifs les rendrait difficiles à suivre pour le public : AstraZeneca Canada Inc c Apotex Inc, 2011 CF 505 au para 177. Même si la Cour accepte que des renseignements doivent demeurer confidentiels, elle doit limiter l’étendue du caviardage autant qu’il est raisonnablement possible de le faire : ibid, au para 175; voir aussi Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157 au para 29.

[214] La Cour a proposé un caviardage plus limité que celui proposé par Apotex et a donné aux parties la possibilité de présenter des observations supplémentaires. Apotex ne s’est pas opposée au caviardage limité. Les demanderesses ont maintenu leur position selon laquelle il ne devrait y avoir aucun caviardage. Subsidiairement, elles ont fait valoir que le caviardage devrait être encore plus limité que ce que la Cour a proposé. Je n’accepte pas les arguments des demanderesses à cet égard. Les demanderesses ont accepté la définition des renseignements confidentiels énoncée dans l’ordonnance de confidentialité et ne font pas valoir que certains renseignements visés par cette définition ne devraient plus être traités comme confidentiels. Les demanderesses font valoir que le préjudice qui résulterait de la divulgation des renseignements contenus dans la MP d’APO-MACITENTAN est atténué parce que la MP sera [traduction] « inévitablement » accessible au public après l’expiration du brevet 770, au moment où Apotex sera libre de commercialiser ses comprimés d’APO-MACITENTAN au Canada. Toutefois, les demanderesses supposent que la MP d’APO-MACITENTAN en cause dans la présente instance sera un jour rendue publique. Quoi qu’il en soit, même si la MP en cause est un jour rendue publique, le recours approprié consiste à demander une ordonnance pour que les renseignements contenus dans la MP ne soient plus traités comme des renseignements confidentiels au sens de l’ordonnance de confidentialité.

« Christine M. Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh

 



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Description automatically generated

COUR FÉDÉRALE

Dossier no T-555-20 Pièce no __J4_____

Déposée par : Demanderesses et défenderesse

Déposée le : _7-FÉV-2022__

JANSSEN LNC ET AL c

APOTEX INC

Lieu : Toronto (Ontario) Greffier : VETON MAMUDOV

Dossier de la Cour no : T-555-20

 

COUR FÉDÉRALE

ENTRE :

JANSSEN INC. et ACTELION PHARMACEUTICALS LTD

- et -

APOTEX INC.

 

Tableau conjoint des parties relatif à l’interprétation des revendications 1 à 5 et 10 à 31 du brevet canadien no 2659770

 

demanderesses

défenderesse

 

 



 

 

Revendication

Interprétation des demanderesses

Interprétation de la défenderesse

1. Produit renfermant le composé de formule (I) ci-dessous

 

A diagram of a chemical structure

Description automatically generated

ou un sel pharmaceutiquement acceptable de ce composé, en combinaison avec au moins un composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5, ou un sel pharmaceutiquement acceptable de ce composé, utilisé à des fins thérapeutiques, simultanément, séparément ou pendant une période donnée, pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

  • a)produit renfermant du macitentan (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)utilisation à des fins thérapeutiques pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction;

 

  • d)administration simultanée, séparée ou pendant une période donnée a) du produit renfermant du macitentan et b) de l’I-PDE5.

  • a)produit renfermant du macitentan (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)utilisation à des fins thérapeutiques pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction;

 

  • d)administration simultanée, séparée ou pendant une période donnée a) du produit renfermant du macitentan et b) de l’I-PDE5.

 

La référence à la combinaison s’applique à l’utilisation de macitentan et d’un I-PDE5 dans le cas où un médecin prévoit cette utilisation dès le début du traitement et où il serait entendu que les deux médicaments agissent ensemble pour traiter la maladie en question.

Les termes « simultanée », « séparée » et « pendant une période donnée » s’entendent au sens de la divulgation.


Revendication

Interprétation des demanderesses

Interprétation de la défenderesse

2. Produit conforme à la revendication 1, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou l’udénafil.

  • a)produit renfermant du macitentan (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou le udénafil (ou leur sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)utilisation à des fins thérapeutiques pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction;

 

  • d)administration simultanée, séparée ou pendant une période donnée a) du produit renfermant du macitentan et b) du sildénafil, du vardénafil, du tadalafil or de l’udénafil.

Les mêmes éléments essentiels a) à d) que dans la revendication 1, mais l’I-PDE5 visé à l’élément b) est soit le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou l’udénafil ou leurs sels pharmaceutiquement acceptables.

3. Produit conforme à la revendication 2, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le tadalafil.

  • a)produit renfermant du macitentan (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec du tadalafil (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)utilisation à des fins thérapeutiques pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction;

 

  • d)administration simultanée, séparée ou pendant une période donnée a) du produit renfermant du macitentan et b) du tadalafil.

Les mêmes éléments essentiels a) à d) que dans la revendication 2, mais l’I-PDE5 visé à l’élément b) est le tadalafil ou ses sels pharmaceutiquement acceptables.


Revendication

Interprétation des demanderesses

Interprétation de la défenderesse

4. Produit conforme à la revendication 2, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil.

  • a)produit renfermant du macitentan (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec du sildénafil (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)utilisation à des fins thérapeutiques pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction;

 

  • d)administration simultanée, séparée ou pendant une période donnée a) du produit renfermant du macitentan et b) du sildénafil.

Les mêmes éléments essentiels a) à d) que dans la revendication 2, mais l’I-PDE5 visé à l’élément b) est le sildénafil ou ses sels pharmaceutiquement acceptables.

5. Produit conforme à la revendication 1, où la maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction est l’hypertension, l’hypertension pulmonaire, l’artériopathie diabétique, l’insuffisance cardiaque, la dysfonction érectile ou l’angine de poitrine.

  • a)produit renfermant du macitentan (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)utilisation à des fins thérapeutiques pour traiter l’hypertension, l’hypertension pulmonaire (y compris l’hypertension artérielle pulmonaire), l’artériopathie diabétique, l’insuffisance cardiaque, la dysfonction érectile ou l’angine de poitrine;

 

  • d)administration simultanée, séparée ou pendant une période donnée a) du produit renfermant du macitentan et b) de l’I-PDE5.

Les mêmes éléments essentiels a) à d) que dans la revendication 2, mais les maladies dans lesquelles intervient la vasoconstriction sont limitées à l’hypertension, à l’hypertension pulmonaire, à l’artériopathie diabétique, à l’insuffisance cardiaque, à la dysfonction érectile ou à l’angine de poitrine.


Revendication

Interprétation des demanderesses

Interprétation de la défenderesse

10. Utilisation du composé de formule (I) au sens de la revendication 1, ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable dudit composé de formule (I), en combinaison avec au moins un composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5, ou un sel pharmaceutiquement acceptable de ce composé, à des fins de fabrication d’un médicament destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable) à des fins de fabrication d’un médicament;

 

  • b)en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)où le médicament est destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

  • a)utilisation de macitentan ou de son sel pharmaceutiquement acceptable à des fins de fabrication d’un médicament;

 

  • b)en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)où le médicament est destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

La revendication exige que le macitentan soit utilisé en combinaison avec un I-PDE5 pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

Le terme « combinaison » serait interprété de la même manière que dans la revendication 1.


Revendication

Interprétation des demanderesses

Interprétation de la défenderesse

11. Utilisation conforme à la revendication 10, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou l’udénafil.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable) à des fins de fabrication d’un médicament;

 

  • b)en combinaison avec le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou le udénafil (ou leur sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)où le médicament est destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

Les mêmes éléments essentiels que dans la revendication 10, mais l’I-PDE5 à utiliser est le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou l’udénafil ou leurs sels pharmaceutiquement acceptables.

12. Utilisation conforme à la revendication 11, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil ou le tadalafil.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable) à des fins de fabrication d’un médicament;

 

  • b)en combinaison avec le sildénafil ou le tadalafil (ou leur sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)où le médicament est destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

Les mêmes éléments essentiels que dans la revendication 11, mais l’I-PDE5 à utiliser est le sildénafil ou le tadalafil ou leurs sels pharmaceutiquement acceptables.

13. Utilisation conforme à la revendication 12, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable) à des fins de fabrication d’un médicament;

 

  • b)en combinaison avec du sildénafil (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)où le médicament est destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

Les mêmes éléments essentiels que dans la revendication 11, mais l’I-PDE5 à utiliser est le sildénafil ou ses sels pharmaceutiquement acceptables.


Revendication

Interprétation des demanderesses

Interprétation de la défenderesse

14. Utilisation conforme à la revendication 12, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le tadalafil.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable) à des fins de fabrication d’un médicament;

 

  • b)en combinaison avec le tadalafil (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)où le médicament est destiné à traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

Les mêmes éléments essentiels que dans la revendication 11, mais l’I-PDE5 à utiliser est le tadalafil ou ses sels pharmaceutiquement acceptables.

15. Utilisation conforme à la revendication 10, où la maladie à traiter est l’hypertension ou l’hypertension pulmonaire.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable) à des fins de fabrication d’un médicament;

 

  • b)en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)où le médicament est destiné à traiter l’hypertension ou l’hypertension pulmonaire (y compris l’hypertension artérielle pulmonaire).

Les mêmes éléments essentiels que dans la revendication 10, mais les maladies à traiter sont l’hypertension ou l’hypertension pulmonaire.


Revendication

Interprétation des demanderesses

Interprétation de la défenderesse

16. Utilisation conforme à la revendication 15, où la maladie à traiter est l’hypertension pulmonaire.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable) à des fins de fabrication d’un médicament;

 

  • b)en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)où le médicament est destiné à traiter l’hypertension pulmonaire (y compris l’hypertension artérielle pulmonaire).

Les mêmes éléments essentiels que dans la revendication 15, mais la maladie à traiter est l’hypertension pulmonaire.

17. Utilisation conforme à la revendication 16, où la maladie à traiter est l’hypertension artérielle pulmonaire.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable) à des fins de fabrication d’un médicament;

 

  • b)en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)où le médicament est destiné à traiter l’hypertension artérielle pulmonaire.

Les mêmes éléments essentiels que dans la revendication 16, mais la maladie à traiter est l’hypertension artérielle pulmonaire.

18. Utilisation conforme à la revendication 17, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil ou le tadalafil.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable) à des fins de fabrication d’un médicament;

 

  • b)en combinaison avec le sildénafil ou le tadalafil (ou leur sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)où le médicament est destiné à traiter l’hypertension artérielle pulmonaire.

Les mêmes éléments essentiels que dans la revendication 17, mais l’I-PDE5 à utiliser est le sildénafil ou le tadalafil.


Revendication

Interprétation des demanderesses

Interprétation de la défenderesse

19. Utilisation conforme à la revendication 17, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable) à des fins de fabrication d’un médicament;

 

  • b)en combinaison avec du sildénafil (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)où le médicament est destiné à traiter l’hypertension artérielle pulmonaire.

Les mêmes éléments essentiels que dans la revendication 17, mais l’I-PDE5 à utiliser est le sildénafil.

20. Utilisation conforme à la revendication 17, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le tadalafil.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable) à des fins de fabrication d’un médicament;

 

  • b)en combinaison avec le tadalafil (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)où le médicament est destiné à traiter l’hypertension artérielle pulmonaire.

Les mêmes éléments essentiels que dans la revendication 17, mais l’I-PDE5 à utiliser est le tadalafil.

21. Utilisation du composé de formule (I) au sens de la revendication 1, ou d’un sel pharmaceutiquement acceptable dudit composé de formule (I), en combinaison avec au moins un composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5, ou un sel pharmaceutiquement acceptable de ce composé, pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

  • a)utilisation de macitentan ou de son sel pharmaceutiquement acceptable;

 

  • b)en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

Le terme « combinaison » serait interprété de la même manière que dans la revendication 1.


Revendication

Interprétation des demanderesses

Interprétation de la défenderesse

22. Utilisation conforme à la revendication 21, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou l’udénafil.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou le udénafil (ou leur sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

Comme la revendication 21, mais les I-PDE5 sont le sildénafil, le vardénafil, le tadalafil ou l’udénafil.

23. Utilisation conforme à la revendication 22, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil ou le tadalafil.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec le sildénafil ou le tadalafil (ou leur sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

Comme la revendication 21, mais les I-PDE5 sont le sildénafil ou le tadalafil.

24. Utilisation conforme à la revendication 23, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec le sildénafil (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

Comme la revendication 21, mais l’I-PDE5 est le sildénafil.


Revendication

Interprétation des demanderesses

Interprétation de la défenderesse

25. Utilisation conforme à la revendication 23, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le tadalafil.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec le tadalafil (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)pour traiter une maladie dans laquelle intervient la vasoconstriction.

Comme la revendication 21, mais l’I-PDE5 est le tadalafil.

26. Utilisation conforme à la revendication 21, où la maladie est l’hypertension ou l’hypertension pulmonaire.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)pour traiter l’hypertension ou l’hypertension pulmonaire (y compris l’hypertension artérielle pulmonaire).

Comme la revendication 21, mais la maladie visée est l’hypertension ou l’hypertension pulmonaire.

27. Utilisation conforme à la revendication 26, où la maladie est l’hypertension pulmonaire.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)pour traiter l’hypertension pulmonaire (y compris l’hypertension artérielle pulmonaire).

Comme la revendication 26, mais la maladie visée est l’hypertension pulmonaire.


Revendication

Interprétation des demanderesses

Interprétation de la défenderesse

28. Utilisation conforme à la revendication 27, où la maladie est l’hypertension artérielle pulmonaire.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec au moins un I-PDE5 (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)pour traiter l’hypertension artérielle pulmonaire.

Comme la revendication 27, mais la maladie visée est l’hypertension artérielle pulmonaire.

29. Utilisation conforme à la revendication 28, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil ou le tadalafil.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec le sildénafil ou le tadalafil (ou leur sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)pour traiter l’hypertension artérielle pulmonaire.

Comme la revendication 28, mais l’I-PDE5 est le sildénafil ou le tadalafil.

30. Utilisation conforme à la revendication 28, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le sildénafil.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec le sildénafil (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)pour traiter l’hypertension artérielle pulmonaire.

Comme pour la revendication 28, mais l’I-PDE5 est le sildénafil.


Revendication

Interprétation des demanderesses

Interprétation de la défenderesse

31. Utilisation conforme à la revendication 28, où le composé ayant des propriétés d’inhibition de la PDE5 est le tadalafil.

  • a)utilisation de macitentan (ou de son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • b)en combinaison avec le tadalafil (ou son sel pharmaceutiquement acceptable);

 

  • c)pour traiter l’hypertension artérielle pulmonaire.

Comme pour la revendication 28, mais l’I-PDE5 est le sildénafil.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑555‑20

 

INTITULÉ :

JANSSEN INC. et ACTELION PHARMACEUTICALS LTD c APOTEX INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE Par vidéoconférence

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 7, 8, 9, 10 et 28 FÉVRIER et le 1er mars 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DU JUGEMENT PUBLIC :

 

LE 20 MAI 2022 (2022 CF 995)

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS CONFIDENTIELS :

 

LE 20 mAI 2022

DATE DES MOTIFS PUBLICS :

Le 6 JUILLET 2022

COMPARUTIONS :

Andrew Skodyn

Melanie Baird

Cole Meagher

Dylan Churchill

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Sandon Shogilev

Harry Radomski

Andrew Brodkin

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake, Casssels & Graydon LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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