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Date : 20220704


Dossier : IMM-6235-20

Référence : 2022 CF 985

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 juillet 2022

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

ARMAAN MEHTA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Armaan Mehta, est un citoyen de l’Inde. Sa demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire a été rejetée.

[2] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision relative à la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (la décision contestée) pour deux raisons. Premièrement, l’agente principale aurait fait abstraction des éléments de preuve concernant l’établissement du demandeur au Canada. Deuxièmement, elle aurait confondu le critère relatif aux difficultés dans le cadre d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et le critère applicable en matière de protection énoncé à l’article 97 en exigeant que le demandeur établisse l’existence d’un risque personnel. Voir l’annexe « A » pour les dispositions législatives applicables.

[3] À mon avis, le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de démontrer le caractère déraisonnable de la décision contestée : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 10, 25, 100. Pour les motifs qui suivent, je rejette donc la demande de contrôle judiciaire.

II. Analyse

A. L’agente n’a pas fait abstraction des éléments de preuve relatifs à l’établissement

[4] Le demandeur soutient que l’agente a fait abstraction de certains éléments de preuve qui démontrent qu’il a atteint un degré d’établissement plus que « minimal » au Canada et qu’elle aurait dû leur accorder plus de poids. Je ne suis pas d’accord, et ce, pour deux raisons.

[5] Premièrement, l’agent est présumé avoir examiné tous les éléments de preuve : Mashal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 900 au para 29. La section 4 de la décision contestée, qui présente les facteurs à prendre en considération, résume les faits et les éléments de preuve que l’agente a examinés et comprend les éléments de preuve dont l’agente aurait fait abstraction selon le demandeur, notamment son bénévolat et ses dons à des organismes de bienfaisance, son emploi à Pride Logistics ainsi que le soutien que sa mère et lui fournissent à sa sœur, qui est résidente permanente du Canada.

[6] Deuxièmement, dans ses observations, le demandeur exprime son désaccord quant à la façon dont l’agente a apprécié les éléments de preuve, au lieu d’expliquer en quoi la décision contestée est déraisonnable. Par exemple, le demandeur renvoie à divers éléments de preuve, tels que son emploi et ses activités bénévoles, à l’appui de son argument selon lequel il a démontré un degré d’établissement plus que minimal au Canada. L’agente a conclu que [traduction] « ces activités ne sont pas des activités inhabituelles pour les nouveaux arrivants » et que [traduction] « [l]e demandeur a plutôt démontré le degré d’établissement typique d’une personne se trouvant dans une situation semblable ». [Non souligné dans l’original.]

[7] Je juge qu’il était raisonnablement loisible à l’agente de tirer cette conclusion à la lumière des éléments de preuve du demandeur et de la jurisprudence applicable portant sur la question de l’établissement dans le contexte d’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire : Ikeji c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1422 aux para 63-68. Il n’appartient pas à la cour de révision d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur : Vavilov, précité, au para 125.

B. L’agente n’a pas confondu le critère relatif aux considérations d’ordre humanitaire et le critère énoncé à l’article 97

[8] Je ne souscris pas non plus à l’argument du demandeur selon lequel l’agente a indûment intégré le concept de « risque personnel » à l’évaluation des difficultés dans le cadre de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

[9] Le demandeur affirme que l’agente a exigé à tort qu’il démontre qu’il avait une crainte fondée comme en aurait une personne à protéger, plutôt que de démontrer les difficultés causées par le fait de présenter une demande depuis l’Inde compte tenu de la situation dans ce pays : Miyir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 73 au para 30.

[10] J’estime toutefois que l’agente a répondu aux observations liées aux considérations d’ordre humanitaire du demandeur et de sa mère selon lesquelles, du fait des activités politiques de celle-ci, [traduction] « selon la prépondérance des probabilités, leur vie serait en danger et ils seraient exposés à un risque très réel d’être soumis à la torture et de mourir » et selon lesquelles ils auraient [traduction] « fui un danger imminent ».

[11] De plus, la jurisprudence de notre Cour souligne que la personne qui présente une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire a le fardeau d’établir un lien entre sa situation personnelle, dont tout risque allégué, et la situation dans son pays : Lalane c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 6 aux para 38, 42-43; Ibabu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1068 au para 44.

[12] Je juge donc qu’il était raisonnablement loisible à l’agente de conclure que [traduction] « le demandeur n’a pas établi de lien adéquat entre les renseignements sur la situation dans le pays et sa situation personnelle » et que [traduction] « les éléments de preuve présentés à l’égard du risque auquel il prétend être exposé s’il est renvoyé en Inde n’étaient pas suffisants ». Compte tenu des éléments de preuve et des observations que le demandeur a soumis à l’examen de l’agente, le demandeur ne m’a pas convaincue du caractère déraisonnable du raisonnement et des conclusions de l’agente à l’égard du danger auquel il prétend être exposé en Inde.

III. Conclusion

[13] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision contestée ne comporte aucune erreur susceptible de contrôle justifiant l’intervention de la Cour en l’espèce.

[14] Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification, et je conclus que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-6235-20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée et qu’il n’y a aucune question à certifier.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Philippe Lavigne-Labelle


Annexe « A » : Dispositions législatives applicables

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27
Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Entrée et séjour au Canada

Entering and Remaining in Canada

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

Humanitarian and compassionate Considerations - request of foreign national

25 (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25 (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

Personne à protéger

Person in need of protection

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris de normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Personne à protéger

Person in need of protection

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6235-20

 

INTITULÉ :

ARMAAN MEHTA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 JUIN 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 4 JUILLET 2022

 

COMPARUTIONS :

Hans J. Kalina

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Kevin Spykerman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hans J. Kalina

Law Office of Kalina & Tejpal

Mississauga (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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