Date : 20220704
Dossier : T-1312-21
Référence : 2022 CF 978
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 4 juillet 2022
En présence de madame la juge McVeigh
ENTRE : |
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
demandeur |
et |
ANTHONY HICKS |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Introduction
[1] La Cour est saisie d’une demande présentée par le procureur général du Canada [le PGC] au titre du paragraphe 40(1) de la Loi sur les Cours fédérales (LRC 1985, c F-7) en vue d’obtenir une ordonnance déclarant le défendeur, Anthony Hicks (M. Hicks), plaideur quérulent.
II. Le contexte
[2] Dans son témoignage, le demandeur a relaté en détail le contexte factuel de la présente instance. Plutôt que de m’évertuer à le reproduire en entier, je vais simplement en donner un résumé.
[3] Le défendeur n’était pas représenté par un avocat et a été respectueux envers la Cour. Toutefois, je remarque que plusieurs commentaires qu’il a adressés à l’avocat du demandeur n’étaient fondés sur aucune preuve et étaient manifestement faux et inappropriés. On a rappelé à M. Hicks que le rôle de l’avocat était de défendre son client, ce qu’il ne devrait pas voir comme une attaque personnelle. Je félicite l’avocat du demandeur d’avoir enduré ces commentaires, d’être resté poli et d’avoir « tendu l’autre joue »
.
[4] Essentiellement, depuis 2014, M. Hicks a intenté plusieurs poursuites judiciaires devant divers tribunaux judiciaires et administratifs. Bon nombre de ces poursuites concernent son ancien emploi comme entraîneur personnel chez GoodLife Fitness Centres Inc. (GoodLife), tandis que beaucoup d’autres ont été intentées contre le PGC et diverses autres parties. Il a comparu devant notre Cour, la Cour d’appel fédérale, la Cour supérieure de l’Ontario et d’autres tribunaux à maintes reprises.
A. Instances devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario
[5] En 2019, la Cour supérieure de justice de l’Ontario [la CSO], dans une décision rendue par la juge Corthorn le 11 septembre 2019, a déclaré M. Hicks plaideur quérulent au titre du paragraphe 140(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires, LRO 1990, c C.43, sur demande de GoodLife. L’ordonnance interdit à M. Hicks d’introduire des instances directement ou indirectement devant la CSO sans avoir obtenu au préalable l’autorisation d’un juge de cette cour. Plus tard, le 7 décembre 2020, le juge D.L. Corbett de la Cour divisionnaire de la CSO a condamné M. Hicks à une peine d’emprisonnement de huit jours dans un établissement correctionnel provincial pour outrage au tribunal en matière civile, en raison de ses violations répétées de l’ordonnance du 11 septembre 2019 le déclarant plaideur quérulent.
B. Instances devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario
[6] Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario [le TDPO] a déclaré M. Hicks plaideur quérulent après l’avoir débouté dans huit affaires. Dans la décision Hicks v St-Pierre, 2019 HRTO 146, le TDPO a fait remarquer que [traduction] « les allégations [de M. Hicks] contre certains avocats ne sont pas formulées dans le but d’invoquer des droits légitimes, mais visent plutôt à les harceler [...] [Il] sollicite obstinément le réexamen des décisions du Tribunal, et ses demandes ne satisfont pas aux exigences fondamentales en matière de réexamen. Au fond, au vu de toutes les demandes déposées depuis 2014, il est clair que le demandeur continue de déposer des demandes dans un but autre que celui de faire valoir des allégations légitimes de violations de droits de la personne qui relèvent de la compétence du Tribunal. »
C. Instances devant la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale
[7] M. Hicks a intenté de nombreuses procédures devant la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale. Plus précisément, il a intenté dix procédures devant la Cour fédérale [la CF] et quatre procédures devant la Cour d’appel fédérale [la CAF].
[8] Dans le dossier T-401-19 de la CF, M. Hicks a présenté une demande de contrôle judiciaire dans laquelle il désignait le PGC comme défendeur et attaquait une décision administrative du TDPO. Le 20 mars 2019, l’avocat du TDPO a écrit à la CF pour demander le rejet sommaire de la demande au motif que la CF n’avait pas compétence pour contrôler les décisions du TDPO. Le 18 avril 2019, le juge Southcott a ordonné le rejet de la demande sans autorisation de la modifier au motif qu’il était évident et manifeste que la CF n’avait pas compétence sur les décisions d’un tribunal provincial comme le TDPO.
[9] Dans le dossier T-1401-19 de la CF (dossier A-432-19 à la CAF), M. Hicks a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire pour contester une décision de la Commission canadienne des droits de la personne [la CCDP]. Le 16 septembre 2019, la CCDP a présenté une requête en radiation de l’avis de demande au motif que la lettre du 29 juillet 2019 qu’elle avait envoyée à M. Hicks n’était pas une « décision »
pour l’application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales et ne pouvait donc pas faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire. La juge Elliott a accueilli la requête le 8 novembre 2019 et a ordonné la radiation de l’avis de demande dans son intégralité, au motif que la lettre du 29 juillet 2019 de la CCDP n’était pas une « décision »
qui pouvait faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire. La juge Elliott a également condamné M. Hicks à des dépens de 500 $. Le 19 novembre 2019, M. Hicks a ensuite déposé un avis d’appel de cette ordonnance devant la CAF, dans le dossier A-423-19. Le 28 novembre 2019, la CCDP a relevé des lacunes dans l’avis d’appel et en a fait part à la CAF dans une lettre. Le 12 décembre 2019, le juge Stratas a ordonné le retrait de l’avis d’appel et a enjoint à M. Hicks d’en déposer un nouveau dans les 30 jours. Ce nouvel avis a été déposé le 24 décembre 2019 et, dans une ordonnance du 13 janvier 2020, une formation de la CAF a jugé qu’il était quasiment identique à l’ancien qui avait été radié et a donc rejeté l’appel.
[10] Le 31 octobre 2018 et le 1er novembre 2018, M. Hicks a déposé des demandes de contrôle judiciaire (dossiers T-1912-18 et T-1915-18 de la CF) visant la décision par laquelle la CCDP avait rejeté une plainte qu’il avait formulée contre United Parcel Service. Le 28 juin 2019, le juge Favel a rejeté ces demandes pour cause de retard.
[11] Le 1er novembre 2018, M. Hicks a présenté une demande de contrôle judiciaire visant une décision de la Commission des relations de travail de l’Ontario [la CRTO] dans laquelle il avait désigné la CRTO et le PGC à titre de défendeurs. Les défendeurs ont présenté une requête conjointe en radiation de la demande au motif qu’il était évident et manifeste que la CF n’était pas le tribunal devant lequel porter en appel la décision d’un tribunal provincial comme la CRTO. M. Hicks n’a pas déposé de réponse à la requête, comme le prévoit le paragraphe 369(4) des Règles, mais a plutôt envoyé une lettre qui ne contenait, selon la juge Elliott, [traduction] « qu’une déclaration d’opposition générale à la requête, ainsi que deux brefs commentaires au sujet de la Commission des relations de travail de l’Ontario »
. La juge Elliott a accueilli la requête conjointe, a ordonné la radiation de la demande dans son intégralité sans autorisation de la modifier et a adjugé des dépens de 500 $ aux deux parties.
[12] Le 4 juillet 2018, M. Hicks a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire (dossier T-1295-18 de la CF et dossier A-270-18 de la CAF) visant à contester la décision Hicks v GoodLife Fitness Centres Inc, 2018 ONSC 3858, du juge Beaudoin de la CSO. Dans cette affaire, la CSO a rejeté sommairement une action intentée par M. Hicks contre GoodLife, le TDPO et le ministre du Travail ontarien au motif que le délai était expiré. Le juge Grammond a rejeté la demande sans autorisation de la modifier et a expliqué que, puisque le TDPO et le ministre du Travail ontarien étaient des entités constituées conformément aux lois provinciales de l’Ontario et n’étaient donc pas un « office fédéral »
au sens de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour fédérale n’avait pas compétence sur eux. Le 11 septembre 2018, M. Hicks a déposé un avis d’appel de la décision de la CF dans le dossier T-1295-18, dans lequel il alléguait que l’avocat de la CRTO l’avait [traduction] « mal renseigné »
au sujet de la procédure à suivre (dossier A-270-18 de la CAF). Le 18 décembre 2018, le juge Stratas a ordonné le rejet sommaire de l’appel et a condamné M. Hicks à des dépens de 250 $.
[13] Le 15 septembre 2020, M. Hicks a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire pour contester une décision de la CCDP. La demande était étayée par un affidavit de 17 pages contenant des allégations contre le ministre de la Justice du Canada, la police d’Ottawa, GoodLife, des membres du Barreau de l’Ontario, des magistrats, et beaucoup d’autres personnes (dossier T-1216-20 de la CF). Il y a eu désistement de l’affaire le 7 février 2022.
[14] Le 23 mars 2021, M. Hicks a présenté une demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-515-21 contre la Gendarmerie royale du Canada. Dans ses observations, il soutenait notamment qu’il avait l’impression que « la Couronne le priv[ait] de fonds »
. Le 4 novembre 2021, le juge Lafrenière a ordonné le rejet de la demande pour cause de retard. Dans son ordonnance, le juge Lafrenière a écrit que, dans son affidavit déposé le 1er octobre 2021, M. Hicks se lance dans des « quêtes illusoires de justice et se bat contre des complots étranges et imaginaires de divers acteurs »
. M. Hicks a déposé un avis d’appel le 7 décembre 2021 (dossier A-340-21 de la CAF). L’appel a été rejeté par le juge Stratas de la CAF (conjointement avec trois autres appels interjetés par M. Hicks) le 4 janvier 2022.
[15] Le 22 septembre 2021, M. Hicks a présenté une demande de contrôle judiciaire (T‑1358‑21) contre le ministre des Transports du Canada, alors qu’il cherchait à contester une décision du ministère des Transports du Québec. M. Hicks a également demandé que la fleur de lys soit retirée de son permis de conduire et de sa plaque d’immatriculation. Le 22 octobre 2021, le PGC a présenté une requête en radiation de cette demande dans son intégralité au motif que la CF n’avait pas compétence. Le 4 novembre 2021, le juge Lafrenière a accueilli la requête, soulignant que M. Hicks n’avait demandé aucune réparation en particulier et n’avait formulé aucune allégation contre Transports Canada et que sa demande [traduction] « n’a[vait] manifestement aucune chance d’être accueillie »
. Il a également condamné M. Hicks à verser au PGC des dépens de 500 $, tout compris.
[16] Le PGC a engagé la présente instance par voie d’avis de demande le 25 août 2021. Il a pris les dispositions nécessaires pour que M. Hicks reçoive signification de l’avis de demande par courrier recommandé de Postes Canada conformément à l’alinéa 128(1)e) des Règles des Cours fédérales, et Postes Canada a confirmé que l’avis avait été envoyé à l’adresse fournie par M. Hicks. Le PGC a fait plusieurs tentatives pour confirmer que M. Hicks l’avait reçu, comme lui envoyer un courriel pour lui demander de signer et de retourner l’accusé de réception joint confirmant qu’il avait reçu une copie de l’avis de demande. En réponse, M. Hicks a indiqué que son [traduction] « nouvel antivirus bloque les pièces jointes du ministère de la Justice »
. Le 21 septembre 2021, M. Hicks a envoyé un courriel à l’avocat du PGC auquel il avait joint des photos de l’avis de demande.
[17] Le 22 septembre 2021, M. Hicks a signifié un avis de comparution au PGC par courriel. Le 4 octobre 2021, le PGC a sollicité, par voie de requête informelle, une ordonnance validant la signification de l’avis de demande à M. Hicks, sur la foi de son courriel du 21 septembre 2021 auquel étaient jointes des photos de l’avis et au motif qu’il était au courant de l’instance étant donné qu’il avait déposé un avis de comparution le 22 septembre 2021. M. Hicks a tenté de déposer une « défense et demande reconventionnelle »
en réponse à l’avis de demande du PGC le 27 septembre 2021. Dans une directive du 27 septembre 2021, la protonotaire Tabib a refusé le dépôt de cet acte de procédure au motif que, selon les Règles des Cours fédérales, il ne peut être présenté dans le contexte d’une instance introduite par voie de demande.
[18] M. Hicks a demandé l’autorisation d’interjeter appel de la directive de la protonotaire Tabib. Le 1er octobre 2021, la juge Kane a rendu une directive confirmant celle du 27 septembre 2021 de la protonotaire Tabib. Elle a souligné que la directive de la protonotaire Tabib ne pouvait faire l’objet d’un appel étant donné que le paragraphe 189(1) des Règles prévoit qu’une défense et demande reconventionnelle ne peut être présentée que dans le contexte d’une action, et non d’une demande de contrôle judiciaire.
D. Les communications avec l’avocat
[19] Les communications de M. Hicks avec l’avocat du PGC méritent également une attention particulière. Comme l’a indiqué le demandeur, M. Hicks a envoyé de nombreuses lettres et autres communications accusant l’avocat (et plusieurs autres parties) de divers injustices et crimes contre lui. Le demandeur en a sélectionné quelques exemples, indiquant que les communications injurieuses étaient trop nombreuses pour toutes les présenter, mais qu’elles constituent des abus persistants envers des membres de la communauté juridique. Il s’agissait souvent de plus de 5 à 7 courriels envoyés en l’espace de quelques heures, dans lesquels il menaçait d’intenter des poursuites criminelles, demandait des dépositions absurdes et critiquait la compétence de toutes les personnes concernées. En voici un exemple : [traduction] « Vous, les soi-disant avocats et juges, prenez ces décisions et dites ces mensonges en cour sans avoir la décence de les expliquer. C’est de la lâcheté et un manque de colonne vertébrale. Les compétences juridiques des personnes impliquées sont ridicules. Je me suis assis avec vous à la table, j’ai joué à votre jeu ridicule avec mes crayons et j’ai gagné »
(courriel du 21 avril 2021). Il y a de nombreux exemples de courriels de ce genre, par exemple où il dit croire que le premier ministre Justin Trudeau et le ministre de la Justice David Lametti sont impliqués dans un complot contre lui.
E. Les dépens adjugés non payés
[20] Dans les instances mentionnées précédemment, M. Hicks a été condamné à des dépens plusieurs fois, et le demandeur affirme que ce dernier lui doit actuellement 1 250 $ en dépens non payés.
III. La question en litige
[21] La question consiste à savoir si une ordonnance déclarant le défendeur plaideur quérulent est justifiée.
IV. Analyse
Le cadre législatif applicable
[22] La disposition permettant à la Cour de déclarer une partie plaideur quérulent est l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, qui est ainsi rédigé :
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[23] Comme le prévoit le paragraphe 40(2) de la Loi sur les Cours fédérales, la requête visée au paragraphe 40(1) ne peut être présentée qu’avec le consentement du PGC. Comme l’a affirmé le demandeur, ce consentement peut être donné par un fonctionnaire du ministère habilité à accorder ce consentement (Figueroa c Canada (Procureur général), 2019 FC 505 au para 17). En l’espèce, le demandeur a obtenu le consentement du sous-procureur général adjoint par intérim pour présenter une requête afin que la Cour déclare M. Hicks plaideur quérulent.
[24] Il est utile de savoir pourquoi cette disposition existe, et le juge Stratas l’a examiné aux paragraphes 17 à 20 de l’arrêt Olumide c Procureur général, 2017 CAF 42 [Olumide] :
L’article 40 traduit le fait que les Cours fédérales sont un bien collectif dont la mission est de servir tout un chacun, et non une ressource privée qui peut être exploitée à tort pour promouvoir les intérêts d’une personne. Les cours de justice, à titre de bien collectif, ouvrent par défaut leurs portes à tous, sans restrictions : toute personne ayant qualité pour agir peut engager une instance. Mais les personnes qui abusent de cet accès illimité d’une manière préjudiciable doivent être freinées. Ainsi, les cours de justice ne sont pas différentes d’autres biens collectifs comme les parcs publics, les bibliothèques, les salles communautaires et les musées. Les Cours fédérales disposent de ressources limitées qui ne peuvent pas être dilapidées. Chaque moment consacré à un plaideur quérulent n’est pas consacré à un plaideur méritant. L’accès illimité aux tribunaux par ceux qui devraient se voir imposer des restrictions compromet l’accès d’autres personnes qui ont besoin de cet accès et qui le méritent. L’inaction à l’égard des premiers porte préjudice aux seconds. Ceci ne se résume pas simplement à un jeu à somme nulle où un seul plaideur quérulent porte préjudice à un seul plaideur innocent. Un seul plaideur quérulent engloutit les maigres ressources du tribunal et du greffe, et entraîne ainsi un préjudice à des dizaines de plaideurs innocents, voire même davantage. Le préjudice se traduit de nombreuses façons, notamment par la réduction de la capacité du greffe à assister les plaideurs bien intentionnés, mais non représentés et qui ont besoin d’aide, par la réduction de la capacité de la Cour à gérer les instances qui doivent être prises en charge, et par les retards que tous les plaideurs doivent subir avant d’obtenir des audiences, des directives, des ordonnances, des jugements et des motifs.
[25] Dans l’arrêt Simon c Canada (Procureur général), 2019 CAF 28 [Simon], la CAF a bien résumé et précisé le cadre applicable au jugement déclarant une personne plaideur quérulent. Comme la Cour d’appel fédérale l’a dit dans l’arrêt Olumide, le premier élément justifiant de tels jugements déclaratoires est de veiller au respect des ressources limitées des tribunaux à titre de bien collectif (aux para 17‑19). Lorsque les plaideurs répètent ou répéteront vraisemblablement leur comportement et nuisent aux autres plaideurs, en ne respectant pas les règles et ordonnances de la cour et en ressuscitant des demandes qui ont été radiées, un jugement les déclarant plaideurs quérulents peut être nécessaire (Simon, aux para 10, 14). De plus, lorsque les plaideurs causent un préjudice aux parties adverses en drainant les ressources par des « litiges sans fondement ou répétiti[fs] »
, la Cour peut être obligée d’intervenir (Simon, au para 15).
[26] Dans l’arrêt Simon, la CAF a tracé une ligne entre les plaideurs quérulents et les plaideurs non représentés qui peuvent avoir besoin d’attention et d’aide en posant la question suivante : « le plaideur est-il incontrôlable ou nuisible au système judiciaire et à ses participants au point qu’il est justifié de lui imposer l’obligation d’obtenir une autorisation pour exercer tout nouveau recours? »
(Simon, au para 18).
[27] Il incombe au demandeur de prouver que la partie adverse devrait être déclarée plaideur quérulent. Ce fardeau peut être grandement allégé s’il existe une preuve que d’autres juridictions ont déjà déclaré que le plaideur était quérulent (Simon, au para 20). Comme l’a affirmé la Cour d’appel fédérale au paragraphe 37 de l’arrêt Olumide, « les conclusions tirées par d’autres cours de justice quant à la conduite vexatoire qui s’appuyaient sur des dispositions aux libellés semblables peuvent être invoquées dans des demandes ultérieures concernant le même plaideur et se voir accorder beaucoup de poids »
.
[28] Mon rôle consiste donc, en appliquant l’article 40, à protéger le public. Je veux dire par là que déclarer qu’une partie est un plaideur quérulent en vertu de l’article 40 ne prive pas cette partie de la possibilité d’obtenir justice, mais sert plutôt à établir un équilibre réaliste entre son droit lui garantissant l’accès à la justice et celui du public, qui est privé par des abus persistants. Le plaideur quérulent peut toujours s’adresser aux tribunaux en intentant une poursuite, mais seulement avec leur autorisation.
[29] Le jugement déclarant que le plaideur est quérulent ne lui interdit pas l’accès aux tribunaux, mais circonscrit plutôt cet accès d’une manière qui tienne compte de façon réaliste des contraintes liées aux ressources. Le jugement déclaratoire visé au paragraphe 40(1) ne prive pas le plaideur de ses droits, mais permet simplement à la Cour de filtrer les nouvelles instances qu’il introduit pour empêcher l’utilisation disproportionnée des ressources publiques ou les litiges non fondés.
B. M. Hicks est‑il un plaideur quérulent?
[30] En l’espèce, il incombe au demandeur de prouver que M. Hicks devrait être déclaré plaideur quérulent. Comme je l’ai déjà mentionné, ce fardeau peut être grandement allégé s’il existe une preuve que d’autres juridictions ont déjà déclaré que le plaideur est quérulent (Simon, au para 20). Comme l’a affirmé la Cour d’appel fédérale au paragraphe 37 de l’arrêt Olumide, « les conclusions tirées par d’autres cours de justice quant à la conduite vexatoire qui s’appuyaient sur des dispositions aux libellés semblables peuvent être invoquées dans des demandes ultérieures concernant le même plaideur et se voir accorder beaucoup de poids ».
[31] M. Hicks a été déclaré plaideur quérulent par la Cour supérieure de l’Ontario et par le TDPO (voir les para 5, 6) et a notamment été condamné à huit jours de détention pour non‑respect d’une ordonnance.
[32] Je considérerai le fait que M. Hicks a été déclaré plaideur quérulent dans d’autres juridictions comme un facteur positif dans ma décision quant à savoir s’il est un plaideur quérulent devant notre Cour.
[33] Le demandeur soutient qu’un jugement déclarant M. Hicks plaideur quérulent est justifié puisqu’il s’est acquitté de son fardeau. En plus des jugements déclaratoires rendus par d’autres juridictions, il fait valoir que M. Hicks a introduit plusieurs instances sans fondement, n’y a pas donné suite en temps opportun, a formulé des allégations et adopté une conduite abusives et n’a pas payé les dépens adjugés contre lui. J’examinerai ces arguments à tour de rôle, quoique n’importe lequel d’entre eux pourrait mener à un jugement déclarant une personne plaideur quérulent.
(1) Instances sans fondement
[34] Le demandeur affirme que M. Hicks introduit sans cesse des instances sans fondement, même s’il sait qu’elles sont sans fondement et qu’on le lui a dit. Par exemple, M. Hicks a déposé quatre demandes de contrôle judiciaire malgré le fait que la CF n’a pas compétence sur ces décisions; il a tenté de contester des décisions du TDPO (T-401-19), de la Commission des relations de travail de l’Ontario et du ministre du Travail de l’Ontario (T-1295-18 et A-270-18), du ministère des Transports (Québec) (T-1358-21) et de la CSO (T‑1295-18 et A-270-18). Les trois premières demandes ont été déposées après l’ordonnance rendue le 30 août 2018 par le juge Grammond dans le dossier T-1295-18, dans laquelle il avait clairement indiqué que la CF n’avait pas compétence pour procéder au contrôle des décisions des cours et tribunaux provinciaux, que le juge Stratas a qualifiée d’« incontestablement correcte »
dans sa décision rejetant sommairement l’appel de M. Hicks.
[35] Dans ses observations orales, M. Hicks a fait valoir que les instances n’étaient pas sans fondement et que la Cour suprême du Canada était actuellement saisie de l’un de ses recours contre GoodLife, qui lui devrait 20 000 $ de salaire rétroactif ou d’indemnité de départ. Essentiellement, il soutient qu’il faudrait suspendre toutes les instances jusqu’à ce que la Cour suprême du Canada rende sa décision, et qu’ensuite il ne fera plus aucun doute que les demandes qu’il a présentées seront accueillies. De plus, il a indiqué que les demandes se rapportaient aussi au fait qu’on lui avait dit que son NAS n’était pas valide.
[36] En outre, M. Hicks a ajouté que, tout au long des instances, de faux éléments de preuve avaient été présentés contre lui. À ce titre, il a demandé la radiation de l’ensemble de la preuve présentée au juge Grammond et au juge Stratas (qu’il a qualifiés [traduction] « [d’]un peu froids »
) au motif qu’elle est fausse. En effet, il est d’avis que les instances sont toutes justifiées, que le demandeur le sait et que c’est lui qui devrait être déclaré plaideur quérulent pour avoir présenté la demande en l’espèce. Il a indiqué que ce n’est pas son rôle de veiller sur la Cour. Il affirme que ses demandes soulèvent des questions constitutionnelles et que la CF devrait avoir compétence. En outre, il estime que sa preuve est convaincante relativement au retrait de la fleur de lys de sa plaque d’immatriculation et de son permis de conduire du Québec, ainsi qu’en ce qui concerne ses problèmes de NAS et sa dénonciation du ministère de la Justice à l’ARC et à la police, qui, selon lui, sont des affaires criminelles qui devraient être traitées par notre Cour.
[37] M. Hicks n’a présenté aucun élément de preuve pour démontrer que la Cour suprême du Canada est saisie de l’une de ses instances. Quoi qu’il en soit, puisque les instances introduites devant la Cour se rapportent à une question d’emploi avec un ancien employeur, elles ne peuvent logiquement être fondées étant donné que la Cour n’a pas compétence en la matière, même si M. Hicks s’est adressé à la Cour suprême du Canada et a gain de cause.
[38] Je conclus que, en continuant à présenter des demandes de contrôle judiciaire visant des décisions rendues par des tribunaux provinciaux, malgré qu’on l’ait averti très clairement que notre Cour n’a pas compétence sur ces décisions, M. Hicks a adopté une conduite vexatoire qui doit être punie au moyen des mécanismes prévus à l’article 40. Le juge Grammond a expliqué en détail à M. Hicks pourquoi notre Cour n’était pas celle à qui il devait s’adresser pour introduire ses recours. Pourtant, il continue de faire fi de cette décision selon laquelle notre Cour n’a pas compétence sur ces domaines de droit et de déposer des demandes sans fondement. Ce faisant, il fait fi des ordonnances et décisions des cours et refuse systématiquement de s’y conformer. Cette conduite est visée par le critère applicable pour déclarer une partie plaideur quérulent.
(2) Défaut de donner suite aux instances en temps opportun
[39] Le demandeur a fourni la preuve que M. Hicks introduit des instances de manière répétée sans y donner suite en temps opportun. Ainsi, il arrive souvent que les instances soient rejetées en raison du délai écoulé ou qu’elles soient paralysées dans l’attente qu’il prenne des mesures pour y donner suite. Le demandeur fait valoir qu’il s’agit d’une autre preuve démontrant que M. Hicks se soucie peu des ressources judiciaires et les utilise à mauvais escient.
[40] Le demandeur présente quatre exemples du défaut de M. Hicks de donner suite à ses instances. Les premier et deuxième exemples concernent les dossiers T-1912-18 et T-1915-18, dans lesquels le juge Favel a rejeté pour cause de retard les deux demandes de contrôle judiciaire présentées par M. Hicks visant la décision de la CCDP de rejeter la plainte qu’il avait formulée contre United Parcel Service, car ce dernier n’avait pas déposé les documents en réponse aux avis d’examen de l’état de l’instance délivrés conformément au paragraphe 380(2) des Règles des Cours fédérales. Le troisième exemple concerne le dossier T-1216-20, dans lequel M. Hicks a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire en vue de contester une décision de la CCDP. Cette demande a fait l’objet d’un désistement près de deux ans plus tard, le 7 février 2022, car celle‑ci n’avait pratiquement pas progressé. Le quatrième exemple concerne le dossier T-515-21, où M. Hicks a présenté une demande de contrôle judiciaire le 23 mars 2021 contre la Gendarmerie royale du Canada. Un peu moins de huit mois plus tard, le 4 novembre 2021, le juge Lafrenière a rejeté la demande pour cause de retard puisque M. Hicks n’avait présenté aucun document.
[41] La réponse de M. Hicks à cet argument était peu détaillée et sensiblement la même que pour le premier argument. Il a affirmé qu’il attendait la décision de la Cour suprême du Canada (dans l’affaire dont elle serait saisie, selon son allégation qui, je le répète, n’est étayée par aucune preuve) pour donner suite à ces demandes. Il a également affirmé qu’une grande part de responsabilité revenait à ceux qui recevaient les demandes, bien qu’il n’ait fourni aucune preuve à cet égard. Il a affirmé, sans preuve à l’appui, qu’on lui avait refusé l’assistance d’un avocat et que s’il avait été représenté par un avocat, il aurait pu donner suite à ces demandes. Il a fait valoir qu’il aurait dû être représenté dans d’autres instances judiciaires, mais n’a pas indiqué lesquelles, et il n’a en aucun cas affirmé qu’il avait besoin d’être représenté en l’espèce.
[42] Au paragraphe 47 de la décision Canada c Nourhaghighi, 2014 CF 254, la Cour a indiqué que le plaideur qui omet à répétition de mener ses poursuites avec diligence est un plaideur quérulent. De plus, intenter diverses poursuites sans y donner suite en temps opportun est un facteur négatif qui joue contre le plaideur en ce qui concerne son attitude envers le système judiciaire et la façon dont il le traite. Le système judiciaire n’est pas, et ne devrait pas être, un lieu où un demandeur peut introduire une instance dans le seul but de harceler et d’importuner les autres, sans jamais véritablement y donner suite, et ainsi provoquer le rejet de l’instance pour cause de retard ou son désistement. Dans un tel cas, des ressources sont utilisées. Celles‑ci sont limitées, et comme l’a mentionné le juge Stratas, chaque plaideur à qui on permet d’abuser du système équivaut à un plaideur méritant en moins, pour qui le système de justice peut être utile. Par son comportement, M. Hicks a démontré clairement qu’il correspond au premier type de plaideur. Ainsi, j’estime que le fait qu’il ne donne pas suite à ses instances est un autre facteur qui milite en faveur d’un jugement le déclarant plaideur quérulent.
(3) Allégations abusives
[43] Enfin, le demandeur soutient que M. Hicks doit être déclaré plaideur quérulent en raison de la nature de ses allégations. Il juge que ses allégations contre les avocats, les parties et le personnel des tribunaux sont abusives et invraisemblables.
[44] Le demandeur renvoie à la décision du TDPO déclarant M. Hicks plaideur quérulent, dans laquelle le tribunal a affirmé que ses [traduction] « allégations contre des avocats en particulier ne sont pas formulées dans le but d’invoquer des droits légitimes, mais plutôt dans le but de les harceler »
. Il souligne également que, dans son ordonnance du 11 septembre 2019 déclarant M. Hicks plaideur quérulent, la juge Corthorn de la CSO a fait remarquer que l’objet et la quantité des communications de M. Hicks avec le personnel de la cour et du tribunal, les avocats et les parties adverses sont [traduction] « très préoccupants »
et qu’ils « font partie d’une stratégie globale d’abus et de harcèlement »
. Dans la décision Société canadienne des postes c Varma, [2000] ACF no 851 (CF), aux paragraphes 22 à 24, la Cour a conclu que le comportement d’un plaideur, « que ce soit en cour ou ailleurs, [est] pertinent »
(au para 23) pour déterminer s’il est quérulent.
[45] Comme l’ont dit ces autres tribunaux, je souligne également qu’il y a de nombreux exemples en preuve qui démontrent que M. Hicks injure diverses parties, comme le premier ministre Justin Trudeau, le ministre de la Justice David Lametti et l’avocat du demandeur. Je suis certaine qu’il existe d’innombrables autres exemples de ces abus qui n’ont pas été présentés. Ce comportement n’est pas isolé. Comme le démontrent les conclusions semblables de la CSO et du TDPO dans leurs jugements déclarant M. Hicks plaideur quérulent, ce comportement trahit plutôt une tendance (bien que, comme l’a indiqué le juge Stratas au paragraphe 25 de l’arrêt Olumide, ce n’est pas nécessaire, puisque la mauvaise conduite d’un plaideur dans une seule instance peut donner lieu aux réparations prévues par l’article 40). Quoi qu’il en soit, il ne fait aucun doute que le comportement de M. Hicks et sa façon de traiter le système judiciaire et ceux qui y participent constituent un comportement vexatoire.
(4) Refus de payer les dépens adjugés
[46] Le demandeur a fait remarquer que M. Hicks doit 1 250 $ en dépens impayés au PGC. En ne payant pas ces dépens, M. Hicks ne respecte pas les ordonnances de la cour, un des facteurs pouvant mener au statut de plaideur quérulent énoncé par le juge Stratas au paragraphe 22 de l’arrêt Olumide. Il s’agit d’un autre facteur justifiant qu’il soit déclaré plaideur quérulent.
[47] Le demandeur demande à ce que M. Hicks soit condamné à payer les dépens adjugés contre lui avant d’être autorisé à donner suite à ses demandes.
[48] Il convient de reconnaître que, suivant l’article 416 des Règles des Cours fédérales, le demandeur aurait pu présenter une requête pour que la Cour ordonne à M. Hicks de fournir le cautionnement pour les dépens non payés. Ainsi, suivant le paragraphe 416(3), M. Hicks n’aurait pas pu prendre de nouvelles mesures dans l’instance tant qu’il n’aurait pas fourni le cautionnement ordonné. L’avocat du demandeur n’a pas invoqué cette disposition et s’est plutôt fondé sur le pouvoir général prévu à l’article 40.
[49] M. Hicks n’a pas formulé d’observations convaincantes sur ce point.
[50] J’adjugerai des dépens de 50 $ dans le cadre de la présente demande étant donné que M. Hicks n’est pas représenté et est incarcéré. Je n’ordonnerai pas qu’il paie les dépens adjugés contre lui, car je pense que cette réparation peut nuire à sa capacité d’avoir accès à la justice s’il n’est pas en mesure de présenter sa demande d’autorisation. Or, il existe toujours une mesure de protection étant donné qu’en tant que plaideur quérulent, il devra demander l’autorisation avant de s’adresser à la Cour, et le fait qu’il n’a pas payé les dépens adjugés contre lui pourrait être un facteur à considérer par le juge saisi de la demande d’autorisation. Je laisse donc cette question à la discrétion du juge qui sera saisi de la demande d’autorisation. Les dépens impayés sont maintenus et sont recouvrables.
V. Conclusion
[51] La demande est accueillie. Le défendeur, Anthony Hicks, sera déclaré plaideur quérulent. Il ne pourra introduire de nouvelles instances, qu’il agisse en son propre nom ou que ses intérêts soient représentés par quelqu’un d’autre devant la Cour, sans autorisation de la Cour. Toutes les instances engagées par le défendeur devant la Cour et dont elle est actuellement saisie seront suspendues. La suspension ne sera levée et les instances ne se poursuivront que sur autorisation de la Cour. Le greffe n’acceptera ni ne déposera aucun document provenant du défendeur, à moins qu’il ne s’agisse d’un dossier de requête en bonne et due forme déposé en vertu de l’article 369 des Règles et par lequel il sollicite l’autorisation d’engager et/ou de poursuivre des instances devant la Cour. Le greffe déposera une copie du jugement de la Cour et des présents motifs dans tous les dossiers concernés et en enverra une copie aux parties concernées.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1312-21
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :
Le défendeur, Anthony Hicks, est déclaré plaideur quérulent conformément à l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7. Il est interdit à Anthony Hicks d’introduire de nouvelles instances devant la Cour, qu’il agisse en son propre nom ou qu’il soit représenté par quelqu’un d’autre, sans autorisation de la Cour.
Toutes les instances engagées par le défendeur devant la Cour et dont elle est actuellement saisie sont suspendues. La suspension ne sera levée et les instances ne se poursuivront que sur autorisation de la Cour. Le greffe n’acceptera ni ne déposera aucun document provenant du défendeur, à moins qu’il ne s’agisse d’un dossier de requête en bonne et due forme déposé en vertu de l’article 369 des Règles et par lequel il sollicite l’autorisation d’engager et/ou de poursuivre des instances devant la Cour. Le greffe déposera une copie du jugement de la Cour et des présents motifs dans tous les dossiers concernés et en enverra une copie aux parties concernées.
Des dépens de 50 $ sont adjugés au demandeur, payables immédiatement par le défendeur.
« Glennys L. McVeigh »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Dossier : |
T-1312-21 |
INTITULÉ :
|
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c ANTHONY HICKS |
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 1er juin 2022
|
JUGEMENT ET MOTIFS : |
LA JUGE MCVEIGH
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 4 JUILLET 2022
|
COMPARUTIONS :
Taylor Andreas |
POUR LE DEMANDEUR |
Anthony Hicks |
POUR LE DÉFENDEUR POUR SON PROPRE COMPTE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Procureur général du Canada |
POUR LE DEMANDEUR |
Ottawa (Ontario)