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Date : 20220617


Dossier : T-620-20

Référence : 2022 CF 914

[TRADUCTION FRANÇAISE]

RECOURS COLLECTIF

ENTRE :

CHEYENNE PAMA MUKOS STONECHILD, LORI-LYNN DAVID ET STEVEN HICKS

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

Monsieur le juge Phelan

I. Introduction

[1] [traduction] « À une époque de vérité et de réconciliation, la responsabilité fédérale envers les enfants autochtones ne devrait pas être retranchée derrière les remparts provinciaux et territoriaux ». C’est l’élément essentiel du litige dont la Cour fédérale est saisie.

[2] Pour les motifs qui suivent, la Cour autorise la certification de ce recours collectif unique, ce qui permet d’éviter la nécessité pour l’un des groupes les plus défavorisés du Canada d’entamer treize actions provinciales et territoriales distinctes ou d’empêcher une telle éventualité.

II. Nature de la procédure

[3] L’instance en l’espèce est une requête contestée en certification d’un recours collectif conformément au paragraphe 334.16(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles]. Le litige vise à rendre le Canada responsable envers les enfants et les familles autochtones hors réserve du fait que le Canada n’a pas pris de mesures raisonnables pour empêcher les enfants autochtones hors réserve de se blesser et de perdre leur identité, leur culture, leur patrimoine et leur langue.

[4] Le recours collectif proposé remet en question le rôle du Canada entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 2019, quand il a permis le placement d’enfants autochtones qui étaient des pupilles de l’État dans des foyers non autochtones, sous la garde de personnes qui ne faisaient pas partie de leur groupe, communauté ou peuple autochtone [membres du groupe principal]. Cela a entraîné la perte d’identité, de culture, de famille et d’avantages fédéraux. La réclamation demande également réparation pour les parents et les grands-parents des membres du groupe principal [groupe de la famille].

[5] La réclamation est fondée sur l’obligation du Canada de protéger les enfants et les jeunes autochtones pris en charge contre tout préjudice – en particulier la perte de leur identité autochtone – en vertu du principe de la Couronne, des obligations fiduciaires du Canada, de l’obligation de diligence en common law du Canada et de la responsabilité du Canada envers tous les peuples autochtones, qu’ils soient Indiens inscrits, non inscrits, Métis ou Inuit, et qu’ils résident sur des terres de réserve ou à l’extérieur de celles-ci.

[6] Les demandeurs affirment que le défendeur, le Canada :

  • a privé de manière déraisonnable les peuples autochtones de leur droit inhérent à la compétence en matière de services à l’enfance et à la famille;

  • n’a pas pris de mesures raisonnables pour préserver et protéger l’identité autochtone des membres du groupe principal pris en charge par les organismes de protection de l’enfance et placés sous la garde de personnes qui n’étaient pas membres de leur groupe communautaire ou de leur peuple autochtone;

  • n’a pas fourni d’information sur l’identité des membres du groupe principal, les droits ancestraux et issus de traités et les prestations fédérales auxquelles les membres du groupe principal auraient pu avoir droit.

[7] Les demandeurs demandent une réparation de nature déclaratoire, des dommages-intérêts généraux et punitifs ainsi que des dommages-intérêts selon la Charte canadienne des droits et libertés [la Charte] et d’autres mesures de réparation.

[8] Il est important de mentionner que le défendeur accepte que les demandeurs ont une cause d’action raisonnable, un recours certifiable et des représentants demandeurs légitimes.

[9] Du point de vue du défendeur, la question clé réside dans le fait que le règlement des questions soulevées [traduction] « que ce soit par voie de litige ou, de préférence, par voie de règlement extrajudiciaire, exige la présence et la participation des provinces et des territoires ». Les demandeurs ne sollicitent des dommages-intérêts qu’auprès de la Couronne fédérale et seulement devant la Cour.

III. Contexte

A. Action

[10] L’action a été décrite de façon générale ci-dessus. La période allant du 1er janvier 1992 au 31 décembre 2019 a été appelée la « rafle du Millénaire ». Il convient de la distinguer de ce que l’on appelle la « rafle des années 60 », qui a fait l’objet d’un litige en Ontario dans l’affaire Brown v Canada (Attorney General), 2017 ONSC 251 [Brown] et devant la Cour fédérale dans l’affaire Riddle c Canada, 2018 CF 641 [Riddle] en ce qui concerne le règlement national qui en résulte. Les deux actions historiques ont porté sur la perte de l’identité culturelle, mais la décision Brown se limitait aux placements d’enfants vivant dans les réserves dans la province de l’Ontario, tandis que la décision Riddle ne faisait pas de distinction entre les membres du groupe qui vivaient dans les réserves ou hors réserve.

[11] En plus d’alléguer que le défendeur ne s’est pas acquitté son obligation envers eux, les membres du groupe allèguent également des pratiques discriminatoires qui ont causé aux membres du groupe principal, à leurs parents et à leurs grands-parents une perte attribuable à une négligence systémique, des violations des articles 7 et 15 de la Charte et un enrichissement sans cause.

[12] Les demandeurs font valoir que le rôle des provinces et des territoires dans la prestation des services de protection de l’enfance n’a pas éliminé l’obligation du défendeur à l’égard des enfants autochtones, et que le Canada n’a jamais eu le droit de se décharger de ses obligations juridiques envers les membres du groupe principal.

B. Représentants demandeurs proposés

[13] Les représentants proposés sont Cheyenne Stonechild («Walters » à l’origine dans le litige en l’espèce) et Steven Hicks – tous deux pour le groupe principal – et Lori-Lynn David pour le groupe des familles.

[14] Mme Stonechild est née en 1995 et sa mère de naissance est membre de la Première Nation Muscowpetung Saulteaux et victime de la rafle des années 60. À l’âge de huit ans, elle a été retirée des soins de sa mère et, à l’exception d’un jour qu’elle a passé avec un oncle, elle a été placée dans un foyer collectif par le Ministry of Children and Family Development de la Colombie-Britannique.

[15] À l’âge de 18 ans, Mme Stonechild avait été placée dans environ 15 foyers de groupe dans la région métropolitaine de Vancouver. Au-delà de la seule journée passée avec son oncle, Mme Stonechild n’a jamais été placée sous la garde de quiconque s’identifiant comme Autochtone et aucune tentative n’a été faite afin de préserver son identité, sa culture ou sa langue cries. Elle aurait souffert mentalement et émotionnellement de la perte de sa culture et de son identité. Même si elle n’a jamais été informée de ses droits ancestraux, elle a obtenu une carte de statut d’Indien, s’est fait reconnaître par sa Nation et en a appris sur son héritage cri. Elle affirme qu’elle comprend son rôle et ses fonctions de représentante demanderesse et qu’elle est prête et apte à le faire.

[16] M. Hicks est un Métis, né en 1995. À l’âge de six mois, lui et sa sœur ont été retirés de leur foyer et placés dans une famille non métisse. Il a été adopté à l’âge de sept ans, mais il est retourné dans le système de protection de l’enfance à l’âge de 11 ans. Pendant les 18 années et demie suivantes, M. Hicks a été placé dans de nombreuses familles d’accueil, dont aucune n’était métisse. En plus d’éprouver des difficultés mentales et émotionnelles, on ne lui a jamais dit qu’il était Métis avant l’âge de 19 ans, et on ne lui a fourni aucune information sur son statut, sa culture ou ses droits fédéraux.

[17] M. Hicks a commencé à renouer avec sa communauté, son identité et sa culture métisses. À l’instar de Mme Stonechild, il comprend et accepte son rôle et ses fonctions à titre de représentant demandeur, et il a examiné le plan de déroulement de l’instance et la convention portant sur les honoraires.

[18] Mme David est une femme autochtone qui prétend avoir subi un traumatisme intergénérationnel parce qu’elle a été séparée de sa mère biologique pendant la rafle des années 60 et qu’elle a été adoptée par des parents non autochtones. Par conséquent, elle a perdu tout lien avec sa mère biologique et sa culture. Après le placement de trois de ses enfants en 1993 et 1997 (elle n’a pas vu son fils aîné depuis 1996), Mme David a souffert de dépression, sombré dans l’alcoolisme, entretenu des pensées suicidaires et vécu dans l’itinérance.

[19] Depuis 2006, Mme David a « changé sa vie ». Elle attribue la perte de son identité autochtone et la perte culturelle de ses enfants à l’incapacité du Canada à agir afin d’aider à préserver et à protéger leur identité. Elle est également au courant de ses fonctions et de son rôle et elle les accepte, et elle comprend le plan de déroulement de l’instance et les frais juridiques.

[20] Les parties sont d’accord sur le fait que les représentants demandeurs proposés sont légitimes, mais la Cour doit parvenir à sa propre conclusion, comme il est expliqué plus loin.

Le Canada fait valoir que chacun des représentants demandeurs a vu sa vie, sa culture et son identité subir un préjudice de la part de fonctionnaires de la Colombie-Britannique et non pas de la part du Canada.

[21] Le Canada a fait valoir que ces demandeurs ne devraient pas être autorisés à limiter la réclamation en responsabilité du groupe au niveau du gouvernement fédéral et qu’une telle limite porte atteinte aux droits et intérêts des autres membres du groupe.

[22] J’estime toutefois que ceux qui estiment l’action trop limitée peuvent se retirer à leur guise. Plus particulièrement, l’action ne lie pas les gouvernements provinciaux et territoriaux et ne restreint pas les réclamations contre eux devant leurs tribunaux.

Il est important de mentionner que rien ne laisse entendre que les représentants demandeurs ne sont pas au courant des limites ou informés des risques. Selon eux, la procédure de recours collectif unique devant la cour nationale est la meilleure façon de procéder. Il n’appartient pas ni à la Cour à ce stade ni au Canada à aucun moment de leur refuser le droit de prendre cette décision.

C. Traumatisme et préjudice

[23] Les demandeurs ont déposé deux rapports d’experts afin de faire valoir leur argument de cause d’action valable.

[24] Le premier était un rapport de la Dre Amy Bombay, du Département de psychiatrie et de l’École de soins infirmiers de l’Université Dalhousie. Son opinion portait sur les répercussions psychologiques et émotionnelles importantes que subit un enfant autochtone lorsqu’il est séparé de son groupe, de sa collectivité ou de son peuple. Elle s’est également prononcée sur les répercussions néfastes sur la santé et la société de la suppression ou de la perte de la culture qu’ont subie les personnes touchées par les pensionnats et les systèmes de protection de l’enfance.

[25] Le deuxième rapport d’expert est rédigé par le professeur Nico Trocmé de l’École de travail social de l’Université McGill. Il a conclu que les enfants et les familles des Premières Nations étaient beaucoup plus susceptibles que les enfants et les familles non autochtones d’être examinés par les autorités de protection de l’enfance dans une mesure considérablement différente. Il a également donné son avis sur la surreprésentation importante des enfants autochtones pris en charge et sur le fait que la majorité de ces enfants sont placés dans des foyers non autochtones.

[26] Le défendeur ne conteste pas cette preuve, mais souligne que ce sont les provinces et les territoires qui gèrent ces systèmes de protection de l’enfance.

[27] Les demandeurs renvoient aux droits et avantages fédéraux dont bénéficient les Autochtones vivant hors réserve et au défaut d’informer les enfants autochtones retirés de leurs familles quant à ces droits qui sont perdus ou auxquels l’accès n’est pas accordé. Selon les demandeurs, le Canada avait une obligation constitutionnelle à l’égard des Autochtones vivant hors réserve et la politique du Canada de laisser aux provinces et aux territoires le financement des services sociaux destinés aux Autochtones vivant hors réserve constitue une violation.

IV. Questions à trancher

[28] Les parties s’entendent sur le fait que la question primordiale est de déterminer si la présente doit être certifiée comme recours collectif conformément à la Règle 334.16. Dans ce contexte, cette question fait ressortir les éléments suivants :

  • a) si les questions communes proposées sont appropriées dans les présentes circonstances;

  • b) si un recours collectif unique devant la Cour est la procédure à privilégier.

[29] La Règle 334.16(1) énonce l’obligation impérative pour la Cour de certifier une instance comme recours collectif si l’action remplit certaines conditions. Le paragraphe (2) dresse une liste non exhaustive des questions que la Cour doit avoir examinées :

334.16 (1) Sous réserve du paragraphe (3), le juge autorise une instance comme recours collectif si les conditions suivantes sont réunies :

334.16 (1) Subject to subsection (3), a judge shall, by order, certify a proceeding as a class proceeding if

a) les actes de procédure révèlent une cause d’action valable;

(a) the pleadings disclose a reasonable cause of action;

b) il existe un groupe identifiable formé d’au moins deux personnes;

(b) there is an identifiable class of two or more persons;

c) les réclamations des membres du groupe soulèvent des points de droit ou de fait communs, que ceux-ci prédominent ou non sur ceux qui ne concernent qu’un membre;

(c) the claims of the class members raise common questions of law or fact, whether or not those common questions predominate over questions affecting only individual members;

d) le recours collectif est le meilleur moyen de régler, de façon juste et efficace, les points de droit ou de fait communs;

(d) a class proceeding is the preferable procedure for the just and efficient resolution of the common questions of law or fact; and

e) il existe un représentant demandeur qui :

(e) there is a representative plaintiff or applicant who

(i) représenterait de façon équitable et adéquate les intérêts du groupe,

(i) would fairly and adequately represent the interests of the class,

(ii) a élaboré un plan qui propose une méthode efficace pour poursuivre l’instance au nom du groupe et tenir les membres du groupe informés de son déroulement,

(ii) has prepared a plan for the proceeding that sets out a workable method of advancing the proceeding on behalf of the class and of notifying class members as to how the proceeding is progressing,

(iii) n’a pas de conflit d’intérêts avec d’autres membres du groupe en ce qui concerne les points de droit ou de fait communs,

(iii) does not have, on the common questions of law or fact, an interest that is in conflict with the interests of other class members, and

(iv) communique un sommaire des conventions relatives aux honoraires et débours qui sont intervenues entre lui et l’avocat inscrit au dossier.

(iv) provides a summary of any agreements respecting fees and disbursements between the representative plaintiff or applicant and the solicitor of record.

(2) Pour décider si le recours collectif est le meilleur moyen de régler les points de droit ou de fait communs de façon juste et efficace, tous les facteurs pertinents sont pris en compte, notamment les suivants :

(2) All relevant matters shall be considered in a determination of whether a class proceeding is the preferable procedure for the just and efficient resolution of the common questions of law or fact, including whether

a) la prédominance des points de droit ou de fait communs sur ceux qui ne concernent que certains membres;

(a) the questions of law or fact common to the class members predominate over any questions affecting only individual members;

b) la proportion de membres du groupe qui ont un intérêt légitime à poursuivre des instances séparées;

(b) a significant number of the members of the class have a valid interest in individually controlling the prosecution of separate proceedings;

c) le fait que le recours collectif porte ou non sur des réclamations qui ont fait ou qui font l’objet d’autres instances;

(c) the class proceeding would involve claims that are or have been the subject of any other proceeding;

d) l’aspect pratique ou l’efficacité moindres des autres moyens de régler les réclamations;

(d) other means of resolving the claims are less practical or less efficient; and

e) les difficultés accrues engendrées par la gestion du recours collectif par rapport à celles associées à la gestion d’autres mesures de redressement.

(e) the administration of the class proceeding would create greater difficulties than those likely to be experienced if relief were sought by other means.

Remarque : Le paragraphe (3) n’est pas pertinent à ce stade de l’instance.

A. Principes de certification

[30] Les demandeurs soutiennent qu’ils atteignent le niveau inférieur du seuil de certification étant donné que la Règle 334.16 est de nature procédurale et vise à être interprétée de manière large, libérale et intentionnelle pour atteindre les objectifs fondamentaux de la politique des recours collectifs que sont l’accès à la justice, l’économie des ressources judiciaires et la modification du comportement : voir Canada c M. Untel, 2016 CAF 191 au paragraphe 25. À cet égard, la Cour est généralement d’accord avec les demandeurs.

[31] Le défendeur est d’avis qu’en ce qui concerne l’économie des ressources judiciaires, du moins, le recours certifié proposé constituerait une fausse économie parce qu’il n’y a pas de questions communes appropriées ou de points communs suffisants, à tout le moins dans l’ensemble du groupe, parce que cette action n’est pas la meilleure façon de procéder et que la question de la modification du comportement a été réglée dans la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, LC 2019, c 24 [la Loi].

[32] Dans l’arrêt Pro‐Sys Consultants Ltd. c Microsoft Corporation, 2013 CSC 57 aux paragraphes 99 à 100, la Cour suprême a confirmé que le représentant du groupe doit démontrer un certain fondement factuel pour chacune des exigences de certification autres que le fait que les actes de procédure révèlent une cause d’action. L’étape de la certification n’est pas censée être une vérification du bien-fondé de l’instance. La question qui se pose à l’étape de la certification est de savoir si chacune des exigences de certification individuelles repose sur un fondement factuel quelconque.

[33] Il n’est pas nécessaire de chercher à régler chaque contestation ou à trancher chaque question, procédurale ou factuelle, qui peut ou pourrait survenir au cours d’un litige. Si tel était le cas, le droit des recours collectifs au Canada serait vide en raison de l’absence de précédents, car une telle résolution serait soit prématurée, soit improbable. La question générale n’est pas de savoir si l’action réussira, mais si l’action peut fonctionner comme recours collectif.

B. La cause d’action valable (alinéa 334.16(1)a) des Règles)

[34] L’action porte sur la perte de l’identité autochtone des membres du groupe principal après qu’ils eurent été pris en charge et placés sous la garde de personnes qui n’étaient pas membres de leur communauté, groupe ou peuple autochtone. Rien dans les documents du défendeur ne porte à croire que ces circonstances ne se sont pas vraiment produites.

[35] Les demandeurs soutiennent que la Couronne fédérale avait le devoir constitutionnel de protéger et de préserver l’identité autochtone des enfants et des jeunes autochtones pris en charge. Ils soutiennent en outre que le Canada ne s’est pas acquitté de ses obligations, ce qui a causé des pertes et des préjudices au groupe.

[36] L’argument selon lequel l’obligation du Canada n’a pas été annulée parce que le bien-être des enfants relevait de la compétence législative provinciale est essentiel à l’allégation. L’analogie d’un « ballon politique », en l’espèce les « Indiens » dont le Canada était responsable, a été évoquée à la fois au procès et en appel final dans l’arrêt Daniels (Daniels c Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12). Les arguments relatifs à la compétence sont abordés plus loin, dans le contexte des questions communes et dans celui du meilleur moyen.

[37] À ce stade de l’analyse, le défendeur a reconnu à juste titre que les actes de procédure révèlent une cause d’action raisonnable. L’analyse consiste à déterminer s’il est « manifeste et évident » que la réclamation est vouée à l’échec (Varley c Canada (Procureur général), 2021 CF 589 au para 6 [Varley]. Ce n’est pas le cas.

[38] Compte tenu des actes de procédures, de l’avis de requête modifié et des arguments présentés, je suis convaincu que les demandeurs ont satisfait à cette condition de certification.

C. Le groupe identifiable formé d’au moins deux personnes (alinéa 334.16(1)b) des Règles)

[39] Le défendeur accepte, comme moi, que le groupe principal et le groupe des familles proposés répondent à cette condition. Les groupes sont objectifs et pas trop larges. Ils sont également similaires aux groupes dans la décision Moushoom c Canada (Procureur général), 2021 CF 1225 [Moushoom]

D. Des points de droit ou de fait communs (alinéa 334.16(1)c) des Règles)

(1) Questions de compétence

[40] C’est sur cette exigence et sur le fait qu’un recours collectif constitue le meilleur moyen de procéder que les parties sont les plus en désaccord. Les demandeurs ont déposé une liste modifiée de questions communes proposées. Les questions modifiées sont en grande partie les mêmes que celles qui ont été déposées à l’origine, mais elles ajoutent des questions relatives à la délégation du Canada de ses obligations en matière de bien-être des enfants autochtones vivant hors réserve aux provinces et aux territoires, et à la question de savoir si cela équivalait à une négligence systémique.

[41] Le défendeur conteste les questions communes et le meilleur moyen, tout en acceptant l’existence d’une cause d’action raisonnable. Le défendeur soutient que les questions communes sont théoriques seulement et qu’elles exigeraient en réalité de mener des évaluations individuelles importantes fondées sur les questions de compétence qui peuvent être en jeu. Le défendeur affirme que la participation des provinces et des territoires fait de la présente réclamation une réclamation qui ne relève pas d’une réclamation de questions communes viable.

[42] Le défendeur soulève ce qu’il appelle des « questions de compétence »; toutefois, il n’affirme pas que la Cour n’a pas compétence pour trancher une réclamation contre le Canada seulement. Le défendeur soutient que les demandeurs devraient également poursuivre les provinces.

[43] Dans le cadre de l’examen de cette prétendue question de compétence, le demandeur a refusé de répondre aux questions sur la délégation de responsabilités du Canada aux provinces. L’interrogatoire était écrit; le défendeur s’est opposé au motif qu’il ne s’agissait pas d’un contre‐interrogatoire approprié et qu’il était trop général.

[44] Les parties se sont livrées à des querelles de procédures sur la question de savoir qui avait l’obligation de demander une réponse et ce qui devait être fait compte tenu du refus du défendeur de répondre.

[45] À mon avis, cette question de procédure ne devrait pas distraire la Cour de la question réelle de savoir si le fait de limiter la réclamation des demandeurs au Canada les prive de la possibilité de poursuivre leur réclamation devant un tribunal de compétence nationale au lieu de s’enliser dans de multiples litiges sur la compétence. Le fait que le défendeur n’ait pas répondu aux questions relatives à la compétence et à la délégation de pouvoirs nuit à la force de ses arguments selon lesquels le rôle des provinces rend d’une façon ou d’une autre la réclamation des demandeurs impossible ou peu pratique à poursuivre devant la Cour.

[46] En outre, le caractère commun des questions est renforcé par le fait qu’il y a un seul défendeur. Les demandeurs ont délibérément limité la portée de leur réclamation au gouvernement fédéral comme ils ont le droit de le faire. Comme il est indiqué dans Daniels c Canada, 2013 CF 6, au paragraphe 66 :

Il est reconnu en droit qu’un demandeur peut formuler l’action comme il l’entend (sous réserve de diverses règles de procédure). Il n’appartient pas aux défendeurs de dire aux demandeurs quelle est leur cause ou quelle devrait être leur cause.

[47] Selon les demandeurs, le Canada a la responsabilité de protéger et de préserver l’identité autochtone des membres du groupe principal. Les demandeurs sont prêts à prendre le risque qu’il n’y ait qu’un seul défendeur et que la réparation puisse être limitée par ce facteur. C’est le choix des demandeurs et leur droit.

[48] Les demandeurs s’appuient sur le principe selon lequel le Canada ne peut pas déléguer ces responsabilités. Comme le Tribunal canadien des droits de la personne l’a déclaré dans Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 TCDP 2, et comme la Cour l’a confirmé (Canada (Procureur général) c Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, 2021 CF 969), le Canada, en tant qu’unique répondant, ne pouvait échapper à la responsabilité constitutionnelle du simple fait qu’il avait délégué ses responsabilités aux organismes provinciaux.

[49] La question ultime dans le litige en l’espèce est de savoir si le Canada s’est conformé à ses obligations constitutionnelles prévues au paragraphe 91(24) à l’égard des « Indiens » qui ne pouvaient être déléguées à des organismes provinciaux ou acquittées par des lois provinciales. Cette question est commune à tous les membres du groupe et il s’agit de la question fondamentale dans l’ensemble : le Canada a-t-il l’obligation de préserver et de protéger et s’est-il acquitté de ces obligations?

[50] En limitant leur réclamation au gouvernement fédéral, les demandeurs bénéficient du soutien de la décision rendue par la Cour dans Campeau c Canada, 2021 CF 1449 [Campeau], où le juge Southcott a conclu que, lorsqu’un demandeur choisit de limiter sa réclamation à la responsabilité conjointe du Canada en ce qui concerne les questions relevant de l’autorité et de la responsabilité du Canada, la Cour n’a aucun motif de suspendre l’action, même si le Canada exprime son intention de présenter une demande de contribution et d’indemnisation à l’égard d’une partie ne relevant pas de la compétence de la Cour fédérale.

[51] En l’espèce, les deux parties acceptent que si un jugement est rendu contre le Canada pour sa propre responsabilité, la question d’une éventuelle mise en cause n’est pas pertinente.

[52] La Cour n’a pas à répondre à ces questions à ce stade, car il suffit qu’elles soient relativement valables, les demandeurs soutiennent que le Canada a reconnu la question de son obligation de préserver et de protéger quand il a adopté la Loi.

[53] La loi établit sans doute ce qui est et ce qui aurait dû être le devoir et la norme de diligence que le défendeur aurait dû avoir en place pendant la période visée par le présent recours collectif. Elle traite, du moins en partie, de l’argument du défendeur selon lequel il n’y a pas suffisamment d’éléments communs, parce que chaque province avait son propre système, ses propres obligations et ses propres normes.

(2) Les questions communes

[54] Voici les questions communes modifiées :

  • a) Le défendeur avait-il une obligation de diligence envers le groupe et, dans l’affirmative, quelle était la portée de cette obligation?

  • b) Si la réponse à la question a) est « oui », le défendeur avait-il le droit de déléguer ses obligations ou certains aspects de celles-ci aux provinces et territoires et à leurs organismes de protection de l’enfance?

  • c) Si la réponse à la question b) est « non » ou si certains aspects de l’obligation du défendeur ne pouvaient pas être délégués, quelle était la norme de diligence due par le défendeur au groupe?

  • d) La conduite, les actes et les omissions du défendeur contrevenaient-ils à la norme de diligence applicable?

  • e) Si la réponse à la question d) est « oui », est-il possible de définir le lien de causalité pour les préjudices subis par les membres du groupe comme une question commune?

  • f) Lorsqu’il y a eu perte de culture et d’identité et que celle-ci a été causée de façon importante par la participation du groupe au système de protection de la jeunesse – y compris la perte d’identité ou la perte de droits et de droits découlant de l’identité autochtone – le Canada est-il ipso facto responsable (ou le Canada a-t-il été légalement en mesure de décharger cette responsabilité aux provinces et les territoires)?

  • g) Lorsqu’il y a eu perte de culture et d’identité et que celle-ci a été causée de façon importante par la participation du groupe au système de protection de la jeunesse (et que le Canada n’était pas légalement en mesure de décharger cette responsabilité sur les provinces et les territoires), la Cour peut-elle évaluer globalement les préjudices subis par tous les membres du groupe ou par certains membres de celui-ci et, dans l’affirmative, dans quelle mesure?

  • h) Le défendeur a-t-il violé le droit des membres du groupe à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne d’une manière non conforme aux principes de justice fondamentale au sens de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?

  • i) Le défendeur a-t-il enfreint le droit des membres du groupe à la même protection égale et au même bénéfice de la loi indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, au sens de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés?

  • j) Si la réponse à la question commune h) ou i) est « oui », les actions du défendeur étaient-elles justifiées au regard de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés, et dans l’affirmative, dans quelle mesure et pendant quelle période?

  • k) Si la réponse à la question commune h) ou i) est « oui », et la réponse à la question commune j) est non, ces violations font-elles des dommages-intérêts une réparation convenable et juste au sens de l’article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés pour tout ou partie du groupe?

  • l) Si la réponse à la question commune k) est « oui », la Cour peut-elle procéder à une évaluation globale des dommages-intérêts dus à certains ou à tous les membres du groupe au titre de l’article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés et, dans l’affirmative, de quel montant?

  • m) Le défendeur a-t-il été enrichi sans cause par la perte des droits des membres du groupe issus de leur identité autochtone?

  • n) Si la réponse à la question commune m) est « oui », la Cour peut-elle procéder à une évaluation globale de la restitution qui devrait être versée aux membres du groupe ou à certains d’entre eux en raison des gains injustifiés réalisés par le défendeur et, dans l’affirmative, quel montant de restitution devrait être versé aux membres du groupe?

  • o) La conduite du défendeur justifie-t-elle l’octroi de dommages punitifs?

  • p) Si la réponse à la question commune o) est « oui », quel devrait être le montant des dommages-intérêts punitifs à adjuger contre le défendeur?

[55] Le défendeur ne s’est pas opposé à ce que les demandeurs soumettent les questions communes modifiées qui incluent les questions concernant la délégation aux provinces. Il s’oppose aux questions f) et g).

[56] Le défendeur est d’avis que l’allégation de négligence systémique des demandeurs est axée sur le fait que le Canada n’a pas adopté une loi antérieure semblable à la Loi qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Il affirme que l’étendue de toute obligation du Canada ne peut être évaluée sans tenir simultanément compte des obligations de diligence des provinces et des territoires et de toute violation de ces obligations. Il énumère un certain nombre de questions auxquelles les provinces et les territoires seraient tenus de répondre sur le sujet.

[57] Le défendeur soutient que la même justification s’applique aux réclamations fondées sur la Charte et aux réclamations liées à l’enrichissement sans cause.

[58] Le défendeur est rassuré par la conclusion tirée dans la décision Société de soutien à l’enfance selon laquelle le Canada a fait preuve de discrimination à l’égard des enfants autochtones vivant dans les réserves en ne leur fournissant pas des services comparables à ceux offerts hors réserve dans des circonstances semblables.

[59] Sans parler du bien-fondé ou de la validité de la position du défendeur en tant que défense, il ne m’apparaît pas manifeste qu’une comparaison entre le traitement subi par des personnes défavorisées exonère le Canada de son obligation de préserver et de protéger tous les peuples autochtones.

[60] Le défendeur fait ressortir qu’étant donné la nature individuelle de la réclamation, il sera difficile d’établir un lien de causalité et d’établir des dommages-intérêts sur une base systémique et que les demandeurs n’ont pas indiqué comment cela se ferait. Il formule le même type de critiques à l’égard de la réclamation liée à l’enrichissement sans cause.

[61] Les deux parties ont inclus dans leurs mémoires sur les questions communes des éléments des questions de compétence en jeu qui sont également abordés dans l’analyse du « meilleur moyen » qui suit. Le défendeur s’inquiète de l’utilisation des articles 233 et 238 des Règles (production d’un document en la possession d’un tiers et interrogatoire d’un tiers) en ce qui concerne les provinces et les territoires. Cette préoccupation, dont il est question plus loin, a été examinée dans la décision Campeau, au paragraphe 33, à l’égard des parties qui assument une responsabilité conjointe et individuelle :

Il n’est pas nécessaire que la Cour étudie en profondeur la preuve concernant les réponses de Murphy Battista aux efforts qu’a déployés la défenderesse pour explorer l’attaque au rançoncigiel. La défenderesse n’a avancé aucun argument expliquant pourquoi les processus prévus dans les Règles qui servent à obliger une personne qui n’est pas une partie à produire des éléments de preuve ne permettraient pas à la défenderesse ou à la Cour d’obtenir le fondement de preuve nécessaire pour répartir la responsabilité entre la défenderesse et Murphy Battista (en vue de limiter à sa responsabilité individuelle toute responsabilité imposée à la défenderesse dans la présente instance). Dans la décision Gottfriedson, au paragraphe 27, le juge Harrington a souligné que le tribunal peut imputer une partie de la faute à une personne qui n’est pas partie à l’instance et a dit souscrire à une déclaration figurant dans l’arrêt Taylor selon laquelle permettre un partage de la responsabilité sans exiger que les personnes visées soient constituées parties à l’instance permettra de diminuer le nombre de parties au procès, d’abréger le procès et de réduire les coûts. Le juge Harrington a également mentionné la possibilité d’invoquer les articles 233 et 238 des Règles pour ordonner la production d’un document en la possession d’un tiers et l’interrogatoire préalable d’une personne qui n’est pas une partie (au para 30).

[62] Le juge Stratas, dans l’arrêt Wenham c Canada (Procureur général), 2018 CAF 199 au paragraphe 72 [Wenham], décrit la tâche de la Cour à cette étape du processus de certification :

De plus, l’objectif de cette étape de la détermination de l’autorisation n’est pas de déterminer les questions communes, surtout pas sans un dossier complet et des observations juridiques complètes sur la question, mais plutôt d’évaluer si la résolution de la question est nécessaire pour régler la demande de chaque membre du groupe. Plus précisément, les exigences sont les suivantes :

[...] Il faut aborder le sujet de la communauté en fonction de l’objet. La question sous-jacente est de savoir si le fait d’autoriser le recours collectif permettra d’éviter la répétition de l’appréciation des faits ou de l’analyse juridique. Une question ne sera donc « commune » que lorsque sa résolution est nécessaire pour le règlement des demandes de chaque membre du groupe. Il n’est pas essentiel que les membres du groupe soient dans une situation identique par rapport à la partie adverse. Il n’est pas nécessaire non plus que les questions communes prédominent sur les questions non communes ni que leur résolution règle les demandes de chaque membre du groupe. Les demandes des membres du groupe doivent toutefois partager un élément commun important afin de justifier le recours collectif. Pour décider si des questions communes motivent un recours collectif, le tribunal peut avoir à évaluer l’importance des questions communes par rapport aux questions individuelles. Dans ce cas, le tribunal doit se rappeler qu’il n’est pas toujours possible pour le représentant de plaider les demandes de chaque membre du groupe avec un degré de spécificité équivalant à ce qui est exigé dans une poursuite individuelle.

(Western Canadian Shopping Centres, précité, au paragraphe 39; voir aussi Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, [2014] 1 R.C.S. 3, aux paragraphes 41 et 44 à 46.)

[63] Le juge Gleason, dans l’arrêt Canada c Greenwood, 2021 CAF 186 [Greenwood], dans le cadre de son examen de cas comme celui en espèce portant sur des allégations de négligence systémique, a confirmé que ces cas peuvent être certifiés :

[182] Les questions liées à la portée de l’obligation de diligence, au manquement et aux dommages-intérêts punitifs ont fréquemment été autorisées à titre de questions communes dans des recours pour négligence systémique, comme l’intimé le souligne à juste titre : voir, par exemple, Rumley; Cloud v. Canada (Attorney General), 2004 CarswellOnt 5026, [2004] O.J. No. 4924 (CA); Gay et autres c. Régie régionale de la santé 7 et Dr Menon, 2014 NBCA 10; Ross v. Canada (Attorney General), 2018 SKCA 12 et Francis v. Ontario, 2021 ONCA 197, pour ne nommer que quelques affaires où de telles conclusions ont été tirées ou confirmées par diverses cours d’appel. La Cour fédérale a également fréquemment autorisé des recours collectifs pour négligence systémique : voir, par exemple, Merlo; Tiller; Ross, Paradis Honey Ltd. c. Canada, 2017 CF 199, [2018] 1 R.C.F. 275; McLean c. Canada (Procureur général), 2018 CF 642 et Nasogaluak c. Canada (Procureur général), 2021 CF 656.

[64] Étant donné que la réclamation des demandeurs comprend des allégations de négligence systémique, l’arrêt Rumley c Colombie-Britannique, 2001 CSC 69 [Rumley], est particulièrement instructif. Il porte sur des questions de maltraitance à l’égard d’enfants sourds ou aveugles dans des pensionnats. La réclamation était fondée sur une négligence systémique qui, au paragraphe 30, était définie comme « l’absence de procédures de gestion et de fonctionnement qui auraient vraisemblablement empêché l’agression ».

[65] En ce qui concerne la question du caractère commun par rapport au caractère individuel, l’argument avancé dans l’arrêt Rumley, également avancé en l’espèce, était que l’action se décomposerait en fin de compte en procédures individuelles parce qu’elle dépendait de l’application de la norme de soins. Au paragraphe 30, la Cour a rejeté cette position dominante des évaluations individuelles, au motif que le demandeur avait le droit de limiter les motifs de négligence à la négligence systémique pour faciliter un recours collectif.

30 Je ne peux toutefois pas convenir que tel est le cas en l’espèce. Comme le juge Mackenzie le fait remarquer, l’argument des intimés repose sur une allégation de négligence [TRADUCTION] « systémique, soit l’absence de procédures de gestion et de fonctionnement qui auraient vraisemblablement empêché l’agression » (p. 8-9). Les intimés affirment, par exemple, que JHS n’avait aucune politique portant sur l’agression et qu’elle a été négligente en logeant tous les pensionnaires dans le même dortoir en 1978. Il s’agit d’actes (ou d’omissions) dont il est possible de déterminer le caractère raisonnable indépendamment de la situation individuelle des membres du groupe. Il est vrai que le choix des intimés de restreindre leurs allégations à la négligence systémique peut compliquer la composante individuelle de l’instance; il serait manifestement plus facile pour un plaignant donné de démontrer le lien de causalité s’il était établi que JHS n’avait pas répondu à sa propre plainte d’agression (une violation individualisée) qu’il le serait, par exemple, s’il était établi que, de façon générale, JHS ne répondait pas adéquatement à certaines plaintes (une violation « systémique »). Comme le dit le juge Mackenzie, toutefois, les intimés [TRADUCTION] « ont le droit de restreindre les motifs pour lesquels ils désirent invoquer la négligence afin de rendre l’affaire plus susceptible de faire l’objet d’un recours collectif si c’est ce qu’ils veulent faire » (p. 9).

[66] Le défendeur soutient que l’absence d’un système canadien visant à répondre aux besoins des enfants et des jeunes autochtones enlevés à leur famille autochtone est une décision de politique du gouvernement fédéral; il est probable que ce genre de situation soit moins susceptible d’être contestée devant les tribunaux. Cette affirmation est toutefois une question de défense, si le Canada choisit de l’invoquer, et, parce qu’il s’agissait d’une politique générale, il semble que l’application de la politique soulève une question générale.

[67] Dans l’évaluation des questions communes selon une approche ciblée, les questions communes originales et modifiées peuvent se résumer à quatre questions principales :

  1. La négligence systémique présumée du Canada, sa délégation aux provinces et aux territoires et la capacité de la Cour de procéder à une évaluation globale des dommages-intérêts.

  2. Les violations alléguées des articles 7 et 15 de la Charte par le Canada et le droit à des dommages-intérêts au titre de l’article 24 de la Charte.

  3. L’enrichissement sans cause allégué du Canada en évitant d’engager les coûts liés à un système approprié de protection et de préservation, ainsi que la capacité de la Cour de mener une évaluation et de rendre une ordonnance de restitution.

  4. La responsabilité du Canada en ce qui concerne les dommages-intérêts punitifs.

[68] La Cour n’est pas convaincue que les questions sont communes sur le plan théorique seulement. Il faudrait tenir compte des pratiques de chaque province et de chaque territoire en matière de bien-être, que la demande soit présentée devant la Cour ou devant plusieurs tribunaux.

[69] Les questions spécifiques posées par les demandeurs ne sont pas inimitables et peuvent être modifiées à une date ultérieure au besoin. Elles doivent être communes et découler des actes de procédure comme elles le font.

[70] Il serait naïf de suggérer que l’examen des aspects des questions provinciales inhérents aux questions communes serait simple; il devrait toutefois être possible de le faire comme il est indiqué aux paragraphes 79 et suivants des présents motifs.

[71] Les questions communes modifiées contiennent une rhétorique superflue, qui ne sera peut-être pas utile en fin de compte pour résoudre le cœur du différend.

[72] En ce qui concerne l’objection du défendeur à certaines des nouvelles questions, la Cour est d’accord avec le fait que les questions f) et g) sont plus complémentaires aux questions b) à d), qui traitent plus directement de la question de la délégation.

[73] Par conséquent, les questions communes à certifier sont les suivantes :

Questions liées à la négligence systémique

  • a) Le défendeur avait-il une obligation de diligence envers le groupe et, dans l’affirmative, quelle était la portée de cette obligation?

  • b) Si la réponse à la question est « oui », le défendeur avait-il le droit de déléguer ses obligations ou certains aspects de celles-ci aux provinces et territoires et à leurs organismes de protection de l’enfance?

  • c) Si la réponse à la question b) est « non » ou si certains aspects de l’obligation du défendeur ne pouvaient pas être délégués, quelle était la norme de diligence due par le défendeur au groupe?

  • d) La conduite, les actes et les omissions du défendeur contrevenaient-ils à la norme de diligence applicable?

  • e) Si la réponse à la question d) est oui, est-il possible de définir le lien de causalité pour les préjudices subis par les membres du groupe comme une question commune?

  • f) Si la réponse aux questions communes a), d) et e), est « oui », la Cour peut-elle faire une évaluation globale des dommages-intérêts subis par tous les membres du groupe ou par certains membres et, dans l’affirmative, dans quelle mesure?

Questions liées à la Charte

  • g) Le défendeur a-t-il violé le droit des membres du groupe à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne d’une manière non conforme aux principes de justice fondamentale au sens de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?

  • h) Le défendeur a-t-il enfreint le droit des membres du groupe à la même protection égale et au même bénéfice de la loi indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, au sens de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés?

  • i) Si la réponse à la question commune h) ou i) est « oui », les actions du défendeur étaient-elles justifiées au regard de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés et, dans l’affirmative, dans quelle mesure et pendant quelle période?

  • j) Si la réponse à la question commune h) ou i) est « oui », et la réponse à la question commune j) est non, ces violations font-elles des dommages-intérêts une réparation convenable et juste au sens de l’article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés pour tout ou partie du groupe?

  • k) Si la réponse à la question commune j) est oui, la Cour peut-elle procéder à une évaluation globale des dommages-intérêts dus à certains ou à tous les membres du groupe au sens de l’article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés, et, dans l’affirmative, de quel montant?

Questions liées à l’enrichissement sans cause

  • l) Le défendeur a-t-il été enrichi sans cause par la perte des droits des membres du groupe issus de leur identité autochtone?

  • m) Si la réponse à la question commune l) est « oui », la Cour peut-elle procéder à une évaluation globale de la restitution qui devrait être versée aux membres du groupe ou à certains d’entre eux en raison des gains injustifiés réalisés par le défendeur et, dans l’affirmative, quel montant de restitution devrait être versé aux membres du groupe?

Questions liées aux dommages-intérêts

  • n) La conduite du défendeur justifie-t-elle l’octroi de dommages-intérêts punitifs?

  • o) Si la réponse à la question commune n) est « oui », quel devrait être le montant des dommages-intérêts punitifs à adjuger contre le défendeur?

E. Le meilleur moyen

[74] La question est de savoir si un recours collectif unique devant la Cour constitue la meilleure procédure à suivre. La question du « meilleur moyen » oppose généralement un recours collectif à une autre procédure, comme une demande unique ou une action en représentation. La requête en l’espèce ajoute une complexité en soulevant la question de savoir si un recours collectif présenté devant la Cour, par opposition à d’autres tribunaux et à plusieurs tribunaux, doit être le processus privilégié.

[75] Dans l’arrêt Wenham, le juge Stratas a décrit le critère de la procédure qui constitue le meilleur moyen au sens de l’alinéa 34.16(1)d) des Règles :

[77] Le critère établi dans l’arrêt Hollick aux paragraphes 27 à 31 est bien résumé dans le mémoire présenté par M. Wenham :

[TRADUCTION]

(a) le critère du meilleur moyen comporte deux concepts fondamentaux :

(i) premièrement, la question de savoir si le recours collectif serait un moyen juste, efficace et pratique de faire progresser l’instance;

(ii) deuxièmement, la question de savoir si le recours collectif serait préférable à tous les autres moyens raisonnables offerts pour régler les demandes des membres du groupe;

(b) pour faire cette détermination, il faut examiner les questions communes dans leur contexte, en tenant compte de l’importance des questions communes par rapport à la demande dans son ensemble;

(c) le critère du meilleur moyen peut être satisfait même lorsqu’il y a d’importantes questions individuelles; il n’est pas nécessaire que les questions communes prévalent sur les questions individuelles.

[78] L’analyse relative au meilleur moyen « s’effectue à la lumière des trois principaux objectifs du recours collectif : l’économie des ressources judiciaires, la modification des comportements et l’accès à la justice » : Fischer, au paragraphe 22.

[76] Dans les présents motifs, la Cour a fait référence au paragraphe 30 de l’arrêt Rumley au sujet du droit d’un demandeur de restreindre sa réclamation à la négligence, comme c’est le cas en l’espèce. L’affaire confirme de façon importante qu’il est préférable d’intenter un recours collectif lorsqu’un tort systémique est allégué, et ce, même si certains aspects des évaluations individuelles sont en jeu.

[77] La Cour d’appel, dans l’arrêt Greenwood, a confirmé que le type de cas présenté ici est souvent reconnu comme un recours collectif :

[181] En outre, pour citer le paragraphe 77 de l’arrêt Brake récemment rendu par notre Cour :

[...] point n’est besoin que l’issue des questions communes soit la même pour tous les membres du groupe. Plus précisément :

(a) pour qu’une question soit commune, il n’est pas nécessaire que le succès d’un membre du groupe entraîne nécessairement celui de tous les membres du groupe;

(b) une question commune peut exister même si la réponse qu’on lui donne peut différer d’un membre à l’autre du groupe, et la question commune peut exiger des réponses nuancées et diverses selon la situation de chaque membre;

(c) le critère de la communauté de questions n’exige pas une réponse identique pour tous les membres du groupe, ni même que la réponse bénéficie dans la même mesure à chacun d’entre eux. Il suffit que la réponse à la question ne crée pas de conflits d’intérêts entre les membres du groupe. Par exemple, le succès d’un membre ne doit pas provoquer l’échec d’un autre membre.

(Voir Vivendi, aux para. 44-46; Rumley, au para. 36; Hodge v. Neinstein, 2017 ONCA 494, 136 O.R. (3d) 81, au para. 114.)

[182] Les questions liées à la portée de l’obligation de diligence, au manquement et aux dommages-intérêts punitifs ont fréquemment été autorisées à titre de questions communes dans des recours pour négligence systémique, comme l’intimé le souligne à juste titre : voir, par exemple, Rumley; Cloud v. Canada (Attorney General), 2004 CarswellOnt 5026, [2004] O.J. No. 4924 (CA); Gay et autres c. Régie régionale de la santé 7 et Dr Menon, 2014 NBCA 10; Ross v. Canada (Attorney General), 2018 SKCA 12 et Francis v. Ontario, 2021 ONCA 197, pour ne nommer que quelques affaires où de telles conclusions ont été tirées ou confirmées par diverses cours d’appel. La Cour fédérale a également fréquemment autorisé des recours collectifs pour négligence systémique : voir, par exemple, Merlo; Tiller; Ross, Paradis Honey Ltd. c. Canada, 2017 CF 199, [2018] 1 R.C.F. 275; McLean c. Canada (Procureur général), 2018 CF 642 et Nasogaluak c. Canada (Procureur général), 2021 CF 656.

[78] Les demandeurs ont traité des facteurs non exhaustifs énoncés au paragraphe 34.16(2) des Règles. Je conclus qu’une procédure unique serait particulièrement importante pour les questions d’économie des ressources judiciaire et d’accès à la justice.

[79] Le défendeur n’a pas établi qu’un recours collectif n’est pas gérable dans la présente affaire et n’a pas non plus établi qu’il ne peut défendre sa position ou qu’un recours collectif devant la Cour uniquement avec une couverture nationale ne constitue pas le meilleur moyen.

[80] La présente affaire, à l’instar d’autres recours collectifs, fait ressortir les difficultés que posent les recours collectifs contre la Couronne en raison de restrictions constitutionnelles. Ces demandeurs ne peuvent pas résoudre l’épineux problème de ce recours collectif et ne devraient pas avoir à attendre sa résolution.

[81] Les recours collectifs mettant en cause des personnes et des actions situées au-delà des frontières spécifiques des limites pertinentes soulèvent aussi des problèmes, comme on le voit dans Option Consommateurs c Nippon Yusen Kabushiki Kaisha (NYK), 2022 QCCS 1338.

[82] Le défendeur a fait part de ses préoccupations au sujet du fait qu’il pourrait être contraint d’obtenir des preuves auprès des provinces à l’appui de sa défense dans cette action. Toutefois, la Cour dans Tippett c Canada, 2020 CF 714, a délivré des ordonnances de production en vertu de la de l’article 233 des Règles contre la province de la Colombie-Britannique (qui n’est pas une partie au recours collectif). La même approche fondée sur des principes s’appliquerait vraisemblablement à d’autres provinces et territoires qui ne sont pas parties au présent recours collectif. À cette étape, on ne peut pas dire que le Canada ne peut pas se défendre adéquatement dans le présent recours collectif.

[83] Le défendeur ne m’a pas convaincu et n’a pas avancé d’argument selon lequel il existe une meilleure procédure pour examiner la réclamation des demandeurs.

[84] Le défendeur soutient qu’une procédure devant une cour supérieure pourrait permettre une participation provinciale et territoriale. Bien que cela soit sans doute vrai, le défendeur n’a pas expliqué comment cela pourrait être fait pour un recours collectif national. L’idée que chaque groupe comprend uniquement des membres de la province ou du territoire en question invite treize poursuites judiciaires à l’échelle du pays, une perspective vraiment décourageante, particulièrement pour les demandeurs.

[85] De telles instances multiples portant sur des questions relatives aux enfants et aux jeunes autochtones ouvrent la porte à faire des affaires des « ballons politiques » comme entre le Canada et les provinces et les territoires. Cette perspective porte atteinte à celle qui a été déterminée et qui est à éviter en vertu du principe de l’arrêt Jordan.

[86] Il a été suggéré notamment que la cour principale soit une cour supérieure provinciale d’une province; le défendeur n’a toutefois pas montré comment d’autres provinces relèveraient ou pourraient relever de la compétence d’une autre province en ce qui concerne les lois et les actions de la première province.

[87] Même s’il faut se garder de tirer trop de conclusions sur les recours collectifs où le consentement à la certification faisait partie du processus de certification, le Canada a été disposé à accepter les recours collectifs devant la Cour dans de nombreuses actions de ce genre. Il l’a fait dans la décision Moushoom où le recours sollicité était similaire à celui demandé en l’espèce. La principale différence réside dans le fait que, dans l’action en l’espèce, l’accent est mis sur le financement et les mesures d’aide à l’enfance hors réserve, tandis que la décision Moushoom traitait du financement dans les réserves et des aspects d’un groupe visé par le principe de l’arrêt Jordan.

[88] La nature longue et multijuridictionnelle du litige lié à la rafle des années 60 est une mise en garde et beaucoup plus simple, qui concerne un tribunal plutôt qu’une instance Stonechild multijuridictionnelle. Ce n’est qu’après huit ans de litige en Ontario que le règlement national s’est concrétisé dans la décision Riddle.

[89] Dans les décisions Moushoom et Varley, le Canada a accepté son rôle de défendeur unique. Pour ce qui est de l’équité fondée sur les actes de procédure dans l’instance Stonechild en l’espèce, le Canada est mieux placé pour gérer les témoins provinciaux (dans la mesure nécessaire) que les présents demandeurs.

[90] En ce qui a trait à l’accès au champ de compétence, une procédure unique est un processus plus simple que les demandes multijuridictionnelles. Compte tenu de la nature du recours, et de la probabilité que les demandeurs soient en mesure d’intenter une action individuellement ou en groupe, une procédure de recours collectif est manifestement plus efficace et efficiente. Il pourrait fort bien s’agir du seul moyen dont ce type de litige peut procéder.

[91] En ce qui concerne l’économie des ressources judiciaires, une fois de plus, la tenue d’une seule instance devant une juridiction nationale est plus efficace. Le Canada affirme que l’économie des ressources judiciaire est limitée puisque cette procédure est incomplète en raison de l’absence de provinces et de territoires. Compte tenu de la conclusion de la Cour sur une question commune et du droit des demandeurs de choisir leur cible en ce qui concerne la responsabilité, un recours collectif devant la Cour offre une économie suffisante, sinon plus grande, des ressources judiciaires que d’autres procédures.

[92] Pour ce qui est de la modification du comportement, même si le Canada affirme que ce facteur a été pris en compte dans la nouvelle Loi, un recours collectif est plus susceptible de contribuer à l’application, au financement et à l’administration de la loi comme il se doit. Le recours collectif est susceptible de maintenir le Canada sur la bonne voie – « stable et vraie ».

[93] Le Canada a répété à maintes reprises qu’il souhaite une réconciliation et une résolution. Malgré la longue période au cours de laquelle les actes reprochés ont été commis, cela ne s’est pas produit et rien n’a laissé entendre que cela se produirait ou qu’il existait un mécanisme de résolution. Les propos de l’ancien juge en chef dans l’arrêt Rumley donnent à penser qu’un recours collectif peut être utile afin d’atténuer le préjudice et même créer un moyen de règlement.

39 Le dernier facteur consiste à déterminer « si l’administration du recours collectif créerait des difficultés plus grandes que celles qui surviendront vraisemblablement dans le cas où la réparation est sollicitée par d’autres moyens » : al. 4(2)e). À ce sujet, il est nécessaire de souligner la vulnérabilité particulière des demandeurs en l’espèce. Les membres du groupe sont sourds, aveugles ou les deux. Le recours en justice est toujours un processus difficile, mais je suis convaincue qu’il sera extrêmement difficile pour les membres du groupe en l’espèce. Permettre que la poursuite prenne la forme d’un recours collectif peut contribuer à mitiger les difficultés des membres du groupe. Je suis donc entièrement d’accord avec la conclusion du juge Mackenzie selon laquelle [TRADUCTION] « [l]es barrières à la communication auxquelles les élèves faisaient face au moment des présumées agressions et auxquelles ils font face actuellement dans le processus judiciaire favorisent une procédure commune pour expliquer l’importance de ces barrières et recueillir des preuves pertinentes ». Il ajoute : « [l]e recours collectif devrait contribuer à combiner l’expertise requise pour aider les élèves à communiquer leur témoignage de façon efficace » (p. 9).

V. Conclusion

[94] Pour tous ces motifs, la présente action sera certifiée comme recours collectif aux termes de l’ordonnance de certification.

« Michael L. Phelan »

Juge

Ottawa (Ontario)

le 17 juin 2022

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-620-20

 

INTITULÉ :

CHEYENNE PAMA MUKOS STONECHILD, LORI‐LYNN DAVID ET STEVEN HICKS c SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 12 et 13 avril 2022

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

le 17 juin 2022

 

COMPARUTIONS :

Angela Bespflug

Janelle O’Connor

Maxime Faille

Keith Brown

Aaron Christoff

 

POUR LES DEMANDEURs

 

Catharine Moore

Travis Henderson

Stéphanie Dion

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Murphy Battista LLP

Avocats

Vancouver (Colombie‐Britannique)

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L.

Avocats

Vancouver (Colombie‐Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURs

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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