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Date : 20220607


Dossier : IMM89221

Référence : 2022 CF 839

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 juin 2022

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

SARATH BABU MARADANI,

SARAH SUCHARITHA MARADANI ET SHALLOM SOLOMON MARADANI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

  1. La nature de l’affaire

[1] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision du 26 janvier 2021 par laquelle un agent principal de l’immigration [l’agent] a rejeté la demande de résidence permanente de Sarath Babu Maradani présentée pour des considérations d’ordre humanitaire [la décision]. M. Maradani est le demandeur principal dans la présente demande [le demandeur principal]. Les autres demandeurs sont l’épouse du demandeur principal, Sarah, et leur fils mineur [le demandeur mineur], qui ont été inclus comme personnes à charge dans la demande du demandeur principal fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Conformément au paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], l’agent a conclu qu’il n’y avait pas de motifs d’ordre humanitaire suffisants permettant de justifier une dispense des exigences applicables à l’octroi de la résidence permanente.

[2] La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Contexte

[3] Les demandeurs sont des citoyens de l’Inde. À 23 ans, le demandeur principal a perdu ses deux parents, qui sont décédés. Il dépendait, sur les plans financier et émotionnel, de sa sœur aînée, Suneetha, qui a immigré au Canada et a fini par devenir citoyenne canadienne. Au Canada, Suneetha a continué à soutenir le demandeur principal. Aucun autre membre de la famille immédiate du demandeur principal ne vivait alors en Inde. Suneetha et son époux sont enseignants à Toronto, et ils ont un fils adulte.

[4] Les demandeurs sont venus au Canada la première fois pour rendre visite à Suneetha, le 27 mai 2015. Lorsque les demandeurs ont quitté l’Inde, le demandeur mineur avait quatre ans. Il est scolarisé à domicile par Suneetha et son époux, parce qu’il ne peut pas s’inscrire à l’école primaire. Le demandeur mineur parle uniquement l’anglais. Le fils de Sarah issu d’un mariage précédent est également venu au Canada avec les demandeurs, mais il est retourné en Inde le 24 juin 2017 pour vivre avec son père biologique.

[5] Le demandeur principal est retourné en Inde seul et il est entré de nouveau au Canada le 24 décembre 2015. Les demandeurs demeurent au Canada de façon continue depuis cette date, et ils ont conservé leur statut de visiteur. Au moment de la décision, les demandeurs ont été autorisés à demeurer au Canada jusqu’au 16 juillet 2021. Le demandeur principal a présenté trois demandes de permis d’études, qui ont été rejetées le 17 décembre 2015, le 6 avril 2016 et le 5 juin 2017.

[6] Les demandeurs ont toujours habité avec Suneetha et son époux. Ils occupent divers emplois pour se faire un peu d’argent, et lorsque de tels emplois ne sont pas disponibles, ils aident à l’entretien ménager et à la cuisine pour la famille de Suneetha. Ils comptent également sur des revenus de location tirés de propriétés qu’ils possèdent en Inde.

[7] Les demandeurs ont présenté leur première demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire le 15 février 2018, et la demande a été rejetée le 29 mai 2019. Ils ont présenté leur deuxième demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire [la demande] le 10 septembre 2019, et cette demande est visée par le présent contrôle judiciaire.

[8] Dans leur demande, les demandeurs ont soulevé trois facteurs d’ordre humanitaire, soit l’établissement, l’intérêt supérieur de l’enfant et les conditions défavorables dans le pays. La demande énonçait les éléments suivants : le demandeur principal avait besoin d’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire parce que ses notes au test d’anglais n’étaient pas assez élevées pour lui permettre d’immigrer au Canada par d’autres moyens; les demandeurs ont un degré élevé d’établissement au Canada parce qu’ils fréquentent régulièrement l’église et sont actifs dans la collectivité et parce que Suneetha réside à Toronto; l’intérêt supérieur de l’enfant joue en faveur de l’acceptation de la demande parce que le demandeur mineur a vécu au Canada pendant la majeure partie de sa vie, il ne comprend que l’anglais, il est attaché à Suneetha et à sa famille, et il aurait de la difficulté à s’adapter à la température en Inde; les demandeurs seraient exposés à des conditions défavorables en Inde en tant que chrétiens.

III. Décision

[9] L’agent a accordé un certain poids à l’établissement des demandeurs, soulignant leur famille et leurs amis au Canada et leur fréquentation de l’église. Il a toutefois conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré un degré d’établissement au Canada suffisant pour justifier la prise de mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire. Il a souligné que tous les demandeurs sont nés en Inde. De plus, les demandeurs adultes y ont habité la plus grande partie de leur vie, y ont fréquenté l’école et parlent l’une des langues du pays. Sarah a également de la famille immédiate en Inde, y compris un fils adulte et une sœur, et peu de renseignements permettaient de conclure que ces derniers ne seraient pas disposés à offrir du soutien. Au bout du compte, l’agent a conclu que les demandeurs seraient fort probablement en mesure de s’établir de nouveau en Inde.

[10] L’agent a également conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré qu’ils pouvaient personnellement faire l’objet de discrimination et de persécution en Inde en raison de leur religion chrétienne. Il a souligné que, selon le 2019 Report on International Religious Freedom for India (rapport de 2019 sur la liberté religieuse internationale en Inde) du département d’État américain [le rapport de 2019], l’Inde est une démocratie, et les minorités religieuses disposent de divers droits juridiques. Il a reconnu que le même rapport a également fait état de 527 incidents de persécution de chrétiens pendant l’année visée. Selon un autre rapport, la violence sociétale fondée sur la religion demeure une source de grave préoccupation, surtout pour les musulmans et les castes inférieures. L’agent a conclu qu’il n’y avait [traduction] « pas suffisamment d’éléments de preuve permettant d’établir une possibilité sérieuse de discrimination ou de préjudice personnel attribuable à leurs croyances et à leurs pratiques religieuses, s’ils retournaient en Inde ».

[11] Enfin, l’agent a conclu que le demandeur mineur pourrait éprouver des difficultés affectives s’il retournait en Inde, mais que, dans l’ensemble, l’intérêt supérieur de ce dernier ne serait pas touché, et ce, pour les raisons suivantes :

  • a) il peut maintenir sa relation avec la famille de Suneetha au moyen du téléphone, du courrier, d’Internet ou de visites;

  • b) rien ne permet de démontrer qu’il ne pourrait pas poursuivre ses études en Inde;

  • c) même s’il y aura une période initiale d’inconfort, il réapprendra probablement sa langue maternelle, l’hindi, et réintégrera l’Inde avec succès;

  • d) il ne connaissait pas la langue, la culture et les normes sociales du Canada à son arrivée. Il a ainsi démontré qu’il s’adaptera et s’épanouira en Inde;

  • e) les demandeurs adultes lui ont offert un environnement aimant, sécuritaire et sain, et il pourra continuer à compter sur leur soutien et leur encouragement en Inde;

  • f) ses intérêts et ses besoins fondamentaux seront satisfaits, peu importe le pays où il se trouve, parce qu’il sera avec ses parents et qu’il profitera de leur amour et de leurs conseils.

[12] Après avoir évalué la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire dans son ensemble, l’agent a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaire justifiant une dispense.

IV. Questions en litige et norme de contrôle

[13] Les parties conviennent que la seule question en litige en l’espèce est d’établir si la décision est raisonnable. Voici les sous‑questions dans la présente affaire :

  1. L’agent a‑t‑il évalué les difficultés attribuables à l’identité religieuse de façon raisonnable?

  2. L’agent a‑t‑il évalué l’intérêt supérieur de l’enfant de façon raisonnable?

[14] Je conviens avec les parties que la norme de contrôle applicable pour les deux sous‑questions est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 1617, 2325 [Vavilov]). Aucune des exceptions énoncées dans l’arrêt Vavilov n’est en cause en l’espèce. La dispense pour motifs d’ordre humanitaire est une mesure « exceptionnelle et hautement discrétionnaire et [...] il convient de faire preuve d’une grande déférence à l’égard de l’agent décideur » (Alghanem c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1137 au para 20, citant Miyir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 73 au para 12; Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 841 au para 15; Nguyen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 27 aux para 28 et 29).

[15] Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit tenir compte du résultat de la décision administrative et du raisonnement sous‑jacent afin d’établir si « la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée » (Vavilov, au para 15). Pour qu’une décision soit raisonnable, le décideur doit tenir suffisamment compte de la preuve dont il dispose et répondre aux observations du demandeur (Vavilov, aux para 8996, 125128). Une décision est jugée déraisonnable si elle comporte des déficiences qui sont suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, au para 100). Une cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, ne doit pas modifier les conclusions de fait de celui‑ci (Vavilov, au para 125).

V. Analyse

A. L’agent a‑t‑il évalué les difficultés attribuables à l’identité religieuse de façon raisonnable?

(1) Position des demandeurs

[16] L’agent a commis une erreur en exigeant une preuve personnalisée selon laquelle les demandeurs ont déjà subi des difficultés en Inde en raison de leur religion. Des difficultés peuvent découler des conditions générales dans le pays si de telles conditions ont une incidence néfaste directe sur le demandeur (Caliskan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1190 au para 26 [Caliskan]). La preuve relative aux conditions générales dans le pays établit que, en Inde, les demandeurs subissent des conséquences néfastes directes en tant que chrétiens, même s’ils n’ont pas de preuve personnalisée de difficultés antérieures (Aboubacar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 714 aux para 10‑12).

(2) Position du défendeur

[17] L’agent a conclu de façon raisonnable que les affirmations des demandeurs étaient générales et qu’elles n’étaient pas étayées par des éléments de preuve. Les demandeurs n’ont tout simplement pas démontré que les conditions dans le pays « ont une incidence néfaste directe sur le[s] demandeur[s] », comme l’exige la décision Caliskan (au para 39; voir aussi Lee c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 504 aux para 17, 78‑79, 82 [Lee]; Paramanayagam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1417 aux para 19‑21; Vuktilaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 188 au para 36). Il était loisible à l’agent d’exiger quelque chose de plus que des conditions défavorables générales pour démontrer « une incidence néfaste directe ».

[18] La preuve objective va dans le sens de la décision de l’agent d’accorder peu de poids aux observations des demandeurs sur les difficultés religieuses. Les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils se trouvaient dans une situation similaire à celle des personnes mentionnées dans la preuve.

(3) Conclusion

[19] Il est utile de commencer par décrire brièvement certains des principes généraux applicables aux dispenses pour motifs d’ordre humanitaire.

[20] En vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR, « [i]l peut y avoir des motifs dictés par l’humanité ou la compassion pour laisser entrer des gens qui, règle générale, seraient inadmissibles » (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 aux para 12‑13 [Kanthasamy]). Le paragraphe 25(1) n’est pas censé constituer un régime d’immigration parallèle et il n’est pas censé faire double emploi avec les procédures relatives au statut de réfugié (Kanthasamy, aux para 23‑24).

[21] Les éléments qui justifient une dispense dépendent des faits et du contexte de chaque affaire. Dans chaque cas, il incombe au demandeur d’établir qu’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire est justifiée (Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189 au para 45). L’évaluation « des difficultés permet de déterminer si des considérations d’ordre humanitaire justifient une dispense sur le fondement du par. 25(1) » (Kanthasamy, au para 22). Les Lignes directrices ministérielles établissent une liste non exhaustive de facteurs qui peuvent être pertinents pour évaluer si les demandeurs seront confrontés à des difficultés. Les facteurs pertinents en l’espèce sont « l’intérêt supérieur de tout enfant touché par sa demande » et « des conditions défavorables dans le pays qui ont une incidence néfaste directe sur le demandeur » (Kanthasamy, aux para 27, 55). L’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant exige une analyse particulière qui se distingue de l’analyse des « difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées ». La méthode appropriée d’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant est traitée de façon plus détaillée ci‑après.

[22] En gardant ces principes à l’esprit, je vais maintenant aborder l’analyse des difficultés effectuée par l’agent.

[23] J’estime que l’analyse de l’agent à l’égard de l’identité religieuse des demandeurs est raisonnable. Dans l’arrêt Kanthasamy, la Cour suprême du Canada a conclu que le demandeur doit montrer qu’il « sera vraisemblablement touché par une condition défavorable ». Au paragraphe 56 de l’arrêt Kanthasamy, la Cour suprême déclare :

Il appert [des Lignes directrices] que le demandeur doit seulement montrer qu’il sera vraisemblablement touché par une condition défavorable comme la discrimination. La preuve d’actes discriminatoires contre d’autres personnes qui partagent les mêmes caractéristiques personnelles est donc clairement pertinente pour l’application du par. 25 (1), et ce, que le demandeur puisse démontrer ou non qu’il est personnellement visé. Des inférences raisonnables peuvent en être tirées.

[Non souligné dans l’original.]

[24] Ainsi, lorsqu’il a effectué une analyse des difficultés, l’agent pouvait tenir compte des expériences d’autres personnes qui partagent les mêmes caractéristiques personnelles que les demandeurs. À cet égard, la Cour suprême a cité la décision Aboubacar avec approbation (Kanthasamy, au para 56), dans laquelle le juge Rennie a déclaré ce qui suit au paragraphe 12 :

Bien que les demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire en vertu de l’article 25 doivent s’appuyer sur la preuve, il existe des circonstances où les conditions dans le pays d’origine sont telles qu’elles confortent l’inférence raisonnable relativement aux difficultés auxquelles un demandeur en particulier serait exposé à son retour [...]. Il ne s’agit pas d’une hypothèse, mais bien d’une inférence raisonnée, de nature non hypothétique, relativement aux difficultés auxquelles une personne serait exposée, et, de ce fait, cela constitue le fondement probatoire d’une analyse sérieuse et individualisée [...]

[25] En somme, un agent ne peut exiger la preuve directe que le demandeur fait ou ferait l’objet de discrimination (Kanthasamy, au para 54). Par conséquent, un agent peut examiner les expériences d’autres personnes qui partagent les mêmes caractéristiques personnelles que le demandeur et tirer une inférence « raisonnable » selon laquelle le demandeur fera probablement lui aussi l’objet de discrimination. Il incombe toutefois toujours au demandeur de présenter le fondement d’une telle inférence. Autrement dit, selon les directives de la Cour suprême, le demandeur doit tout de même démontrer qu’il est lui‑même susceptible de faire l’objet de discrimination.

[26] Dans la décision Aboubacar, le juge Rennie s’est dit préoccupé du fait qu’un agent avait tenu compte de plusieurs faits préjudiciables à la population générale du Niger et a ensuite conclu que de telles conditions ne toucheraient probablement pas le demandeur :

En l’espèce, l’agent a fait remarquer que le Niger était le pays le plus pauvre de la terre, qu’il avait le deuxième taux de mortalité infantile le plus élevé, que 8 % de sa population était réduite en esclavage et qu’un conflit interne avait forcé le déplacement de 200 000 personnes. L’agent a également fait remarquer que le Niger était en proie à une sécheresse pérenne qui menaçait les moyens d’existence de 80 % de la population qui dépendait entièrement de l’agriculture. Après avoir exposé ces faits, l’agent a conclu ainsi : [traduction] « Je suis d’avis que la preuve dont je dispose ne suffit pas à démontrer que le demandeur serait personnellement touché par les conditions dans ce pays. Bien que je reconnaisse que les conditions au Niger ne sont pas favorables, elles affligent la population en général » (au para 10).

[27] Dans l’affaire Aboubacar, il y avait des motifs suffisants permettant de tirer une inférence raisonnable selon laquelle le demandeur lui‑même ferait probablement l’objet de discrimination. Je conviens avec le défendeur que les faits en l’espèce ne sont pas les mêmes que dans Aboubacar. Dans la présente affaire, l’agent a examiné la preuve relative aux conditions dans le pays et a souligné que les minorités religieuses bénéficient de diverses protections juridiques en Inde. L’agent a conclu que la violence motivée par la religion est une source de [traduction] « grave préoccupation », mais que [traduction] « les musulmans et les groupes dalits de caste inférieure [sont] les plus vulnérables ». L’agent a également reconnu que, en un an, 527 incidents de persécution contre des chrétiens ont été enregistrés. Compte tenu de la taille de la population de l’Inde, il était raisonnable pour l’agent d’exiger plus d’éléments de preuve avant de tirer une inférence « raisonnable » ou « raisonnée » (Aboubacar, au para 12) selon laquelle les demandeurs seraient probablement touchés par la discrimination parce qu’ils étaient chrétiens. Lorsqu’il a effectué son analyse des difficultés, l’agent a commencé par examiner la preuve générale relative aux conditions dans le pays. Après avoir examiné la preuve générale, l’agent conclut que les affirmations des demandeurs selon lesquelles ils [traduction] « pourraient personnellement faire l’objet de discrimination » sont [traduction] « générales et ne sont pas étayées par la preuve ». Il ne s’agit pas d’une erreur. Comme il a déjà été expliqué précédemment, la discrimination dont les demandeurs feront l’objet, prétendent‑ils, doit vraisemblablement les toucher personnellement.

[28] Ce n’est qu’après avoir évalué la preuve générale que l’agent affirme : [TRADUCTION] « [l]a preuve contient peu de renseignements ou de détails démontrant que le demandeur et sa famille ont fait l’objet de menaces, de harcèlement ou de violence en raison de leurs croyances et pratiques chrétiennes pendant qu’ils étaient en Inde ». Plus loin, l’agent écrit dans la même veine que [traduction] « le demandeur a présenté peu de renseignements et de documents objectifs pour décrire des expériences ou des exemples précis de persécution ou de discrimination dont lui, sa famille ou une personne dans une situation semblable à la leur ont fait l’objet en Inde ». Si l’agent avait tiré de telles conclusions sans avoir d’abord tenu compte de la preuve générale relative aux conditions dans le pays, la décision serait déraisonnable. Toutefois, lorsqu’elles sont lues dans le contexte approprié, ni l’une ni l’autre des affirmations ne laisse supposer que l’agent a exigé des éléments de preuve personnalisés. L’agent s’est d’abord demandé s’il y avait suffisamment d’éléments de preuve généraux permettant d’établir que les demandeurs seraient probablement touchés par la discrimination. Après avoir conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve généraux, l’agent s’est demandé s’il y avait des éléments de preuve personnalisés de discrimination antérieure. À mon avis, une telle approche ne démontre pas que l’agent a exigé des éléments de preuve personnalisés. L’agent effectuait simplement une analyse complète.

B. L’agent a‑t‑il évalué l’intérêt supérieur de l’enfant de façon raisonnable?

(1) Position des demandeurs

[29] L’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant par l’agent est déraisonnable pour au moins trois raisons. Premièrement, l’agent n’a pas vraiment tenu compte de l’intérêt supérieur en concluant que l’intérêt supérieur du demandeur mineur serait servi si ce dernier demeurait avec ses parents, peu importe le pays où ils se trouvent. L’agent a commis une erreur parce qu’il n’a pas tiré de conclusion sur l’intérêt supérieur du demandeur mineur selon qu’il reste au Canada ou qu’il quitte le pays au renvoi de ses parents, ce qui constitue l’essence du critère de l’intérêt supérieur de l’enfant (Joseph c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 993 aux para 15, 17, 20 [Joseph]).

[30] Deuxièmement, l’agent a reconnu que le demandeur mineur se heurterait à des difficultés, mais il n’a pas tenu compte de ces difficultés parce que le demandeur mineur a déjà montré sa capacité d’adaptation lorsqu’il est venu au Canada la première fois. Effectuer une analyse selon une telle approche, c’est vider de son sens l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant (Bautista c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1008, aux para 23, 28 [Bautista]). Les demandeurs ont expliqué que le demandeur mineur se heurterait à diverses difficultés, notamment celle de devoir réapprendre l’hindi.

[31] Enfin, l’agent a fait fausse route en adoptant une approche reposant sur les « besoins fondamentaux » lorsqu’il a évalué l’intérêt supérieur du demandeur mineur (Williams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 166 aux para 64‑65 [Williams]). L’agent a reconnu que les études du demandeur mineur au Canada seraient perturbées et que le demandeur mineur serait ainsi confronté à des difficultés. L’agent a ensuite écarté ce facteur parce que rien n’indiquait que le demandeur mineur ne pourrait pas poursuivre ses études en Inde. L’agent conclut effectivement que l’intérêt supérieur de l’enfant est protégé tant que le demandeur mineur peut fréquenter l’école et qu’il n’est pas privé de ses droits, peu importe la nature, la qualité et l’étendue de la protection. En tirant une telle conclusion, l’agent a imposé un critère très rigoureux, qui rappelle le critère des « difficultés disproportionnées » ou des « besoins fondamentaux » que la Cour a rejeté.

(2) Position du défendeur

[32] L’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant que l’agent a effectuée était raisonnable. L’agent n’a pas évalué l’intérêt supérieur du demandeur mineur uniquement en tenant pour acquis qu’il resterait avec ses parents. L’agent a également tiré d’autres conclusions, notamment sur la capacité d’adaptation du demandeur mineur, sa capacité d’étudier en Inde et sa capacité à acquérir de nouveau des compétences linguistiques.

[33] Il était raisonnable pour l’agent de se fonder sur ces conclusions, particulièrement à la lumière des observations limitées présentées par les demandeurs à cet égard (De Sousa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 818 au para 38; Edo‑Osagie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1084 au para 29 [Edo‑Osagie]). La capacité d’un demandeur mineur de se réadapter ne vide pas de son sens l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant (Edo‑Osagie, aux para 27‑28). De même, « [le] fait que les enfants bénéficient de parents aimants et investis est un facteur pertinent » et « l’agent ne fait pas que “déclarer ce qui est évident” » (Ahmed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 777 au para 26 [Ahmed]).

[34] L’agent ne s’est pas non plus seulement demandé si les « besoins fondamentaux » du demandeur mineur seraient satisfaits. L’agent ne s’est pas uniquement demandé si le demandeur mineur pourrait fréquenter l’école. L’agent a plutôt tenu compte de facteurs pertinents comme la possibilité pour le demandeur mineur de poursuivre ses études, de se réadapter à la culture et à la langue du pays où il est né, et de demeurer sous la garde et la protection de ses parents. Dans l’ensemble, l’agent a conclu de façon raisonnable que l’intérêt supérieur du demandeur mineur serait respecté en Inde (Ahmed, au para 28; Lee, aux para 50‑51).

(3) Conclusion

[35] L’application du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dépend fortement du contexte, et elle doit tenir compte de l’enfant dont il est question et de sa situation (Kanthasamy, au para 35). Bien que l’intérêt supérieur de l’enfant constitue un facteur important auquel il faut accorder un poids considérable, il n’est pas nécessairement déterminant (Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475 aux para 2 et 8 [Hawthorne]).

[36] J’estime que l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant effectuée par l’agent est raisonnable, pour les raisons que je vais maintenant exposer. Premièrement, je suis d’accord avec le défendeur sur le fait que l’agent n’a pas évalué l’intérêt supérieur de l’enfant uniquement en tenant pour acquis qu’il resterait avec ses parents. Pourvu que l’analyse ne se limite pas à cet aspect, une décision relative aux motifs d’ordre humanitaire n’est pas déraisonnable du simple fait que l’agent déclare expressément qu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant de demeurer avec ses parents (Mebrahtom c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 821 au para 16 [Mebrahtom]. À titre de comparaison, dans l’affaire Joseph, l’agent a simplement conclu ce qui suit :

Bien que je sois réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants, j’estime qu’il est dans l’intérêt supérieur des enfants qu’ils demeurent avec les principales personnes s’occupant d’eux. La technologie actuelle permet aux enfants de garder le contact et d’entretenir les liens avec leur famille et leurs amis au moyen des nombreux médias sociaux. Je ne suis pas convaincu qu’une dispense est justifiée dans le présent cas.

[Soulignement ajouté par la Cour dans la décision Joseph, au para 16.]

[37] Dans la décision Joseph, l’agent, sans analyse, s’est écarté de la présomption implicite selon laquelle il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant de demeurer avec ses parents au Canada (Joseph, aux para 21‑22, citant Hawthorne, aux para 5‑6). L’agent n’a pas établi de distinction entre les conséquences que les enfants subiraient s’ils étaient renvoyés ou s’ils demeuraient au Canada (au para 20), contrairement à ce qu’a fait l’agent en l’espèce.

[38] Dans la présente affaire, l’agent n’a pas mentionné explicitement en quoi consiste l’intérêt supérieur du demandeur mineur (voir Williams, au para 63). Toutefois, les motifs sont clairs sur le fait que l’agent a reconnu qu’il était dans l’intérêt supérieur du demandeur mineur de rester au Canada avec ses parents. La Cour d’appel fédérale a fait référence à cette « prémisse [...] implicite » que l’agent « n’a pas à exposer dans ses motifs » (Hawthorne, au para 5).

[39] L’agent a ensuite apprécié « la situation dans laquelle [le demandeur mineur serait en Inde], l’a comparée à celle de la famille si elle restait au Canada et a pris en considération les conséquences sur [le demandeur mineur] » (Mebrahtom, au para 16). L’agent a examiné et soupesé les conséquences défavorables que le demandeur mineur subirait en raison de la séparation d’avec ses parents canadiens, de la perturbation de ses études et du fait qu’il ne parle que l’anglais. L’agent a tenu compte du fait que le demandeur mineur pourrait maintenir les liens avec les membres de sa famille, poursuivre ses études en Inde, réapprendre l’hindi et continuer d’avoir l’amour et le soutien de ses parents en Inde. Dans l’affaire Joseph, par contre, aucune analyse n’a été effectuée, et l’agent n’a pas établi de distinction entre les conséquences que l’enfant subirait s’il était renvoyé du Canada ou s’il demeurait au Canada.

[40] Deuxièmement, je ne suis pas d’accord avec les demandeurs sur le fait que la décision est déraisonnable parce que l’agent a souligné la résilience et la capacité d’adaptation du demandeur mineur. Je ne suis pas d’accord pour dire que l’agent a fondé son analyse entièrement sur ce point. L’agent a souligné la capacité d’adaptation du demandeur mineur dans le contexte de sa réponse aux observations des demandeurs au sujet des obstacles linguistiques.

[41] De plus, lorsqu’il a mentionné que le demandeur mineur peut s’adapter, l’agent s’est appuyé sur le fait que, au moment de la présentation de la demande, le demandeur mineur avait vécu en Inde pendant la moitié de sa vie et que, à son arrivée au Canada, il a appris une nouvelle langue et s’est initié à une nouvelle culture. Les faits sont différents de ceux de l’affaire Bautista, dans laquelle l’enfant est né au Canada, avait passé toute sa vie (12 ans) au Canada et avait uniquement fréquenté l’école au Canada. De plus, dans la décision Bautista, la Cour a souligné que la mère de l’enfant n’avait aucun lien ni aucun revenu dans son pays d’origine, ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire (au para 21).

[42] Plus important encore, selon la décision Bautista, il y avait « une abondance de preuves révélant que l’agent aurait pu, et même dû, examiner » (au para 19). En l’espèce, l’agent a souligné [TRADUCTION] « que les observations contiennent peu de détails concernant la situation actuelle [du demandeur mineur] ». En ce qui concerne les études, l’agent a souligné qu’il n’y avait [TRADUCTION] « aucun document concernant les études [du demandeur mineur] » et que les observations des demandeurs contenaient peu de renseignements au sujet des études en Inde. Les observations des demandeurs au sujet de l’intérêt supérieur de l’enfant étaient constituées de passages tirés de la jurisprudence pertinente ainsi que d’une liste de puces qui peuvent se résumer aux éléments suivants : le demandeur mineur a vécu au Canada la majeure partie de sa vie; il ne comprend que l’anglais; il est attaché à sa tante, à son oncle et à son cousin; il aurait de la difficulté à s’adapter à la température en Inde.

[43] Je trouve que la présente affaire ressemble davantage à l’affaire Edo‑Osagie. Comme les demandeurs l’ont reconnu, la Cour dans cette affaire a souligné que les demandeurs n’ont présenté aucun élément de preuve sur les « difficultés auxquelles les enfants pourraient être confrontés dans leur adaptation à une nouvelle culture » (au para 29). La Cour a ajouté que le dossier « contient peu de renseignements sur les antécédents de la famille, ses compétences linguistiques et culturelles, ses connaissances du Nigéria ou le séjour en Italie » (au para 29). Les demandeurs soutiennent que, en comparaison, ils ont expliqué que le demandeur mineur ne pouvait pas parler hindi. Pour les motifs déjà exposés précédemment, je conclus que l’agent s’est montré « réceptif, attentif et sensible » à cette observation (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 au para 75, 174 DLR (4th) 193). L’agent devait tenir compte « des répercussions concrètes de la décision sur l’intérêt supérieur des enfants » (Ahmed, au para 27). L’agent l’a fait et il a conclu de façon raisonnable que le demandeur mineur pourrait apprendre l’hindi de nouveau.

[44] Enfin, je ne suis pas d’accord avec les demandeurs pour dire que l’agent a adopté une approche reposant sur les « besoins fondamentaux » lorsqu’il a évalué l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans la décision Williams, le juge Russell a expliqué cette erreur aux paragraphes 64 et 65 :

Il n’existe pas de norme minimale en matière de besoins fondamentaux qui satisferait au critère de l’intérêt supérieur. De plus, il n’existe pas de critère minimal en matière de difficultés suivant lequel à un certain point dans l’échelle des difficultés et seulement à ce point pourrait‑on considérer que l’intérêt supérieur de l’enfant est « compromis » au point de justifier une décision favorable. La question n’est pas celle de savoir si l’enfant « souffre assez » pour que l’on considère que son « intérêt supérieur » ne sera pas « respecté ». À cette étape initiale de l’analyse, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : « en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant? »

Par exemple, l’agent ne devrait pas mettre fin à son analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant après avoir conclu que ce dernier ne souffre ni de mauvais traitement ni de malnutrition ou, comme dans la présente décision, qu’on ne lui a pas carrément refusé l’accès à des soins médicaux. Pour qu’on puisse conclure qu’il a été « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur de l’enfant, il faut que l’agent ait tenu compte de la situation de l’enfant en se plaçant du point de vue de l’enfant pour ensuite déterminer ce en quoi consiste l’intérêt supérieur de ce dernier.

[En italique et souligné dans l’original.]

[45] En l’espèce, l’agent n’a pas conclu que le fait de poursuivre des études en Inde répondrait aux besoins fondamentaux du demandeur mineur. L’agent n’a pas non plus mis fin à l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant après avoir conclu que le demandeur mineur serait probablement en mesure de poursuivre des études en Inde. L’agent a examiné les possibilités d’instruction en Inde parce que les demandeurs ont soulevé le fait que le demandeur mineur était scolarisé à domicile par sa tante et son oncle. De plus, bien qu’il utilise les termes [traduction] « intérêt supérieur et besoins fondamentaux » vers la fin de la décision, l’agent ne parle alors pas des études du demandeur mineur, qu’il analyse plus tôt. Malgré l’utilisation de ces termes, le fond de la décision révèle que l’agent a effectué l’analyse appropriée de l’intérêt supérieur de l’enfant (Lee, aux para 50‑51). L’agent a évalué d’autres facteurs en plus des études du demandeur mineur, dont sa séparation d’avec les membres de sa famille au Canada, sa capacité de se réadapter à la culture et à la langue de son pays d’origine, et le fait qu’il demeurerait sous la garde et la protection de ses parents. Contrairement à ce que prétendent les demandeurs, il s’agissait d’une analyse complète de l’intérêt supérieur de l’enfant, et les principes énoncés dans la décision Ahmed s’appliquent. Autrement dit, le fait que le demandeur mineur puisse avoir accès à des études en Inde est pertinent pour l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant et ne signifie pas nécessairement que l’agent a adopté une démarche fondée sur les « besoins fondamentaux » (Ahmed, au para 28).

[46] Pour tous les motifs exposés, je conclus que l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant effectuée par l’agent était raisonnable.

VI. Conclusion

[47] La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties ne proposent pas de question aux fins de certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM89221

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM89221

INTITULÉ :

SARATH BABU MARADANI, SARAH SUCHARITHA MARADANI ET SHALLOM SOLOMON MARADANI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 février 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

DATE DES MOTIFS :

Le 7 juin 2022

COMPARUTIONS :

Allen Chang

POUR LES DEMANDEURS

 

Meva Motwani

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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