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Date : 20220614


Dossier : IMM-5181-20

Référence : 2022 CF 888

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2022

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

NAGESHWAR RAO YENDAMURI

 

demandeur

et

LE CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, M. Yendamuri, demande le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un comité de discipline du Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada (le CRCIC) lui a imposé des mesures disciplinaires pour violation du code d’éthique professionnelle du CRCIC.

[2] Le demandeur était un consultant réglementé en immigration. Il a été reconnu coupable de deux infractions criminelles commises dans le cadre de sa pratique de consultation en immigration, qui étaient toutes deux liées à une fausse lettre qu’il avait rédigée et présentée à l’appui de la demande de résidence permanente d’un client. Il a admis avoir violé le code du CRCIC, et la seule question que le comité de discipline devait trancher était celle de la sanction appropriée. Le comité a conclu que l’inconduite du demandeur justifiait une sanction de révocation de son permis, avec la possibilité de présenter une nouvelle demande de permis après 18 mois, ainsi qu’une amende et des frais.

[3] Le demandeur soutient que la décision est déraisonnable, car le comité de discipline n’a pas tenu compte de ses observations et n’a pas fourni une explication adéquate pour justifier la conclusion.

[4] Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

I. Contexte

[5] Le 21 mai 2014, le demandeur a préparé une fausse lettre d’emploi, qu’il a présentée à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada à l’appui de la demande de prolongation de visa de résident temporaire d’un client. Il s’est avéré que la lettre n’a jamais été examinée, car la demande a été rejetée parce qu’elle avait été déposée après l’expiration du délai. L’affaire ne s’est cependant pas arrêtée là.

[6] Le 1er avril 2015, le demandeur a été accusé de 88 infractions : 44 prévues au Code criminel, LRC 1985, c C-46, et 44 prévues par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Seules 7 des 88 accusations ont donné lieu à un procès et, le 11 septembre 2017, le demandeur a été reconnu coupable de deux infractions prévues au Code criminel, qui étaient toutes deux liées à la fausse lettre :

a) alinéa 366(1)a) : faire un faux document avec l’intention qu’il soit employé ou qu’on y donne suite, de quelque façon, comme authentique;

b) alinéa 368(1)a) : sachant ou croyant qu’un document est contrefait, s’en servir, le traiter ou agir à son égard comme s’il était authentique.

[7] Pour ces infractions criminelles, le demandeur a été condamné le 4 juillet 2018 à ne pas être employé dans le cadre de tout travail en immigration et à ne représenter aucune personne dans toute affaire d’immigration. La peine a ensuite été modifiée pour lui permettre d’exercer sous surveillance si le CRCIC l’acceptait, ce qui n’a pas été le cas.

[8] Le CRCIC a déposé une plainte contre le demandeur fondée sur les accusations criminelles, et ce dernier a accepté d’arrêter d’exercer jusqu’au règlement de l’affaire. Après sa condamnation, le demandeur et le CRCIC se sont entendus sur un exposé conjoint des faits pour la plainte, dans lequel le demandeur a admis avoir violé ses obligations professionnelles et éthiques en tant que consultant réglementé en immigration, notamment en raison de violations aux deux codes d’éthique professionnelle qui étaient en vigueur au moment des faits. Plus précisément, le demandeur a admis avoir eu une conduite indigne, avoir manqué à son obligation d’agir de bonne foi et ne pas avoir agi avec honnêteté et franchise.

[9] À la lumière de ces aveux, le comité de discipline n’avait plus qu’à déterminer la sanction appropriée. Les parties ont convenu que la question serait tranchée par écrit, et elles ont toutes deux soumis des observations au comité de discipline.

[10] Le CRCIC a fait valoir que la sanction appropriée était la révocation du permis d’exercice du demandeur, assortie d’une période d’interdiction de présenter une nouvelle demande de deux ans. Il a également demandé le paiement d’une amende et de frais.

[11] Le demandeur a soutenu que la sanction appropriée était une réprimande, une amende et une période de suspension équivalente à la durée de sa suspension provisoire, de sorte qu’il pourrait immédiatement recommencer à exercer. Il a fait valoir que l’infraction qu’il avait commise n’était pas motivée par la cupidité ou le profit et qu’elle n’était pas aussi grave que d’autres types d’actes répréhensibles, d’autant plus qu’on n’avait pas donné suite à la fausse lettre. Il a ajouté qu’il était l’unique pourvoyeur de sa famille et qu’il bénéficiait du soutien de la communauté pour continuer à travailler à titre de consultant en immigration.

[12] Le 29 juillet 2020, le comité de discipline a conclu que la sanction suivante était appropriée :

  • a) la révocation du permis d’exercice du demandeur à titre de consultant en immigration, assortie d’une période d’interdiction de présenter une nouvelle demande de 18 mois;

  • b) une amende de 10 000 $;

  • c) des frais de 12 441 $ à payer au CRCIC.

[13] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

II. Questions en litige et norme de contrôle

[14] La principale question soulevée en l’espèce est celle de savoir si la décision du comité de discipline est raisonnable, conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov). Bien que le demandeur ait affirmé avoir été privé de son droit à l’équité procédurale en raison de l’insuffisance des motifs donnés, cet argument sera pris en considération dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnable.

[15] Suivant le cadre établi dans l’arrêt Vavilov, le rôle d’une cour de révision « consiste à examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et à déterminer si la décision est fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes » (Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 [Société canadienne des postes] au para 2). Il incombe au demandeur de convaincre la cour « que la lacune ou la déficience [invoquée] est suffisamment capitale ou importante pour rendre cette dernière déraisonnable » (Vavilov, au para 100, cité avec approbation dans Société canadienne des postes, au para 33).

[16] La Cour est saisie d’une question d’ordre procédural préliminaire, à savoir si le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration devrait être retiré à titre de défendeur dans le cadre de la présente instance. Le ministre a déposé une requête en ce sens, compte tenu du fait que le CRCIC est un organisme indépendant et que ni le ministre ni aucun autre fonctionnaire d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n’étaient impliqués dans la présente affaire.

[17] Bien que la position du ministre à cet égard semble logique et que des ordonnances semblables aient été rendues par le passé (voir, par exemple, Benito c Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada, 2019 CF 1628), donner suite à sa demande pourrait poser problème sur le plan procédural en raison du libellé de l’alinéa 5(2)b) des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 (les Règles) (voir l’analyse dans Watto c Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada, 2019 CF 1024 aux para 12-18, appliquée dans Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada c Rahman, 2020 CF 832 aux para 27‑32).

[18] Au final, en l’espèce, il n’est pas nécessaire de trancher cette question. Le ministre restera désigné comme défendeur, bien qu’il importe de noter que l’avocate du procureur général – au nom du ministre – n’a pas pris part à la présente instance. Rien dans les présents motifs ni dans le jugement qui sera rendu ne touchera ou ne concernera le ministre. La question de savoir si les Règles devraient être précisées à ce sujet n’est pas une question qui peut être tranchée dans le contexte de la présente audience.

III. Analyse

[19] Le demandeur soutient que la décision du comité de décision est déraisonnable pour deux raisons : a) le comité n’explique pas comment il a examiné ses observations et la jurisprudence pertinente qu’il a invoquée; b) le comité s’appuie sur des allégations non prouvées liées aux 88 accusations.

A. Les motifs de la décision ne sont pas fondamentalement viciés

[20] Le demandeur souligne qu’un élément fondamental du cadre établi dans l’arrêt Vavilov est l’importance des motifs et de leur objectif justificatif. Il soutient que ses moyens de subsistance et sa réputation sont en jeu et fait remarquer qu’au paragraphe 133 de l’arrêt Vavilov, la Cour suprême a conclu que le fardeau qu’a le décideur de justifier le résultat est proportionnel à l’importance de la décision :

Lorsque la décision a des répercussions sévères sur les droits et intérêts de l’individu visé, les motifs fournis à ce dernier doivent refléter ces enjeux. Le principe de la justification adaptée aux questions et préoccupations soulevées veut que le décideur explique pourquoi sa décision reflète le mieux l’intention du législateur, malgré les conséquences particulièrement graves pour l’individu concerné. Cela vaut notamment pour les décisions dont les conséquences menacent la vie, la liberté, la dignité ou les moyens de subsistance d’un individu.

[21] Le demandeur affirme que les motifs sont loin de répondre à cette norme de deux principales façons : premièrement, l’essentiel de la décision n’est qu’une simple énumération des observations des parties et, deuxièmement, la véritable analyse ne compte que dix courts paragraphes. Il soutient que le comité n’a donc pas examiné les observations et les principales questions soulevées par les parties. Par exemple, dans sa décision, le comité de discipline n’explique pas pourquoi il a conclu que les infractions pour lesquelles il a été reconnu coupable étaient graves, compte tenu de ses observations sur cette question. Il soutient également que, pour rendre sa décision, le comité de discipline n’a pas démontré qu’il avait tenu compte des répercussions sur sa famille. Il souligne l’absence de toute analyse de cette question dans la décision. Le demandeur fait valoir que l’effet combiné de ces erreurs équivaut à une faille décisive dans la décision.

[22] Je n’en suis pas convaincu.

[23] Le point de départ de l’analyse est le cadre d’analyse énoncé dans l’arrêt Vavilov. Je suis d’accord avec le demandeur qu’avec ce cadre, la Cour suprême souligne l’importance des motifs et du raisonnement dans une décision, mais il comporte également plusieurs autres éléments clés. Tout d’abord, les motifs doivent être compris dans leur contexte – les éléments de preuve et les arguments consignés dans le dossier ainsi que la nature du décideur. En l’espèce, ces deux facteurs démontrent le caractère raisonnable de la décision.

[24] Premièrement, le demandeur a raison d’affirmer que la décision présente un long résumé des positions des parties, mais ce n’est guère une faille. Ce résumé démontre plutôt que le comité de discipline a pris connaissance des observations détaillées présentées par le demandeur, qui lui ont permis de mettre en contexte les principaux éléments de sa décision.

[25] Deuxièmement, il importe de rappeler que le comité de discipline fait partie de l’appareil de l’organisme de réglementation qui établit les normes et régit la conduite des consultants en immigration. Il n’est pas uniquement composé d’avocats. L’expertise et l’expérience qu’il met à contribution vont au-delà de celles que possèdent généralement les praticiens du droit et les juges. Comme le souligne le défendeur, la retenue s’impose à l’égard de ces décisions discrétionnaires rendues par des organismes de réglementation. Le défendeur s’appuie sur la jurisprudence qui établit qu’un tribunal ne devrait infirmer une décision relative à une sanction que si elle est manifestement non indiquée (voir Reid c College of Chiropractors of Ontario, 2016 ONSC 1041, autorisation d’appel refusée : 2016 ONCA 779; Mitelman c College of Veterinarians of Ontario, 2020 ONSC 3039; 2099065 Ontario Inc (cob as Chapman’s Pharmacy) c Ontario (Ministry of Health and Long-Term Care), 2021 ONSC 4319). Il n’est pas nécessaire de se demander si ce principe doit être réexaminé à la lumière de l’arrêt Vavilov. Aux fins de la présente affaire, il suffit de rappeler que la retenue est de mise à l’égard des décisions disciplinaires d’organismes de réglementation de la profession concernant la sanction appropriée.

[26] Enfin, sur ce point, dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême souligne que les motifs fournis par un décideur ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection (Vavilov, au para 91). Il suffit que les motifs démontrent à la personne visée que ses préoccupations ont été prises en compte, que le décideur a examiné les principales questions soulevées par la loi applicable dans le contexte du dossier, qu’il a expliqué son raisonnement de manière à pouvoir en suivre le fil et que ce même raisonnement est exempt de lacunes fondamentales sur le plan de la logique.

[27] Selon moi, par suite de l’application de ce cadre d’analyse, la décision doit être confirmée. Le comité de discipline a tenu compte de la nature des allégations formulées contre le demandeur en se fondant sur l’exposé conjoint des faits et les déclarations de culpabilité sous‑jacentes. Il a conclu que les infractions étaient graves, car il s’agissait d’une fraude (au para 63) qui était directement liée à l’exécution du travail du demandeur en tant que consultant en immigration (au para 59) et qui entachait l’intégrité de la profession, que le jury devait protéger (au para 11).

[28] De plus, le comité a pris en considération les circonstances atténuantes invoquées par le demandeur, notamment les raisons du juge chargé de la détermination de la peine, les répercussions sur le demandeur et sa famille ainsi que le soutien de sa communauté (aux para 61 et 66). Il a également félicité le demandeur pour avoir assumé la responsabilité de ses actes, comme le démontre son consentement à l’exposé conjoint des faits (au para 62).

[29] Le comité de discipline s’est sérieusement penché sur son rôle d’organisme de réglementation de la profession, ce qui a guidé son évaluation des commentaires du juge du procès au moment de la détermination de la peine (au para 67). Le comité a souligné à juste titre que ses responsabilités étaient différentes de celles du juge chargé de la détermination de la peine, ce qui a constitué un facteur important dans sa décision relative à la sanction. Cette conclusion est inattaquable.

[30] Dans leur ensemble, la décision et les conclusions du comité de discipline reflètent les questions soulevées par les parties et tiennent compte de leurs observations et des éléments de preuve au dossier. Le résultat y est expliqué de manière compréhensible. Elles ne sautent aucune étape logique sans explication, et le raisonnement ne comporte aucune autre lacune.

[31] Le fait que ces motifs ne soient pas structurés de la même manière que ceux d’une décision rédigée par un avocat ou un juge n’est pas forcément le signe d’une décision déraisonnable (Vavilov, aux para 92-94). Une cour de révision doit plutôt examiner les motifs de manière à déterminer s’il est possible de suivre l’analyse du décideur et de comprendre comment elle justifie le résultat (Vavilov, au para 97). Je conclus que cette décision répond à ce critère.

B. La mention par le comité d’allégations non prouvées n’est pas une faille décisive

[32] Dans cette partie de son argumentaire, le demandeur conteste la déclaration suivante faite par le comité de discipline au paragraphe 60 :

Bien que [le demandeur] n’ait été reconnu coupable que de deux des 88 accusations, le jury est d’avis que les accusations considérées dans leur totalité suggèrent une tendance à l’adoption d’un comportement qui est contraire à l’éthique, même si aucune plainte n’a été déposée antérieurement contre l’intimé.

[33] Le demandeur fait valoir plusieurs points concernant cette déclaration. Premièrement, dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême exige qu’une décision raisonnable soit justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles. Deuxièmement, la mention d’une « tendance à l’adoption d’un comportement qui est contraire à l’éthique » est fondée sur des faits qui n’ont été ni admis ni prouvés, et le comité de discipline ne disposait d’aucun renseignement concernant 86 de ces accusations ou tout autre comportement qui est contraire à l’éthique qu’aurait adopté le demandeur. Ensuite, le demandeur souligne que le comité n’a pas expliqué comment il en était venu à conclure que les deux déclarations de culpabilité permettaient de juger qu’une « tendance » à l’adoption d’un comportement qui est contraire à l’éthique ressortait de la preuve, d’autant plus que les déclarations de culpabilité découlaient du même incident. Il soutient que l’absence d’une véritable analyse de ces points suffit à rendre la décision déraisonnable.

[34] Les arguments du demandeur à l’égard de ce point sont très solides. Bien que je sois d’accord avec le défendeur que d’autres décisions indiquent qu’il peut être raisonnable pour un décideur de faire référence à des accusations n’ayant pas entraîné une déclaration de culpabilité (voir, par exemple, Buffone c Canada (Procureur général), 2017 CF 346; Barrett c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 1030; Sittampalam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CAF 326), chaque affaire doit être évaluée en fonction de ses circonstances particulières. De plus, pour toute mention de ce type, il faut tenir compte de l’utilisation limitée qui peut être faite des accusations qui n’entraînent pas une déclaration de culpabilité ou de toute autre expérience avec le système de justice pénale (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Solmaz, 2020 CAF 126).

[35] En l’espèce, le comité de discipline était manifestement au courant des 88 accusations ainsi que du fait que seules sept d’entre elles avaient donné lieu à un procès. La dénonciation faite sous serment l’énonçant figurait au dossier. Dans l’examen de ces éléments de preuve, le comité a peut-être constaté que les autres accusations concernaient des allégations d’inconduite semblable à celle de la présentation de la lettre frauduleuse pour laquelle le demandeur a été reconnu coupable. Ce n’est toutefois pas expliqué dans la décision, et rien ne ressort clairement du dossier à cet égard.

[36] Le fait est que, dans l’exposé conjoint des faits, le demandeur n’a admis que les deux infractions pour lesquelles il a été reconnu coupable. Le comité de discipline a peut-être le droit de faire référence à d’autres accusations qui n’ont pas donné lieu à un procès, mais ce faisant, il aurait dû faire attention et expliquer clairement pourquoi il les a jugées pertinentes et comment il en a tenu compte dans son analyse. Le principe de la présomption d’innocence ne servait pas nécessairement à empêcher le comité de discipline de tenir compte d’autres renseignements, y compris les accusations qui n’ont pas donné lieu à un procès. Ce principe exige toutefois que le comité ne fasse ce genre de mentions qu’en tenant soigneusement compte de la nature et de l’importance des éléments de preuve dont il dispose concernant les accusations, y compris toute enquête policière ou autre ainsi que toute explication des raisons pour lesquelles elles n’ont pas donné lieu à un procès ou à une déclaration de culpabilité.

[37] Le comité de discipline n’a pas effectué ce genre d’analyse, ce qui est déraisonnable. Selon l’arrêt Vavilov, cette erreur n’est cependant pas suffisante en l’espèce pour rendre la décision déraisonnable dans son ensemble. La question est de savoir si la lacune est suffisamment grave pour compromettre la décision dans son ensemble. Si le reste de la décision satisfait aux « exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence », la lacune relevée ne sera pas suffisante pour rendre la décision déraisonnable (Vavilov, au para 100).

[38] Après avoir appliqué ce cadre à l’espèce, je conclus que la mention d’une « tendance à l’adoption d’un comportement qui est contraire à l’éthique » n’est pas suffisante pour compromettre la décision. Plus important encore, cette conclusion n’est pas reprise ailleurs dans la décision et elle ne semble pas avoir entraîné l’application d’une sanction plus sévère pour le demandeur.

[39] Le raisonnement du comité de discipline est valable même si le paragraphe 60 est retiré de la décision. Les principales mentions par le comité de discipline de l’inconduite du demandeur font toutes référence aux aveux dans l’exposé conjoint des faits. Il a été reconnu coupable de deux accusations criminelles de fraude en raison de la fausse lettre qu’il a présentée dans le cadre de son travail en tant que consultant en immigration. Cette fausse lettre aurait pu faire en sorte qu’une personne obtienne un statut au Canada sur le fondement de renseignements délibérément falsifiés. Le comité de discipline a examiné la question de son point de vue d’organisme de réglementation de la profession. Il a tenu compte de l’incidence d’une telle conduite sur la confiance du public envers la profession. Aucun aspect du raisonnement ne reposait sur la conclusion que le demandeur avait une « tendance » à l’adoption d’un comportement qui est contraire à l’éthique. Rien dans l’analyse des facteurs qui ont guidé le comité dans sa décision relative à la sanction ne permet de conclure que la sanction a été durcie pour refléter une tendance de longue date ou continue à l’adoption d’un comportement contraire à l’éthique.

[40] Pour les motifs qui précèdent, bien que je convienne que la mention par le comité d’allégations non prouvées exigeait une plus grande explication, je ne peux conclure que cela suffit à rendre la décision déraisonnable dans son ensemble.

IV. Conclusion

[41] Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[42] Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5181-20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« William F. Pentney »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sophie Reid-Triantafyllos


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5181-20

INTITULÉ :

DEMANDEUR c DÉFENDEUR

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 SEPTEMBRE 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

DATE DES MOTIFS :

LE 14 JUIN 2022

COMPARUTIONS :

Peter Thorning

POUR LE DEMANDEUR

Justin Gattesco

POUR LE DÉFENDEUR, LE CRCIC

Margherita Braccio

POUR LE DÉFENDEUR, LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brauti Thorning LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada

Burlington (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR, LE CRCIC

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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