Date : 20220601
Dossier : T‑620‑20
Référence : 2022 CF 780
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 1 juin 2022
En présence de monsieur le juge Phelan
RECOURS COLLECTIF ENVISAGÉ
|
ENTRE :
|
CHEYENNE PAMA MUKOS STONECHILD, LORI‑LYNN DAVID ET STEVEN HICKS
|
demandeurs
|
et
|
SA MAJESTÉ LA REINE
|
défenderesse
|
ORDONNANCE ET MOTIFS
I.
La nature de l’instance
[1] La Cour est saisie d’une requête présentée par Lucy Tookalook et Tanya Jones (désignées en l’espèce comme les participantes éventuelles), qui ont déposé devant la Cour supérieure du Québec, au nom des membres du groupe des Inuits du Nunavik, une demande d’autorisation d’exercer un recours collectif contre le procureur général du Québec et le procureur général du Canada (no 500‑06‑001177‑225). Cette action intentée au Québec n’a pas encore été autorisée comme recours collectif.
[2] Les participantes éventuelles s’adressent à la Cour fédérale pour obtenir une ordonnance excluant le groupe qu’elles représentent de la requête en autorisation du recours collectif Stonechild et/ou une ordonnance suspendant la présente instance devant la Cour fédérale, ou du moins les procédures visant les membres du groupe des Inuits du Nunavik, jusqu’à ce que la Cour supérieure du Québec statue sur la demande d’autorisation d’exercer une action collective.
[3] Les participantes éventuelles souhaitent obtenir l’autorisation de participer au présent recours collectif en vertu du paragraphe 334.23(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles] ou, subsidiairement, l’autorisation d’intervenir dans ce même recours en vertu de l’article 109 des Règles. Ces deux volets de la requête seront examinés séparément ci‑dessous, mais les conclusions à leur égard sont les mêmes.
[4] La requête visant à obtenir l’autorisation de participer ou d’intervenir en l’espèce (qui a été modifiée le 28 mars 2022) a été déposée devant notre Cour à un stade très avancé de la présente procédure d’autorisation. Elle a été déposée quelques semaines avant l’audition de la requête en autorisation à Vancouver le 12 avril 2022. Le recours Stonechild est daté du 10 juin 2020 et a été enregistré dans la Base de données canadienne sur les recours collectifs en juillet 2020.
[5] Contrairement à ce que souhaitaient les demandeurs dans le recours Stonechild, qui avaient invoqué un préjudice grave et soulevé d’autres raisons pour que notre Cour n’entende pas la requête, notre Cour a donné aux participantes éventuelles l’occasion de formuler des observations oralement après la présentation des arguments relatifs à l’autorisation, laquelle était contestée, afin de mieux comprendre les intérêts opposés allégués dans le litige. Au bout du compte, la position des participantes éventuelles n’a eu aucune incidence sur la conclusion de notre Cour concernant la procédure d’autorisation.
II.
Le contexte
[6] Le recours Stonechild a été intenté devant la Cour fédérale le 10 juin 2020. Le recours Tookalook a été intenté devant la Cour supérieure du Québec le 21 février 2022.
[7] Dans le cadre du recours Stonechild, les demandeurs cherchent à obtenir réparation au nom d’un groupe national de membres des Premières Nations (Indiens inscrits et non inscrits), d’Inuits et de Métis vivant hors réserve qui ont été retirés de leur foyer au Canada entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 2019 et placés sous les soins de personnes qui ne faisaient pas partie du groupe, de la collectivité ou du [traduction] « peuple »
autochtone auquel ils appartenaient.
[8] Les demandeurs dans le recours Stonechild ont structuré soigneusement leur demande, comme ils sont en droit de le faire, de façon à engager la responsabilité d’un seul défendeur – le Canada. Ils soutiennent que le Canada a manqué à l’obligation qu’il avait envers les membres du groupe de protéger et de préserver leur identité autochtone. Cette obligation est fondée sur l’honneur de la Couronne, sur la relation de nature fiduciaire entre le Canada et les peuples autochtones, ainsi que sur la responsabilité sur le plan constitutionnel qu’a le Canada envers tous les Autochtones qui sont des Indiens au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle (voir Daniels c Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12).
[9] Le recours Stonechild vise l’obtention de réparations pour les préjudices découlant de la responsabilité individuelle du Canada au moyen d’un recours collectif autorisé devant notre Cour. D’après les demandeurs, il sera ainsi possible pour la Cour de trancher efficacement la question de la responsabilité du Canada envers les membres du groupe en une seule instance, ce qui, selon eux, donnera aux dizaines de milliers de membres du groupe envisagé un accès rapide à la justice.
Bien que le Canada s’oppose à l’autorisation du recours collectif, il reconnaît que les actes de procédure révèlent une cause d’action valable.
[10] Les demandeurs dans le recours Stonechild ne prétendent pas demander réparation aux provinces ou aux territoires relativement à des causes d’action qui sont liées à la prestation de services d’aide à l’enfance aux Autochtones, mais n’excluent pas non plus cette possibilité. Au lieu de s’adresser à la Cour fédérale, les membres du groupe pourraient demander réparation au Canada (et potentiellement à d’autres entités) dans les 13 provinces et territoires, un point qui a été examiné plus avant dans le cadre de la requête en autorisation du recours collectif Stonechild.
[11] Les participantes éventuelles ont intenté une action au Québec au nom des Inuits du Nunavik qui ont été pris en charge par le système de protection de l’enfance du Québec.
[12] L’action intentée au Québec par les participantes éventuelles porte sur des violations, par les gouvernements du Canada et du Québec, de la Convention de la Baie James et du Nord québécois [la Convention] signée en 1975, suivant laquelle les gouvernements du Québec et du Canada doivent tous deux assumer des responsabilités à l’égard des Inuits du Nord québécois. Dans cette action, les participantes éventuelles allèguent que le fait que les deux gouvernements n’ont pas fourni des services à l’enfance et à la famille adéquats ou des services essentiels aux Inuits du Nunavik constitue un acte discriminatoire à l’encontre de ce groupe.
[13] Les participantes éventuelles affirment qu’il existe un chevauchement dans la composition des groupes de chaque recours, car les enfants inuits qui ont été placés dans des foyers d’accueil non inuits après le 1er janvier 1992 feraient partie des groupes visés par les deux recours collectifs, tout comme les parents et les grands‑parents de ces enfants.
[14] Le Canada ne prend pas position sur la présente requête. On peut supposer qu’il pourra faire valoir son point de vue devant la Cour supérieure du Québec lorsque celle‑ci entendra l’affaire.
III.
Analyse
A.
Le paragraphe 334.16(1) des Règles
[15] Les participantes éventuelles devaient surmonter de plus grands obstacles. Elles devaient établir qu’elles avaient le droit, à cette étape‑ci de la procédure, de présenter une requête en intervention au titre du paragraphe 334.16(1) des Règles.
|
|
[Non souligné dans l’original.]
[16] Essentiellement, le problème réside dans le fait que la requête des participantes éventuelles est, au mieux, prématurée, car le recours Stonechild n’a pas encore été autorisé.
[17] Je suis d’accord avec les demandeurs en l’espèce et la Cour suprême de la Colombie‑Britannique dans l’affaire Burnett v St Jude Medical, Inc, 2008 BCSC 148 [Burnett], qui porte sur l’application d’une règle similaire en Colombie‑Britannique, pour dire qu’une instance doit d’abord être autorisée comme recours collectif pour que les droits des membres en titre du groupe soient reconnus.
[18] Bien qu’aucun jugement ne fasse autorité en ce qui a trait à cette disposition, il est évident que le recours Stonechild n’a pas encore été autorisé au titre de l’article 334.16 des Règles, qu’il n’est pas encore considéré comme un « recours collectif »
au sens de la partie 5.1 des Règles, et qu’il n’existait aucun groupe ou sous‑groupe lorsque la requête en l’espèce a été entendue. Les participantes éventuelles ne sont donc pas des « membres du groupe »
dans le recours Stonechild.
[19] L’expression « en tout temps »
utilisée au paragraphe 334.23(1) des Règles doit être interprétée dans le contexte d’un « recours collectif »
en instance. Cette disposition prévoit un droit de participer à un « recours collectif »
et non à toute procédure connexe.
[20] Comme l’indique l’énoncé liminaire du paragraphe 334.16(1) des Règles, qui introduit l’énumération des conditions à remplir pour qu’un recours soit autorisé et qui dispose que, « [s]ous réserve du paragraphe (3), le juge autorise une instance comme recours collectif »
[non souligné dans l’original], les Règles ne prévoient pas qu’une instance devienne un recours collectif avant que l’autorisation du recours collectif soit accordée.
[21] Le paragraphe 334.23(1) des Règles confère ensuite le pouvoir d’autoriser les membres d’un groupe ou d’un sous‑groupe à participer au recours collectif.
[22] Par conséquent, les participantes éventuelles, qui, pourrait‑on soutenir, sont des membres du groupe ainsi qu’il est défini dans le recours Stonechild, doivent attendre que notre Cour statue sur la requête en autorisation avant d’obtenir un droit de participation.
[23] Même si les participantes éventuelles affirment que les tribunaux de la Colombie‑Britannique et de l’Ontario ont interprété des dispositions équivalentes à l’article 334.23 des Règles comme si elles permettaient aux membres du groupe de participer activement à toutes les étapes du recours collectif, y compris aux requêtes déposées avant l’autorisation de l’instance dans le but de protéger leurs intérêts, je suis d’avis que rien n’étaye cette affirmation.
[24] Comme je l’ai déjà mentionné, la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a déclaré le contraire relativement à une disposition qui correspond plus étroitement à l’article 334.23 des Règles. À vrai dire, puisque les dispositions relatives aux recours collectifs énoncées dans les Règles ont été grandement influencées par la loi britanno‑colombienne intitulée Class Proceedings Act (Loi sur les recours collectifs), RSBC 1996, c 50, c’est plutôt l’article 334.23 des Règles qui correspond à la loi de la Colombie‑Britannique.
[traduction]
15 (1) Afin que les intérêts du groupe ou d’un sous‑groupe soient représentés de façon équitable et adéquate, ou pour toute autre raison valable, le tribunal peut, en tout temps au cours de l’instance, autoriser un ou plusieurs membres du groupe à participer au recours collectif.
[25] La disposition équivalente de la loi ontarienne, la Loi de 1992 sur les recours collectifs, LO 1992, c 6, est libellée en termes plus généraux et a une application plus large.
14 (1) Afin de s’assurer que les intérêts du groupe ou d’un sous‑groupe sont représentés de façon juste et appropriée ou pour toute autre raison valable, le tribunal peut, en tout temps au cours d’une instance visée par la présente loi, permettre à un ou plusieurs membres du groupe de participer à l’instance.
[26] Cette disposition de la loi de l’Ontario permet à un ou plusieurs membres du groupe de participer « en tout temps au cours d’une instance visée par la présente loi »
, tandis que la disposition visée des Règles ne les autorise qu’à participer « au recours collectif »
. Il importe de souligner que la loi de l’Ontario envisage la participation des membres du groupe avant l’obtention de l’autorisation, comme le démontrent les règles d’interprétation énoncées au paragraphe 1(3) de cette loi, où le terme « membre du groupe »
englobe une personne qui serait, si une instance était autorisée, un membre du groupe.
1 (3) Si le contexte l’exige, la mention, dans la présente loi, d’un représentant des demandeurs, des défendeurs ou d’une partie, ou la mention d’un membre du groupe ou du sous‑groupe, vaut également mention d’une personne qui serait, si une instance visée par la présente loi était certifiée comme recours collectif, un représentant des demandeurs, des défendeurs ou d’une partie, ou un membre du groupe ou du sous‑groupe, selon le cas.
[27] Dans l’affaire Burnett jugée en Colombie‑Britannique, la province, qui n’était pas partie à l’instance, a tenté d’invoquer les articles 12 et 15 de la loi britanno‑colombienne sur les recours collectifs pour justifier sa position selon laquelle la Cour devrait rendre une ordonnance l’autorisant à participer au recours collectif. La Cour suprême de la Colombie‑Britannique a déclaré que [traduction] « ces dispositions s’appliquent à un “recours collectif” qui, au sens de la loi, désigne une instance qui a été autorisée comme recours collectif »
.
[28] Dans l’affaire Burnett, la question de la qualité pour agir a finalement été tranchée en faveur de la province après que celle‑ci eut invoqué la compétence inhérente de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique, ce que l’on ne peut pas faire dans la présente instance devant la Cour fédérale, où les règles relatives aux recours collectifs, comme il a souvent été reconnu, forment essentiellement un code complet. La Cour suprême de la Colombie‑Britannique a également pu s’appuyer sur la compétence unique que lui confère la loi provinciale intitulée Law and Equity Act (Loi sur le droit et l’équité), RSBC 1996, c 253, qui est un autre instrument sur lequel notre Cour ne peut pas s’appuyer.
[29] Je suis donc d’avis que les participantes éventuelles n’ont pas la qualité requise pour déposer la présente requête ni le droit de le faire, et j’estime par conséquent que, pour ces seuls motifs, leur requête doit être rejetée.
B.
Le critère relatif à l’intervention – article 109 des Règles
[30] La question centrale est celle de savoir si les participantes éventuelles devraient être autorisées à intervenir et, dans l’affirmative, de quelle manière et à l’égard de quelle mesure de réparation.
[31] L’article 109 des Règles confère à la Cour le pouvoir discrétionnaire d’autoriser toute personne à intervenir dans une instance. Il décrit également les éléments que doit contenir l’avis de requête, qui doit plus particulièrement expliquer en quoi la participation de la personne aidera la Cour à prendre une décision. Enfin, cette disposition des Règles confère à la Cour le pouvoir d’établir les conditions de cette participation.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
[32] La question centrale dans le cadre d’une requête en intervention est celle de savoir si l’intervention proposée aidera la Cour à trancher les questions de fait et de droit se rapportant à l’instance principale.
(1)
Analyse préliminaire
[33] Dans l’arrêt Rothmans, Benson & Hedges Inc c Canada (Procureur général), [1989] ACF no 468, [1990] 1 CF 84 (CAF), la Cour d’appel fédérale a dressé une liste non exhaustive des facteurs qu’elle doit prendre en compte et a précisé qu’il incombe au tribunal saisi de la requête de soupeser tous ces facteurs.
[34] La requête des participantes éventuelles soulève plusieurs questions – tant des questions techniques que des questions de fond – qui justifient qu’elle soit rejetée.
[35] Les participantes éventuelles ont déposé leur requête à un stade très avancé de la procédure. La Cour fédérale avait fixé la date de l’audition de la requête en autorisation du recours collectif, qui était contestée, en novembre 2021. La requête en intervention modifiée est datée du 28 mars 2022. Il est évident qu’il existe un risque que l’instance devant la Cour fédérale soit perturbée et retardée et qu’un préjudice important soit causé aux demandeurs.
[36] Même si la déclaration des participantes éventuelles est datée de février 2022, elle a nécessairement été prévue et préparée bien avant cette date. À la connaissance de la Cour, aucun effort n’a été déployé pour l’avertir qu’une requête en intervention pourrait être déposée et retarder la tenue de l’audience prévue.
[37] Le juge Stratas a décrit succinctement le contexte dans lequel une requête peut être présentée tardivement dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Conseil canadien pour les réfugiés, 2021 CAF 13, au paragraphe 25 :
Lorsqu’une requête en intervention est tardive - il existe parfois des raisons valables - les intervenants éventuels doivent faire preuve de franchise, s’expliquer, souligner l’importance et la nécessité impérative de leur participation et proposer des mesures pour réduire au minimum le risque de préjudice : Tsleil‑Waututh Nation, par. 15 et 32. Cependant, en l’espèce, en raison du sérieux retard, la Cour doute qu’elle ait accepté une quelconque explication.
[38] Abstraction faite du préjudice causé par la présentation tardive d’une requête, le juge Stratas a également parlé de l’obligation qu’a la Cour de séparer l’ivraie du bon grain, dont je traiterai plus loin dans les présents motifs, lorsqu’il a écrit ce qui suit au paragraphe 32 :
Dans ce domaine, la Cour doit être vigilante. Sincèrement mus par une passion pour leur cause, certains requérants tentent d’ajouter des questions à l’instance, parfois délibérément, parfois pas. Ainsi, en examinant une requête en intervention, la Cour doit obtenir une « appréciation réaliste » de la « nature essentielle » et de la « véritable nature » des questions en litige dans l’instance et des questions que l’intervenant éventuel entend soulever : Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, [2014] 2 R.C.F. 557, par. 49 et 50.
[39] La Cour a déjà examiné la question de la présentation tardive de la requête et du non‑respect du paragraphe 109(2) des Règles. En plus de ces lacunes, les participantes éventuelles ne satisfont pas au critère relatif à l’intervention.
[40] Le fait qu’un membre d’un groupe peut appartenir à deux groupes – soit le groupe du recours Stonechild et le groupe du recours Tookalook – ne permet pas de justifier le rejet de la requête en autorisation du recours Stonechild ni la modification de la définition du groupe et ne justifie pas non plus la suspension d’une partie des procédures dans l’affaire Stonechild.
[41] L’argument fondamental des participantes éventuelles est que le recours Stonechild ne satisfait pas au critère du meilleur moyen énoncé à l’alinéa 334.16(1)d) des Règles dans la mesure où ce recours inclurait les Inuits du Nunavik. Les participantes éventuelles ont affirmé maintes fois que leur recours et le recours Stonechild se chevauchent. À l’appui de cette affirmation, elles ont déposé, durant leur argumentation, un tableau présentant les éléments qui, selon elles, se chevauchent.
[42] Il se peut certes qu’il y ait un chevauchement dans la composition des groupes des deux recours, mais les réclamations comme telles sur lesquelles les recours sont fondés ne se recoupent pas et ne s’excluent pas mutuellement.
[43] Comme l’a fait observer le juge Stratas, et comme il est mentionné au paragraphe 38 des présents motifs, la Cour doit obtenir une appréciation réaliste de la nature essentielle et de la véritable nature des questions en litige dans les deux recours.
[44] À mon avis, les recours Tookalook et Stonechild portent sur des réclamations et une théorie de la responsabilité très différentes et visent l’obtention d’une réparation pour des actes répréhensibles différents. Le recours Stonechild est fondé sur la compétence exclusive du Canada et sur sa prétendue obligation de protéger et de préserver l’identité autochtone des enfants et des jeunes autochtones. Il met en cause l’honneur de la Couronne, ainsi que les obligations positives et les autres obligations qui incombent au Canada.
[45] Dans le recours Tookalook, les demanderesses soutiennent que les dispositions de la Convention relatives aux services de santé et aux services sociaux, l’entente de transfert des responsabilités au Nord québécois conclue en 1981 et l’obligation de la province en droit québécois engagent la responsabilité du Canada.
[46] Je ne vois pas en quoi la participation des participantes éventuelles pourrait aider notre Cour. Outre leur requête, les participantes éventuelles n’apportent rien de nouveau et rien d’utile à notre Cour pour l’aider à trancher la requête en autorisation du recours collectif Stonechild. Elles ont soulevé tous les points qui devaient l’être en ce qui concerne le meilleur moyen. Il convient de noter que le Canada n’a pas mentionné que le recours Tookalook constituait un facteur pertinent dans l’analyse du critère du meilleur moyen qui militait contre l’autorisation de ce recours.
[47] Les participantes éventuelles, qui demandent à notre Cour de suspendre l’instance ou de les exclure du recours, font des présomptions sur des faits et des éléments qui ne sont pas en litige et qu’il n’est pas nécessaire d’examiner.
[48] Les participantes éventuelles présument que leur recours sera autorisé, mais notre Cour ne fera pas et ne devrait pas faire une telle présomption par respect pour la compétence de la Cour supérieure du Québec.
[49] Les participantes éventuelles supposent qu’il est nécessaire que notre Cour exclue du présent recours collectif le groupe défini dans le recours Tookalook et suspende les procédures visant ce groupe. Elles ne tiennent pas compte du fait que la Cour supérieure du Québec pourrait vouloir exclure du recours Tookalook le groupe défini dans le recours Stonechild. Notre Cour ne doit pas être considérée comme empiétant de quelque façon que ce soit sur les options qui s’offrent à la Cour supérieure du Québec.
[50] Enfin, les participantes éventuelles ne parlent pas du fait que les membres de l’un ou l’autre des groupes ont la possibilité de s’exclure volontairement de l’un ou l’autre recours.
[51] Les participantes éventuelles n’ont invoqué aucune affaire où un intervenant a été en mesure de demander une exclusion ou une suspension d’instance au titre de l’article 50 des Règles et elles n’ont pas non plus démontré qu’il y avait lieu d’accorder une suspension.
À mon avis, l’intervention proposée est préjudiciable aux demandeurs, n’est pas nécessaire et n’aidera pas la Cour, et ce, même si les participantes éventuelles avaient le droit de demander à la Cour de les autoriser à intervenir.
IV.
Conclusion
[52] Par conséquent, pour tous ces motifs, la requête des participantes éventuelles est rejetée avec dépens d’un montant global de 2 000 $, payable sans délai aux demandeurs.
ORDONNANCE dans le dossier T‑620‑20
LA COUR ORDONNE le rejet de la requête des participantes éventuelles avec dépens d’un montant global de 2 000 $, payable sans délai aux demandeurs.
« Michael L. Phelan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Manon Pouliot
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T‑620‑20
|
INTITULÉ :
|
CHEYENNE PAMA MUKOS STONECHILD, LORI‑LYNN DAVID ET STEVEN HICKS c SA MAJESTÉ LA REINE
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
AUDIENCE TENUE EN PERSONNE À VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE) ET PAR VIDÉOCONFÉRENCE
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 13 AVRIL 2022
|
ORDONNANCE ET MOTIFS :
|
LE JUGE PHELAN
|
DATE DES MOTIFS :
|
le 1 juin 2022
|
COMPARUTIONS :
Angela Bespflug
Janelle O’Connor
Maxime Faille
Keith Brown
Aaron Christoff
|
POUR LES DEMANDEURS
|
Catharine Moore
Travis Henderson
Stéphanie Dion
|
POUR LA DÉFENDERESSE
|
William Colish
David Sterns
|
POUR LES PARTICIPANTES
ÉVENTUELLES
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Murphy Battista LLP
Avocats
Vancouver (Colombie‑Britannique)
Gowling WLG (Canada), S.E.N.C.R.L., s.r.l.
Avocats
Vancouver (Colombie‑Britannique)
|
POUR LES DEMANDEURS
|
Procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
|
POUR LA DÉFENDERESSE
|
Sotos LLP
Avocats
Toronto (Ontario)
Kugler Kandestin S.E.N.C.R.L.
Avocats
Montréal (Québec)
Coupal Chauvelot S.A.
Avocats
Montréal (Québec)
|
POUR LES PARTICIPANTES
ÉVENTUELLES
|