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Date : 20220607


Dossier : T‑1361‑20

Référence : 2022 CF 836

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 juin 2022

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

GORDON STEINBACH

demandeur

et

LE PROCUREUT GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, qui agit pour son propre compte, a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision (la décision contestée) rendue le 26 octobre 2020 par le ministre du Revenu national (le ministre) au titre du paragraphe 207.06(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supp) [la LIR].

[2] Le ministre a rejeté la demande présentée par le demandeur en vue d’obtenir un deuxième examen de sa demande de renonciation à l’impôt sur les cotisations excédentaires à un CELI qu’il a versées pour l’année d’imposition 2019.

II. Le contexte factuel

[3] En 2018, les droits de cotisation du demandeur étaient de 42 500 $. Toutefois, il a versé un total de 52 500 $ en 2018, ce qui a entraîné une cotisation excédentaire de 10 000 $.

[4] Le 9 mai 2018, le demandeur a déposé un montant de 20 000 $ qu’il a retiré le jour même.

[5] Le 1er janvier 2019, le plafond de cotisation annuel de 6 000 $ a été reconnu et la cotisation excédentaire est passée à 4 000 $. Toutefois, le 19 février 2019, le demandeur a versé la cotisation annuelle de 6 000 $.

[6] Le 16 juillet 2019, le demandeur a fait l’objet d’une cotisation d’impôt au titre du paragraphe 207.02 de la LIR en raison de sa cotisation excédentaire en 2018. À ce moment‑là, il a été informé que, s’il y avait un montant excédentaire dans son CELI, il devait le retirer immédiatement pour réduire l’impôt qu’il devrait payer à l’avenir.

III. La demande d’allègement du contribuable de 2018

[7] Le 25 juillet 2019, le demandeur a demandé une renonciation à l’impôt sur les cotisations excédentaires au CELI pour les deux années d’imposition 2018 et 2019. La demande a été présentée au motif que le dépôt initial résultait d’une information erronée de la part de sa banque et que le montant de 20 000 $ qui avait été déposé et retiré le jour même était un transfert entre ses comptes effectué par erreur.

[8] Le 7 octobre 2019, la demande d’allègement du demandeur a été accueillie pour l’année d’imposition 2018.

[9] Le 29 octobre 2019, la cotisation excédentaire de 10 000 $ du demandeur a été retirée de son CELI.

[10] Le 21 août 2020, la demande d’allègement du demandeur a été rejetée pour l’année d’imposition 2019.

[11] Le 28 août 2020, le demandeur a sollicité un deuxième examen. Celui‑ci a été refusé le 26 octobre 2020. C’est ce refus qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire devant la Cour.

IV. La question préliminaire

[12] Le défendeur demande une modification de l’intitulé de la cause dans la présente demande afin de désigner le procureur général du Canada à titre de défendeur au lieu de l’Agence du revenu du Canada.

[13] Je reconnais que le procureur général du Canada est le défendeur approprié en vertu de l’article 303 des Règles des Cours fédérales. L’ordonnance sera rendue dans ce sens.

V. La question en litige et la norme de contrôle

[14] La seule question que la Cour doit trancher est de savoir si la décision contestée est raisonnable.

[15] Une cour de justice qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ne se demande pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif. Elle ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution « correcte » au problème : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 83.

[16] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable n’est pas un appel. À moins de circonstances exceptionnelles, les cours de révision ne modifient pas les conclusions de fait du décideur administratif. La Cour étant une cour de révision, je dois m’abstenir « d’apprécier à nouveau la preuve prise en compte par le décideur » : Vavilov, au para 125.

VI. Analyse

[17] La Cour est saisie de la question de savoir si la décision du ministre de rejeter la demande présentée par le demandeur en vue d’obtenir un allègement des impôts sur les cotisations excédentaires à un CELI qu’il a versées pour 2019 était raisonnable.

[18] Le demandeur soutient que la cotisation excédentaire pour 2019 était une erreur commise de bonne foi, qu’il a rectifiée immédiatement après en avoir été informé.

[19] Il affirme que la décision concernant la cotisation excédentaire pour 2019 va à l’encontre de la décision rendue en 2018, puisque c’est le même montant de 10 000 $ qui est en cause. Il a déjà payé la pénalité fiscale de 940 $ pour 2019 et demande que la décision soit cohérente relativement à 2018 et 2019.

[20] Le défendeur fait valoir que la décision de renoncer aux impôts en 2018 était, en fait, erronée en droit. Au moment où la décision de 2018 a été rendue, le demandeur n’avait pas retiré ses cotisations excédentaires pour 2018. Le demandeur a seulement demandé, le 25 juillet 2019, un allègement pour l’année d’imposition 2018.

[21] Je comprends les positions des parties concernant la décision de 2018 et l’argument du demandeur concernant le besoin de cohérence. En ce qui concerne la cohérence, l’arrêt Vavilov nous enseigne ce qui suit, au paragraphe 129 :

[…] Les personnes visées par les décisions administratives sont en droit de s’attendre à ce que les affaires semblables soient généralement tranchées de la même façon et que les résultats ne dépendent pas seulement de l’identité du décideur — des attentes qui ne s’évaporent pas du simple fait que les parties ne comparaissent pas devant un juge.

[Non souligné dans l’original.]

[22] Bien que le demandeur soutienne que c’était [traduction] « le même montant de 10 000 $ » en 2019 qu’en 2018, cela n’est pas exact.

[23] En 2018, le demandeur a d’abord déposé 52 500 $ à son CELI. Il a plus tard ajouté un montant de 20 000 $, qui a été immédiatement retiré, dans une opération distincte.

[24] Le demandeur affirme que le dépôt de 52 500 $ était dû à une information erronée de la part de la banque et que le dépôt de 20 000 $ était une erreur d’écriture transactionnelle qui a été corrigée immédiatement. Quoi qu’il en soit, le résultat a été que le montant total de la cotisation excédentaire du demandeur à la fin de l’année d’imposition 2018 était de 10 000 $.

[25] En 2019, la cotisation excédentaire était seulement de 4 000 $ en raison de l’augmentation du plafond annuel de cotisation, qui est passé à 6 000 $ en 2019.

[26] Le demandeur a versé une cotisation de 6 000 $, soit le montant maximal autorisé pour cette année d’imposition. Malheureusement, ce dépôt a créé une nouvelle cotisation excédentaire de 10 000 $. En raison de cette nouvelle cotisation excédentaire, le montant total n’était pas [traduction] « le même montant de 10 000 $ » qu’en 2018.

[27] Il s’agit d’un fait important pour le ministre. Dans la décision contestée, il était souligné que [traduction] « [t]oute partie d’un retrait qui ne réduit pas ou n’élimine pas un excédent CELI déjà déterminé n’est pas considérée comme une partie admissible du retrait et ne peut pas être utilisée pour réduire ou éliminer un futur excédent CELI pour ce mois‑là ».

[28] La décision contestée soulignait qu’il incombe au demandeur de s’assurer que toutes les cotisations sont faites dans le respect des lignes directrices énoncées dans les dispositions légales relatives aux cotisations au CELI.

[29] Le ministre a souligné à juste titre que, le 16 juillet 2019, le demandeur avait été informé de la cotisation excédentaire à son CELI et de l’impôt qui en découlait. Le demandeur n’a retiré le montant excédentaire que le 29 octobre 2019, ce qui a été considéré comme un délai déraisonnable.

[30] Le ministre a également reconnu que, bien que les cotisations excédentaires au CELI du demandeur n’aient pas été intentionnelles, une interprétation erronée du plafond de cotisation au CELI n’est pas considérée comme une erreur raisonnable. Le raisonnement est conforme à d’autres décisions portant sur des cotisations excédentaires à un CELI.

[31] Le paragraphe 207.06(1) de la LIR dispose que le ministre peut exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré si le contribuable convainc le délégué du ministre que l’obligation de payer l’impôt fait suite à une erreur raisonnable et si le montant excédentaire dans le CELI est retiré sans délai (Sangha c Canada (Procureur général), 2020 CF 712 au para 19.

[32] Le juge Rennie, maintenant juge à la Cour d’appel fédérale, a expliqué le critère qu’il faut respecter pour recevoir un allègement dans la décision Kapil c Canada (Agence du revenu), 2011 CF 1373 au para 28 :

Le critère énoncé au paragraphe 204.1(4) est conjonctif, ce qui signifie que le contribuable doit établir les deux volets à la satisfaction du ministre pour qu’un allègement soit envisagé à son égard. Même s’il est satisfait aux deux volets, le pouvoir discrétionnaire quant à la renonciation appartient toujours au ministre. En d’autres termes, le fait de satisfaire les deux volets ne signifie pas que la renonciation est automatique. Il s’agit de savoir si la conclusion du ministre relative aux mesures indiquées prises par le demandeur pour éliminer l’excédent de cotisations était raisonnable ou déraisonnable. Le demandeur soutient qu’il a agi de bonne foi et qu’il a pris les mesures indiquées pour éliminer les cotisations excédentaires. Le ministre estimait que ce n’était pas le cas, et cette conclusion comporte clairement les caractéristiques d’une décision raisonnable.

VII. Conclusion

[33] Bien que je comprenne l’argument du défendeur, je conclus que l’analyse effectuée dans la décision contestée permet au demandeur de comprendre comment et pourquoi il n’a pas reçu l’allègement pour le contribuable pour l’année d’imposition 2019.

[34] Le ministre a présenté une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle fondée sur la loi. Lorsque la décision contestée est justifiée au regard des faits et du droit, je suis tenue de faire preuve de retenue à l’égard de cette décision : Vavilov, au para 85.

[35] Après avoir examiné les arguments, tant écrits qu’oraux, et sur la base du dossier dont je suis saisie, je conclus que, pour tous les motifs exposés précédemment, la décision est raisonnable.

[36] Par conséquent, la demande est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier T‑1361‑20

LA COUR STATUE :

1. L’intitulé de la cause est modifié pour préciser que le procureur général du Canada est le défendeur.

2. La demande est rejetée.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1361‑20

 

INTITULÉ :

GORDON STEINBACH c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 JUIN 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 7 JUIN 2022

 

COMPARUTIONS :

M. Gordon Steinbach

 

LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

M. Alexander Millman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Le procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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