Dossier : T‑2049‑19
Référence : 2022 CF 749
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 20 mai 2022
En présence de monsieur le juge Southcott
ENTRE :
|
KEVIN O’LEARY ET LINDA O’LEARY
|
parties demanderesses/
défendeurs reconventionnels
|
et
|
ROSA RAGONE, ANTONIO RAGONE
ET PAULA BRITO
|
parties défenderesses/
demandeurs reconventionnels
|
et
|
RICHARD RUH ET IRV EDWARDS
|
tierces parties
|
ORDONNANCE ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1] La présente décision porte sur une requête présentée par les représentants de la succession de Susanne Brito, David Owen, Liam Owen, Ruby Owen, Cash Owen, Allison Poltash et Alexander Poltash [les parties requérantes], qui souhaitent présenter des réclamations contre un fonds de limitation constitué dans la présente instance en vertu des dispositions de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, LC 2001, c 6 [la LRM].
[2] Le 3 juillet 2020, la Cour a rendu une ordonnance [l’ordonnance de juillet] prescrivant le processus à suivre pour trancher l’instance des parties demanderesses visant la limitation de leur responsabilité en vertu de la LRM. L’ordonnance de juillet prescrivait la méthode selon laquelle les parties demanderesses devaient constituer un fonds de limitation au titre de la LRM [le fonds de limitation] et précisait les mesures que les parties défenderesses et les autres demandeurs devaient prendre pour présenter des réclamations contre le fonds de limitation.
[3] Un différend s’est manifesté entre les parties demanderesses et les parties requérantes quant à savoir si les mesures prises par les parties requérantes par la suite pour faire valoir leurs réclamations contre le fonds de limitation sont conformes à l’ordonnance de juillet. Par conséquent, les parties requérantes demandent à la Cour de déterminer si ces mesures sont conformes à l’ordonnance de juillet ou, subsidiairement, de prolonger le délai pour prendre les mesures nécessaires pour assurer cette conformité.
[4] Comme je l’explique plus en détail ci‑dessous, j’ai conclu que les parties requérantes ne se sont pas conformées à l’ordonnance de juillet, mais que, dans les circonstances particulières examinées dans les présents motifs, il est dans l’intérêt de la justice que le délai de conformité soit prolongé afin de permettre aux parties requérantes de présenter leurs réclamations contre le fonds de limitation.
II.
Contexte
[5] Le 24 août 2019, deux navires ont été impliqués dans une collision sur le lac Joseph dans le canton de Seguin (Ontario) [la collision], ce qui a entraîné la mort tragique de deux personnes, Susanne Brito et Gary Poltash [les défunts]. Les défunts se trouvaient à bord d’un navire appartenant à Irv Edwards, tierce partie, et conduit par Richard Ruh, tierce partie. L’autre navire appartenait à Kevin et Linda O’Leary, les parties demanderesses dans la présente instance, ou était conduit par eux.
[6] La partie 3 de la LRM prévoit la limitation possible de la responsabilité pour diverses catégories de créances maritimes. Pour les navires de la taille en cause dans la collision, dont la jauge brute est inférieure à 300 tonneaux, la limite est de 1 000 000 $ pour chaque navire. Le 19 décembre 2019, les parties demanderesses ont engagé la présente action au moyen d’une déclaration demandant une limitation de leur responsabilité à l’égard de la collision [l’action en limitation O’Leary]. De même, le 6 mars 2020, les tierces parties à la présente action, Richard Ruh et Irv Edwards, ont publié une déclaration portant le numéro de dossier de la Cour T‑354‑20, visant également à limiter leur responsabilité à l’égard de la collision [l’action en limitation Ruh/Edwards].
[7] L’action en limitation O’Leary a nommé trois parties défenderesses, soit Rosa Ragone, Antonio Ragone et Paula Brito. Ils sont respectivement la mère, le beau‑père et la sœur de la défunte, Susanne Brito, et ont été désignés comme parties défenderesses parce qu’ils avaient à ce moment‑là intenté des poursuites devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario.
[8] Au moment où l’action en limitation Ruh/Edwards a été déposée, un groupe plus important de personnes à charge des défunts avait intenté des actions devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, par suite desquelles l’action en limitation Ruh/Edwards a nommé un plus grand nombre de parties défenderesses, y compris les parties requérantes. En plus de la succession de la défunte Susanne Brito, les parties requérantes comprennent l’époux et les enfants de Mme Brito et les enfants du défunt Gary Poltash.
[9] L’ordonnance de juillet, rendue sur requête des parties demanderesses avec le consentement des parties défenderesses, établit une procédure et des délais pour les diverses étapes de l’action en limitation O’Leary. Fait particulièrement important pour cette requête, l’ordonnance de juillet comprenait les paragraphes suivants :
[traduction]
3. Toute demande à l’égard de l’incident qui peut faire l’objet d’une limitation de responsabilité sera formulée : a) par la voie d’une défense, d’une défense et demande reconventionnelle, ou d’une défense et demande entre défendeurs dans le cadre de ces actions (une « défense »), ou b) par la voie d’un avis de réclamation dans le cadre de la présente action, peu importe si la réclamation est également présentée par la voie d’une action distincte devant la Cour.
[….]
11. Au plus tard le 7 août 2020, toute personne nommée comme défendeur dans la présente action peut :
a) signifier et déposer une défense;
b) signifier et déposer un avis de réclamation contre le fonds de limitation des O’Leary appuyé d’un affidavit énonçant les faits sur lesquels la personne déposant l’avis de réclamation prétend avoir le droit de participer à la répartition du fonds de limitation des O’Leary.
12. Au plus tard le 22 septembre 2020, toute personne, autre qu’un défendeur actuel, qui prétend avoir subi des pertes ou des dommages en raison de l’incident peut :
a) signifier et déposer une défense;
b) signifier et déposer un avis de réclamation contre le fonds de limitation des O’Leary appuyé d’un affidavit énonçant les faits sur lesquels la personne déposant l’avis de réclamation prétend avoir le droit de participer à la répartition du fonds de limitation des O’Leary.
13. Tout défendeur actuel qui n’a pas déposé de défense ou d’avis de réclamation étayé par un affidavit au plus tard le 7 août 2020, et tout autre demandeur qui n’a pas déposé de défense ou d’avis de réclamation étayé par un affidavit au plus tard le 22 septembre 2020 ne seront pas autorisés à contester le droit des O’Leary de limiter leur responsabilité en vertu de la LRM et à présenter une réclamation contre le fonds de limitation des O’Leary. Il est entendu que, même si le délai de prescription établi par une loi à l’égard d’une réclamation contre le fonds de limitation des O’Leary n’est pas expiré, aucune réclamation ne sera déposée à l’égard du fonds de limitation après le 22 septembre 2020.
[10] Je remarque également qu’une ordonnance comparable, également datée du 3 juillet 2020, a été rendue dans l’action en limitation Ruh/Edwards. Conformément à ce qui précède, les parties défenderesses et les parties requérantes ont signifié et déposé une défense modifiée et une demande reconventionnelle dans l’action en limitation Ruh/Edwards le 4 août 2020, et le 6 août 2020, ils ont signifié et déposé des éléments de preuve par affidavit dans cette instance.
[11] Conformément à l’ordonnance de juillet dans la présente action, l’action en limitation O’Leary, les parties défenderesses ont également signifié une défense modifiée et une demande reconventionnelle datée du 4 août 2020, puis ont déposé ce document dans le dossier de la Cour no T‑2049‑19. Toutefois, bien que les parties requérantes soient représentées par le même avocat que les parties défenderesses, elles n’ont pas déposé de défense, d’avis de réclamation ou d’affidavit à l’appui dans le dossier de la Cour no T‑2049‑19. Le 5 août 2020, elles ont plutôt déposé une déclaration d’introduction d’une nouvelle action portant le numéro de dossier de la Cour T‑885‑20 [l’action des parties requérantes], et elles ont par la suite déposé des affidavits dans cette action.
[12] Au début des interrogatoires préalables en septembre 2021, l’avocat des parties demanderesses a fait part de leur position selon laquelle les parties requérantes n’avaient pas déposé d’acte de procédure dans l’action en limitation O’Leary, comme l’exige l’ordonnance de juillet, et se sont réservé le droit d’adopter la position selon laquelle les réclamations des parties requérantes contre le fonds de limitation étaient donc interdites. Par conséquent, les parties requérantes ont déposé la présente requête le 18 février 2022 qui demandait un redressement afin de leur permettre de présenter leurs réclamations contre le fonds de limitation.
[13] À l’appui de leurs arguments, les parties requérantes s’appuient sur un affidavit souscrit par leur avocat, M. Nick Todorovic, et les parties demanderesses répondent en se fondant sur un affidavit souscrit par leur avocat, M. Rui Fernandes. Les deux déposants ont été contre‑interrogés sur leurs affidavits et les transcriptions déposées à la Cour. Conformément à l’article 82 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], qui précise que, sauf avec l’autorisation de la Cour, un avocat ne peut à la fois être l’auteur de l’affidavit et présenter à la Cour des arguments fondés sur cet affidavit, la présente requête a été présentée par des coavocats, et non par MM. Todorovic et Fernandes.
III.
Questions en litige
[14] Les parties requérantes soutiennent que les questions dont la Cour est saisie sont les suivantes :
La déclaration des parties requérantes doit‑elle être considérée comme un avis de réclamation et être réputée avoir été signifiée et déposée conformément à l’ordonnance de juillet?
Subsidiairement, l’ordonnance de juillet doit‑elle être modifiée pour prolonger le délai prévu pour la signification et le dépôt d’une défense, ou pour la signification et le dépôt d’un avis de réclamation appuyé par affidavit, afin de le porter à 30 jours à compter de la date de l’ordonnance de la Cour dans la présente requête?
IV.
Analyse
A.
La déclaration des parties requérantes doit‑elle être considérée comme un avis de réclamation et être réputée avoir été signifiée et déposée conformément à l’ordonnance de juillet?
[15] Si j’ai bien compris leur première question, les parties requérantes soutiennent que la déclaration qu’elles ont déposée dans le dossier de la Cour no T‑885‑20 répond aux exigences de l’ordonnance de juillet qui leur imposait de déposer un avis de réclamation, et elles demandent une déclaration à cet effet à la Cour. Pour les raisons expliquées ci‑dessous, j’estime que cet argument n’est pas valable.
[16] Je comprends qu’un avis de réclamation n’est pas une formule prescrite par les Règles ou par l’ordonnance de juillet. Il s’agit plutôt du nom fréquemment utilisé par les praticiens du droit maritime pour décrire un acte de procédure déposé par un demandeur contre un fonds de limitation, un navire ou un autre bien réel, une sûreté à cet égard ou le produit de la vente de celui‑ci, dans des circonstances où le demandeur n’est pas autrement une partie à l’instance au cours de laquelle les demandes concurrentes seront tranchées. En l’absence d’une ordonnance claire quant à la forme que doit prendre un avis de réclamation, on pourrait soutenir qu’une déclaration pourrait servir d’avis de réclamation, si elle justifie suffisamment la demande présentée. Le fait qu’une déclaration porte un nom différent ne serait pas, à mon avis, nécessairement fatal à un tel argument.
[17] Toutefois, il est clair, d’après le paragraphe 3 de l’ordonnance de juillet, que l’avis de réclamation doit être déposé [traduction] « […] dans le cadre de la présente action, peu importe si la réclamation est également présentée par la voie d’une action distincte devant la Cour »
. À mon avis, ce libellé ne laisse aucune place à un argument selon lequel un acte de procédure dans le cadre d’une autre instance, qui n’a pas été déposé dans l’action en limitation O’Leary (dossier de la Cour no T‑2049‑19), est conforme aux exigences de l’ordonnance de juillet.
[18] Autrement dit, si les parties requérantes avaient intenté leur action dans le dossier de la Cour no T‑885‑20 en déposant leur déclaration dans cette instance, puis en signifiant et en déposant le même document dans l’action en limitation O’Leary (dossier de la Cour no T‑2049‑19), elles pourraient avoir un argument valable selon lequel la déclaration devrait être traitée comme un avis de réclamation aux fins de la présentation d’une réclamation contre le fonds de limitation conformément à l’ordonnance de juillet. Cependant, il n’y a pas de preuve ni d’argument devant la Cour qui laisse entendre que les parties requérantes ont tenté de déposer leur déclaration dans le dossier de la Cour no T‑2049‑19. Par conséquent, les parties requérantes n’ont pas présenté leur réclamation contre le fonds de limitation d’une manière conforme à l’ordonnance de juillet.
B.
Subsidiairement, l’ordonnance de juillet doit‑elle être modifiée pour prolonger le délai prévu pour la signification et le dépôt d’une défense, ou pour la signification et le dépôt d’un avis de réclamation appuyé par affidavit, afin de le porter à 30 jours à compter de la date de l’ordonnance de la Cour dans la présente requête?
[19] Selon la position subsidiaire des parties requérantes, les Règles permettraient à la Cour d’accorder un redressement pour le défaut de se conformer aux modalités de l’ordonnance de juillet. Bien qu’elles invoquent les articles 57 et 60 des Règles, je suis d’accord avec la position des parties demanderesses selon laquelle ces dispositions des Règles ne s’appliquent pas aux circonstances de la présente requête.
[20] La disposition applicable est plutôt le paragraphe 8(1) des Règles, qui permet à la Cour de prolonger ou d’abréger une période prévue par les Règles ou fixée par une ordonnance. Les arguments des parties requérantes à l’égard de la présente requête sont fortement axés sur cet article des Règles, tout comme les arguments en réponse des parties demanderesses, et je n’ai relevé aucune divergence importante entre les positions des parties sur le critère à appliquer. Comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Hennelly, 1999 CanLII 8190 (CAF) [Hennelly], au paragraphe 3, lorsqu’elle décide d’accorder ou non une prorogation de délai, la Cour doit examiner la question de savoir si la partie demandant la prolongation a démontré : a) une intention constante de poursuivre sa demande; b) que la demande est bien fondée; c) que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai; et d) qu’il existe une explication raisonnable justifiant le délai.
[21] Comme il a été expliqué aux paragraphes 30 et 31 de la décision Heddle Marine Service (NL) Inc c Kydy Sea (Ship), 2019 CF 1140, dans laquelle le juge Pamel a appliqué l’article 8 des Règles à une requête en prolongation de délai pour le dépôt de documents dans le cadre d’une réclamation contre le produit de la vente d’un navire, les facteurs énoncés dans l’arrêt Hennelly ne constituent pas une liste exhaustive de considérations. L’absence d’une réponse positive à l’un de ces facteurs n’est pas non plus nécessairement déterminante. Le poids à accorder à chacun de ces facteurs varie selon les circonstances de chaque affaire. En fin de compte, la considération primordiale est que justice soit rendue.
[22] Avant de passer aux facteurs énoncés dans l’arrêt Hennelly, il est nécessaire d’examiner la preuve contenue dans les affidavits de M. Todorovic et de M. Fernandes concernant les communications entre eux après la délivrance de l’ordonnance de juillet.
[23] M. Todorovic affirme que lui, son parajuriste et son stagiaire en droit n’ont pas été en mesure de trouver une formule d’avis de réclamation dans les Règles et qu’il a donc parlé à M. Fernandes, le ou vers le 17 juillet 2020, de la façon dont les réclamations des parties requérantes seraient déposées. M. Todorovic et M. Fernandes font tous deux référence à cette conversation dans leurs affidavits, mais leurs témoignages divergent. L’affidavit de M. Todorovic dit ceci :
[traduction]
23. Le ou vers le 17 juillet 2020, j’ai parlé à M. Fernandes de la façon dont il aimerait recevoir les réclamations des demandeurs. M. Fernandes a répondu que les demandeurs qui souhaitaient participer à la répartition du fonds de limitation O’Leary pouvaient déposer et signifier une déclaration. M. Fernandes a ajouté que je devais noter le numéro de dossier de la Cour pour l’action en limitation O’Leary dans la déclaration.
[24] En revanche, l’affidavit de M. Fernandes dit ce qui suit :
[traduction]
24. Le 17 juillet 2020, j’ai eu une conversation générale avec M. Todorovic au sujet de l’ordonnance du 3 juillet et des prochaines étapes. Au cours de cet appel, je n’ai jamais informé M. Todorovic qu’il serait acceptable d’intenter une nouvelle action devant la Cour fédérale au moyen d’une déclaration. Au cours de cet appel, je n’ai jamais informé M. Todorovic que le dépôt d’une déclaration satisferait les exigences concernant la présentation d’une défense ou d’un avis de réclamation qui sont énoncées dans l’ordonnance du 3 juillet. J’ai informé M. Todorovic que les demandeurs qui souhaitent participer à la répartition du fonds de limitation O’Leary pouvaient déposer et signifier un avis de réclamation dans le cadre de l’action en limitation O’Leary, ou présenter une défense, une défense et demande reconventionnelle ou une défense et demande entre défendeurs dans le cadre de l’action en limitation O’Leary. J’ai en outre avisé M. Todorovic qu’il devait communiquer avec Abigail Grimes, agente du greffe de la Cour fédérale, s’il avait besoin d’aide supplémentaire pour la procédure de dépôt des réclamations contre les fonds de limitation.
[25] De toute évidence, les deux parties à cette conversation en ont un souvenir différent. Bien que les deux aient fait l’objet d’un contre‑interrogatoire sur leurs affidavits, il y a peu de choses dans les transcriptions du contre‑interrogatoire qui aident la Cour à résoudre la divergence. Toutefois, la Cour peut déduire, à partir de l’explication donnée, que M. Todorovic a eu de la difficulté à trouver une forme d’avis de réclamation et qu’il ne connaît pas bien la pratique du droit maritime à la Cour fédérale, du moins en ce qui concerne ses processus de règlement des revendications concurrentes contre des biens maritimes. À la lumière de cette inférence, il me semble très probable que M. Todorovic et M. Fernandes se parlaient sans bien se comprendre et que, bien que M. Fernandes n’ait pas suggéré de suivre un processus qui s’écartait de l’ordonnance de juillet, M. Todorovic ne savait toujours pas comment s’y conformer.
[26] Par conséquent, la preuve des communications de M. Todorovic avec M. Fernandes n’aide pas particulièrement les parties requérantes. À mon avis, l’aspect factuel le plus convaincant de la position des parties requérantes est plutôt que, dans le délai prescrit par l’ordonnance de juillet, M. Todorovic a non seulement signifié et déposé la déclaration dans l’action des parties requérantes, mais aussi, et surtout, il a également signifié aux parties demanderesses et déposé des affidavits que M. Todorovic décrit comme des affidavits établissant les faits sur lesquels les parties requérantes s’appuient pour affirmer leur droit à une part dans la répartition du fonds de limitation [les affidavits des parties requérantes].
[27] Il aurait été utile à la Cour que le dossier de la présente requête comprenne des copies des affidavits des parties requérantes. Le dossier de requête des parties requérantes comprend seulement un affidavit de signification confirmant la signification des affidavits de David Owen, d’Allison Poltash et d’Alexander Poltash à M. Fernandes le 17 septembre 2020. (L’affidavit de signification confirme également la signification d’un affidavit de Pauline New, l’épouse de Gary Poltash, qui, selon les déclarations de l’avocat des parties requérantes à l’audience de la présente requête, ne poursuivait plus sa demande.) Toutefois, l’avocat des parties demanderesses n’a pas contesté la description que M. Todorovic a faite des affidavits des parties requérantes et, si cette description était inexacte, les parties demanderesses auraient pu en inclure des copies dans leur propre dossier de requête afin de le démontrer.
[28] J’accepte donc la preuve de M. Todorovic selon laquelle, dans le délai prescrit par l’ordonnance de juillet pour la signification et le dépôt d’affidavits énonçant les faits sur lesquels s’appuient les demandeurs pour affirmer leur droit de présenter une réclamation contre le fonds de limitation, les parties requérantes ont assermenté, signifié et déposé des affidavits de cette nature. Bien entendu, comme pour leur déclaration, elles ont déposé leurs affidavits dans le mauvais dossier de la Cour (T‑885‑20 au lieu de T‑2049‑19). Cependant, je ne vois aucune raison pour laquelle des affidavits de cette nature auraient été déposés, au début de l’action des parties requérantes, en dehors d’un effort visant à faire valoir des réclamations contre le fonds de limitation (et peut‑être aussi le fonds de limitation qui avait été constitué dans l’action en limitation Ruh/Edwards). Dans ce contexte factuel, je vais maintenant passer aux facteurs énoncés dans l’arrêt Hennelly.
(1)
Intention constante de poursuivre la demande
[29] Les parties demanderesses contestent le fait que les parties requérantes n’ont pas signifié leurs propres affidavits, pour attester leur intention de présenter des réclamations contre le fonds de limitation, et s’appuient plutôt sur la preuve de M. Todorovic. Cependant, les faits exposés ci‑dessus démontrent clairement une telle intention.
[30] Le dossier démontre également que les parties requérantes ont participé aux étapes subséquentes de la présente instance, y compris les conférences de gestion de l’instance, les interrogatoires préalables et la médiation. Les parties demanderesses soutiennent que, comme ces étapes s’appliquaient également à l’action en limitation Ruh/Edwards, la participation des parties requérantes ne peut pas nécessairement être interprétée comme étant liée à l’action en limitation O’Leary. Je ne vois dans le dossier aucun fondement permettant de conclure que les parties requérantes ont participé à ces étapes uniquement dans le but de présenter des réclamations contre le fonds de limitation constitué dans l’action en limitation Ruh/Edwards. Je ne peux pas non plus trouver de raison logique pour laquelle elles feraient valoir des réclamations et intenteraient des poursuites en lien avec ce fonds de limitation et non avec le fonds de limitation dans l’action en limitation O’Leary.
[31] À mon avis, ce facteur de l’analyse prévu dans l’arrêt Hennelly favorise fortement les parties requérantes.
(2)
Bien‑fondé de la demande
[32] Les parties demanderesses soulignent que la responsabilité de la collision n’a pas encore été déterminée et répartie. En effet, dans une décision rendue le 14 septembre 2021 à la suite de la poursuite intentée contre Linda O’Leary pour avoir conduit un navire de façon négligente en contravention du Règlement sur les petits bâtiments, DORS/2010‑91, pris en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, LC 2001, c 26, la Cour de justice de l’Ontario a déclaré Mme O’Leary non coupable et a tiré un certain nombre de conclusions de fait en sa faveur à l’appui de l’acquittement [la décision issue de la poursuite]. Les parties demanderesses font remarquer que les parties requérantes n’ont présenté aucune preuve contraire à l’égard de la présente requête. Elles n’ont pas non plus présenté d’éléments de preuve établissant leurs relations avec les défunts, ce qui serait nécessaire pour établir leurs réclamations au titre de la LRM.
[33] Les arguments des parties demanderesses sont bien fondés. Les observations des parties requérantes sur cet élément du critère de l’arrêt Hennelly sont en fait de simples assertions indiquant que les personnes sont décédées au cours de la collision, qu’il existe donc une cause d’action pour leurs personnes à charge en vertu de la LRM et que la cause d’action est bien fondée. Le fondement probant présenté pour cet élément du critère est faible. La responsabilité des parties demanderesses à l’égard de la collision est contestée et, en réponse aux réclamations des parties requérantes, elles peuvent chercher à s’appuyer sur l’acquittement et les conclusions de fait favorables dans la récente décision issue de la poursuite.
[34] Toutefois, le fait que la collision s’est produite et qu’elle a entraîné les décès tragiques n’est évidemment pas contesté, et la décision issue de la poursuite comportait une norme de preuve différente de celle qui sera utilisée pour déterminer la responsabilité civile des parties à la collision. De plus, comme il y a d’autres réclamations contre le fonds de limitation, le processus de décision et de répartition de la responsabilité aura lieu, peu importe que les réclamations des parties requérantes soient incluses ou non dans le processus. Bien que les relations des parties requérantes avec les défunts puissent ne pas être officiellement admises, je ne crois pas qu’il s’agisse de points de controverse actifs. De toute évidence, les catégories et le montant des dommages‑intérêts demandés par les parties requérantes nécessiteraient des éléments de preuve, mais je ne m’attends pas à ce que ce niveau de détail soit présenté dans une requête en prolongation de délai.
[35] À mon avis, il y a donc suffisamment de bien‑fondé pour demander à la Cour de se prononcer sur la responsabilité des parties demanderesses et sur tout droit qui en découle pour les parties requérantes afin de satisfaire à cet élément du critère de l’arrêt Hennelly.
(3)
Préjudice subi en raison du délai
[36] Les parties demanderesses soutiennent qu’elles‑mêmes, tout comme les demandeurs contre le fonds de limitation qui se sont conformés à l’ordonnance de juillet, subiraient un préjudice si la prorogation demandée était accordée.
[37] Considérant d’abord les demandeurs autres que les parties requérantes, les parties demanderesses font référence aux parties défenderesses ainsi qu’à quatre autres qui ont déposé des avis de réclamation avec des affidavits à l’appui. Les autres sont Jose et Mario Brito (respectivement le père et le frère de la défunte Suzanne Brito), Murray Wohlmoth (passager à bord du navire appartenant à M. Edwards) et M. Edwards lui‑même. Dans son affidavit, M. Fernandes affirme craindre que ces demandeurs subissent un préjudice si la prolongation du délai était accordée, car leur part proportionnelle du fonds de limitation diminuerait (dans le cas où les parties demanderesses seraient tenues responsables).
[38] Mathématiquement, cette préoccupation est valable. En supposant que le montant des réclamations démontrables pour lesquelles la responsabilité des parties demanderesses est répartie dépasse la somme de 1 million de dollars du fonds de limitation, l’ajout des réclamations des parties requérantes, si elles sont également prouvées, réduirait nécessairement le recouvrement des autres demandeurs. Cependant, il convient de souligner qu’aucun des autres demandeurs ne s’oppose à la présente requête. M. Todorovic déclare ce qui suit dans son affidavit :
[traduction]
41. Le 7 janvier 2022, j’ai assisté à une conférence téléphonique avec les avocats des demandeurs restants (à l’exception des avocats des demandeurs O’Leary), qui m’ont informé qu’ils croyaient toujours que les demandeurs étaient ceux qui devaient se partager le fonds de limitation O’Leary et ne s’opposaient pas à reconnaître les réclamations des demandeurs.
[39] Ce paragraphe n’est pas assez précis pour déterminer qui sont les avocats des demandeurs avec lesquels M. Todorovic a parlé. Toutefois, à l’audience, l’avocat des parties requérantes a soutenu que ce paragraphe renvoie à Jose et Mario Brito, à M. Wohlmoth et à M. Edwards. Je note également que ces demandeurs ont reçu signification du dossier de requête des parties requérantes et ont refusé de participer à la requête, qui appuie la déclaration des parties requérantes selon laquelle ces demandeurs ne s’opposent pas au redressement demandé.
[40] Les autres demandeurs contre le fonds de limitation sont les parties défenderesses, Rosa Ragone, Antonio Ragone et Paula Brito. Comme il a été mentionné précédemment, les parties défenderesses et les parties requérantes ont le même avocat, qui a indiqué à l’audience que les parties défenderesses ne contestent pas le redressement demandé. La Cour a demandé à l’avocat s’il y avait une divergence entre les intérêts des parties défenderesses et ceux des parties requérantes. L’avocat a confirmé que ses clients ont renoncé à invoquer tout conflit et a souligné que les parties défenderesses et les parties requérantes se sont contentées de faire avancer leurs réclamations ensemble depuis avant que la présente requête ne soit nécessaire. Compte tenu de ces observations et du fait que les parties défenderesses et plusieurs des parties requérantes sont tous membres de la famille de Susanne Brito, la Cour est convaincue que les parties défenderesses ont pris une décision éclairée de ne pas s’opposer à la présente requête.
[41] Par conséquent, aucun des demandeurs potentiellement en concurrence avec le fonds de limitation n’affirme qu’il subira un préjudice en raison de la présente requête. Je passe donc au préjudice que les parties demanderesses subiront, selon leurs assertions, si la requête est accueillie. Elles soutiennent que leur responsabilité potentielle est élargie si les parties requérantes sont autorisées à présenter leurs réclamations contre le fonds de limitation. Bien entendu, cet argument est fondé sur le montant des réclamations démontrables pour lesquelles la responsabilité des parties demanderesses est répartie, sans dépasser la somme de 1 million de dollars du fonds de limitation, ce qui est une prémisse différente de celle du dernier argument des parties demanderesses. À ce stade du litige, il n’est pas possible pour la Cour de connaître le nombre de réclamations pouvant être prouvées. Bien qu’il y ait au moins une possibilité théorique que la prolongation du délai, si elle est accordée, puisse finir par entraîner une augmentation de la responsabilité attribuée aux parties demanderesses, il s’agit actuellement d’une affirmation relativement hypothétique.
[42] De plus, ce risque n’est pas plus important que celui auquel les parties demanderesses auraient fait face si les réclamations des parties requérantes avaient été déposées en temps opportun conformément à l’ordonnance de juillet. Les parties demanderesses affirment qu’elles subissent un préjudice en raison du retard dans le dépôt des réclamations, parce qu’elles ont engagé le présent litige en s’appuyant sur la croyance que, comme elles n’avaient pas respecté l’ordonnance de juillet, les parties requérantes ne présenteraient pas de réclamation contre le fonds de limitation. Cependant, les faits ne justifient pas une telle conclusion. Comme il a été expliqué précédemment dans les présents motifs, la preuve établit que, dans le délai prescrit par l’ordonnance de juillet pour la signification et le dépôt d’affidavits énonçant les faits sur lesquels s’appuient les demandeurs pour établir leur droit à présenter une réclamation contre le fonds de limitation, les parties requérantes ont assermenté des affidavits de cette nature et les ont signifiés aux parties demanderesses. Même si ces affidavits portaient le mauvais intitulé de cause et ont été déposés dans la mauvaise instance, la nature de ces affidavits est telle que les parties demanderesses ont été avisées de l’intention des parties requérantes de présenter une réclamation contre le fonds de limitation.
[43] Pour en arriver à cette conclusion, je suis conscient que l’obligation de déposer des réclamations dans le cadre de l’instance pertinente, comme le prévoit l’ordonnance de juillet et comme c’est habituellement le cas dans des ordonnances de cette nature, existe pour une raison. Les parties intéressées par l’instance de limitation devraient être en mesure de connaître l’évolution de la procédure, y compris l’identité des demandeurs et les détails de leurs réclamations, en consultant le dossier de la Cour pour cette instance. Elles ne devraient pas avoir à fouiller dans le greffe du tribunal pour d’autres instances dans lesquelles de telles réclamations auraient pu être déposées. Cette exigence protège particulièrement les intérêts des demandeurs qui se joignent au litige à différentes étapes dans le délai applicable et qui n’ont donc pas nécessairement l’avantage de se faire signifier toutes les autres réclamations. Cependant, comme il est expliqué ci‑dessus, en l’espèce, il n’y a pas de demandeurs opposés à la requête des parties requérantes. En ce qui concerne les parties demanderesses, il ressort clairement du dossier qu’elles ont reçu signification des affidavits des parties requérantes.
[44] De plus, les parties demanderesses ont fourni très peu de détails à l’appui de leur affirmation selon laquelle elles subiraient un préjudice à la suite de décisions stratégiques prises dans le cadre du litige depuis l’expiration des délais de l’ordonnance de juillet. Les parties ont assisté à des conférences de gestion de l’instance et à des interrogatoires préalables auxquels les parties requérantes ont participé, et il y a eu une médiation subséquente au cours de laquelle un règlement n’a pas été conclu. Je comprends que la nature confidentielle du processus de médiation empêche les parties demanderesses de divulguer les détails des positions prises pendant la médiation. Cependant, en l’absence d’une explication de fond concernant les décisions stratégiques prises par les parties demanderesses en s’appuyant sur une conclusion selon laquelle les réclamations des parties requérantes ne seraient pas présentées, j’estime que le facteur de préjudice contenu dans l’analyse de l’arrêt Hennelly favorise les parties requérantes.
(4)
Explication raisonnable justifiant le délai
[45] Il s’agit du facteur énoncé dans l’arrêt Hennelly qui joue le plus fortement en faveur des parties demanderesses. L’explication des parties requérantes pour le retard dans le dépôt de leurs réclamations contre le fonds de limitation est en fait que leur avocat ne connaissait pas cet aspect de la pratique du droit maritime et ne comprenait pas ce qui était exigé par l’ordonnance de juillet. Bien que je reconnaisse qu’il s’agit de l’explication, la jurisprudence n’est pas particulièrement favorable à des explications de cette nature (voir, p. ex., Cotirta c Missinnipi Airways, 2012 CF 1262 [Cotirta], para 13).
[46] Les parties demanderesses s’appuient également sur la jurisprudence selon laquelle l’explication donnée pour le retard doit le justifier pour toute la période en question et que tout laxisme ou toute omission de présenter une demande avec toute la diligence à laquelle on pourrait raisonnablement s’attendre militera fortement contre l’octroi d’une prolongation (voir Lesly c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 272 [Lesly], para 20 et 21). En septembre 2021, l’avocat des parties demanderesses a informé l’avocat des parties requérantes de la position des parties demanderesses selon laquelle les réclamations des parties requérantes contre le fonds de limitation n’avaient pas été dûment déposées. Toutefois, la présente requête visant à reporter la date limite applicable n’a pas été déposée avant février 2022. Dans leurs observations, les parties requérantes font valoir que la médiation qui a eu lieu entre‑temps explique pourquoi la requête n’a pas été déposée plus rapidement. J’accorde un certain poids à cet argument, mais, particulièrement compte tenu du traitement jurisprudentiel des circonstances dans lesquelles la nécessité d’une prolongation découle d’erreurs de la part des avocats, dans l’ensemble, j’estime que les observations des parties requérantes sur ce facteur de l’analyse de l’arrêt Hennelly ne sont pas convaincantes.
(5)
Intérêts de la justice
[47] Après avoir examiné chacun des facteurs énoncés dans l’arrêt Hennelly, je me penche maintenant sur le résultat qui devrait découler de ces facteurs, en tenant compte de l’exigence primordiale d’être attentif aux intérêts de la justice. Comme il a été expliqué ci‑dessus, à l’exception de l’explication pour le retard fournie par les parties requérantes, les facteurs énoncés dans l’arrêt Hennelly favorisent l’octroi de la prolongation. Les intérêts de la justice sont également très différents dans la présente affaire de ceux dans une cause comme l’affaire Cotirta, dans laquelle l’avocat n’a pas pris de mesures entre l’introduction d’une instance et l’examen par la Cour de la question de savoir si l’instance devait être rejetée pour cause de retard (voir le paragraphe 2). En l’espèce, l’avocat des parties requérantes a pris des mesures pour faire valoir leurs réclamations, bien qu’il n’ait pas suivi la procédure appropriée, de sorte que l’erreur de l’avocat a causé peu de préjudices, voire aucun. Je conclus donc que l’intérêt de la justice milite en faveur de l’octroi du redressement demandé.
[48] En parvenant à cette conclusion, je suis conscient de l’argument des parties demanderesses selon lequel le fait d’accorder ce redressement diminuerait la certitude de l’ordonnance de juillet et des ordonnances semblables rendues en vertu de la LRM dans d’autres affaires, et créerait un précédent pour les futurs demandeurs qui ne se conformeraient pas à de telles ordonnances, dans la présente instance et dans d’autres, leur enjoignant de présenter quand même leurs réclamations. Les parties demanderesses soutiennent qu’un tel précédent ébranlerait l’industrie maritime.
[49] L’argument des parties demanderesses concernant l’importance des échéances, qu’elles soient imposées par les Règles ou les ordonnances de la Cour, est convaincant. Comme il est mentionné dans la décision Lesly, au paragraphe 18, les délais applicables aux instances devant la Cour ne sont pas capricieux. Toutefois, comme ma décision d’accorder aux parties requérantes la prolongation de délai demandée porte en grande partie sur les faits particuliers et inhabituels de la présente affaire, comme je l’ai expliqué ci‑dessus dans les présents motifs, je ne suis pas d’accord pour dire qu’elle crée un précédent comme celui que les parties demanderesses évoquent.
[50] Avant de conclure mon analyse, je souligne que je suis conscient des décisions relativement récentes dans les affaires Koch c Borgatti,(6 janvier 2022), T‑198‑21 (CF), et Borgatti c Koch (6 janvier 2022), T‑558‑21 (partie requérante Brudek) [les décisions dans l’affaire Borgatti], dans lesquelles ma collègue, la juge St‑Louis, a rejeté des requêtes quelque peu semblables qui demandaient des prolongations de délai pour déposer des réclamations contre un fonds de limitation. Les décisions rendues dans l’affaire Borgatti s’appuyaient fortement sur la façon dont la Cour avait traité l’ordonnance dans cette affaire, qui avait prescrit les étapes et les dates limites pour présenter une demande contre le fonds, à titre d’ordonnance péremptoire, ce qui avait entraîné l’application d’un critère plus élevé pour obtenir un redressement en cas de non‑conformité. Les décisions dans l’affaire Borgatti font actuellement l’objet d’un appel dans le dossier de la Cour no A‑22‑22.
[51] Les faits qui sous‑tendent les décisions dans l’affaire Borgatti, y compris les modalités de l’ordonnance à l’étude, diffèrent de ceux en l’espèce. De plus, les parties à la présente requête n’ont présenté aucune observation sur l’application éventuelle des décisions dans l’affaire Borgatti à la présente requête ou sur la question de savoir si l’ordonnance de juillet devrait être qualifiée d’ordonnance péremptoire. J’ai donc tranché la présente requête en me fondant sur la jurisprudence relative à l’article 8 des Règles et sur les observations des parties à cet égard.
V.
Ordonnance et dépens
[52] Les parties requérantes demandent une ordonnance modifiant le délai prévu au paragraphe 12 de l’ordonnance de juillet pour signifier et déposer une défense, ou pour signifier et déposer un avis de réclamation contre le fonds de limitation appuyé par affidavit, afin de le porter à 30 jours à compter de la date de l’ordonnance. Mis à part le fait qu’elles s’opposent à la requête de façon plus générale, les parties demanderesses n’ont pas contesté la période de prolongation du délai de 30 jours que les parties requérantes souhaitent obtenir. J’estime que cette période est appropriée, bien que je note que la date limite figure également au paragraphe 13 de l’ordonnance de juillet. Pour assurer l’uniformité interne, mon ordonnance prévoira que la prolongation demandée s’appliquera à la date limite dans les deux paragraphes.
[53] À l’audition de la requête, l’avocat des parties requérantes a indiqué qu’il ne demanderait pas de dépens si la requête était accueillie. J’estime que cette adjudication des dépens est appropriée et c’est celle que prévoira mon ordonnance.
ORDONNANCE DANS LE DOSSIER NO T‑2049‑19
LA COUR ORDONNE :
La présente requête est accueillie en partie.
La date limite du 22 septembre 2020, aux paragraphes 12 et 13 de l’ordonnance de la Cour datée du 3 juillet 2020, pour la signification et le dépôt d’une défense ou d’un avis de réclamation contre le fonds de limitation appuyé par affidavit, est reportée pour la porter à 30 jours à compter de la date de la présente ordonnance.
Aucuns dépens ne sont adjugés à l’égard de la présente requête.
« Richard F. Southcott »
Juge
Traduction certifiée conforme
Caroline Tardif trad.a., LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
T‑2049‑19
|
INTITULÉ :
|
KEVIN O’LEARY ET LINDA O’LEARY c ROSA RANGONE, ANTONIO RANGONE ET PAULA BRITO c RICHARD RUH ET IRV EDWARDS
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
PAR VIDÉOCONFÉRENCE
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
le 25 avril 2022
|
ORDONNANCE ET MOTIFS :
|
LE JUGE SOUTHCOTT
|
DATE DES MOTIFS :
|
le 20 MAI 2022
|
COMPARUTIONS :
Angela Fernandes
|
POUR LES PARTIES DEMANDERESSES/
défendeurs reconventionnels
|
J. Patrick Brown
|
POUR LES PARTIES REQUÉRANTES
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Fernandes Hearn LLP
Toronto (Ontario)
|
POUR LES PARTIES DEMANDERESSES/
défendeurs reconventionnels
|
McLeish Orlando
Toronto (Ontario)
|
POUR LES PARTIES REQUÉRANTES
|