Dossier : T‑346‑20
Référence : 2022 CF 829
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 6 juin 2022
En présence de monsieur le juge Southcott
ENTRE :
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CLINT KIMERY
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demandeur
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et
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LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1] Le demandeur présente à la Cour une demande de révision de la réponse du ministère de la Justice à une demande d’accès à l’information, dans laquelle le ministère de la Justice mentionnait qu’il avait effectué une recherche dans ses dossiers et qu’aucun des documents demandés n’existait. Après avoir déposé une plainte auprès du Commissaire à l’information, laquelle plainte a été rejetée après que le Commissaire à l’information a conclu que le ministère de la Justice avait effectué une recherche raisonnable, le demandeur sollicite une ordonnance enjoignant au ministère de la Justice de lui fournir les documents qu’il souhaite obtenir.
[2] Comme je l’expliquerai plus en détail ci‑après, je rejette la présente demande, car la preuve dont dispose la Cour ne constitue pas un fondement en fait et en droit suffisant pour accorder au demandeur la réparation qu’il sollicite, à savoir une ordonnance enjoignant au ministère de la Justice d’effectuer une nouvelle recherche plus poussée pour trouver les documents demandés.
II.
Le contexte
[3] Le 6 août 2016, le demandeur, M. Clint Kimery, a présenté au ministère de la Justice une demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A‑1 [la Loi], dans laquelle il demandait au ministère de la Justice de lui fournir les registres comptables faisant état du temps investi et des dépenses engagées par un procureur de la Couronne relativement à une enquête, ainsi qu’à une poursuite intentée par l’Agence du revenu du Canada [l’ARC] à l’égard de Gunner Industries Ltd., une entreprise qui intéresse le demandeur. Dans sa demande, ce dernier précisait qu’il souhaitait obtenir des renseignements sur le temps investi et les dépenses engagées par le procureur de la Couronne Horst Dahlem, depuis sa toute première tâche en lien avec le dossier en question, qui, selon le demandeur, remontait à aussi loin que 1993. D’après les observations qu’il a faites lors de l’audition de la présente demande, je crois comprendre que le demandeur est d’avis que ces renseignements sont utiles pour faire valoir une défense fondée sur la Charte, dans la mesure où ils révèlent l’échéancier des activités liées à l’enquête menée.
[4] Le ministère de la Justice a par la suite répondu au demandeur dans une lettre datée du 22 septembre 2016 [la réponse du ministère de la Justice], dans laquelle il mentionnait qu’il avait effectué une recherche dans ses dossiers et qu’aucun des documents demandés n’existait. Dans cette lettre, le ministère de la Justice indiquait également que cette demande pourrait concerner davantage le Service des poursuites pénales du Canada [le SPPC].
[5] Le 26 septembre 2016, le demandeur a déposé une plainte auprès du Commissaire à l’information, dans laquelle il alléguait que le ministère de la Justice avait en sa possession les documents visés par sa demande, même s’il avait affirmé qu’aucun des documents demandés n’existait. Dans une réponse datée du 21 février 2020, le Commissaire à l’information indiquait que la plainte n’était pas fondée, car il était convaincu que la recherche effectuée par le ministère de la Justice était raisonnable et qu’aucun document n’avait pu être trouvé. Dans sa réponse, le Commissaire à l’information avisait le demandeur qu’il avait le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale en vertu de l’article 41 de la Loi.
[6] Le 5 mars 2020, le demandeur a déposé à la Cour un avis de demande, dans lequel il désignait le ministère de la Justice à titre de défendeur et il demandait à la Cour de procéder à la révision de la réponse du ministère de la Justice.
III.
Les questions en litige
[7] Le demandeur, qui agit pour son propre compte, n’a pas formulé expressément les questions que doit trancher la Cour en l’espèce. Le défendeur soutient que la seule question à trancher est celle de savoir si la Cour peut ordonner au ministère de la Justice d’effectuer une autre recherche pour trouver les documents que ce dernier avait confirmé ne pas avoir en sa possession.
[8] Compte tenu des observations écrites et orales des parties, je suis d’avis que les questions que la Cour est appelée à trancher sont sensiblement les mêmes que celles formulées par le juge McHaffie dans la décision qu’il a rendue récemment dans l’affaire Lambert c Ministre du Patrimoine canadien, 2022 CF 553 [Lambert]. J’énoncerais les questions en litige de la façon suivante :
La Cour a‑t‑elle compétence pour instruire la présente demande?
Dans l’affirmative, y a‑t‑il lieu d’accorder la réparation sollicitée par le demandeur dans les circonstances de l’affaire?
IV.
Analyse
A.
La Cour a‑t‑elle compétence pour instruire la présente demande?
[9] Dans son mémoire des faits et du droit, le défendeur soutient que le ministère de la Justice doit avoir refusé de communiquer les documents demandés pour que la Cour ait compétence pour procéder à une révision au titre de la Loi et accorder la réparation sollicitée. Selon lui, comme la réponse du ministère de la Justice ne constitue pas un refus de communication, mais plutôt une explication de l’inexistence des documents demandés, la Cour n’a pas compétence et devrait donc rejeter la présente demande.
[10] Aux termes de l’article 41 de la Loi, la Cour a compétence pour instruire ce type de demande de révision. La disposition pertinente pour la présente demande est le paragraphe 41(1), qui est ainsi libellé :
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[11] Comme il est mentionné dans la décision Lambert (au para 25), l’article 41 a été modifié en 2019. Avant les modifications, le libellé de cette disposition était quelque peu différent :
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[12] Aucune des parties n’a soulevé d’arguments quant à savoir laquelle des versions de l’article 41 s’applique à la présente demande, qui a été déposée en 2020, mais qui porte sur des faits qui se sont en partie produits avant les modifications de cette disposition. Cependant, je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire de tenir compte de ce point. La version antérieure du paragraphe 41(1) conférait à la personne qui s’est vu refuser communication d’un document demandé le pouvoir d’exercer un recours en révision. Selon le libellé actuel de cette disposition, peut se prévaloir de ce droit le plaignant dont la plainte est visée à plusieurs alinéas de la Loi, dont l’alinéa 30(1)a), qui concerne les plaintes déposées auprès du Commissaire à l’information par des personnes qui se sont vu refuser la communication d’un document qu’elles avaient demandé.
[13] Conformément à l’analyse qui a été faite dans la décision Constaninescu c Canada (Service correctionnel), 2021 CF 229 [Constaninescu] (aux para 40‑41) et dans la décision Lambert (aux para 25‑32), pour déterminer si la Cour a compétence pour instruire la présente demande, il faut se demander s’il y a eu refus de communication de documents en l’espèce. Pour analyser cette question, il n’est pas nécessaire de savoir quelle version de la Loi s’applique à la présente demande.
[14] À l’appui de son argument selon lequel la Cour n’a pas compétence pour procéder à la révision de la réponse du ministère de la Justice, qui avait affirmé n’avoir en sa possession aucun document correspondant à la demande du demandeur, le défendeur a invoqué des jugements qui donnent à penser (ou pourraient donner à penser) que ce type de réponse ne constitue pas un refus de communication de documents (voir, p. ex., Olumide c Canada (Procureur général), 2016 CF 934 au para 18). Cependant, dans l’affaire Lambert, le juge McHaffie a examiné la jurisprudence pertinente et a conclu que la réponse selon laquelle un document n’existe pas dans les dossiers de l’institution fédérale constitue un refus de communication, et permet au demandeur de recourir à une révision judiciaire en vertu de l’article 41 de la Loi (aux para 33‑42).
[15] Comme je l’ai mentionné précédemment, la décision Lambert est récente. Elle a été rendue après que le défendeur en l’espèce a déposé son mémoire des faits et du droit. À l’audition de la présente demande, l’avocate du défendeur a fait valoir que, si la jurisprudence a évolué et si, en conséquence, une interprétation plus large est faite des circonstances dans lesquelles la Cour a compétence pour procéder à la révision de décisions rendues en vertu de la Loi, le défendeur demeure d’avis que, en l’absence d’une preuve concrète démontrant que les documents demandés existent et qu’ils n’ont pas été communiqués, la Cour devrait quand même rejeter la présente demande sur le fond.
[16] Je vais examiner brièvement les arguments sur le fond. Cependant, en ce qui concerne la question de la jurisprudence, comme aucun argument n’a été soulevé pour contester l’analyse ou la conclusion du juge dans l’affaire Lambert, je n’ai nul besoin de reprendre son analyse en l’espèce et je me contenterai d’adopter la conclusion qu’il a tirée. Je suis donc convaincu que la Cour a compétence pour instruire la présente demande.
B.
Y a‑t‑il lieu d’accorder la réparation sollicitée par le demandeur dans les circonstances de l’affaire?
[17] Selon l’article 44.1 de la Loi, une demande de révision présentée en vertu de l’article 41 doit être entendue et jugée comme une nouvelle affaire. Comme il est expliqué dans la décision Lambert, une demande de révision au titre de l’article 41 doit être instruite de novo, ce qui signifie que la présomption générale selon laquelle la révision sera effectuée selon la norme de contrôle de la décision raisonnable ne s’applique pas. Il ne s’agit pas de l’examen de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, qui commande la déférence selon la norme de la décision raisonnable (au para 7).
[18] Cela dit, la Cour peut également s’appuyer sur la jurisprudence lorsqu’elle est appelée à effectuer le contrôle d’une demande présentée par un demandeur qui conteste la position d’une institution fédérale, qui soutient qu’elle n’a en sa possession aucun des documents demandés par le demandeur. Le défendeur s’appuie sur les extraits suivants tirés des paragraphes 35 et 36 de l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Blank c Canada (Justice), 2016 CAF 189 [Blank] pour faire valoir qu’il n’y a pas lieu que la Cour accorde au demandeur la réparation qu’il sollicite :
[35] Comme la Cour d’instance inférieure l’a noté, l’appelant a déposé 96 demandes d’accès à l’information, et le ministère de la Justice avait examiné 61 312 pages en date du mois de janvier 2010. Dans ces circonstances, il n’est pas surprenant que certains documents lui aient échappé dans les premières étapes du processus de collecte ou qu’ils aient été communiqués par la suite. Je note également que l’appelant a constamment demandé depuis les quinze dernières années des recherches et une communication approfondies au motif que des documents manquaient. Ces prétentions et requêtes ont toutes été rejetées par la Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale (voir Blank 2000, par. 9, 15 et 19; Blank 2004, par. 76‑77; Blank c. Canada (Environnement), 2006 CF 1253, [2006] A.C.F. no 1635, par. 33(g), conf. 2007 CAF 289, [2007] ACF no 1218; Blank c. Canada (Justice), 2015 CF 956, [2015] A.C.F. no 949, par. 56 (Blank 2015)).
[36] Répétons‑le, en vertu de la Loi, le rôle principal de surveillance appartient au commissaire. Le rôle de la Cour fédérale est étroitement circonscrit : l’article 41, s’il est interprété à la lumière des articles 48 et 49, limite le pouvoir de la Cour fédérale en matière de révision à ordonner la communication de dossiers précis lorsqu’elle a été refusée en contravention à la Loi. À moins que le législateur ne change la loi, il n’appartient pas à la Cour d’ordonner et de superviser la collecte des dossiers détenus par l’administrateur d’une institution publique ou d’examiner la façon dont les institutions publiques répondent aux demandes d’accès, à l’exception peut‑être des circonstances les plus flagrantes de mauvaise foi. Le dossier confidentiel dont je dispose ne me donne pas de motifs raisonnables de conclure à une tentative de compromettre l’intégrité des dossiers. Par conséquent, le juge n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il n’avait pas la compétence d’ordonner une recherche plus poussée de ces dossiers.
[Non souligné dans l’original.]
[19] Je souligne que je suis d’avis que les extraits de l’arrêt précité portent sur la nature de la réparation que la Cour peut accorder suivant l’article 41 et sur les circonstances dans lesquelles une telle réparation est appropriée, et non pas sur la compétence qu’a la Cour d’instruire une demande de révision. La Cour d’appel fédérale a expliqué que, à l’exception peut‑être des circonstances les plus flagrantes, telles que l’existence d’une preuve que l’intégrité des documents a été compromise ou qu’une institution fédérale a par ailleurs agi de mauvaise foi en répondant à une demande d’information, le rôle que confère la Loi à la Cour ne consiste pas à ordonner à l’institution fédérale concernée d’effectuer une nouvelle recherche ou une recherche plus approfondie des dossiers. Ce principe a été énoncé dans d’autres jugements (voir, p. ex., Doyle c Canada (Ressources humaines et Développement des compétences), 2011 CF 471; Tomar c Canada (Parcs), 2018 CF 224 aux para 53‑54).
[20] À la lumière de ce contexte jurisprudentiel, le défendeur soutient que le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve concret ni aucun élément de preuve substantielle pour démontrer que l’intégrité des documents a été compromise ou, par ailleurs, que le ministère de la Justice a en sa possession les documents demandés et a refusé de les lui communiquer. Le défendeur souligne qu’il ne suffit pas que le demandeur ait un simple soupçon quant à l’existence de ces documents pour que la réparation sollicitée dans le cadre de la présente demande soit accordée.
[21] La preuve dont dispose la Cour se compose de l’affidavit du demandeur et des pièces qui l’accompagnent, ainsi que de deux affidavits souscrits par Lise Léon, directrice adjointe du Bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels [AIPRP] du ministère de la Justice, et des pièces qui les accompagnent. Dans son premier affidavit, Mme Léon explique les démarches qu’a faites le ministère de la Justice avant d’envoyer sa réponse au demandeur. Ces démarches sont les suivantes :
Stefany Hollingsworth, conseillère principale en AIPRP du ministère de la Justice, a demandé des renseignements à la Section du droit fiscal du ministère.
La Section du droit fiscal a écrit aux avocats du Bureau régional des Prairies du ministère de la Justice pour leur faire savoir que le Bureau régional devrait répondre à la demande.
Mme Hollingsworth a demandé des renseignements au Bureau régional des Prairies et au Secteur national du contentieux du ministère de la Justice.
Le Secteur national du contentieux a répondu que le Bureau régional des Prairies du SPPC devrait répondre à la demande, car elle vise à obtenir des documents liés à une poursuite.
Le Bureau régional des Prairies du ministère de la Justice a lui aussi répondu à Mme Hollingsworth que le Bureau régional des Prairies du SPPC devrait répondre à la demande, car elle vise à obtenir des documents liés à une poursuite.
[22] Le ministère de la Justice a ensuite envoyé une lettre de réponse au demandeur, dans laquelle il mentionnait qu’il avait effectué une recherche dans ses dossiers et qu’aucun des documents demandés n’existait. Comme je l’ai mentionné précédemment, cette lettre, écrite par Francine Farley, directrice du Bureau de l’AIPRP du ministère de la Justice, indiquait également que cette demande pourrait concerner davantage le SPPC.
[23] Dans son deuxième affidavit, Mme Léon précise que l’avocate qui représente le défendeur dans le cadre de la présente demande a exprimé des réserves après qu’elle lui eut transmis les dossiers pertinents, car les réponses aux demandes de renseignements du Bureau de l’AIPRP du ministère de la Justice n’indiquaient pas clairement que des recherches avaient été effectuées pour trouver les documents demandés par le demandeur. Mme Léon explique que, suivant ses instructions, Maria Cammara, conseillère principale en AIPRP, avait par la suite fait d’autres démarches :
Mme Cammara avait communiqué avec le Secteur national du contentieux, le Portefeuille des services du droit fiscal et le Bureau régional des Prairies du ministère de la Justice pour leur demander d’effectuer une autre recherche afin de trouver les documents visés par la demande d’accès à l’information du demandeur.
Mme Cammara avait reçu une réponse d’une parajuriste du Secteur national du contentieux, qui l’informait qu’elle n’avait trouvé aucun document relativement à Gunner Industries Ltd.
Mme Cammara avait reçu une réponse de l’équipe d’avocats du Portefeuille des services du droit fiscal, qui l’informait que l’équipe de gestion des activités, un coordonnateur de l’AIPRP du ministère de la Justice et un conseiller en gestion financière avaient été consultés, que des recherches avaient été effectuées, et qu’aucun des renseignements visés par la demande d’accès à l’information n’avait été trouvé.
Mme Cammara avait reçu une réponse du Bureau régional des Prairies, qui l’avisait qu’aucun des documents visés par la demande n’avait été trouvé, mais aussi que tous les documents, les fichiers et les données du SPPC appartenaient à ce dernier et que le ministère de la Justice n’y avait plus accès.
[24] Pour étayer ses arguments dans le cadre de la présente demande, le demandeur a notamment présenté en preuve une copie d’un courriel que lui avait envoyé le gestionnaire de l’AIPRP du SPPC le 29 juin 2016, apparemment en réponse à une demande d’information antérieure. Ce courriel mentionnait ce qui suit :
[traduction]
Le recouvrement des coûts entre le SPPC et l’ARC relativement à chaque dossier a été effectué après la signature du protocole d’entente. Par conséquent, les données qui vous ont été fournies portent sur la période allant de 2012 à aujourd’hui. Cependant, il convient de noter qu’avant la création du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) en 2006, le recouvrement des coûts était géré par le ministère de la Justice du Canada. Je crois comprendre que le ministère de la Justice n’a pas [effectué] le recouvrement des coûts liés à chaque dossier auprès de l’ARC au cours de la période visée par votre demande. Cependant, vous pourriez présenter une demande directement au ministère de la Justice du Canada.
[25] Dans l’extrait du courriel précité, il est notamment question d’un fait qui, si je comprends bien, n’est pas contesté par les parties, à savoir que la responsabilité des poursuites en matière fiscale a été transférée du ministère de la Justice au SPPC en 2006 ou vers cette année‑là. Même s’il faut reconnaître que l’avant‑dernière phrase de cet extrait contient une erreur grammaticale ou orthographique, le demandeur s’appuie sur ce courriel pour faire valoir que le ministère de la Justice a en sa possession les registres comptables qu’il demande concernant la période précédant le transfert au SPPC de la responsabilité relative aux poursuites en matière fiscale.
[26] Le demandeur a également joint à son affidavit certains des documents qui, je crois comprendre, lui avaient été fournis en réponse à une ou plusieurs demandes qu’il avait présentées au titre de la Loi. Ces documents comprennent un document daté du 20 juillet 2005 qui semble faire état de frais de déplacement et dont la première page est intitulée [traduction] « Bordereau client »
et contient le nom de Gunner Industries Ltd., le numéro de dossier 1‑25284, ainsi que le nom de Horst Dahlem comme avocat principal. Je crois comprendre que le demandeur soutient que ce document démontre l’existence, dans les dossiers du ministère de la Justice, des registres comptables qu’il avait demandés concernant la période où le ministère de la Justice, et non pas le SPPC, était responsable des poursuites en matière fiscale. Or, très peu d’éléments de preuve ont été présentés pour expliquer ce document. Dans son affidavit, le demandeur explique seulement qu’il s’agit de documents types que lui a fournis le SPPC en réponse à une demande présentée au titre de la Loi.
[27] Je comprends le raisonnement du demandeur, ainsi que sa frustration à l’égard du fait que le ministère de la Justice ne lui a pas fourni les documents demandés. Cependant, compte tenu de la jurisprudence sur laquelle s’est appuyée la Cour lorsqu’elle a examiné la présente demande, rien ne permet de conclure que le ministère de la Justice a agi de mauvaise foi, qu’il a compromis l’intégrité des documents, ou qu’il a eu un comportement autrement inacceptable lorsqu’il a répondu à la demande du demandeur. Le demandeur ne formule qu’une simple hypothèse que le ministère de la Justice a en sa possession les documents qu’il avait demandés.
[28] À l’audition de la présente demande, l’avocate du défendeur a fait valoir que l’inexistence de registres comptables comme ceux demandés par le demandeur pour la période précédant le transfert de la responsabilité des poursuites en matière fiscale du ministère de la Justice au SPPC peut s’expliquer par le fait qu’il n’y avait pas eu de recouvrement des coûts durant cette période. Toutefois, je suis d’avis que cet argument s’apparente à une hypothèse. En effet, d’après la réponse qu’avait reçue Mme Cammara du Bureau régional des Prairies, qui l’avait informée que tous les documents, les fichiers et les données du SPPC appartenaient à ce dernier et que le ministère de la Justice n’y avait plus accès, il serait également possible de conclure que, si des registres comptables avaient déjà existé, ils n’étaient simplement plus en la possession du ministère de la Justice.
[29] Néanmoins, je suis d’avis qu’en l’espèce, le rôle de la Cour n’est pas de se prononcer sur la question de savoir pourquoi le ministère de la Justice n’aurait pas en sa possession les documents demandés par le demandeur. Pour rendre une décision en l’espèce, je m’appuie sur ma conclusion selon laquelle la preuve dont dispose la Cour, dont les éléments de preuve démontrant les recherches effectuées par le ministère de la Justice pour trouver les renseignements demandés, ne constitue tout simplement pas un fondement en fait et en droit suffisant pour accorder au demandeur la réparation qu’il sollicite, à savoir une ordonnance enjoignant au ministère de la Justice d’effectuer une nouvelle recherche plus poussée.
[30] Par conséquent, la présente demande sera rejetée. Dans son mémoire des faits et du droit, le défendeur a demandé les dépens en cas de rejet de la demande. À l’audience, à part le fait de mentionner que le tarif prévu dans les Règles des Cours fédérales peut être utilisé pour calculer le montant des dépens à adjuger, le défendeur n’a présenté aucune observation à l’appui de dépens. L’adjudication de dépens relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour et, dans les circonstances particulières de l’affaire, je refuse d’adjuger des dépens contre le demandeur.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑346‑20
LA COUR STATUE :
La présente demande est rejetée.
Aucuns dépens ne sont adjugés.
« Richard F. Southcott »
Juge
Traduction certifiée conforme
Manon Pouliot, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T‑346‑20
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INTITULÉ :
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CLINT KIMERY c LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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REGINA (SASKATCHEWAN)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 24 MAI 2022
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE SOUTHCOTT
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DATE DES MOTIFS :
|
LE 6 JUIN 2022
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COMPARUTIONS :
Clint Kimery
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POUR LE DEMANDEUR
(pour son propre compte)
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Amanda Neudorf
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Procureur général du Canada
Regina (Saskatchewan)
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POUR LE DÉFENDEUR
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