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Date : 19990706


Dossier : T-224-97

T-1221-98

OTTAWA (Ontario), le 6 juillet 1999.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY


ENTRE :

     KARLHEINZ SCHREIBER,

     demandeur,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeur.



     VU la requête urgente présentée par le demandeur dans le cadre des deux dossiers de la Cour T-244-97 et T-1221-98 en vue d'obtenir une ordonnance interlocutoire enjoignant au défendeur de communiquer immédiatement avec les autorités suisses compétentes pour demander à ces dernières de ne prendre aucune autre mesure en réponse à la lettre de demande que leur a envoyée le défendeur le 29 septembre 1995, tant que les demandes déposées dans les dossiers de la Cour susmentionnés n'auront pas fait l'objet d'une décision définitive, demandes qui ont été instruites ensemble à Vancouver les 7, 8 et 9 avril 1999 et à l'égard desquelles la Cour a choisi de surseoir au prononcé de sa décision;

     APRÈS avoir entendu les avocats des deux parties au moyen d'une conférence téléphonique tenue le 5 juillet, date à laquelle l'audience a été ajournée au 6 juillet 1999, les avocats ayant alors formulé d'autres observations, plus particulièrement en ce qui concerne l'affidavit déposé par l'avocat du défendeur le 5 juillet 1999 avec l'autorisation de la Cour;

     LA COUR, ayant mentionné que, selon le demandeur et le défendeur, la réparation demandée en l'occurrence s'apparente à une injonction interlocutoire, après avoir examiné les observations présentées par écrit et de vive voix, après avoir conclu qu'elle n'est pas persuadée que le demandeur subira un préjudice irréparable si la requête en l'espèce est rejetée et que la présente Cour fait ensuite droit à la demande de réparation qu'il a présentée dans les dossiers T-244-97 et T-1221-98 et à l'égard de laquelle la Cour a choisi de surseoir au prononcé de sa décision;


     O R D O N N A N C E


     LA COUR ORDONNE :

     1.      Que la demande soit rejetée;
     2.      Que les dépens réclamés par le défendeur soient fixés suivant l'issue de la cause;
     3.      Qu'une copie de la présente ordonnance soit déposée dans les deux dossiers de la Cour T-244-97 et T-1221-98.

    










    

                                         JUGE






Traduction certifiée conforme



Martine Guay, LL.L.









Date : 19990709


Dossier : T-224-97

T-1221-98



ENTRE :

     KARLHEINZ SCHREIBER,

     demandeur,

     - et -


     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeur.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE MacKAY



[1]      Il s'agit des motifs écrits qui confirment ceux prononcés de vive voix à la fin de la conférence téléphonique lors de laquelle j'ai rejeté la requête présentée par le demandeur en vue d'obtenir une réparation interlocutoire. Cette requête, déposée et examinée à titre de demande urgente au cours d'une conférence téléphonique tenue avec l'avocat du demandeur à Edmonton, l'avocat du défendeur à Vancouver, et la Cour présidant à Ottawa, a été entendue le 5 juillet 1999 et ajournée au lendemain. Puis, le 6 juillet 1999, après avoir rejeté la requête de vive voix, une ordonnance confirmant cette décision a été rendue et j'ai précisé que je rédigerais de brefs motifs écrits.

[2]      Par sa requête, le demandeur souhaite obtenir une ordonnance de la nature d'une injonction interlocutoire [TRADUCTION] " enjoignant au défendeur de communiquer immédiatement avec les autorités suisses compétentes afin de demander à ces dernières de ne prendre aucune autre mesure en réponse à la lettre de demande que leur a envoyée le défendeur le 29 septembre 1995, tant que la demande déposée en l'espèce n'aura pas fait l'objet d'une décision définitive ". Cette décision sera rendue une fois que j'aurai tranché les demandes qui ont été présentées dans le cadre des dossiers T-224-97 et T-1221-98 et qui ont été instruites ensemble en avril 1999 à Vancouver.

Contexte

[3]      La première demande à l'égard de laquelle la Cour a choisi de surseoir au prononcé de sa décision vise l'obtention d'une ordonnance sommant le défendeur de retirer ou d'annuler la lettre de demande d'assistance juridique envoyée aux autorités suisses dans le cadre d'une enquête menée par la G.R.C. au sujet du demandeur et d'autres personnes à la suite d'aveux faits par le défendeur lors du règlement d'une action introduite par l'une des autres personnes concernées, l'ancien premier ministre du Canada, l'honorable Brian Mulroney. Selon ces aveux, certaines conclusions mentionnées dans la lettre de demande étaient dénuées de fondement. Comme il n'y a eu ni retrait ni annulation de la lettre de demande malgré ce fait, on a demandé au tribunal de prononcer une ordonnance remédiant à cette situation.

[4]      Par la seconde demande à l'égard de laquelle la Cour a choisi de surseoir au prononcé de sa décision, on tente d'obtenir un jugement déclaratoire portant essentiellement sur le pouvoir du défendeur de donner suite à la demande qu'il formule dans la lettre datée du 29 septembre 1995 adressée aux autorités suisses, compte tenu de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Schreiber c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 841. Dans cette décision prononcée le 28 mai 1998, le plus haut tribunal du pays a accueilli l'appel interjeté à l'égard d'une ordonnance, rendue par le juge Wetston de la présente Cour, qui avait été confirmée par la Cour d'appel. La Cour suprême du Canada a statué que le défendeur n'agissait pas en violation des droits garantis par la Charte au demandeur en l'espèce, M. Schreiber, lorsqu'il a prié par lettre de demande les autorités étrangères de lui fournir des renseignements, sans avoir préalablement obtenu une autorisation judiciaire à cet effet.

[5]      À la suite de la décision du juge Wetston de la Section de première instance, le juge Gibson de la présente Cour a, par ordonnance datée du 9 juillet 1996 (voir l'affaire Schreiber c. Canada (Procureur général), [1996] 3 C.F. 947 (1re inst.)), suspendu le jugement prononcé par le juge Wetston jusqu'à ce que l'appel soit tranché. Cette ordonnance a été prononcée à la condition que le défendeur demande qu'aucune mesure ne soit prise à ce moment en réponse à la lettre de demande qui préoccupait M. Schreiber. L'ordonnance du juge Gibson a continué d'avoir effet jusqu'à ce que la Cour suprême du Canada tranche la question d'ordre constitutionnel au mois de mai 1998.

[6]      Après la décision rendue par la Cour suprême du Canada, le demandeur a présenté une demande d'injonction au mois de juin 1998, mais cette demande a fait l'objet d'un ajournement sine die.

[7]      Le défendeur a par la suite réitéré la demande de renseignements qu'il avait initialement présentée aux autorités suisses dans la lettre de demande datée du 29 septembre 1995. Bien qu'il ne soit pas certain dans quelle mesure les avocats des parties avaient bien connaissance de cette situation aux mois de juin et de juillet 1998, on savait manifestement que l'assistance des autorités suisses avait à nouveau été sollicitée. À mon avis, il ressort sans équivoque d'un affidavit déposé par l'avocat du défendeur le 5 juillet 1999 avec l'autorisation de la Cour que l'avocat du demandeur savait pertinemment, dès juin ou juillet 1998, qu'il y avait eu réitération de la demande de renseignements. Ce fait n'est pas d'une grande importance pour trancher la demande dont je suis maintenant saisi, mais la question du retard du demandeur à réclamer une réparation a été débattue lors de la conférence téléphonique.

Décision

[8]      Bien que le libellé de l'avis de requête laisse penser qu'on demande une réparation de la nature d'un mandamus, ce point n'a pas été soulevé par les avocats. La demande de réparation présentée dans le dossier T-224-97 s'apparente bien à un mandamus et aucune décision n'a encore été rendue quant à l'existence ou à la nature du devoir public, quel qu'il soit, que cette ordonnance viserait à faire appliquer.

[9]      Par sa requête, le demandeur tente d'obtenir une ordonnance interlocutoire s'apparentant à une injonction dans l'attente que les demandes à l'égard desquelles la Cour a choisi de surseoir au prononcé de sa décision soient tranchées. Les avocats des deux parties soutiennent que le critère applicable en l'espèce est celui énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R.J.R. Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, 111 D.L.R. (4th) 385.

[10]      L'application de ce critère ne donne lieu à aucun litige entre les parties puisqu'elles reconnaissent toutes deux que les demandes à l'égard desquelles la Cour a choisi de surseoir au prononcé de sa décision soulèvent des questions sérieuses.

[11]      Il est invoqué au nom du demandeur que ce dernier subira un préjudice irréparable si, en réponse à la lettre de demande, des documents et des renseignements de nature privée sont transmis par la Suisse au Canada pour être examinés par les autorités canadiennes avant que la requête produite par le demandeur en vue d'obtenir une ordonnance interrompant ce processus " requête dont la Cour est maintenant saisie dans le cadre des demandes présentées en l'espèce " ne soit tranchée. De plus, on affirme que la demande soumise à la Cour " et à l'égard de laquelle cette dernière a choisi de surseoir au prononcé de sa décision " en vue d'obtenir que le défendeur soit tenu de remplir les devoirs publics qu'il assume en matière d'administration de la justice, suffit en soi à montrer qu'un préjudice irréparable sera causé si le défendeur n'attend pas qu'une décision judiciaire soit rendue quant à ses obligations.

[12]      Ces assertions relatives à un éventuel préjudice sont d'ordre général. Elles se fondent sur la correspondance reçue par l'avocat suisse du demandeur de la part du procureur fédéral en Suisse chargé de donner suite à la lettre de demande. Selon cette correspondance, le bureau du procureur en Suisse aurait accepté la nouvelle demande soumise par les autorités canadiennes et aurait l'intention [TRADUCTION] " de bientôt rendre une ordonnance définitive au sujet de la production " de certains documents bancaires. Cette lettre donne en outre au demandeur l'occasion de soulever d'éventuelles objections contre l'assistance juridique que les autorités suisses ont prévu d'offrir.

[13]      On avance que la période initialement fixée pour présenter d'éventuelles objections se terminait le 23 juin 1999 mais, comme il a subséquemment été mentionné par l'avocat du demandeur au cours de la conférence téléphonique, cette période a été prolongée par le procureur suisse jusqu'au 2 juillet 1999. Bien qu'on ne sache pas si des observations ont été formulées pour le compte du demandeur en réponse à cette invitation, les deux avocats en l'espèce supposent que tel a été le cas. Que leur supposition soit exacte ou non, les deux avocats conviennent que le processus établit par la Suisse offre la possibilité d'interjeter appel dans les 30 jours suivant le prononcé d'une décision par le procureur lorsque de telles observations sont présentées, et qu'un appel a automatiquement pour effet de suspendre toute mesure découlant de la décision du procureur jusqu'à ce que l'appel soit tranché par la cour fédérale suisse.

[14]      Compte tenu de la situation, je ne suis pas convaincu, à la lumière de la preuve présentée devant moi, qu'un préjudice irréparable aura lieu si la réparation demandée est refusée et que le demandeur obtient ensuite gain de cause en ce qui concerne les demandes à l'égard desquelles la Cour a choisi de surseoir au prononcé de sa décision. À la présente étape de l'instance, le fait que, subséquemment à n'importe quel appel formé à l'endroit de la décision du procureur, les autorités suisses répondent à la lettre de demande avant que les demandes à l'égard desquelles la présente Cour a choisi de surseoir au prononcé de sa décision ne soient tranchées demeure purement hypothétique.

[15]      Selon le critère applicable en matière d'injonction interlocutoire qui est énoncé dans l'arrêt R.J.R. Macdonald, précité, les trois conditions suivantes doivent être réunies : la Cour est saisie d'une question sérieuse; un préjudice irréparable sera causé avant que cette question ne soit tranchée si la Cour n'accorde pas une injonction dans l'attente de cette issue; et la prépondérance des inconvénients joue en faveur du demandeur. Il n'est pas nécessaire que j'examine la prépondérance des inconvénients, bien que cette question ait été débattue, particulièrement en ce qui touche l'intérêt public au regard du processus entamé par la lettre de demande en litige et du respect, par le procureur général du Canada, de ses devoirs publics.

Conclusion

[16]      Comme j'arrive à la conclusion qu'aucun élément de preuve présenté devant moi n'établit qu'un préjudice irréparable sera causé entre la date de l'audience et le moment où les demandes à l'égard desquelles la Cour a choisi de surseoir au prononcé de sa décision seront tranchées, la requête du demandeur visant à obtenir une ordonnance interlocutoire à la présente étape est rejetée.

[17]      Après avoir signalé, à la fin de la conférence téléphonique, comment je réglerais la présente requête, l'avocat du demandeur a demandé si cette décision était rendue sous réserve du droit du demandeur de présenter une autre demande dans l'éventualité où, à une date ultérieure " puisque le processus engagé en Suisse pourrait se poursuivre " la situation changerait. J'ai confirmé que la Cour entendrait une autre demande si la situation changeait et si le demandeur estimait justifié de présenter une telle demande.




                                     W. Andrew MacKay


    

                                         JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 9 juillet 1999.




Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.



     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIERS :                  T-224-97 et T-1221-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      KARLHEINZ SCHREIBER c.

                     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 5 JUILLET 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS LE 9 JUILLET 1999 PAR LE JUGE MACKAY.



ONT COMPARU :

                     M. Eric C. Lund

     POUR LE DEMANDEUR

                     M. S. David Frankel, c.r.

     POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                     Hladun & Company
                     Edmonton (Alberta)

     POUR LE DEMANDEUR

                     Morris A. Rosenberg
                     Sous-procureur général du Canada

     POUR LE DÉFENDEUR

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