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Date : 20220603


Dossier : IMM‑5590‑21

Référence : 2022 CF 815

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 3 juin 2022

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

JESSICA MATUS URBIETA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La demanderesse, une citoyenne du Mexique, a demandé l’asile au motif qu’elle est exposée à des risques au Mexique du fait de l’implication de son frère dans le crime organisé. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté la demande d’asile de la demanderesse. La Section d’appel des réfugiés (la SAR) a confirmé la décision de la SPR le 30 juillet 2021. La crédibilité de la demanderesse était la question déterminante pour la SAR.

[2] La demanderesse soutient que la SAR aurait dû accepter ses nouveaux éléments de preuve et aurait dû tenir une audience. Elle prétend que les conclusions quant à la crédibilité ne sont pas raisonnables, et que les éléments de preuve relatifs aux conditions dans le pays suffisent à eux seuls pour étayer sa demande d’asile.

[3] Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée puisque j’ai conclu qu’il n’y avait pas eu atteinte au droit de la demanderesse à une audience équitable et que la décision de la SAR est raisonnable.

I. Contexte

[4] La demanderesse est une citoyenne du Mexique âgée de 28 ans. Son frère aîné était impliqué dans des gangs criminels et a été assassiné en 2016. La demanderesse soupçonne qu’il a été tué par le cartel Los Zetas. Elle craignait d’être prise pour cible en raison des actions commises par son frère par le passé. Elle affirme que son père et elle‑même ont commencé à recevoir des appels téléphoniques de menaces, mentionnant qu’une vengeance serait exercée.

[5] La demanderesse est arrivée au Canada en juillet 2018 et a demandé l’asile, par crainte du cartel qui a assassiné son frère.

II. Décision de la SAR

[6] Avant d’instruire l’appel de la demanderesse, la SAR a avisé celle‑ci de ses préoccupations quant à sa crédibilité et lui a donné la possibilité de les dissiper. En réponse aux préoccupations, la demanderesse a présenté des éléments de preuve supplémentaires et a demandé la tenue d’une audience. La SAR a conclu que les éléments de preuve présentés par la demanderesse étaient accessibles avant la décision de la SPR et, par conséquent, qu’ils ne répondaient pas aux exigences prévues au paragraphe 110(4) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Elle a conclu qu’une audience n’était pas nécessaire dans les circonstances.

[7] La SAR a admis que le frère de la demanderesse était impliqué dans le crime organisé et qu’il a été assassiné par un cartel concurrent. Elle a également pris acte des éléments de preuve documentaire objectifs étayant la fréquence de la violence des cartels, dont les assassinats dans la région où vivait son frère. Elle a toutefois conclu que la demanderesse « n’a[vait] pas établi ses principales allégations, à savoir qu’elle‑même a[vait] été prise pour cible ou que les prétendus agents de persécution ou du préjudice s’[étaient] montrés intéressés à elle en raison de l’implication de son frère dans le crime organisé ou autrement ». Aux yeux de la SAR, cet élément constituait une question déterminante quant à la demande d’asile de la demanderesse.

[8] La SAR a conclu que la demanderesse n’avait pas établi qu’elle était exposée à un risque au sens des articles 96ou 97 de la LIPR de la part des prétendus agents de persécution.

[9] La SAR a tiré un certain nombre de conclusions défavorables quant à la crédibilité à l’égard de questions que la demanderesse avait soulevées à l’appui de sa demande d’asile, notamment :

  • L’allégation concernant l’enlèvement de son cousin et l’assassinat d’amis du cousin.

  • L’allégation concernant le meurtre de son oncle et de son fils.

  • Les omissions dans son témoignage concernant l’assassinat du père de la petite amie de son frère.

  • Les incohérences dans les éléments de preuve concernant l’implication de la police dans le décès de son frère.

  • Les incohérences dans les éléments de preuve concernant le fait qu’elle a vécu dans la clandestinité.

  • Les divergences dans les éléments de preuve concernant l’endroit où se trouvent les membres de la famille.

[10] La SAR — après avoir soulevé des préoccupations quant à la crédibilité des éléments de preuve présentés par la demanderesse — a ensuite examiné la question de savoir si les éléments de preuve documentaire pouvaient dissiper ces préoccupations. Elle a pris en compte les éléments qui suivent : deux déclarations des autorités mexicaines au sujet du décès de son frère; le certificat de décès de son frère; un article de journal sur le meurtre de ce dernier; un rapport de 2018 d’Amnistie Internationale sur les disparitions forcées; un rapport de 2019 d’Amnistie Internationale réclamant des mesures de réparation pour les survivants de la torture infligée par la police au Mexique; un rapport de 2018 du Département d’État des États‑Unis sur la traite des personnes au Mexique; un rapport de 2016 sur le Mexique rédigé par le Haut‑Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés; et un article de journal sur les tueurs à gages des cartels.

[11] La SAR a admis les éléments de preuve, mais elle a conclu qu’ils n’étaient pas « probants relativement au risque particulier auquel l’appelante est exposée de la part desdits agents et qu’ils ne l’emport[aient] pas sur les importantes préoccupations quant à la crédibilité soulevées dans les présents motifs relativement au témoignage de cette dernière concernant sa propre poursuite par les prétendus agents de persécution ou du préjudice ». Comme l’a fait remarquer la SAR, l’invocation de la preuve documentaire sur un pays, sans lien suffisant avec le demandeur, est insuffisante pour justifier une évaluation des risques de retour favorable.

III. Questions en litige

[12] La demanderesse soulève les questions qui suivent :

  1. Y a‑t‑il eu atteinte au droit à l’équité procédurale de la demanderesse?

  2. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en refusant d’admettre les nouveaux éléments de preuve?

  3. Les conclusions de la SAR quant à la crédibilité sont‑elles raisonnables?

  4. Les éléments de preuve relatifs aux conditions dans le pays sont‑ils suffisants pour étayer la demande d’asile?

IV. Norme de contrôle

[13] La Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte (Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté) 2020 CAF 196 au para 35).

[14] L’interprétation et l’application par la SAR du paragraphe 110(4) de la LIPR sont appréciées selon la norme de la décision raisonnable (Ozomba c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1418 au para 6. De même, l’examen des conclusions tirées quant à la crédibilité et de l’appréciation générale de la preuve par la SAR est effectué selon la norme de la décision raisonnable. La Cour se demande « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 99).

V. Analyse

A. Y a‑t‑il eu atteinte au droit à l’équité procédurale de la demanderesse?

[15] La demanderesse a soulevé diverses questions ressortissant à l’équité procédurale devant la SPR et devant la SAR. Ces questions portaient sur la compétence de la conseil en immigration qui l’a représentée devant la SPR et la qualité de l’interprétation de ses réponses aux questions qui lui ont été posées lors de l’audience devant la SPR. Dans ses observations, l’avocate de la demanderesse a laissé entendre que la demanderesse s’était montrée très réservée dans ses réponses en raison de sa méfiance envers les autorités mexicaines et que ce contexte n’avait pas été apprécié comme il se devait.

[16] De plus, l’avocate de la demanderesse a soutenu que la SPR avait manifesté une agressivité excessive lorsqu’elle a interrogé la demanderesse, ce qui a eu une incidence sur la capacité de celle‑ci de répondre aux questions. Elle a également laissé entendre que le commissaire de la SPR avait omis de poser à la demanderesse une question essentielle, soit en se bornant à lui demander si l’information dans son formulaire Fondement de la demande d’asile (le formulaire FDA) était [TRADUCTION]°« véridique et exacte », et non pas si elle était [TRADUCTION]°« complète ». Par conséquent, la demanderesse soutient que l’affirmation formulée par la SAR au paragraphe 114 selon laquelle « elle a confirmé [à l’audience] que son formulaire FDA était véridique, complet et exact » est erronée.

[17] De plus, la demanderesse soutient qu’une question d’équité procédurale découle de l’interaction entre le commissaire de la SPR et elle‑même, lorsqu’elle a voulu fournir des éléments de preuve contenus dans son téléphone cellulaire. orsque le commissaire a demandé à la demanderesse si elle avait une quelconque preuve des événements qu’elle avait allégués, elle a répondu qu’elle avait l’information dans son téléphone cellulaire, mais que son représentant lui avait dit que cette information n’était pas nécessaire. Le commissaire a refusé de discuter de la question pendant l’audience, en mentionnant qu’il s’agissait là du secret professionnel de l’avocat. La demanderesse soutient qu’elle pouvait renoncer au secret professionnel de l’avocat et que la SPR comme la SAR auraient dû accepter les éléments de preuve contenus dans son téléphone cellulaire.

[18] D’abord, pour ce qui est des allégations génériques et vagues qui ont été formulées quant à la compétence du consultant en immigration, je constate qu’aucune plainte officielle n’a été déposée contre celui‑ci. Dans les circonstances, ces allégations ne sont pas suffisantes pour démontrer une « incompétence extraordinaire » qui a donné lieu à un manquement à la justice naturelle (Julien c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 351 au para 36. J’estime que cette prétention n’est pas fondée.

[19] De plus, le dossier ne montre pas que la demanderesse a soulevé la question de la qualité de l’interprétation devant la SAR ni l’approche « agressive » adoptée par la SPR. Pour cette raison, ces observations ne sont pas étayées par le dossier.

[20] En ce qui concerne la question posée par la SPR au sujet du contenu du formulaire FDA, j’estime que les instructions données dans le formulaire lui‑même répondent entièrement à cette observation. Les instructions dans le formulaire FDA sont les suivantes :

POURQUOI VOUS DEMANDEZ L’ASILE

Lorsque vous répondez aux questions de cette section, expliquez tout dans l’ordre, en commençant par les renseignements les plus anciens et en finissant par les renseignements les plus récents. ÉCRIVEZ TOUT CE QUI EST IMPORTANT POUR VOTRE DEMANDE D’ASILE. INDIQUEZ LES DATES, LES NOMS ET LES LIEUX, LORSQUE CELA EST POSSIBLE.

[21] De plus, la section intitulée « VOTRE DÉCLARATION EN TANT QUE DEMANDEUR D’ASILE » à la fin du formulaire indique ce qui suit :

J’atteste que le contenu de ce formulaire et tous les documents qui y sont joints m’ont été interprétés intégralement. Les renseignements que j’ai fournis dans ce formulaire sont complets, véridiques et exacts. Je sais que ma déclaration a la même force que si elle était faite sous serment. [Non souligné dans l’original.]

[22] Enfin, en ce qui concerne le refus de la SPR d’admettre les éléments de preuve contenus dans le téléphone cellulaire de la demanderesse à l’audience, j’estime que la SPR et la SAR ont toutes deux eu raison de conclure que la demanderesse n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait pas présenté les éléments de preuve en temps utile avant la tenue de l’audience devant la SPR. La mention par la SPR du secret professionnel de l’avocat dans l’analyse des éléments de preuve en question ne peut pas étayer une allégation voulant qu’il s’agisse en quelque sorte d’un manquement à l’équité procédurale lors du réexamen de l’affaire devant la SAR.

[23] En somme, la demanderesse n’a pas établi un manquement à l’équité procédurale à son égard.

B. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en refusant d’admettre les nouveaux éléments de preuve?

[24] Avant l’instruction de son appel par la SAR, la demanderesse a reçu une lettre lui demandant de répondre expressément aux préoccupations de la SAR quant à la crédibilité.

[25] En réponse à cette demande, la demanderesse a voulu présenter en preuve des documents supplémentaires, dont les suivants

  • (i) Sa déclaration, datée du 16 juillet 2021.

  • (ii) Des photographies de deux personnes décédées.

  • (iii) Une affiche de personne disparue concernant un dénommé « Jenri » qui est l’une des deux personnes décédées figurant dans les photographies mentionnées plus haut.

  • (iv) Une lettre de Jose Zavala Urbieta.

  • (v) Une publication sur Facebook au sujet de l’assassinat de son oncle et de son cousin.

[26] La SAR a examiné la question de savoir si les documents en question pouvaient être admis en tant que nouveaux éléments de preuve aux termes du paragraphe 110(4), qui est ainsi libellé :

Éléments de preuve admissibles

110 (4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

[27] En ce qui concerne la déclaration de la demanderesse datée du 16 juillet 2021, la SAR a conclu que, puisque la demanderesse n’a pas confirmé que cette preuve n’avait pas pu être présentée à la SPR, il était inapproprié qu’elle examine cette preuve.

[28] Au sujet des photographies des personnes décédées, la SAR a statué que la demanderesse n’a pas expliqué pourquoi elle n’avait pas présenté les photographies en temps opportun devant la SPR. De plus. même si la demanderesse avait les photographies dans son téléphone cellulaire lors de l’audience devant la SPR, la SAR a souligné qu’il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce que la SPR admette en preuve son téléphone cellulaire, et que, d’après les Règles de la SPR, les documents doivent être produits sur papier. La SAR a fait remarquer que la demanderesse n’avait pas non plus tenté de présenter les photographies dans un format acceptable à la suite de l’audience.

[29] Au sujet de l’affiche de personne disparue, de la lettre de Jose Urbieta et de la publication sur Facebook, la SAR a conclu qu’il ne s’agissait pas d’éléments de preuve d’événements survenus après l’audience devant la SPR et, par conséquent, qu’il s’agissait d’éléments qui auraient pu être présentés à la SPR.

[30] À cet égard, la SAR a fait remarquer que la demanderesse n’avait pas établi en quoi les nouveaux éléments de preuve étaient liés à sa demande d’asile et elle a conclu que, même si les documents étaient admis en preuve, ils ne pouvaient pas appuyer objectivement la demande d’asile de la demanderesse. Par conséquent, la SAR a conclu que les éléments de preuve ne répondaient pas aux conditions prévues au paragraphe 110(4) de la LIPR.

[31] La Cour d’appel fédérale a confirmé dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96, que les conditions énoncées au paragraphe 110(4) sont des conditions explicites qui doivent être respectées. Comme la Cour d’appel fédérale l’a expliqué au paragraphe 34, seuls les éléments de preuve suivants seront admissibles :

  • Les éléments de preuve survenus depuis le rejet de la demande d’asile;

  • Les éléments de preuve qui n’étaient pas normalement accessibles;ou

  • Les éléments de preuve qui étaient normalement accessibles, mais que la personne en cause n’aurait pas normalement présentés dans les circonstances au moment du rejet.

[32] De plus, la Cour d’appel fédérale confirme dans l’arrêt Singh que la SAR n’a aucun pouvoir discrétionnaire si ces conditions ne sont pas remplies (au para 35).

[33] La SAR a examiné les éléments de preuve, mais elle a conclu que les éléments de preuve présentés par la demanderesse ne répondaient pas aux critères énoncés au paragraphe 110(4) de la LIPR. Par conséquent, elle n’a pas admis les éléments de preuve et elle a conclu que la tenue d’une audience n’était pas nécessaire dans les circonstances.

[34] Il incombe au demandeur de démontrer que les nouveaux éléments de preuve proposés remplissent les conditions énoncées au paragraphe 110(4) (Abdulrahman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 821, (au para 12)). De plus, comme il est souligné dans l’arrêt Singh, le paragraphe 110(4) ne vise pas à donner au demandeur l’occasion de compléter un dossier déficient ou incomplet à l’étape de l’appel devant la SAR (au para 54).

[35] J’estime que la conclusion de la SAR selon laquelle les observations formulées par la demanderesse ne remplissaient pas les conditions énoncées au paragraphe 110(4) se justifie et est raisonnable.

C. Les conclusions de la SAR quant à la crédibilité sont‑elles raisonnables?

[36] La demanderesse affirme que les conclusions de la SAR en matière de crédibilité ne sont pas raisonnables étant donné qu’elles n’établissent pas de concordances entre les éléments de preuve figurant dans le dossier et son témoignage. De plus, elle soutient que les conclusions font abstraction des considérations linguistiques et culturelles.

[37] Comme il est mentionné précédemment, la SAR a tiré une série de conclusions défavorables concernant la crédibilité à partir des éléments de preuve présentés par la demanderesse.

[38] La demanderesse a affirmé devant la SPR que des gens s’étaient présentés au domicile de ses grands‑parents pour enlever son cousin et qu’il existait une vidéo montrant les amis de son cousin en train de se faire « découper en morceaux et mutiler » ainsi qu’une photographie de son cousin. Ces événements n’étaient toutefois pas mentionnés dans le formulaire FDA de la demanderesse, et celle‑ci n’a fourni aucune explication quant à cette omission, même si la SAR lui a demandé de le faire. La SAR a fait remarquer que « les événements décrits par l’appelante dans ses allégations à l’égard de ce qui précède sont dramatiques et menaçants [...] il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle raconte ces incidents importants dans son formulaire FDA. Or, elle ne l’a pas fait, et elle n’a pas du tout expliqué l’omission. »

[39] La demanderesse n’a pas non plus mentionné dans son formulaire FDA que son oncle et le fils de celui‑ci avaient été enlevés et que leurs corps avaient été retrouvés une semaine plus tard avec une note indiquant « Nous allons détruire tous les Matus ». Elle n’a pas expliqué cette omission même si elle a eu la possibilité de le faire.

[40] Pareillement, même si elle a inscrit dans son formulaire FDA que les agents de persécution avaient assassiné le père de la petite amie de son frère, la demanderesse ne l’a pas mentionné dans son témoignage et n’a pas expliqué non plus pourquoi elle n’en avait pas parlé lorsque la SAR lui avait posé la question.

[41] De plus, la demanderesse a affirmé dans son témoignage que la police était impliquée dans le meurtre de son frère, mais elle n’en a pas fait mention dans son formulaire FDA. La SAR a souligné qu’il est demandé expressément aux demandeurs d’asile de préciser s’ils ont demandé aux autorités de les protéger et, s’ils ne l’ont pas fait, pourquoi. Là encore, la demanderesse n’a pas fourni d’explication à ce sujet en réponse à la lettre de la SAR.

[42] La SAR a aussi souligné que la demanderesse n’avait pas contesté la conclusion de la SPR selon laquelle elle ne s’était pas cachée au Mexique.

[43] Comme le disait la Cour dans la décision Zamor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 672 : « Il est bien établi que tous les faits importants du récit doivent apparaître au formulaire FDA et que l’omission de les inclure peut porter un coup fatal à la crédibilité d’une demande d’asile. » (au para 14)

[44] Enfin, la SAR a estimé que la demanderesse s’était montrée incohérente en ce qui concerne l’endroit où se trouvaient les membres de sa famille. Elle a affirmé que ces informations étaient « importantes pour la demande d’asile de [la demanderesse], car l’allégation, selon laquelle sa famille et elle‑même sont poursuivies et menacées par les assassins de son frère en raison de leur proximité avec lui, est au cœur de celle‑ci. Les éléments de preuve de [la demanderesse] concernant les allées et venues des membres de sa famille immédiate contiennent d’importantes divergences qu’elle n’a pas expliquées de façon raisonnable. »

[45] La SAR a pris en compte l’explication de la demanderesse pour les divergences et les omissions dans ses éléments de preuve et a conclu : « J’estime que l’appelante n’a pas démontré que l’incompétence ou l’insuffisance de l’ancien conseil explique raisonnablement toute lacune dans son témoignage. »

[46] En somme, la demanderesse n’a pas établi une quelconque erreur dans les nombreuses et importantes conclusions quant à la crédibilité tirées par la SAR.

D. Les éléments de preuve relatifs aux conditions dans le pays sont‑ils suffisants pour étayer la demande d’asile?

[47] La demanderesse soutient que l’appréciation par la SAR des éléments de preuve relatifs aux conditions dans le pays, après que celle‑ci a accepté que son frère faisait partie d’un gang, était déraisonnable. Plus particulièrement, elle soutient que l’examen par la SAR de la question présente des lacunes.

[48] À cet égard, la SAR a affirmé ce qui suit :

[121] Dans le mémoire, la conseil renvoie à plusieurs sections du CND sur le Mexique portant sur la violence des cartels, la corruption de la police et son implication dans les activités des cartels, ainsi que l’impunité dont jouissent les policiers à l’égard des violations des droits de la personne dans ce pays. L’appelante attire également l’attention sur un rapport du Département d’État des États‑Unis présenté en preuve concernant l’implication de la police et de l’armée dans des violations des droits de la personne. L’appelante fait valoir que la SPR n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve dont elle disposait, dont les éléments de preuve du CND. Je ne peux pas être du même avis. La SPR a soulevé plusieurs préoccupations quant à la crédibilité liées au témoignage de l’appelante, et, même si je ne confirme pas toutes les conclusions de ce tribunal, j’estime que, selon ma propre évaluation indépendante, mon examen des éléments de preuve documentaire objectifs au dossier n’a pas permis de dissiper les importantes préoccupations quant à la crédibilité relevées dans les éléments de preuve de l’appelante. Encore une fois, je souligne que les cours ont invariablement conclu que l’invocation de la preuve documentaire sur un pays, sans lien suffisant avec le demandeur, est insuffisante pour justifier une évaluation des risques de retour favorable.

[49] À l’appui de sa position, la demanderesse souligne la façon dont les cartels opèrent au Mexique, la très grande corruption de la police, et le fait que les cartels bénéficient d’une impunité relative. Ces éléments sont corroborés dans une grande mesure par les éléments de preuve relatifs aux conditions dans le pays.

[50] Toutefois, la demanderesse n’en doit pas moins établir un lien entre cette information et sa situation personnelle et faire valoir qu’elle est prise pour cible par le cartel. La SAR a raisonnablement conclu que la demanderesse ne l’avait pas fait.

VI. Conclusion

[51] Étant donné que la demanderesse n’a pas fait ressortir d’erreur susceptible de contrôle commise par la SAR, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5590‑21

LA COUR STATUE :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a pas de question à certifier.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

 

IMM‑5590‑21

INTITULÉ :

JESSICA MATUS URBIETA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 MAI 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 JUIN 2022

 

COMPARUTIONS :

Mary Jane Campigotto

POUR LA DEMANDERESSE

 

Matthew Siddall

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mary Jane Campigotto

Windsor (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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