Date : 20220516
Dossier : IMM‑3356‑21
Référence : 2022 CF 724
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 16 mai 2022
En présence de madame la juge Sadrehashemi
ENTRE :
|
NEVEN BELCHINOV MINDOV
|
demandeur
|
et
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
défendeur
|
JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1] Le demandeur, M. Mindov, s’est vu refuser un permis de travail afin de travailler en tant que directeur d’un établissement de vente en gros pour une entreprise de produits cosmétiques dont il est propriétaire au Canada. Il conteste ce refus dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.
[2] Le permis de travail de M. Mindov a été refusé pour trois motifs principaux : i) il avait travaillé sans autorisation au Canada; ii) il n’avait pas établi qu’il quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé, et iii) il n’avait pas démontré qu’il serait capable d’exercer l’emploi recherché au Canada. M. Mindov soutient que la décision de l’agent était déraisonnable en ce qui concerne chacun de ces motifs de refus.
[3] Bien que je convienne que les motifs de refus de l’agent n’étaient pas transparents ou intelligibles en ce qui concerne la première question, à savoir si le demandeur avait travaillé sans autorisation au Canada, je ne vois aucune raison de revenir sur la décision de l’agent en ce qui concerne les deux autres questions, à savoir si le demandeur avait établi qu’il serait capable d’exercer l’emploi recherché au Canada et s’il quitterait le pays à la fin de son séjour autorisé. L’agent a justifié son refus relativement à ces deux dernières questions en présentant des motifs transparents et intelligibles.
[4] Pour les motifs énoncés ci‑dessous, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
II.
Le contexte factuel
[5] M. Mindov possède la double nationalité bulgare et turque. Il est arrivé au Canada à titre de visiteur avec son épouse et ses deux enfants en 2018. Le but déclaré de son séjour était d’apprendre l’anglais et d’explorer les possibilités d’investissement.
[6] M. Mindov a investi dans une entreprise d’importation de marbre, qui, selon ses dires, a fait l’objet d’une fraude et lui a fait perdre une somme d’argent importante.
[7] M. Mindov a ensuite lancé une nouvelle entreprise au Canada, une entreprise de produits cosmétiques, pour laquelle il a ensuite demandé une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) dans le cadre du volet propriétaire‑exploitant. Il a reçu une EIMT favorable et a ensuite demandé un permis de travail le 8 octobre 2020.
[8] Dans une décision datée du 4 mai 2021, la demande de permis de travail a été rejetée.
III.
Les questions en litige et la norme de contrôle
[9] Les questions soulevées par M. Mindov portent sur le fond de la décision défavorable et doivent donc être examinées selon la norme de la décision raisonnable. Les deux parties conviennent que la norme de la décision raisonnable s’applique en l’espèce. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], a confirmé que, lorsqu’une cour examine une décision administrative sur le fond, la norme de contrôle présumée s’appliquer est celle de la décision raisonnable. La présente affaire ne soulève aucune question qui justifierait de s’écarter de cette présomption.
IV.
Analyse
[10] Trois motifs ont été invoqués pour refuser la demande de M. Mindov : i) le travail sans autorisation; ii) l’incapacité d’exercer l’emploi recherché, et iii) le risque de prolongation du séjour sans autorisation.
A.
Le travail sans autorisation
[11] Le terme « travail »
est défini de la façon suivante à l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement]: « Activité qui donne lieu au paiement d’un salaire ou d’une commission, ou qui est en concurrence directe avec les activités des citoyens canadiens ou des résidents permanents sur le marché du travail au Canada. »
Dans le cas de M. Mindov, il n’est pas allégué qu’il aurait été payé pour son travail au sein de son entreprise; le rejet de sa demande est fondé sur la deuxième partie de la définition, qui se rapporte aux activités qui sont en « concurrence directe avec les activités des citoyens canadiens ou des résidents permanents sur le marché du travail au Canada »
.
[12] Les motifs fournis par l’agent à l’appui de sa conclusion selon laquelle M. Mindov avait travaillé sans autorisation dans l’entreprise de produits cosmétiques faisant l’objet de la demande de permis de travail en l’espèce étaient inintelligibles.
[13] J’ai seulement tenu compte des observations de l’agent au sujet du travail de M. Mindov au sein de l’entreprise de produits cosmétiques, et non de celles au sujet de l’ancienne entreprise d’importation de marbre. Il y avait un certain nombre d’observations concernant l’ancienne entreprise de M. Mindov, y compris, par exemple, celle que le demandeur aurait effectué un « travail »
lorsqu’il a fait des recherches de fournisseurs. Cependant, somme toute, l’agent ne s’appuie pas sur ces faits pour formuler la conclusion selon laquelle M. Mindov avait travaillé sans autorisation. Sa décision indique clairement que la conclusion relative au travail non autorisé se rapporte à l’entreprise de produits cosmétiques qui fait l’objet de la demande de permis de travail de M. Mindov. Par conséquent, je conclus que les observations des parties portant sur le caractère raisonnable des conclusions de l’agent en ce qui concerne la première entreprise du demandeur ne sont pas pertinentes, puisqu’en fin de compte, l’agent n’en tient pas compte pour se prononcer quant à la question du travail non autorisé.
[14] Les motifs de l’agent relativement au travail non autorisé sont incohérents et difficiles à suivre. Les motifs de l’agent sont les suivants :
[TRADUCTION]
Il m’est difficile de juger si [le demandeur] travaille ou non pour [l’entreprise de produits cosmétiques] au Canada. Il est raisonnable de croire qu’une personne qui crée une entreprise, qui y investit son propre argent et qui en est l’unique administrateur officiel, travaille pour cette entreprise, notamment pour embaucher du personnel.
[15] Les motifs ne sont pas fondés sur une analyse rationnelle. Il est difficile de savoir comment ces observations ont mené l’agent à conclure de manière définitive que M. Mindov avait travaillé sans autorisation, d’autant plus que l’agent a déclaré qu’il lui était difficile de juger si ce dernier travaille ou non pour l’entreprise de produits cosmétiques. De plus, l’agent n’aborde que peu la question de fond, à savoir comment évaluer si des activités non rémunérées constituent un travail dans le contexte d’un travail indépendant. Dans l’ensemble, je conclus que l’évaluation de l’agent à cet égard n’est pas raisonnable.
B.
L’incapacité d’exercer l’emploi recherché
[16] L’agent a énuméré plusieurs facteurs qui l’ont amené à conclure que la demande de M. Mindov devait être rejetée au motif que ce dernier ne possédait pas les aptitudes requises pour exercer l’emploi recherché. Selon l’alinéa 200(3)a) du Règlement, « [l]e permis de travail ne peut être délivré à l’étranger dans les cas [où] l’agent a des motifs raisonnables de croire que l’étranger est incapable d’exercer l’emploi pour lequel le permis de travail est demandé »
.
[17] L’agent a soulevé les points suivants : M. Mindov ne possédait pas de diplôme universitaire; bien qu’un tel diplôme ne soit pas exigé, il pourrait s’avérer nécessaire pour un poste de directeur – commerce de détail et de gros (CNP 0621), poste pour lequel il a reçu une EIMT favorable. L’agent a également soulevé que l’énoncé pertinent de la CNP précisait qu’une expérience connexe dans la vente au détail à des niveaux croissants de responsabilité était habituellement requise. L’agent a évalué l’expérience déclarée de M. Mindov en tant que « vendeur contractuel »
et a jugé qu’elle n’était pas équivalente aux exigences habituelles de niveaux croissants de responsabilité. Je ne considère pas que cette évaluation soit déraisonnable, compte tenu de la preuve au dossier. L’agent n’était pas non plus convaincu que M. Mindov avait fourni une preuve suffisante à l’appui de son expérience de travail passée.
[18] M. Mindov n’a pas soutenu que l’agent a commis des erreurs factuelles ou qu’il a omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents dans son examen. Il demande à la Cour de soupeser à nouveau les facteurs qui avaient déjà été examinés par l’agent. Toutefois, tel n’est pas le rôle de la Cour lorsqu’elle est saisie d’un contrôle judiciaire, et rien ne justifie de modifier la décision de l’agent.
C.
Le risque de prolongation du séjour sans autorisation
[19] De même, M. Mindov n’a pas relevé de graves lacunes dans la décision de l’agent concernant la probabilité qu’il quitte le Canada à la fin de son séjour autorisé. L’alinéa 200(1)b) du Règlement prévoit que l’étranger qui présente une demande de permis de travail préalablement à son entrée au Canada doit établir qu’il quittera le Canada à la fin de sa période de séjour autorisée.
[20] L’agent a examiné les facteurs pertinents suivants : les liens familiaux dans le pays d’origine, la manière dont la famille a qualifié son séjour au Canada de [traduction] « déménagement temporaire »
, la vente de plusieurs propriétés résidentielles dans le pays d’origine avant l’arrivée au Canada, la cessation d’emploi dans le pays d’origine et le changement d’école des enfants pour qu’ils fréquentent une école canadienne. En fin de compte, l’agent a soupesé ces facteurs et a jugé qu’il n’était pas convaincu que M. Mindov quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé, compte tenu des renseignements fournis. Je ne vois aucune raison d’intervenir à cet égard.
V.
Conclusion
[21] La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n’ont soulevé aucune question à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑3356‑21
LA COUR STATUE que :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Les parties n’ont soulevé aucune question à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.
« Lobat Sadrehashemi »
Juge
Traduction certifiée conforme
M. Deslippes
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM‑3356‑21
|
INTITULÉ :
|
NEVEN BELCHINOV MINDOV c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 29 NOVEMBRE 2021
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LA JUGE SADREHASHEMI
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 16 MAI 2022
|
COMPARUTIONS :
Massood Joomratty
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Charlotte Chan
|
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Brij Mohan & Associates
Vancouver (Colombie‑Britannique) |
POUR LE DEMANDEUR
|
Procureur général du Canada
Vancouver (Colombie‑Britannique)
|
POUR LE DÉFENDEUR
|