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Date : 20220517


Dossier : T-1335-21

Référence : 2022 CF 726

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 17 mai 2022

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

TELUS COMMUNICATIONS INC.

demanderesse

et

VIDÉOTRON LTÉE, BELL MOBILITÉ INC., BRAGG COMMUNICATIONS INC., CITYWEST CABLE AND TELEPHONE CORP, COGECO CONNEXION INC.,

COMCENTRIC NETWORKING INC., ECOTEL INC., IRISTEL INC., LEMALU HOLDINGS LTD., 1085459 ONTARIO LTD. s/n KINGSTON ONLINE SERVICES,

MULTIBOARD COMMUNICATIONS INC., 508896 ALBERTA LTD. s/n NETAGO, NEXICOM INC., ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC., SASKATCHEWAN TELECOMMUNICATIONS, SOGETEL INC., STAR SOLUTIONS INTERNATIONAL

INC., TBAYTEL, TERRESTAR SOLUTIONS INC., THOMAS COMMUNICATIONS LTD., VALLEY FIBER LTD., FIBRENOIRE INC. ET XPLORNET COMMUNICATIONS INC.

défenderesses

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intervenant

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie du contrôle judiciaire de la décision par laquelle le délégué du ministre de l’Industrie [le ministre] a jugé que Vidéotron ltée [Vidéotron] était admissible aux enchères de spectre réservé dans le cadre de la mise aux enchères du spectre de la bande de 3 500 MHz qui a eu lieu en 2021 [la mise aux enchères]. Conformément au processus établi, la décision sur l’admissibilité aux enchères de spectre réservé [la décision] a été rendue le 21 avril 2021 et communiquée à Vidéotron, mais n’a été rendue publique qu’après la publication des résultats de la mise aux enchères par le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique du Canada [ISDE] le 29 juillet 2021. Le spectre en question est essentiel au déploiement des normes relatives à la technologie de cinquième génération [5G] pour les réseaux de téléphonie mobile et d’autres technologies partout au Canada.

[2] La décision, qui a permis à Vidéotron d’enchérir et d’obtenir une licence de spectre en Colombie‑Britannique, en Alberta et au Manitoba [collectivement, l’Ouest du Canada], est aujourd’hui contestée par TELUS Communications Inc. [TELUS] sur le fond et sur le plan de la procédure. Pour les motifs qui suivent, je conclus que le processus d’évaluation de l’admissibilité au spectre réservé et la décision du ministre sont équitables et raisonnables. Par conséquent, je rejetterai la demande.

I. Le contexte

A. Le cadre législatif

[3] Le spectre est une ressource publique limitée composée d’ondes électromagnétiques de diverses fréquences, qui facilite l’utilisation des technologies de communication et des services, notamment les téléphones cellulaires, les satellites, la radio bidirectionnelle et la radiodiffusion. Le ministre, qui est investi des pouvoirs que lui confèrent la Loi sur le ministère de l’Industrie, LC 1995, c 1, la Loi sur la radiocommunication, LRC 1985, c R-2, et le Règlement sur la radiocommunication, DORS/96-484, est responsable de la gestion du spectre au Canada. La gestion du spectre joue un rôle essentiel pour le Canada, car elle favorise la croissance des télécommunications et garantit que les services de radiocommunication, utilisés tant pour les téléphones cellulaires que pour le contrôle de la circulation aérienne, sont bien gérés et exempts de brouillage.

[4] L’article 7 de la Loi sur les télécommunications, LC 1993, c 38, énonce les objectifs de la politique canadienne de télécommunication, qui sont notamment les suivants : permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité, accroître l’efficacité et la compétitivité, stimuler la recherche et l’innovation, ainsi que favoriser le libre jeu du marché (pour consulter l’art 7 et les autres dispositions citées dans les présents motifs, voir l’annexe A). Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [le CRTC] régit, ainsi qu’il est prescrit à la partie III de la Loi sur les télécommunications, les services de télécommunication, y compris l’approbation des tarifs et des conditions de commercialisation.

[5] Le paragraphe 5(1) de la Loi sur la radiocommunication confère de vastes pouvoirs au ministre, notamment celui de délivrer et d’assortir de conditions des licences, de modifier les conditions des licences, ainsi que de planifier l’attribution et l’utilisation du spectre. Ces licences sont nécessaires à l’exploitation de tout réseau de téléphonie mobile et sont délivrées aux fournisseurs de services de télécommunication par vente aux enchères. Le processus d’adjudication pour délivrer les licences est concurrentiel, et le paragraphe 5(1.4) de la Loi sur la radiocommunication permet au ministre de fixer les règles, les normes et les modalités applicables au processus d’adjudication.

A. Les licences de spectre

[6] Les licences de spectre permettent à leurs titulaires d’utiliser des fréquences définies dans des zones géographiques déterminées. Les zones de service sont divisées puis subdivisées en « niveaux ». Le niveau 1 est une zone de service nationale unique qui couvre l’ensemble du Canada. Le niveau 2 se compose de 14 grandes zones de service qui couvrent tout le pays et qui correspondent, dans certains cas, à une province au complet. Par exemple, la Colombie-Britannique, l’Alberta et le Manitoba sont chacune des zones de service distinctes de niveau 2. Par contre, les niveaux 3 et 4 se composent de zones de service régionales plus petites ou de zones de service plus localisées. Lors de la mise aux enchères, des zones de service de niveau 2 et de niveau 4 étaient utilisées en vue de déterminer l’admissibilité à enchérir pour du spectre réservé.

[7] La mise aux enchères de la bande de 3 500 MHz effectuée en 2021 est la plus récente des quatre enchères de spectre qui ont eu lieu depuis 2008. Trois autres enchères ont eu lieu sur un laps de temps de dix ans, soit de 2008 à 2018 : les enchères relatives aux services sans fil évolués [SSFE] SSFE‑1 (2008) et SSFE‑3 (2015) ainsi que les enchères de la bande de 600 MHz (2018). Conformément aux objectifs de la Loi sur les télécommunications, ces enchères de spectre comportaient des « mesures favorables à la concurrence », visant à accroître la concurrence entre les fournisseurs de service de téléphonie mobile. Les principes qui sous-tendent ces mesures sont décrits dans la Politique cadre sur la vente aux enchères du spectre au Canada, publiée en 2011 par ISDE (qui, à l’époque, s’appelait Industrie Canada). Les plafonds de fréquences, par exemple, imposent des limites quant à la largeur de spectre qu’un titulaire de licence donné peut détenir.

[8] Le spectre réservé, une autre mesure favorable à la concurrence, consiste à réserver une certaine partie du spectre à des entreprises qui ne correspondent pas à la définition de « fournisseurs nationaux de services mobiles » [FNSM]. Par définition, un FNSM détient plus de 10 % du marché national. Pour l’heure, il y a trois FNSM : TELUS, Bell et Rogers.

[9] Les critères d’admissibilité applicables aux enchères du spectre réservé variaient lors des mises aux enchères de 2008, 2015, 2018 et 2021. En 2008, l’admissibilité au spectre réservé était limitée aux nouveaux venus, définis comme étant ceux qui détiennent moins de 10 % du marché national des services sans fil sur la base des revenus. En 2015, les règles d’admissibilité au spectre réservé étaient beaucoup plus précises. Elles variaient selon les zones de service concernées, et les enchérisseurs potentiels devaient déjà fournir des services mobiles sans fil commerciaux en plus de fournir les détails de la couverture réseau dans chaque zone de service pertinente. En 2018, les critères d’admissibilité au spectre réservé portaient sur la prestation de services, mais ils étaient moins stricts et moins détaillés que ceux de 2015. Par exemple, les enchérisseurs admissibles au spectre réservé devaient fournir des services de télécommunications commerciaux dans les zones de service de niveau 2 pertinentes, mais il n’y avait aucune exigence quant au nombre minimal de clients ou au niveau de couverture.

B. La mise aux enchères du spectre de la bande de 3 500 MHz de 2021

[10] Comme je l’ai déjà mentionné, la bande de fréquences de 3 500 MHz est essentielle au déploiement des normes relatives à la technologie mobile 5G pour les réseaux cellulaires. La 5G permet d’utiliser des applications novatrices, interconnectées et ayant un volume important de données, qui fonctionnent à des vitesses plus élevées et fournissent une largeur de bande plus grande que celles des normes antérieures. La 5G nécessite de grandes quantités de spectre dans diverses bandes de fréquences.

[11] Le processus qui a mené aux enchères de 2021 et au processus d’évaluation de l’admissibilité au spectre réservé qui est contesté en l’espèce a commencé en 2019. En juin 2019, ISDE a annoncé une consultation publique intitulée Consultation sur un cadre politique et de délivrance de licences concernant le spectre de la bande de 3 500 MHz.

[12] De vastes consultations s’en sont suivies, auxquelles ont participé des intervenants de partout au pays, dont TELUS et Vidéotron, et ont mené ISDE à adopter une série de politiques régissant la mise aux enchères. En mars 2020, ISDE a publié le Cadre politique et de délivrance de licences concernant le spectre de la bande de 3 500 MHz [le Cadre politique]. Ce document volumineux énonce les politiques qui sous‑tendent la mise aux enchères ainsi que les règles de base qui la régissent. L’étape de la demande et de la qualification des enchérisseurs, durant laquelle les décisions sur l’admissibilité au spectre réservé sont prises (le sujet du présent contrôle judiciaire), l’étape de la mise aux enchères pour obtenir des licences de spectre, ainsi que le processus de renouvellement des licences après la mise aux enchères sont tous prévus par le Cadre politique.

[13] Pour favoriser la concurrence dans la mise aux enchères, le Cadre politique a établi qu’une largeur de spectre de 50 MHz, qui consiste en environ 25 % du spectre disponible pour la mise aux enchères, serait réservée aux fournisseurs de services admissibles (ce qui exclut les FNSM). Selon le Cadre politique, l’utilisation de spectre réservé par le passé a favorisé la croissance et la concurrence des fournisseurs de services régionaux. Le Cadre politique renvoie également aux conclusions du Bureau de la concurrence au sujet de la puissance commerciale dont disposent les FNSM, des obstacles importants à l’entrée sur le marché dans certaines régions, ainsi que des prix inférieurs dont jouissent les consommateurs dans des régions où les fournisseurs de services régionaux ont une part de marché établie. Les paragraphes 36 à 44 du Cadre politique, en plus d’autres extraits pertinents dont il est question plus loin, sont reproduits à l’annexe B des présents motifs.

[14] L’admissibilité aux enchères de spectre réservé a été établie dans la « décision D2 » du Cadre politique. La décision D2 restreint l’admissibilité au spectre réservé aux fournisseurs de services qui correspondent à la description suivante :

L’admissibilité à présenter une soumission à l’égard d’une portion de spectre réservé sera restreinte aux entités enregistrées auprès du CRTC à titre de fournisseurs dotés d’installations qui ne sont pas des fournisseurs nationaux de services mobiles et qui fournissaient activement des services de télécommunications commerciaux au grand public dans la zone de service concernée de niveau 2 à la date de demande de participation aux enchères de la bande de 3 500 MHz. Les services qui sont réglementés par la Loi sur la radiodiffusion ne seront pas considérés comme des « services de télécommunications commerciaux » aux fins de l’admissibilité à la portion de spectre réservé, mais tous les services qui sont réglementés par la Loi sur les télécommunications peuvent être admissibles.

[Décision D2, au para 64 du Cadre politique; non souligné dans l’original.]

[15] Il importe de préciser que les licences étaient délivrées pour les zones de service plus localisées du niveau 4, mais que les critères d’admissibilité ci-dessus renvoient à un enchérisseur qui offre des services à n’importe quel endroit dans une zone de service de niveau 2. L’enchérisseur qui souhaite obtenir des fréquences dans la zone de service de niveau 4 de Steinbach, au Manitoba, par exemple, doit seulement fournir activement au grand public des services de télécommunications commerciaux à un endroit quelconque dans la zone de service pertinente de niveau 2 au Manitoba, comme à Winnipeg, pour être admissible à enchérir pour du spectre réservé dans Steinbach.

[16] En réponse aux préoccupations soulevées quant à la façon dont le terme « grand public » serait défini, le Cadre politique précise que ce terme pourrait englober « les entreprises, les sociétés et les institutions, ainsi que les consommateurs résidentiels “traditionnels” », et que « les fournisseurs qui offrent activement des services de télécommunications commerciaux à l’un de ces consommateurs seront considérés comme admissibles à la portion de spectre réservé, à condition qu’ils répondent aux critères d’admissibilité supplémentaires » (Cadre politique, au para 60).

[17] En plus du spectre réservé, le Cadre politique impose aussi des mesures de non-transférabilité. Ces mesures visent à garantir que les licences de spectre réservé ne soient pas transférables à des entités non admissibles au spectre réservé pendant au moins cinq années de la durée de la licence, et ce, en vue d’établir un équilibre entre empêcher la spéculation – par exemple, de la part d’enchérisseurs qui souhaitent seulement revendre les licences au lieu de déployer des services – et octroyer du spectre à des entités qui sont en mesure de l’utiliser.

[18] Les enchérisseurs potentiels qui souhaitent être admissibles au spectre réservé sont tenus de démontrer leur admissibilité en fournissant à ISDE les documents pertinents dans lesquels sont décrits 1) les services offerts dans la zone pertinente, 2) le réseau de vente au détail/distribution, ainsi que 3) la façon dont les abonnés accèdent aux services, de même que le nombre d’abonnés dans la zone (Cadre politique, au para 64).

[19] Selon la section 12.5 du Cadre politique, ISDE était tenu d’examiner les formulaires de demande et les documents connexes après la date limite pour la présentation des demandes. Durant cet examen initial, ISDE devait relever toute erreur dans les formulaires et décider si des renseignements supplémentaires concernant un affilié ou une entité associée étaient requis. Dans le cas des enchérisseurs souhaitant être admissibles au spectre réservé, ISDE devait évaluer l’admissibilité à obtenir des licences dans les zones de service de niveau 4 en fonction des zones de service pertinentes de niveau 2. ISDE pouvait également demander des renseignements supplémentaires par écrit et vérifier les renseignements reçus. Les demandeurs qui ne donnaient pas suite aux demandes écrites voyaient leur demande rejetée. Les demandes rejetées, y compris celles pour lesquelles une réponse à une demande de renseignements a été reçue mais qui étaient tout de même jugées non conformes, devaient être retournées au demandeur (Cadre politique, aux para 435‑440).

[20] En décembre 2020, ISDE a publié des réponses aux demandes de précisions ainsi que des mises à jour au sujet de la mise aux enchères dans un document intitulé Réponses aux demandes de précisions sur le cadre politique et de délivrance de licences concernant le spectre de la bande de 3 500 MHz [le document faisant état des précisions]. Le 15 mars 2021, le document faisant état des précisions a été mis à jour en vue d’ajouter la question et la réponse suivantes concernant l’admissibilité au spectre réservé :

Question 3.3

Quelle est l’incidence du statut d’entité affiliée d’un demandeur sur son admissibilité au spectre réservé?

Réponse

Un demandeur peut être qualifié comme soumissionnaire admissible au spectre réservé en fonction de l’admissibilité de ses entités affiliées ou, dans le cas d’un soumissionnaire en partenariat, en fonction de l’admissibilité des partenaires qui contrôlent l’entreprise du demandeur.

Si le demandeur n’est pas une entité affiliée d’un fournisseur national de service mobile ou qu’il n’est pas contrôlé par ce fournisseur, et qu’une ou des entités affiliées ou partenaires majoritaires de ce demandeur sont enregistrés auprès du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) à titre de fournisseurs dotés d’installations, le demandeur peut être qualifié comme soumissionnaire admissible au spectre réservé dans toutes les zones de licence où une entité affiliée ou un partenaire majoritaire offre activement des services commerciaux de télécommunications au grand public, dans la zone de service de niveau 2 pertinente, comme l’énonce la section 6.1 du Cadre politique.

Dans son formulaire de demande, le demandeur est tenu d’identifier ses entités affiliées ainsi que tout partenaire majoritaire, s’il y a lieu. Pour chaque zone de licence, un demandeur qui souhaite être considéré comme soumissionnaire admissible au spectre réservé doit indiquer et préciser s’il est directement admissible ou s’il est admissible par l’intermédiaire d’une entité affiliée ou d’un partenaire majoritaire, que le demandeur est alors tenu d’identifier.

[Non souligné dans l’original.]

[21] ISDE a évalué les demandes dans le cadre d’un processus à huis clos, conformément à la procédure qui a toujours été suivie dans les mises aux enchères de spectre précédentes. Le huis clos visait à assurer l’intégrité de la mise aux enchères de la bande de 3 500 MHz et à protéger les renseignements confidentiels fournis dans les demandes. Le document faisant état des précisions indiquait qu’ISDE ne rendrait pas publics après les enchères les documents sur les enchérisseurs qui ont demandé l’admissibilité ni les raisons justifiant leur admissibilité. La réponse à la question 2.11 du document faisant état des précisions prévoyait ce qui suit :

[…] [C]omme cela a été le cas pour les mises aux enchères antérieures, et selon le calendrier [établi], ISDE rendra publique sur son site Web une liste de tous les soumissionnaires qualifiés accompagnée de l’information sur la propriété bénéficiaire connexe, les entités affiliées et associées. ISDE ne communiquera pas le nombre de points d’admissibilité, les montants de dépôt financier et l’admissibilité des soumissionnaires, y compris en ce qui concerne le spectre réservé. ISDE établit ses règles concernant l’admissibilité au spectre réservé en regard de l’information communiquée par le demandeur et évaluée à la lumière de critères d’admissibilité au spectre réservé, conformément au Cadre politique.

[Non souligné dans l’original.]

[22] Toutefois, conformément à la réponse à la question 2.11 ci‑dessus, ISDE a rendu publique la liste de tous les enchérisseurs qualifiés, accompagnée des renseignements sur leur propriété bénéficiaire, ainsi que sur les entités affiliées et associées.

C. La mise aux enchères de la bande de 3 500 MHz

[23] Les enchères ont finalement généré des revenus de 8,91 milliards de dollars pour le gouvernement du Canada.

[24] Vidéotron a demandé l’admissibilité au spectre réservé et a finalement été jugée admissible aux enchères de spectre réservé dans les zones de service de niveau 2 en question dans le présent contrôle judiciaire, soit au Manitoba, en Alberta et en Colombie‑Britannique, grâce aux services fournis par sa société affiliée, Fibrenoire Inc. [Fibrenoire]. Le 29 juillet 2021, Vidéotron a été l’enchérisseur retenu pour 128 licences de spectre réservé dans 45 zones de licence de l’Ouest du Canada.

[25] Le 3 août 2021, TELUS a écrit à ISDE au sujet des conclusions sur l’admissibilité au spectre réservé de Vidéotron et lui a demandé le dossier complet des documents qu’elle avait présentés.

[26] En réponse, ISDE a expliqué dans une lettre du 11 août 2021 que, sur la foi d’un examen des documents de demande de Vidéotron et d’une vérification des services accessibles au public, Vidéotron était admissible aux enchères de spectre réservé conformément au Cadre politique et au document faisant état des précisions. ISDE a ajouté que, conformément au processus établi, il ne publierait pas les documents de Vidéotron.

[27] Le 26 août 2011, TELUS a présenté sa demande de contrôle judiciaire.

D. L’historique des procédures devant la Cour fédérale

[28] La requête en injonction interlocutoire par laquelle TELUS sollicitait la suspension de la délivrance des licences à Vidéotron dans l’Ouest du Canada, présentée en septembre 2021, a été rejetée par le juge Grammond de notre Cour dans une ordonnance et des motifs datés du 22 octobre 2021 (Telus Communications Inc. c Vidéotron Ltée, 2021 CF 1127 [Telus c Vidéotron]).

[29] Le 17 décembre 2021, le ministre a procédé à la délivrance des licences attribuées au moyen de la mise aux enchères de la bande de 3 500 MHz.

[30] Le procureur général du Canada [le PGC] a eu l’autorisation d’intervenir dans la présente instance, mais le dossier du tribunal qu’il avait initialement produit n’était pas complet, car Vidéotron avait des craintes concernant la confidentialité. TELUS et Vidéotron ont chacune présenté des requêtes contradictoires, en divulgation et en confidentialité, respectivement. La protonotaire Tabib a rejeté la requête de Vidéotron dans une ordonnance datée du 6 décembre 2021 par laquelle elle a circonscrit le processus de divulgation des renseignements confidentiels. Vidéotron a interjeté appel de cette ordonnance.

[31] En fin de compte, les parties ont réglé leur désaccord sur consentement et, le 3 février 2022, le juge Pentney a rendu une ordonnance conservatoire en vue de protéger la confidentialité en vertu des articles 151 et 152 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Par la suite, TELUS, Vidéotron et le PGC ont transmis une version publique expurgée, de même qu’une version privée confidentielle de leurs dossiers respectifs. Le déposant de TELUS, M. Mulvihill, a été autorisé à prendre connaissance de la preuve et à témoigner à la lumière du dossier complet. Vidéotron et le PGC ont également présenté des affidavits, souscrits par MM. Dennis Béland et Daniel Anderson respectivement, auxquels ces derniers, comme M. Mulvihill, ont joint de nombreux éléments de preuve.

[32] Le contrôle judiciaire s’est déroulé en public devant moi, sans qu’il ne soit nécessaire de recourir à des discussions à huis clos. L’une des autres défenderesses, Iristel Inc., a formulé ses observations dans un dossier public, sans avoir eu accès aux documents confidentiels de TELUS, de Vidéotron et du PGC. Les représentants d’autres défenderesses, ainsi que des membres du public, ont également assisté à l’audience virtuelle.

[33] Compte tenu de la présence de ces personnes et du principe de la publicité des débats judiciaires, et comme il est dans l’intérêt de l’administration de la justice que ces débats soient publics, aucun renseignement confidentiel provenant de TELUS, de Vidéotron ou du PGC ne figure dans les présents motifs. Par conséquent, aucun renseignement n’est expurgé, et il n’est pas non plus nécessaire de rendre séparément des motifs confidentiels.

II. La décision faisant l’objet du contrôle

A. La demande de Vidéotron en vue d’être admissible au spectre réservé

[34] Dans le cadre de sa demande d’admissibilité au spectre réservé, qui s’inscrit dans la demande de participation à la mise aux enchères que tous les enchérisseurs potentiels doivent présenter, Vidéotron a rempli une série de formulaires normalisés établis par ISDE, joint des documents à l’appui et présenté la demande complète de manière confidentielle le 5 avril 2021.

[35] Dans sa demande, Vidéotron a confirmé que Fibrenoire était une société affiliée inscrite auprès du CRTC en tant que fournisseur doté d’installations, a mentionné toutes les zones de niveau 2 où elle souhaitait être admissible au spectre réservé et a indiqué toutes les zones de niveau 4 où elle fournissait déjà des services de télécommunications commerciaux au grand public.

[36] Vidéotron a également joint à sa demande des documents portant la mention « confidentiel », qui comprenaient une description détaillée de la mesure dans laquelle elle répondait aux critères d’admissibilité au spectre réservé, c’est‑à‑dire une description des services offerts par Vidéotron et Fibrenoire dans leurs zones de service respectives, ainsi que leurs réseaux de vente au détail et de distribution, le nombre de clients desservis et la façon dont ces clients accèdent à leurs services.

B. Le processus d’évaluation et de vérification

[37] Comme je l’ai déjà mentionné, le Cadre politique indiquait qu’il incombait à ISDE d’évaluer les formulaires remplis ainsi que les documents connexes, d’évaluer l’admissibilité et, au besoin, de demander des renseignements supplémentaires et de vérifier les renseignements reçus.

[38] Le déposant du PGC, Daniel Anderson, gestionnaire à la direction générale de la politique du spectre à ISDE, était chargé d’évaluer l’admissibilité au spectre réservé de tous les demandeurs. Il était également chargé de diriger l’élaboration des politiques de la mise aux enchères de la bande de 3 500 MHz. Monsieur Anderson s’est servi d’un formulaire intitulé [traduction] « Évaluation de l’admissibilité au spectre réservé lors de la mise aux enchères de la bande de 3 500 MHz (formulaire 4) » [le formulaire d’évaluation] pour consigner l’évaluation des 19 demandes d’admissibilité au spectre réservé, entre le 6 avril 2021, date limite pour présenter une demande, et le 22 avril 2021, date à laquelle une liste d’enchérisseurs qualifiés serait publiée.

[39] Selon son affidavit, M. Anderson a commencé l’évaluation de l’admissibilité au spectre réservé de Vidéotron le 7 avril 2021, le lendemain de la date limite pour présenter une demande. Il a entré les renseignements figurant dans la demande directement sur le formulaire d’évaluation. Il a vérifié que Fibrenoire et Vidéotron étaient effectivement inscrites auprès du CRTC en tant que fournisseurs dotés d’installations, ce qui ressort du formulaire d’évaluation.

[40] Dans sa demande, Vidéotron a indiqué qu’elle était admissible au spectre réservé en Colombie‑Britannique, en Alberta et au Manitoba grâce à sa société affiliée, Fibrenoire. Vidéotron a fait valoir que Fibrenoire avait des clients dans chacune de ces provinces de l’Ouest, ainsi que dans le Nord de l’Ontario, mais n’a pas fourni l’identité de ces clients ni mentionné où ils se trouvaient. Monsieur Anderson a déclaré qu’il voulait vérifier les renseignements fournis par Fibrenoire au sujet de ses services, y compris son réseau de distribution dans l’Ouest du Canada, mais n’a pas été en mesure de le faire en consultant le site Web de l’entreprise.

[41] Par conséquent, M. Anderson a affirmé dans son affidavit qu’il avait demandé à Nancy Macartney, une de ses collègues à ISDE ayant participé au processus d’évaluation et de vérification, de communiquer avec Vidéotron pour lui demander des détails supplémentaires. Le 9 avril 2021, Mme Macartney a envoyé une lettre à Vidéotron par courrier électronique sécurisé, dans laquelle elle renvoyait aux critères énoncés dans le Cadre politique pour établir l’admissibilité au spectre réservé et demandait que des renseignements détaillés soient fournis pour chacune des quatre zones de service, à savoir le Nord de l’Ontario et les provinces de l’Ouest du Canada en cause en l’espèce – le Manitoba, l’Alberta et la Colombie‑Britannique.

[42] Le 12 avril 2021, M. Béland, vice‑président des affaires réglementaires à Quebecor Inc. et déposant de Vidéotron dans la demande de contrôle en l’espèce, a répondu au nom de Vidéotron. Dans sa réponse, M. Béland a donné une description plus détaillée des diverses catégories de services offerts par Fibrenoire dans l’Ouest du Canada, une liste de clients, ainsi que des explications détaillées sur la façon dont ses clients des services affaires accèdent à leurs services, sur la façon dont le matériel a été distribué et sur les services précis qui ont été offerts à chaque client. Voici par exemple un extrait de sa lettre :

Fibrenoire fournit activement des services de télécommunication commerciaux au grand public dans les zones de service 2-008, 2-009, 2-010, 2-012 et 2-013, puisqu’elle fournit actuellement des services de connectivité à vitesse symétrique par l’entremise de liens de fibre optique dédiés à des clients des services affaires au détail ayant des activités commerciales dans ces régions. En supplément à ces services de connectivité par fibre optique, une part croissante des clients de Fibrenoire souscrit également à des services tels que la connectivité de sauvegarde sans fil et les applications de réseautage « over-the-top ».

[…]

Pour chacune des quatre catégories de service offertes, Fibrenoire s’assure de relier les sites du client a son réseau fédérateur par le biais d’installations de fibre optique (sauf pour la minorité de cas SD-WAN ou des installations de câble coaxial ou de nature sans fil sont utilisées). Mis à part à certains secteurs de Toronto ou Fibrenoire exploite son propre réseau dorsal Internet, ces installations de fibre optique sont approvisionnées auprès de partenaires d’affaires exploitant des réseaux dans les secteurs vises. Or, même en cas d’approvisionnement, Fibrenoire fournit les équipements des locaux du client. De plus, dans tous les cas, Fibrenoire est entièrement responsable de la surveillance et de la gestion de la connectivité fournie au client.

Sujet à la disponibilité d’installations adéquates de la part de ses partenaires d’affaires, Fibrenoire est prête à fournir des services de télécommunication n’importe où dans les zones de service …

[…]

Lorsqu'un nouveau client des services affaires au détail contacte Fibrenoire pour la première fois, il est immédiatement affecté à un représentant au vente attitré. Ce représentant travaille avec le client pour évaluer ses besoins, déterminer la catégorie de service la plus appropriée et négocier un contrat de service. Règle générale, des engagements de service pluriannuels sont nécessaires pour garantir la tarification la plus avantageuse. Le représentant au vente attitré veillera alors personnellement à la livraison et à l'installation des équipements des locaux du client (voir plus de détails ci-dessous) et sera à la disposition du client pour résoudre tout problème d'activation qui pourrait survenir. Le représentant travaille également avec le client sur une base continue afin de s'assurer que le service commandé continue de répondre au mieux à ses besoins.

De manière générale, les représentants au vente attitrés de Fibrenoire sont situés physiquement au Québec, les clients de Fibrenoire dans les zones susmentionnées étant le plus souvent des succursales de grandes entreprises québécoises ayant déjà une relation d’affaires bien établie avec l’entreprise. Fibrenoire possède néanmoins une liste croissante de clients des services affaires au détail dont le siège social est situé à l’extérieur du Québec, et qui sont bien servis par les experts en vente basés au Québec.

[43] Pour s’assurer que les nouveaux clients des services affaires puissent obtenir des services de Fibrenoire dans l’Ouest du Canada, M. Anderson affirme qu’il a effectué deux appels téléphoniques anonymes à Fibrenoire, au moyen d’un numéro bloqué. Tout d’abord, il s’est fait passer pour un client commercial potentiel ayant des bureaux à Vancouver et à Calgary et a demandé si Fibrenoire pouvait lui offrir des services. Puis, le lendemain, il a téléphoné une deuxième fois en se faisant passer pour un client commercial potentiel ayant des bureaux à Winnipeg et Thunder Bay. Dans les deux cas, Fibrenoire a répondu qu’elle pouvait offrir des services Internet, mais que ce ne serait pas au moyen de sa propre infrastructure, mais plutôt par celle d’un tiers.

[44] À la fin du formulaire d’évaluation pour la demande présentée par Vidéotron, M. Anderson recommandait que Vidéotron soit jugée admissible au spectre réservé dans toutes les zones de service visées par sa demande, y compris dans l’Ouest du Canada. Pour chacune des zones de service de niveau 2 dans l’Ouest du Canada, M. Anderson a indiqué que Vidéotron [traduction] « fournit des services de contournement [over‑the‑top] aux entreprises par l’intermédiaire de sa filiale Fibrenoire » et, à la fin du formulaire, il a écrit que Vidéotron [traduction] « fournit des services Internet aux entreprises par l’intermédiaire de Fibrenoire en sa qualité de fournisseur de services de gros ».

[45] Monsieur Anderson affirme que le 19 avril 2021, après avoir terminé son évaluation, il a rencontré le directeur principal d’ISDE, Mathew Kellison [le délégué du ministre]. Monsieur Anderson dit qu’il a expliqué son évaluation de la demande, la réponse qu’il a reçue à la demande écrite d’ISDE, les vérifications qu’il a faites par téléphone, ainsi que le fondement de sa recommandation. Il affirme également que M. Kellison a dit qu’il convenait que Vidéotron satisfaisait aux exigences d’admissibilité au spectre réservé dans chacune des zones visée par sa demande.

[46] Le délégué du ministre a rendu sa décision au nom du ministre le 21 avril 2021, laquelle figure sur un document interne intitulé [traduction] « Formulaire d’évaluation des demandes de participation à la mise aux enchères de la bande de 3 500 MHz » [le formulaire compilant les résultats de l’évaluation]. Au moment où la décision a été rendue, le délégué du ministre disposait du formulaire d’évaluation rempli, de tous les documents fournis à ISDE par Vidéotron (y compris la lettre du 12 avril citée au paragraphe 42 des présents motifs), ainsi que du formulaire compilant les résultats de l’évaluation sur une clé USB (comme il est indiqué dans un courriel de réponse à un engagement envoyé par le PGC, à la p 1106 du dossier de la demanderesse).

[47] Le lendemain, le 22 avril 2021, ISDE a publié une liste d’enchérisseurs qualifiés. Les conclusions sur l’admissibilité au spectre réservé ont été communiquées à chaque demandeur, mais n’ont pas été rendues publiques avant la mise aux enchères, conformément au Cadre politique et au document faisant état des précisions.

III. Questions en litige et analyse

[48] TELUS fait valoir deux arguments à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire. Premièrement, elle soutient que le ministre n’a pas respecté son obligation d’équité procédurale. Selon elle, ISDE ne s’est pas conformé à la procédure qu’il a lui-même établie et sa tenue de documents concernant les mesures prises pour évaluer l’admissibilité de Vidéotron au spectre réservé n’était pas non plus conforme aux exigences.

[49] Deuxièmement, TELUS soutient que la décision du ministre était déraisonnable. Elle soutient que le raisonnement d’ISDE était incohérent et dépourvu de transparence et que la décision ne pouvait être justifiée au regard du dossier factuel et des critères d’admissibilité au spectre réservé énoncés dans le Cadre politique.

[50] TELUS fait valoir que Vidéotron ne devrait pas être admissible à enchérir dans l’Ouest du Canada, que les licences de spectre qui lui ont été octroyées devraient être révoquées et qu’une nouvelle mise aux enchères devrait avoir lieu, à laquelle Vidéotron ne devrait pas être admissible.

[51] En revanche, les défenderesses et l’intervenant affirment que la décision sur l’admissibilité au spectre réservé ne comporte aucune lacune qui la rendrait déraisonnable ou inéquitable et que la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

A. La norme de contrôle

[52] Bien qu’ils ne s’entendent pas sur l’issue de la demande de contrôle, les parties et l’intervenant sont d’accord sur la norme de contrôle applicable. Premièrement, en ce qui concerne la question de l’équité procédurale, la Cour doit se demander si la procédure était juste et équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Chemin de fer Canadien Pacific Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 aux para 54‑56 [CFCP]; Ahousaht First Nation v Canada (Indian Affairs and Northern Development), 2021 FCA 135 au para 31).

[53] Pour ce faire, la Cour devra souvent tenir compte de la liste non exhaustive de facteurs énoncée par la Cour suprême dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 699 (CSC), [1999] 2 RCS 817 [Baker], et examiner, « en mettant nettement l’accent sur la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la personne, si un processus juste et équitable a été suivi » (CFCP, au para 54).

[54] Les parties conviennent également que le deuxième argument de TELUS exige que la Cour examine si la décision du ministre était raisonnable. Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême a établi un cadre révisé pour déterminer la norme de contrôle applicable, suivant lequel la norme de la décision raisonnable est celle qui est présumée s’appliquer. Les parties conviennent que rien ne justifie de déroger à cette présomption en l’espèce.

B. Les questions préliminaires

[55] Je commence mon analyse par l’examen de deux questions préliminaires qui ont été soulevées par Vidéotron et TELUS respectivement, à savoir que (i) TELUS n’a pas qualité pour présenter la demande de contrôle judiciaire et (ii) les affidavits de MM. Anderson et Béland comportent des éléments de preuve inadmissibles.

[56] Premièrement, Vidéotron affirme que TELUS n’a pas qualité pour présenter la demande de contrôle en l’espèce parce que, à titre de FNSM, elle n’est pas habilitée à participer à la mise aux enchères du spectre réservé et que, par conséquent, elle n’a aucun intérêt direct dans l’affaire. TELUS conteste cet argument et fait plutôt valoir qu’elle était directement touchée en raison de la violation de son droit à l’équité procédurale. Le PGC ne prend pas position sur ce point, mais comme le fait remarquer TELUS, il reconnaît que l’obligation d’équité procédurale à laquelle le ministre était tenu envers TELUS était à tout le moins minimale.

[57] La deuxième question préliminaire concerne l’argument de TELUS selon lequel les affidavits de MM. Anderson et Béland sont irréguliers parce qu’ils visaient à ajouter au dossier du tribunal des éléments inadmissibles (para 59‑63, 65 et 68 de l’affidavit de M. Anderson et para 47 de l’affidavit de M. Béland).

(i) TELUS a qualité pour présenter la demande

[58] Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, dispose :

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

Vidéotron fait valoir que TELUS, en tant que FNSM, n’avait pas le droit d’enchérir dans le cadre de l’étape concernant le spectre réservé, au terme de laquelle la décision faisant l’objet du contrôle a été rendue.

[59] Par conséquent, Vidéotron affirme que TELUS n’est pas directement touchée par l’objet de la demande. Elle se fonde sur la décision Soprema Inc. c Canada (Procureur général), 2021 CF 732 [Soprema], dans laquelle notre Cour s’est à son tour appuyée sur la décision CanWest MediaWorks Inc. c Canada (Santé), 2007 CF 752 [CanWest] (conf par 2008 CAF 207). Les décisions Soprema et CanWest appuient le principe selon lequel, pour qu’un demandeur soit « directement touché », la demande en cause doit viser un acte portant atteinte à ses droits, lui imposant des obligations juridiques ou lui causant directement préjudice. Vidéotron se fonde sur les décisions Soprema et CanWest pour soutenir que le préjudice commercial ou économique n’est pas, en soi, suffisant pour reconnaître la qualité pour agir à TELUS.

[60] Vidéotron s’appuie également sur d’autres décisions dans lesquelles la qualité pour agir n’a pas été reconnue au motif qu’il n’y avait pas eu atteinte à des droits, notamment la décision Novo Nordisk Canada Inc. c Canada (Santé), 2019 CF 822, où la Cour a conclu aux paragraphes 8 et 9 que le préjudice commercial ou économique n’est pas suffisant pour reconnaître la qualité fondée sur un intérêt direct lorsqu’il n’y a pas eu atteinte aux droits de la partie et que celle‑ci n’a subi aucun préjudice. De même, Vidéotron s’appuie sur les paragraphes 102 et 103 de la décision Ultima Foods Inc. c Canada (Procureur général), 2012 CF 799 [Ultima Foods], où la Cour a conclu qu’une licence délivrée à un tiers pour l’importation de yogourt n’imposait aucun droit ni aucune obligation à une autre partie.

[61] TELUS rétorque que, comme elle a participé activement au processus de consultation et au processus d’adjudication des licences par enchères, la façon dont s’est déroulé le processus menant à la décision sur l’admissibilité au spectre réservé a miné ses attentes légitimes en matière d’équité procédurale. Elle fait valoir que l’arrêt Irving Shipbuilding Inc. c Canada (Procureur général), 2009 CAF 116 [Irving], donne une réponse complète à la question de la qualité pour agir.

[62] TELUS reconnaît qu’elle n’était pas admissible aux enchères de spectre réservé, mais souligne néanmoins qu’elle a fait directement concurrence à Vidéotron durant l’étape de la mise aux enchères qui portait sur l’attribution des fréquences du spectre. TELUS fait remarquer que tous les participants à la mise aux enchères devaient présenter une demande pour être admissibles, et les décisions sur l’admissibilité au spectre réservé étaient simplement une composante du processus de demande général auquel tous les enchérisseurs potentiels ont participé. TELUS affirme que, à titre de participante à la mise aux enchères, elle a qualité pour agir puisqu’elle pouvait raisonnablement s’attendre à un processus équitable.

[63] Je conviens qu’il ne s’agit pas d’un exemple particulièrement frappant d’une partie directement touchée. Le fait qu’aucun des enchérisseurs admissibles au spectre réservé ayant participé à la mise aux enchères n’est aussi partie à la demande de TELUS est particulièrement révélateur. Ces enchérisseurs auraient pu faire valoir qu’ils avaient un intérêt relativement plus grand à ce que les décisions sur l’admissibilité au spectre réservé soient rendues de manière équitable et qu’ils étaient encore plus directement touchés en enchérissant directement contre Vidéotron pour le spectre réservé. Leur silence n’est pas passé inaperçu.

[64] Quoi qu’il en soit, je conclus que TELUS a des motifs suffisants pour affirmer que ses droits sont touchés et pour justifier qu’elle a qualité pour présenter la demande en l’espèce, en raison de ses arguments concernant l’iniquité du processus suivi par ISDE. Même si la Cour estime que l’obligation d’équité envers TELUS est minimale, le fait qu’elle a participé activement à la consultation menant à la mise aux enchères, et qu’elle a aussi fait une demande de participation et participé à la mise aux enchères, démontre clairement qu’elle avait un intérêt direct à ce que le processus de mise aux enchères dans son ensemble soit mené équitablement. Dans l’arrêt Irving, le juge Evans a écrit ce qui suit au paragraphe 28 :

Selon moi, la question de la qualité pour agir des appelantes devrait être tranchée, non dans l’abstrait, mais dans le contexte du motif de contrôle sur lequel elles s’appuient, soit, le manquement à l’obligation d’équité procédurale. Ainsi, si les appelantes ont droit à l’équité procédurale, elles doivent également avoir le droit de soumettre la question à la Cour afin de tenter d’établir que le processus en vertu duquel le contrat […] a été attribué […] viole leurs droits procéduraux. Si [le ministère] avait une obligation d’équité envers les appelantes et qu’il avait attribué le contrat [au soumissionnaire retenu] en violation de cette obligation, les appelantes seraient « directement touchées » par la décision contestée. Si elles n’ont pas droit à l’équité procédurale, le débat devrait, en règle générale, être clos.

[65] Je fais remarquer que les circonstances dans l’affaire Ultima Foods, sur laquelle s’appuie Vidéotron, se distinguent de celles de l’espèce. Dans cette affaire, les demanderesses, des entreprises sur le marché canadien du yogourt, s’opposaient à des permis d’importation qui permettaient à d’autres transformateurs laitiers canadiens d’importer du yogourt au Canada. La Cour n’était pas d’avis que les demanderesses étaient directement touchées ou qu’elles subiraient un préjudice en raison de la délivrance des permis d’importation, même si elles affirmaient que cette décision de délivrer les permis menacerait leur entreprise, entraînerait une perte de revenus et menacerait la chaîne d’approvisionnement en yogourt grec au Canada. La Cour a conclu que les demanderesses n’avaient pas qualité pour agir, car le préjudice qu’elles subiraient si les permis étaient délivrés à l’importateur de yogourt potentiel serait seulement économique.

[66] Vidéotron soutient également qu’aux paragraphes 69 à 77 de la décision Telus c Vidéotron, le juge Grammond a déjà rejeté les arguments économiques de TELUS sur la distorsion du marché entraînée par la mise aux enchères. Je souscris à la conclusion tirée par le juge Grammond par suite de son évaluation de la question du préjudice irréparable dans le cadre de l’injonction interlocutoire. Toutefois, je ne saurais convenir que le défaut de TELUS d’établir un préjudice irréparable dans sa demande d’injonction démontre que le résultat de la mise aux enchères n’a eu aucune incidence financière directe. L’impossibilité de prédire le résultat ou de quantifier l’incidence financière d’une mise aux enchères où Vidéotron n’aurait pas été jugée admissible aux enchères de spectre réservé dans l’Ouest du Canada ne mène pas inexorablement à la conclusion que TELUS n’a subi aucune incidence financière directe.

[67] En outre, contrairement à l’affaire Ultima Foods, TELUS n’était pas simplement un concurrent en marge d’un processus administratif qui ne la concernait pas. TELUS, bien qu’elle ait admis ne pas être admissible aux enchères de spectre réservé, a néanmoins participé directement à la mise aux enchères générale et, comme j’en discute plus loin, elle avait un intérêt légitime à ce que le processus dans son ensemble soit mené équitablement.

[68] Par conséquent, je ne suis pas disposé à conclure, à l’invitation de Vidéotron, que la Cour n’a pas compétence pour instruire la demande. Cela dit, établir la qualité pour agir, et prouver qu’il y a eu iniquité, sont deux questions complètement différentes.

(ii) L’opposition de TELUS aux affidavits de MM. Béland et Anderson

[69] J’estime qu’il n’est pas du tout nécessaire de renvoyer à l’affidavit du déposant de Vidéotron, M. Béland, pour trancher la présente demande. Par conséquent, je limiterai mes commentaires sur cette question aux parties contestées de l’affidavit de M. Anderson, à savoir les paragraphes 59 à 63, 65 et 68.

[70] TELUS soutient qu’il était inapproprié pour M. Anderson, un représentant principal d’ISDE ayant participé au processus de sélection, de témoigner sur les éléments figurant dans les paragraphes contestés de son affidavit, qui a été souscrit environ neuf mois après le prononcé de la décision. TELUS renvoie au paragraphe 38 de l’arrêt Canada c Kabul Farms Inc., 2016 CAF 143 [Kabul Farms], et au paragraphe 145 de l’arrêt Leahy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 227, [2014] 1 RCF 766 [Leahy], pour faire valoir que les affidavits produits à l’appui d’une demande de contrôle judiciaire ne peuvent servir à étoffer les motifs du décideur ou les motiver davantage après le fait.

[71] Par conséquent, TELUS demande à la Cour de ne pas admettre en preuve les paragraphes 59 à 63, 65 et 68 de l’affidavit de M. Anderson (pour le compte du PGC). Ces paragraphes sont reproduits à l’annexe C des présents motifs.

[72] Le PGC rétorque que l’admission de l’affidavit de M. Anderson est appropriée et nécessaire dans les circonstances, puisqu’il satisfait à deux des exceptions qui autorisent l’admission d’une preuve par affidavit dans le cadre d’un contrôle judiciaire, à savoir : a) pour décrire les circonstances entourant le processus de sélection de nature éminemment administrative de la mise aux enchères et b) pour contrer les allégations d’iniquité procédurale soulevée par la demanderesse. Le PGC affirme que, tant pour le point a) que pour le point b), les renseignements ne peuvent être obtenus d’une autre source et en aucun cas ne visent à étoffer la décision ou ne servent à la renforcer au moyen de motifs ou de justifications supplémentaires. Le PGC fait plutôt valoir que l’affidavit fournit des éléments de preuve importants sur le déroulement du processus, le raisonnement ayant mené à la décision, les mesures prises et le moyen de communication des renseignements.

[73] De façon générale, TELUS a raison de dire que, selon un principe bien reconnu en droit administratif, le dossier de preuve soumis à la Cour lors d’un contrôle judiciaire se limite à celui dont disposait le décideur administratif (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 [Access Copyright] au para 19; Leahy, au para 145).

[74] Toutefois, il y a des exceptions à cette règle, comme le fait remarquer le PGC. Par exemple, les parties peuvent déposer lors d’un contrôle judiciaire des affidavits qui contiennent « des informations générales qui sont susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire » (Access Copyright, au para 20; voir également Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117 aux para 43‑45 [Delios]; Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 aux para 22‑28).

[75] Je conviens avec le PGC que l’affidavit de M. Anderson dans son ensemble, y compris les paragraphes contestés, est utile puisqu’il fournit à la Cour des renseignements généraux sur le contexte administratif sous‑jacent et le processus décisionnel suivi par ISDE dans le cadre de la mise aux enchères. Cela est particulièrement vrai compte tenu du court délai et des préoccupations de confidentialité inhérentes au processus, qui ont eu des répercussions sur la façon dont il s’est déroulé. Monsieur Anderson décrit les étapes et les pratiques suivies par son équipe et lui concernant le remplissage des formulaires, l’évaluation de l’admissibilité, la vérification des renseignements et la correspondance confidentielle, ainsi que les approbations finales.

[76] Compte tenu des circonstances, ces renseignements aident la Cour à mieux comprendre le processus ayant mené à la décision sur l’admissibilité au spectre réservé et, de plus, à examiner dans leur contexte les arguments sur l’équité procédurale qui ont été soulevés. Dans son affidavit, M. Anderson ne fournit pas de motifs ou de justifications supplémentaires qui ne figurent pas dans la décision, et il ne se prononce pas non plus sur des faits dont il n’a pas eu connaissance. Par conséquent, je refuse de ne pas admettre en preuve ou de radier les paragraphes de l’affidavit de M. Anderson. Il est admis dans sa totalité.

[77] En passant, je constate que l’affidavit de M. Anderson contraste vivement avec celui produit par le déposant de TELUS, M. Mulvihill, un ancien employé d’ISDE désormais à l’emploi de TELUS, sur lequel cette dernière s’est largement appuyée. Le témoignage de M. Mulvihill, guidé par son emploi précédent à ISDE, portait en grande partie sur sa perception des intentions ayant mené à l’élaboration du Cadre politique, qui coïncidait avec la mise aux enchères de la bande de 600 MHz qui a eu lieu en 2018. Il n’a pas participé aux décisions sur l’admissibilité aux enchères de 2018 et de 2021, ni même à l’élaboration du Cadre politique. Bien qu’il n’ait pas été reconnu comme témoin expert, M. Mulvihill se risque à maintes reprises à présenter des arguments et son opinion sur les intentions ayant mené au Cadre politique et sur la bonne interprétation des critères relatifs à l’admissibilité au spectre réservé dans de nombreuses parties de son affidavit et de son contre‑interrogatoire subséquent. Ses points de vue, dois‑je ajouter, ne sont simplement pas étayés par le Cadre politique ou le document faisant état des précisions.

[78] Comme on ne m’a pas demandé officiellement de faire fi de certains paragraphes de l’affidavit de M. Mulvihill ou de les radier, j’en ai tenu compte de concert avec le témoignage de M. Anderson, dans la mesure où les renseignements qui y figurent peuvent être considérés comme pertinents, fiables et connus du déposant.

C. L’équité procédurale

[79] Après avoir lu les dossiers des participants dans le cadre du présent contrôle, et compte tenu de la jurisprudence applicable, j’estime que le processus suivi par le ministre ayant mené à la décision sur l’admissibilité au spectre réservé et la manière dont il a été mené était juste et équitable eu égard à l’ensemble des circonstances. Voici les motifs de ma conclusion.

[80] Selon TELUS, compte tenu des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker (aux para 23‑28), la décision sur l’admissibilité au spectre réservé emporte un degré élevé d’équité procédurale. La demanderesse s’appuie sur le fait que ni la Loi sur la radiocommunication ni les politiques applicables d’ISDE ne prévoient de mécanisme de contrôle ou d’appel de la décision, ainsi que sur l’importance des répercussions de la décision sur les intérêts propres à TELUS et sur l’intérêt du public en général.

[81] TELUS fait également valoir que le ministre a respecté une procédure précise, selon laquelle il évaluait si les demandeurs répondaient aux critères d’admissibilité au spectre réservé à partir de documents sur les services offerts dans la zone de service pertinente, le réseau de vente au détail/de distribution et le nombre d’abonnés dans la zone de service qu’ils étaient tenus de fournir. Comme les critères d’admissibilité ont été publiés à l’avance, et que cette publication a été suivie d’une vaste consultation publique, TELUS pouvait légitimement s’attendre à ce que la procédure énoncée par le ministre soit suivie.

[82] Les défenderesses et l’intervenant affirment que les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker mènent plutôt à la conclusion que le degré d’équité procédurale exigée envers TELUS était minimal et que, quoi qu’il en soit, ISDE a respecté toutes les règles établies dans la procédure qu’il a lui-même établie, et le processus était équitable dans son ensemble.

[83] Les facteurs non exhaustifs énoncés dans l’arrêt Baker ont été récemment résumés au paragraphe 77 de l’arrêt Vavilov : 1) la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir, 2) la nature du régime législatif, 3) l’importance de la décision pour l’individu ou les individus visés, 4) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision, ainsi que 5) les choix de procédure faits par le décideur administratif (voir également Baker, aux para 23‑27; Congrégation des témoins de Jéhovah de St-Jérôme-Lafontaine c Lafontaine (Village), 2004 CSC 48, [2004] 2 RCS 650 au para 5).

[84] Je ne suis pas convaincu que TELUS avait droit à un degré élevé d’équité procédurale dans le processus menant aux décisions sur l’admissibilité au spectre réservé, compte tenu des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker, que j’examine à tour de rôle.

(i) La nature de la décision était purement administrative

[85] Ayant examiné et pris en compte le Cadre politique dans son ensemble, ainsi que les critères d’admissibilité au spectre réservé en particulier, en plus du document faisant état des précisions, des formulaires joints à la demande et de l’affidavit de M. Anderson, je conclus que la nature de la décision – à savoir l’évaluation de l’admissibilité des demandeurs aux enchères de spectre réservé – était un processus simple et purement administratif. Je fais remarquer que le juge Grammond a tiré une conclusion semblable (TELUS c Vidéotron, au para 37).

[86] Comme j’ai l’avantage de disposer du dossier complet, il m’apparaît clairement que le processus a été délibérément conçu pour être confidentiel et que les enchérisseurs potentiels n’avaient aucun droit de participation dans l’évaluation des demandes de chacun. Le processus a été élaboré conformément au Cadre politique, qui a fait suite à une vaste consultation publique à laquelle TELUS a participé de manière significative.

(ii) Le régime législatif habilite le ministre à établir le processus

[87] Le régime législatif donne au ministre un contrôle absolu sur le processus, comme je l’ai indiqué précédemment. Les enchérisseurs potentiels savaient d’après le processus rendu public par ISDE qu’ils n’avaient aucun droit de participation pour ce qui est d’examiner ou de contester les demandes de leurs concurrents. Il s’agissait en fait d’un facteur essentiel à la confidentialité et à l’intégrité de la mise aux enchères, comme il est démontré dans de nombreuses parties du Cadre politique, notamment aux paragraphes 247, 257, 422, 424 et 440.

[88] Qui plus est, ISDE a clairement indiqué que les documents révélant les critères d’admissibilité des enchérisseurs ne seraient pas publiés (document faisant état des précisions, réponse à la question 2.11, reproduite plus haut au para 21). TELUS, ou un autre enchérisseur, n’a jamais contesté le processus annoncé par le gouvernement, comme elle aurait pu le faire et comme cela a déjà été fait par le passé (voir TELUS c Canada (Procureur général), 2014 CF 1, [2015] 2 RCF 3).

(iii) L’importance de la décision pour TELUS était minimale

[89] Les critères d’admissibilité interdisaient explicitement à TELUS, à titre de FNSM, d’enchérir sur la partie réservée du spectre disponible. L’intérêt de TELUS dans la décision reconnaissant l’admissibilité de Vidéotron ne s’apparente pas à l’intérêt du demandeur qui a enchéri directement contre Vidéotron pour le spectre réservé ou à celui du demandeur jugé inadmissible aux enchères de spectre réservé malgré le fait qu’il a présenté une demande semblable à celle de Vidéotron. Aucun concurrent de la sorte n’a présenté de demande de contrôle. Bell Canada, un autre FNSM, qui avait présenté une demande de contrôle, s’est désistée de sa demande. De toute façon, l’incidence de la décision sur TELUS était certainement minimale.

[90] Contrairement à l’invitation lancée à la Cour par Vidéotron, je ne suis pas disposé à conclure, comme je l’ai déjà dit, que ce facteur a pour effet de rendre TELUS inhabile à solliciter le contrôle judiciaire du processus. Je conviens que TELUS, vu sa participation à la mise aux enchères en général, a un intérêt procédural et financier limité dans l’issue de la demande.

[91] Toutefois, étant donné qu’il était interdit à TELUS d’acquérir du spectre réservé dès le début, et qu’elle a admis que son intérêt dans l’issue de la demande était en grande partie économique, ce facteur démontre que même si l’attente quant à l’obligation d’équité procédurale applicable aux décisions sur l’admissibilité au spectre réservé reconnue à TELUS est minimale, elle lui donne droit à des protections procédurales de même étendue. Dans la décision Airbus Helicopters Canada Limited c Canada (Procureur général), 2015 CF 257 [Airbus], le juge Roy a conclu ce qui suit au paragraphe 116 :

De façon générale, si on devait mettre sur un spectre les garanties d’équité procédurale, elles seraient sensiblement plus élaborées là où l’organisme procède à l’adjudication sur des droits fondamentaux de la personne qu’à l’autre bout du spectre où des intérêts commerciaux sont en jeu. Ici la discrétion conférée au ministre est considérable. Ce n’est pas contesté. La consultation menée l’était par choix, sans qu’une obligation légale contraigne à tenir ce processus. On ne peut douter que le ministre devait agir de bonne foi en toute impartialité. Mais il ne s’agissait pas d’une adjudication ou d’un processus pouvant s’apparenter à la fonction quasi judiciaire.

[92] Dans la décision Airbus, la demanderesse contestait le processus de consultation qui avait précédé le processus d’acquisition d’hélicoptères, au motif que les consultations menées par les représentants du gouvernement avaient été façonnées pour permettre au soumissionnaire retenu d’obtenir le contrat. Elle soutenait également que le ministre avait trompé ses attentes légitimes. La Cour n’était pas de cet avis et a conclu que la demanderesse pouvait certes s’attendre à ce que la procédure adoptée par le ministre soit suivie, mais qu’il avait satisfait à cette attente et que l’observateur bien informé reconnaîtrait la qualité du processus mis en place (Airbus, aux para 121‑123).

[93] Par conséquent, et compte tenu du contexte actuel où TELUS a participé à la mise aux enchères générale, mais n’a pas été en concurrence directe dans la partie réservée pour laquelle Vidéotron a été jugée admissible, l’importance de la décision pour TELUS permet d’affirmer que l’attente de TELUS en matière d’équité procédurale ne serait pas plus grande que celle qui a été reconnue dans la décision Airbus, soit à l’extrémité inférieure du spectre.

(iv) TELUS était en droit de s’attendre à ce que le processus soit suivi

[94] Comme dans l’affaire Airbus, et comme les parties l’ont essentiellement reconnu, TELUS pouvait légitimement, à titre de participante à la mise aux enchères générale, s’attendre à ce qu’ISDE suive la procédure qu’il avait lui-même publiquement établie.

(v) Les choix de procédure : Le ministre a choisi d’exiger des documents décrivant en quoi les demandeurs respectaient les critères et de permettre les demandes de renseignements et les vérifications

[95] Là encore, bien qu’elles ne s’entendent pas sur la question de savoir si Vidéotron a bien documenté sa demande en vue d’être jugée admissible au spectre réservé, les parties conviennent que le ministre a choisi d’exiger que les enchérisseurs potentiels fournissent à ISDE des documents pertinents, y compris la description des services offerts dans la zone de service pertinente, du réseau de vente au détail/de distribution et de la façon dont les abonnés accèdent aux services (voir le para 14 des présents motifs, qui reproduit la décision D2 du Cadre politique).

[96] De plus, nul ne conteste que la section 12.5 du Cadre politique habilite expressément ISDE à examiner les formulaires de demande, à évaluer l’admissibilité, à demander des renseignements supplémentaires et à vérifier les renseignements reçus, le tout dans des délais serrés qui ont été rendus publics. Le processus de qualification des enchérisseurs, qui comprend un lien vers le tableau des dates clés, était détaillé aux paragraphes 435 à 440 du Cadre politique.

[97] Enfin, comme je l’ai déjà dit, les documents joints à la demande de participation, le processus même d’évaluation de l’admissibilité au spectre réservé, ainsi que les résultats, étaient délibérément gardés confidentiels. Cette information était expressément mentionnée aux parties dans la réponse à la question 2.11 du document faisant état des précisions.

(vi) Conclusion et analyse : le degré d’équité procédurale était minimal et, compte tenu des circonstances, il y a été satisfait

[98] Ayant examiné les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker dans le contexte de la demande en l’espèce, je conclus que l’obligation d’équité procédurale à laquelle le ministre était tenu envers TELUS était minimale et se limitait à respecter le processus qu’il avait lui‑même établi. Je conclus également, compte tenu de l’ensemble des circonstances, que le ministre s’est conformé à son obligation et que la procédure suivie était juste et équitable.

a) Le processus a été suivi

[99] TELUS soutient que le ministre a manqué à son obligation d’équité procédurale parce que sa tenue de documents concernant son processus décisionnel interne n’était pas conforme aux exigences. Selon le Cadre politique et le formulaire d’évaluation, tous les demandeurs devaient fournir à ISDE des documents démontrant qu’ils répondaient aux exigences de la mise aux enchères établissant leur admissibilité. TELUS renvoie à un extrait de la section 12.5 du Cadre politique, lequel dispose : « Les demandeurs qui ne donneront pas suite à la demande écrite d’ISDE verront leur demande de participation rejetée. » Selon TELUS, comme le formulaire d’évaluation indique « non » à la question de savoir si des documents ont été transmis relativement au réseau de vente au détail/de distribution de Fibrenoire pour les zones de service de niveau 2 dans l’Ouest du Canada, la Cour devrait conclure que Vidéotron n’a pas donné suite à la demande écrite d’ISDE, de sorte que sa demande aurait dû être rejetée.

[100] TELUS soutient également que M. Anderson n’a pas consigné la teneur de ses appels à Fibrenoire et que, de toute façon, ces appels ne constituaient pas une vérification, comme le prévoyait le Cadre politique, mais plutôt une tentative non autorisée d’obtenir des renseignements essentiels qui ne figuraient pas dans la demande. TELUS considère qu’il s’agit d’une modification inadmissible de la soumission, comme en matière d’approvisionnement, où une clarification transmise par un soumissionnaire représente un ajout au contenu de la soumission et fournit de nouveaux renseignements.

[101] À l’appui de son argument, TELUS invoque une série de décisions rendues par le Tribunal canadien du commerce extérieur ainsi que l’arrêt Francis HVAC Services Ltd. c Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2017 CAF 165 [Francis], rendu par la Cour d’appel fédérale, qui explique ce qui suit au paragraphe 22 :

Certes, il ne fait aucun doute que les soumissionnaires ne peuvent pas apporter de corrections et de modifications importantes à leurs soumissions après la date de clôture. Il faut satisfaire aux exigences figurant dans la DP au moment de la clôture de l’appel d’offres, et une entité d’approvisionnement ne peut pas examiner des renseignements présentés après cette date. Une « modification de soumission », comme on l’appelle, est considérée comme une façon indirecte d’accepter une soumission en retard. L’interdiction des modifications des soumissions [est] facilement compréhensible : permettre la modification d’une soumission après coup saperait le processus de soumission même, puisque cela permettrait qu’une soumission soit modifiée au moment où celles des autres sont connues ou pourraient l’être.

[Renvois omis.]

[102] Bien que j’admette les principes énoncés par TELUS en matière d’approvisionnement, je ne saurais convenir qu’ils s’appliquent au présent processus d’évaluation de l’admissibilité au spectre réservé. Le choix final et l’adjudication après un processus d’approvisionnement et la décision sur l’admissibilité à la partie réservée de la mise aux enchères sont des processus fondamentalement différents ayant des enjeux et des résultats distincts. Un processus d’approvisionnement qui donne lieu à un contrat obligatoire, et qui fait en sorte d’exclure d’autres soumissionnaires, se démarque essentiellement du processus de qualification des enchérisseurs et, en l’espèce, de la décision sur l’admissibilité au spectre réservé.

[103] En l’espèce, aucune limite n’était prévue au nombre d’enchérisseurs potentiels qui pouvaient être jugés admissibles à la mise aux enchères du spectre réservé, pourvu qu’ils répondent aux critères. En fait, l’objectif déclaré de la mise aux enchères du spectre réservé était d’accroître la concurrence. Le simple fait pour un demandeur de présenter une demande d’admissibilité au spectre réservé lui permettait seulement – si sa demande était conforme – de le rendre admissible à la mise aux enchères. Elle ne lui garantissait pas l’obtention d’une licence concernant le spectre de la bande de 3 500 MHz ou ne donnait pas lieu à un contrat.

[104] En revanche, dans l’arrêt Francis, une soumission conforme devait être présentée avant une date de clôture précise, et la soumission complète et conforme présentée en réponse à un appel d’offres aurait pu donner lieu à un contrat. Les circonstances sont manifestement différentes.

[105] De plus, en l’espèce, le Cadre politique prévoyait expressément que des fonctionnaires d’ISDE pouvaient demander des renseignements supplémentaires et les vérifier pendant le processus d’évaluation de l’admissibilité (voir les para 435 et 437 du Cadre politique). Ce type de processus itératif ne s’apparente pas à une modification de soumission, qui est un acte interdit dans le cadre d’un approvisionnement gouvernemental. Au contraire, ces dispositions démontrent que, conformément à l’objectif d’accroître la concurrence, le processus était délibérément conçu pour faciliter une participation accrue et donner à ISDE la marge de manœuvre nécessaire pour s’assurer que les enchérisseurs potentiels puissent corriger des erreurs et pour demander des renseignements supplémentaires et les vérifier, au besoin.

[106] En bref, le processus établi pour l’évaluation de l’admissibilité à la mise aux enchères – qui a été élaboré en consultation avec TELUS – est fondamentalement différent du processus d’approvisionnement gouvernemental.

[107] Dans le cadre de mon évaluation de la question de savoir si le processus établi avait été respecté, j’ai constaté que Vidéotron avait fourni des documents à l’appui de sa demande qui comportaient des explications détaillées décrivant comment elle remplissait tous les critères d’admissibilité au spectre réservé. Comme le prévoyait le processus, ISDE a demandé par écrit des renseignements supplémentaires.

[108] Comme je l’ai déjà mentionné, le Cadre politique prévoyait un processus itératif dans le cadre duquel l’enchérisseur présentait des renseignements, ISDE pouvait demander des corrections ou des renseignements supplémentaires et pouvait effectuer les vérifications nécessaires pour s’assurer de la conformité aux critères d’admissibilité. Les enchérisseurs potentiels étaient informés de leur admissibilité dans le délai prescrit. Ce processus itératif, notamment les vérifications postérieures à la présentation des demandes, ne devait pas surprendre les participants à la mise aux enchères : il était non seulement énoncé dans le Cadre politique (aux paragraphes 435 et 437), mais il était également indiqué dans le formulaire d’admissibilité au spectre réservé.

[109] Après avoir reçu, par écrit, une demande de renseignements supplémentaires de la part d’ISDE, Vidéotron y a donné suite et lui a fourni des documents supplémentaires qui répondaient à la demande des fonctionnaires du ministère supervisant le processus d’évaluation de l’admissibilité au spectre réservé. Monsieur Anderson a examiné les renseignements supplémentaires et les a vérifiés en faisant des appels téléphoniques anonymes indépendants. Il a finalement conclu que Vidéotron répondait aux exigences. Il a transmis le formulaire d’évaluation à son superviseur, le délégué du ministre, et a participé à une réunion d’équipe durant laquelle il a expliqué pourquoi il recommandait que Vidéotron soit jugée admissible. Le délégué du ministre a souscrit à son analyse et a signé le formulaire compilant les résultats de l’évaluation.

[110] TELUS accorde une grande importance au « non » figurant dans le formulaire d’évaluation, mais j’estime qu’elle est trop préoccupée par des formalités et qu’elle privilégie clairement la forme au détriment du fond. Comme l’a souligné la défenderesse Iristel pendant l’audience, les formulaires à remplir sont accessoires au Cadre politique même et ne visent pas à ajouter de nouvelles exigences à celles que les demandeurs doivent respecter.

[111] Dans le cas précis où, comme en l’espèce, le processus décisionnel ne se prête pas à la production d’une seule série de motifs, il faut examiner non seulement la forme adoptée, mais également l’ensemble du contexte dans lequel s’inscrit le processus éminemment administratif (Vavilov, au para 137). En l’espèce, il ressort clairement du formulaire compilant les résultats de l’évaluation que le délégué du ministre a finalement jugé que Vidéotron répondait aux critères d’admissibilité, qu’il disposait des explications et des documents nécessaires et qu’il avait donné son approbation.

[112] Même si Vidéotron n’a pas fourni de documents indépendants au sujet du « réseau de vente au détail/de distribution » en soi, elle l’a largement décrit et étayé dans les documents initiaux et les documents en réponse qu’elle a fournis, lesquels ont été évalués et vérifiés de manière indépendante par M. Anderson. Je ne suis pas disposé à astreindre ISDE ou Vidéotron à une norme plus exigeante que celle qui est expressément prévue dans le Cadre politique (au para 64 et à la décision D2), comme je le mentionne plus loin en réponse à la contestation de TELUS quant au caractère raisonnable de la décision.

[113] Afin de démontrer qu’elle répondait au critère d’admissibilité qui consiste à fournir activement des services de télécommunications commerciaux au grand public dans le secteur d’activité de niveau 2 pertinent, Vidéotron devait fournir des documents comprenant la description des services offerts dans la zone de service pertinente, du réseau de vente au détail/de distribution et de la façon dont les abonnés accèdent aux services, de même que le nombre d’abonnés dans la zone de service. À mon avis, il ressort clairement des documents initiaux et des documents de suivi fournis en plus du formulaire d’évaluation que M. Anderson estimait, après avoir demandé des renseignements supplémentaires et avoir effectué une vérification indépendante, que Vidéotron avait fait exactement ce qu’il fallait et qu’elle était admissible au spectre réservé.

b) La tenue de documents conforme aux exigences

[114] En ce qui concerne la tenue de documents conforme aux exigences, TELUS renvoie aux articles 4.3.2 et 4.3.3 de la Directive sur les services et le numérique du Conseil du Trésor du Canada [la Directive du SCT] et à sa Politique sur les services et le numérique [la Politique du SCT]. Cette directive exige que les employés du gouvernement du Canada consignent « leurs activités et leurs décisions ayant une valeur opérationnelle » (au para 4.3.3.1). Le paragraphe 4.3.2.10 de la Politique du SCT, intitulé « Tenue de documents », prévoit que les administrateurs généraux sont responsables de ce qui suit :

Veiller à ce que les décisions et les processus décisionnels soient consignés afin de justifier et d’appuyer la continuité des activités opérationnelles ministérielles, permettre la reconstitution de l’évolution des politiques et des programmes, appuyer l’état de préparation aux litiges et permettre la réalisation d’évaluations, d’audits et d’examens indépendants.

[115] S’appuyant sur la Directive du SCT et la Politique du SCT, TELUS soutient que le fait pour M. Anderson de ne pas avoir consigné la teneur de ses appels, et pour le délégué du ministre et lui de ne pas avoir dressé de compte rendu de leur réunion, était inéquitable sur le plan procédural compte tenu de l’importance de la décision faisant l’objet du contrôle.

[116] TELUS fait également valoir qu’aucune approbation du délégué du ministre ne figure sur le formulaire d’évaluation ou sur tout autre document produit par ISDE. Elle s’appuie de nouveau sur les arrêts Leahy (aux para 100, 119-121, 137) et Kabul Farms (au para 34) pour affirmer, cette fois, que la tenue de documents n’était pas conforme aux exigences.

[117] Je ne souscris à aucune des deux prétentions de TELUS, à savoir 1) que le ministre devait tenir des documents plus détaillés que ce qu’il a fait et 2) que le dossier de preuve était incomplet ou « si faible que [la Cour] ne p[eut] valablement juger si les décisions étaient correctes ou raisonnables » (Leahy, au para 100).

[118] La signature et l’approbation du délégué du ministre sont consignées dans le formulaire compilant les résultats de l’évaluation, dans lequel tous les employés d’ISDE ayant pris part à la décision opérationnelle en cause sont clairement identifiés et leurs responsabilités respectives dans le cadre du processus sont énoncées. Dans ce formulaire, M. Anderson est désigné en tant qu’évaluateur de l’admissibilité au spectre réservé. De plus, il a rempli le formulaire d’évaluation alors qu’il travaillait dans le dossier et il y évalue la manière dont Vidéotron a rempli les critères d’admissibilité au spectre réservé pour chaque zone de service en question.

[119] Je ne suis pas d’avis – et le Cadre politique, la Directive du SCT et la Politique du SCT ne l’exigent pas non plus – que l’obligation de tenue de documents comprenait l’obligation de conserver des enregistrements ou des comptes rendus détaillés de l’ensemble des discussions internes ou des processus de vérification. Compte tenu de la nature de l’évaluation de l’admissibilité et des délais serrés, une telle exigence irait bien au-delà de ce qui était nécessaire.

[120] Bref, je conclus que le ministre a suivi le processus établi pour évaluer l’admissibilité de Vidéotron au spectre réservé et que la tenue de documents effectuée dans le cadre du processus était conforme aux exigences, ce qui répond aux attentes légitimes des parties concernées. Eu égard à l’ensemble des circonstances, je conclus que le processus d’évaluation de l’admissibilité de Vidéotron au spectre réservé était juste et équitable.

D. La décision était raisonnable

[121] La cour de révision qui procède au contrôle selon la norme de la décision raisonnable vérifie si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si elle est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci (Vavilov, au para 99). Le raisonnement suivi tout comme le résultat obtenu doivent être raisonnables, et la décision doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, aux para 83-85).

[122] TELUS soutient que deux aspects de la décision ne satisfont pas à cette norme.

[123] Premièrement, TELUS fait valoir que l’utilisation par M. Anderson des mots [traduction] « services de gros », « contournement » [over-the-top] et « téléphone » dans le formulaire d’évaluation était déraisonnable en raison de leur caractère incohérent, ambigu et inintelligible. TELUS affirme également que des renseignements essentiels ne figuraient pas dans les motifs, notamment les appels téléphoniques faits, de sorte que la décision est dénuée de transparence.

[124] Deuxièmement, TELUS prétend que la demande de Vidéotron n’obéissait pas aux critères d’admissibilité prévus dans le Cadre politique et qu’en conséquence, la décision ne peut être justifiée au regard du dossier factuel : la seule conclusion raisonnable était donc de rejeter la demande. Chacun de ces deux arguments visant à contester le caractère raisonnable de la décision est analysé ci-après.

(i) La transparence et l’intelligibilité des mots utilisés dans la décision

[125] TELUS soutient que l’expression [traduction] « services de gros » utilisée par M. Anderson dans le formulaire d’évaluation porte à confusion, est ambiguë et inintelligible et que le mot [traduction] « revendeur » aurait été plus approprié, puisque Fibrenoire achète l’accès aux infrastructures d’autres entreprises de télécommunications dans l’Ouest du Canada puis le revend à ses propres clients, ce que ne contestent pas les parties. TELUS fait valoir que cette expression aurait pu semer la confusion chez le délégué du ministre et qu’il n’est pas clair s’il comprenait que Vidéotron est un revendeur qui ne possède pas ses propres infrastructures dans les zones de service de niveau 2 en question. TELUS affirme que, selon l’un ou l’autre des sens de l’expression [traduction] « services de gros », Fibrenoire ne peut raisonnablement être considérée comme fournissant activement des services de télécommunications commerciaux au grand public.

[126] Dans le même ordre d’idées, TELUS soutient que le mot [traduction] « contournement » utilisé par M. Anderson dans le formulaire d’évaluation est ambigu et inintelligible dans les circonstances. Elle fait remarquer que ce mot est souvent employé dans le contexte de la radiodiffusion pour décrire une méthode de prestation de services utilisée par une entreprise qui fournit du contenu de diffusion en continu sans toutefois détenir les installations sous-jacentes ou le réseau de distribution. C’est pourquoi TELUS soutient qu’on ne peut vraiment savoir quel sens le délégué du ministre a donné à un tel mot figurant dans le formulaire d’évaluation, puisque, selon TELUS, il ne convient pas pour décrire les services fournis précisément dans l’industrie des télécommunications.

[127] Enfin, TELUS affirme que le mot [traduction] « téléphone » utilisé par M. Anderson est inintelligible, puisqu’il avait été écrit dans la section réservée aux [traduction] « commentaires » du formulaire d’évaluation, en lien avec le réseau de vente au détail/de distribution. TELUS fait valoir que cette note n’est pas claire, puisqu’elle prête à de nombreuses interprétations, de sorte qu’il est impossible pour la Cour de conclure que le raisonnement suivi est acceptable.

[128] Par conséquent, selon TELUS, soit M. Anderson a procédé aux vérifications concernant le réseau de vente au détail/de distribution en faisant des appels téléphoniques – auquel cas il aurait dû utiliser l’encadré [traduction] « vérifié par » [verified via], plutôt que l’encadré [traduction] « commentaires » [comments] pour noter son observation –, soit il a plutôt voulu indiquer que le réseau de vente au détail/de distribution était commercialisé auprès des clients de Fibrenoire dans l’Ouest du Canada par téléphone. Dans les deux cas, TELUS soutient que la Cour doit deviner et qu’il ne lui appartient pas de compléter les motifs du décideur. Les décisions administratives – peu importe leur nature discrétionnaire ou administrative – doivent néanmoins être non seulement justifiables, mais également justifiées.

[129] Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il incombe au demandeur de démontrer que la décision souffre de lacunes suffisamment graves, c’est‑à‑dire de déficiences capitales ou importantes, pour la rendre déraisonnable (Vavilov, au para 100). Il ne peut s’acquitter de ce fardeau en démontrant l’existence d’erreurs superficielles ou accessoires. La cour de révision doit également être respectueuse de l’expertise établie du décideur; un résultat qui semble déroutant à première vue peut « néanmoins [être] conforme aux objets et aux réalités pratiques du régime administratif en cause et témoign[er] d’une approche raisonnable compte tenu des conséquences et des effets concrets de la décision » (Vavilov, au para 93).

[130] Je ne suis pas convaincu par les arguments de TELUS, lesquels – même s’ils étaient retenus –ne soulèvent que des lacunes superficielles. De plus, TELUS présente des arguments très formalistes, où la forme est privilégiée au détriment du fond, et invite la Cour à procéder à une « une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » au lieu d’examiner le dossier dans son ensemble et de tenir dûment compte du régime administratif (Vavilov, aux para 102-103). Lorsque, comme en l'espèce, la décision ne se prête pas à la production de motifs écrits, la Cour doit examiner le dossier dans son ensemble pour comprendre la décision et découvrir sa justification (Vavilov, au para 137).

[131] Isoler des mots et les retirer de leur contexte global s’apparente à l’idée d’un montage photographique. Bien qu’une telle recomposition soit certainement possible, le résultat du montage est une illusion par rapport à chacune des images originales et fait en sorte que l’observateur est incapable de savoir dans quelle composition initiale se situait le sujet – ce genre d’exercice est un peu comme effacer les points d’un jeu de points à relier, de sorte que l’exercice de connexion n’est plus réalisable.

[132] Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il ne convient pas d’écarter le sens ordinaire des mots et de faire abstraction du contexte général dans lequel ils s’inscrivent, puis d’inviter la Cour à donner un point de vue différent. En l’espèce, TELUS invite la Cour à dissocier les mots utilisés par M. Anderson de leur sens ordinaire en les retirant de leur contexte, en leur donnant un sens différent et en jetant le doute sur l’interprétation adoptée par le délégué du ministre. Ce genre d’exercice trop sémantique est incompatible avec les directives énoncées dans l’arrêt Vavilov pour évaluer le caractère raisonnable, à savoir que le caractère raisonnable constitue une norme qui s’adapte au contexte et que c’est en restant sensible au contexte de chaque situation que la cour de révision peut évaluer les contraintes juridiques et factuelles qui ont une incidence sur la décision en cause (Vavilov, aux para 89-90).

[133] Dans la demande qu’elle a présentée à ISDE, Vidéotron expliquait comment elle était admissible à la mise aux enchères du spectre réservé et donnait des détails sur le rôle de Fibrenoire. Monsieur Anderson ne s’est pas contenté de cette explication. Il a plutôt fait enquête, demandé des renseignements supplémentaires et procédé à une vérification pour s’assurer que Vidéotron fournissait activement des services dans les zones de niveau 2 pertinentes. Après avoir arrêté son opinion, il a résumé ses conclusions dans le formulaire d’évaluation. Ce formulaire ainsi que les documents de demande de Vidéotron ont ensuite été soumis au délégué du ministre, qui a conclu à l’admissibilité de Vidéotron.

[134] Les mots de M. Anderson, comme tous les autres mots d’un document, peuvent certainement être retirés de leur contexte global et isolés, puis se voir attribuer un sens différent. Cependant, rien dans la preuve ne permet de douter de leur sens ou d’affirmer que M. Anderson ou le délégué du ministre se sont livrés à un tel exercice de réinterprétation.

[135] Pour souscrire à l’argument de TELUS, la Cour devrait faire abstraction de l’ensemble du dossier, y compris des documents de demande de Vidéotron, dont disposait le délégué du ministre, en plus de l’affidavit de M. Anderson et de son témoignage ultérieur lors du contre‑interrogatoire. Une telle approche ne tiendrait pas compte des connaissances de M. Anderson et du délégué du ministre et de leurs rôles respectifs dans le processus. Elle ferait en sorte de privilégier de manière déraisonnable un exercice de sémantique sans importance au détriment de l’interprétation parfaitement raisonnable et évidente adoptée par le délégué du ministre. Elle ne permettrait pas de tenir compte de l’ensemble du dossier, comme doit le faire la cour de révision.

[136] Je ne suis pas, aujourd’hui, plus convaincu par l’argument de TELUS que ne l’était mon collègue le juge Grammond au moment où il a rendu sa décision Telus Communications Inc c Vidéotron Ltée sur la requête en injonction interlocutoire, par laquelle TELUS sollicitait une suspension (voir au para 47), même si contrairement à lui, j’ai l’avantage de disposer du dossier complet non caviardé.

[137] La nature des services fournis par Vidéotron et son réseau de vente au détail/de distribution ont été décrits de façon très détaillée dans les documents de demande. Le sens des mots [traduction] « services de gros » et « contournement » [over-the-top], interprétés dans ce contexte, m’apparaît tout à fait évident : Fibrenoire utilisait des infrastructures appartenant à des tiers pour fournir des services de télécommunications commerciaux aux entreprises situées dans l’Ouest du Canada.

[138] En fait, il semble que Vidéotron et ISDE aient compris, tout comme moi, que dans la mesure où Fibrenoire était elle aussi inscrite auprès du CRTC à titre de fournisseur doté d’installations et où elle fournissait activement des services de télécommunications commerciaux au grand public dans les zones de niveau 2 pertinentes, il n’était pas nécessaire, pour répondre aux critères d’admissibilité du Cadre politique, qu’il soit précisé à qui appartenaient les infrastructures sous-jacentes utilisées pour fournir les services.

[139] Dans les circonstances, il est irréaliste de la part de TELUS de soutenir que le délégué du ministre n’avait pas compris le sens voulu de ces mots et aucun élément de preuve n’étaye cet argument, surtout si l’on tient compte du fait que la recommandation et la justification avaient fait l’objet de discussions avant la décision finale et que le délégué du ministre disposait des documents de Vidéotron à l’époque.

[140] Le même raisonnement s’applique au mot [traduction] « téléphone » utilisé dans le formulaire d’évaluation, interprété dans ce contexte. Selon mon interprétation, ce mot aurait été utilisé pour indiquer que les clients desservis par Fibrenoire avaient accès à son réseau de vente au détail/de distribution et qu’ils pouvaient obtenir de l’aide personnalisée par téléphone, comme il est décrit dans les documents que Vidéotron a fournis à l’appui de sa demande. Comme l’a souligné la défenderesse Iristel, étant donné que la preuve révèle que la clientèle de Vidéotron dans l’Ouest du Canada était composée de clients commerciaux, il est parfaitement logique que son réseau de distribution soit accessible par téléphone. De plus, rien ne l’obligeait à avoir un réseau physique de vente au détail.

[141] Même si je fais erreur et que le mot [traduction] « téléphone » renvoyait à la méthode de vérification, cette ambiguïté mineure était nettement insuffisante pour rendre la décision déraisonnable, compte tenu du reste du contenu du formulaire d’évaluation, de l’affidavit de M. Anderson et de son contre-interrogatoire ainsi que du contexte global dans lequel s’inscrit le processus régi par le Cadre politique.

[142] Je conclus mes observations sur la transparence et l’intelligibilité de la décision en invoquant le rappel fait dans l’arrêt Vavilov à l’intention des cours de révision selon lequel, dans un contrôle judiciaire, les motifs écrits fournis par un organisme administratif ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection. La Cour doit plutôt être en mesure de discerner une explication justifiant la décision (voir aussi Alexion Pharmaceuticals Inc v Canada (Attorney General), 2021 FCA 157 au para 7). Un tel exercice commande la retenue en raison de l’expérience et de l’expertise établies du décideur, des réalités pratiques du régime administratif et des effets concrets de la décision, et exige d’y accorder une attention respectueuse.

[143] À la lumière du contexte, les formulaires, les documents de demande et les lettres échangées font état d’une analyse rationnelle (Vavilov, au para 103; Riccio c Canada (Procureur général), 2021 CAF 108 au para 22). Selon le sens que M. Anderson a donné aux mots [traduction] « téléphone », « services de gros » et « contournement » [over-the-top] interprétés dans leur contexte, il s’agissait de notes visant à refléter la diligence raisonnable dont il a fait preuve dans son évaluation de la conformité de Vidéotron aux critères d’admissibilité. La décision rendue, examinée dans son contexte, est transparente et intelligible.

(ii) Le dossier est suffisamment étoffé

[144] TELUS soutient également, comme pour ses arguments en matière d’équité procédurale, que vu l’absence de documents relatant la teneur des appels téléphoniques de M. Anderson et de sa réunion avec le délégué du ministre pendant laquelle il a expliqué le raisonnement sur lequel repose sa recommandation, il est impossible pour la Cour de se livrer à l’analyse de la décision comme elle est tenue de le faire, et qu’en conséquence la décision est déraisonnable.

[145] Pour les mêmes motifs que j’ai déjà exposés, je ne suis pas d’accord. Compte tenu du contexte, du dossier, de la confidentialité, des délais serrés inhérents au processus ainsi que du Cadre politique et du document faisant état des précisions, rien n’obligeait ISDE à tenir des documents plus détaillés que ce qu’il a fait. Il a donc agi de manière raisonnable à cet égard.

(iii) Les statistiques erronées concernant la clientèle n’ont pas d’incidence sur le caractère raisonnable de la décision

[146] TELUS fait également remarquer que lorsque Vidéotron a répondu à la demande écrite du ministre, elle a communiqué et corrigé certains cas de surdéclaration du nombre de clients dans l’Ouest du Canada, puisque certains clients avaient été comptés en double. De plus, TELUS souligne que le formulaire d’évaluation tient compte des chiffres donnés à ISDE au départ, plutôt que des chiffres corrigés communiqués par Vidéotron dans sa réponse. TELUS soutient que, lorsqu’il a pris sa décision, le délégué du ministre disposait donc de renseignements factuels inexacts, à savoir un nombre de clients supérieur à la réalité dans l’Ouest du Canada. Il s’agit, selon TELUS, d’une erreur importante, puisque le nombre de clients aurait directement permis de savoir si Vidéotron fournissait activement des services au grand public.

[147] J’ai examiné les chiffres figurant dans le formulaire d’évaluation et ceux fournis dans les listes corrigées par Vidéotron. J’estime que l’écart entre le nombre de clients dans chaque zone de service est négligeable. Étant donné qu’il n’y avait aucune exigence quant au nombre minimal de clients pour remplir les critères d’admissibilité au spectre réservé, il n’y a aucune raison de croire que les faibles écarts dans les chiffres auraient eu une incidence sur la décision.

[148] Même si j’étais d’avis que le délégué du ministre n’était pas au courant de la correction – ce dont je ne suis pas – l’écart ne constitue certainement pas une lacune suffisamment grave pour rendre la décision déraisonnable. Comme je l’ai déjà mentionné, lorsque la décision a été prise, le délégué du ministre avait entre ses mains les documents de Vidéotron, y compris la correction communiquée dans sa réponse. Le fait que le formulaire d’évaluation n’a pas été mis à jour après la réponse de Vidéotron à la demande écrite d’ISDE ne signifie pas automatiquement que le délégué du ministre n’était pas au courant des renseignements corrigés.

[149] D’une façon ou d’une autre, les faibles écarts dans les nombres de clients déclarés pour chacune des trois provinces dans l’Ouest du Canada sont sans importance et n’ont pas pour effet de rendre la décision déraisonnable.

(iv) La décision est justifiée au regard des faits et du droit

[150] Le dernier moyen que TELUS soulève pour contester le caractère raisonnable de la décision du ministre – à savoir qu’elle n’est pas justifiée au regard des faits et des critères d’admissibilité – constitue la raison fondamentale pour laquelle elle a présenté sa présente demande de contrôle judiciaire. Plus particulièrement, TELUS semble s’opposer irréductiblement à la façon dont ISDE a appliqué les critères d’admissibilité au spectre réservé.

[151] Certains aspects de cet argument intègrent des éléments d’autres arguments que j’ai déjà tranchés dans les présents motifs, à savoir : i) la mesure dans laquelle M. Anderson fournit des renseignements utiles dans son affidavit (aux para 68-77); et ii) le respect par ISDE du processus prévu dans le Cadre politique, y compris les appels de vérification faits par M. Anderson (aux para 98-112).

[152] TELUS fait d’abord valoir que, même si les appels de vérification étaient permis, il était illogique de s’y fier pour conclure que les services étaient bel et bien activement fournis au grand public sans prendre d’autres mesures pour valider l’affirmation de Fibrenoire voulant qu’elle pouvait fournir des services Internet. Selon TELUS, le fait que la capacité de Vidéotron à offrir des services de télécommunications dans l’Ouest du Canada dépendait de sa capacité à trouver un partenaire commercial ayant les infrastructures pour fournir les services signifie qu’elle ne remplissait pas les critères d’admissibilité. Selon TELUS, en tirant une conclusion contraire, ISDE s’est indûment écarté du Cadre politique.

[153] TELUS ajoute qu’ISDE n’a pas appliqué les critères d’admissibilité de manière raisonnable, de sorte qu’il était déraisonnable de conclure que Vidéotron les avait remplis. De l’avis de TELUS, Vidéotron ne pouvait raisonnablement être considérée comme 1) fournissant activement des services de télécommunications commerciaux dans l’Ouest du Canada en raison de l’absence d’infrastructures et d’un réseau de distribution ou 2) fournissant ces services au grand public en raison de sa faible clientèle dans cette région.

[154] L’argument de TELUS repose sur la prémisse que, pour fournir activement un service au grand public dans la zone de service de niveau 2 pertinente, il ne suffit pas d’être inscrit auprès du CRTC à titre de fournisseur doté d’installations. Il faut plutôt interpréter le Cadre politique de manière à ce que les fournisseurs dotés d’installations soient tenus de fournir des services dans chacune de ces zones de service à l’aide de leurs propres infrastructures matérielles. De plus, TELUS soutient que le nombre de clients desservis par Vidéotron dans l’Ouest du Canada était insuffisant pour qu’elle remplisse le critère consistant à fournir des services au grand public, et ce, même si le Cadre politique ne prévoyait aucune exigence quant au nombre minimal de clients.

[155] Bien entendu, TELUS a le droit d’avancer sa propre interprétation sur la manière d’appliquer les critères d’admissibilité ainsi que sur les intentions et les objectifs stratégiques ministériels qui sous-tendent le Cadre politique ultérieurement adopté. Elle s’appuie d’ailleurs grandement sur l’expérience de travail passée de son déposant, M. Mulvihill, un ancien employé d’ISDE, pour ce faire.

[156] Quoiqu’il en soit, il ne revient pas à TELUS de formuler et d’appliquer ses propres critères – qui ne figurent pas dans le Cadre politique régissant le processus – ou d’appliquer son propre critère pour jauger la meilleure manière d’interpréter et d’appliquer les critères qui figurent dans le Cadre politique (Delios, au para 28). Il ne suffit pas d’avancer une interprétation différente lorsque celle adoptée par le décideur est conforme au texte et au contexte (McLean c Colombie‑Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67 aux para 40‑41).

[157] Il me paraît évident, comme c’était le cas pour le ministre, que Vidéotron et Fibrenoire étaient inscrites auprès du CRTC en tant que fournisseurs dotés d’installations qui ne sont pas des FNSM et que Fibrenoire fournissait activement des services de télécommunications commerciaux au grand public dans chacune des trois zones de service de niveau 2 en question. Comme ces trois critères d’admissibilité au spectre réservé étaient remplis, la décision portant que Vidéotron était admissible à la mise aux enchères du spectre réservé dans ces provinces était tout à fait raisonnable, et il était entièrement loisible au ministre de la rendre, dans les circonstances.

[158] Ni le Cadre politique ni aucun autre document ne prévoient, comme le soutient aujourd’hui TELUS, que pour être admissible à la mise aux enchères du spectre réservé, l’enchérisseur potentiel devait offrir les services de télécommunications à l’aide de ses propres installations de transmission situées dans les zones de service pertinentes. Le Cadre politique exigeait uniquement que l’enchérisseur potentiel soit inscrit auprès du CRTC à titre de fournisseur doté d’installations. De ce point de vue, l’interprétation d’ISDE se tient suivant le sens ordinaire des mots employés dans les exigences d’admissibilité. Il n’est pas raisonnable d’inférer du Cadre politique l’interprétation différente avancée par TELUS.

[159] De plus, je comprends mal comment une telle interprétation des exigences d’admissibilité aurait permis d’évaluer les demandes dans les délais prescrits. Il aurait fallu que, pour chaque demande, la personne chargée de l’évaluation vérifie non seulement si le demandeur était inscrit auprès du CRTC à titre de fournisseur doté d’installations, mais également s’il desservait ses clients dans chacune de ces zones de service à l’aide de ses propres installations de transmission. Je ne suis pas disposé à reconnaître qu’il s’agissait de l’intention ayant mené au Cadre politique et qu’il était possible de déduire des critères d’admissibilité l’existence d’une telle exigence, ou qu’elle aurait réellement permis d’évaluer ou de vérifier les demandes dans les délais impartis. Il n’y a tout simplement rien qui justifie de dénaturer le libellé des critères de la manière proposée par TELUS.

[160] De plus, aucun nombre minimal de clients desservis n’était exigé. Le réseau de distribution de Fibrenoire était accessible par téléphone. Ses services étaient adaptés aux besoins de ses clients commerciaux existants et offerts aux nouveaux clients. Quoi que puisse soutenir TELUS concernant le nombre de clients, l’emplacement de leurs établissements principaux ou les infrastructures sous-jacentes qu’utilisait Fibrenoire pour fournir ses services, Fibrenoire desservait un nombre élevé de clients dans chacune des zones de service de niveau 2 en question.

[161] Aucune autre conclusion ne possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la transparence, l’intelligibilité et la justification, car elle serait incompatible avec les règles souples prévoyant que les services de télécommunications peuvent être fournis à un endroit quelconque dans les zones de service de niveau 2, et avec l’absence d’un nombre minimal de clients. Une telle interprétation aurait également contrecarré les objectifs clairs consistant à accroître la concurrence.

[162] Je constate que le présent contrôle judiciaire n’est pas la première contestation que TELUS oppose à une interprétation ou une application des critères d’admissibilité favorisant la concurrence. Il ressort du paragraphe 49 du Cadre politique que TELUS s’est opposée à ces critères pendant la consultation. Il y est également indiqué que TELUS s’est opposée à ce que les enchérisseurs admissibles au spectre réservé puissent présenter des soumissions à l’égard du spectre ouvert et à ce qu’ils aient la priorité pour les produits non grevés (aux para 49 et 87). Bien qu’il ait pris acte de ces objections, le ministre a décidé de procéder en grande partie comme il l’avait initialement proposé en ce qui concerne la mise aux enchères du spectre réservé, dans l’objectif d’accroître la concurrence.

[163] Bref, TELUS militait en faveur d’un autre modèle, et son opposition aux critères d’admissibilité au spectre réservé n’a été ni laissée pour compte ni écartée de manière déraisonnable. Il est clair que le ministre a plutôt décidé de rejeter ses propositions et de favoriser les critères d’admissibilité qui avaient été adoptés et qui, à mon avis, ont tous été raisonnablement et globalement appliqués à la demande de Vidéotron.

[164] En fin de compte, TELUS n’a fourni aucun motif justifiant l’intervention de la Cour. Elle privilégie plutôt une interprétation beaucoup plus restrictive des critères d’admissibilité au spectre réservé. Cependant, en l’espèce, le délégué du ministre a choisi une interprétation qui se tenait, puisqu’elle était justifiée et justifiable au regard du Cadre politique. La décision était donc entièrement raisonnable au regard non seulement du sens ordinaire des mots employés dans les exigences d’admissibilité prévues dans le Cadre politique, mais également du dossier dont disposait le décideur. Interprétée de façon globale, la décision démontre que le processus décisionnel appliqué était rationnel et que le décideur a obéi au critère qu’il devait appliquer.

IV. Les dépens

[165] À la demande de la Cour, les parties ont présenté leurs observations sur les dépens à l’audience.

[166] Vidéotron a soutenu que les dépens devraient être adjugés selon la colonne la plus élevée (V) du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, au motif que TELUS n’aurait même jamais dû présenter la contestation et qu’elle aurait dû, à tout le moins, comme Bell, se désister de sa demande après la décision interlocutoire rendue dans la présente affaire (Telus Communications Inc c Vidéotron Ltée). Selon Vidéotron, il est important de faire comprendre à la demanderesse que la Cour n’est pas une arme à utiliser dans une lutte commerciale.

[167] S’appuyant sur la décision Sawridge c Canada, 2006 CF 656 [Sawridge], et sur l’arrêt Glaxo Canada Inc v Canada (Minister of National Health & Welfare), 1988 CarswellNat 566, 19 CIPR 120, conf par [1990] 107 NR 195, le PGC a également réclamé les dépens au motif qu’il devrait y avoir droit à titre d’intervenant. Il a demandé qu’une somme globale de 10 000 $ lui soit adjugée au motif que, bien que des dépens d’environ 5 000 $ soient justifiés dans une affaire normale de pareille ampleur, il avait dû participer à l’audition de la présente demande ainsi qu’à la requête en injonction, en plus de recueillir une grande quantité d’éléments de preuve.

[168] Iristel a également sollicité les dépens sans toutefois en préciser le montant.

[169] La demanderesse s’est opposée à toute demande de dépens de valeur élevée, soutenant que la colonne du milieu (III), applicable par défaut, du tarif B devrait s’appliquer quelle que soit la partie qui obtient gain de cause, car la demande soulève une question importante, soit celle de savoir si un organisme fédéral s’est convenablement acquitté de ses fonctions. Elle a également fait remarquer que les avocats ont travaillé dans la collégialité. TELUS a souligné que la Cour a déjà statué sur les dépens afférents à la requête interlocutoire, lesquels n’ont pas suivi l’issue de la cause, et qu’elle ne devrait donc pas en tenir compte en l’espèce.

[170] Compte tenu des positions divergentes quant aux dépens et étant donné que les parties n’ont déposé aucun mémoire de frais et que l’intervenant a demandé qu’une somme globale lui soit adjugée au titre des dépens, j’ordonnerai que les dépens soient taxés selon la quatrième colonne du tarif B. Cette décision n’est pas motivée par un manque de civilité entre les parties dont j’aurais été témoin et ne vise pas à les pénaliser pour un comportement inapproprié.

[171] L’adjudication des dépens selon une colonne plus élevée que celle qui s’applique par défaut (III) est plutôt justifiée par l’importante charge de travail et les enjeux liés au présent litige, y compris le long processus auquel les parties se soumettent pour s’entendre sur les éléments de preuve et pour monter le dossier de preuve; les documents produits par trois parties principales totalisant près de 5 000 pages, sans compter leurs cahiers des lois, règlements, jurisprudence et doctrine; et le nombre d’avocats ayant participé au litige, dont six ont présenté des observations orales à la Cour. Comme l’a dit la Cour d’appel fédérale au paragraphe 9 de l’arrêt Ludco Enterprises Ltd c Canada, 2002 CAF 450, ces chiffres illustrent la charge de travail entraînée par l’importance et la complexité des questions en litige.

[172] Enfin, les dépens adjugés à l’intervenant sont justifiés en l’espèce. J’estime, conformément à la décision Sawridge, aux paragraphes 39 à 45, que bien que les intervenants n’aient pas généralement droit aux dépens, en l’espèce, le PGC avait un intérêt particulier dans les délibérations de la Cour et y a grandement contribué en produisant la preuve concernant le cadre législatif général et, plus particulièrement, concernant le processus précis qui a mené à l’élaboration du Cadre politique pour la mise aux enchères et du processus d’évaluation de l’admissibilité au spectre réservé. Ces éléments n’auraient pas fait partie du dossier sans sa contribution.

V. Conclusion

[173] À la lumière des motifs exposés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens payables par la demanderesse aux deux défenderesses et à l’intervenant, taxés conformément à la colonne IV du tarif B.


JUGEMENT dans le dossier T-1335-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les dépens sont payables par la demanderesse aux défenderesses (Vidéotron et Iristel) et à l’intervenant (le procureur général du Canada), et sont taxés conformément à la colonne IV du tarif B.

« Alan S. Diner »

Juge


 

ANNEXE A: Dispositions législatives pertinentes

Loi sur les télécommunications (L.C. 1993, ch. 38)

Telecommunications Act (SC 1993, c 38)

Politique canadienne de télécommunication

Canadian Telecommunications Policy

7 La présente loi affirme le caractère essentiel des télécommunications pour l’identité et la souveraineté canadiennes; la politique canadienne de télécommunication vise à :

7 It is hereby affirmed that telecommunications performs an essential role in the maintenance of Canada’s identity and sovereignty and that the Canadian telecommunications policy has as its objectives

a) favoriser le développement ordonné des télécommunications partout au Canada en un système qui contribue à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure sociale et économique du Canada et de ses régions;

(a) to facilitate the orderly development throughout Canada of a telecommunications system that serves to safeguard, enrich and strengthen the social and economic fabric of Canada and its regions;

b) permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions — rurales ou urbaines — du Canada à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité;

(b) to render reliable and affordable services de télécommunication of high quality accessible to Canadians in both urban and rural areas in all regions of Canada;

c) accroître l’efficacité et la compétitivité, sur les plans national et international, des télécommunications canadiennes;

(c) to enhance the efficiency and competitiveness, at the national and international levels, of Canadian telecommunications;

d) promouvoir l’accession à la propriété des entreprises canadiennes, et à leur contrôle, par des Canadiens;

(d) to promote the ownership and control of Canadian carriers by Canadians;

e) promouvoir l’utilisation d’installations de transmission canadiennes pour les télécommunications à l’intérieur du Canada et à destination ou en provenance de l’étranger;

(e) to promote the use of Canadian transmission facilities for telecommunications within Canada and between Canada and points outside Canada;

f) favoriser le libre jeu du marché en ce qui concerne la fourniture de services de télécommunication et assurer l’efficacité de la réglementation, dans le cas où celle-ci est nécessaire;

(f) to foster increased reliance on market forces for the provision of services de télécommunication and to ensure that regulation, where required, is efficient and effective;

g) stimuler la recherche et le développement au Canada dans le domaine des télécommunications ainsi que l’innovation en ce qui touche la fourniture de services dans ce domaine;

(g) to stimulate research and development in Canada in the field of telecommunications and to encourage innovation in the provision of services de télécommunication ;

h) satisfaire les exigences économiques et sociales des usagers des services de télécommunication;

(h) to respond to the economic and social requirements of users of services de télécommunication ; and

i) contribuer à la protection de la vie privée des personnes.

(i) to contribute to the protection of the privacy of persons.

Loi sur la radiocommunication (L.R.C. (1985), ch. R-2)

Radiocommunication Act (R.S.C., 1985, c. R-2)

Pouvoirs ministériels

Minister’s Powers

5 (1) Sous réserve de tout règlement pris en application de l’article 6, le ministre peut, compte tenu des questions qu’il juge pertinentes afin d’assurer la constitution ou les modifications ordonnées de stations de radiocommunication ainsi que le développement ordonné et l’exploitation efficace de la radiocommunication au Canada :

5 (1) Subject to any regulations made under section 6, the Minister may, taking into account all matters that the Minister considers relevant for ensuring the orderly establishment or modification of radio stations and the orderly development and efficient operation of radiocommunication in Canada,

a) délivrer et assortir de conditions :

(a) issue

(i) les licences radio à l’égard d’appareils radio, et notamment prévoir les conditions spécifiques relatives aux services pouvant être fournis par leur titulaire,

(i) radio licences in respect of radio apparatus,

(i.1) les licences de spectre à l’égard de l’utilisation de fréquences de radiocommunication définies dans une zone géographique déterminée, et notamment prévoir les conditions spécifiques relatives aux services pouvant être fournis par leur titulaire,

(i.1) spectrum licences in respect of the utilization of specified radio frequencies within a defined geographic area,

(ii) les certificats de radiodiffusion à l’égard de tels appareils, dans la mesure où ceux-ci font partie d’une entreprise de radiodiffusion,

(ii) broadcasting certificates in respect of radio apparatus that form part of a broadcasting undertaking,

(iii) les certificats d’opérateur radio,

(iii) radio operator certificates,

(iv) les certificats d’approbation technique à l’égard d’appareils radio, de matériel brouilleur ou de matériel radiosensible,

(iv) technical acceptance certificates in respect of radio apparatus, interference-causing equipment and radio-sensitive equipment, and

(v) toute autre autorisation relative à la radiocommunication qu’il estime indiquée;

(v) any other authorization relating to radiocommunication that the Minister considers appropriate,

BLANK

and may fix the terms and conditions of any such licence, certificate or authorization including, in the case of a radio licence and a spectrum licence, terms and conditions as to the services that may be provided by the holder thereof;

b) modifier les conditions de toute licence ou autorisation ou de tout certificat ainsi délivrés;

(b) amend the terms and conditions of any licence, certificate or authorization issued under paragraph (a);

c) mettre à la disposition du public tout renseignement indiqué dans les licences radio ou les certificats de radiodiffusion;

(c) make available to the public any information set out in radio licences or broadcasting certificates;

d) fixer les exigences et les normes techniques à l’égard d’appareils radio, de matériel brouilleur et de matériel radiosensible, ou de toute catégorie de ceux-ci;

(d) establish technical requirements and technical standards in relation to

BLANC

(i) radio apparatus,

BLANC

(ii) interference-causing equipment, and

BLANC

(iii) radio-sensitive equipment,

BLANC

or any class thereof;

e) planifier l’attribution et l’utilisation du spectre;

(e) plan the allocation and use of the spectrum;

f) approuver l’emplacement d’appareils radio, y compris de systèmes d’antennes, ainsi que la construction de pylônes, tours et autres structures porteuses d’antennes;

(f) approve each site on which radio apparatus, including antenna systems, may be located, and approve the erection of all masts, towers and other antenna-supporting structures;

g) procéder à l’essai d’appareils radio pour s’assurer de leur conformité aux normes techniques fixées sous le régime de la présente loi;

 

(g) test radio apparatus for compliance with technical standards established under this Act;

h) exiger que les demandeurs et les titulaires d’autorisations de radiocommunication lui communiquent tout renseignement qu’il estime indiqué concernant l’utilisation — présente et future — de l’appareil radio, ainsi que son coût d’installation et d’entretien;

(h) require holders of, and applicants for, radio authorizations to disclose to the Minister such information as the Minister considers appropriate respecting the present and proposed use of the radio apparatus in question and the cost of installing or maintaining it;

i) exiger que ces titulaires l’informent de toute modification importante des renseignements ainsi communiqués;

(i) require holders of radio authorizations to inform the Minister of any material changes in information disclosed pursuant to paragraph (h);

j) nommer les inspecteurs pour l’application de la présente loi;

(j) appoint inspectors for the purposes of this Act;

k) prendre les mesures nécessaires pour assurer, notamment par voie de réglementation internationale, les droits de Sa Majesté du chef du Canada en matière de télécommunications et consulter le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes sur les questions qui lui semblent indiquées;

(k) take such action as may be necessary to secure, by international regulation or otherwise, the rights of Her Majesty in right of Canada in telecommunication matters, and consult the Canadian Radio-television and Telecommunications Commission with respect to any matter that the Minister deems appropriate;

l) décider de l’existence de tout brouillage préjudiciable et donner l’ordre aux personnes qui possèdent ou contrôlent tout appareil radio, matériel brouilleur ou matériel radiosensible qu’il juge responsable du brouillage de cesser ou de modifier l’exploitation de cet appareil ou de ce matériel jusqu’à ce qu’il puisse fonctionner sans causer de brouillage préjudiciable ou sans en être contrarié;

(l) make determinations as to the existence of harmful interference and issue orders to persons in possession or control of radio apparatus, interference-causing equipment or radio-sensitive equipment that the Minister determines to be responsible for the harmful interference to cease or modify operation of the apparatus or equipment until such time as it can be operated without causing or being affected by harmful interference;

m) entreprendre, parrainer, promouvoir ou aider la recherche en matière de radiocommunication, notamment en ce qui touche les aspects techniques de la radiodiffusion;

(m) undertake, sponsor, promote or assist in research relating to radiocommunication, including the technical aspects of broadcasting; and

n) prendre toute autre mesure propre à favoriser l’application efficace de la présente loi.

(n) do any other thing necessary for the effective administration of this Act.

(1.4) Le ministre peut établir les formalités, les normes et les modalités applicables au processus d’adjudication visé au paragraphe (1.2) et notamment fixer les mécanismes d’enchère, la mise à prix, les qualités des enchérisseurs, les modalités d’acceptation des enchères, les frais de demande exigibles des enchérisseurs, les exigences de dépôt, les pénalités pour retrait et les calendriers de paiement.

(1.4) The Minister may establish procedures, standards and conditions, including, without limiting the generality of the foregoing, bidding mechanisms, minimum bids, bidders’ qualifications, acceptance of bids, application fees for bidders, deposit requirements, withdrawal penalties and payment schedules, applicable in respect of a system of competitive bidding used under subsection (1.2) in selecting the person to whom a radio authorization will be issued.


ANNEXE B: Cadre politique

36. Un large éventail de fournisseurs de services, y compris les fournisseurs nationaux de services mobiles, les fournisseurs de services régionaux et les fournisseurs de services Internet sans fil (FSISF), aimeraient disposer d’un spectre de 3 500 MHz suffisant pour fournir des services 5G aux Canadiens. La libération de cette bande constituera une excellente occasion pour soutenir la capacité des fournisseurs de services de télécommunications du Canada à offrir des services 5G aux consommateurs, la capacité des fournisseurs de services régionaux à concurrencer les FNSM dans la fourniture de services 5G et la capacité des FSISF à offrir des services sans fil fixes dans les régions rurales et éloignées du pays.

37. Cependant, sans mesures favorables à la concurrence, il est peu probable que la mise aux enchères dans la bande de 3 500 MHz soutienne les objectifs de politique d’ISDE. Il existe notamment un risque que la concurrence sur le marché des services mobiles sans fil 5G souffre si les fournisseurs de services régionaux n’acquièrent pas un spectre suffisant. Dans son récent mémoire sur l’examen des services mobiles sans fil par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en 2019, le Bureau de la concurrence a constaté que les fournisseurs nationaux de services mobiles disposent d’une puissance commerciale dans le marché de détail, ce qui se traduit par une forte concentration, un fort potentiel de rentabilité et d’importants obstacles à l’entrée sur le marché. Le Bureau de la concurrence a également constaté que dans les régions où les fournisseurs nationaux de services mobiles font face à un fournisseur de services régionaux dotés d’installations, les prix sont nettement inférieurs. Le Bureau a indiqué qu’en général, les prix sont de 35 à 40 % plus bas dans les régions où les fournisseurs de services régionaux dotés d’installations ont atteint une part de marché supérieure à 5,5 %.

38. L’utilisation d’une portion de spectre réservé a contribué à la croissance des fournisseurs de services régionaux et à leur compétitivité sur le marché, car ils continuent à investir dans leurs réseaux mobiles sans fil et à accroître leur nombre d’abonnés. Une portion de spectre réservé permettra sans doute d’offrir aux fournisseurs de service régionaux une possibilité accrue d’acquérir une quantité de spectre suffisante pour concurrencer efficacement les fournisseurs nationaux de services mobiles sur le marché des services 5G. Plus particulièrement, l’accès au spectre dans les régions urbaines favoriserait la prestation de services comparables à ceux de ces fournisseurs de service régionaux et accroîtrait le niveau de concurrence sur le marché.

39. Les FSISF fournissent des services à large bande fixes aux régions rurales et isolées qui sont généralement mal desservies par rapport aux régions urbaines, avec des vitesses de large bande plus lentes et un choix plus restreint. De nombreux FSISF ont constaté que l’accès au spectre continue d’être un obstacle pour les fournisseurs de services dans ces régions.

40. Par conséquent, il est essentiel que les fournisseurs de services régionaux et les FSISF aient la possibilité d’acquérir des licences dans la bande de 3 500 MHz, étant donné qu’il s’agit de l’une des principales bandes où les technologies 5G sont susceptibles d’être déployées. ISDE est d’avis que sans le recours à des mesures favorisant la concurrence, les fournisseurs nationaux de services mobiles ont la motivation et les moyens d’acquérir toutes les fréquences disponibles aux enchères, ce qui entrave considérablement la concurrence des fournisseurs de services régionaux et des FSISF.

41. Les réserves de fréquences utilisées lors des précédentes enchères ont permis de réserver entre 40 et 60 % du spectre disponible aux soumissionnaires admissibles. Lors de la consultation pour la mise aux enchères de 3 500 MHz, de nombreuses parties prenantes ont estimé que 50 à 100 MHz de spectre dans la bande moyenne étaient nécessaires pour fournir des services 5G de haute qualité. Cependant, la bande de 3 500 MHz ne compte que 200 MHz au total, dont une grande partie fait actuellement l’objet de licences. En raison de la forte demande pour cette bande et de la nécessité d’équilibrer l’accès au spectre pour de nombreux fournisseurs de services différents, ISDE est d’avis qu’une portion de spectre réservé de 50 MHz - représentant essentiellement 25 % de la bande totale – est le meilleur moyen d’atteindre les objectifs de politique pour la mise aux enchères de la bande de 3 500 MHz; cette mesure sera donc appliquée.

42. En plus d’une consultation sur le spectre réservé, ISDE a également mené une consultation sur le recours au plafonnement de spectre pour la mise aux enchères dans la bande de 3 500 MHz. Bien que des plafonds de spectre aient été utilisés lors de mises aux enchères passées pour éviter une concentration excessive du spectre, l’application d’un plafonnement dans la mise aux enchères dans la bande de 3 500 MHz - comme mesure autonome ou combinée avec une réserve de spectre - ne contribuerait pas à la réalisation des objectifs de politique d’ISDE. En raison des avoirs existants des titulaires de licences et du pouvoir de soumission des FNSM, un plafonnement du spectre serait inefficace pour faciliter l’accès des fournisseurs régionaux et des FSISF à de nombreux niveaux. Cela aurait des conséquences négatives sur la concurrence dans le marché des services mobiles sans fil, ainsi que sur l’accès à la large bande haute vitesse dans les régions rurales et éloignées.

43. Bien qu’une portion de spectre réservé soit nécessaire pour encourager l’accès au spectre pour les petits fournisseurs de services, ISDE reconnaît qu’il existe des niveaux où moins de 50 MHz de spectre est disponible pour la mise aux enchères. Dans bon nombre de ces niveaux, les FSISF ont des avoirs existants qui réduisent la quantité de spectre disponible pour la mise aux enchères. Par conséquent, lorsqu’il y a moins de 50 MHz de spectre disponible pour la mise aux enchères, dans les niveaux qui ne contiennent pas un grand centre de population (urbain), ISDE n’appliquera pas le spectre réservé.

44. Par ailleurs, il est à noter qu’il est particulièrement important que les fournisseurs de services régionaux aient la possibilité d’acquérir suffisamment de spectre pour offrir de manière significative des services 5G et concurrencer les FNSM dans les zones à forte densité de population. Reconnaissant l’importance de chaque type de fournisseur de services et les différences régionales à travers le pays, ISDE mettra en place une portion de spectre réservé dans toutes les zones de services de niveau 4 ayant un grand centre de population. Dans les zones de service où moins de 50 MHz sont disponibles, tout le spectre sera mis en réserve. Cela permettra de lancer des services 5G de haute qualité, de favoriser la concurrence sur le marché et de promouvoir l’accès au spectre dans les zones rurales et isolées.

[…]

6.1 Admissibilité au spectre réservé

47. Dans le cadre de la Consultation, ISDE a sollicité des commentaires sur sa proposition voulant que l’admissibilité au spectre réservé soit limitée aux soumissionnaires inscrits auprès du CRTC en tant que fournisseurs dotés d’installations qui ne sont pas des fournisseurs nationaux de services mobiles et qui fournissaient activement des services de télécommunications commerciaux au grand public dans la zone de services concernée de niveau 2 à la date de la demande de participation des enchères de la bande de 3 500 MHz.

Résumé des commentaires

48. Bell a indiqué que les critères proposés étaient trop larges et qu’ils devaient être restreints pour n’inclure que les fournisseurs qui sont enregistrés auprès du CRTC en tant qu’entreprises de services sans fil mobiles ou qui peuvent démontrer qu’ils ont déployé un réseau sans fil fixe et qu’ils fournissent activement des services sans fil commerciaux dans la zone concernée de niveau 4. Plus précisément, ils ont ajouté que la fourniture de services de distribution par relais satellite et de distribution par satellite de radiodiffusion directe ne devrait pas rendre les soumissionnaires admissibles au spectre réservé. D’autres intervenants, dont Cogeco, Iristel et Québecor ont également soulevé des préoccupations semblables et ont suggéré que les fournisseurs de services de distribution par relais satellite et de distribution par satellite de radiodiffusion directe ne devraient pas être considérés comme des soumissionnaires admissibles au spectre réservé. Xplornet a convenu avec d’autres parties que les services de radiodiffusion ne devraient pas être pris en compte dans l’établissement des critères d’admissibilité.

49. Rogers a proposé que les soumissionnaires admissibles au spectre réservé ne puissent présenter des soumissions qu’à l’égard du spectre réservé dans tous les secteurs de service afin d’accroître l’équité des enchères et la concurrence dans le spectre réservé. De même, TELUS a suggéré que les soumissionnaires admissibles au spectre réservé ne puissent pas présenter de soumissions à l’égard du spectre ouvert. Il s’est aussi fortement opposé aux critères d’admissibilité proposés, y compris la restriction imposée aux fournisseurs nationaux de services mobiles et la limitation aux zones de service actives de niveau 2.

50. Cogeco et Québecor ont proposé que l’admissibilité au spectre réservé soit fondée sur la fourniture active de services dans la zone de niveau 4. Xplornet a proposé qu’on exige des fournisseurs qu’ils aient fourni activement des services dans la zone de niveau 4 concernée depuis le 5 juin 2019 pour être admissible au spectre réservé.

51. Eastlink a proposé que la définition des soumissionnaires admissibles au spectre réservé inclue la prestation de services de télécommunications mobiles ou fixes sans fil.

52. Ecotel a proposé que l’admissibilité au spectre réservé ne soit pas limitée aux fournisseurs de services dans la zone concernée de niveau 2. Ecotel a aussi proposé que l’admissibilité ne soit pas limitée aux entreprises qui fournissent des services de télécommunications commerciaux au grand public et qu’elle englobe plutôt également les fournisseurs auprès des industries, des marchés verticaux, des réseaux privés et des entreprises du domaine d’Internet des objets, entre autres.

53. Shaw a proposé que les fournisseurs soient tenus de présenter une preuve qu’ils offrent activement des services sans-fil mobiles commerciaux au Canada au moyen d’un réseau d’accès radio qu’ils possèdent et exploitent dans la zone de niveau 4 concernée.

54. BCBA a proposé que l’admissibilité au spectre réservé soit différente pour les zones non urbaines, et que le spectre réservé dans ces zones ne soit accessible qu’aux entreprises ayant moins de 25 millions de dollars de revenus annuels. BCBA a également proposé que les exploitants desservant une zone de niveau 4 adjacente à une frontière provinciale soient autorisés à présenter une soumission dans les zones de niveau 4 adjacentes de la province voisine.

55. CanWISP a proposé que les fournisseurs de services mobiles régionaux ne puissent pas avoir accès au spectre réservé.

56. Kris Joseph et Michael McNally proposent que l’exigence du niveau 2 soit limitée aux contextes urbains ou éliminée.

57. SaskTel, TekSavvy et EOWC/EORN sont d’accord avec les critères proposés.

Discussion

58. ISDE a cerné trois grandes questions soulevées par les intervenants en ce qui concerne les critères d’admissibilité aux licences pour la portion de spectre réservé :

  • La définition des « services de télécommunications commerciaux »;
  • La définition du « grand public »;
  • La désignation du niveau auquel les fournisseurs doivent fournir activement des services pour être admissibles au spectre réservé.

59. Afin de promouvoir une utilisation et un déploiement optimaux du spectre, on exige des soumissionnaires qu’ils fournissent activement des services de télécommunications commerciaux pour être admissibles. Les services qui sont réglementés par la Loi sur la radiodiffusion ne seront pas considérés comme des « services de télécommunications commerciaux » aux fins d’admissibilité à la portion de spectre réservé, mais tous les services qui sont réglementés par la Loi sur les télécommunications pourraient être admissibles.

60. La définition de « grand public » a été soulevée comme un problème potentiel concernant les fournisseurs de services qui offrent leurs services aux industries, aux marchés verticaux, aux réseaux privés et à d’autres consommateurs « non traditionnels ». Aux fins de la présente décision, la définition de « grand public » peut comprendre les entreprises, les sociétés et les institutions, ainsi que les consommateurs résidentiels « traditionnels ». Par conséquent, les fournisseurs qui offrent activement des services de télécommunications commerciaux à l’un de ces consommateurs seront considérés comme admissibles à la portion de spectre réservé, à condition qu’ils répondent aux critères d’admissibilité supplémentaires.

61. ISDE est d’avis que le fait d’autoriser les soumissionnaires admissibles au spectre réservé à présenter une soumission à l’égard du spectre dans toute zone de service de niveau 4 au sein de la zone de service de niveau 2 concernée dans laquelle ils offrent actuellement des services faciliterait l’expansion des réseaux de petits fournisseurs, y compris dans les zones rurales.

62. Par conséquent, l’admissibilité à soumissionner pour une portion de spectre réservé sera limitée aux entités enregistrées auprès du CRTC à titre de fournisseurs dotés d'installations qui ne sont pas des fournisseurs nationaux de services mobiles et qui fournissent activement des services de télécommunications commerciaux au grand public dans le secteur d'activité de niveau 2 pertinent, en vigueur à compter de la date de la demande de participation aux enchères de la bande de 3 500 MHz. Les services qui sont régis en vertu de la Loi sur la radiodiffusion ne seront pas considérés comme des services de télécommunications commerciaux aux fins de l’admissibilité au spectre réservé; cependant, tous les services régis en vertu de la Loi sur les télécommunications pourraient être admissibles. Les fournisseurs nationaux de services mobiles seront définis comme « des entreprises détenant au moins 10 % du marché national des abonnés aux services sans fil ». La détermination de la part de marché des abonnés sera établie en fonction du Rapport de surveillance du CRTC sur les communications de 2019 et des données ouvertes connexes.

63. Les entités admissibles sont désignées comme des soumissionnaires admissibles au spectre réservé. Au moment de participer aux enchères, les demandeurs devront indiquer dans leur demande s'ils soumissionnent à titre de soumissionnaires admissibles au spectre réservé sur la base de la zone de service de niveau 2.

64. Dans son évaluation de l'admissibilité d'un soumissionnaire à soumissionner pour une portion de spectre réservé, ISDE déterminera si les services de télécommunications commerciaux sont activement fournis au grand public dans la zone de service, par le soumissionnaire potentiel. Les soumissionnaires potentiels devront le démontrer clairement en fournissant les documents pertinents à ISDE, qui incluront, sans s'y limiter la description :

  • des services offerts dans la zone de service;
  • du réseau de vente au détail/de distribution;
  • de comment les abonnés accèdent aux services, de même que le nombre d'abonnés dans la zone de service.

Décision D2

L’admissibilité à présenter une soumission à l’égard d’une portion de spectre réservé sera restreinte aux entités enregistrées auprès du CRTC à titre de fournisseurs dotés d’installations qui ne sont pas des fournisseurs nationaux de services mobiles et qui fournissaient activement des services de télécommunications commerciaux au grand public dans la zone de service concernée de niveau 2 à la date de demande de participation aux enchères de la bande de 3 500 MHz. Les services qui sont réglementés par la Loi sur la radiodiffusion ne seront pas considérés comme des « services de télécommunications commerciaux » aux fins d’admissibilité à la portion de spectre réservé, mais tous les services qui sont réglementés par la Loi sur les télécommunications peuvent être admissibles.

[…]

247. ISDE a instauré des mesures rigoureuses pour évaluer et qualifier les soumissionnaires éventuels après soumission de leur demande de participation à une mise aux enchères. Les mesures ont pour but d’empêcher les fournisseurs nationaux de services mobiles d’acquérir une partie du spectre réservé par l’intermédiaire d’une entité y étant admissible. Comme cela a été le cas lors de mises aux enchères précédentes, ISDE exige des renseignements relatifs à la structure commerciale de chaque soumissionnaire. En outre, pour la mise aux enchères de la bande de 600 MHz, ISDE a incorporé au processus de demande une attestation qu’il conservera pour la mise aux enchères de la bande de 3 500 MHz en vue de préserver l’intégrité de la mise aux enchères. Les fournisseurs devront faire part de tout arrangement ou accord explicite ou implicite dans le cadre duquel un financement, une sûreté ou des garanties ont été ou pourraient être accordés au demandeur ou à l’une de ses filiales par un autre demandeur ou ses filiales relativement à l’acquisition ou à l’utilisation de toute licence de spectre mise aux enchères. Si un demandeur participe à une entente ou à un accord, ISDE demandera une brève description de la nature de l’entente ou de l’accord. ISDE ignore si de telles ententes existent et estime qu’il est peu probable qu’un tel cas de figure se produise. Cependant, ISDE demandera cette information afin de préserver l’intégrité de la mise aux enchères.

[…]

257. Dès la réception de ces documents, ISDE rendra une décision fondée sur les documents soumis ou demandera des renseignements supplémentaires en indiquant le délai applicable.

[…]

422. ISDE publiera la liste de tous les soumissionnaires mais, pour préserver l’anonymat de la mise aux enchères et décourager les comportements anticoncurrentiels, il ne publiera pas la liste des soumissionnaires admissibles au spectre réservé, le montant des dépôts pré-enchères ni le nombre des points d’admissibilité dont dispose chaque soumissionnaire au début de la mise aux enchères.

[…]

424. Dans le cadre du présent processus de délivrance de licences, afin de simplifier la présentation des formulaires de demande et des documents connexes, ISDE utilisera le service Connexion postel de Postes Canada comme il l’a déjà fait dans le cadre de mises aux enchères récentes. Ce service est un moyen pour les entreprises et le gouvernement de transmettre des messages et des documents numériques confidentiels sur Internet en utilisant une méthode de chiffrement comparable à celle des banques. Ce service est certifié pour la transmission de documents jusqu’au niveau Protégé B. Postes Canada atteste que l’ensemble des données transmises au moyen de ce service demeure au Canada, sur des serveurs canadiens.

[…]

12.5 Qualification des soumissionnaires

435. ISDE examinera les formulaires de demande, les documents connexes et les dépôts financiers qui les accompagnent après la date limite de présentation des demandes. Dans son examen initial, ISDE cherchera à repérer toute erreur dans les formulaires de demande ou les dépôts financiers. Il déterminera aussi si des renseignements supplémentaires sont requis concernant un affilié ou une entité associée au demandeur. Dans les cas de demandeurs souhaitant être admissibles au spectre réservé, ISDE évaluera aussi l’admissibilité à obtenir des licences de spectre réservé dans les zones de service de niveau 4, sur la base des zones de service pertinentes de niveau 2, et peut demander des renseignements supplémentaires ou vérifier lui-même les renseignements fournis.

436. Les demandes reçues sans dépôt financier à la date limite de présentation des demandes seront rejetées.

437. Après la période d’examen initial, ISDE donnera aux demandeurs la possibilité de corriger toute erreur ou incohérence relevées dans la demande et demandera, au besoin, des renseignements supplémentaires concernant un affilié ou une entité associée au demandeur. Une copie de la demande originale peut être retournée au demandeur, accompagnée d’un bref énoncé des erreurs ou des omissions ou demandant d’autres renseignements. Le demandeur sera invité, par écrit, à transmettre les formulaires corrigés ou les renseignements supplémentaires au plus tard à la date précisée dans l’énoncé.

438. Les demandeurs qui ne donneront pas suite à la demande écrite d’ISDE verront leur demande de participation rejetée. Les demandes rejetées, y compris celles pour lesquelles les demandeurs auront eu la possibilité de corriger les erreurs ou les incohérences relevées par ISDE, mais qui continueront à présenter des lacunes, peuvent être retournées au demandeur avec un aperçu des lacunes et son dépôt financier.

439. Les demandeurs qui auront présenté des documents de demande acceptables, ainsi que le dépôt financier pré-enchères, seront avisés qu’ils ont été admis à participer aux enchères. Les soumissionnaires admis recevront d’autres renseignements concernant leur participation aux enchères dans des envois subséquents. Les renseignements comprendront, entre autres, un document d’information à l’intention des soumissionnaires, un manuel de l’utilisateur et un calendrier pour la séance d’information et les simulations des enchères.

440. Une liste de tous les soumissionnaires qualifiés, avec des renseignements sur leur propriété effective, leurs affiliés et entités associés, sera publiée sur le site Web d’ISDE conformément aux échéances indiquées dans le Tableau des dates clés. Le nombre de points d’admissibilité et le montant des dépôts financiers ne seront pas publiés avant la tenue des enchères, car ces renseignements pourraient donner une indication des intentions des participants quant aux soumissions. La communication de ces renseignements est strictement interdite conformément aux règles contre la collusion présentées dans la section 9.4.

ANNEXE C : Les paragraphes contestés de l’affidavit de M. Anderson

[traduction]

59. J’ai commencé mon examen du formulaire de demande de Vidéotron le lendemain de la date limite prévue pour le dépôt des formulaires de demande, soit le 7 avril 2021. J’ai donc saisi les premiers renseignements provenant de sa demande directement dans le formulaire d’évaluation. Au sein de notre équipe, il était d’usage d’utiliser les formulaires et de saisir l’information découlant de notre travail sur les évaluations au fur et à mesure. Nous ne conservions pas de dossiers supplémentaires ni de notes écrites concernant des évaluations en particulier. Au cours du processus, il m’arrivait parfois de discuter de questions importantes liées aux évaluations avec un autre membre de l’équipe qui travaillait dans la salle des enchères ou, s’il travaillait dans la salle des enchères sécurisée située au 3701, avenue Carling, à Ottawa (le campus du Centre de recherches sur les communications), je l’appelais par téléphone filaire. Cependant, nous faisions ensuite un suivi sur le point discuté directement, par exemple, en saisissant l’information dans le formulaire d’évaluation ou en communiquant avec un demandeur. Nous ne produisions aucun courriel interne de suivi transitoire ni aucune note sur papier.

60. Par exemple, lorsque j’ai examiné la demande de participation à la mise aux enchères présentée par Vidéotron relativement au spectre réservé de la bande de 3 500 MHz, j’ai voulu vérifier les renseignements qu’elle avait fournis concernant les services offerts par Fibrenoire dans l’Ouest du Canada, y compris son réseau de vente au détail/de distribution, ce que je n’ai pas été en mesure de faire à partir de son site Web. J’ai eu une conversation avec Mme Macartney à ce sujet le 9 avril 2021, et elle a envoyé une lettre à Vidéotron par l’entremise du service sécurisé Connexion postel pour demander des renseignements supplémentaires. Je joins aux présentes une copie de cette lettre (la pièce R).

61. Demander des renseignements supplémentaires afin de vérifier les documents dans les demandes faisait partie intégrante du processus d’examen des demandes de participation à la mise aux enchères de la bande de 3 500 MHz et était expressément prévu dans le Cadre politique et le formulaire 4 du formulaire de demande. À des fins de vérification, j’avais demandé des renseignements supplémentaires à plusieurs autres demandeurs ayant présenté une demande de participation à la mise aux enchères de la bande de 3 500 MHz. Je savais que mes collègues et moi avions vérifié des renseignements concernant les services fournis, les listes d’entités affiliées et associées, les lettres de crédit et d’autres renseignements provenant de mises aux enchères antérieures.

62. Vidéotron a transmis des renseignements supplémentaires le 12 avril 2021, que je joins au présentes (la pièce S). Ces renseignements comprenaient notamment une description plus détaillée des moyens par lesquels Fibrenoire fournissait des services dans l’Ouest du Canada ainsi qu’une liste de clients dans cette région.

63. Afin de dûment vérifier que Fibrenoire fournissait activement des services de télécommunications commerciaux au grand public dans ces zones, je me suis fait passer pour un client potentiel. Pendant la semaine du 12 avril 2021, à l’aide d’un numéro bloqué, j’ai appelé à deux reprises au numéro figurant sur le site Web de Fibrenoire pour les nouveaux clients. Pendant le premier appel, je me suis fait passer pour un client commercial potentiel ayant des bureaux à Vancouver et à Calgary. J’ai demandé si Fibrenoire serait en mesure de me fournir des services. La réponse était que oui, elle pourrait offrir des services Internet, mais que ce ne serait pas à l’aide des propres infrastructures de Fibrenoire, puisque pour offrir ses services, elle utilisait les infrastructures appartenant à des tiers. J’ai mis fin à l’appel avant de pouvoir obtenir de l’information précise sur les prix, puisque je n’étais pas en mesure de fournir des détails exacts concernant mon entreprise fictive. Le lendemain, j’ai réalisé le même exercice, mais cette fois, je me suis fait passer pour un client potentiel ayant des bureaux à Winnipeg et à Thunder Bay. Encore une fois, Fibrenoire a affirmé qu’elle pouvait offrir des services Internet dans ces villes, mais qu’elle utilisait les infrastructures appartenant à des tiers pour ce faire.

[…]

65. J’ai rempli le formulaire d’évaluation en y indiquant que Vidéotron était admissible dans les zones de niveau 2 dans l’Ouest du Canada. Sur le formulaire d’évaluation, j’ai inscrit les notes suivantes pour chacune des zones de niveau 2 dans l’Ouest du Canada : « Fournit des services de contournement aux entreprises par l’intermédiaire de sa filiale Fibrenoire. » Dans le tableau d’évaluation sommaire à la fin du formulaire d’évaluation, j’ai noté ce qui suit : « Fournit des services Internet aux entreprises par l’intermédiaire de Fibrenoire en sa qualité de fournisseur de services de gros. » Ces notes servaient à qualifier les renseignements obtenus auprès de Vidéotron ou Fibrenoire pendant mon exercice de vérification, à savoir qu’elle fournissait activement des services dans ces zones à l’aide d’infrastructures appartenant à des tiers.

[…]

68. Le 19 avril 2021, notre équipe s’est réunie pour discuter des différents éléments de diverses demandes de participation à la mise aux enchères de la bande de 3 500 MHz faisant l’objet d’un examen. À cette occasion, j’ai brièvement expliqué à M. Kellison les éléments de preuve reçus de Vidéotron et le résultat de la vérification supplémentaire que j’avais effectuée, lesquels ont constitué le fondement de ma recommandation concernant Vidéotron. Monsieur Kellison m’a dit qu’il était d’accord que Vidéotron remplissait les critères d’admissibilité au spectre réservé dans chaque zone pour laquelle elle avait présenté une demande. À cette réunion, nous avons également discuté des autres demandes.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1335-21

 

INTITULÉ :

TELUS COMMUNICATIONS INC. c VIDÉOTRON LTÉE, BELL MOBILITÉ INC., BRAGG COMMUNICATIONS INC., CITYWEST CABLE AND TELEPHONE CORP, COGECO CONNEXION INC., COMCENTRIC NETWORKING INC., ECOTEL INC., IRISTEL INC., LEMALU HOLDINGS LTD., 1085459 ONTARIO LTD. s/n KINGSTON ONLINE SERVICES, MULTIBOARD COMMUNICATIONS INC., 508896 ALBERTA LTD. s/n NETAGO, NEXICOM INC., ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC., SASKATCHEWAN TELECOMMUNICATIONS, SOGETEL INC., STAR SOLUTIONS INTERNATIONAL, INC., TBAYTEL, TERRESTAR SOLUTIONS INC., THOMAS COMMUNICATIONS LTD., VALLEY FIBER LTD., FIBRENOIRE INC. ET XPLORNET COMMUNICATIONS INC. ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 FÉVRIER 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DU JUGEMENT ET MOTIFS :

17 mai 2022

 

COMPARUTIONS :

Cathy Beagan-Flood

Brittiny Rabinovitch

Natalie Cammarasana

Michael Ryan

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Laurence Ste-Marie

Patrick Ouellet

Charbel Abi-Saad

 

POUR LES DÉFENDERESSES
(VIDÉOTRON ET FIBRENOIRE)

 

Christian S. Tacit

Stewart W. Cattroll

 

POUR LA DÉFENDERESSE
(IRISTEL)

 

J. Sanderson Graham

James Schneider

 

POUR L’INTERVENANT

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake, Cassels & Graydon S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Woods, boutique de litige

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LES DÉFENDERESSES
(VIDÉOTRON ET FIBRENOIRE)

 

Tacit Law

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE
(IRISTEL)

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTERVENANT

 

 

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