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Date : 20220502


Dossiers : IMM-3257-21

IMM-3436-21

Référence : 2022 CF 635

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 mai 2022

En présence de madame la juge Simpson

Dossier : IMM-3257-21

ENTRE :

ELVAN TEKCAN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

Dossier : IMM-3436-21

ET ENTRE :

GODZE EDA TEKCAN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les présents motifs portent sur deux demandes de contrôle judiciaire de décisions par lesquelles un agent des visas [l’agent] a rejeté les demandes de résidence permanente présentées par deux sœurs dans la catégorie des travailleurs autonomes [les décisions contestées]. Les décisions contestées sont identiques quant au fond et sont toutes deux datées du 25 mars 2021.

[2] Elvan Tekcan est la demanderesse dans le dossier IMM-3257-21, et sa sœur cadette, Godze Eda Tekcan, est la demanderesse dans le dossier IMM-3436-21 [collectivement, les demanderesses]. Leurs demandes de contrôle judiciaire ont été instruites ensemble. Les demanderesses étaient représentées par la même avocate et les questions soulevées dans les deux demandes étaient les mêmes.

[3] Les demanderesses ont toutes deux travaillé dans des galeries d’art à Istanbul, en Turquie. L’une d’elles était directrice des expositions dans une première galerie et l’autre était conservatrice dans cette même galerie et directrice d’une deuxième galerie. Elles avaient l’intention de louer des locaux au centre-ville de Toronto et d’y établir une galerie d’art. Elles ont proposé un investissement combiné de 230 000 $ CA.

[4] Les demandes de visa des demanderesses étaient respectivement datées du 24 et du 25 mai 2018. Chaque demande comprenait un document de 36 pages intitulé [traduction] « Plan d’affaires » daté de novembre 2020 [le plan d’affaires].

I. Les décisions contestées

[5] L’agent a centré son analyse sur le plan d’affaires et l’a jugé insuffisant, car celui-ci ne montrait pas que les demanderesses avaient fait des recherches, en communiquant avec des représentants de l’industrie et des galeristes à Toronto, pour savoir si leur projet était réalisable, compte tenu des conditions du marché. De plus, elles n’ont fourni aucune source pour démontrer que leurs projections et leurs hypothèses financières étaient réalistes. L’agent a soulevé des doutes étant donné que le plan d’affaires contenait uniquement des renseignements très généraux, de haut niveau et de source ouverte sur l’industrie.

II. Questions en litige

[6] Les demanderesses ont soulevé les questions suivantes :

  1. L’agent a-t-il manqué à son obligation d’équité procédurale en omettant d’envoyer une lettre relative à l’équité procédurale pour informer les demanderesses de ses doutes quant au caractère suffisant du plan d’affaires?

  2. Les décisions contestées étaient-elles déraisonnables parce que l’agent n’a examiné que le plan d’affaires?

III. Question 1 : L’agent était-il tenu d’envoyer une lettre relative à l’équité procédurale?

[7] Les demanderesses se sont appuyé sur le guide de traitement des demandes à l’étranger intitulé « Entrepreneurs et travailleurs autonomes » (2008-08-07) [le Guide OP-8], qui prévoit notamment à l’article 5.14 que « [l]orsque l’agent s’interroge sur la recevabilité de la demande ou l’admissibilité du demandeur, il doit donner au demandeur la possibilité de corriger ou de contredire ses interrogations [...] ».

[8] Toutefois, il ressort clairement de la preuve dont je dispose, soit de l’affidavit de Stéphanie Pelletier, souscrit le 9 février 2022, que le Guide OP-8 ne s’applique pas aux demandes de visa des demanderesses, car leurs demandes sont postérieures au 2 août 2016.

[9] La question est donc de savoir ce que l’équité exige en l’espèce. À mon avis, la décision Mohammadzadeh c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2022 CF 75, rendue récemment par le juge Gascon, énonce les principes directeurs applicables. Les principes suivants sont pertinents en l’espèce : l’obligation d’équité procédurale dont doit s’acquitter l’agent des visas se trouve à l’extrémité inférieure du spectre, et celui-ci n’est pas tenu d’aviser le demandeur de ses doutes quant au caractère suffisant d’un plan d’affaires.

[10] Pour cette raison, je conclus qu’il n’était pas nécessaire d’envoyer une lettre relative à l’équité.

IV. Question 2 : L’agent a-t-il centré à tort son analyse sur le plan d’affaires?

[11] Les demanderesses soutiennent que les décisions contestées sont déraisonnables parce que l’agent n’a pas examiné les éléments de preuve qu’elles ont présentés au sujet de leurs antécédents, de leurs études, de leur travail dans des galeries d’art, de leurs relations, de leurs revenus antérieurs et de leur expérience en gestion. Elles affirment que ces éléments de preuve auraient dû être mis en balance avec le plan d’affaires.

[12] Leur argument ne m’a pas convaincue. Même si les demanderesses n’étaient pas tenues de fournir un plan d’affaires pour étayer leurs demandes de visa, une fois qu’il a été présenté, il est devenu l’élément central des demandes. Si le plan d’affaires avait été réaliste et fiable, les autres éléments de preuve concernant les demanderesses auraient étayé la probabilité que leur projet se concrétise. Cependant, une fois que le plan d’affaires a été jugé insuffisant, les autres éléments de preuve n’étaient plus pertinents. L’expérience, les études et les relations, entre autres, des demanderesses n’ont aucune importance en l’absence d’un plan d’affaires valable. Contrairement à ce qu’a soutenu l’avocate des demanderesses, aucune mise en balance n’était requise une fois que le plan d’affaires a été jugé insuffisant.

[13] Par conséquent, le fait que l’agent n’ait examiné que le plan d’affaires était raisonnable.

V. Certification aux fins d’un appel

[14] Aucune question n’a été proposée aux fins de certification en vue d’un appel.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3257-21

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3436-21

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Noémie Pellerin Desjarlais


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3257-21

 

INTITULÉ :

ELVAN TEKCAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

ET DOSSIER :

IMM-3436-21

 

INTITULÉ :

GODZE EDA TEKCAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Par téléconférence au moyen de Zoom

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 AVRIL 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 MAI 2022

 

COMPARUTIONS :

Athena Portokalidis

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

David Knapp

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bellissimo Law Group PC

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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