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Date : 20220421


Dossier : IMM-4168-21

Référence : 2022 CF 574

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2022

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

JOEL EDUARDO VILLANUEVA LOPEZ

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [la SAR] ayant confirmé la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a conclu que M. Villanueva Lopez [le demandeur] jouissait d’une possibilité de refuge intérieur [une PRI] dans son pays d’origine, le Mexique, et que par conséquent, il n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[2] La demande de contrôle judiciaire est fondée sur l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] et la demande d’asile a été déposée en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR.

I. Faits

[3] Les faits en l’espèce sont plutôt simples. M. Villanueva Lopez soutient qu’il craint d’être persécuté par des membres du Cartel Del Noreste (CDN). Des incidents survenus durant une courte période à l’été de 2018 l’ont amené à quitter le Mexique pour l’Allemagne où, affirme-t-il, il avait l’intention de demander l’asile. Or, il ne l’a jamais fait. Plus tard, mais rapidement, il a décidé de venir au Canada.

[4] Le demandeur est originaire de Guadalupe, dans l’État du Nuevo León. Il a travaillé à la ferme de son oncle à Guadalupe, en plus d’être un chauffeur pour Uber. Au début de juin 2018, le demandeur aurait été approché par des membres du CDN. Ils lui ont demandé de les conduire à différents endroits. Il a été approché les 5 et 11 juin afin d’effectuer des courses pour le cartel. Le 23 juin, on lui a encore demandé d’effectuer des courses. Il a refusé et on lui a dit qu’il devrait payer 2 000 pesos par semaine. Il a versé la somme en deux occasions, soit les semaines des 2 et 9 juillet. Le 16 juillet, le demandeur a informé la personne qui percevait l’argent pour le compte du cartel qu’il n’était pas en mesure de payer. Le même jour, en soirée, il a été enlevé, transporté à bord d’un camion, puis battu, électrocuté et étouffé. Après avoir repris connaissance, il a trouvé refuge chez un ami.

[5] Il est parti pour l’Allemagne, où il dit avoir un ami, en septembre 2018 (il avait acheté son billet en juin 2018). Entre juillet et septembre 2018, le demandeur s’est rendu deux fois aux États-Unis. Le premier séjour visait à revoir sa famille et à évaluer la situation et le deuxième consistait à rendre service à un membre de sa famille en échange d’une somme d’argent (décision de la SPR, para 4). Précisons que le demandeur n’a pas demandé l’asile aux États-Unis. À son retour au Mexique après son deuxième séjour, il a habité chez un autre ami.

[6] En septembre 2018, le demandeur a quitté le Mexique pour l’Allemagne. Malgré qu’il eut affirmé vouloir demander l’asile dans ce pays, il ne l’a pas fait en raison, a-t-il dit, de l’afflux de réfugiés syriens à la même époque. Plus tard en septembre 2018, le demandeur est arrivé au Canada où il a présenté une demande d’asile six mois après, en mars 2019, en raison de sa crainte du CDN. Après son arrivée au Canada, le demandeur a appris de membres de sa famille que le cartel s’était rendu chez lui à Guadalupe et qu’ils avaient extorqué de l’argent à son oncle en plus de demander où se trouvait son neveu.

II. Décision de la SAR

[7] C’est bien sûr la décision de la SAR qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire. Il suffit de dire que la SPR a jugé que le demandeur disposait d’une PRI dans deux villes mexicaines situées respectivement à 1 000 et 2 000 km du Nuevo León, l’État d’où il est originaire et qui est tout près de la frontière américaine.

[8] Devant la SAR, le demandeur a soutenu que la SPR avait commis une erreur dans son analyse de la disponibilité d’une PRI et de l’existence d’un risque généralisé. Le demandeur n’a soumis aucun nouvel élément de preuve en appel et n’a pas demandé à la SAR de tenir une audience. La question déterminante était celle de la disponibilité d’une PRI viable au Mexique. La SAR a mené un examen indépendant du dossier, puis a conclu que la décision de la SPR était correcte et que le demandeur avait bel et bien une PRI viable.

[9] Au paragraphe 12 de sa décision, la SAR a résumé comme suit le critère à deux volets relatif à la disponibilité d’une PRI établi par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 et Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 :

[traduction]

(1) Le Tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités que le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la partie du pays où, selon [lui], il existe une possibilité de refuge ou que le demandeur d’asile ne serait pas personnellement exposé soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumis à la torture dans la PRI.

(2) La situation dans la partie du pays que l’on estime constituer une PRI doit être telle qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d’y chercher refuge, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles qui sont particulières au demandeur d’asile.

[10] La SAR a ensuite conclu que, s’agissant du premier volet, l’agent du préjudice n’avait pas la motivation ni les moyens de trouver le demandeur là où il pourrait se réfugier dans son pays d’origine. La SAR a déclaré être d’accord avec la SPR qui avait conclu que l’affirmation du demandeur — selon laquelle les PRI n’étaient pas adéquates en raison de la tentation qu’il pourrait avoir de rendre visite à sa famille [traduction] « si quelque chose d’important se produisait », concernait le deuxième critère. En effet, la question à trancher en l’espèce est celle du caractère raisonnable d’une réinstallation dans l’une ou l’autre des PRI proposées. C’est sur cette base que l’évaluation a été effectuée.

[11] Au sujet de la situation personnelle du demandeur, la SAR a conclu que les PRI proposées étaient objectivement raisonnables. Le demandeur est un jeune homme sans personne à charge; il a étudié en génie civil à l’université et a obtenu un diplôme en cuisine; il a occupé divers emplois au Mexique, notamment dans l’industrie hôtelière et comme chauffeur pour Uber. Dans son pays, il a travaillé sur un ranch et au Canada, il a été chauffeur de camion. Il a déménagé à plusieurs reprises à l’intérieur même du Mexique. Les compétences qu’il a acquises sont un atout pour ce qui est d’une réinstallation et de la recherche d’un emploi. Citant l’arrêt Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164 (CAF) [Ranganathan], la SAR a souligné qu’il « ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur [...]. »

[12] Enfin, la SAR a conclu que le demandeur n’était pas ciblé en raison de son profil. En effet, c’est l’ensemble de la population qui est exposée au risque d’être recruté par un cartel.

III. Norme de contrôle et analyse

[13] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, et c’est effectivement cette norme qu’il convient d’appliquer. Le paragraphe 6 de la décision Ambroise c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 62 résume bien les facteurs à prendre en considération quand un demandeur conteste le caractère raisonnable d’une décision relative à la PRI :

[6] La première question a trait au bien-fondé de la décision de la SAR concernant l’existence d’une PRI. Les parties conviennent que cette question doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux paragraphes 16, 23 à 25; Tariq c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1017 au paragraphe 14. Une décision raisonnable est une qui est justifiée, transparente et intelligible du point de vue des individus auxquels la décision s’applique, « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » lue dans son ensemble et compte tenu du contexte administratif, du dossier dont le décideur était saisi et des observations des parties : Vavilov aux paragraphes 81, 85, 91, 94 à 96, 99, 127 à 128). La question de justification de la décision est à la lumière de la preuve dont disposait le décideur : Vavilov aux paragraphes 125 à 126. Les décideurs administratifs ne sont pas requis à répondre « à tous les arguments ou modes possibles d’analyse » soulevés par les parties, mais le caractère raisonnable d’une décision peut être compromis si le décideur ne tient pas compte d’une preuve pertinente : Vavilov aux paragraphes 125 à 128.

La cour de révision ne statue pas sur le bien-fondé de la décision, mais plutôt sur son caractère raisonnable (ce qui est réaffirmé une fois de plus dans l’arrêt Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Bafakih, 2022 CAF 18 au para 52).

[14] Le demandeur se limite à contester le caractère raisonnable de l'analyse fondée sur le deuxième volet du critère. Il soutient donc que les conditions dans lesquelles il aurait pu bénéficier d’une PRI sont telles qu’il n’aurait pas été raisonnable de se réfugier dans les endroits proposés.

[15] Le point de départ de l’analyse relative au deuxième volet du critère est la décision rendue par la CAF, il y a 30 ans, dans l’affaire Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706. De par sa nature, le concept de la PRI ne constitue pas un moyen de défense ni une quelconque doctrine juridique. IlCe concept est tout simplement inhérent à la définition d’un réfugié au sens de la Convention. Si une personne est en mesure de demander l’asile dans son propre pays, alors elle devrait le faire. La Cour d’appel a écrit ce qui suit à la page 710 :

[P]uisque, par définition, le réfugié au sens de la Convention doit être un réfugié d’un pays, et non d’une certaine partie ou région d’un pays, le demandeur ne peut être un réfugié au sens de la Convention s’il existe une possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Il s’ensuit que la décision portant sur l’existence ou non d’une telle possibilité fait partie intégrante de la décision portant sur le statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur. Je ne vois aucune raison de déroger aux normes établies par les lois et la jurisprudence et de traiter de la question de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays comme s’il s’agissait d’un refus d’accorder ou de maintenir le statut de réfugié au sens de la Convention.

Le premier volet du critère portera principalement sur la capacité de l’agent du préjudice à localiser le demandeur au pays, parce qu’il a les moyens et la motivation de retrouver le demandeur et de lui faire du mal.

[16] En l’espèce, l’accent a été mis sur le deuxième volet. Le demandeur affirme que s’il trouvait refuge ailleurs au Mexique, cela équivaudrait à être empêché de communiquer avec sa famille ou de lui rendre visite, ou inversement. Cette affirmation découle du fait qu’apparemment, l’oncle du demandeur serait toujours victime d’[traduction] « extorsion » de la part du CDN, ce qui montre que le cartel est toujours actif.

[17] Selon ce que je comprends du témoignage du demandeur, il préférerait être contraint de voyager au Mexique depuis un autre pays, comme le Canada, plutôt que de se trouver au Mexique en ayant la possibilité de se rendre là où se trouve sa famille, dans l’éventualité où une occasion spéciale lui donnerait envie de lui rendre visite. À titre d’exemple, à la page 343 de la version anglaise du dossier certifié du tribunal (DCT), on peut lire ce qui suit : [traduction] « Je serais tenté de retourner dans ma ville si quelque chose [comme des funérailles, disait-il à la page 342] se passait dans ma famille, une raison majeure, un événement majeur; je préfère ne pas y penser. »

[18] Le fardeau qui incombe au demandeur a été confirmé en ces termes dans l’arrêt Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 (CAF) [Thirunavukkarasu], à la page 597 :

Ainsi, le demandeur du statut est tenu, compte tenu des circonstances individuelles, de chercher refuge dans une autre partie du même pays pour autant que ce ne soit pas déraisonnable de le faire. Il s’agit d’un critère souple qui tient compte de la situation particulière du demandeur et du pays particulier en cause. C’est un critère objectif et le fardeau de la preuve à cet égard revient au demandeur tout comme celui concernant tous les autres aspects de la revendication du statut de réfugié. Par conséquent, s’il existe dans leur propre pays un refuge sûr où ils ne seraient pas persécutés, les demandeurs de statut sont tenus de s’en prévaloir à moins qu’ils puissent démontrer qu’il est objectivement déraisonnable de leur part de le faire.

[Non souligné dans l’original.]

Dès lors qu’une PRI a été désignée, le fardeau de démontrer qu’il serait objectivement déraisonnable de se réfugier dans son propre pays incombe au demandeur. Et il s’agit d’un lourd fardeau.

[19] La Cour d’appel a fait suivre le passage que nous venons de citer d’une explication plutôt détaillée des circonstances qui doivent exister pour qu’une PRI soit jugée objectivement déraisonnable. L’extrait pertinent de l’arrêt Thirunavukkarasu est reproduit dans l’arrêt Ranganathan. Je cite à mon tour les trois paragraphes tirés de l’arrêt Thirunavukkarasu :

Permettez-moi de préciser. Pour savoir si c’est raisonnable, il ne s’agit pas de déterminer si, en temps normal, le demandeur choisirait, tout compte fait, de déménager dans une autre partie plus sûre du même pays après avoir pesé le pour et le contre d’un tel déménagement. Il ne s’agit pas non plus de déterminer si cette autre partie plus sûre de son pays lui est plus attrayante ou moins attrayante qu’un nouveau pays. Il s’agit plutôt de déterminer si, compte tenu de la persécution qui existe dans sa partie du pays, on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il cherche refuge dans une autre partie plus sûre de son pays avant de chercher refuge au Canada ou ailleurs. Autrement dit pour plus de clarté, la question à laquelle on doit répondre est celle-ci : serait-ce trop sévère de s’attendre à ce que le demandeur de statut, qui est persécuté dans une partie de son pays, déménage dans une autre partie moins hostile de son pays avant de revendiquer le statut de réfugié à l’étranger?

La possibilité de refuge dans une autre partie du même pays ne peut pas être seulement supposée ou théorique; elle doit être une option réaliste et abordable. Essentiellement, cela veut dire que l’autre partie plus sûre du même pays doit être réalistement accessible au demandeur. S’il y a des obstacles qui pourraient se dresser entre lui et cette autre partie de son pays, le demandeur devrait raisonnablement pouvoir les surmonter. On ne peut exiger du demandeur qu’il s’expose à un grand danger physique ou qu’il subisse des épreuves indues pour se rendre dans cette autre partie ou pour y demeurer. Par exemple, on ne devrait pas exiger des demandeurs de statut qu’ils risquent leur vie pour atteindre une zone de sécurité en traversant des lignes de combat alors qu’il y a une bataille. On ne devrait pas non plus exiger qu’ils se tiennent cachés dans une région isolée de leur pays, par exemple dans une caverne dans les montagnes, ou dans le désert ou dans la jungle, si ce sont les seuls endroits sûrs qui s’offrent à eux. Par contre, il ne leur suffit pas de dire qu’ils n’aiment pas le climat dans la partie sûre du pays, qu’ils n’y ont ni amis ni parents ou qu’ils risquent de ne pas y trouver de travail qui leur convient. S’il est objectivement raisonnable dans ces derniers cas de vivre dans une telle partie du pays sans craindre d’être persécuté, alors la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays existe et le demandeur de statut n’est pas un réfugié.

En conclusion, il ne s’agit pas de savoir si l’autre partie du pays plait ou convient au demandeur, mais plutôt de savoir si on peut s’attendre à ce qu’il puisse se débrouiller dans ce lieu avant d’aller chercher refuge dans un autre pays à l’autre bout du monde. Ainsi, la norme objective que j’ai proposée pour déterminer le caractère raisonnable de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays est celle qui se conforme le mieux à la définition de réfugié au sens de la Convention. Aux termes de cette définition, il faut que les demandeurs de statut ne puissent ni ne veuillent, du fait qu’ils craignent d’être persécutés, se réclamer de la protection de leur pays d’origine, et ce, dans n’importe quelle partie de ce pays. Les conditions préalables de cette définition ne peuvent être respectées que s’il n’est pas raisonnable pour le demandeur de chercher et d’obtenir la protection contre la persécution dans une autre partie de son pays.

[Non souligné dans l’original.]

[20] Non seulement dans l’arrêt Ranganathan la Cour d’appel fédérale a-t-elle cité abondamment l’arrêt Thirunavukkarasu, mais elle a précisé encore davantage les conditions à établir et parlé d’une barre placée très haut à cet égard, notamment pour ce qui est de la nécessité de produire des éléments de preuve réels et concrets :

[15] Selon nous, la décision du juge Linden, pour la Cour d’appel, indique qu’il faille placer la barre très haute lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui est déraisonnable. Il ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions. L’absence de parents à l’endroit sûr, prise en soi ou conjointement avec d’autres facteurs, ne peut correspondre à une telle condition que si cette absence a pour conséquence que la vie ou la sécurité du revendicateur est mise en cause. Cela est bien différent des épreuves indues que sont la perte d’emploi ou d’une situation, la diminution de la qualité de vie, le renoncement à des aspirations, la perte d’une personne chère et la frustration des attentes et des espoirs d’une personne.

[Non souligné dans l’original.]

[21] Sur la question précise de l’absence de parents, la Cour d’appel a ajouté que s’il est vrai qu’il s’agit là d’un facteur pertinent, « [elle] y établit clairement que l’absence de parents n’est pas en soi un élément suffisant pour que la PRI soit déraisonnable. Lorsqu’une personne doit abandonner la douceur de son foyer pour aller s’installer dans une autre partie du pays, y trouver du travail et recommencer sa vie loin de sa famille et de ses amis, elle est assurément confrontée à des épreuves, et même à des épreuves indues. Toutefois, ce ne sont pas là les épreuves indues dont notre Cour fait état dans l’arrêt Thirunavukkaranasu » (para 14).

[22] Le demandeur s’est appuyé sur deux décisions de la Cour : Ali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 93 et Rivera Benavides c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 810). À mon avis, aucune de ces deux décisions n’aide le demandeur, compte tenu des arrêts de la Cour d’appel susmentionnés, qui lient notre Cour. En l’espèce, le seul argument soulevé est que si le demandeur est toujours au Mexique, la tentation sera forte de revenir là où se trouve sa famille si un événement important survient. Cet argument à lui seul est loin d’être convaincant puisque la norme applicable exige que les conditions qui mettent en péril la vie et la sécurité d’un demandeur soient démontrées par des éléments de preuve réels et concrets. En effet, la différence entre être réinstallé à 2 000 km de sa résidence, mais toujours au Mexique, et être au Canada à trois heures d’avion n’est pas du tout évidente. L’impossibilité d’être avec ses proches n’est pas en soi une raison de considérer comme étant déraisonnable le fait de trouver refuge dans son propre pays. Dans l’arrêt Thirunavukkarasu, la Cour d’appel a déclaré qu’il s’agit « plutôt de savoir si on peut s’attendre à ce [que le demandeur] puisse s’accommoder de ce lieu ».

[23] Le demandeur avait le lourd fardeau de convaincre la SAR qu’il serait objectivement déraisonnable de se réinstaller dans les deux villes ciblées comme étant des PRI viables. Or, il n’a pas convaincu la Cour, lors du contrôle judiciaire, que la décision de la SAR n’était pas raisonnable. La décision de la SAR était raisonnable.

[24] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Aucune question à certifier au titre de l’article 74 de la LIPR n’a été proposée, et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4168-21

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée au titre de l’article 74 de la LIPR.

« Yvan Roy »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie-Marie Bissonnette, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4168-21

 

INTITULÉ :

JOEL EDUARDO VILLANUEVA LOPEZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 AVRIL 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 21 AVRIL 2022

 

COMPARUTIONS :

Patil Tutunjian

 

Pour le demandeur

 

Thi My Dung Tran

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Patil Tutunjian

Avocate

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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