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Date : 20060710

Dossier : T-459-05

Référence : 2006 CF 858

Ottawa (Ontario), le 10 juillet 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

 

ENTRE :

TRADITION FINE FOODS LTD.

demanderesse

et

 

GROUPE TRADITION’L INC.

 

 

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

1.         Introduction

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), par lequel Tradition Fine Foods Ltd (la demanderesse) conteste une décision de la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission) en date du 16 décembre 2004. La Commission a rejeté l’opposition de la demanderesse à la demande d’enregistrement de la marque de commerce BAGEL TRADITION’L ET DESSIN présentée par Groupe Tradition’l Inc. (la défenderesse).

 

2.         Contexte factuel

[2]               La demanderesse, une société constituée sous le régime des lois de l’Ontario, a entrepris ses activités en 1983. Depuis sa création, elle fabrique et vend un assortiment de produits de boulangerie congelés, notamment des muffins, pâtes à gâteaux et à biscuits, croissants, pâtisseries danoises et autres pâtisseries. En 1990, la demanderesse a commencé à vendre aussi des produits de boulangerie frais. Les marchandises de la demanderesse sont vendues en liaison avec la marque de commerce TRADITION à différents distributeurs alimentaires qui les revendent ensuite en différents points de vente au détail comme des épiceries, dépanneurs, boulangeries de beignes et muffins et des restaurants. La demanderesse vend également ses produits à des établissements comme des hôtels.

 

[3]               La demanderesse possède au Canada plusieurs marques de commerce comprenant le mot TRADITION pour emploi en liaison avec des produits de boulangerie. Elle a obtenu des certificats d’enregistrement pour les marques de commerce suivantes :

 

a)         TRADITION

pour emploi en liaison avec des produits de boulangerie congelés, nommément pâtes à muffins, à gâteaux et à biscuits, croissants, danoises et autres pâtisseries. Certificat d’enregistrement no TMA406,696 reçu le 8 janvier 1993. 

b)        

 

 

pour emploi en liaison avec des produits de boulangerie congelés, nommément pâtes à gâteaux et à muffins. Certificat d’enregistrement no TMA409,680 reçu le 19 mars 1993. Le droit à l’usage exclusif du mot « Bake » en dehors de la marque de commerce n’est pas accordé.

 

 

c)         TRADITION

pour emploi en liaison avec des produits de boulangerie, nommément muffins, croissants, biscuits, gâteaux et pâtisseries. Certificat d’enregistrement no TMA487,365 reçu le 22 décembre 1997.

d)

           

 

pour emploi en liaison avec de la pâte à muffins et des muffins cuits au four ainsi qu’avec des biscuits. Certificat d’enregistrement no TMA503,636 reçu le 4 novembre 1998. Le droit à l’usage exclusif de la représentation d’un muffin, dans le cas de marchandises désignées comme pâte à muffins et muffins cuits au four en dehors de la marque de commerce n’est pas accordé.

 

 

[4]               La demanderesse utilise aussi le nom commercial TRADITION FINE FOODS pour désigner son entreprise depuis 1983. Ce nom figure sur l’emballage de tous les produits vendus en liaison avec la marque de commerce TRADITION.

 

[5]               La défenderesse a entrepris ses activités en 1989. Comme ses prédécesseurs, elle confectionne principalement une variété de bagels vendus frais ou congelés, emballés ou en vrac. La défenderesse confectionne et vend aussi des pizzas-bagels et du fromage à la crème. Elle prépare et vend ses marchandises par l’intermédiaire de sa fabrique-restaurant située à Sillery, au Québec.

 

[6]               Le 13 mai 1997, la société qui a précédé la défenderesse, 3102-6636 Québec Inc., a demandé l’enregistrement de la marque de commerce en cause dans le présent appel. La demande no 844,912 vise l’enregistrement d’un emploi projeté; la marque de commerce projetée est destinée à être employée en liaison avec des produits de boulangerie, nommément bagel, pizza-bagel, pâte et pâtisserie et autres produits alimentaires (nommément fromage en crème) et en liaison avec l’exploitation de restaurants et d’autres services connexes (nommément : préparation de mets à apporter et services de traiteurs). La marque de commerce projetée de la défenderesse est reproduite ci-dessous :

 

 

 

 

 

Dans sa demande, la défenderesse s’est désistée du droit à l’usage exclusif du mot « Bagel » en dehors de la marque de commerce.

 

[7]               La défenderesse est déjà propriétaire de deux marques de commerce qui utilisent les mots BAGEL TRADITION’L :

 

 

 

a)        

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

pour emploi en liaison avec des produits de boulangerie nommément : bagel, pizza-bagel, pâtisseries et autres produits alimentaires, nommément : fromage en crème. Certificat d’enregistrement no TMA497,624 reçu le 22 juillet 1998. Le droit à l’usage exclusif des mots « bagel » et « café » en dehors de la marque de commerce n’est pas accordé.

 

 

 

 

b)         BAGEL TRADITION’L

 

pour emploi en liaison avec des produits de boulangerie, nommément : bagel, pizza-bagel, pâtisserie et autres produits alimentaires, nommément : fromage en crème. Certificat d’enregistrement no TMA497,625 reçu le 22 juillet 1998. Le droit à l’usage exclusif du mot « bagel » en dehors de la marque de commerce n’est pas accordé.

 

 

 

[8]               Le 28 janvier 1998, le registraire des marques de commerce, ayant conclu qu’il existait un doute quant au caractère enregistrable de la marque de commerce revendiquée par la défenderesse, a publié la demande de cette dernière dans le Journal des marques de commerce, conformément au paragraphe 37(3) de la Loi, afin de donner à toute partie qui pourrait être intéressée l’occasion de s’opposer à la demande.

 

[9]               Le 14 mai 1998, la demanderesse a déposé une déclaration d’opposition à l’enregistrement de la marque de commerce de la défenderesse. Conformément au paragraphe 38(2) de la Loi, la demanderesse a fait valoir les motifs d’opposition énoncés ci dessous :

 

1)         suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi, la marque de commerce de la défenderesse n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce de la demanderesse;

 

2)         suivant le paragraphe 16(3) de la Loi, la défenderesse n’est pas une personne admise à l’enregistrement de sa marque de commerce, parce que cette marque crée de la confusion avec les marques de commerce de la demanderesse;

 

3)         la marque de commerce de la défenderesse n’est pas distinctive des marchandises et services offerts par la défenderesse ainsi que l’exige l’article 2 de la Loi.

 

La demanderesse a aussi allégué que la défenderesse n’avait pas droit à l’enregistrement de sa marque de commerce projetée parce qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi, suivant lequel la défenderesse devait joindre à sa demande d’enregistrement une déclaration portant qu’elle a le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises décrites dans sa demande. La demanderesse a ensuite renoncé à ce motif d’opposition. 

 

[10]           Le 22 octobre 1998, la défenderesse a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie les motifs d’opposition de la demanderesse. La défenderesse insiste notamment sur le fait qu’elle est propriétaire de marques de commerce semblables qui comportent les mots BAGEL TRADITION’L et qu’elle emploie ces mots en liaison avec des produits de boulangerie depuis mai 1989. La défenderesse revendique aussi l’emploi des noms de commerce Bagel Tradition’l et Bagel Tradition’l Café.

 

[11]           Le 16 décembre 2004, le registraire des marques de commerce, statuant au nom de la Commission, a rejeté l’opposition de la demanderesse. La Commission a jugé que la défenderesse avait prouvé, suivant la prépondérance de la preuve, qu’il n’existait aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce de la demanderesse et la marque projetée de la défenderesse. La Commission a conclu en outre que la demanderesse n’avait pas établi que la marque de commerce de la défenderesse n’est pas distinctive. 

 

3.         Droit applicable

[12]           L’opposition de la demanderesse porte essentiellement sur deux motifs : la confusion et le caractère distinctif. Dans les paragraphes qui suivent, j’exposerai les dispositions de la Loi qui se rapportent à ces motifs d’opposition et ferai état de la jurisprudence pertinente. Le texte des dispositions pertinentes de la Loi est reproduit à l’annexe « A » des présents motifs.

 

A.        Confusion

[13]           L’alinéa 12(1)d) de la Loi prévoit qu’une marque de commerce n’est pas enregistrable si elle crée de la confusion avec une marque déposée. De même, l’alinéa 16(3)c) interdit l’enregistrement d’une marque de commerce en vue d’un emploi projeté, si cette marque crée de la confusion avec une marque de commerce non déposée qui a été antérieurement employée au Canada ou à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement a été présentée.

 

[14]           L’article 2 de la Loi définit le terme « créant de la confusion »; cependant, c’est à l’article 6 que l’on trouve les critères régissant la confusion entre les marques de commerce. Plus précisément, le paragraphe 6(2) énonce que de la confusion survient lorsqu’un acheteur éventuel est susceptible de conclure erronément que les marchandises ou services liés aux marques de commerce respectives sont fabriqués ou exécutés par la même personne. Cette disposition s’applique uniquement lorsque les marques de commerce sont employées ou que leur emploi est projeté dans la même région. Pour décider si des marques de commerce créent de la confusion, la Commission doit examiner les cinq facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, soit :

 

a)         le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues;

 

b)         la période pendant laquelle la marque de commerce a été en usage;

 

c)         le genre de marchandises, services ou entreprises;

 

d)         la nature du commerce;

 

e)         le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

 

 

Cette liste n’est pas exhaustive; la Commission doit aussi tenir compte de tout autre facteur pertinent au regard de « toutes les circonstances de l’espèce » : voir les arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, au paragraphe 54, et Veuve Clicquot Ponsardin, Maison Fondée en 1772 c. Boutiques Cliquot Ltée, Mademoiselle Charmante Inc. et 3017320 Canada Inc., 2006 CSC 23, au paragraphe 21. De plus, puisque cette appréciation dépend du contexte, le poids attribué à chacun des facteurs examinés peut varier. La preuve d’une confusion réelle constitue un facteur pertinent, mais elle n’est pas nécessaire, même dans les cas où les marques de commerce ont été exploitées dans la même zone de marché pendant une longue période. Cependant, une conclusion défavorable peut être tirée de l’absence d’une telle preuve lorsqu’une preuve abondante indique un emploi simultané : voir Christian Dior S.A. c. Dion Neckwear Ltd. (C.A.), [2002] 3 C.F. 405, 2002 CAF 29.

 

[15]           La date pertinente pour trancher la question de la confusion dépend de la disposition invoquée. Lorsqu’il s’agit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, la date pertinente est celle de la décision de la Commission : voir l’arrêt Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et al. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.), à la page 422. Par ailleurs, la date pertinente pour décider s’il y a confusion aux termes du paragraphe 16(3) est celle de la production de la demande d’enregistrement, comme le précise cette disposition.

 

[16]           En ce qui concerne la charge de la preuve, il incombe d’abord à la partie qui s’oppose à l’enregistrement de démontrer qu’elle avait déjà employé sa marque de commerce avant la date pertinente. Une fois cette preuve établie, il revient à la personne qui demande l’enregistrement d’établir selon la prépondérance de la preuve qu’il n’y a pas probabilité raisonnable de confusion : voir Sunshine Biscuits Inc. c. Corporate Foods Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 53 (C.F. 1re inst.). S’il existe un doute quelconque quant à savoir si la personne qui demande l’enregistrement d’une marque de commerce satisfait à l’exigence concernant l’absence de « probabilité raisonnable de confusion », la Commission doit rejeter la demande : voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183, à la page 188.

 

[17]           La question de savoir si des marques de commerce créent de la confusion dépend de la première impression d’un « acheteur ordinaire pressé » : voir l’arrêt Mattel, au paragraphe 56. Dans l’arrêt Miss Universe Inc. c. Bohna, [1995] 1 C.F. 614 (C.A.F.) au paragraphe 9, le juge Robert Décary s’est exprimé comme suit :

 

Pour décider si l’emploi d’une marque de commerce ou d’un nom commercial cause de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial, la Cour doit se demander si, comme première impression dans l’esprit d’une personne ordinaire ayant un vague souvenir de l’autre marque ou de l’autre nom, l’emploi des deux marques ou des deux noms, dans la même région et de la même façon, est susceptible de donner l’impression que les services reliés à ces marques ou à ces noms sont fournis par la même personne, que ces services appartiennent ou non à la même catégorie générale. (Renvois omis)

 

[18]           La Cour suprême du Canada a récemment confirmé ce principe dans l’arrêt Mattel, au paragraphe 56.

Quel point de vue faut-il alors adopter pour apprécier la probabilité d’une « conclusion erronée »? Ce n’est pas celui de l’acheteur prudent et diligent. Ni, par ailleurs, celui du « crétin pressé », si cher à certains avocats qui plaident en matière de commercialisation trompeuse : Morning Star Co-Operative Society Ltd. c. Express Newspapers Ltd., [1979] F.S.R. 113 (Ch. D.), p. 117. C’est plutôt celui du consommateur mythique se situant quelque part entre ces deux extrêmes, surnommé « l’acheteur ordinaire pressé » par le juge en chef Meredith dans une décision ontarienne de 1927 : Klotz c. Corson (1927), 33 O.W.N. 12 (C.S.), p. 13. Voir aussi Barsalou c. Darling (1882), 9 R.C.S. 677, p. 693. Dans Aliments Delisle Ltée. c. Anna Beth Holdings Ltd. (1992), 45 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.), le registraire a dit, à la p. 538 :

 

Pour évaluer la question de la confusion, il faut examiner les marques de commerce du point de vue du consommateur moyen pressé, ayant une réminiscence imparfaite de la marque de l’opposante, qui pourrait tomber sur la marque de commerce de la requérante utilisée sur le marché en liaison avec ses marchandises. 

 

 

[19]           De plus, pour évaluer si des marques de commerce créent de la confusion, la Commission (tout comme la Cour) doit examiner les marques de commerce dans leur ensemble, comme l’a exposé la juge Alice Desjardins dans l’arrêt Park Avenue Furniture, précité, à la page 426.

 

Je suis d’accord avec l’appelante pour dire que les marques doivent être examinées dans leur ensemble. Sur ce point précis, voici ce que déclare H. G. Fox :

 

[Traduction] Pour appliquer ces critères, le premier principe à invoquer est celui selon lequel les marques doivent être examinées dans leur ensemble et non en tant qu’éléments distincts. Il faut analyser l’idée qu’évoque chaque marque, c’est-à-dire l’impression nette qu’elle laisse globalement dans l’esprit. C’est la marque en son entier qu’il faut examiner pour en arriver ensuite à une décision sur la question de savoir si cette marque est susceptible de créer de la confusion avec une marque déjà enregistrée […] Le véritable critère est celui de savoir si l’ensemble de la marque dont on projette l’enregistrement risque de causer une erreur, de tromper ou de créer de la confusion dans l’esprit des personnes habituées à la marque de commerce existante. C’est la combinaison des marques dans leur ensemble qu’il faut examiner, et c’est leur effet ou idée générale qu’il faut comparer.

 

 

            B.         Caractère descriptif

[20]           L’alinéa 12(1)b) prévoit qu’une marque de commerce qui donne « une description claire » ou une description « trompeuse » ne peut être enregistrée. Pour qu’une marque de commerce soit considérée donner une « description claire », elle doit faire plus que suggérer simplement la nature ou la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée ou à l’égard desquels on projette de l’employer. Comme l’a indiqué la juge Danielle Tremblay‑Lamer dans la décision ITV Technologies c. WIC Television Ltd., 2003 CF 1056 au paragraphe 67, le caractère descriptif doit plutôt s’appliquer à « la composition matérielle » des marchandises ou services qui forment l’objet de la marque de commerce, ou se rapporter à « une de leurs qualités intrinsèques évidentes », par exemple une caractéristique, une particularité ou un trait inhérents au produit même. La juge Tremblay‑Lamer a ajouté, au paragraphe 71, qu’il s’agit d’une question de première impression.

 

Le critère applicable au point de savoir si une marque de commerce enfreint l’alinéa 12(1)b) est celui de la première impression ou de l’impression immédiate. La décision ne doit pas être fondée sur les résultats d’une recherche ou d’une analyse critique touchant la signification des mots (Oshawa Group Ltd. c. Registraire des marques de commerce, [1981] 2 C.F. 18). Le terme « claire » de l’alinéa 12(1)b) n’est pas synonyme d’exacte, mais signifie plutôt facile à comprendre, évident ou simple (Drackett Co. of Canada c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29). En outre, l’impression doit être appréciée du point de vue de l’acheteur ou de l’utilisateur ordinaire des marchandises ou services (Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1978), 40 C.P.R. (2d) 25). Le point de vue des experts ou des personnes possédant des connaissances spéciales n’est pas représentatif de celui du consommateur moyen (Consorzio del Prosciutto de Parma c. Maple Leaf Meats Inc., [2001] 2 C.F. 536).

 

 

La responsabilité de démontrer qu’une marque de commerce projetée donne « une description claire » ou « une description fausse et trompeuse » incombe à la partie qui s’oppose à l’enregistrement : voir Best Canadian Motor Inns Ltd. c. Best Western International Inc. (2000), 30 C.P.R. (4th) 481, au paragraphe 24.

 

C.        Caractère distinctif

[21]           Une marque qui donne « une description claire » ou « une description fausse et trompeuse » des marchandises ou services et qui, dès lors, n’est pas enregistrable en application de l’alinéa 12(1)b), peut néanmoins être enregistrable si elle est « distinctive » aux termes du paragraphe 12(2). L’article 2 de la Loi définit comme « distinctive » une marque de commerce qui soit a) distingue véritablement les marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée des autres marchandises, ou b) est adaptée à distinguer les marchandises.

 

[22]           Le juge Barry Strayer, dans Carling Breweries Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1985), 1 C.P.R. (3d) 191 à la page 197, a conclu que la charge de la preuve incombe à la partie qui demande l’enregistrement de la marque de commerce; il a précisé qu’il s’agit là d’une lourde charge :

 

Il existe de nombreux arrêts selon lesquels lorsqu’il faut démontrer [sic] qu’un terme habituellement descriptif a acquis une seconde signification de sorte qu’il décrit un produit particulier, la charge est en vérité très lourde : [renvois omis] […] Comme je l’ai fait remarquer plus haut, il appartient à la requérante de l’enregistrement d’une telle marque de démontrer clairement que le mot est devenu si distinctif de son produit qu’il a acquis une signification secondaire que le public concerné ne confondrait habituellement pas avec son sens premier.

 

 

4.         Preuve dont disposait la Commission

 

[23]           Chacune des parties a déposé à la Commission des affidavits accompagnés de pièces. De plus, les parties ont produit des observations écrites et présenté des plaidoiries au cours de l’audience fixée par la Commission.

 

[24]           Au soutien de son opposition, la demanderesse a présenté l’affidavit de Peter Glowczewski, fondateur et président de la société Tradition Fine Foods. Dans son affidavit, souscrit le 27 août 1999, M. Glowczewski témoigne de l’histoire de l’entreprise de la demanderesse et des marques déposées de cette dernière, qui comportent le mot TRADITION. Il précise en outre le chiffre d’affaires lié aux produits TRADITION et traite de l’emballage et de la promotion de ces produits. De nombreuses pièces annexées à son affidavit montrent l’emploi des marques de commerce de la demanderesse sur l’emballage de ses produits et les efforts qu’elle a déployés pour en faire la promotion; les exemples compris dans ces pièces ne portent aucune date. 

 

[25]           Durant son contre-interrogatoire, M. Glowczewski a reconnu que la demanderesse n’a commencé à vendre des bagels qu’en octobre 1995 et que les bagels de la demanderesse ne portaient pas les marques de commerce de la société. Les bagels étaient plutôt vendus exclusivement à des chaînes d’hôtels, dans des boîtes portant le nom de commerce de la demanderesse. M. Glowczewski a également admis que la demanderesse n’a jamais vendu ni pizzas-bagels ni fromage à la crème et qu’elle n’a pas non plus proposé de services de restauration ni de service traiteur. 

 

[26]           La preuve de la défenderesse consiste en trois affidavits, souscrits respectivement par François Joyet, Johanne Clouet et Doris Dion.

 

[27]           M. Joyet, président de Groupe Tradition’l Inc., témoigne de l’histoire et des activités commerciales de la défenderesse. Il fournit des éléments de preuve concernant l’emploi et l’enregistrement par sa société des marques de commerce BAGEL TRADITION’L au Canada. Il atteste aussi le montant total des ventes réalisées entre 1989 et 1999 sous la marque de commerce BAGEL TRADITION’L ainsi que le montant d’argent dépensé par la défenderesse durant la même période pour la mise en marché et la promotion. De nombreuses pièces annexées à l’affidavit de M. Joyet montrent l’emploi de la marque de commerce de la défenderesse; toutefois, les exemples contenus dans ces pièces ne sont pas datés. Enfin, M. Joyet déclare n’être au courant d’aucun incident de confusion entre les marques de commerce de la défenderesse comportant les mots BAGEL TRADITION’L et les marques de commerce de la demanderesse.

 

[28]           En contre-interrogatoire, M. Joyet a clarifié les dates relatives aux pièces jointes à son affidavit.

 

[29]           Mme Clouet, assistante juridique au cabinet McCarthy Tétrault (l’agent de marques de commerce de la défenderesse), affirme avoir acheté dans plusieurs épiceries au Québec, des produits dont l’étiquette comprend le mot « tradition ». L’affidavit de Mme Clouet est accompagné de quinze pièces jointes, qui comportent soit des étiquettes de produits sur lesquelles figure le mot « tradition », soit des reçus de ses achats de tels produits. Mme Clouet n’a pas été contre‑interrogée relativement à son affidavit.

 

[30]           Dans son affidavit, Mme Dion, une employée du cabinet McCarthy Tétrault, déclare avoir cherché, dans le site Internet de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, des marques de commerce contenant le mot « tradition »; elle affirme avoir trouvé 188 documents comportant ce mot. Elle a annexé les résultats de sa recherche à son affidavit. Mme Dion précise que des 188 marques de commerce qu’elle a relevées, 67 se rapportent à des produits alimentaires. Mme Dion n’a pas été contre-interrogée relativement à son affidavit. 

 

[31]           En réplique, la demanderesse a produit un affidavit souscrit par Patricia MacFarlane. Cet affidavit n’est pas au dossier de la Cour.

 

5.         Décision de la Commission

 

[32]           Dans sa décision du 16 décembre 2004, la Commission a rejeté l’opposition de la demanderesse, ne retenant aucun des moyens invoqués. La décision de la Commission est répertoriée sous Tradition Fine Foods Ltd. c. 3102-6636 Québec Inc. (2004), 46 C.P.R. (4th) 185.

 

[33]           Dans ses motifs, la Commission a passé en revue la preuve soumise par les parties. En ce qui concerne l’affidavit de M. Glowczewski, la Commission a souligné que malgré la « preuve documentaire abondante », l’on trouvait peu d’information sur les périodes d’emploi des échantillons d’emballage annexés comme pièces au soutien de l’affidavit. La Commission a fait remarquer qu’elle avait dû s’en remettre au contre-interrogatoire de M. Glowczewski pour tenter d’établir les dates d’emploi de certains des emballages ou prospectus.

 

[34]           La Commission a déclaré que la seule preuve pertinente dans l’affidavit de M. Joyet a trait à l’emploi des marques déposées de la défenderesse. Quant aux pièces produites au soutien de l’affidavit de M. Joyet, la Commission a indiqué qu’elle ne tiendrait compte que des pièces pour lesquelles M. Joyet, lors de son contre-interrogatoire, a précisé une période d’emploi. Pour ce qui est des affidavits de Mmes Clouet et Dion, la Commission a fait savoir qu’elle prendrait en considération uniquement les emballages et marques de commerce correspondant précisément à des produits alimentaires. En conséquence, la Commission a conclu que six des exemples fournis par Mme Clouet et 21 des marques de commerce répertoriées par Mme Dion étaient pertinentes pour les besoins de l’instance. 

 

[35]           La Commission a également déclaré, au sujet de la preuve, qu’elle acceptait que la demanderesse employait le mot « tradition » servant de marque depuis 1984 au moins, en liaison avec des produits de boulangerie congelés et de la pâte congelée pour la préparation de produits de boulangerie. Toutefois, la Commission a aussi remarqué que la demanderesse n’avait commencé à vendre des bagels qu’en octobre 1995 et que ses bagels n’étaient empaquetés ni individuellement ni en vrac dans des emballages portant l’une de ses marques de commerce. En ce qui a trait aux ventes de la défenderesse, la Commission a souligné que cette dernière n’avait fourni aucun chiffre s’appliquant uniquement à l’emploi de la marque de commerce BAGEL TRADITION’L et, en conséquence, elle a conclu que les chiffres d’affaires présentés par la défenderesse n’étaient d’aucune utilité.

 

[36]           Pour les fins de la procédure d’opposition, la Commission a déclaré qu’elle comparerait les mots compris dans la marque de commerce projetée de la défenderesse avec le mot TRADITION servant de marque à la demanderesse puisque, de l’avis de la Commission «  il s’agit du cas où les chances de succès de [la demanderesse] sont les meilleures car les portions graphiques des autres marques de [la demanderesse] sont totalement différentes de la Marque [de la défenderesse] ». De plus, la Commission a indiqué que pour les fins de son analyse, elle « considérerai[t] […] l’emploi de l’une ou l’autre des marques graphiques de [la demanderesse] comme preuve d’usage de la marque vocable TRADITION ».

 

[37]           L’analyse de la Commission a porté principalement sur le motif d’opposition relatif à la « confusion ». Pour prendre sa décision, elle a traité explicitement des cinq facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi ainsi que de plusieurs facteurs additionnels. Sur la question de la confusion, la Commission a tiré les conclusions suivantes.

 

(i)         le caractère distinctif inhérent

[38]           Au chapitre du caractère distinctif inhérent des marques de commerce et de la mesure dans laquelle elles sont devenues connues, la Commission a estimé que ni les marques de commerce de la demanderesse ni la marque projetée de la défenderesse ne confèrent un caractère distinctif inhérent marqué. Plus précisément, en ce qui touche les marques de commerce de la demanderesse, la Commission a fait référence à la décision Tradition Fine Foods Ltd. c. The Oshawa Group Ltd. et al., 2004 CF 1011, dans laquelle le juge James O’Reilly, qui analysait le caractère distinctif inhérent des marques de commerce de la demanderesse, a exposé au paragraphe 38 : 

 

La marque de commerce de la demanderesse est un mot commun, qui suggère des qualités dignes d’être respectées et préservées et qui est naturellement associé à de bons aliments. Ce genre de marque de commerce est moins distinctif et reçoit généralement une protection moindre que les marques de commerce uniques : [renvois omis] La preuve démontre que beaucoup d’autres producteurs d’aliments emploient le nom « Tradition » ou un nom s’en rapprochant et que ces noms semblent coexister sans confusion dans le marché.

 

La Commission a aussi fait remarquer que la marque de commerce de la défenderesse est très faible « en raison de sa partie vocable hautement suggestive à savoir des bagels traditionnels ». Par comparaison, la Commission a conclu que les marques de commerce de la demanderesse sont plus connues que les marques déposées de la défenderesse, compte tenu particulièrement de ce que la défenderesse n’a fourni aucun chiffre d’affaires pour les produits portant la marque de commerce BAGEL TRADITION’L.

 

(ii)        la période d’usage

[39]           La Commission a conclu que le facteur relatif à la période d’usage des marques de commerce favorise la demanderesse. La Commission a reconnu que la demanderesse emploie ses marques de commerce au moins depuis 1984 et que la défenderesse exploite sa marque depuis 1997 ou 1998.

 

               (iii)       le genre de marchandises

[40]           Au regard du genre de marchandises, services ou entreprises, la Commission a fait remarquer que même si les marchandises de la demanderesse et celles de la défenderesse appartiennent à la même catégorie générale de « produits de boulangerie », il existe une différence entre un bagel et un muffin. Pour ce qui est des autres marchandises et services offerts par la défenderesse, comme la confection de produits à emporter et les services de traiteur, la Commission a conclu qu’ils ne sont pas du même genre que ceux offerts par la demanderesse.

 

[41]           Plus loin dans ses motifs, la Commission cite la décision du juge Louis-Marcel Joyal dans Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483. À la page 490, le juge Joyal déclare que la Commission et la Cour devraient se garder d’accorder une trop grande importance au fait que les marchandises de la partie demanderesse et celles de la partie opposante appartiennent à la « même catégorie générale », surtout dans le cas d’une ou de plusieurs marques faibles.

 

(iv)       la nature du commerce

[42]           Quant à la nature du commerce, la Commission a relevé qu’en dépit d’un chevauchement entre les activités commerciales de la demanderesse et celles de la défenderesse pour ce qui est de la vente des produits de boulangerie, les autres activités de la défenderesse sont différentes des activités de la demanderesse.

 

(v)        le degré de ressemblance

[43]           Enfin, en ce qui concerne le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent, la Commission a conclu qu’en examinant les marques de commerce dans leur ensemble plutôt qu’en comparant séparément chacune de leurs composantes, le degré de ressemblance entre les marques de commerce respectives de la demanderesse et de la défenderesse est « plutôt faible ». La Commission a mentionné plus précisément que la présence, dans la marque de commerce de la défenderesse, d’un dessin, du mot « bagel » et du symbole « l » distingue la marque de la défenderesse de la marque de commerce TRADITION de la demanderesse.

 

 

 

(vi)       les autres facteurs

[44]           En plus des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, la Commission a tenu compte de plusieurs autres facteurs pour se prononcer sur l’existence d’une probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce de la défenderesse et celle de la demanderesse.

 

[45]           En premier lieu, en réponse aux observations de la défenderesse qui rappelait avoir déjà obtenu des certificats d’enregistrement à l’égard des mots compris dans la marque de commerce, soit BAGEL TRADITION’L, sans opposition de la demanderesse, la Commission a fait remarquer que l’enregistrement d’une marque de commerce ne confère pas à la défenderesse un droit automatique à l’enregistrement d’une marque similaire.

 

[46]           Deuxièmement, la Commission a rejeté l’argument de la demanderesse selon lequel l’existence, au registre, d’autres marques de commerce contenant le mot « tradition » est sans pertinence pour déterminer si le consommateur moyen est susceptible de confondre les marques de commerce de la défenderesse et celles de la demanderesse, puisque aucun élément de preuve n’établit que l’une de ces autres marques de commerce est employée en liaison avec des produits de boulangerie. La Commission s’est dite en désaccord, estimant que le consommateur moyen serait en mesure de distinguer l’origine d’un muffin de marque TRADITION de celle d’un bagel vendu en liaison avec la marque de commerce projetée de la défenderesse.

 

[47]           Troisièmement, la Commission a rejeté la prétention de la demanderesse selon laquelle celle-ci détient une « famille de marques de commerce » comportant le mot « tradition ». Selon la Commission, il appert de l’examen du dossier que le mot « tradition » est couramment employé par des tiers dans l’industrie alimentaire. La Commission cite la décision Man and His Home Ltd. c. Mansoor Electronic Ltd. (1999), 87 C.P.R. (3d) 218 (C.F. 1re inst.), dans laquelle le juge Pierre Denault a souligné que les marques de commerce faibles n’ont droit qu’à « une faible protection ». La Commission a jugé qu’en raison de la faiblesse de la marque de commerce de la demanderesse, la notion de famille de marques de commerce n’était d’aucune utilité à la demanderesse.

 

[48]           Enfin, la Commission a noté q’en dépit de la coexistence des marques de commerce de la demanderesse et de la défenderesse, la preuve ne faisait état d’aucun incident de confusion entre les marques.

 

[49]           En résumé, la Commission a conclu que la défenderesse s’était acquittée de sa responsabilité de prouver, suivant la prépondérance de la preuve, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce respectives de la demanderesse et de la défenderesse. Pour étayer cette décision, la Commission a donné les motifs suivants :

 

a)         les marques de commerce de la demanderesse possèdent un caractère distinctif inhérent très faible lorsqu’elles sont employées en liaison avec des produits alimentaires;

 

b)         considérée dans son ensemble, la marque de commerce de la défenderesse est tout à fait différente de celles de la demanderesse;

 

c)         aucun incident de confusion n’a été démontré;

 

d)         étant donné que d’autres marques de commerce en usage comportent le mot « tradition », le consommateur moyen serait en mesure de distinguer les marques de commerce de la demanderesse de celle de la défenderesse.

 

La Commission a examiné le mot « tradition » servant de marque, mais elle a aussi tenu compte des marques de commerce dans leur ensemble. Dans ses motifs, la Commission conclut :

J’arriverais à la même conclusion si j’avais comparé la Marque à l’une ou l’autre des marques déposées de l’Opposante comportant une portion graphique. En effet la différence marquée des portions graphiques des marques de commerce en cause ajouterait à la distinction entre la Marque et les autres marques de commerce de l’Opposante.

 

[50]           Pour les motifs énoncés ci-dessus, la Commission a aussi rejeté les deux autres motifs d’opposition de la demanderesse, soulignant que la probabilité de confusion était au centre du débat relatif à ces motifs d’opposition.

 

6.         Questions en litige

[51]           Le présent appel soulève deux questions :

A.        La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant  à l’absence de probabilité raisonnable de confusion entre la marque de commerce projetée de la défenderesse et les marques de commerce de la demanderesse?

 

B          La Commission a-t-elle commis une erreur en statuant comme elle l’a fait sur le troisième motif d’opposition de la demanderesse, relatif au caractère distinctif?

 

7.         Norme de contrôle

[52]           L’article 56 de la Loi confère explicitement le droit d’interjeter appel à la Cour fédérale de toute décision de la Commission. De plus, le paragraphe 56(5) dispose qu’en appel, les parties peuvent présenter une preuve additionnelle à celle dont disposait le registraire. Toutefois, la seule existence d’un droit d’appel prévu par la loi ne suffit pas à identifier la norme de contrôle que doit appliquer la Cour à l’égard de la décision de la Commission. Comme l’a réitéré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, la Cour doit néanmoins déterminer la norme de contrôle applicable en procédant à une analyse pragmatique et fonctionnelle.

 

[53]           Dans l’arrêt Mattel, précité, aux paragraphes 35 à 39, le juge Ian Binnie a appliqué la méthode pragmatique et fonctionnelle pour déterminer la norme de contrôle applicable à une décision de la Commission portant sur la confusion. Voici l’analyse qu’a faite la Cour suprême de chacun des quatre facteurs contextuels :

 

(1)        La présence ou l’absence dans la loi d’une clause privative ou d’un droit d’appel

 

 35     La Loi prévoit un droit absolu d’interjeter appel devant un juge de la Cour fédérale, qui est autorisé à admettre et à examiner de nouveaux éléments de preuve ((par. 56(1) et 56(5)). Elle ne comporte aucune clause privative. Lorsqu’un nouvel élément de preuve est admis, il peut, selon sa nature, apporter un éclairage tout à fait nouveau sur le dossier dont était saisie la Commission et amener ainsi le juge des requêtes à instruire l’affaire comme s’il s’agissait d’une nouvelle audition fondée sur ce dossier élargi plutôt que comme un simple appel (Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd., [1987] A.C.F. no 849 (QL) (C.A.)). L’article 56 laisse croire que le législateur voulait qu’il soit procédé à un réexamen complet, non seulement des questions de droit, mais aussi des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit, y compris la probabilité de confusion. Voir en général Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145 (C.A.), par. 46-51; Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., [2000] A.C.F. no 1864 (QL) (C.A.F.), par. 4, et Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co., [1999] A.C.F. no 1763 (QL) (1re inst.). 

 

 

(2)        L’expertise de la Commission

 

 36    La détermination de la probabilité de confusion requiert une expertise que la Commission (qui procède quotidiennement à des évaluations de ce genre) possède dans une plus grande mesure que les juges en général. Il faut donc faire preuve d’une certaine retenue judiciaire à l’égard de la décision de la Commission, comme la Cour l’a souligné dans Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192, p. 200 :

 

[TRADUCTION] À mon avis, il faut attribuer beaucoup de poids à la décision du registraire sur la question de savoir si une marque de commerce crée de la confusion et la conclusion d’un fonctionnaire qui, au cours de son travail quotidien, doit rendre des décisions sur ce point et sur d’autres questions connexes en vertu de la Loi ne doit pas être rejetée à la légère, mais comme l’a déclaré le juge Thorson, alors président de la Cour de l’Échiquier, dans l’affaire Freed and Freed Limited v. The Registrar of Trade Marks et al [[1951] 2 D.L.R. 7, p. 13] :

 

[...] le fait de se fonder sur la décision du registraire portant que deux marques se ressemblent au point de créer de la confusion ne doit pas aller jusqu’à décharger le juge qui entend l’appel de cette décision de l’obligation de trancher la question en tenant dûment compte des circonstances de l’espèce.

 

 37      Cela signifie en pratique que la décision du registraire ou de la Commission [TRADUCTION] « ne devrait pas être annulée à la légère, compte tenu des connaissances spécialisées dont disposent ces instances décisionnelles » : McDonald’s Corp. c. Silcorp Ltd. (1989), 24 C.P.R. (3d) 207 (C.F. 1re inst.), p. 210, conf. par [1992] A.C.F. no 70 (QL). L’admission d’un nouvel élément de preuve pourrait évidemment (selon sa nature) affaiblir le fondement factuel de la décision rendue par la Commission et lui enlever le poids que lui confère l’expertise de la Commission. Toutefois, le pouvoir dont dispose le juge des requêtes d’admettre et d’examiner un nouvel élément de preuve n’empêche pas en soi que l’expertise de la Commission constitue un facteur pertinent : Lamb c. Canadian Reserve Oil & Gas Ltd., [1977] 1 R.C.S. 517, p. 527-528.

 

 

 

(3)        L’objet de la Loi sur les marques de commerce et, en particulier, du régime d’enregistrement des marques de commerce

 

 38    Dans Dr Q, la Juge en chef a signalé qu’« [u]ne loi dont l’objet exige qu’un tribunal choisisse parmi diverses réparations ou mesures administratives, qui concerne la protection du public, qui fait intervenir des questions de politiques ou qui comporte la pondération d’intérêts ou de considérations multiples, exige une plus grande déférence de la part de la cour de révision » (par. 31). Or, l’examen de la probabilité d’une « conclusion erronée » ne fait pas appel à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. La Commission ne prend pas non plus ainsi une décision de politique générale d’intérêt public, ni ne répartit des ressources très limitées. Essentiellement, la Commission tranche un litige entre les parties dans le cadre d’une procédure qui s’apparente à une version informelle d’une instance judiciaire courante.

 

 

 (4)       Nature de la question en litige

 

 39      Même si l’appelante formule son argument comme si elle contestait le bien-fondé de l’interprétation attribuée à l’art. 6 par la Cour d’appel fédérale dans Pink Panther et dans Lexus, j’estime qu’en réalité, pour des motifs que je préciserai, sa contestation porte sur l’importance relative qu’il faut accorder aux facteurs énumérés au par. 6(5) et à ceux qui n’y figurent pas. La question de droit ne peut être clairement isolée de son contexte factuel, mais commande une interprétation qui relève de l’expertise de la Commission. En réponse à la question soulevée dans Bibeault (« Le législateur a-t-il voulu qu’une telle matière relève de la compétence conférée au tribunal? » (p. 1087)), je crois que la réponse est oui, dans des limites raisonnables. Voir aussi Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, p. 595; Société Radio-Canada. c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157, p. 185; Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, par. 43; Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick (Conseil de la magistrature), [2002] 1 R.C.S. 249, 2002 CSC 11, par. 61.

 

 

 

[54]           Après avoir examiné les quatre facteurs contextuels − en particulier, le droit d’interjeter appel et l’expertise de la Commission −, le juge Binnie a conclu que la norme de contrôle applicable à l’égard d’une décision de la Commission en matière de confusion est celle du caractère raisonnable. La Cour suprême a fait observer que sa conclusion est conforme à la jurisprudence établie par la Cour d’appel fédérale : voir par exemple Brasseries Molson c. John Labatt Ltd., [2000] 3 C.F. 145 (Labatt); Novopharm Ltd. c. Bayer Inc. (2000), 9 C.P.R. (4th) 304; Polo Ralph Lauren Corp c. United States Polo Assn. (2000), 9 C.P.R. (4th) 51; et l’arrêt Christian Dior, précité.

 

[55]           À mon avis, l’analyse de la Cour suprême et sa conclusion quant à la norme de contrôle appropriée s’appliquent en l’espèce, étant donné surtout que la question dont est saisie la Cour porte elle aussi sur la conclusion factuelle de la Commission selon laquelle il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce respectives. Dans Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, le juge Frank Iacobucci a donné quelques orientations quant au contrôle judiciaire suivant la norme de la décision raisonnable; il décrit au paragraphe 55 les caractéristiques d’une décision déraisonnable.

 

La décision n’est déraisonnable que si aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait.

 

Un tel contrôle exige de la Cour une « analyse assez poussée » des faits et des circonstances mis en preuve devant la Commission. Par ailleurs, au paragraphe 8 de l’arrêt Christian Dior, précité, le juge Décary déclare que la norme de contrôle de la décision raisonnable est synonyme de « décision manifestement déraisonnable ».

 

[56]           Bien que l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Mattel, ainsi que les décisions citées, traite d’une décision de la Commission portant sur la confusion entre des marques de commerce, je suis d’avis que l’analyse de la Cour suprême dans Mattel quant aux quatre facteurs contextuels relatifs à l’application de la méthode pragmatique et fonctionnelle en matière de confusion s’applique également à la question du caractère distinctif. En conséquence, la norme de contrôle exposée ci-dessus s’applique également à la décision de la Commission concernant le caractère distinctif. 

 

[57]           La norme de la décision raisonnable s’applique dans les cas où la Cour examine la décision de la Commission uniquement en fonction de la preuve dont disposait cette dernière. Cependant, comme il a été mentionné, l’une ou l’autre partie, dans un appel interjeté aux termes de l’article 56 de la Loi, peut présenter à la Cour de nouveaux éléments de preuve. Lorsqu’une partie ou les deux parties choisissent de présenter une preuve nouvelle, la Cour a une plus grande latitude dans l’examen de la décision de la Commission. Dans l’arrêt Labatt, précité, au paragraphe 29, le juge Marshall Rothstein a déclaré que dans les cas où une preuve additionnelle est produite à la Cour, le juge qui entend l’appel de la décision de la Commission doit tirer sa propre conclusion quant à l’« exactitude » de la décision de la Commission. En outre, comme l’a dit le juge Binnie au paragraphe 35 de l’arrêt Mattel : « Lorsqu’un nouvel élément de preuve est admis, il peut, […] amener ainsi le juge des requêtes à instruire l’affaire comme s’il s’agissait d’une nouvelle audition fondée sur ce dossier élargi plutôt que comme un simple appel ».

 

[58]           Pour qu’une norme de contrôle plus rigoureuse puisse être imposée, cependant, la nouvelle preuve doit être telle qu’elle « aurait pu avoir un effet » sur les conclusions de fait ou l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission. En d’autres termes, la simple existence d’une preuve additionnelle n’est pas suffisante pour amener la Cour à se départir de la déférence habituellement accordée à la Commission. Comme l’a signalé la juge Carolyn Layden‑Stevenson dans la décision Vivat Holdings Ltd. c. Levi Strauss & Co., 2005 CF 707 au paragraphe 27, la nouvelle preuve doit avoir une certaine valeur probante pour que la Cour en tienne compte :

 

Pour avoir une incidence sur la norme de contrôle, la nouvelle preuve doit être suffisamment importante. Lorsque la preuve additionnelle ne va pas au-delà de ce qui a déjà été établi devant la Commission et a peu de poids, mais ne consiste qu’à compléter ou tout simplement répéter des éléments déjà mis en preuve, alors l’application d’une norme comportant une moins grande déférence n’est pas justifiée. Le critère en est un de qualité et non de quantité : Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co. (1999), 3 C.P.R. (4th) 224 (C.F. 1re inst.); Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. APA – Engineered Wood Assn. (2000), 7 C.P.R. (4th) 239 (C.F. 1re inst.); Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2004), 30 C.P.R. (4th) 456 (C.F.).

 

 

Ainsi que l’a dit la juge Layden-Stevenson, la question de savoir s’il convient d’appliquer la norme plus exigeante de la décision correcte dépend de la qualité de la preuve additionnelle soumise en appel.

 

8.         Preuve additionnelle

[59]           Dans le présent appel, les deux  parties ont présenté de nouveaux éléments de preuve, ainsi que le permet le paragraphe 56(5) de la Loi. La demanderesse a déposé un affidavit additionnel souscrit par Peter Glowczewski le 7 avril 2005. La défenderesse a produit les affidavits de Dara Lithwick et Nancy Fraser, deux employées du cabinet McCarthy Tétrault qui témoignent de leurs recherches relativement à l’emploi des mots « tradition » ou « traditional » (traditionnel) dans les dénominations sociales et les marques de commerce, respectivement.

 

[60]           La demanderesse soutient que le nouvel affidavit de M. Glowczewski fournit des éléments de preuve additionnels concernant le caractère descriptif de la marque de la défenderesse, le chevauchement dans la nature des marchandises de chacune des parties et la probabilité de confusion. Deux pièces sont annexées à l’affidavit de M. Glowczewski. La première consiste en une transcription de l’interrogatoire et du contre-interrogatoire de François Joyet au cours de l’instruction de l’affaire Tradition Foods Ltd. c. The Oshawa Group Limited et al., précitée (Tradition c. Oshawa Group). La seconde est un prospectus imprimé en 2004 pour Colabar, un distributeur alimentaire, et qui a été distribué dans les épiceries. Sur la deuxième page du prospectus figure la liste des produits de la demanderesse, énumérés consécutivement tout à côté des produits de la défenderesse. 

 

[61]           La défenderesse prétend que la Cour ne devrait pas tenir compte du nouvel affidavit de M. Glowczewski dans le présent appel. La défenderesse est d’avis que cet affidavit n’ajoute pas à la qualité de la preuve déjà présentée devant la Commission et que, de plus, la transcription du témoignage de M. Joyet est inadmissible parce qu’elle constitue du ouï-dire. Subsidiairement, la défenderesse affirme que si la Cour tient compte de la nouvelle preuve déposée dans le présent appel par M. Glowczewski, elle devra aussi tenir compte des affidavits de Mmes Lithwick et Fraser.

 

[62]           J’ai examiné les affidavits produits dans le présent appel et j’estime qu’aucun des éléments additionnels de preuve n’aurait pu avoir un effet sur les conclusions de la Commission. En conséquence, ils ne seront pas reçus en preuve en l’instance, pour les motifs énoncés ci‑dessous.

 

[63]           Dans son second affidavit, M. Glowczewski précise l’époque depuis laquelle sont vendus les produits de la demanderesse portant la marque de commerce TRADITION et traite de la promotion et des ventes relatives à ces produits, Ainsi, il déclare que la demanderesse a vendu des bagels congelés de 1993 ou 1994 jusqu’à 2002. Il affirme également que suivant son expérience de plus de vingt ans dans la confection et la vente de produits de boulangerie, tous les produits de boulangerie sont invariablement disposés ensemble dans la même partie de l’épicerie. En outre, il affirme qu’il n’est pas surprenant qu’il n’existe aucun cas de confusion entre les marques de commerce des parties, puisque les ventes des produits de la demanderesse ne représentent qu’une fraction de la totalité des ventes au détail dans les épiceries au Canada.

 

[64]           Après avoir examiné l’affidavit de M. Glowczewski, je suis convaincu que la preuve additionnelle de ce dernier n’ajoute aucun élément d’une importance probante qui puisse aider la Cour à trancher les questions en litige dans le présent appel. À vrai dire, il s’avère qu’une grande partie de la preuve contenue dans le nouvel affidavit de M. Glowczewski vise à clarifier les dates afférentes aux pièces annexées à son premier affidavit. Je constate que la Commission a déjà admis que la demanderesse fait usage de ses marques de commerce depuis plus longtemps que la défenderesse n’emploie les siennes. De plus, la Commission a reconnu que les marchandises de la demanderesse et celles de la défenderesse font partie de la « même catégorie générale », connue sous le nom de « produits de boulangerie ». Je suis également d’avis que l’explication de M. Glowczewski pour justifier l’absence d’incidents de confusion entre les marques de commerce respectives de la demanderesse et de la défenderesse n’a aucune incidence sur la remarque de la Commission portant qu’aucune des deux parties n’avait relevé de cas de confusion.  

 

[65]           Quant au prospectus de Colabar, il confirme, selon M. Glowczewski, que même des épiciers peuvent confondre les produits de la demanderesse et ceux de la défenderesse. De plus, la demanderesse soutient, dans son mémoire des faits et du droit, que le prospectus illustre clairement que les produits des parties [Traduction] « sont vendus et distribués en empruntant les mêmes circuits commerciaux et sont vendus côte à côte. » Je ne pense pas qu’on puisse tirer de telles conclusions du prospectus. Je suis d’avis que puisque les produits figurant côte à côte sur le prospectus sont respectivement répertoriés sous une dénomination sociale différente, un épicier lisant le prospectus serait plutôt porté à conclure que les deux sociétés désignées dans chacune des séries ne sont pas une seule et même entreprise. De surcroît, je ne vois pas du tout le rapport entre la disposition de la nomenclature des produits des parties respectives sur le prospectus et l’emplacement final qui sera attribué aux produits dans les épiceries, là où les consommateurs les verront. À ce titre, je ne trouve aucune valeur probante à ce prospectus.

 

[66]           En ce qui a trait à la transcription du témoignage de M. Joyet, la demanderesse souhaite manifestement la déposer en preuve en vue d’établir que la marque de commerce projetée de la défenderesse n’est pas distinctive et, dès lors, ne peut être enregistrée. La demanderesse fait valoir que M. Joyet reconnaît lui-même que le choix du mot « tradition’l » découle de ce que les bagels de la défenderesse sont préparés suivant une technique de boulangerie traditionnelle et une recette traditionnelle. À ce titre, plaide la demanderesse, les mots de la marque projetée de la défenderesse donnent une « description claire » de la nature ou de la qualité des marchandises et services en liaison avec lesquels on projette de l’employer.

 

[67]           Je partage l’avis de la défenderesse selon lequel la transcription du témoignage de M. Joyet est inadmissible parce qu’elle constitue du ouï-dire. Dans l’arrêt R. c. Hawkins, [1996] 3 R.C.S. 1043, aux paragraphes 58 à 66, la Cour suprême du Canada a jugé que la preuve consistant en une déclaration faite par un témoin dans une procédure décisionnelle antérieure constitue du ouï‑dire. Les déclarations antérieures reçues dans une autre instance sont généralement rejetées parce qu’on ne peut les tester en procédant à un contre-interrogatoire dans la procédure en cours. Dans l’arrêt Walkertown (Town of) c. Erdman (1894), 23 R.C.S. 352, la Cour suprême du Canada a statué qu’une déclaration antérieure n’est admissible que si l’auteur de la déclaration n’est pas disponible parce qu’il est décédé ou souffre d’incapacité ou parce que cette personne ne peut être retracée.

 

[68]           À mon avis, la demanderesse souhaite que la Cour admette les déclarations de M. Joyet comme attestant la [Traduction] « véracité » des paroles prononcées par M. Joyet, à savoir que le terme « tradition’l » donne une description claire de la qualité intrinsèque des bagels. Admettre cette preuve comme faisant foi de la véracité de son contenu contreviendrait à la règle prohibant le ouï-dire, et la demanderesse n’a fait valoir aucune exception à cette règle qui soit applicable à la transcription du témoignage de M. Joyet. Dans les arrêts R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S 531 et R. c. Smith, [1992] 2 R.C.S. 915, la Cour suprême du Canada a jugé qu’il existe une exception à la règle du ouï‑dire lorsque la nécessité exige une telle exception et que la fiabilité de la preuve est établie.

 

[69]           Dans le cas présent, la demanderesse n’a pas précisé pourquoi il est nécessaire de présenter le témoignage de M. Joyet au moyen de la transcription provenant d’une autre instance. Je signale que la demanderesse aurait pu interroger M. Joyet sur le choix du mot « tradition’l » lorsqu’elle l’a contre-interrogé au sujet de l’affidavit qu’il a souscrit le 29 mai 2000. La demanderesse n’a pas expliqué pourquoi elle n’a pas procédé ainsi. Par ailleurs, elle n’a pas non plus justifié raisonnablement pourquoi elle a été incapable de produire devant la Commission le témoignage de M. Joyet consigné dans la transcription. La demanderesse déclare que le contre‑interrogatoire de M. Joyet a eu lieu en 2004, de sorte que cette preuve ne pouvait pas être déposée devant la Commission. Or, comme il a été mentionné, la Commission fait précisément référence à la décision du juge O’Reilly dans Tradition c. Oshawa Group. L’audition de cette affaire s’est tenue en février 2004 et le juge O’Reilly a rendu sa décision le 20 juillet 2004, presque cinq mois avant que la Commission rende sa décision. La demanderesse étant partie à l’instance devant le juge O’Reilly, elle connaissait sûrement la teneur du témoignage de M. Joyet avant que la Commission rende sa décision dans la procédure d’opposition. Si elle était convaincue que les déclarations de M. Joyet étaient concluantes quant à la question du caractère distinctif, la demanderesse aurait dû tenter de produire cette preuve devant la Commission.

 

[70]           Même si j’acceptais de tenir compte du témoignage de M. Joyet consigné dans la transcription, j’estime que cette preuve ne modifierait pas la conclusion de la Commission quant au caractère distinctif. Dans son témoignage, M. Joyet déclare que selon lui, les bagels de la défenderesse sont des bagels traditionnels, préparés selon une technique traditionnelle. Cependant, il affirme également que d’autres personnes seraient d’avis que les bagels de la défenderesse ne sont ni traditionnels ni préparés selon une technique traditionnelle. Dès lors, je conclurais que le témoignage de M. Joyet ne prouve pas que le terme « tradition’l » donne une description claire de la « composition matérielle » ou des « qualités intrinsèques » d’un bagel.

 

[71]           En bref, même en faisant abstraction de la question de l’admissibilité, je suis convaincu que les éléments de preuve présentés dans le nouvel affidavit de M. Glowczewski et dans les pièces qui l’accompagnent n’ajoutent aucun élément qui aurait pu avoir un effet sur la décision de la Commission. Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que je prenne en compte la preuve additionnelle déposée par la défenderesse. De toute manière, je suis d’avis que les affidavits de Mmes Lithwick et Fraser ne sont pas non plus concluants. La Commission disposait déjà d’une preuve abondante sur les occurrences du mot « tradition » au registre des marques de commerce et sur les étiquettes de produits vendus en épicerie. De plus, ces éléments de preuve n’ont pas joué un rôle important dans la décision de la Commission.

 

[72]           Pour les motifs énoncés ci-dessus, je conclus que la preuve additionnelle soumise par les parties respectives dans le présent appel n’est pas d’une qualité telle qu’elle aurait eu une incidence sur la décision de la Commission. Partant, je ne procéderai pas à une nouvelle audition fondée sur un dossier élargi. En conséquence, je dois décider si la décision de la Commission quant à la confusion et au caractère distinctif était raisonnable compte tenu de la preuve dont elle disposait. 

 

 

8.         Analyse

A.        La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la marque de commerce projetée de la défenderesse et les marques de commerce de la demanderesse?

 

[73]           La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce respectives des parties. Plus précisément, la demanderesse affirme que l’erreur découle de ce que la Commission :

 

1)         a appliqué un critère erroné à la question de savoir si des marques de commerce semblables peuvent coexister pour des produits alimentaires appartenant à la même catégorie générale et vendus dans le même rayon d’une épicerie;

 

2)         a tiré une conclusion défavorable à la demanderesse du fait que celle-ci n’a produit aucune preuve de confusion réelle entre les marques de commerce des parties;

 

3)         s’est préoccupée avant tout des éléments graphiques de la marque de commerce de la défenderesse et a considéré le « ’L » dans « TRADITION’L » comme un symbole plutôt que de se concentrer sur la similitude du son produit par les marques respectives des parties.

 

4)         a étudié les parties distinctes des marques de commerce des parties pour en établir le degré de ressemblance, plutôt que d’examiner les ressemblances entre les marques dans leur ensemble.

 

[74]           La défenderesse fait valoir que puisque la Commission a examiné chacun des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, la conclusion de la Commission selon laquelle il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion est elle-même raisonnable. En particulier, souligne la défenderesse, la preuve non contredite établissant que de nombreuses marques déposées liées à des produits et services alimentaires emploient le mot « tradition » constitue un indice important de ce qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce respectives des parties.

 

[75]           Après avoir étudié la décision de la Commission et la preuve mise à sa disposition, je conclus qu’il était loisible à la Commission de rejeter l’opposition de la demanderesse fondée sur l’allégation de confusion. Je partage l’avis de la Commission selon lequel la première impression ne donne pas lieu à une probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce respectives des parties. En réalité, j’estime qu’il n’existe presque aucun point de ressemblance entre les marques de commerce de la demanderesse et la marque projetée de la défenderesse lorsqu’on les considère dans leur ensemble, ainsi que l’exige la jurisprudence. À mon avis, vu la dissemblance appréciable entre les marques de commerce de la demanderesse et la marque projetée de la défenderesse, le degré de ressemblance doit en l’espèce se voir attribuer le poids le plus important dans l’examen de la question de la confusion.

 

[76]           Malgré ce qui précède, je me pencherai maintenant sur les arguments invoqués par la demanderesse dans le présent appel pour décider si les erreurs qu’elle allègue, si erreur il y a, sont suffisantes pour entacher le caractère raisonnable de la décision de la Commission en ce qui a trait à la confusion.

 

[77]           En ce qui concerne l’application d’un critère erroné, la demanderesse prétend que la Commission a mal appliqué le raisonnement énoncé dans la décision Clorox, précitée, lorsqu’elle a conclu que des marques de commerce peuvent coexister au sein de la même catégorie de produits à l’égard de marchandises vendues dans le même rayon d’une épicerie. D’après la demanderesse, la Cour, dans Clorox, a conclu que l’enregistrement d’une marque de commerce restreint seulement la possibilité, pour le propriétaire de l’enregistrement, d’empêcher des tiers d’employer la marque de commerce pour des produits alimentaires totalement différents offerts dans d’autres rayons de l’épicerie. À mon avis, c’est le demandeur qui énonce de façon inexacte les motifs de la Cour dans Clorox. Dans cette décision, le juge Joyal a fait remarquer que la doctrine de la [Traduction] « protection étroite » s’applique tout autant au facteur de la [Traduction] « ressemblance des marchandises » qu’à celui du « caractère distinctif inhérent » formulé au paragraphe 6(5) de la Loi. Il voulait mettre en garde contre l’attribution d’un trop grand poids au fait que des produits appartiennent à la « même catégorie générale »; à défaut, les titulaires de marques de commerce faibles s’assureraient pratiquement d’un monopole sur un mot particulier. Autrement dit, le seul fait que deux marques de commerce sont exploitées dans « la même catégorie générale » n’entraînera pas nécessairement de confusion. Plus exactement, la Commission et la Cour doivent étudier le degré de similitude entre les marchandises, particulièrement lorsque le tribunal juge que la marque de commerce de l’opposante ne présente pas un caractère distinctif inhérent. Dans le cas présent, la Commission a conclu à la faiblesse tant des marques de commerce de la demanderesse que de celles de la défenderesse et relevé que la nature de leurs marchandises respectives − muffins dans un cas et bagels dans l’autre − est différente. J’estime en conséquence que la Commission a correctement appliqué la décision de la Cour dans Clorox en n’accordant que peu de poids au fait que les marques de commerce de la demanderesse et de la défenderesse font toutes deux partie de la « même catégorie générale » de marchandises. 

 

[78]           Quant à l’absence de preuve de confusion réelle, la demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en tirant une conclusion défavorable parce qu’aucune preuve ne montrait un emploi concomitant étendu des marques de commerce des parties. La demanderesse ajoute que, de toute manière, l’existence de confusion réelle est sans pertinence puisque la demande de la défenderesse vise l’emploi projeté d’une marque de commerce. Je conviens avec la demanderesse qu’on n’a effectivement présenté à la Commission que peu d’éléments de preuve d’un emploi concomitant des marques de commerce; cependant, je ne pense pas, à la lecture de la décision de la Commission, que le commentaire de celle-ci sur l’absence de preuve de confusion réelle a joué un rôle décisif dans sa conclusion d’ensemble sur la question de la confusion. En outre, même si la marque de commence en cause dans le présent appel vise l’emploi projeté d’une marque de commerce, il reste que des marques semblables appartenant à la défenderesse figurent sur des produits présents sur le marché depuis plusieurs années maintenant, et, à ce titre, il n’était pas incorrect de la part de la Commission de relever qu’aucun incident de confusion entre ces marques de commerce et celles de la demanderesse n’a été rapporté.

 

[79]           Au regard de l’allégation de la demanderesse portant que la Commission s’est erronément attardée à la partie « ’L » du terme TRADITION’L plutôt que d’examiner la ressemblance dans le son des marques de commerce respectives des parties, je soulignerai d’abord que la marque de commerce projetée de la défenderesse est BAGEL TRADITION’L, non pas seulement TRADITION’L. De toute façon, la prononciation de TRADITION’L, que ce soit en anglais ou en français, est différente du son que forme la marque de commerce TRADITION de la demanderesse. J’estime dès lors que la Commission pouvait raisonnablement conclure qu’un consommateur ordinaire qui entendrait les deux marques de commerce − toute imparfaite que soit sa mémoire − ne les confondrait vraisemblablement pas.

 

[80]           Je rejette le quatrième argument de la demanderesse, selon lequel la Commission a commis une erreur en examinant les parties distinctes des marques de commerce des parties afin de déterminer le degré de ressemblance entre elles. Je considère que la Commission s’est bien attachée à apprécier les marques de commerce dans leur ensemble, comme l’exige la jurisprudence. Bien que la Commission ait tenu compte dans son analyse des mots composant la marque de commerce projetée de la défenderesse et les marques de commerce de la demanderesse, elle a conclu que la ressemblance entre les marques de commerce est « plutôt faible » et qu’en conséquence, il n’existait aucune probabilité raisonnable de confusion. La conclusion de la Commission, à mon sens, est manifestement fondée sur l’examen de l’ensemble de la marque de commerce, comme il se doit. Dans ses motifs, la Commission reconnaît d’ailleurs cette exigence. La Commission pouvait raisonnablement statuer sur cette question comme elle l’a fait, compte tenu du dossier.

 

[81]           En résumé, le rôle de la Commission consistait à examiner les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi et toute autre circonstance pertinente en l’espèce, et à évaluer ces facteurs pour décider si la défenderesse a satisfait à la charge qui lui incombait de prouver, suivant la prépondérance de la preuve, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties. Je suis d’avis que la Commission a correctement tenu compte de tous les facteurs énoncés au paragraphe 6(5) et a raisonnablement conclu à l’absence de probabilité raisonnable de confusion. En conséquence, je ne vois aucune raison justifiant l’intervention de la Cour à l’égard de la conclusion de la Commission sur cette question.

 

 

B.                 La Commission a-t-elle commis une erreur en statuant comme elle l’a fait sur le troisième motif d’opposition de la demanderesse, relatif au caractère distinctif?

 

[82]           Comme troisième motif d’opposition, la demanderesse soutient que la marque de commerce de la défenderesse n’est pas distinctive. Selon elle, la Commission a erronément conclu que la marque de commerce projetée de la défenderesse est distinctive. La demanderesse plaide notamment que le mot « tradition’l » donne une description claire. Elle ajoute qu’aucune preuve n’établit que la marque de commerce de la défenderesse avait acquis un caractère distinctif par suite d’un usage étendu au moment où la défenderesse a présenté sa demande d’enregistrement. La demanderesse affirme aussi qu’au-delà des mots composant la marque, les éléments de dessin de la marque de commerce de la défenderesse font voir que la marque donne une description claire. Plus précisément, dit-elle, la représentation d’un bagel encadré de deux épis de blé exprime tout simplement, dans l’ensemble et sur le plan de la première impression, l’idée de bagels traditionnels confectionnés de blé. Par ailleurs, les composantes restantes de la marque qui ne décrivent pas les marchandises de la défenderesse − soit le ruban, les cinq étoiles et la police de caractères− n’ont qu’une importance négligeable et sont éclipsés par la représentation du blé et les mots composant la marque, de l’avis de la demanderesse.

 

[83]           Dans ses motifs, la Commission a examiné le caractère distinctif inhérent des marques respectives des parties, comme l’exige le paragraphe 6(5) de la Loi, pour décider si les marques créent de la confusion. Elle a conclu que ni la marque de commerce TRADITION de la demanderesse ni la marque de commerce projetée TRADITION’L de la défenderesse ne présentent un caractère distinctif inhérent considérable. La Commission a ensuite rejeté le troisième motif d’opposition, relatif au caractère distinctif, pour les mêmes motifs que ceux justifiant le rejet de l’opposition de la demanderesse fondée sur la confusion.

 

[84]           Dans le présent appel, la demanderesse n’a fait part à la Cour d’aucun élément de preuve dont la Commission aurait fait abstraction ni d’aucune preuve établissant que la marque de commerce projetée de la défenderesse donne une description claire. En outre, je suis d’avis que la Commission pouvait, pour prendre sa décision, tenir compte de la marque de commerce projetée de la défenderesse dans son ensemble sans devoir en analyser les diverses composantes. Vu la preuve, la demanderesse n’a pas satisfait à sa responsabilité de prouver que le mot « tradition’l » ou les dessins représentant le bagel et les épis de blé donnent une description claire de la qualité intrinsèque des bagels. Par conséquent, la Commission pouvait raisonnablement trancher l’opposition de la demanderesse fondée sur le caractère distinctif comme elle l’a fait. Elle n’a, ce faisant, commis aucune erreur donnant lieu à révision. 

 

9.         Conclusion

 

[85]           En résumé, je conclus que la Commission n’a commis aucune erreur donnant lieu à révision lorsqu’elle a statué sur l’opposition de la demanderesse à l’enregistrement de la marque de commerce projetée de la défenderesse. En conséquence, l’appel sera rejeté avec dépens.

 


 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE :

 

1.         L’appel est rejeté.

 

2.                  Les dépens sont attribués à la défenderesse.

 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


ANNEXE « A »

 

 

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, c. T-13

Trade-marks Act, R.S.C. 1985, c. T-13

 

 

2. « créant de la confusion » Relativement à une marque de commerce ou un nom commercial, s’entend au sens de l’article 6.

 

 

 

 

2. « distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

 

6. (1) Pour l’application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

(2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

(3) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à cette marque et les marchandises liées à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à cette marque et les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

(4) L’emploi d’un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les marchandises liées à cette marque sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les services liés à cette marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

 

12. (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) elle est constituée d’un mot n’étant principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes;

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services;

c) elle est constituée du nom, dans une langue, de l’une des marchandises ou de l’un des services à l’égard desquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer;

d) elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée;

e) elle est une marque dont l’article 9 ou 10 interdit l’adoption;

f) elle est une dénomination dont l’article 10.1 interdit l’adoption;

g) elle est constituée, en tout ou en partie, d’une indication géographique protégée et elle doit être enregistrée en liaison avec un vin dont le lieu d’origine ne se trouve pas sur le territoire visé par l’indication;

h) elle est constituée, en tout ou en partie, d’une indication géographique protégée et elle doit être enregistrée en liaison avec un spiritueux dont le lieu d’origine ne se trouve pas sur le territoire visé par l’indication.

(2) Une marque de commerce qui n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa (1)a) ou b) peut être enregistrée si elle a été employée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d’une demande d’enregistrement la concernant.

 

[…]

 

16. (3) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 38 et 40, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard des marchandises ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, elle n’ait créé de la confusion :

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

b) soit avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement a été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

c) soit avec un nom commercial antérieurement employé au Canada par une autre personne.

 

37. (1) Le registraire rejette une demande d’enregistrement d’une marque de commerce s’il est convaincu que, selon le cas :

a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30;

b) la marque de commerce n’est pas enregistrable;

c) le requérant n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la marque de commerce parce que cette marque crée de la confusion avec une autre marque de commerce en vue de l’enregistrement de laquelle une demande est pendante.

Lorsque le registraire n’est pas ainsi convaincu, il fait annoncer la demande de la manière prescrite.

(2) Le registraire ne peut rejeter une demande sans, au préalable, avoir fait connaître au requérant ses objections, avec les motifs pertinents, et lui avoir donné une occasion convenable d’y répondre.

 

(3) Lorsque, en raison d’une marque de commerce déposée, le registraire a des doutes sur la question de savoir si la marque de commerce indiquée dans la demande est enregistrable, il notifie, par courrier recommandé, l’annonce de la demande au propriétaire de la marque de commerce déposée.

 

38. (1) Toute personne peut, dans le délai de deux mois à compter de l’annonce de la demande, et sur paiement du droit prescrit, produire au bureau du registraire une déclaration d’opposition.

 

(2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants :

a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30;

b) la marque de commerce n’est pas enregistrable;

c) le requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement;

d) la marque de commerce n’est pas distinctive.

 

[…]

 

(6) Le requérant doit produire auprès du registraire une contre-déclaration et en signifier, dans le délai prescrit après qu’une déclaration d’opposition lui a été envoyée, copie à l’opposant de la manière prescrite.

 

 

[…]

 

(8) Après avoir examiné la preuve et les observations des parties, le registraire repousse la demande ou rejette l’opposition et notifie aux parties sa décision ainsi que ses motifs.

 

 

56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

(2) L’appel est interjeté au moyen d’un avis d’appel produit au bureau du registraire et à la Cour fédérale.

(3) L’appelant envoie, dans le délai établi ou accordé par le paragraphe (1), par courrier recommandé, une copie de l’avis au propriétaire inscrit de toute marque de commerce que le registraire a mentionnée dans la décision sur laquelle porte la plainte et à toute autre personne qui avait droit à un avis de cette décision.

(4) Le tribunal peut ordonner qu’un avis public de l’audition de l’appel et des matières en litige dans cet appel soit donné de la manière qu’il juge opportune.

 

(5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

 

2. “confusing”, when applied as an adjective to a trade-mark or trade-name, means a trade-mark or trade-name the use of which would cause confusion in the manner and circumstances described in section 6;

 

2. “distinctive”, in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adopted so to distinguish them;

 

 

6. (1) For the purposes of this Act, a trade-mark or trade-name is confusing with another trade-mark or trade-name if the use of the first mentioned trade-mark or trade-name would cause confusion with the last mentioned trade-mark or trade-name in the manner and circumstances described in this section.

 

 

 

(2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

 

 

 

(3) The use of a trade-mark causes confusion with a trade-name if the use of both the trade-mark and trade-name in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with the trade-mark and those associated with the business carried on under the trade-name are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

 

 

 

(4) The use of a trade-name causes confusion with a trade-mark if the use of both the trade-name and trade-mark in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with the business carried on under the trade-name and those associated with the trade-mark are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

 

 

 

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

 

 

 

 

 

12. (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not

(a) a word that is primarily merely the name or the surname of an individual who is living or has died within the preceding thirty years;

(b) whether depicted, written our sounded, either clearly descriptive or deceptively misdescriptive in the English or French language or the character or quality of the wares or services in association with which it is used or proposed to be used or of the conditions of or the persons employed in their production or of their place of origin;

(c) the name in any language of any of the wares or services in connection with which it is used or proposed to be used;

(d) confusing with a registered trade-mark;

(e) a mark of which the adoption is prohibited under section 9 or 10;

(f) a denomination the adoption of which is prohibited by section 10.1;

(g) in whole or in part a protected geographical indication, where the trade-mark is to be registered in association with a wine not originating in a territory indicated by the geographical indication; and

(h) in whole or in part a protected geographical indication, where the trade-mark is to be registered in association with a spirit not originating in a territory indicated by the geographical indication.

 

 

 

 

 

 

 

(2) A trade-mark that is not registrable by reason of paragraph (1)(a) or (b) is registrable if it has been so used in Canada by the applicant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of filing an application for its registration.

 

 

 

 

16. (3) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a proposed trade-mark that is registrable is entitled, subject to sections 38 and 40, to secure its registration in respect of the wares or services specified in the application, unless at the date of filing of the application it was confusing with

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

 

 

 

37. (1) The Registrar shall refuse an application for the registration of a trade-mark if he is satisfied that

(a) the application does not conform to the requirements of section 30,

(b) the trade-mark is not registrable, or

(c) the applicant is not the person entitled to registration of the trade-mark because it is confusing with another trade-mark for the registration of which an application is pending,

and where the Registrar is not so satisfied, he shall cause the application to be advertised in the manner prescribed.

 

 

 

(2) The Registrar shall not refuse any application without first notifying the applicant of his objections thereto and his reasons for those objections, and giving the applicant adequate opportunity to answer those objections.

(3) Where the Registrar, by reason of a registered trade-mark, is in doubt whether the trade-mark claimed in the application is registrable, he shall, by registered letter, notify the owner of the registered trade-mark of the advertisement of the application.

 

 

38. (1) Within two months after the advertisement of an application for the registration of a trade-mark, any person may, on payment of the prescribed fee, file a statement of opposition with the Registrar.

(2) A statement of opposition may be based on any of the following grounds:

(a) that the application does not conform to the requirements of section 30;

(b) that the trade-mark is not registrable;

(c) that the applicant is not the person entitled to registration of the trade-mark; or

(d) that the trade-mark is not distinctive.

 

 

 

 

(6) The applicant shall file a counter statement with the Registrar and serve a copy on the opponent in the prescribed manner and within the prescribed time after a copy of the statement of opposition has been served on the applicant.

 

 

(8) After considering the evidence and representations of the opponent and the applicant, the Registrar shall refuse the application or reject the opposition and notify the parties of the decision and the reasons for the decision.

 

56. (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

(2) An appeal under subsection (1) shall be made by way of notice of appeal filed with the Registrar and in the Federal Court.

(3) The appellant shall, within the time limited or allowed by subsection (1), send a copy of the notice by registered mail to the registered owner of any trade-mark that has been referred to by the Registrar in the decision complained of and to every other person who was entitled to notice of the decision.

(4) The Federal Court may direct that public notice of the hearing of an appeal under subsection (1) and of the matters at issue therein be given in such manner as it deems proper.

(5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-459-05

 

INTITULÉ :                                       TRADITION FINE FOODS LTD. c. GROUPE TRADITION’L INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 février 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Le juge Blanchard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 10 juillet 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gregory A. Piasetzki

Sam El-Khazen                                                                        POUR LA DEMANDERESSE

 

Brian D. Edmonds

Philippe Boivin                                                                          POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Piasetzki & Nenniger s.r.l.                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

 

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.                                      POUR LA DÉFENDERESSE

Montréal (Québec)

 

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