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Date : 20050512

Dossier : IMM-8979-04

Référence : 2005 CF 678

Toronto (Ontario), le 12 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

                                                              HONG MEI CHEN

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Mme Chen est résidente permanente canadienne et a été parrainée par son mari canadien. Elle voudrait parrainer à son tour son fils en Chine, An Bo Xie, mais elle n'a pu le faire à cause de l'application de l'alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR), pris en vertu de l'article 14 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Elle sollicite le contrôle judiciaire de la décision portant que An Bo Xie est exclu de la catégorie du « regroupement familial » définie par le RIPR.


[2]                Avant de venir au Canada, Mme Chen a eu deux fils en Chine. Le premier, An Bo Xie, est né hors des liens du mariage quand elle avait 18 ans. Le garçon a été confiée à la grand-mère paternelle de l'enfant. Le deuxième, Zhi Hao Jiang, est né du premier mariage de Mme Chen (qui s'est terminé plus tard par un divorce). Mme Chen a par la suite épousé un citoyen canadien qui a parrainé son établissement à titre de résidente permanente.

[3]                Dans sa demande de résidence permanente, Mme Chen n'a inscrit que son deuxième fils, ayant présumé qu'étant donné qu'elle n'avait pas la garde de son fils aîné qu'elle avait abandonné, celui-ci n'était pas une personne à charge. Elle affirme que l'avocat l'ayant aidée à remplir sa demande lui a mentionné qu'il n'était pas nécessaire de divulguer l'existence de ce deuxième enfant car elle n'en avait pas la garde et ne subvenait pas à ses besoins.

[4]                Au moment où Mme Chen est venue au Canada, elle n'a emmené que son deuxième fils avec elle. Elle n'a pas déclaré l'existence de son premier fils, An Bo Xie, aux agents d'immigration au point d'entrée.


[5]                Mme Chen a présenté une demande de parrainage de An Bo Xie à titre de fils à charge (membre de la catégorie du regroupement familial) en octobre 2003. La demande a été refusée par un agent des visas parce que l'alinéa 117(9)d) s'appliquait et que An Bo Xie était exclu de la catégorie du regroupement familial parce son existence n'avait pas été déclarée dans la demande de résidence permanente ni révélée aux autorités de l'immigration avant le dépôt de la demande de parrainage.

[6]                Mme Chen a interjeté appel de la décision de l'agent des visas devant la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. La décision du commissaire, en date du 16 septembre 2004, est la suivante :

Après avoir examiné les informations relatives au présent appel, je dois conclure que j'ai examiné l'appel en tenant compte de ma décision dans Le (Le Quang Tri c. M.C.I. (SAI TA3-06409), Néron, 13 novembre 2003). J'estime que les faits de l'espèce sont semblables.. Je reprends par conséquent le raisonnement que j'ai suivi dans cette affaire et je conclus que les actes de l'appelante l'empêchent de parrainer ltablissement du demandeur à l'avenir parce que l'alinéa 117(9)d) du Règlement a pour objet de priver un appelant du droit de parrainer des membres de sa famille n'ayant pas fait l'objet d'un contrôle et dont l'existence n'a pas été révélée au moment de la demande de visa de résident permanent et lorsqu'il s'est présenté au point d'entrée en vue de stablir au Canada. L'appelante n'a pas déclaré, en temps utile, conformément au Règlement, qu'elle avait un fils. Le libellé de l'alinéa 117(9)d) de la LIPR ne laisse aucun doute : en ne révélant pas l'existence des demandeurs, l'appelante a non seulement empêché l'agent des visas de l'assujettir à un contrôle, elle a aussi perdu le droit de parrainer ltablissement du demandeur à une date ultérieure. Étant donné ce qui précède, le présent appel est rejeté parce que le demandeur ne fait pas partie du regroupement familial aux termes du Règlement de la LIPR.

[7]                La seule question à examiner dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si l'alinéa 117(9)d) a été examiné et appliqué correctement en fonction des faits de l'affaire. Il s'agit à la fois d'une question de fait et de droit et, en conséquence, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable simpliciter : Ly c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] 4 C.F. 658; Dave c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 510.

[8]                Mme Chen soutient que la décision de la Section d'appel n'est pas raisonnable parce que la Commission n'a pas pris en considération la raison invoquée par la demanderesse pour expliquer pourquoi elle n'a pas déclaré son fils aîné comme enfant à charge. En suivant la décision qu'elle avait rendue antérieurement dans Le, la Commission a commis une erreur parce que, dans cette affaire, les appelants ont exclu délibérément certains parents du processus de contrôle par crainte qu'ils soient interdits de territoire : Le Quang Tri c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2003] D.S.A.I. no 1118 (Q.L.). La Commission n'a pas déterminé dans Le si une non-divulgation innocente suffisait pour que les appelants soient visés par l'alinéa 117(9)d).

[9]                Mme Chen ajoute que la question de savoir si la non-divulgation était « volontaire » est une question en litige, mais que la Commission ne l'a pas examinée. L'alinéa 117(9)d) a pour but de prévenir « la dissimulation frauduleuse de circonstances importantes qui peuvent empêcher le demandeur d'être admis au Canada » : De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 257 F.T.R. 290, paragraphe 35 (C.F.). Il n'y a eu aucune dissimulation frauduleuse ni exclusion délibérée dans le cas de An Bo Xie.


[10]            Le défendeur soutient que la Commission pouvait s'appuyer sur la décision Le parce qu'il s'agissait d'un cas où un parent n'avait pas déclaré l'existence d'un enfant. En outre, la position avancée dans Le a été confirmée récemment dans De Guzman, précitée. La Loi et le Règlement n'établissent pas de distinction entre les déclarations délibérément fausses et les déclarations inexactes faites innocemment, y compris celles découlant d'un conseil juridique erroné. La jurisprudence établit clairement que les clients sont responsables du choix de leurs conseillers : Lopez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-3999-01 (13 décembre 2001); Cove c. Canada, 2001 CFPI 266.

[11]            La mention dans De Guzman de la « dissimulation frauduleuse » a été faite dans le cadre de l'analyse par le juge Kelen de la question de savoir si le règlement contrevenait à la loi habilitante. Je ne crois pas que l'alinéa contenant ces termes limite la portée et l'incidence de l'alinéa 117(9)d) aux non-divulgations frauduleuses. Le règlement est clair. Peu importe le motif, la non-divulgation qui empêche qu'une personne à charge fasse l'objet d'un contrôle par un agent d'immigration exclut le parrainage futur de cette personne comme membre de la catégorie du regroupement familial.

[12]            La seule question que devait examiner la Commission était celle de savoir si An Bo Xie a fait l'objet d'un contrôle au moment où sa mère a présenté sa demande de résidence permanente. Étant donné que son existence n'avait pas été déclarée, il n'a pas pu faire l'objet d'un contrôle et il n'est donc pas considéré comme un membre de la catégorie du regroupement familial aux fins du parrainage.


[13]            Mme Chen a choisi de ne pas inclure son fils comme enfant à charge dans sa demande. Il se peut qu'elle ait été mal conseillée et qu'elle ait effectivement agi pour des motifs totalement innocents, mais ce choix n'était pas moins délibéré. Ce cas n'est pas comparable à la décision Jean-Jacques c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 104, dans laquelle un répondant a « agi sans savoir » qu'il avait un enfant.

[14]            La demanderesse a été autorisée à produire un autre affidavit afin de déposer en preuve la Note de service sur les opérations OP 03-19 du défendeur en date du 23 juin 2003 ainsi qu'un formulaire de déclaration, daté de janvier 2003, concernant les membres de la famille qui n'accompagnent pas l'intéressé et qui ne font pas l'objet d'un contrôle, utilisé par la suite au bureau de Hong Kong où a été reçue la demande de Mme Chen.

[15]            Mme Chen soutient qu'en ne l'informant pas du sens de l'expression « enfant à charge » en vertu de la LIPR et du RIPR lorsqu'elle a été parrainée pour venir au Canada, les agents du défendeur ont commis un manquement au principe de l'équité. En vertu de la Loi et du Règlement, l'expression « membre de la famille » comprend les enfants à charge qui sont, entre autres relations, les enfants biologiques qui n'ont pas été adoptés par les demandeurs : RIPR, articles 1, 2 et paragraphe 117(1).


[16]            Il ressort de la note de service sur les opérations et du formulaire que l'alinéa 117(9)d), tel qu'il était libellé en 2003, excluait injustement de l'examen comme membres du regroupement familial, les membres de la famille qui n'accompagnaient pas l'intéressé et qui n'avaient pas fait l'objet d'un contrôle en raison d'une décision ou d'une politique administrative. La note de service et le formulaire visaient à assurer, en attendant la révision du règlement, que les demandeurs soient parfaitement au courant des conséquences, pour les personnes à charge ne les accompagnant pas, du fait de ne pas les avoir soumises à un contrôle à l'époque où ils ont présenté leur demande. Le règlement a ensuite été modifié pour préciser que l'alinéa 117(9)d) ne s'applique pas lorsque le membre de la famille qui n'accompagne pas l'intéressé n'a pas fait l'objet d'un contrôle parce qu'un agent a déterminé qu'il n'était pas tenu de faire l'objet d'un contrôle : DORS/2004-167.

[17]            Je n'accepte pas l'argument de la demanderesse selon lequel l'équité exigeait qu'elle soit informée par les agents d'immigration du sens de l'expression « enfant à charge » . Poussé à l'extrême, comme le soutient le défendeur, cela voudrait dire que presque toutes les dispositions de la Loi et du Règlement auraient dû être expliquées à la demanderesse. Mme Chen a eu l'aide d'un avocat pour remplir sa demande d'admission parrainée au Canada. Il lui incombait ainsi qu'à son avocat de s'assurer que les conséquences de la non-déclaration de l'existence de An Bo Xie étaient pleinement comprises. La non-déclaration de cet enfant a fermé la porte à son parrainage comme membre de la catégorie du regroupement familial.

[18]            L'alinéa 117(9)d) ne retire pas à la demanderesse le droit de retrouver son fils. An Bo Xie a toujours la possibilité de présenter une demande de résidence permanente au Canada, autrement qu'à titre de membre de la catégorie du regroupement familial, et de présenter une demande fondée sur des considérations d'ordre humanitaire.

[19]            Aucune question grave de portée générale n'a été proposée et aucune question n'est certifiée.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE le rejet de la présente demande.

                                                                          « Richard G. Mosley »                

                                                                                                     Juge                            

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-8979-04

INTITULÉ :                                                    HONG MEI CHEN

                                                                                       demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

                                                                                             défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 10 MAI 2005

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 12 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Steven Kaminker                                               POUR LA DEMANDERESSE

David Tyndale                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Steven Kaminker         

Avocat

Toronto (Ontario)                                              POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                    POUR LE DÉFENDEUR

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