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Date : 20220413


Dossier : IMM-6595-20

Référence : 2022 CF 536

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 13 avril 2022

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

KESLY JEAN BAPTISTE

(ALIAS KESLEY JEAN BAPTISTE)

GUILDA JOSEPH JEAN BAPTISTE

(ALIAS GUILDA JOSEPH JEAN BAPTISTE)

(ALIAS GUELDA JEAN‑BAPTISTE)

AUNDRE JOHNNATHAN JEAN BAPTIST

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé les conclusions de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon lesquelles ils ne sont pas admissibles à la protection au titre de l’article 96 ou 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] Au terme de l’audience, j’ai rejeté la demande en indiquant que les motifs suivraient.

II. Contexte

[3] Les demandeurs, un couple et leur fils, ont présenté une demande d’asile au motif qu’ils risquaient d’être victimes, en Haïti, de persécution fondée sur les opinions politiques de M. Jean Baptiste, le sexe de Mme Jean Baptiste et le fait qu’ils étaient collectivement des rapatriés haïtiens. Un quatrième membre de la famille, la fille du couple, a également demandé l’asile, qui lui a été accordé en raison de son âge et de son sexe. Elle n’est pas partie à la présente demande.

[4] Le demandeur principal prétend avoir participé à des activités politiques en Haïti en 2010 et 2011 et que la résidence familiale a été l’objet d’attaques pour cette raison. La famille a déménagé dans une autre ville pour se protéger, mais le demandeur affirme qu’ils ont de nouveau été menacés. En 2013, la mère et la fille ont fui vers les Bahamas. Le demandeur principal les a rejointes en 2014 et le deuxième enfant, le fils, est né aux Bahamas en janvier 2015. Le demandeur principal a été expulsé des Bahamas et renvoyé en Haïti en février 2015. La mère et les enfants se sont ensuite rendus aux États‑Unis dans l’intention d’y demander l’asile.

[5] Le demandeur principal affirme qu’il a poursuivi ses activités politiques en Haïti en 2015 et 2016. Après avoir été attaqué à la résidence de sa mère, il s’est lui aussi rendu aux États‑Unis, où il a présenté une demande d’asile distincte en septembre 2016. La famille est arrivée au Canada en août 2017 et a présenté une demande d’asile en octobre 2017.

[6] La SPR a jugé que les demandeurs étaient généralement non crédibles et a rejeté leur demande pour cette raison. Ces conclusions étaient fondées, en partie, sur les observations écrites du ministre. Celui‑ci est intervenu dans l’affaire afin de faire valoir que le demandeur principal avait fait une fausse déclaration quant au temps qu’il avait passé aux Bahamas. Plus précisément, le ministre a présenté des éléments de preuve démontrant que le demandeur principal avait résidé aux Bahamas, demandé des passeports bahamiens et présenté des demandes de visas pour les États‑Unis à tout le moins en 2006, 2008, 2010 et 2014.

[7] La SPR a conclu que les demandeurs vivaient aux Bahamas alors qu’ils prétendaient être résidents d’Haïti. Ayant examiné la preuve, y compris le certificat de mariage contredisant leur témoignage, la SPR a conclu que le demandeur avait passé la majeure partie de la période entre 2006 et 2015 aux Bahamas. La preuve liée à ses activités politiques en Haïti n’a pas été jugée crédible, et les lettres déposées à l’appui de sa demande d’asile ont été jugées vagues et dépourvues des détails nécessaires.

[8] En appel, se fondant sur le paragraphe 110(4) de la LIPR, les demandeurs ont voulu faire admettre un nouvel élément de preuve, soit une copie de la carte d’identité de la mère du demandeur principal, et ont demandé la tenue d’une audience en vertu du paragraphe 110(6). La commissaire n’a pas voulu admettre le nouvel élément de preuve au motif qu’il n’était pas pertinent et elle a refusé de tenir une audience.

[9] La SAR a confirmé chacune des conclusions de fond de la SPR. Elle a conclu que les demandeurs n’étaient pas exposés personnellement à un risque en tant que rapatriés, mais qu’ils étaient plutôt exposés au même risque que tous les résidents d’Haïti perçus comme étant riches. La demanderesse secondaire n’avait pas un profil qui l’aurait placée dans la catégorie des femmes vulnérables. La SAR a conclu que la SPR avait bien appliqué les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe lorsqu’elle avait examiné la situation personnelle de la demanderesse secondaire.

[10] Après avoir procédé à son propre examen de la preuve, notamment de la transcription de l’audience devant la SPR, la SAR a confirmé la conclusion en matière de crédibilité tirée par la SPR.

III. Les questions en litige et la norme de contrôle applicable

[11] D’après le dossier dont dispose la Cour et les observations orales et écrites reçues de la part des demandeurs, rien ne justifie que la Cour modifie les conclusions de la SAR concernant le risque personnel en tant que rapatriés ou concernant la persécution dont la demanderesse secondaire pourrait être victime en raison de son sexe.

[12] La question déterminante que la Cour doit trancher dans le présent contrôle judiciaire est de savoir si la conclusion de la SAR selon laquelle le demandeur principal n’a pas réussi à établir son allégation fondée sur ses opinions politiques est raisonnable.

[13] Tout comme les parties, je conviens que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, comme le prévoit l’arrêt Canada c Vavilov, 2019 CSC 65.

IV. Analyse

[14] Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur en concluant que le demandeur principal avait passé beaucoup de temps aux Bahamas entre 2006 et 2016 et donc qu’il n’avait pas établi avec crédibilité qu’il risquait d’être persécuté en raison de ses opinions politiques. Ils prétendent que même si le demandeur principal résidait aux Bahamas en 2006 et s’y était rendu en 2008 et en 2016 pour y présenter des demandes de passeports, cela ne contredit pas sa déclaration selon laquelle il était un membre actif d’un parti politique en Haïti de 2010 à 2016.

[15] Que les demandeurs aient ou non été résidents des Bahamas durant la période en cause, comme le ministre l’allègue, ils n’ont pas été francs quant au temps qu’ils y ont passé. La SAR s’est fondée non seulement sur la présence du demandeur principal aux Bahamas en 2006, 2008, 2010 et 2016 pour mettre en doute sa déclaration selon laquelle il vivait et travaillait en Haïti en 2010 et 2011, mais aussi sur les incohérences dans son témoignage et dans la preuve documentaire. Pour arriver à cette conclusion, la commissaire de la SAR a examiné les documents déposés à l’appui de la demande du demandeur principal, mais ceux‑ci n’établissaient pas, comme le demandeur le prétendait, qu’il était exposé à un risque en raison de ses opinions politiques. En outre, la conclusion de la SAR selon laquelle le demandeur principal n’avait pas le profil d’une personne exposée à un risque en raison de ses opinions politiques est, à mon avis, inattaquable.

V. Conclusion

[16] La SAR a examiné de façon approfondie et cohérente le témoignage et les éléments de preuve présentés par le demandeur principal pour déterminer si son allégation de persécution pour activités politiques était fondée. Selon la norme de contrôle de la décision raisonnable, rien ne justifie l’intervention de la Cour.

[17] Aucune question grave de portée générale n’a été proposée et aucune ne sera certifiée.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-6595-20

LA COUR STATUE que la demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6595-20

INTITULÉ :

KESLY JEAN BAPTISTE

(ALIAS KESLEY JEAN BAPTISTE)

GUILDA JOSEPH JEAN BAPTISTE

(ALIAS GUILDA JOSEPH JEAN BAPTISTE)

(ALIAS GUELDA JEAN‑BAPTISTE)

AUNDRE JOHNNATHAN JEAN BAPTIST

c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Tenue par vidéoconférence à Ottawa et à Toronto

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 FÉVRIER 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MOSLEY

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 13 AVRIL 2022

COMPARUTIONS :

Tosin Falaiye

Pour les demandeurs

Amy Lambiris

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Topmarke Attorneys LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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