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Date : 20220411

Dossier : T-419-20

Référence : 2022 CF 417

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 11 avril 2022

En présence de madame la juge Furlanetto

ENTRE :

MERCK SHARP & DOHME CORP.

ET MERCK CANADA INC.

demanderesses

et

PHARMASCIENCE INC.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS

(Identiques à la version confidentielle du jugement et des motifs

datée du 28 mars 2022)

[1] Le présent jugement découle d’une action en contrefaçon de brevet intentée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 [le Règlement sur les MBAC]. Le brevet en cause est le brevet canadien no 2 529 400 [le brevet 400]. La drogue innovante qui fait l’objet de l’action est JANUVIA®, utilisée pour traiter le diabète de type 2.

[2] Merck Canada Inc. est la « première personne » au sens du Règlement sur les MBAC. Merck Sharp & Dohme Corp. est la propriétaire inscrite du brevet 400 et est partie à l’action intentée en vertu du paragraphe 6(2) du Règlement sur les MBAC.

[3] Les demanderesses [collectivement, Merck] prétendent que la fabrication, la construction, l’exploitation ou la vente de comprimés de phosphate de sitagliptine en concentration de 25 mg, 50 mg, et 100 mg par la défenderesse, Pharmascience Inc. [PMS] conformément à la présentation abrégée de drogue nouvelle contrefera au moins l’une des revendications 4 à 7, 19, 20, 22, 24 et 26 [les revendications invoquées] du brevet 400. PMS soutient, dans sa défense, que le brevet 400 est invalide pour cause d’évidence et/ou d’insuffisance.

[4] Les parties se sont entendues sur le fait que la seule question devant être tranchée au procès est celle de la validité du brevet 400. Elles étaient également d’accord pour que, dans l’éventualité où la Cour conclurait à la validité de l’une ou l’autre des revendications du brevet 400, l’intégralité de l’ordonnance sollicitée par les demanderesses dans l’action intentée devrait être accordée ainsi que la réparation demandée par ces dernières.

[5] Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que les revendications invoquées du brevet 400 sont valides et que la réparation demandée doit être ordonnée en conséquence.

I. Contexte

[6] Le brevet 400 est inscrit au Registre des brevets en association avec le phosphate de sitagliptine monohydraté médicinal. La sitagliptine existe en tant que sel de phosphate de dihydrogène sous forme monohydratée cristalline dans les comprimés vendus sous le nom de JANUVIA®. La sitagliptine est le principe actif du médicament.

[7] Dans le cas du diabète de type 2, les cellules développent une résistance à l’insuline de sorte que la présence d’insuline dans le sang n’entraîne pas l’absorption du glucose par les cellules, ou que le pancréas ne produit pas suffisamment d’insuline pour contrer cette résistance. Par conséquent, le glucose s’accumule dans le sang.

[8] La sitagliptine inhibe la dipeptidylpeptidase-4 [DPP-4, DP-IV ou DPP-IV], une enzyme qui dégrade l’un des peptides (glucagon-like peptide-1 [GLP-1]) qui stimulent la sécrétion d’insuline. Cet effet inhibiteur module le niveau d’insuline et de glucose dans le sang. La sitagliptine n’agit que lorsque le glucose est élevé dans le sang, réduisant ainsi le risque d’hypoglycémie causée par une faible glycémie.

[9] En 2006, JANUVIA® est devenu le premier inhibiteur de la DPP-4 approuvé par la Food and Drug Administration [FDA] des États-Unis pour le traitement du diabète. Il a été approuvé par Santé Canada en 2007.

[10] À l’origine, les demanderesses alléguaient dans le cadre de l’action qu’il y avait contrefaçon de trois brevets, soit le brevet 400 ainsi que deux autres brevets inscrits au Registre des brevets en association avec le phosphate de sitagliptine monohydraté, les brevets canadiens nos 2 536 251 [le brevet 251] et 2 450 740 [le brevet 740]. Les allégations relatives au brevet 251 et au brevet 740 ont toutefois été abandonnées avant le procès.

[11] Le brevet 740 est le brevet correspondant à la phase nationale canadienne de la demande de brevet WO 03/004498 [WO498] présentée en vertu du Traité de coopération en matière de brevets [PCT]. Dans la demande de brevet WO498, on divulgue un genre de composés qui comprend le composé chimique maintenant connu sous le nom de sitagliptine. On y décrit plus particulièrement la sitagliptine, entre autres composés, à la fois sous forme de base libre et de sel de chlorhydrate, et il est fait référence à d’autres sels et formes cristallines visés par le brevet sollicité. La demande de brevet WO498 est mentionnée dans le brevet 400, comme on le verra plus loin.

[12] Le brevet 400 concerne le sel de dihydrogénophosphate [DHP] de sitagliptine et sa forme monohydratée cristalline, un procédé de fabrication du sel de DHP de sitagliptine en tant que monohydrate cristallin, sa formulation en tant que composition pharmaceutique et son utilisation pour traiter les maladies marquées par l’inhibition de la DPP-4, comme le diabète de type 2.

II. Témoins

[13] Sept experts ont témoigné lors du procès, dont trois experts cités par PMS et quatre par Merck. Les parties se sont entendues sur les caractéristiques de l’expertise de chacun des témoins experts.

A. Experts de PMS

[14] M. Vassil Elitzin, Ph.D., a obtenu son doctorat à l’Université Stanford en 2004, en se spécialisant dans la synthèse de composés chimiques d’origine naturelle. Il est actuellement directeur de la Chimie, de la Fabrication et des Contrôles et chimiste en chef chez LI-COR Biosciences. Il était auparavant chercheur principal dans le groupe Développement chimique de GlaxoSmithKline. Ses travaux portent sur le développement d’ingrédients pharmaceutiques actifs et de formes pharmaceutiques, de la découverte à la commercialisation. M. Elitzin a été reconnu comme expert en chimie organique synthétique et en caractérisation de composés, avec une expertise particulière dans le développement, la fabrication et la caractérisation de différents sels et formes cristallines de composés.

[15] M. Elitzin a fourni une opinion sur la question à savoir si les revendications du brevet 400 auraient été évidentes pour une personne versée dans l’art [PVA]. Il a également examiné certains documents internes de Merck et a émis un avis sur la ligne de conduite suivie par les inventeurs pour obtenir le sel de DHP de sitagliptine et le monohydrate cristallin.

[16] PMS met en évidence l’expérience de M. Elitzin au sein de l’industrie. Or, ce dernier n’était pas actif dans l’industrie à la date pertinente pour évaluer si le brevet 400 était évident. Ses observations quant à ce qui se produisait à l’époque se limitent à sa compréhension des textes scientifiques qu’il a lus et des cours qu’il a suivis pendant ses études doctorales. Bien que, de façon générale, j’estime que le témoignage de M. Elitzin est utile pour la Cour, comme je le souligne ci-dessous, je suis d’avis qu’il a accepté des déclarations des auteurs principaux faisant autorité de façon sélective relativement aux connaissances générales courantes dans le domaine, certaines provenant de publications sur lesquelles il s’était appuyé pour rédiger son propre rapport. J’ai donc traité son témoignage dans ces domaines avec prudence, et, dans certains cas, j’ai préconisé la preuve des experts de Merck à ceux de M. Elitzin dans ces domaines.

[17] M. Mark Hollingsworth, Ph.D. est professeur de recherche émérite à l’Université d’État du Kansas. Il travaille dans le milieu universitaire depuis 1987, d’abord comme professeur agrégé au département de chimie de l’Université de l’Alberta, puis comme professeur agrégé au département de chimie de l’Université de l’Indiana, et enfin comme professeur agrégé au département de chimie de l’Université d’État du Kansas, où il a travaillé de 1998 jusqu’à sa retraite en août 2021. Il a enseigné et donné de nombreuses conférences sur la chimie du solide et la caractérisation des formes cristallines. M. Hollingsworth a été reconnu comme expert en chimie organique, plus particulièrement en chimie organique à l’état solide, y compris en caractérisation de l’état solide des composés organiques et leurs propriétés, avec une expertise dans les techniques analytiques pour caractériser les solides organiques et la cristallisation des solides organiques. Il a en outre été reconnu comme expert dans les domaines de la croissance cristalline et de l’ingénierie des cristaux, avec une expertise dans les techniques analytiques pour la caractérisation des solides organiques et la cristallisation des composés organiques et inorganiques, notamment par cristallographie aux rayons X.

[18] M. Hollingsworth a donné son avis sur les revendications 4 à 7, 19, 20 et 24 du brevet 400 et sur les éléments du critère de l’évidence relatifs à ces revendications, à la fois avant et après un examen de certains documents internes de Merck. Il a également analysé les fichiers de données brutes de Merck concernant les travaux de caractérisation par diffraction de rayons X sur poudres, effectués au cours du criblage polymorphique par Merck, et a fourni une analyse de ces travaux, y compris en ce qui concerne les limitations trouvées dans les revendications 5 à 7 du brevet 400. Je suis d’avis que M. Hollingsworth était un témoin compétent et crédible.

[19] M. James E. Foley, Ph.D., est directeur de recherche clinique à la retraite ayant une expérience dans la mise au point de médicaments liés aux traitements du diabète. Il travaille dans le domaine de la recherche sur le diabète depuis les années 1970 et a commencé à travailler sur les inhibiteurs de la DPP-4 en 1995. M. Foley a participé à l’évaluation du médicament candidat DPP-728 de Novartis en tant qu’inhibiteur de la DPP-4 chez les patients, ainsi qu’au développement clinique et au profilage de la vildagliptine, ou LAF-237, en tant qu’inhibiteur de la DPP-4. M. Foley a été admis en tant qu’expert en pharmacologie et en mise au point de médicaments, notamment en ce qui concerne l’historique de la mise au point des inhibiteurs de la DPP-4 comme traitement contre le diabète. La Cour a également reconnu son expertise dans la découverte et la mise au point de médicaments, ainsi que dans l’identification de composés têtes de série.

[20] M. Foley a présenté le contexte de la mise au point des composés DPP-728 et de vildagliptine de Novartis comme inhibiteurs de la DPP-4. Il a donné son avis sur les revendications 22 et 26 du brevet 400 et sur les éléments du critère de l’évidence concernant ces revendications. Je suis d’avis qu’il était un témoin compétent et crédible.

B. Experts de Merck

[21] M. James Wuest, Ph.D., est professeur de chimie à l’Université de Montréal, où il travaille depuis 1981. Il est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les matériaux moléculaires. Auparavant, il était professeur agrégé de chimie à l’Université Harvard et chercheur à l’École de médecine de Harvard. M. Wuest est spécialisé dans la conception moléculaire et la synthèse de formes à l’état solide, notamment les formes salines, les formes cristallines et leurs polymorphes. Il possède une vaste expérience dans la synthèse de composés et dans la caractérisation des structures et des propriétés qui en résultent. M. Wuest a été reconnu comme expert en conception et synthèse moléculaires, avec une expertise particulière en chimie des solides organiques, y compris la caractérisation de l’état solide des composés organiques et de leurs propriétés, avec une expertise dans les techniques analytiques de caractérisation des solides organiques et la cristallisation des composés organiques.

[22] M. Wuest a donné son avis sur les revendications 4 à 7, 19, 20, 22 et 24 du brevet 400 et sur la question de savoir si ces revendications auraient été évidentes à la date pertinente. Il a également répondu aux opinions de MM. Elitzin et Hollingsworth.

[23] PMS fait remarquer que M. Wuest n’a jamais travaillé au sein d’une équipe réalisant la mise au point de médicaments. Je remarque que cette critique s’applique également à l’expert de PMS, M. Hollingsworth. Les opinions de M. Wuest, tout comme celles de M. Hollingsworth, doivent être examinées en tenant compte de ces limites, à savoir qu’elles concernent les principes et les données scientifiques qui peuvent être évalués à partir des connaissances sur les techniques employées et la documentation scientifique accessible à l’époque, mais cela ne diminue pas le poids à leur accorder.

[24] PMS fait en outre remarquer que M. Wuest a témoigné dans plusieurs affaires auxquelles sont parties des innovateurs, y compris pour le compte de Merck, et que ses services ont été retenus dans un litige aux États-Unis ayant trait au brevet correspondant au brevet 400. Cela donne à penser que M. Wuest a des liens avec Merck, car il a rencontré M. Wenslow, qui est inventeur chez Merck, et avait prévu donner une conférence dans les locaux de l’entreprise de M. Wenslow. Je ne trouve pas ces critiques convaincantes. M. Wuest ne reçoit aucun soutien financier de Merck pour sa recherche. Sa participation à des litiges passés n’est pas inhabituelle pour un scientifique accompli dans le domaine, et il ne participe actuellement à aucune instance aux États-Unis relativement au brevet correspondant au brevet 400. Tel que l’a clarifié son contre‑interrogatoire, M. Wuest n’a discuté ni du présent litige ni de la sitagliptine avec M. Wenslow, et sa conférence dans les locaux de l’entreprise de ce dernier n’avait aucun lien avec le présent litige. Aucun des éléments de preuve dont je dispose n’indique que M. Wuest n’est pas un témoin indépendant et impartial.

[25] Globalement, je pense que M. Wuest a été un témoin compétent et d’une grande aide pour la Cour. Cependant, son point de vue sur certains passages du brevet 400 relatifs à l’activité inhibitrice semblait « douteux », et sa position n’était pas claire quant à savoir s’il pouvait ou non se prononcer sur les questions relatives à la puissance des composés et à leur utilisation thérapeutique. J’ai donc pris en compte son témoignage sur ces questions avec prudence.

[26] M. Martyn C. Davies, Ph.D., est un professeur émérite et un expert-conseil pharmaceutique qui a récemment pris sa retraite de l’Université de Nottingham, où il a occupé plusieurs fonctions, notamment celle de chef de la Faculté de pharmacie et de sciences pharmaceutiques. Il a travaillé pendant de nombreuses années en tant qu’expert-conseil et possède une expérience pratique significative dans la mise au point, la formulation et la caractérisation de préparations pharmaceutiques et de modes d’administration de médicaments. M. Davies a été reconnu comme expert en préparations pharmaceutiques et en modes d’administration de médicaments, notamment en ce qui concerne l’évaluation de préformulations, la conception et la mise au point de formulations, la fabrication, la caractérisation, les essais et l’analyse, y compris pour les formes pharmaceutiques orales solides.

[27] M. Davies s’est prononcé sur la question de l’évidence en ce qui concerne les revendications 4 à 7 et 22 du brevet 400, du point de vue du formulateur compétent. Il a également répondu à l’opinion de M. Elitzin sur ces revendications, en donnant sa propre point de vue.

[28] PMS souligne les antécédents de M. Davies dans des litiges relatifs à des questions pharmaceutiques dans le cadre desquels il a témoigné pour le compte d’innovateurs. PMS soutient également que M. Davies a tenté de corroborer la preuve présentée par d’autres témoins de Merck pendant son témoignage. Elle renvoie à deux passages du contre-interrogatoire de M. Davies, où ce dernier fait référence aux dépositions d’autres témoins de Merck dans sa réponse à une question qui lui avait été posée. Dans un cas, la déposition renvoie à M. Wenslow, et dans l’autre, à M. Wuest. Je partage la critique formulée par PMS dans le premier cas. Toutefois, dans le deuxième cas, le renvoi par M. Davies aux dépositions d’autres témoins semble résulter du fait qu’on lui a posé une question relevant d’un domaine ne faisant pas partie de son expertise. Quoi qu’il en soit, je ne considère pas que ces deux passages ont une incidence sur le reste du témoignage de M. Davies. J’estime que ce dernier était un témoin qui connaît bien son domaine et je considère que son témoignage a été utile pour la Cour.

[29] Le Dr Richard E. Lewanczuk est endocrinologue et directeur médical principal, Système de santé intégré, des Services de santé de l’Alberta. Il a occupé divers postes au sein de cette organisation depuis les années 90. Il est également professeur de médecine et de physiologie à l’Université de l’Alberta et mène des recherches sur le diabète, l’hypertension, la prise en charge des maladies chroniques, les produits naturels thérapeutiques et les interactions médicament-maladie. Le Dr Lewanczuk a été reconnu comme expert en médecine interne et en endocrinologie grâce à sa grande expertise dans la prise en charge et le traitement du diabète de type 2. Il a également été reconnu comme expert en conduite d’essais cliniques pour des agents pharmaceutiques destinés à être utilisés dans le traitement du diabète de type 2.

[30] Le Dr Lewanczuk a présenté le contexte du diabète de type 2 et l’historique des différents traitements utilisés pour traiter ce type de diabète, y compris le rôle et les effets de JANUVIA® et d’autres produits pharmaceutiques de Merck. On lui a également demandé de réagir aux points de vue de M. Foley concernant la question de l’évidence et les revendications 22 et 26 du brevet 400.

[31] PMS a critiqué le fait que le Dr Lewanczuk n’a pas déclaré qu’il avait reçu des honoraires de Merck pour avoir siégé à un comité consultatif et donné une conférence. Ce renseignement a été reconnu sans peine par le Dr Lewanczuk lors de son contre‑interrogatoire, dans le cadre duquel il a précisé que les honoraires provenant de sociétés pharmaceutiques étaient monnaie courante, et que son curriculum vitæ n’en faisait pas mention en raison justement du fait que le versement de tels honoraires était tellement généralisé. Le Dr Lewanczuk a confirmé qu’il n’avait jamais reçu de soutien à la recherche de la part de Merck. J’estime que l’absence de la mention des honoraires n’a pas d’incidence sur la crédibilité du Dr Lewanczuk et que cela ne témoigne d’aucune forme de partialité. Dans l’ensemble, j’ai considéré que le Dr Lewanczuk était un témoin franc, qui a rapidement reconnu ces omissions et aidé à clarifier la situation.

[32] PMS a également critiqué le fait que le Dr Lewanczuk a donné son avis sur la sélection de sels et sur la question de savoir si la sitagliptine avait été déclarée dans l’antériorité, alors que, de son propre aveu, cette preuve dépassait son expertise. Je conviens que, dans certains cas, le Dr Lewanczuk s’est éloigné de son expertise, principalement lorsqu’il a cherché à répondre aux commentaires sur ces mêmes questions formulés dans le rapport Foley. Je n’ai accordé aucun poids à ces aspects de son opinion au moment de prendre ma décision.

[33] Même si j’estime que, dans son rapport, le Dr Lewanczuk s’est étendu sur des détails qui n’étaient pas nécessaires dans certains domaines, ses commentaires sur les revendications 22 et 26 et sur l’opinion de M. Foley ayant trait à ces revendications ont été utiles pour la Cour.

[34] M. William R. Roush, Ph.D., est le vice-président directeur du Département de chimie d’IFM Therapeutics, où il est chargé de diriger les activités de recherche en chimie thérapeutique pour la découverte de médicaments. Il possède plus de 40 ans d’expérience en chimie organique et thérapeutique et est professeur émérite de chimie au Scripps Research Institute. Entre 2005 et 2017, il a été l’ancien directeur général du Département de chimie thérapeutique de la division « Drug Discovery » du Scripps Translational Science Institute, où il a dirigé des travaux de recherche visant à optimiser les médicaments candidats pour les projets de découverte de médicaments internes de l’Institut. Avant 2017, il a également œuvré en tant qu’expert-conseil auprès de sociétés pharmaceutiques et biotechnologiques. M. Roush a été reconnu comme expert en chimie organique et thérapeutique, et plus particulièrement dans les domaines de la synthèse et de la caractérisation des composés organiques. Son expertise dans la découverte et le développement de médicaments et dans l’identification des composés têtes de série a également été reconnue.

[35] On a demandé à M. Roush de se prononcer sur le brevet 400 et de dire si une PVA aurait choisi d’étudier la sitagliptine ou l’un de ses sels comme inhibiteur potentiel de la DPP-4 pour le traitement du diabète de type 2, en date du 24 juin 2003, sans tirer profit du brevet 400. On lui a également demandé de répondre à M. Foley. Ce faisant, il s’est prononcé sur les revendications 4, 22 et 26 du brevet 400 et sur le caractère évident des revendications 22 et 26. Pour parvenir à ces opinions, M. Roush a effectué une recherche d’antériorités et passé en revue les étapes qu’un chimiste spécialisé en chimie thérapeutique suivrait pour identifier un composé candidat tête de série dans la mise au point d’un médicament.

[36] PMS affirme que M. eRoush entretient des liens très étroits avec les sociétés pharmaceutiques de marque. Elle souligne qu’à la date pertinente, M. Roush était actif dans le milieu universitaire et non dans l’industrie. Elle critique le fait qu’il a affirmé qu’il avait acquis une certaine expertise en ce qui concerne les inhibiteurs de la DPP-4 après avoir préparé son rapport et y avoir consacré une partie à la réussite de JANUVIA®, même si, il faut le reconnaître, il n’avait, lui‑même, aucune connaissance personnelle de cette réussite.

[37] Je conviens que ce sont des critiques qui peuvent être faites à l’égard du témoignage de M. Roush. Toutefois, je ne suis pas d’accord pour dire que M. Roush a rendu un témoignage partial ou que ces critiques établissent que le contenu de la preuve qu’il a présentée n’est pas crédible. En outre, je ne considère pas que les commentaires de M. Roush sur le processus d’identification des composés têtes de série soient compromis en raison de la date à laquelle il a acquis son expérience. Le problème le plus important que la Cour voit en ce qui concerne la déposition de M. Roush est que certains des aspects de ce témoignage sont donnés du point de vue du chimiste spécialisé en chimie thérapeutique, qui évalue et dirige des études de relations quantitatives structure-activité (RQSA) sur des composés connus dans l’art antérieur pour faire avancer les prochaines étapes de la recherche. Comme nous le verrons plus loin, ce n’est pas l’objet du brevet 400. Même si je dois déterminer si une PVA serait incitée à passer de la demande de brevet WO498 à l’idée originale du brevet 400, je ne considère pas qu’un chimiste spécialisé en chimie thérapeutique soit un membre nécessaire de l’équipe d’experts interprétant le brevet 400. Par conséquent, certains aspects du témoignage de M. Roush ne sont pas pertinents pour mon analyse.

C. Témoins de fait

[38] Deux témoins de fait ont été présentés par les demanderesses. La première témoin, Christine Vincent, est parajuriste auprès du cabinet d’avocats des demanderesses. Elle a fourni un affidavit auquel étaient joints différents documents obtenus à partir du site Web de Santé Canada ayant trait aux présentations de médicaments génériques touchant la sitagliptine. Elle y a également joint les actes de procédure de l’instance Merck Sharp & Dohme Corp c JAMP Pharma Corporation, T-667-20. Les demanderesses n’ont pas expliqué à la Cour l’importance de ces actes de procédure pour la présente affaire dans leurs observations. L’affidavit de Mme Vincent a été accepté, et il a été convenu qu’elle ne serait pas contre-interrogée.

[39] Le deuxième témoin de fait, M. Robert M. Wenslow, est l’un des inventeurs du brevet 400. Il était le représentant des demanderesses pour les interrogatoires préalables et, avec l’accord des parties, a été le seul inventeur à être interrogé aux termes du paragraphe 237(4) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles des Cours fédérales].

[40] M. Wenslow s’est joint à Merck en 1997 à titre de chimiste en recherche principal du service de recherche et développement des procédés. Lors du développement de la sitagliptine, il a dirigé une équipe de scientifiques du Groupe des mesures physiques, qui faisait alors partie du service de recherche analytique, et a supervisé directement les travaux de ses co-inventeurs, M. Russell Ferlita, Ph.D., M. Alex Chen, Ph.D. et Mme Yaling Wang.

[41] Le Groupe des mesures physiques faisait partie de l’équipe pluridisciplinaire élargie du projet sur la DPP-4 qui a participé à la mise au point de la sitagliptine. La principale responsabilité de ce groupe était d’effectuer la caractérisation à l’état solide des composés du médicament candidat, y compris par diffraction de rayons X sur poudres, par spectroscopie de résonance magnétique nucléaire en phase solide, par analyse calorimétrique différentielle et par analyse thermogravimétrique. En tant que membre principal du groupe, M. Wenslow a régulièrement discuté et collaboré avec l’équipe élargie du projet sur la DPP-4 et a examiné les rapports de recherche et les données produites sur la sitagliptine, y compris ceux des autres co-inventeurs, M. Karl Hansen, Ph.D., M. Ivan Lee, Ph.D., M. Stephen Cypes, Ph.D., et Mme Vicky Vydra, Ph.D.

[42] Comme l’a admis M. Wenslow, il n’a pas été directement affecté au projet sur la sitagliptine avant mars ou avril 2002, soit à peu près au moment où le sel de phosphate a été choisi en vue de la mise au point ultérieure (Transcription du procès, volume 4, page 349, lignes 8‑13; Transcription du procès, volume 5, page 190, ligne 18). L’une de ses principales responsabilités lorsqu’il a rejoint le groupe a été de passer en revue les travaux de mise au point réalisés jusqu’alors et de discuter avec d’autres membres du groupe de travail sur la DPP-4 afin de se familiariser avec les travaux réalisés avant son arrivée (Transcription du procès, volume 4, page 349, ligne 16; page 350, ligne 1).

[43] M. Wenslow a fourni un aperçu de l’historique de l’invention, tant dans son témoignage oral que dans son affidavit, et s’est à cette fin appuyé sur divers documents. Dans une entente signée par les parties, PMS a reconnu l’authenticité de tous les documents, à une exception près, ainsi que la véracité du contenu de la vaste majorité de ces documents.

[44] Nul n’a contesté le fait qu’il était loisible à M. Wenslow de comparaître au procès et de produire un affidavit présentant les documents visés par l’entente, mais de grandes parties de son affidavit ont fait l’objet de vives objections au motif qu’il s’agissait de ouï-dire, de preuve sous forme d’opinion, de questions qui vont au-delà des actes de procédure ou qui sont contraires aux articles 232 et 248 des Règles des Cours fédérales. Vu le moment choisi pour formuler ces objections, leur nature et leur nombre, objections qui, dans bien des cas, consistaient à jouer sur les mots ou les expressions d’un paragraphe, il a été décidé que la Cour gagnerait à entendre le témoignage oral complet de M. Wenslow au procès et que la question de l’admissibilité des parties de son affidavit à l’égard desquelles il y a objection serait traitée comme question préliminaire dans le cadre de la présente décision. Du temps a été réservé pour la plaidoirie lors de l’instruction de la requête, à la clôture de la preuve. Les parties ont également convenu que l’avocat de PMS présenterait une mise à jour après le témoignage de M. Wenslow sur la question de savoir s’il y aurait retrait d’objections. La portée de la requête n’a toutefois finalement pas été restreinte. PMS a plutôt cherché à ajouter d’autres objections suscitées par le témoignage oral de M. Wenslow. PMS a reçu la directive d’indiquer ces autres objections et de présenter les parties contestées de l’affidavit auxquelles elles se rapportent.

[45] Conformément à la décision rendue oralement lors de la plaidoirie au sujet de la requête, les objections concernant le témoignage faites après coup, non liées aux parties contestées de l’affidavit, ont été rejetées au motif que l’omission de PMS de les soulever lors du témoignage a empêché Merck d’y répondre adéquatement au moment opportun, voire de corriger des lacunes : Teva Canada Limitée c Pfizer Canada Inc., 2017 CF 526 (Venlaflaxine 2), aux para 32-42. Les réponses présentées lors du contre-interrogatoire ont également été rejetées au motif qu’elles étaient inappropriées, étant donné qu’elles avaient été obtenues par PMS directement. Les autres objections sont énoncées dans l’annexe jointe à la présente décision. L’annexe dresse la liste des objections initiales à l’égard de l’affidavit, ainsi que les objections visant le témoignage oral s’y rapportant, et énonce ma décision concernant chacune d’elles. Ci-dessous, je formule des observations générales sur les quatre principaux motifs soulevés à l’appui des objections.

(1) Ouï-dire

[46] La preuve par ouï-dire est une preuve présentée pour établir la véracité de son contenu sans la possibilité de contre-interroger le déclarant au moment où il fait sa déclaration : R c Khelawon, 2006 CSC 57 [Khelawon] au para et 35. Elle est présumée inadmissible à moins qu’elle ne relève de l’une des exceptions reconnues à la règle du ouï-dire : Khelawon, aux para 2, 34 et 42; Pfizer Canada Inc. c Teva Canada Limited, 2016 CAF 161 [Venlafaxine] aux para 86‑87.

[47] La preuve par ouï-dire peut également être admissible aux termes de la méthode d’analyse raisonnée si la partie qui cherche à la présenter en établit la nécessité et la fiabilité : Khelawon, au para 42; Bande Indienne Coldwater c Canada (Procureur Général), 2019 CAF 292 [Coldwater] au para 48. Une déclaration est fiable s’il n’y a pas de préoccupation réelle quant à son caractère véridique, vu les circonstances dans lesquelles elle a été faite, ou si, compte tenu de ces circonstances, sa véracité et son exactitude peuvent néanmoins être suffisamment vérifiées (Khelawon, aux para 61-63), par exemple en étant étayée par une preuve documentaire contemporaine (Coldwater, aux para 49-50). La nécessité est un critère souple et elle ne saurait être assimilée à la non-disponibilité du témoin : Khelawon, au para 78; Coldwater, au para 53. Il arrive que la nature et les exigences concrètes d’une instance aient une incidence sur l’évaluation de la nécessité (Coldwater, aux para 54-55), comme le fait d’éviter la production d’un nombre important et difficilement réalisable d’affidavits ou de témoins dans un souci de rapidité et d’efficacité (Coldwater, au para 59; R c Baldree, 2013 CSC 35 [Baldree] au para 72). Un critère peut influer sur l’autre (Khelawon, aux para 46 et 77) de sorte que si la preuve contestée est suffisamment fiable, l’exigence de nécessité peut être assouplie (Baldree, au para 72).

[48] Par cette méthode moderne à l’égard de la preuve par ouï-dire, les tribunaux reconnaissent qu’une telle preuve peut être admissible si elle est présentée par des superviseurs de service ou des personnes occupant un poste de supervision et qui, bien qu’ils n’exécutent pas tous les travaux, possèdent des connaissances personnelles suffisantes pour témoigner directement de la conduite du personnel, des activités et des événements au sein du service : Coldwater, aux para 42 à 46.

[49] PMS soutient qu’une grande partie de la preuve présentée par M. Wenslow consiste en des déclarations faites au sujet des travaux réalisés par d’autres personnes ou de l’état d’esprit et du raisonnement de ces dernières. Selon PMS, M. Wenslow n’avait joué qu’un rôle limité de supervision, insuffisant pour lui permettre de fournir un témoignage élaboré au sujet de la conduite, des activités et des événements entourant le processus de développement de la sitagliptine de Merck. PMS affirme que, si Merck souhaitait que cette preuve soit admise, il fallait qu’elle appelle d’autres inventeurs ou employés de Merck comme témoins.

[50] Merck fait valoir que la plupart des éléments de preuve contestés ne relèvent pas du ouï-dire, car ils découlent des connaissances personnelles que M. Wenslow a acquises à titre de superviseur. Merck affirme que la preuve contestée est admissible aux termes de la méthode d’analyse raisonnée de la règle du ouï-dire.

[51] Tel qu’il est énoncé dans l’annexe, la majorité des objections fondées sur le ouï‑dire ne peuvent pas être acceptées, car soit il ne s’agit pas de ouï-dire, soit les éléments de preuve sont admissibles aux termes de la méthode d’analyse raisonnée applicable au ouï-dire. Je conclus que le rôle de M. Wenslow au sein de l’équipe comportait des fonctions de supervision étendues qui lui permettent de parler de nombreux aspects des travaux expérimentaux effectués par l’équipe. De plus, en ce qui concerne la fiabilité, les déclarations contestées renvoient généralement à des renseignements tirés de documents qui ont déjà été acceptés par PMS comme étant admissibles quant à la véracité de leur contenu, sans nécessité de preuve supplémentaire, ou, comme soulevant des faits qui ont par ailleurs déjà été admis en preuve.

[52] En ce qui concerne la nécessité, il est difficile de concilier les positions incohérentes prises par PMS, soit, d’une part, le fait qu’elle accepte le témoignage de M. Wenslow comme seul témoignage au sujet de l’historique de l’invention aux fins de l’interrogatoire préalable, et, d’autre part, qu’elle affirme que ce témoignage est maintenant insuffisant pour le procès. Dans certains cas, si les objections de PMS étaient retenues, PMS interprèterait certains faits découlant de l’interrogatoire préalable comme faisant partie de sa propre preuve, tout en obligeant Merck à présenter ces mêmes faits par l’entremise de témoins supplémentaires. Le Règlement sur les MBAC cherche à favoriser l’efficacité et à éviter les difficultés pratiques que représenterait un grand nombre d’affidavits ou de témoins alors que de tels témoignages ne sont pas requis. La position trop formaliste adoptée par PMS, qui divise et analyse les phrases, alors que la fiabilité des déclarations contestées est appuyée par des documents contemporains ou d’autres éléments de preuve, est contraire aux lignes directrices fondamentales énoncées à l’article 6.09 du Règlement sur les MBAC.

(2) Témoignage d’opinion

[53] En règle générale, les témoins de fait doivent limiter leur témoignage aux faits dont ils ont connaissance et ne pas présenter les inférences, ou opinions, qu’ils en tirent : White Burgess Langille Inman c Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23 au para 14. Cette règle s’applique sauf lorsque le témoin est mieux placé que le juge des faits pour former les conclusions; que les conclusions sont celles qu’une personne possédant une expérience ordinaire peut tirer; que les témoins ont l’expérience leur permettant de tirer les conclusions ou que donner des opinions est une méthode pratique pour déclarer des faits trop fugaces ou compliqués pour être énoncés autrement : Toronto Real Estate Board c Commissaire de la concurrence, 2017 CAF 236 au para 79. La distinction entre un fait et une opinion n’est pas toujours nette : Graat c La Reine, [1982] 2 RCS 819 à la p 835.

[54] PMS conteste, en tout ou en partie, les 26 paragraphes de l’affidavit de M. Wenslow et son témoignage oral qui s’y rapporte au motif qu’il s’agit d’un témoignage d’opinion inadmissible. PMS affirme que M. Wenslow présente un témoignage d’opinion potentiellement trompeur qui ne respecte pas les exceptions limitées et étroites s’appliquant aux témoins de fait. Merck affirme qu’un grand nombre des objections soulevées ont trait à la preuve factuelle relative aux observations faites et aux conclusions tirées par des employés de Merck à l’époque. Merck soutient que s’il y a eu témoignage d’opinion, il est admissible, car M. Wenslow est bien placé pour présenter cette preuve et possède la capacité de le faire en raison de son expérience.

[55] La majorité des déclarations que PSM juge relever de l’opinion ont trait au raisonnement sous-jacent aux choix faits par l’équipe de développement de la DPP-4, et elles sont admissibles à cette fin. Certaines des déclarations sont de nature technique, mais cela n’invalide pas les déclarations automatiquement, en particulier lorsqu’elles reflètent ce que comprenait l’équipe de développement à l’époque. Dans certains cas, M. Wenslow ajoute un certain « lustre » à sa description des événements. Toutefois, dans la plupart des cas, de tels commentaires ne sont pas de nature à tromper la Cour ou à porter préjudice à PMS, et ne justifient pas l’exclusion de la preuve. Il est possible de tirer profit efficacement de ces commentaires par le poids qui est accordé à la déclaration. À quelques exceptions près, les objections faites à ce titre sont rejetées.

(3) Questions allant au-delà des actes de procédure

[56] La pertinence est une condition préalable à l’admission d’une preuve. Une preuve est pertinente si elle tend à établir un fait en litige. Pour réussir la démonstration que la preuve doit être exclue pour cause de manque de pertinence, la partie requérante doit démontrer que la preuve « est de toute évidence dénuée de pertinence » : Coldwater, au para 14. PMS ne l’a pas fait en l’espèce.

[57] La preuve contestée est pertinente pour l’analyse de l’essai allant de soi et la démarche de l’inventeur. Bien que tous les détails de l’historique de l’invention de Merck n’aient pas été expressément mentionnés dans la réponse de Merck, la preuve répond clairement aux questions soulevées dans l’instance et à la preuve de PMS. En conséquence, les objections faites à ce titre ont été rejetées.

(4) Objections fondées sur les articles 232 et 248 des Règles

[58] Les articles 232 et 248 des Règles ont pour objet d’éviter qu’une partie soit lésée par la communication tardive de documents et à interdire le recours aux « “pièges” pendant l’instruction » : Airbus Helicopters, S.A.S. c Bell Helicopter Texteron Canada Limitée, 2017 CF 170 au para 81; Apotex Inc. c Sanofi‑Aventis, 2010 CF 481 au para 6. L’article 248 ne s’applique que si une partie omet de produire des documents ou refuse de répondre à une question appropriée, et cherche ensuite à introduire une telle preuve au procès : Human Care Canada Inc. c Evolution Technologies Inc., 2018 CF 1302 [Human Care] aux para 60-61; Pollard Banknote Limited c BABN Technologies Corp., 2016 CF 883 au para 2015. La Cour conserve le pouvoir discrétionnaire d’admettre une preuve présentée en violation de l’article 248.

[59] De façon générale, lorsqu’une partie cherche à introduire une preuve perçue comme étant incompatible avec un témoignage présenté lors de l’interrogatoire préalable, ce qui est préférable de faire, c’est de montrer l’incohérence au témoin en contre-interrogatoire : §16.178, Lederman, Sidney N., Alan W. Bryant et Michelle K. Fuerst, Sopinka, Lederman and Bryant : The Law of Evidence in Canada, 5e éd. Toronto, LexisNexis Canada, 2018, §16.178; J.D. Irving, Limited c Siemens Canada Limited, 2016 FC 69, au para 43.

[60] PMS soulève 14 objections fondées sur les articles 232 et 248 des Règles. L’une de ces objections porte sur un courriel qui n’a pas été communiqué avant l’interrogatoire préalable de M. Wenslow ou en réponse aux engagements. La chaîne de courriels confirme la date à laquelle certaines expériences ont été menées. Ces renseignements ne sont pas controversés vu l’admission en preuve d’autres détails ayant trait à ces expériences dans des documents qui ont été acceptés comme étant admissibles pour la véracité de leur contenu. Par conséquent, j’estime que l’admission de ce document en preuve ne serait pas cause de préjudice.

[61] Les autres objections au titre de l’article 248 appartiennent à trois groupes. Le premier groupe d’objections concerne des questions auxquelles on n’a pas refusé de répondre lors de l’interrogatoire préalable, mais qui ont trait à des déclarations que PMS considère comme incohérentes. Ces objections ne sont pas appropriées en vertu de l’article 248. Le deuxième groupe d’objections vise des refus relatifs à des éléments très précis qui ne présentent qu’un lien ténu avec la preuve contestée. Le troisième groupe a trait à des objections non fondées ou qui n’ont pas été suffisamment précisées dans les observations de PMS.

[62] En plus des objections formelles qu’elle soulève contre la preuve présentée par M. Wenslow, PMS sollicite une conclusion défavorable quant à la crédibilité de ce dernier. PMS affirme que cette conclusion est distincte de la question de l’admissibilité, mais est indissociable de ces objections relatives à l’admissibilité. PMS soutient que M. Wenslow n’a pas reconnu que sa preuve reposait sur le ouï-dire et que son affidavit est fondé sur des informations et des croyances. Se fondant sur le paragraphe 81(2) des Règles des Cours fédérales, PMS affirme que des conclusions défavorables doivent être tirées du fait que Merck n’a pas offert de témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels.

[63] Bien qu’aucune preuve n’ait été fournie par ceux qui ont réalisé ces expériences, comme je l’ai mentionné précédemment dans ma décision, j’estime que M. Wenslow a dans la plupart des cas des connaissances suffisantes, grâce à son interaction avec l’équipe de développement de la DDP-IV, pour être en mesure de témoigner à cet égard. Il a présenté l’historique de l’invention, soutenu par les documents contemporains acceptés comme étant admissibles quant à leur véracité. Je conclus que cette preuve est crédible et toute explication fournie sera traitée en fonction de son poids.

III. Questions en litige

[64] Les questions suivantes ont été proposées par les parties dans leur énoncé conjoint des questions en litige :

  1. Évidence : À la date revendiquée de priorité de la demande (le 24 juin 2003), l’objet défini par les revendications invoquées aurait-il été évident ou suffisamment évident pour une PVA?

  2. Insuffisance : Le brevet 400 respecte-t-il les exigences énoncées aux alinéas 27(3)a) et b) de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P-4 (la Loi sur les brevets)?

[65] Outre répondre aux questions soulevées par les parties, et avant de déterminer la validité du brevet 400, la Cour doit interpréter les revendications invoquées du brevet 400. Pour ce faire, elle doit remettre le brevet 400 dans son contexte en déterminant s’il s’agit d’un brevet de sélection et déterminer la PVA du brevet 400.

IV. Le brevet 400

[66] Le brevet 400 s’intitule « Sel d’acide phosphorique d’un inhibiteur de la dipeptidyl peptidase IV ». Il s’agit de l’entrée en phase nationale d’une demande PCT déposée le 18 juin 2004, fondée sur une demande de brevet prioritaire déposée aux États-Unis le 24 juin 2003. Le brevet 400 expirera le 18 juin 2024.

[67] Dans la section relative au domaine de l’invention, à la page 1 du brevet 400, il est indiqué que l’invention du brevet 400 concerne le sel de DHP du composé 4-oxo-4-[3-(trifluorométhyle)-5,6-dihydro[1,2,4]triazolo[4,3-a]pyrazine-7(8H)-yl]-1-(2,4,5-trifluorophényle)butan-2-amine, maintenant connu sous le nom de sitagliptine, qui est un puissant inhibiteur de la DPP-4. Il est expliqué que le sel de DHP et ses hydrates cristallins sont utiles pour le traitement et la prévention de maladies et d’affections pour lesquelles un inhibiteur de la DPP-4 est indiqué, en particulier le diabète de type 2, l’obésité et l’hypertension artérielle. Il est aussi précisé que l’invention concerne en outre des compositions pharmaceutiques comprenant les sels hydratés et les hydrates cristallins, ainsi que les procédés pour les préparer.

[68] Dans la section Contexte du brevet 400, plusieurs articles relatifs à l’inhibition de la DPP-4 pour le traitement du diabète de type 2 sont mentionnés. On renvoie aussi à la demande de brevet antérieure WO498 de Merck & Co, qui divulgue une classe de composés qui sont des inhibiteurs puissants de la DPP-4 et à la divulgation du composé 4-oxo-4-[3-(trifluorométhyle)-5,6-dihydro[1,2,4]triazolo[4,3-a]pyrazine-7(8H)-yl]-1-(2,4,5-trifluorophényle)butan-2-amine dans cette classe.

[69] Dans le résumé de l’invention, on décrit l’invention comme étant le sel de DHP du composé 4-oxo-4-[3-(trifluorométhyle)-5,6-dihydro[1,2,4]triazolo[4,3-a]pyrazine-7(8H)-yl]-1-(2,4,5-trifluorophényle)butan-2-amine et ses hydrates cristallins, plus particulièrement, le monohydrate cristallin. On explique que le sel de DHP et les hydrates cristallins présentent des avantages dans la préparation de compositions pharmaceutiques, notamment en ce qui concerne « la facilité de manipulation et le dosage ». Ils présentent également [traduction] « une stabilité physique et chimique accrue, telle que la stabilité face au stress, aux températures élevées et à l’humidité, ainsi que des propriétés physico-chimiques améliorées, telles que la solubilité et la vitesse de passage en solution », ce qui les rend particulièrement adaptés aux formes posologiques pharmaceutiques. Dans cette section, on déclare que l’invention concerne en outre [traduction] « les compositions pharmaceutiques contenant le nouveau sel et les hydrates, ainsi que les modes d’emploi comme inhibiteurs de la DPP-IV, plus particulièrement pour la prévention ou le traitement du diabète de type 2, de l’obésité et de l’hypertension artérielle ».

[70] Dans la Description détaillée, on présente comme formules développées (I), (II) et (III) respectivement, des représentations du sel de DHP monobasique du composé 4-oxo-4-[3-(trifluorométhyle)-5,6-dihydro[1,2,4]triazolo[4,3-a]pyrazine-7(8H)-yl]-1-(2,4,5-trifluorophényle)butan-2-amine sous ses formes racémique, énantiomérique R et énantiomérique S.

[71] Le brevet 400 enseigne que le sel de DHP monobasique du composé 4-oxo-4-[3-(trifluorométhyle)-5,6-dihydro[1,2,4]triazolo[4,3-a]pyrazine-7(8H)-yl]-1-(2,4,5-trifluorophényle)butan-2-amine est un sel 1:1 avec un équivalent molaire de composé mono-protoné pour un équivalent molaire d’anion DHP. Il démontre également que les sels des composés de chacune des formules (I), (II) et (III) peuvent être des monohydrates cristallins. Le monohydrate cristallin de la forme énantiomérique R (formule développée [II]) du sel de DHP de sitagliptine est la forme du médicament utilisée dans JANUVIA®.

[72] Selon le brevet 400, le sel de DHP des formules développées (I) – (III) sous forme monohydratée cristalline peut agir comme un ingrédient pharmaceutique actif et présente des avantages pharmaceutiques et une stabilité chimique et physique améliorée par rapport au sel à base libre et au sel de chlorhydrate précédemment divulgués dans la demande de brevet WO498, dans la préparation d’un produit pharmaceutique contenant l’ingrédient pharmacologiquement actif.

[73] La page 6 du brevet 400 nous apprend comment les compositions pharmaceutiques de l’invention peuvent être administrées aux patients. Le brevet 400 indique que la posologie doit être choisie en tenant compte [traduction] « du type, de la génétique, de l’âge, du poids, du sexe et de l’état de santé du patient; de la gravité de l’affection à traiter; de la voie d’administration; et de la fonction rénale et hépatique du patient » (page 6, lignes 3‑5). Il précise que [traduction] « un médecin, un vétérinaire ou un clinicien expérimenté peut facilement déterminer et prescrire la quantité efficace du médicament nécessaire pour prévenir, contrer ou arrêter la progression de l’affection » (page 6, lignes 5‑7). Le brevet 400 donne ensuite des indications générales sur les différentes gammes de posologies pour l’administration en comprimés et par voie intraveineuse, en précisant que l’administration intranasale et transdermique est également possible (page 6, lignes 8‑22).

[74] Il décrit les formes pharmaceutiques des compositions et fournit des exemples, aux pages 18 et 19, du sel de DHP de sitagliptine monohydraté formulé sous forme de comprimé par compression directe et compactage à rouleaux et sous forme de solution injectable par voie intraveineuse. Le brevet 400 indique que le sel de DHP de sitagliptine monohydraté de la formule développée (I) a une solubilité élevée dans l’eau (72 mg/mL), ce qui le rend particulièrement adapté à la préparation de formulations.

[75] Le brevet 400 indique que le sel de DHP présente de puissantes propriétés inhibitrices de la DPP-4, utiles pour la prévention et le traitement du diabète de type 2, de l’obésité et de l’hypertension artérielle.

[76] Le brevet 400 décrit des méthodes générales pour cristalliser le monohydrate du sel de DHP de la formule développée (I) et fournit des instructions plus détaillées pour préparer le monohydrate cristallin de la formule développée (II). Il comprend également des spectres de caractérisation structurelle (diffraction de rayons X sur poudres, résonance magnétique nucléaire, analyse thermogravimétrique et analyse calorimétrique différentielle) pour le monohydrate cristallin de la formule développée (II).

A. Le brevet 400 est-il un brevet de sélection?

[77] Un brevet de sélection est un brevet qui porte sur la sélection d’un ou de plusieurs composés, qui font partie d’un groupe de composés qui ont déjà été divulgués en termes généraux et revendiqués dans un brevet de genre : Apotex Inc. c Shire LLC, 2021 CAF 52 [Shire] au para 31.

[78] Tel qu’il est énoncé dans l’arrêt Apotex Inc. c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi], au paragraphe 10, trois conditions sont essentielles à la validité du brevet de sélection :

1. L’utilisation des éléments sélectionnés permet d’obtenir un avantage important ou d’éviter un inconvénient important pour les éléments sélectionnés.

2. Tous les éléments sélectionnés (« à quelques exceptions près ») présentent cet avantage.

3. La sélection vise une qualité particulière propre aux composés en cause. Une recherche plus poussée révélant qu’un petit nombre de composés non sélectionnés présentent le même avantage ne permettrait pas d’invalider le brevet de sélection. Toutefois, si la recherche démontrait qu’un grand nombre de composés non sélectionnés présentent le même avantage, la qualité du composé revendiqué dans le brevet de sélection ne serait pas particulière.

[79] Si le brevet est un brevet de sélection, le mémoire descriptif doit énoncer clairement l’avantage ou la nature de la caractéristique que possède le composé sélectionné : Eli Lilly Canada inc. c Novopharm Limited, 2010 CAF 197 [Eli Lilly] au para 78; Sanofi, au para 114. Une telle communication sert à définir les caractéristiques types des composés inventifs censées différencier ces derniers d’autres composés du genre.

[80] La classification d’un brevet comme brevet de sélection sert à aider la Cour à comprendre « la nature du brevet » qu’elle doit examiner (Shire, au para 33; Eli Lilly, au para 28) aux fins de son analyse de la validité. La classification permet essentiellement de mettre le brevet en contexte, tout en facilitant la comparaison entre les faits de l’affaire dont la Cour est saisie et d’autres scénarios antérieurs fondés sur des faits : Shire, au para 33; Eli Lilly, aux para 27-28. Cependant, l’analyse de la validité et les exigences auxquelles il faut satisfaire pour établir la validité d’un brevet demeurent les mêmes, et ce, indépendamment de la question de savoir si le brevet est un brevet de sélection : Shire, au para 34; Eli Lilly, aux para 33-34. La conclusion selon laquelle les caractéristiques d’un brevet de sélection sont présentes ou non ne constitue pas un motif distinct de contestation de la validité d’un brevet : Shire, au para 32; Eli Lilly, aux para 27-28, 33, 48.

[81] PMS soulève une objection préliminaire en ce qui concerne la caractérisation du brevet 400 comme brevet de sélection. PMS affirme qu’il est interdit à Merck de faire valoir cette caractérisation, car cela n’était pas expressément mentionné dans les actes de procédure de Merck. J’estime que cet argument n’est pas convaincant.

[82] PMS a soulevé la question des brevets de sélection dans sa défense, où elle a allégué que si les demanderesses affirment que le brevet 400 est un brevet de sélection, un tel cadre ne parvient pas à [traduction] « sauver le brevet 400 ». Merck s’est opposée à cette allégation dans sa réponse. Il est clair que PMS n’a pas été « prise par surprise » par une quelconque affirmation selon laquelle le brevet 400 est un brevet de sélection. Quoi qu’il en soit, il n’y a eu aucune déclaration selon laquelle le brevet 400 est « sauvé » grâce au droit sur les brevets de sélection. Comme Merck le reconnaît, les mêmes règles de validité continuent de s’appliquer. Les deux parties affirment que l’analyse de l’évidence ne repose pas sur la question de savoir si le brevet 400 est caractérisé comme brevet de sélection. Néanmoins, le Cour doit déterminer la « la nature du brevet » afin de fournir un contexte pour son analyse de la validité.

[83] En l’espèce, le brevet 400 fait référence au composé 4-oxo-4-[3-(trifluorométhyle)-5,6-dihydro[1,2,4]triazolo[4,3-a]pyrazine-7(8H)-yl]-1-(2,4,5-trifluorophényle)butan-2-amine, maintenant appelé sitagliptine, comme étant divulgué dans le genre des composés de la demande de brevet WO498, et comme sels connexes pharmaceutiquement acceptables, génériquement compris dans le champ d’application de la demande de brevet WO498, sans divulgation spécifique du sel de DHP de sitagliptine (formule développée I). Comme il est indiqué dans le contexte de l’invention, à la page 1 :

La demande de brevet WO 03/004498 (publiée le 16 janvier 2003), attribuée à Merck & Co, décrit une classe de pyrazines bêta-amino-tétrahydroimidazo[4,3-a], qui sont des inhibiteurs puissants de la DPP-IV et donc utiles pour le traitement du diabète de type 2. La demande WO 03/004498 divulgue précisément le composé 4-oxo-4-[3-(trifluorométhyle)-5,6-dihydro[1,2,4]triazolo[4,3-a]pyrazine-7(8H)-yl]-1-(2,4,5-trifluorophényle)butan-2-amine. Les sels pharmaceutiquement acceptables de ce composé sont génériquement compris dans le champ d’application de la demande WO 03/004498.

Cependant, il n’y a pas de divulgation spécifique dans la référence ci-dessus du sel de dihydrogénophosphate monobasique nouvellement découvert du composé 4-oxo-4-[3-(trifluorométhyl)-5,6-dihydro[1,2,4]triazolo[4,3-a]pyrazine-7(8H)-yl]-1-(2,4,5-trifluorophényle)butan-2-amine de formule développée I ci-dessous.

[84] La demande de brevet WO498 présente le composé maintenant connu sous le nom de sitagliptine comme l’un des 33 exemples spécifiquement divulgués dans la demande. Elle divulgue un procédé de fabrication de la sitagliptine et de son sel de chlorhydrate et revendique le composé, ainsi que les 33 composés exemplifiés et leurs sels pharmaceutiquement acceptables, dans une revendication distincte de la demande.

[85] La demande de brevet WO498 fait référence à l’acide phosphorique comme étant l’un des huit acides non toxiques, pharmaceutiquement acceptables et particulièrement privilégiés, qui peuvent être utilisés pour préparer un sel avec les composés de base de la demande de brevet WO498, qui incluraient la sitagliptine (page 10, lignes 14‑25).

[86] De même, la demande de brevet WO498 fait référence aux sels préparés à partir du genre de composés comme étant sous forme solide et indique qu’ils [traduction] « peuvent exister dans plus d’une structure cristalline » et « peuvent être sous forme d’hydrates » (page 9, lignes 32‑34).

[87] Il est clair que le sel de DHP de sitagliptine et le monohydrate sont génériquement visés par la demande de brevet WO498, mais pas spécifiquement exemplifiés ou revendiqués. En effet, le brevet 400 fait référence au sel de DHP et au monohydrate cristallin comme étant « nouvellement découverts » et nouveaux.

[88] Dans le brevet 400, on affirme que le sel de DHP de sitagliptine sous forme cristalline présente des avantages pharmaceutiques par rapport au sel à base libre et au sel de chlorhydrate de sitagliptine dans la demande de brevet WO498, plus particulièrement une stabilité chimique et physique accrue qui offre des propriétés avantageuses pour la préparation de formes posologiques pharmaceutiques solides. Comme il est indiqué à la page 4, lignes 26‑34 du brevet 400 :

[traduction]

Le sel de dihydrogénophosphate sous forme cristalline de la présente invention présente des avantages pharmaceutiques par rapport au sel à base libre et au sel de chlorhydrate précédemment divulgué (WO 03/004498) dans la préparation d’un produit pharmaceutique contenant l’ingrédient pharmacologiquement actif. En particulier, les stabilités chimique et physique accrues du sel de dihydrogénophosphate monohydraté sous forme cristalline constituent des propriétés avantageuses dans la préparation de formes posologiques pharmaceutiques solides contenant l’ingrédient pharmacologiquement actif.

Le sel de dihydrogénophosphate de la présente invention, qui présente de puissantes propriétés inhibitrices de la DPP-IV, est particulièrement utile pour la prévention ou le traitement du diabète de type 2, de l’obésité et de l’hypertension artérielle.

[89] Comme l’a expliqué M. Wuest, l’amélioration de la stabilité chimique serait comprise par une PVA comme signifiant qu’il y a une dégradation/décomposition chimique réduite lorsque la sitagliptine est préparée et formulée comme médicament utilisant le sel de DHP monohydraté sous forme cristalline, ce qui garantit que son effet thérapeutique est maintenu de manière bénéfique. Une stabilité physique accrue signifie que le sel de DHP monohydraté sous forme cristalline ne se transforme pas facilement en d’autres formes physiques qui pourraient avoir des propriétés inconnues ou indésirables. La stabilité physique est également illustrée par les analyses thermogravimétriques et calorimétriques différentielles aux figures 4 et 5, qui démontrent la grande stabilité thermique du monohydrate cristallin (Rapport Wuest, pièce 29, para 22, 51‑53).

[90] Le brevet 400, à la page 7, lignes 10 à 11, indique également que le monohydrate cristallin présente une [traduction] « solubilité élevée dans l’eau », avec une solubilité d’environ 72 mg/ml. J’accepte l’explication de M. Davies selon laquelle cette mention renvoie à la classification de la solubilité selon le Système de classification biopharmaceutique [SCB] et serait comprise comme indiquant la solubilité en fonction de la dose prévue. En vertu du SCB, un médicament « hautement soluble » est un médicament dont la dose la plus élevée est soluble dans 250 ml de milieu de dissolution. La solubilité élevée du monohydrate indique que celui-ci convient particulièrement bien à la formulation sans qu’il soit nécessaire de recourir à des techniques d’amélioration de la dissolution (Rapport Davies, pièce 42, para 44‑46, 48).

[91] La seule comparaison faite dans le brevet 400 est entre le sel de DHP de sitagliptine sous forme monohydratée cristalline et la sitagliptine sous forme de base libre et le sel de chlorhydrate.

[92] Contrairement à ce qui est décrit dans l’arrêt Shire, le brevet 400 ne porte pas sur la sélection de la sitagliptine par rapport aux autres composés de la demande de brevet WO498. Néanmoins, une PVA comprendrait qu’une sélection de la sitagliptine a eu lieu. M. Wuest a expliqué cela plus en détail lors de son contre-interrogatoire, comme suit (Transcription du procès, volume 6, page 497, ligne 12; page 498, ligne 21) :

[traduction]

Q. Bon. Passons à la section du brevet intitulée « Résumé de l’invention », qui se trouve à la page suivante.

Sous la rubrique « Résumé de l’invention », on peut lire ce qui suit :

« La présente invention concerne un nouveau sel de phosphate de dihydrogène de sitagliptine, un inhibiteur de la DPP-IV, et ses hydrates cristallins, en particulier un monohydrate cristallin ».

Vous conviendrez avec moi, M. Wuest, qu’il n’y a rien ici qui indique au lecteur que l’invention consiste à découvrir la sitagliptine ou la capacité de la sitagliptine à inhiber la DPP-IV.

R. La lecture de cette section particulière par une personne versée dans l’art montre clairement que ce composé particulier, ses sels et ses formes cristallines ont été sélectionnés par un procédé. Il y a donc une étape qui a été franchie depuis la technique antérieure jusqu’à la nouvelle technique dans le brevet 400, à savoir que le point de mire est maintenant fixé sur la sitagliptine et ses sels.

Q. Mais ce n’est pas ce qui est écrit, n’est-ce pas? Est‑ce que le texte dit quelque chose sur la sélection de la sitagliptine de l’art antérieur? Ce n’est pas dit ici. On parle d’une nouvelle forme de sel et d’une nouvelle forme d’hydrate.

R. Je ne suis pas sûr de comprendre comment vous pouvez maintenir cela. Je me place du point de vue de l’expert du domaine qui a le brevet 400 sous les yeux et qui connaît l’art antérieur. Ces connaissances comprennent le fait que la sitagliptine et son sel de chlorhydrate [sont] mentionnés dans la demande 498.

Et donc pour ce qui est de la question – de savoir comment on peut passer de cela à la situation décrite dans ce résumé – cette situation qui est décrite dans ce résumé. Donc il y a clairement une sélection de ce composé particulier parce que cela décrit un nouveau sel de ce composé particulier.

Q. Quand vous dites « de ce composé particulier », vous voulez dire la sitagliptine?

R. Tout à fait.

[93] Le brevet 400 ne donne aucune raison de privilégier la sitagliptine par rapport aux autres composés divulgués dans la demande de brevet WO498. Cependant, il s’appuie sur ce choix pour les travaux de développement supplémentaires divulgués dans le brevet. Comme l’a reconnu M. Hollingsworth, la PVA savait, après lecture du brevet 400, que Merck avait choisi la sitagliptine comme principal composé à développer, et qu’elle avait réussi à fabriquer le sel de DHP et à déterminer que le monohydrate cristallin se prêtait aux formulations de la sitagliptine (Transcription du procès, volume 3, page 281, lignes 4‑28). La PVA savait que la solubilité et la stabilité relative du sel de DHP de sitagliptine sous forme monohydratée cristalline avaient été déterminées et qu’elles avaient été sélectionnées au lieu de la sitagliptine sous forme de base libre et du sel de chlorhydrate (Transcription du procès, volume 3, page 281, lignes 10‑15; page 282, lignes 3‑8).

[94] Cela n’est pas différent de l’affaire Sanofi où le brevet de genre illustrait le racémate du composé, mais ne divulguait pas spécifiquement l’isomère dextrogyre du racémate, ou les avantages de l’utilisation du sel de bisulfate en combinaison avec l’isomère dextrogyre, qui étaient l’objet du brevet de sélection ultérieur.

[95] Il n’y a pas d’explication quant à la raison pour laquelle la sitagliptine a été choisie pour un développement ultérieur. Cependant, le fait qu’il y ait eu une sélection d’un sel et d’une forme cristalline particuliers d’un composé particulier à partir du genre de composés, de sels et de formes cristallines compris dans la demande de brevet WO498, et que le sel et la forme cristalline particuliers sont censés présenter des avantages par rapport à la sitagliptine sous forme de base libre et à son sel de chlorhydrate, qui sont divulgués dans la demande de brevet WO498, milite à mon avis pour que le brevet 400 soit considéré comme un brevet de sélection. Les questions de savoir si l’invention proposée dans le brevet 400 est inventive par rapport à celle de la demande de brevet WO498 et si la divulgation du brevet 400 est suffisante seront traitées séparément ci-dessous.

B. Interprétation des revendications

[96] Les principes de l’interprétation des revendications ont récemment été résumés par la Cour d’appel fédérale [la CAF] dans l’arrêt Tearlab Corporation c. I-MED Pharma Inc., 2019 CAF 179, aux paragraphes 30 à 34 :

[30] Les principes généraux d’interprétation des revendications sont maintenant fixés et ont été consacrées par la Cour suprême du Canada dans trois arrêts (Whirlpool aux paragraphes 49 à 55; Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024, aux paragraphes 31 à 67 [Free World Trust]; Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, à la page 520 [Consolboard]). Ces principes peuvent se résumer ainsi.

[31] La Loi sur les brevets favorise le respect de la teneur des revendications, qui favorise à son tour tant l’équité que la prévisibilité (Free World Trust aux alinéas 31a) et b) et au paragraphe 41). La teneur d’une revendication doit toutefois être interprétée de façon éclairée et en fonction de l’objet (à l’alinéa 31c)), et par un esprit désireux de comprendre (au paragraphe 44). Suivant une interprétation téléologique, il ressort de la teneur des revendications que certains éléments de l’invention sont essentiels, alors que d’autres ne le sont pas (à l’alinéa 31e)). Il incombe au juge appelé à interpréter des revendications de distinguer les cas les uns des autres, de départager l’essentiel et le non-essentiel et d’accorder au « champ » délimité dans un cas appartenant à la première catégorie la protection juridique à laquelle a droit le titulaire d’un brevet valide (au paragraphe 15).

[32] Pour déterminer ces éléments, la teneur des revendications doit être interprétée du point de vue du lecteur versé dans l’art, à la lumière des connaissances générales courantes de ce dernier (Free World Trust, aux paragraphes 44 et 45; voir aussi Frac Shack, au paragraphe 60; Whirlpool, au paragraphe 53). Comme il a été observé dans la décision Free World Trust :

[51]...Les mots choisis par l’inventeur seront interprétés selon le sens que l’inventeur est présumé avoir voulu leur donner et d’une manière qui est favorable à l’accomplissement de l’objet, exprès ou tacite, des revendications. Cependant, l’inventeur qui s’exprime mal ou qui crée par ailleurs une restriction inutile ou complexe ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Le public doit pouvoir s’en remettre aux termes employés à condition qu’ils soient interprétés de manière équitable et éclairée. [Souligné dans l’original.]

[33] L’interprétation des revendications appelle l’examen de l’ensemble de la divulgation et des revendications « pour déterminer la nature de l’invention et son mode de fonctionnement, … sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public » (Consolboard, à la page 520; voir également Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60, [2012] 3 R.C.S. 625, au paragraphe 50). On peut alors tenir compte des spécifications du brevet pour comprendre la signification des termes utilisés dans les revendications. Il faut veiller, cependant, à ne pas interpréter ces termes de façon à « élargir ou restreindre la portée de la revendication telle qu’elle était écrite et,... interprétée » (Whirlpool, au paragraphe 52; voir aussi Free World Trust, au paragraphe 32). La Cour suprême du Canada a récemment souligné que l’analyse de la validité est principalement axée sur les revendications; les spécifications seront pertinentes lorsque les revendications sont ambiguës (AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2017 CSC 36, [2017] 1 R.C.S. 943, au paragraphe 31; voir aussi Ciba, aux paragraphes 74 et 75).

[34] Finalement, il est important de souligner que l’interprétation des revendications doit être la même qu’il soit question de validité ou de contrefaçon (Whirlpool, au paragraphe 49b)).

[97] Il faut interpréter le brevet 400 du point de vue de la personne versée dans l’art dont il relève, à la date de publication du 13 janvier 2005.

(1) La PVA pour le brevet 400

[98] La PVA qui est la personne fictive à laquelle s’adresse le brevet. Il peut s’agir d’une seule personne ou d’un groupe de personnes représentant diverses disciplines, selon la nature de l’invention. La PVA est censée être dépourvue d’imagination et d’esprit inventif, posséder néanmoins un degré moyen de compétence dans le domaine dont relève le brevet et de connaissances connexes et faire preuve d’une diligence raisonnable pour se tenir au courant des progrès dans ce domaine : Merck & Co., Inc. c Pharmascience Inc., 2010 CF 510 [Merck] aux para 35-36, 39; Teva Canada Limitée c Janssen Inc., 2018 FC 754, aux para 65-66, conf par 2019 CAF 273.

[99] Alors que les experts ont convenu que la PVA est une équipe d’individus, les experts de PMS affirment que l’équipe est limitée aux personnes qui seraient impliquées dans les étapes du développement pharmaceutique et qui font le pont entre l’ingrédient pharmaceutique actif et la forme pharmaceutique finie, c’est-à-dire un chimiste spécialiste en chimie analytique, un chimiste spécialiste en chimie des procédés et un formulateur. Les experts de Merck ne contestent pas que l’équipe constituant la PVA comprendrait un ou plusieurs chimistes ayant des connaissances en matière de techniques analytiques et en chimie des procédés, mais ils affirment également que la PVA comprendrait un chimiste spécialisé en chimie thérapeutique et un médecin, car l’invention concerne la sélection de la sitagliptine et son utilisation en tant qu’inhibiteur de la DPP-4.

[100] Tel que je l’ai affirmé précédemment, je conviens que le brevet 400 requiert qu’il y ait eu une sélection de la sitagliptine. Cependant, cela ne signifie pas que le brevet doit s’adresser à un chimiste spécialisé en chimie thérapeutique. La détermination de la PVA nécessite de tenir compte de la personne pour laquelle les enseignements du brevet présenteraient un intérêt.

[101] Le brevet 400 ne divulgue pas le type d’études ou de données qui présenteraient un intérêt caractéristique pour le chimiste spécialisé en chimie thérapeutique, comme les études SAR ou les valeurs de la concentration inhibitrice médiane (CI50). Le brevet 400 ne décrit pas le processus de sélection de la sitagliptine par rapport aux autres composés de la demande de brevet WO498, y compris par rapport au sel à base libre et au sel de chlorhydrate illustrés dans la demande de brevet WO498. Il vise plutôt à identifier le sel de DHP de sitagliptine et son monohydrate cristallin avec ses propriétés avantageuses présumées. Bien que je sois d’accord pour dire que quelqu’un dans l’équipe d’experts devrait avoir une compréhension générale de la façon de passer de la demande de brevet WO498 aux enseignements du brevet 400, à mon avis, cela n’exige pas que l’équipe de personnes qui composent la PVA comprenne un chimiste spécialisé en chimie thérapeutique distinct. Il suffirait plutôt que l’un des membres de l’équipe ait des connaissances générales en chimie thérapeutique et/ou en identification de composés têtes de série. En effet, je souligne que même PMS a considéré qu’il était important d’avoir un expert qui pourrait parler de l’identification des composés têtes de série dans le cadre de son dossier – c’est-à-dire M. Foley.

[102] À mon avis, l’équipe de personnes qui constitue la PVA devrait également comprendre un clinicien ou une personne ayant une connaissance du traitement du diabète de type 2. Tant dans le domaine de l’invention que dans le résumé de l’invention on fait référence à l’utilisation du sel de DHP de sitagliptine sous forme monohydratée cristalline pour le traitement et la prévention du diabète de type 2 et d’autres maladies et affections pour lesquelles un inhibiteur de la DPP-4 est indiqué. On fait également référence à l’utilisation du sel de DHP de sitagliptine sous forme monohydratée cristalline dans des compositions pharmaceutiques pour traiter les patients atteints de ces affections, comme faisant partie de l’invention. En effet, les revendications 22 et 26 sont axées sur de telles utilisations.

[103] À la page 6, lignes 5 à 7 du brevet 400, il est indiqué que [traduction] « un médecin, un vétérinaire ou un clinicien normalement compétent peut facilement déterminer et prescrire la quantité efficace du médicament nécessaire pour prévenir, contrer ou arrêter la progression de la maladie ». MM. Elitzin et Foley affirment que ce passage indique clairement qu’il était prévu qu’un expert dans le domaine différent de celui auquel s’adresse le brevet s’occupe du schéma posologique du médicament. Cependant, je privilégie le témoignage des experts de Merck sur ce passage.

[104] Tel qu’il est énoncé dans la décision Merck, un brevet peut s’adresser à différentes personnes, ayant chacune un intérêt différent (Merck, au para 39).

[105] J’accepte le témoignage du Dr Lewanczuk selon lequel, à la page 6, cette partie des enseignements du brevet (c.-à-d., le schéma posologique du médicament et son utilisation thérapeutique) s’adresse à un clinicien qualifié, par opposition aux autres membres de l’équipe qui composent la PVA (Rapport Lewanczuk, pièce 55, para 104‑109)

[106] Il convient de noter que, malgré ses arguments selon lesquels un clinicien qualifié ne serait pas inclus parmi les membres de l’équipe constituant la PVA, M. Foley a témoigné de l’importance du clinicien dans l’évaluation des aspects du brevet. Comme l’a reconnu M. Foley, c’est le clinicien qui se tient au courant des publications et des dépôts de brevets concernant les inhibiteurs de la DPP-4, et c’est le clinicien qui aurait apprécié s’il y avait un avantage thérapeutique décrit dans le brevet 400 concernant le monohydrate ou le sel de DHP de sitagliptine par rapport à ce qui avait été décrit dans la demande de brevet WO498 (Transcription du procès, volume 1, page 53, ligne 20; page 54, ligne 8).

[107] En fait, tant M. Foley que le Dr Lewanczuk ont fourni des renseignements utiles sur la compréhension qu’a un clinicien qualifié de ces parties du brevet 400, en ce qui concerne l’utilisation du monohydrate. On a demandé à M. Foley de parler des revendications 22 et 26 du brevet 400 et de l’art antérieur de façon générale au regard des études cliniques utilisant les inhibiteurs de la DPP-4. PMS s’appuie largement sur le témoignage de M. Foley quant à sa compréhension et à son interprétation de ces revendications.

[108] Lorsqu’on l’a interrogée à cet égard lors des débats, PMS a affirmé que la preuve de M. Foley visait seulement à présenter le contexte de l’historique de l’invention. Cependant, cette réponse est contraire au mandat énoncé dans le Rapport Foley et à ses opinions, qui portent directement sur l’analyse de l’évidence.

[109] À mon avis, l’équipe constituant la PVA comprendrait une personne ayant des connaissances cliniques sur le traitement de patients atteints de diabète de type 2, qui pourrait être un médecin ou une personne qui a acquis ces connaissances par son expérience au sein d’une équipe clinique.

[110] En conséquence, j’estime que l’équipe constituant la PVA devrait comprendre des chimistes ayant de l’expérience dans la caractérisation et le traitement des composés, ainsi qu’une certaine connaissance générale de la chimie thérapeutique et/ou de l’identification des composés têtes de série. Il peut s’agir d’une seule personne possédant ces compétences ou de chimistes spécialisés en chimie analytique et en chimie des procédés. L’équipe comprendrait également un formulateur et un clinicien ou une personne ayant des connaissances cliniques sur le traitement des patients atteints de diabète de type 2.

[111] Même si les experts n’étaient pas tout à fait d’accord avec l’expérience des membres de l’équipe qui composent la PVA, ils s’entendaient pour dire que les membres de l’équipe pourraient être titulaires d’un baccalauréat, d’une maîtrise ou d’un doctorat, selon les années d’expérience de chacun. Le nombre d’années requises serait supérieur pour une personne titulaire d’une maîtrise et plus encore pour une personne titulaire d’un baccalauréat. Tous les experts se sont entendus pour dire qu’au moins une année d’expérience serait requise pour tout membre de l’équipe, même si cette personne était titulaire d’un doctorat.

(2) L’interprétation des revendications invoquées du brevet 400

[112] Le brevet 400 comprend 27 revendications, dont 9 sont en cause dans la présente action, soit les revendications 4 à 7, 19, 20, 22, 24 et 26. Les parties s’entendent de façon générale quant à l’interprétation à donner à ces revendications.

[113] Les revendications 4 à 7, 19, 20, 22, 24 et 26 du brevet 400 sont rédigées comme suit :

[traduction]

4. Sel de la revendication 2, caractérisé en tant que monohydrate cristallin.

5. Sel de la revendication 4, caractérisé par des bandes d’absorption caractéristiques obtenues à partir du diagramme de diffraction de rayons X sur poudres à des intervalles spectraux d de 7,42; 5,48; et 3,96 angströms.

6. Sel de la revendication 5, caractérisé en outre par des bandes d’absorption caractéristiques obtenues à partir du diagramme de diffraction de rayons X sur poudres à des intervalles spectraux d de 6,30; 4,75; et 4,48 angströms.

7. Sel de la revendication 6, caractérisé en outre par des bandes d’absorption caractéristiques obtenues à partir du diagramme de diffraction de rayons X sur poudres à des intervalles spectraux d de 5,85; 5,21; et 3,52 angströms.

19. Procédé de préparation du sel de la revendication 1, comprenant l’étape consistant à mettre en contact un équivalent de 4-oxo-4-[3-(trifluorométhyl)-5,6-didydro[1,2,4]triazolo[4,3-a]pyrazine-7(8H)-yl]-1-(2,4,5-trifluorophényle)butan-2-amine dans un solvant organique ou un solvant organique aqueux avec environ un équivalent d’acide phosphorique à une température comprise entre environ 25 et 100 °C.

20. Procédé selon la revendication 19, dans lequel ledit solvant organique est un alcanol linéaire ou ramifié en C1-C5.

22. Utilisation du sel de la revendication 4 comme ingrédient actif dans la fabrication d’un médicament destiné à être utilisé dans le traitement du diabète de type 2.

24. Procédé de préparation du monohydrate cristallin de la revendication 4 comprenant les étapes suivantes :

(a) cristalliser ledit sel de dihydrogénophosphate de la revendication 1 à 25 oC à partir d’un mélange d’isopropanol et d’eau, de telle sorte que la concentration en eau soit supérieure à 6,8 % en poids;

(b) récupérer la phase solide résultante;

(c) retirer le solvant de celui-ci.

26. Utilisation d’une quantité thérapeutiquement efficace du sel selon la revendication 4 pour le traitement du diabète de type 2 chez un patient nécessitant un tel traitement.

[114] La revendication 4 est une revendication dépendante, qui découle de la revendication 2 du brevet 400, qui elle-même dépend de la revendication 1.

[115] La revendication 1 vise le sel de DHP de sitagliptine et son hydrate, sans stéréochimie spécifique :

1. Sel de dihydrogénophosphate de 4-oxo-4-[3-(trifluorométhyl)-5,6-didydro[1,2,4]triazolo[4,3-a]pyrazine-7(8H)-yl]-1-(2,4,5-trifluorophényle)butan-2-amine de formule développée 1 :

ou un hydrate pharmaceutiquement acceptable de celui-ci.

[116] La revendication 2 vise l’énantiomère R du sel de DHP de sitagliptine et son hydrate :

2. Sel de la revendication 1 de formule développée II ayant la configuration (R) au centre chiral marqué par un *.

[117] Il est entendu de ces dépendances que la revendication 4 (et toutes les revendications qui dépendent de la revendication 4) revendique l’énantiomère R du sel de DHP de sitagliptine sous sa forme monohydratée cristalline.

[118] Les revendications 5 à 7 comprennent des données de caractérisation provenant des spectres de diffraction de rayons X sur poudres pour la forme monohydratée cristalline. La PVA saurait que les intervalles d résultent de la conversion par formule des valeurs 2θ de la forme cristalline obtenues par calcul à l’aide de la loi de Bragg : nλ=2dsinθ (Rapport Hollingsworth, pièce 68, para 143).

[119] Les revendications 19 et 20 exposent des méthodes générales de préparation du sel de DHP non stéréospécifique de sitagliptine monohydraté. Dans la description du procédé, il est entendu qu’il faut faire réagir environ un équivalent molaire d’acide phosphorique avec environ un équivalent molaire de base libre. La revendication 20 précise que le solvant organique est un alcanol linéaire ou ramifié en C1-C5.

[120] La revendication 24 fournit un procédé pour fabriquer l’énantiomère R du sel de DHP de sitagliptine sous sa forme monohydratée cristalline. La PVA comprendrait que ce procédé ne spécifie pas ses produits de départ (Transcription du procès, volume 3, conf, page 58, ligne 15; page 59, ligne 6), mais exige seulement que la cristallisation se produise à partir du sel de DHP à une température de 25 oC en utilisant un mélange d’isopropanol et d’eau, de telle sorte que la concentration en eau soit supérieure à 6,8 % en poids. Le procédé exige également que les cristaux soient récupérés et que le solvant soit retiré. Le procédé ne précise pas le processus d’élimination des solvants (Transcription du procès, volume 3, page 309, lignes 8‑17).

[121] La PVA comprendrait, d’après les enseignements du brevet 400, que le monohydrate cristallin est vulnérable à la conversion en sa forme déshydratée (anhydre) s’il est chauffé à plus de 40 oC sous un flux d’azote très sec et qu’il se reconvertira de la forme anhydre au monohydrate dans des conditions ambiantes (page 18, lignes 5‑8 du brevet 400) (Transcription du procès, volume 2, page 223, lignes 17‑21; Transcription du procès, volume 2, conf, page 41, lignes 2‑7; Transcription du procès, volume 3, page 311, lignes 16‑24; Transcription du procès, volume 6, page 523, lignes 4‑13). L’expert du domaine comprendrait que les conditions ambiantes sont la température ambiante.

[122] Les revendications 22 et 26 sont dirigées vers l’utilisation thérapeutique du sel de DHP de sitagliptine sous forme monohydratée cristalline. La revendication 22 porte sur l’utilisation du sel de DHP de sitagliptine sous forme monohydratée cristalline comme ingrédient actif dans la fabrication d’un médicament pour traiter le diabète de type 2. La revendication 26 porte sur l’utilisation d’une quantité thérapeutiquement efficace du sel de DHP de sitagliptine sous forme monohydratée cristalline pour traiter un patient atteint de diabète de type 2. Aucune dose particulière n’est mentionnée. Comme l’a expliqué le Dr Lewanczuk, la PVA comprendrait une [traduction] « quantité thérapeutiquement efficace » comme une quantité du composé revendiqué qui contribue efficacement à améliorer la maîtrise de la glycémie du patient en abaissant les concentrations de glucose dans le sang (Rapport Lewanczuk, pièce 55, para 111).

V. Évidence

A. Principes juridiques

[123] L’article 28.3 de la Loi sur les brevets prévoit que l’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication (en l’espèce, le 24 juin 2003), être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication : a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement; b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication.

[124] Il est difficile de satisfaire au critère de l’évidence, car il requiert de démontrer que la PVA serait parvenue directement et sans difficulté à l’invention, sans l’avantage de la sagesse rétrospective : Bridgeview Manufacturing Inc. c 931409 Alberta Ltd. (Central Alberta Hay Centre), 2010 CAF 188 au para 50.

[125] Dans l’arrêt Sanofi, la Cour suprême du Canada a établi une démarche à quatre volets pour l’analyse de l’évidence, au paragraphe 67 :

(1) a) Identifier la « personne versée dans l’art ».

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

[126] Dans les domaines d’activité où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation, le recours à la notion de l’« essai allant de soi » peut être indiqué afin de tenir compte, au quatrième volet, de l’examen relatif à l’évidence. La question essentielle à laquelle il faut répondre est de savoir s’« il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention », compte tenu des facteurs énoncés ci-dessous, sans oublier que « [l]a seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas » (Sanofi, aux para 66, 68-69) :

1. Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

2. Quels efforts — leur nature et leur ampleur — sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

3. L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?

[127] La Cour doit toutefois faire preuve de prudence lorsqu’elle effectue l’analyse de l’« essai allant de soi » parce que ce n’est qu’un des éléments à considérer pour statuer sur l’évidence : Bristol-Myers Squibb Canada c Teva Canada Limited, 2017 CAF 76 [Atazanavir] au para 38; Sanofi, au para 64. Elle n’est pas censée écarter les autres critères. Comme l’a clairement indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sanofi, la Cour doit favoriser une « démarche large et flexible englobant [traduction] “toute considération accessoire pouvant se révéler éclairante” » : Sanofi, au para 63; Atazanavir, au para 61.

B. Connaissances générales courantes [CGC] et art antérieur

[128] La référence en ce qui concerne le critère de l’évidence est la PVA. Après avoir cerné les titres de compétence et les caractéristiques de cette personne (comme cela a été fait précédemment dans les présents motifs), il faut déterminer ses connaissances générales courantes. Celles-ci s’entendent des connaissances que possède généralement la PVA au moment considéré (Sanofi, au para 37), soit, en l’espèce, le 24 juin 2003.

[129] Il faut distinguer les connaissances générales courantes de l’art antérieur, qui est une catégorie générale regroupant tous les renseignements précédemment divulgués dans le domaine. Les connaissances générales courantes comprennent les connaissances en matière de brevets, mais ne comprennent pas la connaissance de la totalité des brevets, pas plus, d’ailleurs, qu’elles ne comprennent la connaissance de la totalité des articles de journaux ou des autres renseignements de nature technique. Elles visent le sous-ensemble de brevets, d’articles de journaux et de renseignements techniques que connaît généralement la PVA et qui sont acceptées dans le domaine dont relève l’invention : Bell Helicopter Textron Canada Limitée c Eurocopter, société par actions simplifiée, 2013 CAF 219 [Eurocopter] aux para 64-65; Mylan Pharmaceuticals ULC c Eli Lilly Canada Inc., 2016 CAF 119 au para 24.

[130] Les parties ont des positions divergentes sur ce qui constitue les connaissances générales courantes de la PVA et sur la question de savoir si elles comprennent des informations générales relatives aux inhibiteurs de la DPP-4 et au traitement du diabète de type 2, en plus des connaissances générales courantes relatives à la formation des sels et à l’identification des formes cristallines. Comme j’ai déjà déterminé que l’équipe constituant la PVA comprendrait une personne ayant des connaissances cliniques, je suis d’avis que les connaissances générales courantes relatives à l’inhibition de la DPP-4 et au traitement du diabète de type 2 seraient connues de cette personne (Transcription du procès, volume 1, page 55, lignes 11‑27). En effet, le brevet 400 fait référence à ces informations comme faisant partie du contexte pertinent de l’invention.

(1) Inhibition de la DPP-4 et traitement du diabète de type 2

[131] En 1997, le diabète de type 2 a été admis comme un état pathologique grave nécessitant une attention médicale pour éviter les risques à long terme pour la santé. Le GLP-1 et son rôle dans la stimulation de la sécrétion d’insuline ont été identifiés. On savait que la DPP-4 agissait pour dégrader le GLP-1 et que l’inhibition de la DPP-4 pouvait avoir des effets sur la modulation des concentrations d’insuline et de glucose dans le sang.

[132] Le brevet 400 reconnaît certaines informations connues de la PVA au 24 juin 2003 concernant l’inhibition de la DPP-4 comme approche pour traiter le diabète de type 2. Comme indiqué à la page 1 du brevet 400 :

[traduction]

L’inhibition de la dipeptidylpeptidase-IV (DPP-IV), une enzyme qui inactive à la fois le peptide insulinotropique glucose-dépendant (GIP) et le glucagon-like peptide 1 (GLP-1), représente une nouvelle approche du traitement et de la prévention du diabète de type 2, également appelé diabète non insulino-dépendant (DNID). Le potentiel thérapeutique des inhibiteurs de la DPP-IV pour le traitement du diabète de type 2 a été examiné : C.F. Deacon et J.J. Holst, « Didpeptidyl peptidase IV inhibition as an approach to the treatment and prevention of Type 2 diabetes: a historical perspective », Biochem, Biophys. Res. Commun., 294: 1-4 (2000); K. Augustyns, et al., « Didpeptidyl peptidase IV inhibitors as new therapeutic agents for the treatment of Type 2 diabetes », Expert, Opin. Ther. Patents, 13: 499-510 (2003); et D.J. Drucker, « Therapeutic potential of dipeptidylpeptidase IV inhibitors for the treatment of Type 2 diabetes », Expert Opin. Investig. Drugs, 12: 87-100 (2003).

[133] Comme le reconnaît le breveté, étant donné que ces références figurent dans le contexte du brevet 400, les articles de Deacon, Augustyns et Drucker font partie de l’art antérieur pertinent : Shire Biochem Inc c. Canada (Ministère de la Santé) 2008 CF 538 au para 25; Eli Lilly Canada Inc c. Novopharm Ltd, 2007 CF 596 au para 142; Pfizer Canada Inc c. Novopharm Ltd, 2005 CF 1299 au para 78. Ces articles résument les développements connus dans le domaine des composés qui avaient déjà montré une activité inhibitrice de la DPP-4, notamment le composé P32/98 de Probiodrug et les composés de Novartis, DPP-728 et LAF-237.

[134] Comme l’ont fait remarquer M. Foley et le Dr Lewanczuk, la puissance du P32/98 (décrit au paragraphe 206 ci-dessous) avait déjà été testée lors d’études sur des animaux (Rapport Foley, pièce 1, annexe E19) et il a été rapporté qu’il augmentait la réponse à l’insuline et améliorait la tolérance au glucose chez des humains diabétiques à raison d’une dose unique de 60 mg (Rapport Lewanczuk, pièce 55, para 102 et annexe K).

[135] On sait également que le DPP-728 (décrit au paragraphe 206 ci-dessous) a montré une activité dans des études sur les animaux et une certaine efficacité clinique dans une étude de phase II de 4 semaines chez l’humain (Rapport Foley, pièce 1, para 30, 54 et annexe E19; Transcription du procès, volume 1, page 55, lignes 11‑27). Les résultats d’une étude rapportée par Ahrén en 2002 ont démontré l’innocuité et la tolérance du DPP-728, avec seulement des effets indésirables minimes. L’étude a fait état de concentrations de glucose plus faibles chez les patients humains sans hypoglycémie lorsqu’il était administré à des doses de 100 mg et 150 mg, et a identifié l’inhibition par le DPP-728 comme un traitement possible du diabète de type 2 (Rapport Foley, pièce 1, para 54(f) et annexe E11; Rapport Lewanczuk, pièce 55, para 102).

[136] Les études cinétiques ont montré que le DPP-728 ne fonctionnait pas comme un simple inhibiteur compétitif, mais comme un substrat pour le site actif de la DPP-4. Un dérivé du DPP‑728 (LAF-237, décrit au paragraphe 206 ci-dessous), au final appelé vildagliptine, a été mis au point par Novartis pour améliorer la cinétique et la vitesse de dissociation du composé (Rapport Foley, pièce 1, annexe E19).

[137] En 2003, Villhauer a fait état de l’efficacité in vivo de la vildagliptine dans des modèles de rats (Rapport Foley, pièce 1, annexe E17). D’autres travaux in vivo sur des singes ont également indiqué que la vildagliptine avait une demi-vie plus longue pour inhiber la DPP-4 que le DPP-728, et qu’elle pourrait convenir à un traitement à prise quotidienne unique (Rapport Foley, pièce 1, para 54(g)).

[138] Comme le reconnaît le brevet 400, la PVA aurait également eu connaissance de la demande de brevet WO498 et de la classe de composés divulgués dans la demande de brevet WO498 comme étant des inhibiteurs putatifs de la DPP-4, avec le potentiel d’être utilisés dans le traitement ou la prévention de maladies où la DPP-4 est impliquée, comme le diabète de type 2 (Rapport Lewanczuk, pièce 55, para 115, 117, 121, 122). M. Foley a témoigné que c’était le seul document publié au 24 juin 2003 qui incluait le composé maintenant connu sous le nom de sitagliptine (Transcription du procès, volume 1, page 61, lignes 17‑23). Il n’a pas fourni de données spécifiques sur l’activité ou l’efficacité de l’un de ses composés. En juin 2003, aucun résultat d’une quelconque évaluation clinique de Merck n’avait été publié sur l’un des composés de la demande de brevet WO498 (Transcription du procès, volume 1, page 56, lignes 17‑27).

(2) Formation et sélection des sels

[139] La PVA du brevet 400 posséderait également certaines connaissances générales courantes liées à la formation et à la sélection des sels.

[140] Les experts n’ont pas contesté qu’au 24 juin 2003, les techniques standard à haut débit pour le criblage des sels étaient connues et utilisées dans l’industrie et permettaient de cribler de nombreuses formes de sels en une seule fois. Les experts ont convenu que la formation de sel devait améliorer la possibilité de former des solides cristallins stables. Toutefois, ils ne sont pas d’accord sur la manière d’aborder le criblage des sels.

[141] Selon M. Wuest, le criblage des sels est un processus essentiel, mais itératif. Citant Gould et Stahl 2002 (qui étaient également joints au Rapport Elitzin) et le chapitre de 1996 intitulé « Salt Forms of Drugs and Absorption » de l’Encyclopedia of Pharmaceutical Technology, rédigé par Bighley, Berke et Monkhouse, M. Wuest a déclaré que la première mesure à prendre pour le développement d’un médicament était de considérer la forme acide libre ou la forme à base libre du composé actif. La formation de sel n’est nécessaire que si l’acide libre ou la forme à base libre est inacceptable pour le développement. Le premier sel à envisager pour un composé basique est généralement le sel de chlorhydrate, et ce n’est que si ce sel s’avère inacceptable que d’autres sels minéraux, comme le phosphate, sont envisagés. Stahl a souligné que les sels de phosphate avaient tendance à former des hydrates, qui présentent généralement une solubilité plus faible et des vitesses de dissolution plus lentes que leurs formes anhydres correspondantes.

[142] Selon M. Elitzin, le criblage des sels était devenu un procédé habituel en 2003 et avait lieu au début de chaque programme de développement de médicaments. Il n’a pas convenu que la prise en compte de la base libre influencerait la réalisation d’un criblage de sel, mais il a fait référence dans son rapport à la caractérisation physico-chimique initiale de l’ingrédient pharmaceutique actif acide ou sous forme de base libre qui serait utilisée à des fins de comparaison. Selon lui, les sels de chlorhydrate ne seraient pas nécessairement le premier choix, car on sait que la solubilité des sels de chlorhydrate peut être affectée par l’effet d’ion commun dans le milieu acide gastrique.

[143] Dans l’ensemble, je suis favorable aux commentaires de M. Wuest, car ils sont étayés par des publications (et des auteurs) que M. Elitzin lui-même a reconnues comme faisant autorité et qui reflètent également l’approche adoptée chez Merck. Les statistiques mentionnées dans Stahl 2002 indiquent qu’en juin 2003, 50 % de tous les médicaments sur le marché étaient sous forme de sels, tandis que les autres 50 % restaient sous forme de base libre/acide libre. Parmi les médicaments de base qui étaient des sels, plus de la moitié étaient des sels de chlorhydrate. Les sels de phosphate sont des sels inorganiques pharmaceutiquement acceptables qui se classent parmi les cinq premiers sels privilégiés pour les médicaments de base, bien que le nombre de sels fabriqués et vendus commercialement en 2003 soit nettement inférieur à celui des sels de chlorhydrate.

[144] MM. Wuest et Elitzin souscrivent tous deux à la déclaration faite dans Stahl 2002 (Rapport Hollingsworth, pièce 68, annexe 26) selon laquelle la sélection d’une forme de sel qui présente les propriétés pharmacologiques, toxicologiques et thérapeutiques souhaitées est une tâche multidisciplinaire de complexité variable.

[145] Diverses techniques analytiques étaient disponibles pour la sélection des sels et impliquaient la caractérisation des propriétés structurelles, physico-chimiques et physiques, ainsi que l’analyse des impuretés et les études de stabilité.

(3) Identification des formes cristallines

[146] Les experts des parties étaient généralement d’accord sur les connaissances générales courantes concernant l’identification des formes cristallines, qui peuvent être résumées dans les paragraphes suivants.

[147] En 2003, il était bien connu que la plupart des composés pharmaceutiques présentaient un polymorphisme. Les substances cristallines contenant de l’eau (c’est-à-dire les hydrates) étaient courantes, et l’on savait que les sels de phosphate avaient tendance à former des hydrates.

[148] Comme il est résumé dans l’article de Byrn de 1994 (Rapport Hollingsworth, pièce 68, annexe E21 à la page 1148), qui a été accepté comme reflétant les connaissances générales courantes :

[traduction]

La mission des personnes qui travaillent dans le domaine de la chimie pharmaceutique à l’état solide est de fournir chaque médicament sous une forme solide qui présente des propriétés optimales dans une application donnée. La poursuite de cette mission nécessite la reconnaissance de plusieurs points généraux et interdépendants : (1) les médicaments peuvent exister sous un certain nombre de formes solides, chacune ayant des propriétés différentes d’importance pharmaceutique, notamment la stabilité et la biodisponibilité; le nombre et les propriétés de ces formes sont largement imprévisibles et varient considérablement d’un cas à l’autre; (2) les formes d’un médicament peuvent s’interconvertir dans diverses conditions; (3) une fois qu’une forme solide est choisie pour un produit, des méthodes d’analyse et de contrôle de cette forme doivent être conçues.

[149] Il était entendu que la forme la plus stable sur le plan thermodynamique d’une substance médicamenteuse était généralement privilégiée pour le développement pharmaceutique et que l’identification de la forme polymorphe la plus stable faisait partie intégrante du processus de préformulation. En 1990, il existait des directives réglementaires pour s’assurer que les entreprises déposant des demandes d’homologation avaient étudié le polymorphisme et identifié ce qu’elles considéraient comme la forme cristalline la plus stable de leur ingrédient pharmaceutique actif.

[150] En 2003, diverses méthodes de routine étaient disponibles et connues de la PVA pour effectuer le criblage polymorphique et caractériser les formes cristallines obtenues – c’est-à-dire par diffraction de rayons X sur poudres, par résonance magnétique nucléaire, par analyse thermogravimétrique et par analyse calorimétrique différentielle. Une stratégie commune pour le criblage comprenait la cristallisation en utilisant une variété de solvants et de mélanges de solvants. Comme il est indiqué dans Bernstein 2002 (Rapport Hollingsworth, pièce 68, annexe E7 à la page 252), une autre antériorité acceptée comme reflétant les connaissances générales courantes :

[traduction]

Notre compréhension du rôle et du choix du solvant s’est considérablement améliorée et cette information, combinée à la connaissance des zones de stabilité, peut aider à déterminer les conditions de cristallisation pour obtenir des formes métastables. En outre, des progrès considérables ont été réalisés dans la compréhension et l’utilisation de l’interaction du solvant avec le cristal en croissance. La combinaison des informations structurelles détaillées disponibles à partir des déterminations de la structure monocristalline des polymorphes avec les données morphologiques du cristal (c’est-à-dire l’aspect du cristal et l’orientation des molécules qui dépassent des faces particulières exposées) et avec les interactions intermoléculaires connues entre les molécules de solutés et les groupes fonctionnels du solvant permet le choix rationnel du solvant pour sélectionner une forme polymorphe particulière. [Renvois omis.]

[151] En plus du choix du solvant, d’autres facteurs identifiés dans Byrn 1994 (Rapport Hollingsworth, pièce 68, annexe E21 à la page 1150) étaient connus pour avoir une incidence sur la cristallisation, notamment la concentration ou le degré de sursaturation; la température, y compris la vitesse de refroidissement et le profil de refroidissement; les additifs; les germes; le pH; et l’agitation.

[152] Il existait des programmes de modélisation permettant d’identifier les formes cristallines plausibles; cependant, il n’était pas possible de prédire quelles formes pouvaient être isolées. Comme il est expliqué dans Bernstein 2002 (Rapport Hollingsworth, pièce 68, annexe E7 à la page 9) :

[traduction]

La possibilité de polymorphisme peut exister pour tout composé particulier, mais les conditions requises pour préparer des polymorphes encore inconnus ne sont en aucun cas évidentes [...] nous sommes presque totalement ignorants des propriétés à attendre de tout nouveau polymorphe qui pourrait être obtenu.

[153] De même, dans Byrn 1994 (Rapport Hollingsworth, pièce 68, annexe E21 à la page 1148), l’auteur a énoncé le défi auquel sont confrontées les personnes sur le terrain comme suit :

[traduction]

[...] le principal défi dans la gestion du phénomène des formes solides multiples de médicaments est notre incapacité à prédire combien de formes peuvent être attendues dans un cas donné : trop souvent, des retards coûteux sont observés lorsqu’une forme solide moins soluble apparaît soudainement tard dans un programme de développement.

[154] En outre, on savait que les différents polymorphes pouvaient avoir des propriétés de formulation très différentes, y compris la vitesse de dissolution. Le formulateur compétent de l’équipe constituant la PVA savait qu’un certain nombre de facteurs peuvent influencer la quantité et la vitesse d’absorption d’un ingrédient médicamenteux dans l’organisme, y compris les propriétés inhérentes de l’ingrédient médicamenteux, comme sa solubilité (Rapport Davies, pièce 42, para 29). La solubilité d’un médicament augmente avec la température et peut varier avec le pH. La plupart des médicaments disponibles sont peu solubles, ce qui peut se traduire par une faible biodisponibilité (la quantité de médicament absorbée dans la circulation sanguine) (Rapport Davies, pièce 42, para 38‑39 et annexe 1).

[155] La PVA savait, grâce à des antériorités reconnues comme Aulton 2002 et Stahl 2002, que les hydrates sont généralement (mais pas toujours) moins solubles que les formes anhydres et ont des vitesses de dissolution plus lentes (Rapport Davies, pièce 42, annexe 1; Rapport Elitzin, pièce 66, annexe E1). Cependant, il n’était pas possible de prédire les propriétés d’un polymorphe, ou celui qui aurait les propriétés les plus favorables au développement pharmaceutique, avant de le découvrir, de le fabriquer et de le tester dans le cadre d’essais appropriés (Davies, pièce 42, para 56‑57).

C. Le point de départ de l’analyse de l’évidence — « état de la technique »

[156] L’analyse de l’évidence vise à vérifier si la PVA peut rapprocher deux points dans le perfectionnement de la technique en se fondant uniquement sur ses connaissances générales courantes : Atazanavir, au para 65. Le premier de ces points concerne « l’état de la technique » à la date pertinente. Atazanavir, au para 65; Sanofi, au para 67.

[157] PMS affirme que l’état de la technique est défini par le brevet 400 et devrait être limité à la divulgation de la sitagliptine et du sel de chlorhydrate de sitagliptine comme puissant inhibiteur de la DPP-4 et à son utilité pour le traitement du diabète de type 2. PMS invoque l’arrêt Ciba Specialty Chemicals Water Treatments Limited’s c SNF Inc., 2017 CAF 225 [Ciba], au paragraphe 60, à l’appui de son affirmation :

Pour conclure, je vais dire un mot au sujet de « ce qui ferait partie de “l’état de la technique” », l’expression utilisée dans Pozzoli et Plavix. Ce qui fait partie de l’état de la technique est simplement l’art antérieur qu’invoque la partie qui prétend qu’il y avait évidence. L’évidence n’est pas déterminée par rapport à l’état de la technique en général. La personne invoquant l’évidence doit renvoyer à un ou plusieurs éléments de l’art antérieur qui rend l’invention contestée évidente. Le choix des éléments de l’état de la technique relève entièrement de la partie invoquant l’évidence, sous réserve de l’article 28.3 de la Loi, qui établit la date limite pour l’état de la technique. En fait, la partie contestant le brevet peut se fonder sur plusieurs éléments de l’état de la technique selon la théorie de la « mosaïque » quant à l’évidence : Wenzel Downhole Tools Ltd. c. National‑Oilwell Canada Ltd., 2012 CAF 333, [2014] 2 R.C.F. 459, au paragraphe 87.

[158] Merck affirme que l’« état de la technique » est l’art antérieur de façon générale, et non pas une unique antériorité isolée. Elle fait valoir que cela comprend toutes les antériorités invoquées par M. Foley concernant le P32/98, le DPP-728 et la LAF-237, et par M. Roush, tirées de sa recherche sur l’art antérieur et la littérature, jointes à son rapport. Même si un chimiste spécialisé en chimie thérapeutique n’est pas considéré comme étant une PVA et que le rapport de M. Roush se voit accorder un poids moindre, Merck affirme que l’art antérieur comprendrait au moins le brevet WO498 dans son intégralité ainsi que les articles de Deacon, Augustyns et Drucker, auxquels il est renvoyé dans le brevet 400, qui ont résumé les développements relatifs au P32/98, au DPP-728 et à la LAF‑237, et ce qui était connu au sujet de leur activité inhibitrice de la DPP-4.

[159] Merck renvoie à l’arrêt Apotex Inc. c Janssen Inc., 2021 CAF 45, au paragraphe 25 :

Apotex avance plusieurs arguments concernant les principes juridiques applicables à l’analyse de l’évidence. D’abord, Apotex soutient qu’il faut évaluer l’évidence en se demandant si la personne versée dans l’art peut combler l’écart entre deux points (l’état de la technique et l’objet de la revendication en cause). Apotex soutient que le deuxième point (l’objet de la revendication) doit être déterminé par rapport à la teneur de la revendication. Cette façon de faire cadre avec l’article 28.3 de la Loi sur les brevets et la jurisprudence. Apotex soutient également que le premier point (l’état de la technique) doit être déterminé par rapport non pas à l’art antérieur de manière générale, mais plutôt à l’art antérieur choisi par la partie alléguant l’évidence. Cependant, je ne vois pas comment la jurisprudence mentionnée par Apotex au soutien de cet argument peut limiter la portée de l’art antérieur qui peut être examiné pour se prononcer sur l’évidence.

[160] Dans de nombreuses affaires, l’art antérieur le plus rapproché est déterminé par la partie contestant le brevet et structure l’analyse. Autrement dit, si les revendications du brevet ne sont pas évidentes à la lumière de l’art antérieur le plus rapproché de ces revendications, elles ne deviendront pas évidentes à la lumière de l’art antérieur de façon plus large, lequel est moins pertinent pour l’invention supposée. Or, cela ne signifie pas que l’art antérieur de façon plus large n’est pas pertinent pour les autres facteurs, comme la motivation, comme je l’examinerai plus en profondeur ci-dessous.

[161] Dans ce cas, le brevet 400 guide l’analyse en mentionnant la demande de brevet WO498 et les antériorités Deacon, Augustyns et Drucker comme des documents de l’art antérieur pertinent. Bien que la sitagliptine et le sel de chlorhydrate de sitagliptine soient divulgués dans la demande de brevet WO498, la divulgation de ces composés doit être lue et comprise dans son contexte – c’est-à-dire dans le cadre de la demande de brevet WO498 – car c’est ainsi qu’ils seraient connus de la PVA (comme l’indique le brevet 400).

[162] En effet, même M. Hollingsworth indique dans son rapport que la demande de brevet WO498 est le point de départ de l’analyse. Il y écrit :

[traduction]

190. À mon avis, la différence entre l’état de la technique et la revendication 4 (et ses revendications dépendantes) est le choix de la forme cristalline de phosphate de sitagliptine monohydraté parmi les formes cristallines (y compris les hydrates) dont la PVA aurait compris qu’elles faisaient partie de la demande de brevet WO498 et aurait présumé qu’elles provenaient d’un criblage polymorphique standard.

[...]

192 Le brevet 400 identifie la demande de brevet WO498 comme point de départ. Il reconnaît que la sitagliptine et le chlorhydrate de sitagliptine étaient connus et divulgués (ce qu’ils étaient manifestement).

[163] Si l’on applique ce qui précède à l’analyse de l’évidence, la question à laquelle il faut répondre est de savoir si combler l’écart entre le brevet WO498 (qui divulgue la sitagliptine et son sel de chlorhydrate, entre autres composés) et l’idée originale qui sous-tend les revendications du brevet 400 aurait été évident pour la PVA au regard des connaissances générales courantes et de l’art antérieur, notamment des antériorités de Deacon, Augustyns et Drucker et l’art antérieur lié aux inhibiteurs de la DPP-4, tel qu’il en sera question dans la section concernant la motivation, ci-dessous.

D. L’idée originale des revendications en cause

[164] Les avis sont partagés dans la jurisprudence sur la question de savoir si l’analyse de l’évidence exige que l’on détermine une idée originale (concept inventif) ou plutôt s’il est plus approprié de s’attarder aux éléments essentiels interprétés au regard des revendications : Atazanavir, aux para 65-70, 74-78; Ciba, aux para 64-68, 72-77.

[165] Comme on le fait remarquer dans l’arrêt Atazanavir, le critère de l’évidence énoncé dans l’arrêt Sanofi ne vise pas à changer le droit sur l’évidence; les termes « concept inventif » ou « idée originale » ne diffèrent pas sensiblement du terme employé précédemment, soit « la solution enseignée par le brevet » : Atazanavir, aux para 65-68, 75.

[166] PMS soutient qu’il ne faut pas s’attarder à l’idée originale. Le deuxième volet de l’analyse de l’évidence devrait plutôt porter sur les éléments essentiels des revendications. Elle soutient que l’analyse de l’évidence devrait mettre l’accent sur la revendication 4 et le sel de DHP de sitagliptine sous forme monohydratée cristalline revendiqué, car les autres revendications n’ajoutent aucune caractéristique originale. Elle affirme, dans le même ordre d’idées, que si l’idée originale est prise en compte, il faudrait qu’elle soit axée sur la définition de la sitagliptine comme un sel de phosphate qui est sous forme monohydratée cristalline.

[167] Merck fait valoir que l’idée originale doit être déterminée, car il s’agit d’un volet obligatoire du critère de l’arrêt Sanofi. Elle soutient que l’argument de PMS ne tient pas compte du dernier mot de la CAF sur l’idée originale dans l’arrêt Shire. Ses experts affirment que l’idée originale de la revendication est l’identification du phosphate de sitagliptine monohydraté comme un composé ayant : de puissantes propriétés d’inhibition de la DPP-4; des avantages pharmaceutiques par rapport à la sitagliptine sous forme de base libre et au sel de chlorhydrate; des avantages particuliers pour la préparation de médicaments de l’ingrédient pharmacologiquement actif en raison de sa stabilité chimique et physique accrue (par rapport à la sitagliptine sous forme de base libre et sel de chlorhydrate), et de sa grande solubilité. Elle affirme que les revendications 5 à 7 ont la même idée originale, mais que l’idée originale des revendications 19, 20 et 24 réside dans le procédé revendiqué pour préparer le monohydrate. De même, elle affirme que l’idée originale de la revendication 22 est que le monohydrate est utile pour préparer des médicaments pour traiter le diabète de type 2 en raison de ses propriétés divulguées, et que l’idée originale de la revendication 26 est l’utilisation du monohydrate pour traiter le diabète de type 2 avec une quantité thérapeutiquement efficace.

[168] Tel qu’il est indiqué dans l’arrêt Shire aux paragraphes 75 et 76, bien que la définition de l’idée originale découle de l’interprétation des revendications et s’en inspire forcément, il s’agit néanmoins d’exercices distincts, ayant des objectifs distincts. L’interprétation des revendications a lieu avant l’évaluation de leur validité; elle vise à comprendre et à déterminer la portée de la revendication en observant l’objet de celle‑ci. La définition de l’idée originale a lieu lors de l’évaluation de la validité des revendications. Elle vise à déterminer l’aspect original proposé de la revendication afin de faciliter l’analyse de l’évidence.

[169] Cela est particulièrement important si l’on doit recourir au mémoire descriptif, dans le cas, par exemple, d’une revendication portant simplement sur une formule chimique ou dans le cas d’un brevet de sélection. Sanofi, aux para 77‑78; Shire, au para 76. Dans un tel cas, ce ne sont pas toutes les propriétés chimiques qui contribueront à définir l’idée originale, mais seulement celles qui fournissent la solution enseignée par le brevet : Shire, au para 76; Atazanavir, aux para 74-75.

[170] Comme l’a reconnu PMS dans sa plaidoirie, si le brevet est un brevet de sélection, la Cour peut prendre en compte l’idée originale et examiner la divulgation pour soutenir ce qui est revendiqué au sujet de l’espèce, qui est sélectif par rapport au genre. Cependant, PMS affirme que le brevet 400 n’est pas un brevet de sélection, et qu’il ne présente aucun avantage expressément divulgué ayant trait à la forme monohydratée cristalline revendiquée dans le brevet 400.

[171] Elle soutient que, dans un tel cas, où l’idée originale ne peut pas être facilement saisie, les commentaires de la CAF dans l’arrêt Ciba, aux paragraphes 74 à 77, devraient s’appliquer et il faudrait éviter de s’attarder à l’idée originale :

[74] La décision Unilever vient rappeler, de façon très pertinente, que c’est l’idée originale qui est en cause, [traduction] « et non une idée générale tirée de l’ensemble du mémoire descriptif » : Unilever, à la page 569. La recherche de l’idée originale est compliquée, en partie, par l’utilisation faite ou devant être faite de la partie du mémoire descriptif sur la divulgation. Dans Connor Medsystems Inc. v. Angiotech Pharmaceuticals Inc., [2008] UKHL 49, [2008] R.P.C. 28 (Connor), lord Hoffman a écrit au paragraphe 19 que [traduction] « le titulaire du brevet est en droit d’exiger que la question de l’évidence soit déterminée par rapport à sa revendication et non à quelque paraphrase vague fondée sur la portée de la divulgation figurant dans le mémoire descriptif ».

[75] Cet accent sur l’importance des revendications est conforme à l’article 28.3 de la Loi, qui dispose : « L’objet que définit la revendication [...] ne doit pas [...] être évident ».

[76] Lord Jacob était conscient que les possibles difficultés entourant la définition de l’idée originale pourraient se transformer [traduction] « en débat périphérique superflu ». Il a donc conseillé : [traduction] « si un désaccord sur l’idée originale d’une revendication devient trop complexe, la façon raisonnable de procéder consiste à l’oublier et à se concentrer simplement sur les caractéristiques de la revendication » (Pozzoli, au paragraphe 19). Lord Hoffman a écrit, encore une fois dans Connor, au paragraphe 20, que l’idée originale [traduction] « devient une perte de temps presque dès l’apparition d’un désaccord à son sujet ».

[77] Il peut y avoir des cas où l’idée originale peut être comprise sans difficulté, mais il me semble que puisque l’expression « idée originale » n’est toujours pas définie, la recherche de l’idée originale a entraîné une confusion considérable dans la règle de l’évidence. Cette confusion peut être réduite en évitant tout simplement l’idée originale et en interprétant plutôt la revendication. Jusqu’à ce que la Cour suprême soit en mesure d’élaborer une définition pratique de l’« idée originale », cela me semble être une utilisation plus judicieuse du temps des parties et de la Cour fédérale que de perdre son temps et s’engager dans un débat périphérique superflu.

[172] Les principales différences entre le point de vue des experts sur l’idée originale sont la question de savoir si elle devrait comporter les avantages allégués du sel de DHP de sitagliptine sous forme monohydratée cristalline et la question de savoir si l’idée originale devrait être examinée pour chaque revendication. Comme nous l’avons déjà mentionné, il est à mon avis possible de considérer le brevet 400 comme un brevet de sélection. Tous les experts, y compris les experts de PMS, ont reconnu que le sel de DHP de sitagliptine sous forme monohydratée cristalline est censé présenter des propriétés chimiques et physiques améliorées.

[173] Comme l’a déclaré M. Elitzin (Rapport Elitzin, pièce 66, para 67‑68) :

[traduction]

[...] le problème du brevet 400 peut être énoncé comme étant une recherche de stabilité chimique et physique améliorée par rapport aux divulgations antérieures sur la sitagliptine dans la demande WO 03/004498 (sel à base libre et sel de chlorhydrate).

[...] La section « Résumé de l’invention » indique clairement ce que les auteurs du brevet pensent être la solution à ces problèmes, à savoir le phosphate de sitagliptine monohydraté.

[174] À mon avis, l’idée originale de la revendication 4 est l’identification du composé dihydrogénophosphate de sitagliptine monohydraté avec ses propriétés chimiques et physiques améliorées par rapport à la sitagliptine sous forme de base libre et au sel de chlorhydrate.

[175] Cette idée originale globale du brevet 400 sous-tend l’idée originale des autres revendications dépendantes, où la revendication 24 vise un procédé pour fabriquer de manière fiable le composé de la revendication 4 et des revendications 19 et 20 portant sur des procédés qui peuvent fabriquer le composé non stéréospécifique. La revendication 22 concerne la capacité accrue de formuler le monohydrate cristallin en un médicament, et la revendication 26 reconnaît l’efficacité thérapeutique du monohydrate cristallin pour traiter le diabète de type 2.

[176] Je ne suis pas d’accord avec SPM pour dire que cela peut être conclu dès le départ, et que la Cour n’a pas besoin d’adopter une approche propre à une revendication dans son analyse. L’approche dépendra de la conclusion de la Cour en ce qui concerne la revendication 4. Si je conclus que le composé de la revendication 4 n’est pas évident, alors je conviens qu’un procédé pour fabriquer ce composé et l’utilisation du composé dans un médicament ou en tant que traitement ne serait pas évident. Cependant, la même logique ne s’applique pas nécessairement si je conclus que le composé est évident. Dans cette circonstance, les éléments supplémentaires des revendications 5 à 7, 19, 20, 22, 24 et 26 devraient être pris en considération pour déterminer s’ils sont eux-même source d’inventivité : article 58, Loi sur les brevets, Shire, au para 27.

E. Les différences entre l’état de la technique et l’idée originale des revendications

[177] Maintenant que cette analyse est faite, les différences entre l’état de la technique et l’idée originale peuvent être résumées comme suit :

Pour la revendication 4 :

  • l’identification de la sitagliptine parmi les autres composés divulgués dans la demande de brevet WO498 et le contexte des inhibiteurs de la DPP-4 prometteurs, comme composés tête de série à mettre au point;

  • le choix de poursuivre le criblage des sels et des polymorphes;

  • la formation et la sélection du sel de DHP de sitagliptine;

  • l’isolement de la forme monohydratée cristalline du sel de DHP et la reconnaissance de ses propriétés chimiques et physiques améliorées pour la formulation par rapport à la sitagliptine sous forme de base libre et au sel de chlorhydrate.

Pour les revendications 5 à 7 :

  • la caractérisation cristallographique aux rayons X du sel de DHP de sitagliptine sous forme monohydratée cristalline.

Pour les revendications 19, 20 et 24 :

  • l’identification d’un procédé fiable pour la fabrication du sel de DHP du monohydrate cristallin.

Pour les revendications 22 et 26 :

  • la reconnaissance de la possibilité d’utiliser le sel de DHP du monohydrate cristallin dans une composition pharmaceutique (revendication 22) et en une quantité thérapeutiquement efficace pour traiter le diabète de type 2 (revendication 26).

F. Ces différences constituent-elles des étapes évidentes? S’agissait-il d’un essai allant de soi?

[178] Pour qu’une invention résulte d’un « essai allant de soi », la preuve doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il allait plus ou moins de soi pour la personne versée dans l’art de tenter d’arriver à l’invention. La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas : Sanofi, au para 66.

[179] Les parties ont attiré l’attention de la Cour sur trois affaires, qui, selon elles, qui présentaient, sur le plan factuel, un intérêt pour l’analyse de l’essai allant de soi : Pfizer Limited c Ratiopharm Inc., 2010 CAF 204 [Amlodipine]; Atazanavir; Teva Canada Limitée c Pfizer Canada Inc., 2019 CAF 15 [ODV]. Dans deux de ces affaires, Amlodipine et Atazanavir, les revendications en cause faisaient intervenir un nouveau sel et il n’y avait pas de revendications concernant une forme cristalline. Chacune de ces affaires reposait sur la question de la motivation, et les revendications ont été jugées évidentes et les idées originales, comme des essais allant de soi.

[180] Dans l’affaire Amlodipine, le brevet en cause était un brevet de sélection dont la revendication portait sur le bésylate d’amlodipine. Les inventeurs ont commencé par la tâche précise d’examiner le maléate, pour voir s’il pouvait donner lieu à une formulation finale aux fins d’approbation réglementaire. La preuve a établi qu’il était (et serait) rapidement déterminé qu’il y avait des problèmes de stabilité et d’adhérence, et qu’un essai de routine sur des sels serait effectué. Le Cour d’appel a souscrit à la conclusion du juge de première instance, selon laquelle la personne versée dans l’art « aurait été motivée à faire des essais sur des sels de l’acide sulfonique en général et aurait toutes les raisons de soumettre le bésylate à des essais, car il avait déjà été prouvé qu’il offrait des avantages par rapport à d’autres sels sur le plan de la stabilité » (au para 28).

[181] Dans l’affaire Atazanavir, les revendications du deuxième brevet portaient sur le sel bisulfate d’atazanavir, et sur une forme posologique pharmaceutique formée de bisulfate d’atazanavir. Dans cette affaire, la CAF a conclu que l’idée originale du deuxième brevet était « le bisulfate d’atazanavir, un sel pharmaceutiquement acceptable de l’atazanavir, parce que sa biodisponibilité est égale ou supérieure à celle de la base libre d’atazanavir ». Elle a jugé qu’il n’y avait aucune différence entre le brevet antérieur, qui revendiquait l’atazanavir et ses sels pharmaceutiquement acceptables, et le bisulfate d’atazanavir, un sel qui était pharmaceutiquement acceptable en raison de sa biodisponibilité. La CAF a conclu que la personne versée dans l’art se serait attendue à ce qu’un filtre salin permette, selon toute vraisemblance, de repérer au moins un sel qui aurait des propriétés pharmaceutiques améliorées, notamment la biodisponibilité, par rapport à la base libre d’atazanavir, et ce, seulement au moyen d’un travail de routine, pour caractériser les propriétés du sel.

[182] Dans la troisième affaire, OVD, des revendications relatives à une certaine forme cristalline d’un sel d’ODV particulier (le sel succinate) étaient jugées non évidentes. Dans cette affaire, les connaissances générales courantes comprenaient l’ODV en tant que métabolite actif de la venlafaxine et en tant que forme libre et forme saline d’un fumarate. Les antériorités divulguaient également un succinate d’ODV en tant que sel éventuel, même s’il y avait des raisons de croire que cela pourrait ne pas fonctionner. La CAF a conclu que rien dans la jurisprudence, y compris dans les arrêts Amlodipine et Atazanavir, n’appuyait le point de vue selon lequel tous les essais de criblage de sels et les essais de criblage des polymorphes ou des cristaux allaient de soi ou qu’ils ne nécessitaient que des travaux d’expérimentation courants. Il fallait plutôt examiner chaque affaire selon les faits qui lui sont propres. Se fondant sur la preuve présentée, la CAF a conclu que la quantité d’expériences requise et l’imprévisibilité de leur résultat étaient trop élevées, de sorte que la solution enseignée par le brevet ne découlait pas d’un essai allant de soi. Il n’existait pas un nombre déterminé de solutions prévisibles ou d’expérimentations potentielles. Les faits ne permettaient pas de soutenir que la PVA pourrait prédire l’existence du succinate d’ODV de forme I, pas plus qu’elle ne pourrait prédire les propriétés qu’il posséderait ou, le cas échéant, son mode de préparation.

[183] Bien que ces affaires présentent des illustrations utiles de l’application de l’analyse de l’essai allant de soi dans des affaires concernant de nouvelles formes salines et polymorphiques, j’adopte la même approche que la CAF dans l’arrêt ODV, selon laquelle chaque instance doit être jugée au regard des faits, preuves et arguments qui lui sont propres. Il n’existe pas de principe suprême selon lequel tous les essais de criblage de sels vont de soi ou ne nécessitent que des travaux d’expérimentation courants, ou que la détermination des polymorphes sera toujours non évidente. Ni l’une ni l’autre de ces affaires ne peut être utilisée pour imposer une conclusion qui n’est pas étayée par les faits ou la preuve. J’effectue ci-dessous une telle analyse des faits et de la preuve.

(1) Était-il plus ou moins évident que l’essai serait fructueux?

[184] Il n’y a aucune exigence de démontrer qu’il est plus ou moins évident que l’essai sera fructueux; cependant, ce facteur demeure l’un des facteurs dont il faut tenir compte dans l’analyse de l’essai allant de soi : Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 30 [Infliximab] au para 90.

[185] Comme il est indiqué précédemment, la PVA, dans le cadre de ses connaissances générales courantes, aurait été au courant des méthodes automatisées acceptées pour le criblage des sels et des polymorphes qui étaient censées donner des résultats. Elle aurait su que la forme du sel détermine les propriétés physico-chimiques du produit, y compris sa stabilité, sa solubilité et sa vitesse de dissolution, et influencerait la façon dont le médicament est absorbé, distribué, éliminé et excrété par l’organisme (Transcription du procès, volume 1, page 74, lignes 10‑22). Bien que l’on aurait pu s’attendre à ce que les formes salines puissent améliorer les propriétés chimiques et/ou physiques et les effets thérapeutiques et pharmaceutiques globaux d’un ingrédient pharmaceutique actif, il était également entendu que la mauvaise forme saline pouvait avoir un effet négatif sur le composé (Transcription du procès, volume 2, page 124, ligne 18; page 125, ligne 22; Transcription du procès, volume 3, page 280, lignes 6‑17). Chaque sel confère des propriétés uniques au composé d’origine (Transcription du procès, volume 2, page 167, lignes 21‑27).

[186] Nul ne conteste que l’acide phosphorique est l’un des acides privilégiés référencés dans la demande de brevet WO498 pour une éventuelle formation de sel avec les composés basiques de la demande. Comme en ont convenu les experts, l’acide phosphorique aurait été l’un des acides privilégiés qu’une PVA aurait inclus dans une expérience de criblage de sels avec la sitagliptine sous forme de base libre en raison de leurs différences en termes de pKa (c’est-à-dire le niveau d’acidité de l’acide).

[187] Cependant, les experts n’étaient pas d’accord sur la possibilité de prédire la formation du sel de DHP. M. Elitzin a déclaré qu’une PVA pouvait prédire avec un haut niveau de certitude si un sel se formerait entre un acide et un composé basique en observant le pKa. Quant à M. Wuest, il a convenu que la PVA pouvait s’attendre à la formation d’un sel de phosphate de sitagliptine, mais il a déclaré que la possibilité d’isoler le sel sous forme de solide, ou de solide cristallin de stœchiométrie particulière, demeurait imprévisible. Tous les experts ont convenu qu’il n’aurait pas été possible de prédire si un sel donné posséderait des propriétés avantageuses pour sa formulation dans une forme pharmaceutique.

[188] Il y a, et il y avait en 2003, très peu de sels de phosphate commercialisés. Entre 1997 et 2001, seuls 1,7 % des anions utilisés dans les ingrédients pharmaceutiques actifs de sels formés d’entités basiques étaient des phosphates, contre 46,6 % pour le chlorure (Rapport Elitzin, pièce 66, annexe E-10, pages 6666‑6667; Rapport Wuest, pièce 29, page 36).

[189] D’après les connaissances générales courantes, telles qu’en fait état Stahl 2002, la PVA aurait su que les sels de phosphate ont une forte propension à former des hydrates. Cependant, les hydrates étaient également connus pour avoir une faible solubilité, ce qui était indésirable pour la formulation (Transcription du procès, volume 6, page 486, lignes 4‑10). Comme l’a expliqué M. Davies, cela a rendu la « haute solubilité » du sel de DHP de sitagliptine sous forme monohydratée cristalline tellement surprenante et imprévisible.

[190] La question de savoir si un monohydrate cristallin pouvait être isolé et fabriqué de manière fiable, et s’il présentait des propriétés chimiques et physiques avantageuses, a ajouté une imprévisibilité qui n’a été contestée par aucun des experts. Comme l’a reconnu M. Elitzin, lors des expériences de criblage polymorphique, un certain nombre de facteurs peuvent influencer la découverte d’un sel cristallin. À la lecture de la demande de brevet WO498, la PVA n’aurait aucun moyen de savoir si l’un des composés formerait un hydrate. En juin 2003, la demande de brevet WO498 proposait seulement une possibilité de formation du sel de DHP et du monohydrate cristallin (Transcription du procès, volume 2, page 201, ligne 4; page 202, ligne 26). Comme l’a reconnu M. Foley, il n’aurait pas été évident, à partir de la demande de brevet WO498, de savoir que le monohydrate cristallin pouvait être utilisé comme ingrédient pharmaceutique actif (Transcription du procès, volume 1, page 77, lignes 11‑23).

[191] PMS soutient qu’il n’y a pas de proposition générale voulant que, lorsqu’une personne versée dans l’art ne peut pas prédire les propriétés d’un composé avant de le fabriquer, il ne soit pas évident de tenter de l’obtenir : Atazanavir, aux para 19-20. Je conviens que chaque affaire repose sur des faits qui lui sont propres.

[192] Toutefois, en l’espèce, puisqu’un problème précis n’a pas été mentionné dans le brevet WO498 ou dans les antériorités, il est difficile de déterminer comment il aurait pu être évident d’essayer une façon de faire sans qu’il y ait des avantages connus et attendus liés au fait de poursuivre les essais. La seule existence de procédés connus ne signifie pas qu’une personne versée dans l’art y recourrait nécessairement, à moins qu’il s’agisse d’essais allant de soi : Sanofi, au para 85; Allergan Inc. c Sandoz Canada Inc., 2020 CF 1189 au para 193.

[193] Comme il est exposé ci-après, j’estime qu’aucune raison découlant du brevet WO498 ou de l’art antérieur n’incitait à poursuivre des essais avec la sitagliptine en particulier, y compris un essai de criblage de sels et un essai de criblage des polymorphes. La PVA n’aurait pas cherché à obtenir les avantages en question, et ne se serait pas attendue à les obtenir.

(2) Motivation

[194] Par le facteur de motivation, on cherche à savoir si la PVA était justifiée de rechercher la solution enseignée par l’invention proposée : AstraZeneca Canada Inc c Teva Canada Limitée, 2013 CF 246 au para 49. Merck soutient que rien dans la demande de brevet WO498 et dans l’art antérieur de façon plus large n’incitait à choisir la sitagliptine comme composé tête de série et que, même si elle avait été choisie, rien n’incitait la PVA à effectuer un criblage de sels ou à obtenir le monohydrate. J’aborde chacune de ces affirmations ci-dessous.

a) La demande de brevet WO498 motiverait-elle la PVA à poursuivre des essais avec la sitagliptine?

[195] Comme indiqué ci-dessus, le brevet 400 est un brevet de sélection dont l’application de genre antérieure (WO498) divulgue une grande classe de composés ayant une certaine utilité reconnue, dans ce cas, pour traiter le diabète de type 2. La demande de brevet WO498 identifie 33 composés spécifiques dans ses exemples qui entrent dans son champ d’application, dont l’un est le composé maintenant connu sous le nom de sitagliptine (exemple 7). Comme l’ont reconnu tous les experts, la demande de brevet WO498 n’indique pas directement ou indirectement que la sitagliptine est un composé privilégié parmi les composés divulgués. Elle ne fournit pas non plus de données ou de justification scientifique pour le choix de l’un des composés qu’elle divulgue plutôt qu’un autre comme composé tête de série.

[196] PMS souligne que seuls sept exemples détaillés existent dans la demande de brevet WO498 et que sur ces sept exemples, seuls deux (exemples 6 et 7) ont abouti à la formation d’un composé solide (les autres sont décrits comme étant soit des solides mousseux, soit une huile). PMS fait valoir que cela réduirait les composés d’intérêt pour la PVA à ceux des exemples 6 et 7. Cependant, aucune donnée probante ne vient étayer cet argument.

[197] Ni M. Elitzin ni M. Hollingsworth n’ont mentionné cette formulation dans les exemples 6 et 7. Au lieu de cela, M. Elitzin a déclaré que la demande de brevet WO498 ne donnait aucune raison d’explorer la sitagliptine plutôt que l’un des autres composés de la demande de brevet WO498 (Transcription du procès, volume 2, page 115, lignes 6‑9). De même, M. Hollingsworth a convenu qu’aucun des sept exemples n’a été distingué des autres (Transcription du procès, volume 3, page 275, ligne 17; page 276, ligne 9).

[198] En ce qui concerne le libellé spécifique des exemples, M. Wuest a indiqué que la PVA n’établirait pas de distinction significative entre les sept exemples détaillés et le reste des exemples donnés dans la demande de brevet WO498, et n’accorderait pas d’importance au descripteur du solide utilisé dans les exemples. Comme l’a déclaré M. Wuest : [TRADUCTION] « Il existe différentes façons de qualifier le mot « solide » qu’un expert du domaine reconnaîtrait comme étant utilisé dans les procédures expérimentales [...] La seule chose qui soit claire, c’est que dans cette demande 498, la substance est décrite comme un solide et que le qualificatif n’apporte pas nécessairement d’information significative » (Transcription du procès, volume 6, page 476, ligne 22; page 478, ligne 20).

[199] Le témoignage de M. Wuest reposait sur le fait qu’il n’y avait aucune information dans la demande de brevet WO498 qui aurait conduit la PVA à choisir la sitagliptine ou le chlorhydrate de sitagliptine comme point de départ pour développer un inhibiteur de la DPP-4 plutôt que les autres composés illustrés dans la demande de brevet WO498 (Transcription du procès, volume 6, page 472, lignes 14‑20).

[200] De même, selon M. Davies, la demande de brevet WO498 ne fournit pas de données ou d’autres informations dans les exemples permettant de distinguer un composé comme étant exceptionnel du point de vue de la formulation (Rapport Davies, pièce 42, para 76).

[201] M. Roush a soutenu que l’équipe d’experts devrait fabriquer les 33 exemples de composés afin de déterminer correctement si l’un d’entre eux était approprié pour être un composé tête de série pour une mise au point ultérieure (Rapport Roush, pièce 50, para 95). M. Foley a reconnu de la même manière que la PVA ne saurait pas lequel, le cas échéant, des composés visés par la demande de brevet WO498 pourrait être choisi comme composé tête de série à la lecture de la demande de brevet WO498 (Transcription du procès, volume 1, page 67, lignes 1‑6).

[202] Il n’y a pas non plus de différenciation entre l’activité de l’un des composés de la demande de brevet WO498. Au contraire, la demande de brevet WO498 inclut seulement la déclaration générale que les composés des exemples de la demande de brevet WO498, dont la sitagliptine, ont une activité d’inhibition de la DPP-4 « généralement avec une concentration inhibitrice médiane [CI50] inférieure à environ 1 µM ». Tous les experts ont convenu que la PVA ne connaîtrait pas l’activité de la sitagliptine, ou de tout autre composé spécifique divulgué dans la demande de brevet WO498, à partir de cette déclaration et ne saurait pas quels composés sont plus actifs que d’autres (Transcription du procès, volume 1, page 63, lignes 15‑22; Rapport Lewanczuk, pièce 55, para 131, 141; Rapport Roush, pièce 50, para 94). Il n’y a pas eu d’études in vivo mentionnées impliquant les composés de la demande de brevet WO498 et aucune donnée spécifique en matière de CI50 sur la sitagliptine ou sur tout autre composé divulgué dans la demande (Transcription du procès, volume 1, page 62, lignes 1‑4).

[203] Les données probantes indiquent que la demande de brevet WO498 n’aurait pas particulièrement incité la PVA à se concentrer sur la forme cristalline particulière d’un sel de sitagliptine plutôt que sur d’autres composés divulgués dans la demande de brevet WO498.

b) L’état de la technique de l’époque nous éloigne-t-il de l’utilisation de la sitagliptine?

[204] Merck soutient également que la PVA n’aurait aucune raison découlant de façon plus large de l’art antérieur de se concentrer sur la sitagliptine. Au contraire, Merck affirme que l’art antérieur relatif au P32/98, au DPP-728 et à la LAF‑237, [traduction] « enseignerait de ne pas utiliser » la sitagliptine comme composé tête de série aux fins de développement ultérieur. La preuve à l’appui de cette affirmation est présentée dans le rapport d’expert de M. Roush, qui a effectué une recherche dans la littérature sur ce qui aurait pu être connu au sujet des inhibiteurs de la DPP-4 et de la sitagliptine au mois de juin 2003.

[205] La preuve de M. Roush était que, dans la mesure où elle n’aurait pas encore été au courant de l’état de la technique, la PVA serait rapidement tombée sur des publications faisant état du P32/98 et du DPP-728, y compris sur le fait que ces composés avaient déjà fait l’objet d’essais sur les humains, dont les résultats étaient prometteurs (Rapport Roush, pièce 50, para 36). M. Roush a affirmé que ces composés auraient probablement formé le point de départ des travaux de la PVA.

[206] Comme l’a expliqué M. Roush, les composés P32/98, DPP-728 et LAF237 (représentés ci-dessous avec la sitagliptine) avaient des structures chimiques distinctes de la sitagliptine qui auraient été fortement favorisées. Plus particulièrement, le DPP-728 et la LAF237 comportaient un groupe fonctionnel de cyanopyrrolidine (cycle à 5 chaînons avec un atome d’azote lié à la chaîne carbonée), et le composé P32/98, un groupe de thiazolidine (cycle à 5 chaînons avec un atome de soufre et un atome d’azote), tous bien connus pour bien se lier à la DPP-4 tout en maintenant la stabilité globale du composé. Ces deux groupes fonctionnels étaient censés contribuer à l’activité inhibitrice du composé (Rapport Roush, pièce 50, para 114‑127).

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P32/98 Sitagliptine

[207] La preuve présentée par M. Roush n’est pas contestée par PMS. PMS soutient plutôt qu’elle n’est pas pertinente pour l’analyse de l’évidence. PMS affirme que le choix de la sitagliptine comme point de départ ne fait pas partie de l’idée originale. Selon PMS, l’idée originale est plus étroite, étant axée seulement sur le sel de phosphate de sitagliptine sous forme monohydratée cristalline.

[208] Comme il est indiqué ci-dessus, le brevet 400 enseigne que l’art antérieur relatif au P32/98, au DPP-728 et à la LAF-237 procure un contexte pertinent pour le brevet 400. Il enseigne également que la divulgation de la sitagliptine et de son sel de chlorhydrate découle de la demande antérieure de genre WO498, qui comprend d’autres composés.

[209] L’état de la technique qui nous éloigne de la supposée invention est un élément pertinent dont il faut tenir compte pour la question de l’évidence : Bayer AG c Apotex Inc., 2003 CF 1199, aux para 78-79. La question à se poser est de savoir si les idées reçues dans l’industrie à l’époque pertinente ou l’art antérieur peuvent avoir découragé la PVA d’examiner une solution précise : Bauer Hockey Ltd. c Sport Maska Inc. (CCM Hockey), 2020 CF 624 au para 149.

[210] En juin 2003, la seule publication sur la sitagliptine était la demande de brevet WO498. Il n’y avait aucune indication quant à son activité, son efficacité, sa toxicité ou sa tolérance. De plus, le niveau général de puissance rapporté dans la demande de brevet WO498 indiquait qu’il était 45 à 167 fois inférieur aux valeurs de CI50 de 0,022 µM, 0,007 µM et 0,006 µM publiées pour le DPP-728 (Rapport Roush, pièce 50, para 94).

[211] Comme l’a reconnu M. Foley, une PVA envisageant un composé inhibiteur de la DPP-4 potentiel voudrait voir ce qui s’est passé dans les modèles animaux (Transcription du procès, volume 1, page 59, lignes 12‑24). En juin 2003, la PVA ne savait pas si la sitagliptine serait réellement efficace pour traiter le diabète de type 2 chez les patients, car il n’y avait pas de données permettant de le déterminer (Transcription du procès, volume 1, page 56, lignes 17‑27; page 67, ligne 18; page 68, ligne 1; page 69, lignes 3‑8).

[212] Rien n’indique que la PVA serait attirée par la sitagliptine comme point de départ d’un développement ultérieur. Sur la base de l’art antérieur, on ne peut pas conclure qu’une entité autre que Merck avait des raisons de retenir la sitagliptine comme composé tête de série pour la poursuite de recherches.

c) Est-ce qu’il y avait des raisons d’essayer de faire du sel de phosphate et d’isoler le monohydrate?

[213] Comme je l’ai indiqué ci-dessus, je conviens que, selon les connaissances générales courantes, si la PVA cherchait à développer un composé, elle chercherait d’abord le composé sous forme de base libre.

[214] La demande de brevet WO498 n’identifie aucun problème avec la sitagliptine sous forme de base libre ou de sel de chlorhydrate. Bien que la PVA sache que le niveau d’activité général cité dans le brevet 400 – c’est-à-dire une CI50 de moins de 1 µM – n’est pas un niveau d’activité de haute puissance, tous les experts ont convenu que cette déclaration générale ne reflète pas la puissance d’un composé particulier du brevet. Elle tend plutôt à indiquer que certains composés peuvent être plus actifs que d’autres. La demande de brevet WO498 ne fournit aucune déclaration expresse selon laquelle une activité améliorée devrait être ciblée par un criblage supplémentaire de sels, et n’indique pas non plus que des propriétés chimiques ou physiques pourraient être améliorées par une autre forme saline.

[215] PMS fait valoir que la PVA saurait, d’après la structure chimique de la base libre, qu’une dégradation est possible, et que la formation de sel améliorerait les propriétés de la formulation. Elle s’appuie sur le passage suivant du contre-interrogatoire de M. Wuest (Transcription du procès, volume 6, page 521, lignes 1‑16), ainsi que sur les conclusions internes de Merck :

[traduction]

R. Je pense que l’expert du domaine qui lit le brevet 400 serait capable, en raison de sa formation en chimie organique, d’observer la structure de la sitagliptine et de reconnaître que cette molécule particulière présente une vulnérabilité chimique. Elle contient des éléments susceptibles de subir différents types de réactions chimiques. Nous avons parlé des réactions acido-basiques, mais d’autres réactions sont possibles; l’une d’elles est l’hydrolyse de la liaison amide, une autre serait la désamination, une autre serait la sensibilité du cycle aromatique fluoré à différents types de substitutions, et ainsi de suite. Le potentiel de dégradation serait donc reconnu par un expert du domaine.

Q. Et je crois comprendre que vous auriez la même opinion en ce qui concerne le chlorhydrate de sitagliptine?

R. Oui, c’est une possibilité aussi.

[216] Cependant, les commentaires de M. Wuest ne s’appliquent pas de manière restrictive à la forme de base libre. Ils s’appliquent plutôt à la fois au sel à base libre et au sel de chlorhydrate. M. Wuest n’a pas été interrogé sur la question de savoir si la susceptibilité à la dégradation serait différente avec un autre sel et, le cas échéant, pour quelle raison. Rien dans ce témoignage ne permet de conclure que la PVA serait amenée à la conclusion proposée par PMS.

[217] Les données probantes communiquées dans l’affidavit de Mme Vincent indiquent qu’en 2021, au moins un autre fabricant de génériques avait mis au point un sel de chlorhydrate de sitagliptine à des fins commerciales (Affidavit Vincent, pièce 7).

[218] Le fait que PMS s’appuie en outre sur les conclusions internes de Merck n’est d’aucune utilité, car cela vient après coup. S’il est vrai que les inventeurs ont compris, à partir de leurs propres analyses et travaux sur le composé L-221869, que la dégradation du sel à base libre et du sel de chlorhydrate constituait un problème, rien ne permet de soutenir, sur la base des renseignements dont disposait la PVA, que celle‑ci serait en mesure de parvenir à cette même conclusion sans effectuer un travail analytique comme Merck a dû le faire. Sans les renseignements dont disposait Merck, la PVA n’aurait pas été encouragée à effectuer un criblage plus large des sels dès le départ. La PVA pourrait éventuellement arriver au même point que Merck dans ses analyses; cependant, il n’y a pas suffisamment de données probantes susceptibles d’indiquer avec quelle facilité cela se produirait ou si cela se produisait tout court.

[219] Je suis d’accord avec PMS pour dire que s’il y avait des raisons de poursuivre l’étude de la sitagliptine et d’une autre forme saline, telle que le sel de phosphate, il y aurait également des raisons d’isoler la forme polymorphe la plus stable comme l’exigent les directives réglementaires. Cependant, il faudrait que la PVA soit incitée à poursuivre les essais avant de s’engager dans cet exercice. À mon avis, la PVA ne serait pas spécialement motivée à le faire à partir de la demande de brevet WO498, des connaissances générales courantes et de l’art antérieur.

(3) Quels efforts — leur nature et leur ampleur — sont requis pour réaliser la supposée invention?

[220] Il n’est pas nécessaire que la PVA soit capable d’effectuer les mêmes expérimentations que les inventeurs pour arriver l’invention revendiquée (Infliximab, au para 94). Cependant, les démarches réelles faites par les inventeurs mettent en lumière l’ampleur des efforts requis pour arriver à l’invention revendiquée et permettent de savoir s’il s’agissait d’un essai allant de soi : Janssen Inc. c Teva Canada Ltd., 2020 CF 593 au para 205. Cela est

particulièrement vrai lorsque les connaissances des inventeurs sont au moins égales à celles de la personne versée dans l’art : Sanofi, au para 70. Pour reprendre les termes de l’arrêt Sanofi, au paragraphe 71 :

[...] le fait pour l’inventeur et les membres de son équipe de parvenir à l’invention rapidement, facilement, directement et à relativement peu de frais, compte tenu de l’art antérieur et des connaissances générales courantes, pourrait étayer une conclusion d’évidence, sauf lorsque leurs efforts et leurs connaissances se sont révélés plus grands que ceux attribués à la personne versée dans l’art. Leur démarche tendrait à indiquer qu’une personne versée dans l’art, grâce à ses connaissances générales courantes et à l’art antérieur, aurait agi de même et serait arrivée au même résultat. Par contre, lorsque temps, fonds et efforts ont été consacrés à la recherche ayant finalement mené à l’invention, et ce, avant que l’inventeur ne se mette à la recherche de l’invention ou qu’on ne lui enjoigne de le faire, y compris les démarches qui se sont révélées vaines et inutiles, une conclusion de non-évidence pourrait être fondée. On pourrait en déduire que la personne versée dans l’art n’aurait pas fait mieux en s’appuyant sur ses connaissances générales courantes et sur l’art antérieur. En fait, lorsque les intéressés, y compris l’inventeur et les membres de son équipe, avaient de grandes compétences dans le domaine technique en cause, la preuve pourrait indiquer que la personne versée dans l’art aurait obtenu des résultats bien pires et ne serait vraisemblablement pas parvenue à l’invention. Il ne lui aurait pas paru évident d’emprunter le parcours ayant mené à l’invention.

[221] En l’espèce, la démarche des inventeurs a été présentée par l’intermédiaire des documents de Merck et du témoignage de M. Wenslow. Tel qu’il a été énoncé précédemment, PMS a contesté l’admissibilité de certaines parties de l’affidavit et du témoignage oral de M. Wenslow. Ma conclusion relative à ces objections est énoncée dans l’annexe ci-jointe. Le résumé suivant donne un aperçu de l’historique de l’invention, à partir des documents qui ont été admis pour la véracité de leur contenu, d’aspects admissibles du témoignage de M. Wenslow et d’extraits de l’interrogatoire préalable présentés en preuve).

a) La démarche des inventeurs

[222] Merck a commencé ses travaux sur les inhibiteurs de la DPP-4 au milieu de l’année 1999. À cette époque, Novartis avait déjà un composé en développement clinique, et Merck a décidé de « lancer » son programme en concédant une licence pour le composé P32/98 de Probiodrug (extraits présentés en preuve par PMS, pièce 65, A9). Merck a également synthétisé la LAF-237 et mesuré son activité sur la DPP-4 pour déterminer sa sélectivité enzymatique (extraits présentés en preuve par PMS, pièce 65, B4).

[223] Merck a produit la première base libre de sitagliptine le 20 juin 2001. La demande prioritaire pour le brevet WO498 a été déposée deux semaines plus tard, le 6 juillet 2001. On ignore combien de composés de la demande de brevet WO498 Merck a étudiés et testés avant de décider d’aller de l’avant avec la sitagliptine. Les études sur au moins un des composés L-221869 (exemple 6 de la demande de brevet WO498) ont précédé la sitagliptine et ont été rapportées dans les documents déposés par Merck. Un document interne daté du 9 avril 2002 indiquait que la sitagliptine avait [traduction] « un profil in vitro amélioré par rapport au composé P32/98 (L-000826) de Probiodrug, précédemment en développement, et à son composé de réserve, le L-221869 » (Affidavit Wenslow, pièce 17, annexe J, article 2).

[224] En décembre 2001, le scientifique de Merck Leigh Shultz a indiqué que la base libre cristalline L-221869 présentait une dégradation importante en vrac par rapport au sel de fumarate amorphe. Ainsi, la base libre a été éliminée en tant que candidat au développement en faveur d’une forme cristalline de sel. Le sel de chlorhydrate de L-221869 a également été éliminé en raison de son hygroscopicité et de sa propension à s’hydrater de manière réversible. Les premières données sur la stabilité des formes salines de tartrate et de bésylate semblaient prometteuses.

[225] À la même époque et autour de celle-ci, en décembre 2001, Leigh Shultz a conclu de son côté que la forme de base libre de sitagliptine n’était pas adaptée au développement en raison de sa dégradation en vrac, après avoir mené des études de stabilité physique et chimique, notamment sur l’hygroscopicité. Sur la base des données relatives à la solubilité du composé structurellement similaire L-221869, on s’attendait à ce que les sels cristallins de sitagliptine aient une meilleure solubilité que celle de la base libre, sans affecter la biodisponibilité. Il a été recommandé que l’identification d’une forme acceptable de sel cristallin devienne une priorité.

[226] Le 12 décembre 2001, Merck a effectué un criblage de sels acides sur la base libre de sitagliptine en utilisant un essai sur plaque à 96 puits incorporant 11 solutions de réserve d’acides standard. L’essai a été réalisé par une jeune scientifique, Vicky Vydra, qui avait rejoint Merck quelques mois auparavant. Je suis d’accord avec PMS pour dire que l’expérience menée était une « tâche routinière » utilisant un procédé standard qui pouvait être appliqué facilement.

[227] Quatre sels cristallins potentiels ont été détectés à partir de l’expérience, après analyse par diffraction de rayons X sur poudres : phosphate, sulfate, tartrate et bésylate. En janvier 2002, un document interne indiquait que les sels de bésylate et de tartrate seraient probablement étudiés en premier, tout en précisant que le sel de tartrate était également développé dans le cadre des travaux en cours sur le L-221869. Du sel de chlorhydrate de sitagliptine sous forme cristalline a également été fabriqué séparément, mais il a été jugé moins prioritaire compte tenu de l’expérience acquise avec le L-221869.

[228] En mars 2002, trois sels potentiels avaient été identifiés comme prometteurs – les sels de bésylate, de tartrate et de phosphate. Merck a décidé d’utiliser le sel de phosphate en raison de la morphologie en flocons du sel, qui était censée conférer des propriétés de formulation privilégiées. La décision a été communiquée dans un document daté du 9 avril 2002, qui faisait état de la caractérisation physique du sel, de ses données de stabilité et de ses propriétés biopharmaceutiques et mécaniques. Ce document indiquait qu’à cette époque, il existait comme « polymorphe anhydre unique ».

[229] En mars 2002, le sel de DHP de sitagliptine a été formulé en comprimés et utilisé pour des études cliniques.

[230] En février 2002, l’équipe du projet sur la DPP-4 a également commencé une étude des polymorphes du sel de DHP. Il s’agissait d’un travail d’équipe pluridisciplinaire, avec la participation active de nombreux scientifiques de plusieurs groupes de travail. Merck a compris qu’il était en retard sur Novartis et d’autres dans le calendrier de développement et a adopté une approche consistant à « mettre tout le monde sur le pont ». M. Wenslow a estimé que l’équipe du projet sur la DPP-IV a réalisé [traduction] « plus de 1 000 expériences de criblage polymorphique sur le sel de DHP 1:1 en l’exposant à une vaste gamme de solvants et de conditions de réaction différents ». Il a décrit ce travail dans son affidavit comme étant [traduction] « difficile », car les polymorphes [traduction] « présentaient des énergies très similaires ». Par conséquent, les outils d’analyse ont difficilement pu distinguer les polymorphes.

[231] Le travail initial de criblage polymorphique a été mené par le scientifique Chris Lindemann et comprenait de multiples cristallisations dans divers solvants, dont l’eau. Les résultats communiqués en mai 2002 indiquaient une seule phase cristalline anhydre, ainsi qu’un matériau potentiellement amorphe qui s’est recristallisé en ce que l’on croyait être un hydrate et qui a ensuite été déterminé, en 2003, comme étant une autre forme anhydre.

[232] En 2002, deux criblages polymorphiques à haut débit ont été réalisés pour rechercher des polymorphes possibles, chacun impliquant une variété de solvants, y compris l’eau, sur des plaques à 96 puits, suivis d’une évaluation des résultats par le Groupe des mesures physiques. Ce criblage a été décrit par M. Wenslow comme étant [traduction] « atypique » et reflétant l’investissement important que Merck avait fait dans le projet.

[233] En plus de ces criblages à haut débit, M. Wenslow a fait référence à des essais supplémentaires approfondis pour étudier les effets de différents solvants, ainsi qu’à la caractérisation de la structure cristalline, à l’aide de diverses techniques, notamment par diffraction de rayons X sur poudres, par résonance magnétique nucléaire et par la spectroscopie Raman. Chaque jour, M. Wenslow a décrit 10 à 15 membres de l’équipe du projet sur la DPP-IV menant ou analysant des expériences de criblage polymorphique.

[234] À la fin de 2002, un volume important de données de caractérisation de l’état solide s’était accumulé, suggérant un système complexe de « quatre formes uniques », y compris une forme solvatée avec l’éthanol et une forme supposée être un hydrate (type A). L’équipe du projet sur la DPP-IV a pu isoler le type A en janvier 2003, et a déterminé qu’il s’agissait d’un autre polymorphe anhydre.

[235] En janvier 2003, Merck avait identifié au moins trois polymorphes anhydres primaires, dont certains s’interconvertissaient dans les conditions de fabrication en présence de solvant. Des mélanges de différentes formes cristallines apparaissaient dans des lots destinés à être utilisés en clinique et devaient être contrôlés pour les études cliniques.

[236] Merck a effectué un criblage de solvants pour trouver un solvant non solvatant qui pourrait contrôler l’interconversion de sa forme anhydre (Forme I). Comme l’explique M. Wenslow, [TRADUCTION] « [p]our essayer de trouver différentes conditions permettant de préparer une forme cristalline unique de sel pur anhydre 1:1 de DHP, notre équipe a découvert de manière surprenante et inattendue une forme monohydratée cristalline totalement nouvelle en mars 2003 ». Le 26 mars 2003, une expérience menée par Stephen Cypes avec de l’alcool isoamylique/eau (95/5 %) a donné pour la première fois le monohydrate cristallin, ce qui a été confirmé par diffraction de rayons X sur poudres. Peu de temps après, un autre scientifique, Dina Zhang, a également préparé le monohydrate dans un autre laboratoire en utilisant le même type d’expérience en suspension (Rapport Elitzin, pièce 66, para 202, 215(a); pièce 4, F‑17).

[237] M. Wenslow a décrit la préparation du monohydrate comme [traduction] « une découverte fortuite qui a donné lieu à des changements radicaux et profonds pour Merck et l’équipe du projet sur la DPP-IV ». En poursuivant ses recherches, Merck a pu développer des conditions permettant de préparer les formes anhydres, ainsi que le monohydrate cristallin en contrôlant les conditions de réaction et l’activité de l’eau. Parallèlement, Merck a caractérisé les propriétés physiques du monohydrate et son comportement dans les formulations. Merck a conclu globalement que le monohydrate présentait une meilleure stabilité physique et chimique que les formes anhydres, principalement parce qu’il ne présentait pas de conversion de forme lors du compactage. Le monohydrate a également présenté des caractéristiques d’adhérence améliorées par rapport aux formes anhydres.

[238] La décision à long terme d’aller de l’avant avec le monohydrate plutôt qu’avec le mélange de formes anhydres a été prise dans la semaine du 12 mai 2003. Cela ne signifie pas pour autant que les travaux sur le mélange de formes anhydres se sont arrêtés, mais le monohydrate est devenu la priorité, et le mélange anhydre a occupé une place secondaire.

[239] Comme l’a expliqué M. Wenslow :

[traduction]

7. De manière tout à fait fortuite, la stabilité physique et chimique du monohydrate, ainsi que son aptitude améliorée au traitement pharmaceutique (notamment sa moindre adhérence) ont amené l’équipe du projet sur la DPP-IV à choisir le monohydrate plutôt que les formes anhydres pour la suite du développement. Nous avons eu la chance de découvrir que le monohydrate cristallin était bioéquivalent à la précédente forme anhydre utilisée pour les essais cliniques de phase I et de phase II, en raison de sa solubilité étonnamment élevée. Cela a changé la donne pour Merck. Le monohydrate n’était pas seulement supérieur aux formes anhydres, mais il constituait également un substitut approprié pour les essais de phase IIB à venir de Merck.

[240] M. Elitzin affirme que Merck aurait dû trouver le monohydrate plus tôt, mais qu’elle n’a pas pris de mesures pour caractériser la forme hydrate qu’elle a vue initialement en 2002, choisissant plutôt de poursuivre avec la forme anhydre et d’essayer d’exclure l’eau. Cependant, je ne vois pas l’expérimentation de cette manière. Jusqu’à ce que le type soit isolé et confirmé comme étant une forme anhydre, Merck pensait que l’une de ses formes était un hydrate. Lors de son criblage initial, l’eau faisait partie du système de solvants.

[241] J’interprète les travaux réalisés par Merck comme établissant que le parcours vers le monohydrate n’était pas simple ou prévisible.

[242] Une autre question est de savoir comment replacer dans son contexte le délai d’obtention du sel de DHP et de la forme monohydratée cristalline, dans le contexte d’un calendrier global accéléré pour l’obtention d’un produit final qui pourrait être utilisé dans les essais cliniques de phase II.

[243] Les données probantes établissent que Merck a dû devancer Novartis, qui était bien en avance sur Merck dans la course à la commercialisation d’un inhibiteur de la DPP-4. À cette fin, Merck a dû réduire de 21 à 6 mois le temps généralement nécessaire pour passer à la phase clinique, en menant des études biopharmaceutiques de préformulation simultanément au développement de la formulation de phase I, en faisant se chevaucher le développement de la formulation de phase I avec celui de la phase II et en raccourcissant le calendrier des étapes. Comme l’a décrit M. Foley, cela a nécessité à la fois un investissement en ressources et la prise de risques que des étapes soient manquées et que des expériences puissent devoir être répétées en cas de résultats inattendus.

[244] Dans ce cas, Merck a bénéficié de son expérience avec le L-221869 et a pu accélérer les étapes de son processus de criblage des sels, qui impliquait l’application de processus autrement routiniers. De même, une fois que le monohydrate a été formé de manière fiable et qu’il a été déterminé que son profil de biodisponibilité était similaire à celui de la forme anhydre, Merck a pu accélérer les essais cliniques en s’appuyant sur ses études de phase I réalisées avec le composé anhydre.

[245] D’après mon examen du travail accompli, je ne considère pas que le délai accéléré donne à entendre que le monohydrate a été obtenu facilement ou aisément. Au contraire, les données probantes indiquent que l’équipe pluridisciplinaire a mis plus d’un an pour trouver le monohydrate et ne l’a trouvé que par hasard. Alors que la méthode d’obtention du sel de DHP était simple, une quantité importante de travail et d’efforts a été nécessaire pour obtenir le monohydrate cristallin sans résultats prévisibles. Le parcours des inventeurs ne permet pas de conclure à une évidence.

(4) Facteurs secondaires

[246] Bien que cela ne fasse pas partie de l’analyse de l’essai allant de soi, des facteurs secondaires ont également été reconnus comme étant pertinents pour l’analyse de l’évidence.

[247] Comme on l’a vu, JANUVIA® a été le premier inhibiteur de la DPP-4 à être commercialisé. Le Dr Lewanczuk a décrit JANUVIA® comme un médicament qui modifie la pratique et qui répond à un besoin non satisfait, soit d’être capable de faire baisser la glycémie lorsqu’elle est élevée, mais de ne rien faire lorsqu’elle est normale, évitant ainsi l’hypoglycémie et d’autres effets secondaires typiques du diabète de type 2 (Transcription du procès, volume 8, page 734, ligne 15; page 735, ligne 6).

[248] Bien que je ne considère pas cette preuve comme étant déterminante, elle appuie à mon avis le caractère inventif du fait d’avoir identifié le sel de DHP de sitagliptine sous forme monohydratée cristalline, avec ses propriétés avantageuses, comme devenant l’ingrédient médicamenteux dans JANUVIA®.

G. Conclusion relative à l’évidence des revendications invoquées

[249] À la lumière de l’analyse qui précède, j’estime qu’il n’existait pas chez les chercheurs une motivation suffisante pour tenter d’obtenir le composé de la revendication 4 et que le travail et les efforts nécessaires pour obtenir le monohydrate cristallin étaient considérables et non prévisibles. Il n’aurait pas été évident d’étudier le composé, et le procédé utilisé pour le fabriquer, et d’y arriver, pas plus que de déterminer sa capacité pour la fabrication de médicaments ou pour une utilisation à des fins thérapeutiques. Pour toutes ces raisons, je conclus que les revendications invoquées ne sont pas évidentes.

[250] Je note que, bien que je n’aie pas tenu compte de chaque réclamation dépendante de façon distincte, étant donné que j’ai conclu que la réclamation 4 du brevet 400 n’était pas évidente, et que chacune des réclamations 5 à 7, 19, 20, 22, 24 et 26 dépend du composé de la réclamation 4 ou est visée par la portée de cette réclamation, je suis également d’avis, je l’ai dit au paragraphe précédent, que ces revendications dépendantes ne sont pas non plus évidentes.

VI. Insuffisance

[251] En vertu des alinéas 27 (3) a) et b) de la Loi sur les brevets :

Mémoire descriptif

Specification

(3) Le mémoire descriptif doit :

(3) The specification of an invention must

a) décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

(a) correctly and fully describe the invention and its operation or use as contemplated by the inventor;

b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

(b) set out clearly the various steps in a process, or the method of constructing, making, compounding or using a machine, manufacture or composition of matter, in such full, clear, concise and exact terms as to enable any person skilled in the art or science to which it pertains, or with which it is most closely connected, to make, construct, compound or use it;

[252] La personne versée dans l’art doit pouvoir produire l’invention en utilisant que les instructions contenues dans la divulgation et ses propres connaissances générales courantes : Teva Canada Ltée c Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60 [Teva] aux para 50, 70-71; Teva Canada Limited c Leo Pharma Inc., 2017 CAF 50 [Leo Pharma] aux para 43-44. Une divulgation est insuffisante si le mémoire descriptif requiert la résolution d’un problème : Idenix Pharmaceuticals, Inc. c Gilead Pharmasset LLC., 2017 CAF 161 [Idenix] au para 19. La divulgation doit enseigner à la personne versée dans l’art la manière de mettre toutes les réalisations de l’invention en pratique, sans devoir faire preuve d’ingéniosité inventive ni procéder à une expérimentation excessive, quoiqu’une certaine expérimentation non inventive par essai et erreur puisse être requise : Seedlings Life Science Ventures LLC c Pfizer Canada ULC, 2021 CAF 154 au para 68; Leo Pharma, au para 59.

[253] Le fardeau de la preuve incombe à la partie contestant le caractère suffisant du brevet (en l’espèce, PMS) : Whirlpool Corp. c Camco Inc., 2000 CSC 67 au para 75. Le caractère suffisant est une question de fait (Leo Pharma, au para 44), qui doit être déterminée en date du dépôt de la demande de brevet, soit, en l’espèce, le 18 juin 2004 : Teva, au para 90. Il incombe à PMS le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le brevet est insuffisant à cette date : Merck Sharp & Dohme Corp. c Wyeth LLC, 2021 CF 317 au para 135.

[254] Comme question préliminaire, je souligne que, dans sa plaidoirie, PMS a affirmé que la date de dépôt du brevet 400 était en 2003. Cependant, le 24 juin 2003 est la date de la revendication du brevet 400, et non sa date de dépôt. La date de dépôt, qui figure au recto du brevet 400, est la date de la demande PCT, soit le 18 juin 2004.

[255] Comme cela a été confirmé dans les observations orales, le seul argument de PMS sur la question de l’insuffisance est la question de savoir si les détails divulgués au sujet du procédé dans le brevet 400 pour fabriquer le monohydrate cristallin sont suffisants. Malgré la preuve présentée sur les intervalles spectraux d ayant trait aux revendications 5 à 7, PMS ne formule aucun autre argument à l’égard d’une revendication en particulier.

[256] Le brevet 400 fournit des méthodes à la fois générales et particulières pour préparer le monohydrate cristallin. Les méthodes générales sont exposées aux pages 7 et 8 du brevet et fournissent sept méthodes pour cristalliser le monohydrate du sel de DHP non stéréospécifique de formule développée I. Les méthodes générales se réfèrent à plusieurs conditions de traitement différentes, y compris l’utilisation d’éthanol/eau à 25 oC, avec une cristallisation à une concentration d’eau de 31 % en poids (méthode A); alcool isoamylique/eau à 25 oC, 40 oC et 60 oC, avec une cristallisation à une concentration d’eau de 2,9 % en poids, 3,6 % en poids et 4,5 % en poids (méthodes B, C et D, respectivement); et alcool isopropylique/eau à 25 oC, 40 oC et 75 oC, avec cristallisation à une concentration en eau de 7,0 % en poids, 8,1 % en poids et 20 % en poids (méthodes E, F et G, respectivement). Chacune de ces méthodes nécessite les étapes supplémentaires de [traduction] « récupération de la phase solide résultante » et « d’élimination du solvant de celle-ci ».

[257] Une méthode plus détaillée de fabrication du monohydrate cristallin du sel de DHP de sitagliptine (l’énantiomère R représenté par la formule développée II) est exposée à la page 15 du brevet 400. Ce procédé décrit la préparation du monohydrate cristallin en utilisant un système de solvant alcool isopropylique/eau et implique d’abord la préparation du sel de DHP à partir de la base libre de la sitagliptine et de l’acide phosphorique.

[258] Tel que l’a admis M. Hollingsworth, si la PVA disposait du brevet 400 et souhaitait fabriquer la forme monohydratée cristalline du sel de DHP de sitagliptine, la méthode logique à suivre serait celle qui est décrite à la page 15 du brevet 400 (Transcription du procès, volume 3, page 305, ligne 26; page 306, ligne 8; page 308, lignes 15‑23). M. Elitzin a reconnu que la PVA n’aurait aucune difficulté à comprendre ou à suivre les instructions données à la page 15 (Transcription du procès, volume 2, page 219, lignes 17‑23; Transcription du procès, volume 2, conf, page 20, lignes 15‑20).

[259] Dans ses arguments écrits, PMS a fait valoir que la PVA ne serait pas en mesure de produire le monohydrate cristallin parce que le brevet 400 n’enseigne pas l’étape de nucléation qui était nécessaire à Stephen Cypes pour fabriquer le monohydrate en mars 2003, et que la PVA n’aurait pas les germes de monohydrate nécessaires pour provoquer la cristallisation du monohydrate à partir de la solution.

[260] Dans ses observations orales, PMS a affirmé qu’elle ne se fiait pas à sa théorie sur l’ensemencement, mais que cette question avait seulement été soulevée pour réfuter la preuve de Merck et en prévision des arguments que cette dernière pourrait soulever. PMS a plutôt expliqué que son argument sur le caractère suffisant était fondé sur le fait que Merck n’avait pas réussi à fabriquer le monohydrate en 2002 au moyen de méthodes qui étaient selon elle semblables, sur le fait qu’elle n’avait pas réussi à fabriquer le monohydrate pendant un certain temps après l’expérience de Stephen Cypes en mars 2003, et sur les détails qui seraient insuffisants figurant dans le brevet 400. PMS soutient que la divulgation n’oriente pas la PVA quant aux conditions critiques requises pour l’étape initiale de nucléation et, par conséquent, la PVA ne serait pas en mesure de fabriquer le monohydrate. PMS ajoute qu’il n’y a rien dans le brevet 400 qui avertirait la PVA des obstacles auxquels Merck s’est heurtée ou de la manière de les éviter.

[261] Merck affirme que l’argument de PMS est de nature conjecturale. Cette dernière prétend que les expériences menées par Merck en 2002 et en avril 2003 n’étaient pas les mêmes que les méthodes énoncées dans le brevet 400. De plus, Merck soutient que ces expériences ne sont pas pertinentes, car elle était en mesure de fabriquer le monohydrate cristallin après avril 2003, en suivant les conditions énoncées dans le brevet. Merck fait valoir qu’aucune preuve ne donne à penser qu’il ne serait pas possible de fabriquer le monohydrate cristallin au moyen des méthodes énoncées dans le brevet 400, si elles étaient suivies par la PVA à la date du dépôt du brevet.

[262] M. Elitzin a considéré que les expériences menées en 2002 étaient de nature similaire à celles qui ont donné le monohydrate en 2003. Il a estimé que la raison pour laquelle les expériences de 2002 n’ont pas permis d’obtenir le monohydrate pouvait être une contamination au cours de l’expérience ou certains paramètres de l’expérience qui ne permettaient pas la formation du monohydrate (Rapport Elitzin, pièce 66, para 202). M. Elitzin a reconnu qu’il y avait certaines différences entre les expériences de 2002 et celles qui ont conduit au monohydrate en 2003 et que cela pouvait expliquer pourquoi les mêmes résultats n’ont pas été obtenus (Rapport Elitzin, pièce 66, para 204). Il n’a pas pu identifier, en examinant les incohérences, ce qui manquait dans les expériences de 2002 pour expliquer pourquoi le monohydrate ne s’est pas formé (Transcription du procès, volume 2, page 211, ligne 24; page 212, ligne 20).

[263] M. Wenslow a expliqué que l’étape critique qui a eu lieu le 26 mars 2003 était l’événement de nucléation initial pour le monohydrate (Affidavit Wenslow, pièce 17, para 91; Transcription du procès, volume 4, conf, page 126, lignes 5‑20). Il a expliqué que Merck ne comprend toujours pas entièrement pourquoi le système de solvants et les conditions utilisés par Stephen Cypes ont déclenché la nucléation pour la première fois (Affidavit Wenslow, pièce 17, para 63).

[264] PMS soutient qu’il est nécessaire pour la PVA de recevoir des instructions sur la manière dont elle peut éviter les problèmes que Merck a éprouvés. Il ne fait aucun doute que certains détails de l’expérience de Stephen Cypes ne sont pas divulgués dans le brevet 400. Cependant, PMS n’a pas démontré que les détails supplémentaires de l’expérience de Stephen Cypes qui ne figurent pas dans le brevet 400 sont nécessaires pour fabriquer le monohydrate cristallin.

[265] Comme l’a souligné M. Wenslow (Affidavit Wenslow, pièce 17, para 74, 76) :

[traduction]

74 [...] après l’apparition du monohydrate cristallin, les procédés que nous avions précédemment employés et qui ne produisaient jamais le monohydrate, le font maintenant de manière fiable. Plus précisément, après sa première création (nucléation), la mise en suspension du sel de DHP 1:1 dans l’eau entraînerait de manière fiable la formation du monohydrate cristallin. Ce résultat était inattendu, car, avant la création initiale du monohydrate cristallin (c’est-à-dire le premier événement de nucléation), ces expériences de suspension ne donnaient que des formes de sel de DHP 1:1 anhydres.

[...]

76. [...] Il semble que le monohydrate cristallin était extrêmement difficile à nucléer. Mais une fois que cela s’est produit pour la toute première fois, il n’y a eu aucun problème pour faire croître ce cristal en utilisant le procédé de la revendication 24. Nous l’avons déterminé scientifiquement en mesurant la solubilité de chaque forme dans différentes conditions, puis nous avons préparé des tracés « Van’t Hoff », qui montrent le point d’inflexion à partir duquel le monohydrate se cristallise. Par exemple, dans le cas de l’alcool isopropylique et de la température de 25 oC (c’est-à-dire les conditions de la revendication 24 du brevet 400), nous avons déterminé par notre expérimentation que tant que la concentration en eau était supérieure à 6,8 %, le monohydrate cristallin pouvait être préparé. [...]

[266] Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si Merck a mené des expériences après le 26 mars 2003 dans le cadre de laquelle elle aurait suivi le processus du brevet 400, sans parvenir à fabriquer le monohydrate cristallin.

[267] MM. Elitzin et Hollingsworth ont signalé deux expériences menées en avril 2003 par M. Hansen, après la formation du monohydrate cristallin par Stephen Cypes, qui ont utilisé de l’alcool isoamylique/eau, mais n’ont pas produit le monohydrate. Dans chacune de ces expériences, le solvant a été éliminé des composés en séchant les composés dans un four. Dans l’une des expériences, la température de séchage était de 70 oC et l’autre de 45 oC sous flux d’azote. Lors du contre-interrogatoire, MM. Elitzin et Hollingsworth ont été amenés à la page 18 du brevet 400, qui indique que le monohydrate cristallin se transforme en monohydrate déshydraté s’il est chauffé au-dessus de 40 oC sous un flux d’azote très sec. M. Hollingsworth a reconnu que, compte tenu de cet enseignement, la PVA ne chaufferait pas un échantillon au-dessus de 40 oC sous un flux d’azote sec en vue de produire du monohydrate cristallin (Transcription du procès, volume 3, page 311, ligne 16; page 312, ligne 3).

[268] Merck soutient que les expériences menées en avril 2003 ne peuvent par conséquent pas être considérées comme suivant le protocole du brevet. Elle affirme que le monohydrate ne s’est pas formé en raison des différences relatives aux méthodes de séchage et aux températures.

[269] Au procès, M. Wenslow a cherché à présenter la preuve que les expériences menées par M. Hansen en avril 2003 n’ont pas permis de produire le monohydrate, car elles n’étaient pas complètes. J’ai toutefois conclu que ces commentaires ne peuvent être acceptés comme preuve par ouï-dire, car il n’y a aucun document contemporain pouvant appuyer ces faits.

[270] PMS affirme qu’il faut tirer une conclusion défavorable parce que ni M. Hansen ni M. Cypes, qui sont tous deux inventeurs du brevet 400, n’ont comparu au procès pour témoigner au sujet des expériences menées en 2003. Tel que je l’ai mentionné précédemment, cela peut s’expliquer en partie par l’entente conclue entre les parties avant les interrogatoires, selon laquelle M. Wenslow serait le seul inventeur faisant l’objet d’un interrogatoire préalable et le seul inventeur à comparaître au procès. Il n’y avait aucune preuve indiquant que PMS était insatisfaite du témoignage de M. Wenslow sur les problèmes d’invention lors des interrogatoires. Merck n’avait aucune raison de prévoir qu’une objection serait soulevée au procès. Je conviens que le témoignage de M. Hansen aurait contribué à la compréhension des expériences de 2003, mais le litige ne porte pas sur les détails de ces expériences.

[271] En effet, que les expériences menées en avril 2003 aient donné lieu ou n’aient pas donné lieu à la production du monohydrate, PMS n’a présenté aucune preuve permettant de déterminer que, après avril 2003, et à la date de dépôt du brevet 400, soit plus d’un an plus tard, le monohydrate cristallin n’a pu être fabriqué selon les méthodes établies dans le brevet. M. Elitzin a reconnu en contre-interrogatoire qu’il n’avait trouvé aucun exemple de situations où les méthodes générales indiquées aux pages 7 et 8 du brevet 400 (méthodes A à G) suivies après avril 2003, n’auraient pas permis de produire le monohydrate (Transcription du procès, volume 2, conf, page 29, ligne 8; page 30, ligne 8). De même, M. Elitzin a reconnu en contre-interrogatoire qu’il n’y avait aucun exemple de situations où Merck aurait employé la méthode détaillée indiquée à la page 15 du brevet après avril 2003 et serait parvenue à un autre produit que le monohydrate (Transcription du procès, volume 2, conf., page 30, lignes 9‑17).

[272] Même si l’ensemencement devait être considéré comme une explication possible de la production fiable par Merck du monohydrate cristallin après avril 2003, il est incontestable que dans trois des quatre expériences réalisées par Merck après avril 2003, selon la méthode décrite dans le brevet 400, aucun germe n’a été utilisé, et le monohydrate cristallin a quand même été produit (Affidavit Wenslow, pièce 17, para 92; Rapport Elitzin, pièce 4, F44, p MRK21629, 32, 36, MRK21646, 49, 52 et MRK21708, 10, 14; Transcription du procès, volume 4, conf, page 121, ligne 21; page 122, ligne 18).

[273] Du monohydrate cristallin a également été fabriqué par Dina Zhang en dehors du laboratoire où Stephen Cypes a mené son expérience, ce qui rend encore plus improbable l’explication d’un ensemencement involontaire par contamination de l’équipement du laboratoire avec le monohydrate (Dunitz, pièce 9, page 194). Bien que le carnet de Dina Zhang n’ait pas été produit dans la foulée, la réussite de son expérience a été communiquée dans plusieurs documents, acceptés par PMS pour la véracité de leur contenu, et a été acceptée par M. Elitzin dans son analyse (Transcription du procès, volume 2, conf, page 15, lignes 1‑5).

[274] Comme le fait valoir Merck, il n’est pas nécessaire que l’inventeur fournisse une explication théorique de la raison pour laquelle l’invention fonctionne pour soutenir le caractère suffisant du brevet : Valeant Canada LP/Valeant Canada S.E.C. c Generic Partners Canada Inc., 2019 CF 253 au para 115; Eurocopter, au para 150.

[275] Comme le souligne Merck, il n’y a aucune donnée prouvant que les méthodes du brevet 400 ne produiraient pas le monohydrate cristallin si elles étaient utilisées par un expert du domaine. En effet, M. Elitzin admet qu’il ne sait pas quel serait le résultat si la PVA essayait de fabriquer le monohydrate cristallin sans germes (Transcription du procès, volume 2, page 220, lignes 10‑17).

[276] Merck soutient que les experts de PMS auraient dû faire leurs propres expériences pour démontrer que la divulgation n’était pas suffisante, mais qu’ils ont choisi, à leur détriment, de ne pas présenter de tels essais. MM. Elitzin et Hollingsworth ont confirmé qu’ils auraient pu suivre les méthodes s’ils avaient choisi de le faire (Transcription du procès, volume 2, page 222, lignes 2‑10; Transcription du procès, volume 3, conf, page 70, ligne 27; page 71, ligne 2). PMS s’appuie sur les commentaires formulés par la CAF dans l’arrêt Idenix pour soutenir que les essais actuels ne peuvent pas être utilisés pour éclairer la question. Dans l’affaire Idenix, la question du caractère suffisant consistait à savoir si un expert du domaine serait en mesure de synthétiser le composé revendiqué alors que l’une des étapes de la synthèse (la fluoration) n’était pas enseignée par le brevet. Le demandeur a cherché à s’appuyer sur les éléments de preuve qui montraient, après la date de dépôt, que les trois voies synthétiques possibles qui fonctionnaient auraient pu être choisies par l’expert du domaine. Cependant, la CAF a estimé que ces résultats ont été obtenus avec du recul. Ils n’étaient pas pertinents pour la question du caractère suffisant, car ils ne reflétaient pas les connaissances de la PVA à la date pertinente. Cependant, je ne considère pas que cette affaire indique le contraire. Si la PVA n’a pas pu fabriquer le monohydrate cristallin en 2022 en suivant les instructions du brevet, il n’y a aucune raison de penser qu’elle aurait pu fabriquer le monohydrate cristallin avec ces mêmes instructions, et sans avoir le recul nécessaire, à la date de dépôt en 2004.

[277] En l’absence de preuve que des difficultés précoces chez Merck, dont aurait fait l’expérience la PVA, rien ne permet de conclure que la PVA n’aurait pas été en mesure de fabriquer le monohydrate cristallin à la date de dépôt du brevet 400 en suivant les méthodes y étant établies. De même, rien ne permet de conclure que le public ne serait pas en mesure d’utiliser les enseignements du brevet lorsqu’il expirera en 2024. PMS ne s’est pas acquittée de son fardeau.

[278] Par conséquent, je ne peux pas conclure que le brevet 400 est invalide pour cause d’insuffisance.

VII. Conclusion

[279] Pour les motifs exposés, les revendications invoquées du brevet 400 ne sont pas invalides pour cause d’évidence ou d’insuffisance. Un jugement en faveur de Merck sera rendu en conséquence.

VIII. Dépens

[280] Malgré la demande faite par la Cour, les parties n’ont présenté aucune observation de fond en ce qui concerne la façon dont elles aimeraient que les dépens soient adjugés. Cependant, elles ont convenu que l’adjudication d’une somme globale au titre des dépens serait appropriée pour la partie qui a obtenu gain de cause, à condition que la partie concernée soit en mesure de verser le montant réclamé.

[281] Par conséquent, la Cour fournira un calendrier de présentation des dépens fondé sur l’adjudication d’une somme globale dans le cadre de son jugement.

 


Annexe

Point

Objections visant l’affidavit de M. Wenslow (en caractères gras et souligné)

 

Objections visant le témoignage oral qui serait lié à l’affidavit

Objection

Décision

1.

17. Après la découverte de l’activité biologique de la sitagliptine, l’équipe du projet sur la DPP-IV a d’abord étudié la base libre de la sitagliptine en vue d’un développement potentiel. Les travaux de l’équipe sont consignés dans un document daté de décembre 2001 intitulé « Preliminary Pharmaceutical Assessment of L-224715 », rédigé par M. Shultz. Comme l’indique le document, l’équipe du projet sur la DPP-IV a effectué de nombreuses analyses pour évaluer l’aptitude de la base libre à être mise au point en tant que médicament candidat, notamment sa stabilité physique et chimique, ainsi que son hygroscopicité. Ces travaux ont malheureusement révélé un problème de dégradation inattendu de la base libre, inconnu jusqu’alors. À la lumière de cette constatation, l’équipe du projet sur la DPP-IV a déterminé que la base libre de la sitagliptine ne convenait pas à la poursuite du développement et a fait de la recherche d’une forme saline appropriée pour la sitagliptine une priorité.

1. Transcription du procès, volume 4, conf, page 84, lignes 17‑20

2. Transcription du procès, volume 4, conf, page 84, ligne 26; page 85, ligne 1

3. Transcription du procès, volume 4, conf, page 85, lignes 2‑6

4. Transcription du procès, volume 4, conf, page 85, ligne 23; page 86, ligne 14

8. Transcription du procès, volume 4, conf, page 88, lignes 19‑24

 

Ouï-dire, opinion,

Articles 232 et 248 des Règles,

questions allant au‑delà des actes de procédure

Les objections au paragraphe 17 sont rejetées, car les déclarations sont issues du document interne, lequel a été jugé véridique. Elles sont également appuyées par le document daté du 9 avril 2002 (Affidavit Wenslow, pièce 17, annexe J)

Les déclarations sont pertinentes pour l’historique de l’invention.

L’objection fondée sur les articles 232 et 248 des Règles n’a pas de lien suffisant.

L’objection verbale no 1 est rejetée — ce témoignage n’est pas lié à l’objection visant le paragraphe 17. La date à laquelle la sitagliptine a été synthétisée pour la première fois fait l’objet de deux extraits présentés en preuve par PMS (pièce 65, points C9 et A4), a été reconnue par PMS en réponse à la demande d’aveux de Merck (pièce 62), et a déjà été acceptée sans objection au paragraphe 16 de l’affidavit de M. Wenslow.

Les autres objections verbales ont été soulevées après coup, et il aurait fallu les soulever lors du témoignage. En outre, ce témoignage porte sur des renseignements appuyés par le document.

2.

18. À l’époque, l’équipe du projet sur la DPP-IV disposait déjà d’une connaissance et d’une expérience significatives dans le domaine des inhibiteurs de la DPP-IV. Il s’agissait notamment d’un composé ayant le code interne « L-221869 », qui était un analogue structural de la sitagliptine ayant une structure chimique presque identique à celle de la sitagliptine, ne différant que par un seul atome de fluor (F) :

1. Transcription du procès, volume 4, conf, page 84, lignes 17‑20; voir le point 1.

4. Transcription du procès, volume 4, conf, page 85, ligne 23 à page 86, ligne 14; voir le point 1.

6. Transcription du procès, volume 4, conf, page 86, ligne 27; page 87, ligne 11

 

Ouï-dire, opinion,

Articles 232 et 248 des Règles,

questions allant au‑delà des actes de procédure

Les objections sont rejetées.

Les déclarations correspondent à la preuve documentaire admise quant à sa véracité. L’objection reposant sur les articles 232 et 248 des Règles est dénuée de fondement. Les déclarations sont pertinentes pour l’historique de l’invention, laquelle a été mise en cause dans l’acte de procédure de PMS.

Le pronom [traduction] « nous » dans le témoignage oral renvoie à l’équipe du projet sur la DPP-IV.

 

3.

19. En examinant les sels potentiels de la sitagliptine à essayer, nous savions que les composés faiblement basiques, comme la sitagliptine, étaient généralement formulés sous forme de sel de chlorhydrate. Nous savions également que le sel de chlorhydrate de sitagliptine

pouvait être fabriqué selon le procédé utilisé par l’équipe en juin 2001. Par conséquent, nous avons pensé que le sel candidat « naturel » à évaluer était le sel de chlorhydrate. Cependant, l’équipe du projet sur la DPP-IV avait précédemment fabriqué des sels de L‑221869 dans le but de trouver une forme qui conviendrait (la base libre de L-221869 posait des problèmes), n’ayant aucune idée des sels qui pourraient se former sous forme solide ou de ceux (le cas échéant) qui auraient des propriétés

les rendant appropriés comme candidats au développement pour des études ultérieures. Comme l’indique un document publié par M. Shultz en décembre 2001 sur le L‑226189, il a été déterminé que le chlorhydrate de ce composé étroitement apparenté avait été [traduction] « éliminé en tant que candidat au développement en raison de son hygroscopicité et de sa propension à s’hydrater de manière réversible »4. En fait, l’étude du L-226189 a conduit l’équipe à conclure que les sels de tartrate et de bésylate du L-226189 présentaient une bonne solubilité et une hygroscopicité faible ou nulle5. En fait, ils étaient supérieurs au sel de phosphate du L-226189.

1. Transcription du procès, volume 4, conf, page 84, lignes 17‑20; voir le point 1.

4. Transcription du procès, volume 4, conf, page 85, ligne 23 à page 86, ligne 14; voir le point 1.

5. Transcription du procès, volume 4, conf, page 86, lignes 19‑24

6. Transcription du procès, volume 4, conf, page 86, ligne 27; page 87, ligne 11; voir le point 2.

7. Transcription du procès, volume 4, conf, page 87, ligne 27 à page 88, ligne 11

8. Transcription du procès, volume 4, conf, page 88, lignes 19‑24; voir le point 1.

9. Transcription du procès, volume 4, conf, page 89, lignes 1‑8

11. Transcription du procès, volume 4, conf, page 89, lignes 14‑20

12. Transcription du procès, volume 4, conf, page 89, lignes 23‑24

13. Transcription du procès, volume 4, conf, page 90, ligne 20 à page 92, ligne 2

Ouï-dire, opinion, articles 232 et 248 des Règles, questions allant au‑delà des actes de procédure

L’objection verbale est accueillie; cette preuve a été contestée avec succès lors de l’audience.

Les objections verbales 7 et 9 et 13 en partie (de la page 91, ligne 2 à la page 92, ligne 2) sont accueillies, car elles portent sur des détails précis des travaux de formation du sel avant que le M. Wenslow travaille sur le projet qui ne découlent pas de façon claire de la preuve documentaire.

L’objection verbale 11 est rejetée, car la déclaration n’est pas controversée et permet d’expliquer un commentaire qui a été fait pendant le témoignage.

Les autres objections sont rejetées. La fiabilité de ces déclarations découle de la preuve documentaire admise quant à sa véracité.

Par ailleurs, les déclarations soit correspondent à l’expérience générale de M. Wenslow dans le développement de médicaments, soit sont des déclarations non controversées.

Bien que ces déclarations présentent le « lustre » que PMS leur confère, cela ne trompe pas la Cour et est directement lié au contenu des documents.

Les déclarations au sujet du composé 869 ont trait à la démarche suivie par Merck, qui a été mise en cause par l’acte de procédure de PMS.

L’objection fondée sur les articles 232 et 248 n’est pas étayée par le contre-interrogatoire auquel il est renvoyé dans les autres points.

4.

20. Lorsqu’il a fallu décider ce que nous devions faire avec la sitagliptine, nous nous sommes appuyés sur notre expérience passée avec les composés inhibiteurs de la DPP-IV, et en particulier le L-221869. En décembre 2001, nos collègues avaient déjà fabriqué le sel de chlorhydrate de sitagliptine décrit ci‑dessus. Même si elle n’avait pas encore été évaluée, notre expérience avec le sel de chlorhydrate du L-221869 nous a fait craindre que le sel de chlorhydrate de sitagliptine puisse présenter les mêmes problèmes puisque les structures des composés étaient presque identiques. De même, nous avons pensé que les sels de tartrate et de bésylate pourraient également être possibles pour la sitagliptine. Il faudrait, bien sûr, évaluer cette possibilité. Mais comme nous étions soumis à de fortes contraintes de temps, nous avons décidé de ne pas nous concentrer sur le sel de chlorhydrate de sitagliptine. Au lieu de cela, sur la base de notre expérience avec les inhibiteurs de la DPP-IV, nous avons décidé de mener un vaste projet de sélection de sels, à la recherche de tout sel solide de sitagliptine susceptible de présenter des propriétés appropriées. Compte tenu des travaux de l’équipe sur le L-221869, nous avons émis l’hypothèse que nous devrions être en mesure de fabriquer des sels présentant une meilleure solubilité que la base libre de sitagliptine. Cette décision est évoquée dans le document résumant les analyses effectuées sur la sitagliptine sous forme de base libre6.

1. Transcription du procès, volume 4, conf, page 84, lignes 17‑20; voir le point 1.

2. Transcription du procès, volume 4, conf, page 84, ligne 26 à page 85, ligne 1; voir le point 1.

3. Transcription du procès, volume 4, conf, page 85, lignes 2‑6; voir le point 1.

4. Transcription du procès, volume 4, conf, page 85, ligne 23 à page 86, ligne 14; voir le point 1.

5. Transcription du procès, volume 4, conf, page 86, lignes 19‑24; voir le point 3.

6. Transcription du procès, volume 4, conf, page 86, ligne 27 à page 87, ligne 11; voir le point 2.

8. Transcription du procès, volume 4, conf, page 88, lignes 19‑24; voir le point 1.

Ouï-dire, articles 232 et 248 des Règles, questions allant au‑delà des actes de procédure

Les objections aux phrases 3 à 6 du paragraphe 20 sont accueillies.

Les autres déclarations issues du paragraphe 20 correspondent au rapport de Leigh Shultz, admis comme étant véridique.

 

5.

21. S’appuyant sur ces connaissances internes, l’équipe du projet sur la DPP‑IV a tenté un large criblage de sels sur la sitagliptine au lieu de se concentrer uniquement sur le sel de chlorhydrate de sitagliptine qui avait été fabriqué initialement, bien qu’il s’agisse du candidat naturel par ailleurs. L’équipe a réalisé des expériences sur les sels en décembre 2001, en essayant de former différents sels de sitagliptine7. Les différents acides et solvants utilisés sont décrits ci-dessous8.

5. Transcription du procès, volume 4, conf, page 86, lignes 19‑24; voir le point 3.

7. Transcription du procès, volume 4, conf, page 87, ligne 27 à page 88, ligne 11; voir le point 3.

9. Transcription du procès, volume 4, conf, page 89, lignes 1‑8; voir le point 3.

11. Transcription du procès, volume 4, conf, page 89, lignes 14‑20; voir le point 3.

12. Transcription du procès, volume 4, conf, page 89, lignes 23‑24; voir le point 3.

13. Transcription du procès, volume 4, conf, page 90, ligne 20; page 92, ligne 2; voir le point 3.

Ouï-dire, opinion

Les objections sont rejetées.

Les déclarations reflètent la preuve documentaire admise comme étant véridique.

6.

23. Nous ne savions cependant pas si l’un des solides obtenus était cristallin, jusqu’à ce qu’il soit analysé par diffraction de rayons X sur poudres. Comme le montre l’image ci-dessous, nous n’avons pu obtenir des sels cristallins qu’avec moins de la moitié (quatre des onze acides tentés) : sel de phosphate, sel de sulfate, sel de tartrate et sel de bésylate10.

 

Ouï-dire, opinion

L’objection est rejetée. Les déclarations correspondent à la preuve documentaire admise quant à sa véracité.

Les faits liés à ces déclarations sont également admis en raison des extraits présentés en preuve par PMS (par exemple, pièce 65, point C22).

En contre-interrogatoire, M. Wenslow a été interrogé sur des détails liés au criblage des sels effectué par Vicky Vydra.

7.

24. Il est intéressant de souligner que nous n’avons pas obtenu de sel de chlorhydrate cristallin dans ces expériences sur les sels en utilisant de l’acide chlorhydrique, même si Merck avait déjà fabriqué un sel de chlorhydrate en juin 2001 en utilisant des conditions de réaction différentes. Ce résultat reflète l’imprévisibilité de la formation de sel à laquelle notre équipe a été confrontée, et l’importance de trouver les bonnes conditions de réaction qui pourraient potentiellement conduire à la formation de sel.

10. Transcription du procès, volume 4, conf, page 89, lignes 9‑12

 

Opinion

L’objection est accueillie.

 

8.

25. Nous ne savions pas encore si l’un de ces sels cristallins se prêtait également à un développement ultérieur. En janvier 2002, l’équipe de développement du projet sur la DPP-IV a entrepris de déterminer quels sels cristallins, le cas échéant, pouvaient être développés. Comme l’indique un document de M. Hansen daté du 7 janvier 2002, les sels de bésylate et de tartrate seraient étudiés en premier lieu11. Bien que nous ne sachions pas si l’un ou l’autre serait approprié, nous espérions, sur la base de notre expérience avec le L-226189 [sic], que ces deux sels auraient également des propriétés prometteuses. Dans un courriel daté du 11 janvier 2002, M. Schultz a demandé à M. Hansen d’essayer d’abord le sel de tartrate de la sitagliptine, car il semblait être le meilleur sel pour le composé presque identique, le L‑22186912.

4. Transcription du procès, volume 4, conf, page 85, ligne 23 à page 86, ligne 14; voir le point 1.

6. Transcription du procès, volume 4, conf, page 86, ligne 27 à page 87, ligne 11; voir le point 2.

Ouï-dire, questions allant au‑delà des actes de procédure

Les objections sont rejetées.

Ces déclarations reflètent la preuve documentaire admise quant à sa véracité. La preuve a trait à l’historique de l’invention et se rapporte à la question de l’évidence.

9.

29. Par la suite, nous avons étudié ces sels dans l’espoir que l’un d’eux devienne notre principal candidat au développement. Sur la base des résultats de notre expérimentation, le sel de phosphate a finalement été sélectionné comme le plus prometteur et a été recommandé pour les études de développement clinique de phase I et d’évaluation de l’innocuité14.

 

Ouï-dire

L’objection est rejetée. La déclaration est étayée par des documents admis comme étant véridiques.

10.

33. Cette expérimentation a révélé que le sel de DHP 1:1 présentait des avantages distincts par rapport aux autres sels de sitagliptine. Nous ne connaissions pas ces avantages avant d’avoir synthétisé les sels de sitagliptine et de les avoir expérimentés. Par exemple, l’équipe a constaté que le sel de DHP 1:1 était chimiquement beaucoup plus stable que la base libre, le sel de bésylate et le sel de tartrate de sitagliptine, qui étaient tous sujets à une dégradation indésirable, comme l’illustre le graphique ci-dessous17.

1. Transcription du procès, volume 4, conf, page 84, lignes 17‑20; voir le point 1.

2. Transcription du procès, volume 4, conf, page 84, ligne 26 à page 85, ligne 1; voir le point 1.

3. Transcription du procès, volume 4, conf, page 85, lignes 2‑6; voir le point 1.

8. Transcription du procès, volume 4, conf, page 88, lignes 19‑24; voir le point 1.

Ouï-dire, questions allant au‑delà des actes de procédure

Les objections sont rejetées à l’exception de la dernière phrase du paragraphe 33.

 

11.

34. Dans le graphique ci-dessus, le « sel A » (eau) est le sel de tartrate, et le « sel B » est le sel de bésylate (vert) de sitagliptine. Après des études de stabilité de quatre semaines, le sel de DHP 1:1 (bleu roi) a montré des niveaux significativement plus faibles d’hydrolyse et de désamination, ce qui signifie des quantités plus faibles de produits de dégradation. Cela a indiqué à l’équipe que le sel de DHP 1:1 avait une stabilité chimique supérieure.

3. Transcription du procès, volume 4, conf, page 85, lignes 2‑6; voir le point 1.

Ouï-dire, questions allant au‑delà des actes de procédure

Les objections sont rejetées.

M. Wenslow possède l’expérience nécessaire pour expliquer la signification de ces termes scientifiques, lesquels ne semblent pas controversés.

La dernière phrase découle du reste du paragraphe, à l’égard duquel il n’y a pas d’objection.

12.

35. Mon équipe a également effectué des analyses calorimétriques différentielles et thermogravimétriques des sels, qui ont révélé que le sel de DHP 1:1 présentait une stabilité physique supérieure en termes de résistance au stress, aux températures élevées et à l’humidité. L’équipe a également examiné attentivement la morphologie, ou la forme et l’apparence, des sels cristallins. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur des spécialistes de Merck

formés à la réalisation et à l’analyse d’images au microscope électronique. Sur la base de ces travaux, nous avons découvert que le DHP possède une meilleure morphologie que les sels de tartrate et de bésylate18.

14. Transcription du procès, volume 4, conf, page 92, ligne 16 à page 93, ligne 9

 

Opinion, questions allant au‑delà des actes de procédure

Les objections sont rejetées, à l’exception de l’extrait du témoignage oral à la page 96, lignes 16‑22.

Les déclarations reflètent la compréhension qu’avaient les membres de l’équipe à l’époque et sont étayées par des documents admis quant à leur véracité. La qualification de PMS soulevée dans l’argument au sujet de la pièce L n’est pas acceptée compte tenu de l’entente des parties relative aux documents et du fait que PMS s’appuie sur la pièce L dans ses observations écrites [il en va de même pour les points 13, 19, 26, 27, 32, 33, 35, 37 et 38 ci-dessous].

Les déclarations se rapportent à la question de l’évidence.

13.

36. Comme le montrent les images ci-dessus, les sels de tartrate et de bésylate présentent tous une morphologie « en aiguille ». Notre analyse du sel de chlorhydrate préparé en janvier 2002 a également révélé qu’il présentait une morphologie similaire à celle d’une aiguille19. Au cours de nos recherches, nous avons constaté que la morphologie en forme d’aiguille n’était pas souhaitable pour les formulations de doses solides en raison de problèmes d’écoulement et d’une propension à adhérer. Par « adhérence », nous avons observé que certains sels adhéraient à notre équipement lors de la fabrication des comprimés. Nous avons compris qu’il s’agissait d’un problème de formulation, car si le produit adhère à l’équipement, il est possible que des quantités inégales de l’ingrédient actif soient formulées dans les formes pharmaceutiques.

14. Transcription du procès, volume 4, conf, page 92, ligne 16 à page 93, ligne 9; voir le point 1.

33. Transcription du procès, volume 4, conf, page 124, lignes 21‑23

Ouï-dire, questions allant au‑delà des actes de procédure

Les objections sont rejetées.

Ces déclarations sont appuyées par la pièce L acceptée comme étant admise quant à sa véracité. Les déclarations reflètent la compréhension qu’avaient les membres de l’équipe pendant le projet sur la sitagliptine.

 

14.

38. Au moment où le sel de DHP 1:1 a été porté au stade du développement clinique, l’équipe du projet sur la DPP-IV a compris qu’il existait sous une seule forme cristalline anhydre. Nous avons commencé nos expériences de criblage polymorphique du sel de DHP 1:1 au début de 2002 (voir par exemple le courriel de M. Hansen du 7 février 2002, indiquant que [traduction] « Chris [Lindemann] va essayer de trouver d’autres polymorphes et de caractériser davantage ce sel »)20. Le 15 février 2002, M. Lindemann a informé l’équipe qu’il avait effectué de multiples cristallisations dans divers solvants, dont l’eau, et qu’il n’avait trouvé qu’une seule phase cristalline (la forme anhydre), ainsi qu’un matériau potentiellement amorphe21.

 

Ouï-dire, articles 232 et 248

L’objection visant la pièce N est rejetée, car l’information dans le document n’est pas controversée ni ne porte préjudice à la lumière de l’admission en preuve du reste du paragraphe et des détails relatifs à l’expérience. Les faits supplémentaires visés par l’objection sont directement connus de M. Wenslow et sont également étayés par des documents contemporains admis quant à leur véracité.

 

 

15.

41. Nous sommes parvenus à cette conclusion en étudiant de manière approfondie et systématique l’impact de différents solvants sur la formation du sel de DHP 1:1, et en évaluant ainsi son polymorphisme. Chaque fois que nous exposions le sel solide de DHP 1:1 au solvant, il se dissolvait, et sa structure cristalline était détruite. Chaque fois que nous le recristallisions, le sel de DHP 1:1 avait la possibilité d’exister sous une nouvelle forme solide. Nous avons considéré chacun de ces essais comme une expérience portant sur les polymorphes ou un criblage polymorphique, comme certains pourraient le décrire. Après la variabilité que nous avons observée en avril 2002, chaque jour, au moins 10 à 15 membres de l’équipe du projet sur la DPP-IV effectuaient ou analysaient des expériences de criblage polymorphique afin de mieux comprendre le système complexe des polymorphes de la sitagliptine. Cette expérimentation supplémentaire, en plus des criblages polymorphiques systématiques que nous avons réalisés, a permis aux scientifiques de l’équipe d’utiliser leur propre créativité dans la recherche de polymorphes supplémentaires. Cette recherche créative et sans contrainte de polymorphes n’est pas le type d’expérimentation que nous avions fait auparavant

et n’a été rendue possible que grâce aux immenses ressources que Merck a consacrées à ce projet. Notre directive, à l’époque et tout au long du programme, était de ne rien laisser au hasard. Je reviendrai sur ce travail plus loin.

7. Transcription du procès, volume 4, conf, page 87, ligne 27 à page 88, ligne 11; voir le point 3.

9. Transcription du procès, volume 4, conf, page 89, lignes 1‑8; voir le point 3.

11. Transcription du procès, volume 4, conf, page 89, lignes 14‑20; voir le point 3.

12. Transcription du procès, volume 4, conf, page 89, lignes 23‑24; voir le point 3.

13. Transcription du procès, volume 4, conf, page 90, ligne 20 à page 92, ligne 2; voir le point 3.

15. Transcription du procès, volume 4, conf, page 94, lignes 6‑21

 

Ouï-dire, opinion, articles 232 et 248

Les objections sont rejetées.

Ces déclarations reflètent les connaissances et la compréhension qu’avait M. Wenslow au cours du projet sur la sitagliptine. Les déclarations permettent d’expliquer la phrase à l’égard de laquelle il n’y a aucune objection et sont compatibles avec cette phrase.

L’objection verbale 15 est accueillie au motif qu’il s’agit de ouï-dire.

L’objection fondée sur les articles 232 et 248 des Règles n’est pas suffisamment précise.

16.

42. Au cours de l’année 2002, j’estime prudemment que l’équipe du projet sur la DPP-IV a réalisé plus de 1 000 expériences de criblage polymorphique sur le sel de DHP 1:1 dans le cadre de cette évaluation systématique du polymorphisme. Mon groupe était chargé d’analyser ensuite la structure cristalline des expériences qui en résultaient, non seulement par diffraction de rayons X sur poudres, mais aussi par résonance magnétique nucléaire en phase solide du fluor et

résonance magnétique nucléaire en phase solide du carbone. L’équipe du projet sur la DPP-IV a également utilisé la spectroscopie Raman pour faciliter notre analyse. Au cours de la période 2002, et en plus des expériences de criblage polymorphique, j’estime prudemment que nous avons réalisé plus de 1 000 analyses par diffraction de rayons X sur poudres, par résonance magnétique nucléaire en phase solide du fluor, par résonance magnétique nucléaire en phase solide du carbone et par spectroscopie Raman sur le sel de DHP 1:1. Cette quantité de travaux d’expérimentation reflète notre désir d’acquérir une compréhension approfondie et exceptionnelle du système polymorphe, et les ressources importantes investies dans l’expérimentation nécessaire pour atteindre cet objectif.

16. Transcription du procès, volume 4, conf, page 96, ligne 21 à page 97, ligne 5

18. Transcription du procès, volume 4, conf, page 97, lignes 13‑18

21. Transcription du procès, volume 4, conf, page 102, lignes 2‑3

Ouï-dire, opinion, articles 232 et 248 des Règles, questions allant au‑delà des actes de procédure

Les objections sont rejetées.

Ces déclarations reflètent les connaissances de M. Wenslow quant à ce qui est survenu au cours du projet sur la sitagliptine.

La première phrase du paragraphe 42 renvoie à l’estimation figurant au paragraphe 3 de l’affidavit à l’égard de laquelle il n’y a pas d’objection.

17.

43. Dans le cadre de notre expérimentation, nous avons effectué non pas un, mais deux criblages polymorphiques à haut débit – l’un en mai 200225, et l’autre en novembre 200226 – à la recherche de polymorphes possibles. Ce criblage systématique a consisté à cristalliser le sel de DHP 1:1 avec une variété de solvants différents dans des plaques à 96 puits, puis à évaluer la forme cristalline de tous les solides obtenus. L’utilisation de plaques à 96 puits a permis de tester de nombreux échantillons simultanément. Ce criblage à haut débit était coûteux et peu courant chez Merck à l’époque et représente un autre exemple du niveau d’investigation atypique et de l’investissement important que Merck a réalisé dans le projet de sel de DHP 1:1.

7. Transcription du procès, volume 4, conf, page 87, ligne 27 à page 88, ligne 11; voir le point 3.

9. Transcription du procès, volume 4, conf, page 89, lignes 1‑8; voir le point 3.

11. Transcription du procès, volume 4, conf, page 89, lignes 14‑20; voir le point 3.

12. Transcription du procès, volume 4, conf, page 89, lignes 23‑24; voir le point 3.

13. Transcription du procès, volume 4, conf, page 90, ligne 20 à page 92, ligne 2; voir le point 3.

20. Transcription du procès, volume 4, conf, page 100, ligne 10 à page 101, ligne 10

Opinion, articles 232 et 248 des Règles

Les objections visant l’affidavit sont rejetées.

Les première et deuxième parties soulignées proviennent de la preuve documentaire admise quant à sa véracité et réitèrent les faits compris dans les autres paragraphes de l’affidavit à l’égard desquels il n’y a pas d’objection.

La troisième déclaration reflète la compréhension qu’avait M. Wenslow à l’époque.

Le témoignage oral n’est pas lié aux objections faites à l’égard de l’affidavit.

L’objection fondée sur les articles 232 et 248 des Règles n’a pas fourni d’explication suffisante et n’a pas de lien suffisant avec les parties de l’affidavit visées par l’objection.

18.

56. Les relations de phase complexes entre les formes anhydres et la conversion sensible au cisaillement de la Forme I en Forme III ont posé un problème à l’équipe du projet sur la DPP-IV. Comme ces formes anhydres s’intervertissent facilement dans des conditions normales de fabrication et de traitement, il aurait fallu un degré élevé de contrôle à la fois de la fabrication du sel de DHP 1:1 et de son traitement pharmaceutique pendant la formulation pour contrôler l’identité et la proportion des formes polymorphes dans le produit pharmaceutique final.

24. Transcription du procès, volume 4, conf, page 105, lignes 21‑26

 

Ouï-dire, opinion

Les objections sont rejetées.

Ces déclarations reflètent les connaissances et la compréhension qu’avait M. Wenslow à l’époque.

M. Wenslow a fait l’objet d’un contre-interrogatoire sur la l’interconversion des formes anhydres et la comparaison des formes anhydres avec le monohydrate (Transcription du procès, volume 4, page 381, ligne 27 à page 382, ligne 11).

19.

57. Pour éviter d’avoir à mettre en place ces contrôles, l’équipe du projet sur la DPP-IV a émis l’hypothèse qu’il serait possible d’obtenir directement la Forme I pure – sans avoir à passer par la Forme II métastable désolvatée – en recristallisant le sel de DHP 1:1 dans un solvant non solvatant, puis en maintenant des contrôles de conservation adéquats.

24. Transcription du procès, volume 4, conf, page 105, lignes 21‑26; voir le point 18.

Ouï-dire

L’objection est rejetée.

Cette déclaration reflète les connaissances et la compréhension de M. Wenslow et est soutenue par la pièce L, qui a été admise quant à sa véracité.

 

20.

59. Le 7 février 2003, M. Cypes a découvert qu’un cristal non solvaté du sel de DHP 1:1 pouvait être cristallisé dans un solvant plutôt méconnu que nous n’utilisions pas souvent, l’alcool isoamylique. Sur la base de l’analyse par diffraction de rayons X sur poudres, il a été déterminé que cette forme était la Forme I anhydre.

 

Ouï-dire, articles 232 et 248 des Règles

L’objection est accueillie.

21.

60. C’était prometteur. Cependant, il a également été découvert que la morphologie en forme d’aiguille des cristaux de Forme I fabriqués de cette manière était peu propice au traitement. En conséquence, des efforts ont été faits pour essayer d’améliorer la morphologie des cristaux de Forme 1. Entre février et mars 2003, l’équipe a réalisé des expériences en utilisant un mélange d’alcool isoamylique/eau à différentes températures pour voir si la structure cristalline aurait une meilleure morphologie40. Les particules obtenues avaient une morphologie en bâtonnet plus favorable.

14. Transcription du procès, volume 4, conf, page 92, ligne 16 à page 93, ligne 9; voir le point 12.

27. Transcription du procès, volume 4, conf, page 111, lignes 23‑28

Ouï-dire, opinion

Les objections sont rejetées.

Ces déclarations reflètent la compréhension factuelle de M. Wenslow en ce qui concerne les résultats des travaux réalisés par l’équipe et proviennent de la preuve documentaire admise quant à sa véracité. PMS a également contre-interrogé M. Wenslow sur les différences de morphologie entre le monohydrate et les formes anhydres (Transcription du procès, volume 4, page 379, lignes 9‑27).

Les faits relatifs à la morphologie et à l’adhérence du monohydrate et les différences entre les formes font l’objet d’extraits présentés en preuve par PMS (pièce 65; points C27, C28, C39, E9 et E18).

22.

63. Pour donner une idée de la chance que nous avons eue, je peux dire qu’au cours de mes 25 années de carrière scientifique, y compris lorsque j’étais chez Merck dans l’équipe du projet sur la DPP-IV, c’est la seule fois, à ma connaissance, où l’alcool isoamylique a été utilisé dans des expériences de cristallisation. À ce jour, nous ne comprenons pas entièrement pourquoi ce système de solvants, et les conditions utilisées, ont déclenché la nucléation du monohydrate cristallin pour la toute première fois.

 

Opinion

L’objection est rejetée.

La première phrase reflète l’expérience personnelle de M. Wenslow. La deuxième phrase reflète la compréhension factuelle de M. Wenslow, et PMS l’a invoquée dans ses conclusions finales (Transcription du procès, volume 10, page 869, lignes 16‑22).

 

23.

64. La création du monohydrate cristallin a été un développement très surprenant pour l’ensemble de l’équipe du projet sur la DPP-IV, ainsi que pour moi et le Groupe des mesures physiques.

Plus d’un an de développement de sel de DHP 1:1 a eu lieu, y compris des expériences approfondies avec le sel de DHP 1:1 dans des mélanges d’eau et de solvants aqueux, ainsi que des efforts systématiques importants pour identifier tous les polymorphes, y compris les hydrates et les solvates. Malgré cela, l’équipe du projet sur la DPP-IV n’avait pas observé de forme hydratée réelle du sel de DHP 1:1 jusqu’à la création surprenante et inattendue du monohydrate cristallin, en utilisant le mélange étrange d’alcool isoamylique et d’eau, très tard dans le cycle de développement. Cette découverte fortuite a entraîné des changements radicaux et profonds pour Merck et l’équipe du projet sur la DPP-IV. La découverte du monohydrate cristallin a d’abord été accueillie avec panique.

25. Transcription du procès, volume 4, conf, page 109, lignes 19‑20

Ouï-dire

L’objection visant la première partie du paragraphe 64 et l’objection verbale 25 sont accueillies, car cela témoigne de l’état d’esprit d’autres personnes.

L’objection visant la dernière phrase du paragraphe 64 est rejetée. Cette déclaration reflète le souvenir factuel qu’a M. Wenslow des événements et la compréhension de l’équipe à l’époque.

PMS s’en remet également à certaines parties de la dernière déclaration dans ses conclusions finales (Transcription du procès, volume 10, page 869, lignes 16‑22).

 

24.

65. L’apparition soudaine d’un hydrate si tard dans le cycle de développement était pour le moins inquiétante. Les autres membres de l’équipe et moi-même connaissions des récits édifiants, évoqués dans la littérature, sur l’apparition soudaine de polymorphes dans des situations similaires, avec des conséquences très négatives. Par exemple, j’ai immédiatement pensé à l’histoire bien connue de l’expérience d’Abbott avec le ritonavir, où l’émergence soudaine d’un nouveau polymorphe pendant la fabrication commerciale s’est avérée désastreuse. C’était finalement la forme la plus stable, mais elle posait problème, car elle n’avait pas les propriétés de la forme qui avait été cliniquement approuvée et commercialisée. En conséquence, Abbott a dû renoncer au marché. J’ai paniqué parce que le monohydrate était également très stable, et je m’attendais à ce qu’il soit moins soluble que la forme anhydre et que nous devions peut-être recommencer à zéro en clinique. Par conséquent, nous avons travaillé intensément et rapidement pour étudier ce nouveau monohydrate cristallin.

19. Transcription du procès, volume 4, conf, page 99, ligne 28 à page 100, ligne 6

28. Transcription du procès, volume 4, conf, page 113, lignes 5‑7

29. Transcription du procès, volume 4, conf, page 113, lignes 24‑25

Opinion

Les objections sont rejetées.

Cette déclaration reflète le souvenir factuel qu’a M. Wenslow des événements et la compréhension de l’équipe à l’époque.

L’objection verbale 19 est accueillie;

L’objection verbale 29 n’est pas liée à l’objection initiale.

 

25.

70. Nous avons été chanceux. Le monohydrate s’est avéré très facile à formuler. En fin de compte, et par un heureux hasard, la stabilité physique et chimique du monohydrate, sa grande solubilité et son aptitude améliorée au traitement pharmaceutique (notamment sa moindre adhérence) ont amené l’équipe du projet sur la DPP-IV à choisir le monohydrate plutôt que les formes anhydres pour la suite du développement. Ces données sont résumées dans un document43 daté du 9 avril 2003 co-rédigé par moi-même et d’autres scientifiques du Groupe des mesures physiques, du département recherche et développement et du CERD, ainsi que dans une présentation interne, « Parallel Development of Multiple Crystal forms for M-0431 », que j’ai faite avec Cindy Starbuck vers juin 200344. Le travail présenté dans le document d’avril 2003 et dans ma présentation de juin 2003 résume avec précision le travail effectué par l’équipe du projet sur la DPP-IV pour caractériser le monohydrate cristallin. Je décris ci-dessous les propriétés supérieures du monohydrate cristallin, en faisant référence aux diapositives de la présentation de 2003.

 

 

Questions allant au‑delà des actes de procédure

L’objection est rejetée.

Les déclarations sont pertinentes en ce qui a trait à l’historique de l’invention et à la question de l’évidence.

En outre, ces déclarations proviennent de la preuve documentaire admise quant à sa véracité et réitèrent les faits énoncés ailleurs dans l’affidavit à l’égard duquel il n’y a pas d’objection. M. Wenslow a fait l’objet d’un contre-interrogatoire sur les propriétés des formes anhydres par rapport au monohydrate et les motifs pour lesquels elles ont été choisies (Transcription du procès, volume 4, page 379, ligne 28 à la page 382, ligne 11).

Les faits liés aux propriétés du monohydrate font également l’objet de divers extraits présentés en preuve par PMS (voir la pièce 65, points C28, E9 à 12, E18 et E19).

26.

71. Les travaux de Merck ont montré que le monohydrate cristallin a) ne présente pas de conversion de forme, un problème que Merck a constaté avec les formes anhydres45; b) présente une morphologie favorable en forme de bâtonnets46; c) n’est pas hygroscopique47; d) n’a pas de potentiel de déshydratation48; et e) favorise une moindre adhérence des comprimés49 par rapport aux formes anhydres50.

14. Transcription du procès, volume 4, conf, page 92, ligne 16 à page 93, ligne 9; voir le point 12.

Questions allant au‑delà des actes de procédure, articles 232 et 248 des Règles

Les objections sont rejetées.

Les déclarations proviennent d’un document invoqué séparément par PMS et sont admises quant à leur véracité.

M. Wenslow a fait l’objet d’un contre-interrogatoire sur les propriétés des formes anhydres par rapport au monohydrate et les motifs pour lesquels elles ont été choisies (Transcription du procès, volume 4, page 379, ligne 28 à page 382, ligne 11).

Les propriétés du monohydrate font également l’objet de divers extraits présentés en preuve par PMS (voir la pièce 65, points C28, E9‑12, E18 et E19).

27.

72. Le monohydrate s’est révélé stable contre la déshydratation dans des conditions ordinaires grâce à des expériences de sorption de vapeur dynamique menées à 25 °C et 40 °C.

 

Questions allant au‑delà des actes de procédure

L’objection est rejetée.

La déclaration provient d’un document admis quant à sa véracité et est pertinente en ce qui concerne les enseignements du brevet 400.

28.

73. La stabilité du monohydrate a également été démontrée par des analyses calorimétriques différentielles et thermogravimétriques, ce qui est indiqué dans le brevet 400.

 

Questions allant au‑delà des actes de procédure

L’objection est rejetée.

La déclaration est factuelle, elle comporte des renseignements non controversés qui sont pertinents pour le contexte du brevet.

 

29.

75. Ces données indiquent que, contrairement aux formes anhydres, il était possible de maintenir une seule forme polymorphe du sel de DHP 1:1 dans sa forme monohydratée cristalline dans des conditions ambiantes. Il s’agit d’un résultat extrêmement positif qui a permis de surmonter un défi crucial dans le développement de la sitagliptine – le contrôle adéquat du polymorphisme cristallin et des propriétés générales des substances médicamenteuses – et qui n’était pas prévisible même après la création du monohydrate. La stabilité surprenante de ce monohydrate cristallin aux conditions ambiantes est également mentionnée dans le brevet 400.

 

Opinion, questions allant au‑delà des actes de procédure

L’objection visant le premier passage est rejetée. La déclaration est factuelle et reflète la conviction des membres de l’équipe à l’époque.

Les objections visant les autres passages sont accueillies au qu’il s’agit d’opinions.

30.

76. Après la création du monohydrate cristallin en 2003, nous avons également déterminé que si la concentration d’eau était supérieure à un certain seuil (environ 6,8 %), les conditions du procédé mentionnées dans le brevet 400 et revendiquées par la revendication 24 produiraient de manière fiable le monohydrate cristallin, et non le sel de DHP anhydre 1:1. Il semble que le monohydrate cristallin était extrêmement difficile à nucléer. Mais une fois que cela s’est produit pour la toute première fois, il n’y a aucun problème à faire croître ce cristal en utilisant le procédé de la revendication 24. Nous avons déterminé cela scientifiquement en mesurant la solubilité de chaque forme à diverses conditions, puis nous avons préparé des tracés « Van’t Hoff » qui montrent le point d’inflexion du monohydrate. Par exemple, dans le cas de l’alcool isopropylique et de la température de 25 oC (c’est-à-dire les conditions de la revendication 24 du brevet 400), nous avons déterminé par notre expérimentation que tant que la concentration en eau était supérieure à 6,8 %, le monohydrate cristallin pouvait être préparé. Ces travaux sont résumés dans un courriel que M. Ferlita m’a adressé le 6 mai 200355.

 

Ouï-dire, questions allant au‑delà des actes de procédure

L’objection est rejetée.

Cette déclaration est factuelle et découle de la preuve documentaire qui est admise quant à sa véracité. La déclaration est compatible avec le reste du paragraphe, à l’égard duquel il n’y a pas d’objection.

La déclaration reflète les connaissances et la compréhension qu’avait M. Wenslow à l’époque.

31.

77. De plus, contrairement aux formes anhydres, le monohydrate ne s’est pas transformé en une autre forme cristalline sous l’effet du cisaillement ou de la pression. Comme on le voit ci-dessous, la compression d’un lot anhydre (« L- 224715-006F024 » ou « Lot 24 ») à 200 MPa a donné lieu à un produit présentant un profil de diffraction de rayons X sur poudres différent, alors que la compression du nouveau monohydrate cristallin ne l’a pas fait56. Cette propriété constituait un autre avantage inattendu du monohydrate par rapport aux formes anhydres précédentes.

 

Ouï-dire, questions allant audelà des actes de procédure

Les objections sont rejetées à l’exception de la dernière phrase (opinion).

Les déclarations reflètent la preuve documentaire admise quant à sa véracité et se rapportent à la preuve de PMS.

Les déclarations se rapportent à la question de l’évidence.

Ces propriétés du monohydrate font également l’objet d’extraits présentés en preuve par PMS (voir le point E12).

 

32.

78. De manière inattendue, nous avons également constaté que le monohydrate présentait une stabilité chimique améliorée par rapport aux formes anhydres (dont la supériorité par rapport à d’autres formes de sels, y compris le sel de chlorhydrate, a déjà été établie) en présentant une dégradation plus faible, comme il est indiqué ci-dessous57.

5. Transcription du procès, volume 4, conf, page 86, lignes 19‑24; voir le point 3.

Ouï-dire, questions allant au‑delà des actes de procédure

Les objections sont rejetées, à l’exception de la parenthèse.

Les déclarations proviennent d’un document admis quant à sa véracité, et réitèrent les déclarations déjà faites dans l’affidavit à l’égard desquelles il n’y a aucune objection. Les déclarations se rapportent à la question de l’évidence.

33.

79. Dans les études de stabilité par sonde menées à 40 °C et 75 % d’humidité relative, les formulations utilisant le monohydrate ont généré moins d’impuretés que les formulations comparables utilisant des formes anhydres58. De plus, dans les essais de stress au formaldéhyde, le monohydrate en vrac a résisté à la décoloration par rapport aux formes anhydres en vrac59.

 

Ouï-dire, questions allant au‑delà des actes de procédure

L’objection est accueillie.

 

34.

80. De manière inattendue, nous avons également constaté que l’ingrédient actif monohydraté en vrac et les formulations du monohydrate présentaient une adhérence réduite par rapport à l’ingrédient actif anhydre en vrac et aux formulations comparables, comme on peut le voir sur l’image ci-dessous. En utilisant une presse Carver avec une surface à poinçons estampillée « MSD », il a été déterminé qu’un échantillon du monohydrate (« L-224715-66839- 113 ») présentait une adhérence moindre

comparativement à un échantillon de formes anhydres (« Lot 24 »), avec seulement environ 150 µg de monohydrate restant à la surface du poinçon, contre plus de 300 µg pour les formes anhydres60.

 

Ouï-dire, opinion, questions allant au‑delà des actes de procédure, articles 232 et 248 des Règles

L’objection est rejetée.

Ces objections découlent de la preuve documentaire que M. Wenslow a corédigée et qui a été admise quant à sa véracité.

L’objection fondée sur les articles 232 et 248 des Règles de PMS n’est pas précisé. La déclaration se rapporte à de la question de l’évidence.

La moindre adhérence fait également l’objet d’extraits présentés en preuve par PMS (Pièce 65, point E18).

35.

81. Des formulations comparables des formes monohydratées et anhydres ont en outre été soumises à une compression de 5 minutes à l’aide d’une presse à comprimés Korsch appliquant une force d’environ 9 kN. Comme on peut le voir ci-dessous, une plus petite quantité de la formulation monohydratée est restée à la surface du poinçon du comprimé61. Ce résultat est une autre propriété surprenante et inattendue du monohydrate qui a conduit à sa sélection par rapport aux formes anhydres pour un développement ultérieur.

 

Ouï-dire, opinion, questions allant au‑delà des actes de procédure, articles 232 et 248 des Règles

Les objections sont rejetées.

La déclaration provient d’un document admis quant à sa véracité. La déclaration reflète la compréhension qu’avait M. Wenslow du travail de l’équipe à l’époque et réitère les conclusions tirées ailleurs dans l’affidavit, à l’égard desquelles il n’y a pas d’objection.

L’objection fondée sur les articles 232 et 248 des Règles de PMS n’est pas précise.

La déclaration se rapporte à la question de l’évidence.

36.

82. Un autre avantage fortuit et inattendu du monohydrate cristallin était sa grande solubilité. Cet aspect était d’une importance cruciale, car, jusqu’à la création du monohydrate cristallin, les études cliniques étaient menées avec les formes anhydres du sel de DHP 1:1, et nous avions reçu des données cliniques positives. Si le monohydrate cristallin s’avérait être le polymorphe le plus prédominant, mais qu’il présentait une biodisponibilité (due à une solubilité plus faible) et donc une efficacité thérapeutique plus faible que la forme anhydre, notre équipe se serait retrouvée dans une situation catastrophique.

26. Transcription du procès, volume 4, conf, page 111, lignes 2‑5

Ouï-dire, opinion, questions allant au‑delà des actes de procédure, articles 232 et 248 des Règles

Les objections visant l’affidavit sont rejetées. Ces déclarations reflètent les connaissances et la compréhension qu’avait M. Wenslow des travaux de l’équipe à l’époque.

L’objection fondée sur les articles 232 et 248 des Règles de PMS n’est pas précise. Ces déclarations se rapportent à la question de l’évidence.

L’objection verbale est accueillie au motif qu’il s’agit de ouï-dire.

 

37.

83. L’équipe du projet sur la DPP-IV a donc mené des études de bioéquivalence chez la souris, le rat et le chien. Comme l’indique la diapositive ci-dessous, cette « vérification visant à éviter une catastrophe » a confirmé que le monohydrate cristallin était bioéquivalent à la forme anhydre, ce qui signifie que nous pouvions nous attendre à ce que le monohydrate confère la même efficacité thérapeutique que les formes anhydres et que nous pouvions nous appuyer sur les données déjà générées en clinique à l’aide des formes anhydres sans avoir à recommencer62.

 

Ouï-dire, opinion, questions allant au‑delà des actes de procédure, articles 232 et 248 des Règles

L’objection est rejetée. Cette déclaration est factuelle et est appuyée par la preuve documentaire admise quant à sa véracité. La déclaration a trait à l’historique de l’invention et ne va pas au-delà des actes de procédure.

L’objection fondée sur les articles 232 et 248 des Règles de PMS n’est pas précise.

38.

84. Compte tenu de l’amélioration de la stabilité physique, de la stabilité chimique, du traitement pharmaceutique et de la haute solubilité du monohydrate cristallin, qui le rend bioéquivalent à la forme anhydre, l’équipe du projet sur la DPP-IV a décidé de passer de la forme anhydre au monohydrate cristallin dans les études cliniques, comme le résume la diapositive ci-dessous63.

 

 

Ouï-dire, questions allant au-delà des actes de procédure

Les objections sont rejetées.

La déclaration découle de la preuve documentaire admise quant à sa véracité et reflète les connaissances et la compréhension qu’avait M. Wenslow des objectifs et des travaux de l’équipe à l’époque. Le paragraphe réitère le contenu qui se trouve ailleurs dans l’affidavit, à l’égard duquel il n’y a pas d’objection.

La déclaration re rapporte à la question de l’évidence.

Les propriétés du monohydrate font également l’objet de divers extraits de dépositions présentés par PMS (voir la pièce 65, points C28, E9 à 12, E18 et E19).

 

39.

85. Durant cette période, mon groupe a également effectué des analyses par diffraction de rayons X sur poudres, par résonance magnétique nucléaire et par analyse calorimétrique différentielle sur un nouveau sel de chlorhydrate cristallin hydraté préparé par l’équipe du projet sur la DPP-IV. Notre analyse par résonance magnétique nucléaire a révélé que le sel de chlorhydrate (qui était un hydrate, et supérieur au sel de chlorhydrate original que notre équipe avait fabriqué vers juin 2001) a commencé à perdre de l’eau à température ambiante. Cette propriété est désavantageuse pour les formulations posologiques solides,

car la perte d’eau peut entraîner un changement de phase impliquant une perte de cristallinité ou la formation de formes amorphes moins souhaitables. Ainsi, nous avons appris que le monohydrate cristallin présente une stabilité physique supérieure à celle des sels de chlorhydrate. Nous avons également appris que la stabilité chimique de la sitagliptine varie en fonction du pH64. Grâce à cette expérimentation, nous avons déterminé que le monohydrate cristallin a une stabilité chimique supérieure à celle des sels de chlorhydrate de sitagliptine.

5. Transcription du procès, volume 4, conf, page 86, lignes 19‑24; voir le point 3.

30. Transcription du procès, volume 4, conf, page 114, ligne 20 à page 115, ligne 5

Ouï-dire, questions allant au‑delà des actes de procédure

Les objections sont rejetées.

Les déclarations reflètent les connaissances et la compréhension qu’avait M. Wenslow des travaux à l’époque et découlent de la preuve documentaire admise quant à sa véracité.

Les déclarations se rapportent à la question de l’évidence.

 

40.

87. Les critères de Merck pour choisir le monohydrate : Au paragraphe 209, M. Elitzin déclare [traduction] « il semble que le critère principal utilisé par Merck pour choisir le monohydrate était le fait qu’il était moins exposé à l’interconversion des formes polymorphes » et qu’il ne présentait « aucun autre avantage significatif par rapport aux autres formes ». Cela est inexact. Comme je l’explique ci-dessus, le monohydrate cristallin présentait plusieurs avantages surprenants et inattendus,

notamment une stabilité physique et chimique accrue, une solubilité élevée et une bioéquivalence avec la forme anhydre, une stabilité dans des conditions ambiantes et une meilleure aptitude au traitement chimique et pharmaceutique.

 

Opinion

L’objection est accueillie.

41.

94. M. Elitzin fait référence à deux expériences menées en avril 2003 par Karl Hansen, qui ont conduit à la formation de la Forme I73. Le carnet de M. Hansen indique que le ratio de solvant qu’il a utilisé était de 95/5 % « alcool isoamylique/eau », ce qui signifie qu’il a utilisé environ 5 % en poids d’eau, mais il a obtenu la Forme I et non le monohydrate74. Comme je l’explique ci-dessus, M. Cypes a d’abord préparé du monohydrate pur en utilisant un ratio de 95/5 % (alcool isoamylique/eau) à 60 °C, le profil du monohydrate obtenu par diffraction de rayons X sur poudres correspondant à la Figure 1 du brevet 400. La raison pour laquelle Karl Hansen a obtenu la Forme I lorsqu’il a utilisé ces conditions, au lieu du monohydrate, est que sa réaction était incomplète.

35. Transcription du procès, volume 4, conf, page 128, ligne 25 à page 129, ligne 9

Ouï-dire, opinion

Les objections sont accueillies pour les deux raisons soulevées.

42.

97. L’approche de Merck pour le criblage polymorphique : Au paragraphe 179, M. Elitzin déclare que « Merck n’a pas commencé à étudier systématiquement le polymorphisme du phosphate de sitagliptine avant fin 2002 ou début 2003 ». Cela est également inexact. Au cours de l’année 2002, l’équipe du projet sur la DPP-IV a réalisé systématiquement plus de 1 000 expériences de polymorphisme sur le sel de DHP 1:1. Ces travaux comprenaient deux criblages polymorphiques formels à haut débit en mai 2002 et novembre 2002. Tous deux ont utilisé la technologie la plus avancée de Merck en matière de criblage sur plaques à 96 puits, et aucun n’a permis d’obtenir le monohydrate cristallin77.

 

Articles 232 et 248 des Règles

L’objection est rejetée. Les déclarations réitèrent d’autres passages de l’affidavit à l’égard desquels il n’y a pas d’objection et reflètent les faits établis dans le document admis pour la vérité de son contenu.

43.

102. MM. Foley et Elitzin observent que les calendriers « original » et « accéléré » concernant la sitagliptine commencent tous deux par la sélection des sels, mais ne comprennent pas l’étape de « caractérisation physico-chimique » du paradigme EDT79. C’est inexact. L’étape de « sélection des sels » dans ces calendriers relatifs à la sitagliptine n’est qu’un raccourci et représente le même travail que la « caractérisation physico-chimique ». Comme je l’ai indiqué précédemment, ce travail a effectivement été réalisé, et il était complet. Pour cette raison, Merck a atténué les risques (elle ne les a pas augmentés) en investissant énormément d’argent, de savoir-faire scientifique et de technologies dans le projet.

 

Articles 232 et 248 des Règles

L’objection est accueillie.

La dernière phrase est également inadmissible, car il s’agit d’une preuve sous forme d’opinion.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-419-20

LA COUR STATUE ce qui suit :

  1. Les allégations de la défenderesse, selon lesquelles les revendications 4 à 7, 19, 20, 22, 24 et 26 du brevet canadien no 2 529 400 sont invalides pour cause d’évidence et/ou d’insuffisance sont rejetées, et, par conséquent, ces revendications sont jugées valides.

  2. Vu la conclusion exposée au paragraphe 1, et compte tenu de l’entente conclue entre les parties, la Cour déclare que l’utilisation, la fabrication, la construction ou la vente de comprimés de phosphate de sitagliptine en concentration de 25 mg, 50 mg, et 100 mg, par Pharmascience Inc., conformément à la présentation abrégée de drogue nouvelle no 233922 contrefera, directement ou indirectement, au moins l’une des revendications 4 à 7, 19, 20, 22, 24 et 26 du brevet canadien no 2 529 400.

  3. La décision sur les dépens de l’action, y compris de la requête tranchée dans les présentes, est reportée. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens, la Cour adjugera une somme qui sera déterminée après que les parties auront présenté leurs observations à cet égard, selon le calendrier suivant :

    • a) les demanderesses disposent de 30 jours, à compter de la date du présent jugement, pour signifier et déposer leurs observations sur les dépens, lesquelles ne doivent pas dépasser 10 pages;

    • b) la défenderesse dispose de 30 jours, à compter de la réception des observations des demanderesses, pour signifier et déposer ses observations sur les dépens, lesquelles ne doivent pas dépasser 10 pages;

    • c) si les demanderesses présentent des observations en réponse, celles-ci ne doivent pas dépasser cinq pages et doivent être signifiées et déposées dans un délai de 15 jours après l’étape b).

« Angela Furlanetto »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-419-20

 

INTITULÉ :

MERCK c PHARMASCIENCE INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

audience tenue PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

DU 10 AU 14 JANVIER 2022, DU 17 AU 20 JANVIER 2022, LE 2 FÉVRIER 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FURLANETTO

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS CONFIDENTIELS :

LE 28 MARS 2022

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS PUBLICS :

LE 11 AVRIL 2022

COMPARUTIONS :

David Tait

Sanjaya Mendis

Michael Burgess

Laura MacDonald

 

Pour les demanderesses

 

Kavita Ramamoorthy

Neil Fineberg

Ben Wallwork

Kerry Andrusiak

Kristin Marks

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demanderesses

 

Fineberg Ramamoorthy LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse

 

 

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