Date : 20220407
Dossier : IMM-4584-21
Référence : 2022 CF 498
[TRADUCTION FRANÇAISE]
St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 7 avril 2022
En présence de madame la juge Heneghan
ENTRE :
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SAMUEL EDENILSON RIVAS MEJIA
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS ET JUGEMENT
[1] M. Samuel Edenilson Rivas Mejia (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté l’appel qu’il avait interjeté d’une décision de la Section de protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Dans sa décision, la SPR a conclu que le demandeur n’était pas crédible.
[2] La SAR a également conclu que le demandeur n’était pas crédible.
[3] Le demandeur est citoyen du Salvador. Il a présenté une demande de protection fondée sur sa crainte d’un gang, la Mara Salvatrucha, car il avait été témoin du meurtre de son cousin par des membres de ce gang.
[4] Le demandeur avance plusieurs arguments concernant le caractère déraisonnable de la décision.
[5] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) fait valoir que la décision est raisonnable et qu’aucune intervention judiciaire n’est nécessaire.
[6] La décision de la SAR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt de la Cour suprême du Canada Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65.
[7] Lorsqu’elle effectue l’examen du caractère raisonnable, la Cour doit se demander si la décision « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci »
; voir Vavilov, précité, au paragraphe 99.
[8] Une cour de révision doit faire preuve de retenue à l’égard de conclusions relatives à la crédibilité; voir la décision Zheng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 673, au paragraphe 16.
[9] Au paragraphe 13 de la décision en cause, on souligne ce qui suit :
[traduction]
De plus, lorsque l’avocat l’a interrogé sur cette même question à propos du fait qu’il n’avait pas fait part de sa crainte au point d’entrée, le demandeur d’asile a d’abord affirmé qu’il en avait parlé à l’agent. Toutefois, lorsqu’il a été interrogé une deuxième fois par l’avocat, le demandeur d’asile a répondu qu’il n’en avait pas parlé à l’agent. Le tribunal est d’avis que le demandeur a fourni un témoignage changeant et tire des inférences défavorables en matière de crédibilité du fait de ces incohérences entre ce qui aurait été dit au point d’entrée et ce qui a été inscrit dans le formulaire Fondement de la demande d’asile, puis lors du témoignage. Le tribunal a tenu compte du manque d’éducation du demandeur d’asile et du fait qu’il est analphabète, mais il serait déraisonnable de faire abstraction des divergences et des incohérences importantes, même dans son témoignage, au motif qu’il est peu instruit. Le manque d’éducation et l’analphabétisme n’équivalent pas automatiquement à une incapacité à témoigner de manière crédible et ne se traduisent pas non plus par un manque de capacité intellectuelle dans son ensemble. Étant donné que le fait qu’il soit exposé à un danger attribuable au gang en raison de la mort de son cousin constitue le fondement même de la demande, le tribunal conclut que ces incohérences sont importantes et qu’elles ont une incidence sur la crédibilité globale de la demande.
[10] La référence à la [traduction] « capacité intellectuelle »
du demandeur a été soulevée par la Cour au cours de l’instruction de la demande de contrôle judiciaire et les parties ont eu l’occasion de se pencher sur la question de savoir si un représentant désigné aurait dû être nommé pour le demandeur.
[11] Les parties ont déposé des observations sur cette question.
[12] Après avoir examiné ces observations, je ne suis pas convaincue que la conclusion défavorable concernant la crédibilité du demandeur n’ait pas été viciée par l’observation faite par la SAR au sujet de la [traduction] « capacité intellectuelle »
de ce dernier.
[13] Dans ces circonstances, à savoir que la SAR pourrait avoir évalué la crédibilité en fonction d’une question qui n’a pas été clairement soulevée, la conclusion relative à la crédibilité est déraisonnable. Puisque la question de la crédibilité était déterminante, la décision est déraisonnable.
[14] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de la SAR sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un tribunal différemment constitué. Aucune question n’a été proposée aux fins de la certification.
JUGEMENT dans le dossier IMM-4584-21
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Section de la protection des réfugiés est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section d’appel des réfugiés pour nouvelle décision. Aucune question n’a été proposée aux fins de la certification.
« E. Heneghan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Mélanie Lefebvre, LL. B. trad. a.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-4584-21
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INTITULÉ :
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SAMUEL EDENILSON RIVAS MEJIA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE TORONTO (ONTARIO) ET ST. JOHN’S (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 23 MARS 2022
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MOTIFS ET JUGEMENT :
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LA JUGE HENEGHAN
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DATE DES MOTIFS :
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LE 7 AVRIL 2022
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COMPARUTIONS :
Karim Escalona
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POUR LE DEMANDEUR
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Neeta Logsetty
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lewis & Associates
Avocats
Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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