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Date : 20220404


Dossier : T-152-17

Référence : 2022 CF 425

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 avril 2022

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

MILANO PIZZA LTD.

demanderesse

et

6034799 CANADA INC., CHADI WANSA, YOUSSEF ZAHER ALIAS JOSEPH ZAHER, ET YOUSEF NASSAR ALIAS JOE NASSAR

défendeurs

ET ENTRE :

6034799 CANADA INC., CHADI WANSA, YOUSSEF ZAHER ALIAS JOSEPH ZAHER, ET YOUSEF NASSAR ALIAS JOE NASSAR

demandeurs reconventionnels

et

MILANO PIZZA LTD., MAZEN KASSIS, MARWAN KASSIS, MAHMOUD TABAJA, MILANO BASELINE ET JOE KASSIS

défendeurs reconventionnels

JUGEMENT ET MOTIFS MODIFIÉS

Table des matières

I. Aperçu_ 3

II. Contexte factuel 5

(1) Parties 6

(2) Entreprise MILANO PIZZERIA et licences octroyées par MPL_ 7

(3) Établissement Baxter 12

(4) PIZZERIA MILANO d’un tiers à Masson-Angers, au Québec 18

(5) Témoignages des parties 19

(6) Historique des poursuites concernant l’enregistrement du dessin-marque MILANO_ 19

(7) Autres marques MILANO de tiers 20

III. Historique procédural 21

IV. Jugement sommaire de 2018_ 22

V. Différend et questions en litige 25

VI. Dispositions pertinentes 28

VII. Analyse 28

A. L’enregistrement du dessin-marque MILANO est-il invalide? 28

a) Invalidité pour absence de caractère distinctif en vertu de l’alinéa 18b) de la LMC_ 30

(i) Contrôle insuffisant des licences contrairement au paragraphe 50(1) de la LMC_ 30

(ii) Longue coexistence de PIZZERIA MILANO à Masson-Angers, au Québec 44

b) Invalidité pour abandon en vertu de l’alinéa 18c) de la LMC_ 47

c) Invalidité pour absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’alinéa 18d) de la LMC 48

d) Invalidité parce que la date de premier emploi revendiquée précède la date de constitution en société 50

e) Un prédécesseur en titre de la société défenderesse a employé le dessin-marque MILANO avant mars 1994_ 51

f) Invalidité en raison de l’absence d’un désistement à l’égard du mot MILANO_ 51

g) Droits exécutoires à l’égard du dessin-marque MILANO déposé (ou des marques nominales MILANO) 53

G. Actes et communications de MPL et des particuliers défendeurs reconventionnels 54

a) MPL et les particuliers défendeurs reconventionnels ont-ils fait des déclarations fausses ou trompeuses tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent, contrairement à l’alinéa 7a) de la LMC?_ 54

b) MPL et les particuliers défendeurs reconventionnels ont-ils appelé l’attention du public sur leurs produits, services ou affaires de façon à causer ou à causer vraisemblablement de la confusion avec ceux des défendeurs, contrairement à l’alinéa 7b) de la LMC?_ 59

c) MPL et les particuliers défendeurs reconventionnels ont-ils fait passer leurs produits ou services pour ceux qui ont été commandés ou demandés, contrairement à l’alinéa 7c) de la LMC?_ 62

d) MPL et les particuliers défendeurs reconventionnels ont-ils employé, en liaison avec des produits ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde leur origine géographique, contrairement au sous-alinéa 7d)(ii) de la LMC?_ 62

H. Les défendeurs ont-ils employé la marque de commerce MILANO BAXTER et acquis une réputation ou un achalandage à l’égard de cette marque? 64

VIII. Conclusions 65

IX. Dépens 66

Annexe A : Résumé des témoignages présentés par les parties à l’audience 71

Annexe B : Dispositions pertinentes 81

I. Aperçu

[1] Le présent litige concerne les restaurants à emporter exploités sous le nom MILANO PIZZERIA à Ottawa et dans les environs, et les droits de la demanderesse à l’égard de la marque de commerce MILANO PIZZERIA & Dessin reproduite ci-dessous [le dessin-marque MILANO], qui sont contestés par d’anciens licenciés :

MILANO PIZZERIA & DESIGN

[2] Le dessin-marque MILANO est enregistré au nom de la demanderesse sous le numéro LMC571,144, enregistrement daté du 22 novembre 2002 en liaison avec des services de « Comptoir de mets à emporter avec service de livraison », et fondé sur l’emploi au Canada depuis au moins mars 1994 [l’enregistrement du dessin-marque MILANO]. Aucun prédécesseur en titre n’est nommé. Le mot PIZZERIA fait l’objet d’un désistement.

[3] La question de savoir si le dessin-marque MILANO pouvait être enregistré à la date où il l’a été n’est plus en litige dans la présente instance. La juge Mactavish (alors juge de la Cour) s’est rangée du côté de la demanderesse sur cette question précise au terme de l’instruction des requêtes en jugement sommaire présentées par les parties (Milano Pizza Ltd c 6034799 Canada Inc, 2018 CF 112 [Jugement sommaire de 2018]). Toutefois, la validité du dessin-marque MILANO demeure en litige dans la présente instance, ainsi que les droits revendiqués par la demanderesse à l’égard des marques nominales non déposées MILANO PIZZERIA, MILANO PIZZA, MILANO PIZZA et MILANO’S [collectivement, les marques nominales MILANO]. Dans les présents motifs, je désigne l’ensemble des marques de commerce invoquées par la demanderesse comme les « marques MILANO », y compris, pour plus de précision, le dessin‑marque MILANO.

[4] Comme il sera expliqué plus en détail plus loin, la demanderesse allègue en l’espèce une usurpation de sa marque de commerce, une commercialisation trompeuse et une dépréciation de l’achalandage, tandis que les défendeurs présentent une demande reconventionnelle en vue de faire radier l’enregistrement du dessin-marque MILANO pour absence de caractère distinctif, abandon et absence de droit à l’enregistrement. De plus, dans leur demande reconventionnelle, les défendeurs demandent une réparation pour les déclarations fausses ou trompeuses qu’aurait faites la demanderesse en vue de discréditer l’entreprise, les produits ou les services des défendeurs, ainsi que pour la commercialisation trompeuse et l’utilisation par la demanderesse de désignations fausses sous un rapport essentiel qui sont susceptibles d’induire en erreur le public quant à l’origine géographique des produits et services commandés par le public.

[5] Pour les motifs qui suivent, l’action de la demanderesse est rejetée, tandis que la demande reconventionnelle des défendeurs visant à obtenir la radiation de l’enregistrement du dessin‑marque MILANO est accueillie au titre de l’alinéa 18(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 [LMC]. La demanderesse n’a pas démontré un contrôle suffisant des licences au sens du paragraphe 50(1) de la LMC à l’égard du dessin-marque MILANO pour justifier le maintien de son enregistrement. Les autres aspects de la demande reconventionnelle des défendeurs sont rejetés.

[6] Peu avant la présente instance, les parties ont convenu de scinder les questions de la responsabilité et des dommages-intérêts. Toutefois, compte tenu des conclusions sur les questions de la responsabilité en l’espèce, les questions relatives aux dommages-intérêts sont maintenant à mon avis théoriques.

II. Contexte factuel

[7] La juge Mactavish a résumé le contexte factuel, ainsi que les éléments de preuve et les observations présentés par les parties dans le cadre de leurs requêtes en jugement sommaire, lesquels ont servi de toile de fond à son analyse : Jugement sommaire de 2018, précité, aux para 1-23 et 42-82. Bien qu’il y ait un chevauchement avec le contexte factuel du jugement sommaire, ce qui suit est une description des faits généraux applicables à la présente instance, y compris un résumé des éléments de preuve des parties. Pour établir ce contexte, je me suis fondée sur les témoignages et les éléments de preuve documentaires présentés dans le cadre de l’instance, l’exposé conjoint partiel des faits des parties et le Jugement sommaire de 2018.

(1) Parties

[8] La demanderesse et défenderesse reconventionnelle, Milano Pizza Ltd. [la demanderesse ou MPL], est une société ontarienne constituée le 14 mai 1996 par le particulier défendeur reconventionnel Marwan Kassis.

[9] Les particuliers défendeurs reconventionnels, Mazen Kassis, Marwan Kassis, Mahmoud Tabaja et Joe Kassis (également appelé « Yousef » Kassis) sont tous des actionnaires de MPL [collectivement, les particuliers défendeurs reconventionnels]. Mazen Kassis est le président de MPL depuis 2013.

[10] La défenderesse reconventionnelle, Milano Baseline, est un établissement Milano Pizzeria situé au 2529, chemin Baseline, à Ottawa [l’établissement Baseline], qui a ouvert ses portes en avril 2016. Il appartient à Joe Kassis et est exploité par ce dernier.

[11] La société défenderesse et demanderesse reconventionnelle, 6034799 Canada Inc., est une société fédérale constituée le 6 novembre 2002 [la société défenderesse] par les particuliers défendeurs et demandeurs reconventionnels, Chadi Wansa, Youssef Zaher et Yousef Nassar (aussi appelés « Joe » Nassar) [collectivement, les particuliers défendeurs].

[12] Il convient de noter l’existence de plusieurs liens familiaux entre les parties et d’autres personnes. Mazen, Marwan et Yousef Kassis sont frères. Mahmoud Tabaja est marié à une nièce de Yousef Nassar, et le frère de Mahmoud, Mohammed Tabaja, est marié à la sœur de Chadi Wansa. Chadi Wansa et Youssef Zaher sont cousins, et Yousef Nassar est leur oncle.

(2) Entreprise MILANO PIZZERIA et licences octroyées par MPL

[13] MPL est une société établie à Ottawa qui octroie des licences à des propriétaires exploitants de pizzerias indépendants. Lorsque MPL a été constituée en société en 1996, il y avait au moins six pizzerias ou restaurants, à divers endroits, offrant des services de comptoir de mets à emporter avec service de livraison et employant le nom MILANO PIZZERIA et le dessin‑marque MILANO. Ces établissements ont été ouverts par Marwan Kassis puis été vendus à d’autres propriétaires exploitants. Au moment de l’instance, il y avait 38 établissements MILANO PIZZERIA gérés par des propriétaires exploitants indépendants titulaires d’une licence de MPL [les licenciés de MPL].

[14] Bien que les défendeurs contestent l’aspect relatif aux licences, je conclus que la description donnée ci-dessus représente l’essence de l’entreprise MILANO PIZZERIA, comme le démontrent, selon la prépondérance des probabilités, les éléments de preuve. La question de savoir si les licences octroyées sont valides est une autre question que j’examinerai plus loin dans la section « Analyse ».

[15] Les contrats de licence n’étaient pas toujours rédigés par écrit, mais ils ont été conclus oralement ou compris comme prévoyant un [traduction] « approvisionnement » et un [traduction] « territoire » en échange de l’emploi des noms « Milano Pizza » et « Milano Pizzeria ». De plus amples détails sont donnés dans les contrats de licence écrits et les témoignages des parties, décrits ci-dessous.

[16] Les contrats écrits qui auraient pu exister avant le milieu des années 2000 auraient été détruits lors d’une inondation à la maison de Marwan Kassis, où certains dossiers de MPL étaient conservés à l’époque. Les contrats de licence écrits présentés en preuve dans le cadre de la présente instance ne couvrent pas tous les établissements MILANO PIZZERIA visés par une licence de MPL, mais couvrent la majorité des établissements sous licence au moment où MPL a introduit son action en 2017. Les contrats présentés en preuve datent de 2008, de 2012 à 2014 et de 2016 à 2019. La plupart des contrats datent de 2013-2014 et de 2017-2018, et seul un petit nombre datent de 2008, de 2012, de 2016 et de 2019. Aucun de ces contrats n’indique qu’ils sont nunc pro tunc ou qu’ils constituent une confirmation d’une relation existante établie en vertu d’une licence. De plus, Mazen Kassis ne sait pas si Marwan Kassis possédait une licence écrite pour le nom avant l’inondation de sa maison.

[17] Bien qu’ils ne soient pas identiques, les contrats écrits sont essentiellement semblables. Certains indiquent que la marque de commerce déposée est « Milano Pizza », tandis que d’autres désignent « Milano Pizzeria » comme étant la marque de commerce déposée, qui est alors définie comme étant le « nom commercial » dont l’emploi par le licencié de MPL visé est autorisé aux termes d’une licence non exclusive. Un seul des contrats (le plus récent, datant de 2019) mentionne le dessin-marque MILANO. Les règles ou les modalités comprennent l’achat de produits de marque auprès de distributeurs ou de fournisseurs approuvés ainsi que l’utilisation du nom commercial dans un territoire convenu. Aucune autre licence ne serait accordée pour ce territoire sans le consentement du licencié. Tout autre établissement approuvé par les actionnaires de MPL doit conclure une entente qui reproduit les contrats de licence; cela étant dit, les contrats de licence prévoient aussi, paradoxalement, que les modalités des licences sur le territoire attribué par le licencié de MPL (et approuvé par MPL) seront établies à la seule discrétion du licencié de MPL.

[18] Les contrats de licence écrits renvoient à des [traduction] « droits de licence / redevances de franchisage » que le licencié de MPL (par opposition à MPL) recevrait dans l’éventualité où un deuxième établissement serait approuvé sur le territoire du licencié de MPL. Bien que certains licenciés de MPL aient versé des redevances à MPL au début, les redevances ont été supprimées lorsque MPL a reçu des remises du fournisseur approuvé Tannis (décrites ci‑dessous). Les remises étaient initialement destinées à des campagnes de publicité ou de promotion conjointes, mais elles sont en fin de compte devenues la seule source de revenus de MPL. Le modèle d’affaires de MPL peut donc être résumé comme des engagements d’approvisionnement des licenciés de MPL et des remises reçues par MPL pour les engagements d’approvisionnement.

[19] Bien qu’ils ne soient pas désignés par leur nom dans les contrats, les fournisseurs désignés sont « Tannis » (c’est-à-dire Tannis Food Distributors, maintenant appelée « Sysco ») et Pepsi. Les produits de marque offerts par Tannis comprennent de la sauce à pizza, du fromage, du pepperoni et des boîtes à pizza, mais ne comprennent ni les légumes ni le matériel de comptabilité. Les premiers produits de marque comprenaient des produits de tiers désignés. MPL a ensuite conçu sa propre gamme privée de produits de marque. Par exemple, la sauce à pizza est vendue dans des boîtes étiquetées avec le dessin-marque MILANO comme suit :

[20] Les contrats écrits renvoient également à un menu approuvé par MPL en fonction de l’emplacement, mais, à mon avis, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer l’existence d’un processus d’approbation et peu d’éléments de preuve documentaires concernant les menus utilisés dans les établissements MILANO PIZZERIA visés par une licence. Quoi qu’il en soit, la Cour conclut dans le Jugement sommaire de 2018 que si un droit d’auteur était revendiqué à l’égard des menus, cette question n’était plus en litige (au para 153).

[21] Au terme de vérifications ou contrôles qui, au mieux, peuvent être décrits comme « ponctuels », Mazen Kassis a exigé, dans un cas, qu’un licencié retire des options halal de son menu. De plus, MPL dépend de son représentant chez Tannis pour signaler à MPL les cas de non-conformité à l’exigence d’approvisionnement (comme les réductions notables dans l’approvisionnement).

[22] Comme l’a admis Mazen Kassis et le prouvent les témoignages des parties, les licenciés de MPL sont libres d’exploiter leur entreprise comme bon leur semble, notamment en ce qui a trait à la décoration, à la publicité, à la dotation en personnel, aux uniformes, à la formation, aux offres de menus (à quelques exceptions près, comme celle mentionnée ci‑dessus), aux prix et à la préparation des aliments, y compris les recettes utilisées.

[23] Les enseignes des établissements des licenciés de MPL étaient disparates dans les premiers temps, avant l’élaboration du dessin-marque MILANO, que les licenciés de MPL ont accepté d’adopter. Marwan Kassis a quant à lui changé à ses propres frais les enseignes des restaurants des licenciés de MPL par des enseignes arborant le dessin-marque MILANO. Les licenciés de MPL ont également employé le dessin-marque MILANO sur leurs menus, après avoir reçu un original à reproduire à cette fin, mais chaque établissement disposait de son propre menu. Chaque établissement MILANO PIZZERIA était différent, avec différentes combinaisons de pizzas et différents menus. Toutefois, comme plusieurs des témoins l’ont expliqué à l’audience, y compris Chadi Wansa, cela a été bénéfique pour leurs entreprises, qui ont été perçues comme faisant partie d’un groupe plus grand, ou comme étant des « franchises » (même si l’existence d’aucune franchise – au sens juridique du terme – n’a été établie à ce jour), en raison de l’emploi du dessin-marque MILANO.

[24] Les contrats de licence écrits renvoient également à des campagnes de publicité et de promotion que les licenciés de MPL et MPL acceptent de faire de temps à autre, mais en pratique la participation aux campagnes coopératives ou conjointes qui ont eu lieu était volontaire.

[25] La commande en ligne est une caractéristique importante de l’entreprise MILANO PIZZERIA; tous les licenciés de MPL dépendent des ventes générées par la plateforme Web située à www.milanopizzeria.ca, y compris le logiciel et le mécanisme de soutien fournis par menu.ca (c’est-à-dire l’entreprise Local Media Concepts Inc.), qui permet aux licenciés de MPL d’accepter des commandes en ligne. De plus amples détails sur l’importance des commandes en ligne dans les présentes procédures sont fournis dans la section suivante.

(3) Établissement Baxter

[26] Depuis 2002, les défendeurs possèdent et exploitent un établissement MILANO PIZZERIA situé au chemin Baxter, à Ottawa [l’établissement Baxter]. Comme on le verra plus loin, ils ont acheté l’entreprise de Vahid et Farid Khorrami [les frères Khorrami]. Il s’agissait d’un achat d’actifs qui comprenait l’équipement, les améliorations locatives et l’achalandage. Ils ont ensuite déménagé tout près, toujours sur le chemin Baxter. Par souci de clarté, l’expression « établissement Baxter » désigne l’entreprise des défendeurs à l’un ou l’autre de ces emplacements.

[27] Marwan Kassis et Yousef Kassis ont acquis l’établissement Baxter en 1992 et l’ont vendu à Kamal Ibrahim en 1994, qui, à son tour, a vendu 50 % de l’entreprise à Vahid Khorrami en 1995. Vahid a ensuite fait appel à son frère, Farid, avec qui il a dirigé l’entreprise, après avoir acheté les 50 % restants. Ensemble, ils ont créé la société 1252106 Canada Inc.

[28] À l’époque où Vahid Khorrami possédait 50 % de l’entreprise avec Kamal Ibrahim, Vahid Khorrami a appris que M. Ibrahim payait des frais mensuels pour l’emploi du nom MILANO. Après l’achat des 50 % restants de l’entreprise de Kamal Ibrahim, les frères Khorrami ont continué à payer les frais mensuels pendant un certain temps pour l’emploi du nom MILANO. Ils ont également continué à s’approvisionner auprès de Tannis, mais ils ont pris des décisions d’affaires pour leur établissement sans l’aide de MPL pendant la phase d’« essai‑erreur » de leur entreprise.

[29] Chadi Wansa a approché Vahid Khorrami en 2002 pour discuter de l’achat de l’entreprise. M. Wansa a travaillé à l’établissement avant de l’acheter pour apprendre à connaître l’entreprise. M. Khorrami était initialement réticent à vendre l’entreprise à M. Wansa, mais il a changé d’avis en apprenant que l’entreprise MILANO PIZZERIA n’avait aucune structure et il a accepté de vendre l’entreprise à la société défenderesse.

[30] La preuve confirme que MPL n’a pas participé à la vente proprement dite, à savoir qu’elle ne s’est pas occupée des documents d’achat relatifs au transfert de l’entreprise aux défendeurs. Autrement dit, MPL n’était pas partie à la transaction, ce qui est compatible avec le témoignage de l’un des particuliers défendeurs, Youssef Nassar, qui possédait antérieurement un établissement MILANO PIZZERIA à Russell, en Ontario. Le mari de sa nièce, Mahmoud Tabaja, l’a approché au début de 2000 au sujet de l’achat de l’établissement. Selon M. Nassar, MPL était propriétaire de l’immeuble et devait signer le bail, mais l’entreprise n’a autrement pas participé à l’achat.

[31] Aucune recherche d’autorisation de marque de commerce n’a été effectuée lorsque la société défenderesse a acquis l’entreprise des frères Khorrami. Bien que l’achat d’actifs comprenne l’achalandage, aucune marque de commerce n’est mentionnée dans l’acte de vente ou les documents connexes présentés en preuve. De plus, l’acte de vente prévoit que les [traduction] « biens susmentionnés [à savoir l’équipement, les améliorations locatives et l’achalandage] sont libres et quittes de toute charge ».

[32] Aucun des documents d’achat n’obligeait la société défenderesse à conclure un contrat de licence avec MPL, et 1252106 Canada Inc. n’était pas non plus assujettie à des restrictions en vertu d’un quelconque contrat de licence écrit en ce qui a trait à son emploi des noms MILANO, MILANO PIZZA et MILANO PIZZERIA. Aucun des contrats de licence écrits présentés en preuve ne vise l’établissement Baxter. Selon les défendeurs, les établissements MILANO PIZZERIA sont une coopérative plus ou moins structurée formée pour financer des campagnes de commercialisation et pour l’approvisionnement conjoint auprès de fournisseurs; c’est la structure qui avait toujours existé.

[33] Néanmoins, Tannis a été un important fournisseur de l’établissement Baxter jusqu’en 2016. Bien que M. Wansa ait tenté de décrire la poursuite de l’approvisionnement des défendeurs auprès de Tannis après leur acquisition de l’établissement Baxter comme un « geste », je trouve cela peu convaincant. Par exemple, Youssef Nassar a rappelé qu’il était possible de rencontrer Marwan et Mazen Kassis en 2007 pour discuter d’une diminution de l’approvisionnement auprès de Tannis parce qu’ils pouvaient acheter des produits moins chers ailleurs. Après la réunion, la question de la diminution de l’approvisionnement auprès de Tannis a été rejetée.

[34] Les défendeurs ont également respecté leur territoire. M. Nassar se souvient que Vahid Khorrami leur a donné une carte qui se trouvait sur son congélateur et qui décrivait le territoire de l’établissement Baxter. M. Nassar a également rappelé qu’il croyait qu’il avait fait Marwan Kassis signer la carte. M. Wansa a déclaré que la carte est apposée sur ce qui est maintenant leur congélateur-chambre. Une copie de la carte signée a été produite en cour. De plus, le territoire des défendeurs a changé au fil des ans; Marwan Kassis a accepté d’ajouter Centrepointe au territoire de l’établissement Baxter, en contrepartie de quoi les défendeurs acceptaient d’utiliser un numéro de téléphone centralisé.

[35] En 2003, Chadi Wansa a acquis le domaine milanopizzeria.ca et a embauché un concepteur Web pour créer un site Web. Environ neuf restaurants se sont en fin de compte joints à l’établissement Baxter pour la publicité sur le site Web. Quand les plateformes de commande en ligne sont apparues à partir d’environ 2010, à savoir Just Eat, puis Skip the Dishes et enfin Uber Eats, l’établissement Baxter a suivi le mouvement. Tout cela a été fait sans rétroaction ou supervision de la part de MPL. La commande en ligne est devenue une part importante (environ 25 %) des activités de l’établissement Baxter.

[36] De 2002 à 2013, M. Wansa a entretenu une relation amicale avec Mazen Kassis. Leurs relations se sont détériorées après que M. Kassis est devenu président de MPL en 2013. À cette époque, ils ont discuté du transfert du domaine milanopizzeria.ca à M. Kassis. M. Wansa a accepté le transfert après que M. Kassis lui eut assuré que l’établissement Baxter ne serait pas retiré du site Web, pour quelque raison que ce soit, sans le consentement de M. Wansa. M. Kassis a tenté de faire signer à M. Wansa une [TRADUCTION] « Entente de non-abus des marques de commerce et nom commercial exclusifs et de la marque MILANO PIZZA », qui mentionne notamment le transfert convenu du nom de domaine, mais rien n’indique qu’elle ait jamais été signée. M. Kassis a finalement transféré le domaine avec l’aide d’un fournisseur de services de domaine.

[37] Contrairement aux garanties données à l’établissement Baxter, ce dernier a été retiré du site Web et du système de commande en ligne, d’abord en novembre 2015 en raison du refus d’acheter un certain volume de Pepsi, puis définitivement en février 2016 en raison du refus d’acheter des boîtes à pizza (qui arborent le domaine milanopizza.ca, un deuxième domaine connexe appartenant à MPL). À la fin de juin 2016, les avocats de MPL ont envoyé une lettre à M. Wansa, à l’établissement Baxter, lettre qui mettait fin officiellement à l’autorisation d’employer les marques de commerce de MPL en liaison avec des services de comptoir de mets à emporter et des offres de menus connexes.

[38] Entre-temps, l’établissement Baseline, qui appartient à Joe Kassis et est exploité par ce dernier, a ouvert ses portes en avril 2016. Les annonces Facebook pour l’établissement Baseline comprenaient la description « Milano Baxter – Iris Cobden ». De plus, le menu de l’établissement Baseline présenté en preuve contient une note de la part de Mazen Kassis, président de MPL, adressée de façon générale à la clientèle de MPL. La note décrit Joe Kassis comme [traduction] « [l’]un des deux frères qui ont fondé la franchise Milano Pizza ». Elle mentionne également l’ouverture d’un deuxième établissement dans la région, mais n’indique pas le motif de cette ouverture. Une lettre adressée à la [TRADUCTION] « clientèle de Milano Pizza Ltd. » a un contenu similaire mais ajoute ceci : [TRADUCTION] « nous avons de graves problèmes avec l’établissement qui a, jusqu’à présent, amené notre marque Milano Pizza à votre table de salle à manger » [caractère gras dans l’original].

[39] Vu la tournure des événements, les défendeurs ont acquis les domaines milanoottawa.com et ottawamilano.com, et ont lancé leur propre site Web pour rétablir le service de commande en ligne du restaurant de Baxter. De plus, de la fin juin 2016 jusqu’à aujourd’hui, la société défenderesse a employé la marque de commerce reproduite ci-dessous en liaison avec des produits et services offerts et vendus par l’établissement Baxter :

[Nouveau dessin-marque MILANO]

[40] Malgré l’adoption du nouveau dessin-marque MILANO, les défendeurs continuent d’utiliser des enseignes, des menus et de la publicité sur les médias sociaux arborant l’ancien dessin-marque MILANO ou une variante sensiblement similaire de la marque de commerce, en supprimant le mot PIZZERIA par exemple, mais en conservant des éléments figuratifs du mot stylisé MILANO.

[41] De plus, depuis environ la fin juin 2016, Tannis n’est plus un fournisseur important de la société défenderesse, qui, depuis, a acheté des ingrédients de pizza auprès d’autres fournisseurs. Avant au moins le milieu de 2015, Tannis était le principal fournisseur de pepperoni, de sauce à pizza et de fromage de la société défenderesse.

(4) PIZZERIA MILANO d’un tiers à Masson-Angers, au Québec

[42] Dimitrios Stougianos exploite la PIZZERIA MILANO à Masson-Angers, au Québec, depuis 40 ans. Masson-Angers est situé à environ 30 minutes d’Ottawa en voiture. Voici l’enseigne affichée dans une fenêtre du restaurant, ouvert sept jours par semaine :

[43] Les mots PIZZERIA MILANO sont en rouge, tandis que l’arrière-plan est jaune. L’enseigne a également une bordure rouge.

[44] De plus, M. Stougianos utilise le même menu depuis 40 ans. Celui-ci arbore les mots « Pizzeria Milano Restaurant », où les mots « Pizzeria » et « Restaurant » sont en vert et le mot « Milano » est en rouge dans une plus grande taille de caractère, tel que reproduit ci-dessous :

[45] M. Stougianos a déclaré que son restaurant vend plus de pizzas que d’autres articles et qu’il offre la livraison dans la région de Masson-Angers. Le nom de son entreprise, tel qu’il apparaît sur les reçus de commandes alimentaires, est « Pizzeria Nouveau Milano ». Cela a toujours été le nom de son entreprise. Lorsqu’on lui a demandé comment les clients appellent son entreprise, il a répondu « Milano Pizzeria ».

(5) Témoignages des parties

[46] Bien que les paragraphes ci-dessus exposent les faits les plus saillants des témoignages présentés dans le cadre de la présente procédure (et de certains éléments de preuve documentaires), un résumé des témoignages rendus à l’audience figure à l’annexe A des présents motifs.

(6) Historique des poursuites concernant l’enregistrement du dessin-marque MILANO

[47] La demande d’enregistrement sous-jacente du dessin-marque MILANO a été déposée au nom de MPL le 6 octobre 1997 sous le numéro LMC857,952, et le processus d’enregistrement a pris plus de cinq ans. Pendant ce temps, MPL a modifié la demande pour inscrire un désistement visant le mot PIZZERIA et redéfinir les services comme « Comptoir de mets à emporter avec service de livraison ». À aucun moment la demande n’a été modifiée pour identifier un prédécesseur en titre, même si la date de premier emploi revendiquée, à savoir mars 1994, précède de plus de deux ans la date de constitution en société de MPL, le 14 mai 1996.

[48] MPL a également répondu à l’opposition soulevée et maintenue par le registraire des marques de commerce [le registraire] dans des actions officielles successives concernant l’enregistrabilité du dessin-marque MILANO au regard de l’alinéa 12(1)d) de la LMC en raison de la confusion avec la marque de commerce déposée MILANO, portant le numéro d’enregistrement LMC380,997 et visant des « [s]services de restaurant et de salle à manger spécialisés dans les mets italiens, les mets western et les fruits de mer ».

[49] Les réponses de MPL à cette opposition à l’enregistrement contenaient des admissions notables, y compris le fait que [traduction] « “Milano” est en fait un terme commercial communément employé en liaison avec des restaurants et des cafés au Canada ». À l’appui, MPL a souligné la coexistence de l’ancienne marque de commerce déposée MILANO EXPRESS & Dessin, portant le numéro d’enregistrement LMC267,423, qui a été examinée par l’ancien juge Cullen dans la décision Milano Dining Room & Lounge Ltd et al v Milano Express (Medicine Hat) Ltd (1987), 15 CPR (3d) 272 (CF 1re inst) [Milano Dining Room]. À la page 274 de la décision, le juge Cullen a fait remarquer que « Milano », une ville italienne, est un terme décrivant un lieu géographique et que [traduction] « [s]’il ne s’agit que du nom d’un lieu géographique qui ne possède pas de signification secondaire, il ne peut pas être monopolisé et demeure du domaine public, en raison de son importance géographique ».

[50] Je conclus du fait que le dessin-marque MILANO a été enregistré, que le registraire l’a finalement approuvé et annoncé et qu’il a accueilli la demande. L’historique du dossier versé en preuve est incomplet à cet égard. Toutefois, je fais remarquer qu’il n’y a aucune preuve qu’un tiers s’est opposé à l’enregistrement du dessin-marque MILANO.

(7) Autres marques MILANO de tiers

[51] Les éléments de preuve documentaires en l’espèce comprennent l’historique des dossiers des marques de commerce suivantes :

  • - Dessin MILANO COFFEE HOUSE, numéro d’enregistrement LMC836,464, en liaison avec des produits et services qui comprennent l’« Exploitation de restaurants »;

  • - Marque de commerce logo MILANO FRUITERIE, dont la demande d’enregistrement portant le numéro 1,703,103 a été accueillie en liaison avec des produits et services qui comprennent des « Services de restaurant et services de traiteur »;

  • - Logo anglais MILANO, dont la demande d’enregistrement portant le numéro 1,753,787 a été accueillie en liaison avec des produits et services qui comprennent des « Services de restaurant et de traiteur ».

III. Historique procédural

[52] Voici un résumé des quatre années d’historique procédural qui ont mené à la présente affaire en février 2021.

[53] La demanderesse a déposé sa déclaration le 31 janvier 2017, dans laquelle elle sollicite : un jugement déclaratoire et une injonction contre les défendeurs pour violation du droit exclusif de la demanderesse à l’égard du dessin-marque MILANO découlant de l’enregistrement de ce dessin-marque, commercialisation trompeuse, dépréciation de l’achalandage et violation du droit d’auteur; une ordonnance exigeant la restitution du matériel contrefait; une ordonnance enjoignant aux défendeurs de transférer à la demanderesse le nom de domaine milanoottawa.com et tout autre nom de domaine pertinent; des dommages-intérêts ou la restitution des profits; des dommages-intérêts majorés, punitifs et exemplaires; des intérêts avant et après jugement; et les dépens avocat-client. La déclaration a été modifiée juste avant l’audience le 8 janvier 2021.

[54] Quant aux défendeurs, ils sollicitent dans leur défense et demande reconventionnelle déposée le 2 juin 2017 : des dommages-intérêts pour le retrait des défendeurs du système de commande en ligne à l’adresse www.milanopizzeria.ca, et des dommages-intérêts supplémentaires pour d’autres perturbations des affaires et la confusion causées par la demanderesse et les défendeurs reconventionnels; un jugement déclaratoire et une injonction concernant l’invalidité de l’enregistrement du dessin-marque MILANO en raison de l’article 18 de la LMC, des déclarations fausses et trompeuses et des descriptions fausses sous un rapport essentiel qui ont été faites par la demanderesse et les défendeurs reconventionnels, contrairement à l’alinéa 7a) et au sous-alinéa 7d)(ii) de la LMC, et de la commercialisation trompeuse; une ordonnance exigeant la restitution du matériel contrefait; des dommages-intérêts majorés, punitifs et exemplaires; les dépens avocat-client; des intérêts avant et après jugement. La défense et demande reconventionnelle a été modifiée le 28 juillet 2017 et de nouveau peu avant l’audience le 5 janvier 2021.

[55] La réponse et défense des demanderesses à la demande reconventionnelle a été déposée le 11 août 2017 et modifiée le 8 janvier 2021. La réponse des défendeurs à la défense à la demande reconventionnelle a été déposée le 24 août 2017.

[56] Les modifications apportées par les parties à leurs actes de procédure découlent, dans une large mesure, du Jugement sommaire de 2018, qui est examiné plus en détail ci‑dessous.

IV. Jugement sommaire de 2018

[57] Comme on l’a vu, les parties de part et d’autre ont présenté une requête en vue d’obtenir un jugement sommaire. Les défendeurs ont demandé le rejet de l’action de la demanderesse, tandis que la demanderesse a sollicité un jugement sommaire en sa faveur à l’égard de toutes les questions, à l’exception de la revendication du droit d’auteur. La juge Mactavish a conclu qu’il n’existait aucune véritable question litigieuse concernant l’enregistrabilité contestée du dessin-marque MILANO en vertu de l’alinéa 18(1)a) de la LMC et concernant la revendication du droit d’auteur de la demanderesse. Cette dernière a eu gain de cause dans le Jugement sommaire de 2018 à l’égard de la première question, mais la deuxième question a été tranchée en faveur des défendeurs, ce qui a entraîné le rejet partiel de l’action de la demanderesse, dans la mesure où elle était fondée sur le droit d’auteur (aux para 6, 155 et 156). Les requêtes ont été rejetées quant aux autres questions (aux para 7 et 157).

[58] Dans son analyse de la question de l’enregistrabilité, la juge Mactavish a fait remarquer que « la demanderesse a expressément renoncé à employer le mot “pizzeria” en lien avec le dessin‑marque MILANO et elle ne prétend pas maintenant être propriétaire du mot “Milano” en soi comme marque de commerce ou autre » [non souligné dans l’original] : Jugement sommaire de 2018, précité, au para 95. À son avis, le caractère distinctif du dessin-marque MILANO, dans son ensemble, réside dans la combinaison des mots « Milano » et « Pizzeria » avec les éléments figuratifs, à savoir « la mise en page et la police de caractère des mots ainsi que la pointe de pizza qui figure dans la lettre “O” de “Milano” et qui est l’élément le plus distinctif du dessin‑marque MILANO » : Jugement sommaire de 2018, précité, aux para 96 et 99.

[59] Pour justifier cette conclusion quant au caractère distinctif dans le contexte de l’analyse de l’enregistrabilité, la juge Mactavish a renvoyé à la décision Milano Dining Room et a souligné la combinaison des mots « Milano » et « Express » avec un logo de train [la marque MILANO EXPRESS], dans laquelle l’enregistrement de la marque avait été maintenu. Bien que ce ne soit pas explicitement indiqué, je conclus que la juge Mactavish a implicitement établi une analogie entre le format du dessin-marque MILANO qui nous occupe en l’espèce et le format de la marque MILANO EXPRESS.

[60] En concluant qu’il y avait une véritable question litigieuse en ce qui concerne l’allégation de commercialisation trompeuse de la demanderesse (entre autres), la juge Mactavish a fait remarquer que l’existence d’une marque de commerce déposée constitue une défense complète contre une action en commercialisation trompeuse : Jugement sommaire de 2018, précité, au para 133.

[61] Pour justifier son rejet de la revendication du droit d’auteur de la demanderesse, la juge Mactavish a souligné l’absence d’éléments de preuve établissant la création et la provenance du dessin-marque MILANO. En particulier, même si l’on présume que Marwan Kassis est le créateur du dessin-marque MILANO, dont la preuve a été considérée comme « vague, imprécise, incohérente et incomplète », rien n’indique qu’il n’ait jamais cédé à la demanderesse son droit d’auteur : Jugement sommaire de 2018, précité, aux para 148-150. La demanderesse n’a donc pas établi l’existence d’un droit d’auteur exécutoire à l’égard du dessin-marque MILANO. La juge Mactavish a également conclu au paragraphe 153 que la demanderesse n’avait pas établi l’existence d’un droit exécutoire à l’égard des menus.

V. Différend et questions en litige

[62] La demanderesse allègue que les activités des défendeurs ont causé de la confusion sur le marché et ont nui à ses entreprises, et les défendeurs reprochent ces mêmes choses à la demanderesse. Bien que les parties conviennent que les clients de la région d’Ottawa en sont venus à savoir que les établissements MILANO PIZZERIA appartiennent des propriétaires exploitants indépendants connus de façon interchangeable en tant que MILANO, MILANO’S PIZZA, MILANO PIZZA et MILANO PIZZERIA, ni la demanderesse ni les défendeurs n’ont présenté d’éléments de preuve directs des perceptions de leurs clients ou d’autres personnes à cet égard.

[63] De plus, de leur côté, les défendeurs contestent le fait que MPL ou tout prédécesseur en titre ait octroyé des licences à des propriétaires exploitants d’établissements MILANO PIZZERIA. Une question clé du différend à mon avis, que j’examinerai plus loin, est de savoir si la demanderesse a démontré un contrôle suffisant des licences au sens du paragraphe 50(1) de la LMC. Il est nécessaire de trancher ce point, dans le contexte plus large du caractère distinctif, avant de procéder à l’examen de la validité de l’enregistrement du dessin-marque MILANO, que les défendeurs contestent dans leur demande reconventionnelle.

[64] Compte tenu des actes de procédure des parties et du contexte factuel exposé ci-dessus, je conclus que l’étape relative à la responsabilité de l’instance soulève les questions suivantes :

  1. En ce qui concerne l’invalidité alléguée de l’enregistrement du dessin-marque MILANO :

  • a) À la date de la demande reconventionnelle des défendeurs, soit le 2 juin 2017, le dessin-marque MILANO distinguait-il MPL en liaison avec des services de comptoir de mets à emporter avec service de livraison, et, dans la négative, l’enregistrement est-il invalide en vertu de l’alinéa 18b) de la LMC pour au moins l’un des deux motifs possibles, à savoir :

  • (i) le programme de licences de MPL est-il valide en vertu du paragraphe 50(1) de la LMC, de sorte que l’emploi des marques MILANO par les licenciés de MPL profite à MPL, et, dans la négative, cela rend‑il les marques MILANO non distinctives?

  • (ii) la coexistence d’autres marques ou entreprises MILANO de tiers, comme PIZZERIA MILANO à Masson-Angers, au Québec, rend-elle les marques MILANO non distinctives?

  • b) Compte tenu notamment de la réponse à la question de savoir si le programme de licences de MPL est valide, MPL a‑t‑elle abandonné ou avait-elle l’intention d’abandonner le dessin-marque MILANO au sens de l’alinéa 18c) de la LMC?

  • c) Le dessin-marque MILANO était-il employé en vertu d’une licence à la date de dépôt de la demande d’enregistrement, soit le 6 octobre 1997, ou à la date revendiquée de son premier emploi, soit en mars 1994? S’il ne l’était pas, l’enregistrement serait invalide au titre de l’alinéa 18d) de la LMC.

  • d) L’enregistrement du dessin-marque MILANO est-il invalide parce que la date de premier emploi revendiquée, soit mars 1994, est antérieure à la date de constitution en société de MPL, soit le 14 mai 1996, mais que l’enregistrement n’indique aucun prédécesseur en titre?

  • e) Le prédécesseur en titre de la société défenderesse a‑t‑il employé le dessin-marque MILANO avant la date de premier emploi revendiquée, soit mars 1994?

  • f) L’absence d’un désistement à l’égard du mot MILANO dans l’enregistrement du dessin-marque MILANO rend‑elle l’enregistrement invalide, ou, subsidiairement, l’enregistrement peut-il être modifié afin d’incorporer un désistement à l’égard du mot MILANO en plus du mot PIZZERIA?

  • g) MPL a-t-elle des droits exécutoires sur le dessin-marque MILANO déposé (ou des marques nominales MILANO) pour étayer ses allégations selon lesquelles les défendeurs ont contrevenu aux articles 19, 20 et 22, ou aux alinéas 7b) et 7c) de la LMC?

  1. Les défendeurs ont-ils employé, sans autorisation, le dessin-marque MILANO déposé, avant ou après l’expiration de l’une ou l’autre des licences ou autorisations d’emploi invoquées, soit en juin 2016, contrairement à l’article 19 de la LMC?

  2. Le nouveau dessin-marque MILANO et les marques nominales MILANO employés par les défendeurs créent-ils de la confusion avec le dessin-marque MILANO déposé, de sorte que leur emploi non autorisé constitue une violation au sens de l’article 20 de la LMC?

  3. L’emploi non autorisé des marques MILANO et du nouveau dessin-marque MILANO par les défendeurs a-t-il entraîné une diminution de l’achalandage de MPL à l’égard du dessin-marque MILANO déposé, contrairement à l’article 22 de la LMC?

  4. En employant les marques MILANO et le nouveau dessin-marque MILANO sans l’autorisation de MPL, les défendeurs ont-ils fait passer leurs produits et services pour ceux de MPL, contrairement aux alinéas 7b) et 7c) de la LMT?

  5. Les particuliers défendeurs devraient-ils être tenus responsables des actes illégaux de la société défenderesse?

  6. Les actes et les communications de MPL et des particuliers défendeurs reconventionnels à l’égard des tiers fournisseurs, des fournisseurs de services ou des clients des défendeurs sur le site milanopizzeria.ca et ailleurs constituent-ils :

  7. Les défendeurs ont-ils employé la marque de commerce MILANO BAXTER et acquis une réputation ou un achalandage à l’égard de cette marque de commerce?

a) des déclarations fausses ou trompeuses tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent, contrairement à l’alinéa 7a) de la LMC;

b) un appel de l’attention du public sur leurs produits, leurs services ou leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’ils ont commencé à y appeler ainsi l’attention, entre leurs produits, leurs services ou leur entreprise et ceux des défendeurs, contrairement à l’alinéa 7b) de la LMC;

c) une commercialisation trompeuse de leurs produits ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés, contrairement à l’alinéa 7c);

d) un emploi, en liaison avec des produits ou services, d’une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde leur origine géographique, contrairement au sous-alinéa 7d)(ii) de la LMC?

VI. Dispositions pertinentes

[65] Voir l’annexe B ci-dessous.

VII. Analyse

[66] Je commence mon analyse en soulignant que la version de la LMC antérieure à l’entrée en vigueur des modifications substantielles apportées le 17 juin 2019 s’applique à mon examen de la présente affaire.

A. L’enregistrement du dessin-marque MILANO est-il invalide?

[67] Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que les défendeurs se sont acquittés de leur fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le dessin-marque MILANO n’est pas distinctif et que, par conséquent, l’enregistrement du dessin-marque MILANO est invalide au titre de l’alinéa 18(1)b) de la LMC : Kirkbi AG c Gestions Ritvik Holdings Inc, 2003 CAF 297 au para 80 (CanLII), [2004] 2 RCF 241; conf par 2005 CSC 65. Il y a deux principaux motifs pour conclure à l’absence de caractère distinctif.

[68] Premièrement, indépendamment de l’existence de contrats de licence oraux ou écrits, MPL ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir qu’elle exerce un contrôle suffisant sur les services exécutés (et les produits vendus) par les licenciés de MPL, de sorte que MPL puisse bénéficier de la présomption prévue au paragraphe 50(1) de la LMC : Live! Holdings, LLC c Oyen Wiggs Green & Mutala LLP, 2020 CAF 120 au para 36. En d’autres termes, l’absence de contrôle signifie que tout emploi, publicité ou exposition du dessin-marque MILANO (et des marques nominales MILANO) par les licenciés de MPL ne profite pas et ne profitait pas à la demanderesse à la date à laquelle cette dernière a introduit son action ou à la date de la demande reconventionnelle des défendeurs.

[69] J’ajoute que, compte tenu de la prolifération et de la coexistence de sites indépendants de restaurants MILANO PIZZERIA, l’emploi, la publicité ou l’exposition du dessin-marque MILANO (et des marques nominales MILANO) n’a pas profité aux défendeurs non plus dans les circonstances. J’examine ce dernier point plus loin dans le contexte de la demande reconventionnelle des défendeurs.

[70] Deuxièmement, la longue coexistence de PIZZERIA MILANO à Masson-Angers, au Québec, sape le caractère distinctif que le dessin-marque MILANO et les marques nominales MILANO auraient pu antérieurement posséder s’ils avaient été valablement autorisés aux termes d’une licence.

a) Invalidité pour absence de caractère distinctif en vertu de l’alinéa 18b) de la LMC

(i) Contrôle insuffisant des licences contrairement au paragraphe 50(1) de la LMC

[71] Je ne suis pas convaincue que la demanderesse ait établi un contrôle suffisant des licences en ce qui a trait à la nature ou à la qualité des services de « Comptoir de mets à emporter avec service de livraison » en liaison avec lesquels le dessin-marque MILANO est employé, annoncé ou exposé, de façon à bénéficier de la présomption prévue au paragraphe 50(1) de la LMC. La présente affaire concerne moins l’emploi inconstant du dessin-marque MILANO en soi, bien que cela se soit également produit (par exemple, en remplaçant PIZZERIA par milanopizza.ca). L’analyse porte plutôt sur l’entreprise MILANO PIZZERIA et les licences octroyées par MPL.

[72] Les défendeurs et demandeurs reconventionnels décrivent la présente affaire comme étant [traduction] « peu claire sur ce qui a été dit et fait, qui l’a dit, quand ça a été dit, et qui a accepté quoi ». Bien que je ne sois pas en désaccord, je conclus que la présente instance était par conséquent largement axée sur la forme plutôt que sur le fond. L’absence de documents officiels dans les premières années de l’entreprise MILANO PIZZERIA a entraîné une situation où tout le monde a sa propre version des faits (c’est-à-dire Mazen Kassis d’une part et Chadi Wansa d’autre part) concernant les années précédant la mise en œuvre d’un programme de licences plus conventionnel, essentiellement au milieu des années 2010.

[73] À mon avis, la présente affaire peut plutôt être définie comme une mise en garde quant aux difficultés de prouver, après une longue période, à la fois le fond et les conditions d’un contrat de licence oral. De plus, comme l’ont montré certains des témoins, les « profanes » (c’est-à-dire en l’espèce les personnes qui n’ont aucune formation juridique, mais qui ont des conseils juridiques) ont tendance à écarter ou à nier l’existence d’une licence ou de modalités « contractuelles » en l’absence d’un contrat écrit officiel.

[74] De plus, je conclus que le contexte décrit par la juge Mactavish dans le Jugement sommaire de 2018 n’a pas été beaucoup clarifié par les témoignages. Cela dit, à mon avis, les éléments de preuve présentés dans le cadre de l’instance font état, selon la prépondérance des probabilités, de l’exploitation de l’établissement Baxter par les frères Khorrami, avec un protocole d’autorisation non écrit (ce qu’est essentiellement une licence) pour employer le [traduction] « nom MILANO » (y compris le dessin-marque MILANO), en échange du respect de l’approvisionnement prescrit, du respect du territoire et, initialement, du paiement de redevances.

[75] Cette conclusion est corroborée par le témoignage de Vahid Khorrami concernant sa compréhension des [traduction] « règles de base » applicables relativement à Tannis (c’est-à-dire l’approvisionnement auprès d’un fournisseur désigné) et du respect du territoire attribué à l’établissement Baxter. Il a également déclaré lors d’un autre interrogatoire qu’il rémunérait Marwan Kassis pour l’emploi du nom MILANO. À mon avis, le fait que MILANO PIZZERIA n’avait aucune structure commerciale officielle, que les contrats de licence n’étaient pas plus précis, notamment concernant ce qui était enregistré, que les parties aux contrats de licence n’avaient au mieux qu’une compréhension générale des conditions ou que la conformité était imparfaite ne sont pas des considérations déterminantes. Les parties et leurs témoins sont des gens d’affaires, et non des avocats.

[76] De plus, lorsqu’il a témoigné au sujet de son acquisition et de l’exploitation de l’établissement situé sur le chemin Montréal [l’établissement Montréal], Vahid Khorrami a décrit une discussion qu’il a eue avec Marwan Kassis et au cours de laquelle il a confirmé qu’il [traduction] « essaierai[t] encore d’acheter la plupart des articles auprès de Tannis ». Il a ajouté ceci : [traduction] « j’ai dit respecter cette entente orale que nous avions au début, et je respecte cela, et je continue de le faire » [non souligné dans l’original]. Bien que M. Khorrami ait exprimé sa réticence à acheter certains articles qui n’étaient pas de qualité supérieure, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’il ressort globalement du témoignage de M. Khorrami qu’il existait un contrat de licence oral concernant l’approvisionnement et le territoire en échange de l’autorisation d’employer les marques MILANO.

[77] Je conclus que le fait que MPL n’ait pas officiellement participé à la vente de l’établissement Baxter des frères Khorrami aux défendeurs ou à la vente d’autres restaurants MILANO PIZZERIA, conjugué à l’approche générale non interventionniste de MPL à l’égard de ses licenciés, souligne l’« absence de structure » des contrats de licence. En fin de compte, l’absence de contrôle par MPL, que montrent les éléments de preuve, a une incidence négative sur le caractère distinctif du dessin-marque MILANO (et des marques MILANO en général), comme je l’explique ci-dessous.

[78] Le paragraphe 50(1) de la LMC prévoit que l’emploi, la publicité ou l’exposition d’une marque de commerce par un licencié autorisé est réputé être fait par le propriétaire de la marque de commerce si le propriétaire, aux termes d’une licence, contrôle, directement ou indirectement, la nature ou la qualité des produits ou services en liaison avec lesquels la marque de commerce est employée, annoncée ou exposée. Un contrat de licence écrit n’est pas requis pour établir l’emploi autorisé, aux termes d’une licence, d’une marque de commerce; la preuve du contrôle exercé par le propriétaire quant à l’emploi peut indiquer l’existence d’un contrat de licence : Wells' Dairy Inc c U L Canada Inc, 2000 CanLII 15538 (CF) au para 38.

[79] Je note que la présomption réfutable prévue au paragraphe 50(2) de la LMC ne s’applique pas dans les circonstances de la présente affaire parce qu’aucun élément de preuve indiquant que MPL est la propriétaire du dessin-marque MILANO et que ce dernier a été employé aux termes d’une licence n’a été produit.

[80] Selon les circonstances, une entente de franchise bien structurée peut comprendre le degré de contrôle requis pour qu’il soit satisfait au paragraphe 50(1) de la LMC : Boston Pizza International Inc c Boston Chicken Inc, 2001 CFPI 1024 (CanLII) aux para 56-57. Cela dit, [traduction] « […] le fait qu’un franchiseur ait un certain contrôle sur sa franchise ne suffit pas à lui seul à démontrer l’exercice d’un contrôle sur la nature et la qualité des services. Toutefois, chaque affaire comporte ses propres faits et malgré les différences entre les types de relations commerciales, le propriétaire de la marque de commerce doit être en mesure de prouver qu’il contrôle suffisamment le licencié pour qu’il soit satisfait à l’exigence prévue à l’article 50 » : A. Kelly Gill, R. Scott Jolliffe et Harold G. Fox, Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, 4e éd (Toronto, Carswell, 2002) (feuilles volantes) [Fox on Trade-marks], citant (à la page 15-24, note de bas de page 96) Realestate World Services (1978) Ltd v Firstline Trust Co (1997), 77 CPR (3d) 406 (COMC).

[81] Nonobstant les renvois à des [traduction] « droits de licence / redevances de franchisage » dans les contrats de licence, et la possibilité que MPL présente [traduction] « une demande d’enregistrement de Milano Pizzeria comme franchise » dans au moins un des contrats de licence présentés en preuve, MPL n’est tout simplement pas une « franchise » au sens de l’article premier de la Loi Arthur Wishart de 2000 sur la divulgation relative aux franchises, LO 2000, c 3. MPL n’a notamment pas établi qu’elle exerce un contrôle important ou qu’elle offre une aide importante, directement ou indirectement, à ses licenciés. Toutefois, la question en l’espèce est celle de savoir si MPL exerce un contrôle suffisant, au sens du paragraphe 50(1) de la LMC, pour maintenir l’enregistrement du dessin-marque MILANO.

[82] La demanderesse soutient que [traduction] « l’autonomie souhaitée par le licencié à l’égard de l’administration quotidienne de ses affaires ne correspond pas […] à une renonciation au contrôle » : Stamos v Belanger, 1994 CanLII 7426 (CS Ont) [Stamos] au para 64. Comme la juge Walker l’a fait remarquer plus récemment, « [l]’absence de contrôle de la demanderesse sur les activités commerciales courantes des défendeurs n’exclut pas nécessairement l’existence d’une licence d’emploi visée à l’article 50 » : Corey Bessner Consulting Inc c Core Consultants Realty Inc, 2020 CF 224 [Corey Bessner] au para 78. Bien que je ne sois pas en désaccord, je conclus qu’en l’espèce, cela n’aide pas vraiment la demanderesse à établir l’exercice d’un contrôle suffisant à l’égard licenciés de MPL. De plus, à mon avis, les circonstances particulières des affaires Stamos et Corey Bessner permettent de les distinguer de l’affaire dont je suis saisie.

[83] L’affaire Stamos concernait un litige entre des membres actuels et d’anciens membres d’un syndicat international et d’un syndicat local, ainsi qu’une requête en injonction provisoire pour interdire aux défendeurs d’employer certaines marques de commerce. Dans cette affaire, la Cour a jugé que le paragraphe 50(1) de la LMC était respecté et qu’il y avait à première vue un cas grave de manquement des défendeurs à un contrat, eu égard à la constitution du syndicat international et au contrôle exercé par le syndicat international sur toutes les activités de ses sections locales.

[84] L’affaire Corey Bessner concernait une entente commerciale entre la propriétaire de marques de commerce et deux collègues dont la relation s’est dégradée. L’alliance commerciale proposée comprenait une condition selon laquelle les trois partenaires commerciaux détiendraient une part égale de la propriété intellectuelle, mais la propriétaire des marques de commerce n’était pas d’accord avec la proposition et l’alliance commerciale n’a pas été officialisée par écrit. Bien que la propriétaire des marques de commerce eût été prête à aller de l’avant avec l’alliance commerciale pour voir comment elle se déroulait, celle-ci a été de courte durée et a duré environ un an et demi. De plus, la propriétaire des marques de commerce n’a pas accepté la copropriété ou la cession des marques de commerce en cause. Au contraire, elle maintenait un contrôle physique sur les marques de commerce en raison du contrôle qu’elle exerçait sur le site Web et les comptes de courriel et les comptes de médias sociaux concernés. Le contrôle des marques de commerce a été un facteur déterminant pour la Cour, qui a conclu à l’existence d’une licence aux termes de l’article 50 de la LMC.

[85] Dans l’affaire dont je suis saisie, je conclus que MPL a découvert trop tard l’importance d’Internet et de la commande en ligne pour l’entreprise MILANO PIZZERIA. J’estime également crédible le témoignage de Chadi Wansa selon lequel il a acquis le domaine milanopizzeria.ca, a créé un site Web avec l’aide d’un concepteur de site Web, s’est lancé sur les nouvelles plateformes de commande en ligne disponibles à l’époque et a encouragé la participation d’autres restaurants, et ce, sans la participation ou la supervision de MPL pendant au moins une décennie, de 2003 à 2013. Les relations entre les parties ont commencé à se détériorer quand MPL a tardivement cherché à contrôler le domaine, le site Web et, finalement, les comptes de médias sociaux de l’entreprise MILANO PIZZERIA.

[86] Cet élément du contrôle a été renforcé par MPL un peu moins de deux ans avant que les défendeurs ne présentent leur demande reconventionnelle contestant le caractère distinctif de l’enregistrement du dessin-marque MILANO. Bien que, à mon avis, la commande en ligne soit l’équivalent Internet d’un système de commande téléphonique centralisé (que les licenciés de MPL ont rejeté il y a des années), je conclus que c’était « trop peu, trop tard ». La demanderesse a continuellement affirmé tout au long de l’instance que les conditions essentielles de la licence sont [traduction] « [l’]approvisionnement » et le [traduction] « territoire ». La commande en ligne n’est pas mentionnée dans les contrats de licence écrits. Elle n’est pas non plus mentionnée dans les services de « Comptoir de mets à emporter avec service de livraison » figurant dans l’enregistrement du dessin-marque MILANO, ni inhérente à ces services. Ce n’est pas surprenant, puisque la demande d’enregistrement sous-jacente du dessin-marque MILANO a été déposée en 1997, au début d’Internet et bien avant l’adoption de la commande en ligne par l’entreprise MILANO PIZZERIA. De plus, les éléments de preuve ne démontrent pas que tous les propriétaires exploitants indépendants sont tenus ou ont choisi de participer.

[87] Les auteurs de Fox on Trade-marks soutiennent (à la page 15-24) qu’il y a deux questions principales pour déterminer le caractère suffisant du contrôle – le type de contrôle et l’exercice réel du contrôle – et ils renvoient à un certain nombre d’affaires où le contrôle est en cause. Selon eux, une approche prudente consisterait à [traduction] « ce que la licence prévoie expressément le contrôle du propriétaire sur la nature et la qualité des produits ou des services » et [traduction] « le droit à des inspections régulières, que le propriétaire effectuerait réellement » : sous-alinéa 15.3c)(ii), aux pages 15-25 et 15-26. Les contrats de licence conclus par MPL ne contiennent aucune de ces dispositions.

[88] La Cour a statué que l’absence d’une clause prévoyant le contrôle de la nature des produits dans un contrat de licence, l’absence d’éléments de preuve montrant que le propriétaire a contrôlé directement ou indirectement l’emploi de la marque par le licencié et l’absence de tout autre élément de preuve pertinent étaient suffisantes pour rejeter un appel de la décision du registraire de radier l’enregistrement de la marque de commerce en cause : Eclipse International Fashions Canada Inc c Cohen, 2004 CF 617 au para 17. Dans Tucumcari Aero, Inc c Cassels, Brock & Blackwell SRL, 2010 CF 267, l’ancien juge Barnes a conclu qu’un droit d’inspection annuelle et un droit de résilier le contrat de licence applicable dans le cas de produits insatisfaisants étaient révélateurs d’un contrôle suffisant, comme l’exige le paragraphe 50(1) de la LMC.

[89] S’il est vrai que les contrats de licence écrits conclus avec les licenciés de MPL confèrent à MPL le droit de les résilier dans l’éventualité d’un manquement et obligent les licenciés de MPL à vendre des produits et des mets approuvés par MPL, ils ne contiennent aucun droit d’inspection. De plus, il y a peu d’éléments de preuve indiquant que MPL inspecte ou approuve régulièrement les produits et les mets (à l’exception d’un unique exemple de demande de retrait de mets halal d’un menu).

[90] Bon nombre des affaires citées par les auteurs de Fox on Trade-marks portent sur le caractère adéquat d’une relation d’affaires ou autre relation semblable entre le propriétaire d’une marque de commerce et le ou les licenciés dans le contexte du contrôle d’une licence. Toutefois, je trouve que l’affaire suivante comporte une analyse utile pour la question qui nous occupe en l’espèce concernant le contrôle des licences.

[91] Dans la décision Flansberry Menard & Associates v RB Music Ltd (2000), 7 CPR (4th) 569 (COMC) [Flansberry], la Commission des oppositions des marques de commerce a conclu que la propriétaire inscrite n’avait pas démontré le contrôle requis par l’article 50 et a ordonné que l’enregistrement contesté soit radié pour non-emploi en vertu de l’article 45 de la LMC. En examinant la question de savoir si la marque de commerce BACHMAN-TURNER OVERDRIVE déposée avait été employée au cours de la période pertinente en liaison avec des bandes préenregistrées, le membre de la Commission des oppositions a conclu que la propriétaire de la marque de commerce aurait pu contrôler la nature et la qualité des enregistrements originaux de la bande, mais elle n’avait pas démontré comment elle contrôlait la nature et la qualité des produits finis qui arborent la marque déposée (c’est-à-dire, les bandes, les enregistrements, les enregistrements ou les disques compacts produits à partir des enregistrements originaux). Le membre a expressément fait remarquer que le contrat de licence ne contenait aucun droit d’inspection et de contrôle de l’emploi de la marque de commerce pour s’assurer qu’elle était employée correctement ou obtenir des échantillons des produits fabriqués en liaison avec la marque de commerce.

[92] Par analogie, je conclus que même si MPL peut contrôler la nature et la qualité des ingrédients à pizza de marque – pepperoni, fromage et sauce – et qu’elle exige de ses licenciés qu’ils achètent les ingrédients auprès de Tannis, en plus des boîtes à pizza, MPL n’a pas, en grande partie, exercé de contrôle sur le produit fini, la pizza elle-même et d’autres articles des menus.

[93] Par exemple, Mazen Kassis a déclaré que [traduction] « aucun des autres ingrédients n’avait plus d’effet sur le goût de la pizza que la sauce » et a souscrit à l’affirmation suivante de l’avocat : [traduction] « en exigeant que vos licenciés utilisent tous la sauce MILANO, cela en fait essentiellement l’élément clé de toutes les pizzas de l’ensemble des exploitants ». Quant à Yousef Nassar, il a déclaré que la pâte est l’aspect le plus important de la pizza, tandis que d’autres témoins, y compris Chadi Wansa, Vahid Khorrami et Rania Yehia (une ancienne propriétaire exploitante de l’établissement Montréal, et dont le père est le beau-père de Chadi Wansa), ont déclaré lors de leur témoignage qu’ils étaient libres d’utiliser leurs propres recettes. En d’autres termes, rien n’empêchait l’altération du goût de la sauce par l’ajout d’autres ingrédients, comme des herbes et des épices, ou par son interaction dans le processus de cuisson avec d’autres ingrédients, principalement la pâte. MPL ne semble pas non plus avoir effectué une surveillance significative, notamment au moyen d’un échantillonnage périodique ou régulier du produit fini, c’est-à-dire les pizzas ou tout autre produit alimentaire figurant sur les menus des licenciés de MPL.

[94] M. Kassis a également déclaré que [traduction] « tout le fonctionnement est fluide » et que [traduction] « les licenciés s’associent à Milano, car ils peuvent conclure des contrats de licence souples assortis de peu d’exigences » [non souligné dans l’original]. De plus, M. Kassis a confirmé qu’il n’y a aucun uniforme. Les ajouts au menu sont permis (comme Kemptville Pizza ou Manotick Special) parce que [traduction] « cela n’a aucune incidence sur la marque plus générale de la société ». Le contrôle de la qualité du service fourni, dans [traduction] « les premiers jours, aurait été exercé par un fournisseur […] un représentant qui travaillerait pour le distributeur […] par les clients […] et par les licenciés eux-mêmes ». Toutefois, en règle générale, le contrôle du service dans un territoire n’est pas du ressort de MPL une fois le territoire attribué; les licenciés de MPL règlent en principe eux-mêmes les litiges concernant le territoire.

[95] Bien que MPL encourage des prix plus élevés, ces derniers ne sont ni imposés ni uniformes. En fait, les licenciés de MPL contrôlent leurs prix. MPL ne vérifie pas les ventes – Mazen Kassis a déclaré qu’il s’appuie sur son expérience ou sur des suppositions éclairées. Selon M. Kassis, outre le territoire et l’approvisionnement, les licenciés de MPL (c’est-à-dire les propriétaires exploitants de MILANO PIZZERIA) contrôlent essentiellement leurs propres activités.

[96] Compte tenu du témoignage de Mazen Kassis et au regard des contrats de licence écrits, outre l’attribution initiale d’un territoire à un licencié, je ne suis pas convaincue que MPL contrôle réellement le territoire, à savoir un aspect clé du programme de licences de MPL. C’est un problème pour MPL parce que « […] l’article 50(1) de la Loi exige que la propriétaire de la marque contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises ou services et non pas la compagnie licenciée, pour que l’emploi d’une marque de commerce par un licencié soit réputé être celui de la propriétaire » : Facton Ltd c Diplomate Watch of Canada, 2012 COMC 142 (CanLII) au para 59. Il peut y avoir dérogation à cette règle dans les cas où un contrat de licence implique la délégation du contrôle du propriétaire de la marque de commerce à un licencié ou à un franchisé « principal » qui, à son tour, exerce un contrôle au nom du propriétaire de la marque de commerce (c’est-à-dire un contrôle indirect) sur des licenciés ou des franchisés secondaires. Toutefois, ce n’est pas le cas en l’espèce.

[97] La demanderesse soutient que les territoires ont été attribués afin d’optimiser la rapidité et la qualité de la livraison des mets commandés et que, par conséquent, cela représente un élément du contrôle des services visés par l’enregistrement du dessin-marque MILANO (c’est-à-dire « Comptoir de mets à emporter avec service de livraison »). Je ne suis pas toutefois convaincue qu’il s’agisse d’un contrôle significatif au sens de suffisant. Premièrement, les territoires ont des tailles différentes. Par exemple, Vahid Khorrami a déclaré que l’établissement Montréal était trop grand pour être desservi efficacement par un seul restaurant MILANO PIZZERIA. Yousef Nassar avait un grief similaire concernant l’établissement Russell. M. Nassar a également déclaré que le délai de livraison est un facteur clé. Deuxièmement, dans le cas des commandes à emporter, la taille du territoire peut avoir peu, voire aucune incidence sur la rapidité d’exécution des commandes.

[98] Troisièmement, la preuve établit que les licenciés de MPL contrôlent l’embauche et la formation des livreurs. Aucun élément de preuve n’a été présenté concernant la vitesse à laquelle les livreurs conduisent ou les itinéraires qu’ils empruntent (c’est-à-dire le délai de livraison mentionné par M. Nassar). Même en présumant qu’ils conduisent aux limites de vitesse affichées, ce n’est qu’un facteur parmi d’autres relativement au délai général d’exécution des commandes. Par exemple, les licenciés de MPL contrôlent également leurs activités. En d’autres termes, ils contrôlent la façon dont les mets sont préparés, y compris le délai de préparation. Ils contrôlent également la dotation, et ils déterminent donc s’ils ont suffisamment de personnel pour répondre à la demande à un moment donné et la vitesse à laquelle ils y répondent.

[99] Tous ces facteurs, sur lesquels MPL exerce peu, voire aucun contrôle, sont, à mon avis, d’importants éléments pour déterminer la nature ou la qualité des services, y compris des pizzas finies, de la vitesse d’exécution des commandes et de la manière dont les commandes sont exécutées. Comme il a été mentionné dans une affaire antérieure, [traduction] « [n]on seulement la disposition du contrat relative à la nature des hamburgers à vendre en vertu du contrat concerne un aspect très superficiel et peu restrictif, mais il n’y a aucune disposition relative à la surveillance ou au contrôle et les éléments de preuve indiquent que le contrôle réel de la “nature et de qualité des produits” [ou des services, en l’espèce] est pratiquement inexistant » : Robert C Wian Enterprises, Inc v Mady, [1965] 2 Ex CR 3 à la p 15.

[100] Au cours de l’interrogatoire principal de Vahid Khorrami, l’avocat de la demanderesse s’est opposé à la pertinence des questions relatives à la vente du restaurant de Baxter par les frères Khorrami aux défendeurs, compte tenu de la date pertinente pour évaluer le caractère distinctif du dessin-marque MILANO (c’est-à-dire à la date de la demande reconventionnelle des défendeurs, soit le 2 juin 2017). Malgré une différence d’environ 15 ans, outre le choix d’ingrédients à pizza de marque privée et l’utilisation accrue de contrats de licence écrits, il y a peu d’éléments indiquant que beaucoup d’autres choses avaient changé en ce qui a trait à l’exercice réel par MPL d’un contrôle sur la nature ou la qualité des services applicables. Je fonde cette observation sur le témoignage de plusieurs propriétaires exploitants indépendants de restaurants MILANO PIZZERIA. De plus, comme je l’ai mentionné précédemment, la commande en ligne (et le contrôle tardif de MPL) n’est pas à mon avis un facteur important en l’espèce.

[101] Je conclus donc que le contrôle insuffisant de MPL sur la nature ou la qualité des services, y compris les produits alimentaires finis, malgré les contrats de licence oraux ou écrits conclus avec la plupart des licenciés de MPL, rend le dessin-marque MILANO non distinctif et, par conséquent, l’enregistrement du dessin-marque MILANO invalide à la date de la demande reconventionnelle des défendeurs, soit le 2 juin 2017.

[102] Par conséquent, non seulement le dessin-marque MILANO ne distingue pas MPL, mais son emploi concurrent par les licenciés de MPL ne permet pas non plus à mon avis de distinguer les licenciés de MPL les uns des autres, particulièrement en l’absence d’éléments de preuve directs concernant le caractère distinctif acquis par l’une ou l’autre des parties au présent litige, et ce, malgré l’emploi prolongé (environ 20 ans, voire plus) du dessin-marque MILANO et d’au moins une des marques nominales MILANO. J’explique plus en détail les répercussions de ce dernier résultat sur la demande reconventionnelle des défendeurs. Cette conséquence ne s’applique toutefois pas aux éléments figuratifs du nouveau dessin-marque MILANO.

(ii) Longue coexistence de PIZZERIA MILANO à Masson-Angers, au Québec

[103] Je conclus que la coexistence de PIZZERIA MILANO à Masson-Angers, au Québec, sape tout caractère distinctif acquis que le dessin-marque MILANO et les marques nominales MILANO auraient pu antérieurement posséder, aux termes du paragraphe 50(1) de la LMC, n’eût été l’absence de contrôle suffisant des licences.

[104] La juge Mactavish a conclu, comme on l’a vu, que le caractère distinctif du dessin-marque MILANO réside dans la combinaison des mots « Milano » et « Pizzeria » avec les éléments figuratifs : Jugement sommaire de 2018, précité, au para 96. À mon avis, cette conclusion concerne le caractère distinctif inhérent à première vue du dessin-marque MILANO, plutôt qu’un possible caractère distinctif acquis, qui n’est pas mentionné dans l’analyse de l’enregistrabilité.

[105] Je conclus toutefois que le dessin-marque MILANO est une marque intrinsèquement faible en raison du désistement exprès dont fait l’objet le mot PIZZERIA, de la renonciation de MPL à ses droits dans le mot MILANO (c’est-à-dire que [traduction] « “Milano” est en fait un terme commercial communément employé en liaison avec des restaurants et des cafés au Canada »), et du dessin d’une tranche de pizza décrivant les services « Comptoir de mets à emporter avec service de livraison », où le produit fini présenté est une pizza. (L’absence de désistement exprès à l’égard du mot MILANO dans l’enregistrement du dessin-marque MILANO est examinée ci-dessous.)

[106] De plus, je conclus que tout éventuel caractère distinctif résidant dans la combinaison des mots MILANO et PIZZERIA est éteint par la coexistence et l’emploi antérieur de PIZZERIA MILANO par Dimitrios Stougianos pendant environ 40 ans. Le fait que les mots soient inversés n’ajoute aucune caractéristique significative distinguant ces marques ou ces noms; ils signifient essentiellement la même chose et sont semblables dans la présentation et le son : Made in Nature, LLC c Pharmavite LLC, 2022 COMC 21 (CanLII) au para 31; Allan Beverages Ltd v Canada Dry Ltd, 1974 CarswellNat 489, 15 CPR (2d) 86, aux p 87-88 (COMC).

[107] De plus, le dessin-marque MILANO et le signe PIZZERIA MILANO présentés par M. Stougianos dans la fenêtre de son restaurant comprennent les mêmes couleurs rouge et jaune qui attirent l’attention.

[108] La demanderesse a cherché à s’appuyer sur le fait que Masson-Angers, au Québec, se situe à environ 30 minutes d’Ottawa en voiture. Toutefois, je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que le restaurant PIZZERIA MILANO à Masson-Angers, au Québec, est plus proche d’Ottawa qu’un certain nombre de restaurants MILANO PIZZERIA, y compris ceux situés à Alfred, Almonte, Arnprior, Beachburg, Bourget, Casselman, Cobden, Cornwall, Kemptville, Pembroke, Perth Falls et Renfrew (selon la liste produite en preuve des établissements MILANO PIZZERIA en date d’août 2018). Comme la Cour suprême l’a conclu, « [p]our que le propriétaire d’une marque de commerce déposée ait le droit exclusif à l’emploi de celle-ci dans tout le Canada, il ne faut pas qu’elle soit susceptible de causer de la confusion avec une autre marque de commerce à quelque autre endroit que ce soit au pays » : Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 (CanLII) au para 31, [2011] 2 RCS 387.

[109] À l’audience, Mazen Kassis a admis qu’il savait qu’il y avait d’autres restaurants en Ontario et au Canada qui employaient MILANO dans leur nom. Outre la présente action, et une action contre Milano City Pizza à l’égard de laquelle MPL a obtenu un jugement par défaut (daté du 23 juin 2016, dossier de la Cour no T-43-16), rien d’autre n’indique que MPL dispose d’un programme pour contrôler le dessin-marque MILANO, y compris en ce qui a trait au nom PIZZERIA MILANO. Par exemple, les contrats de licence écrits conclus avec les licenciés de MPL ne contiennent aucune disposition obligeant le licencié à porter à l’attention de MPL tout emploi non autorisé et causant de la confusion du dessin-marque MILANO ou des marques nominales MILANO par un tiers.

[110] De plus, en ce qui concerne les marques de tiers invoquées en preuve par les défendeurs, à savoir MILANO COFFEE HOUSE design, numéro d’enregistrement LMC836,464, MILANO FRUITERIE LOGO TRADEMARK, dont la demande d’enregistrement portant le numéro 1,703,103 a été accueillie, et MILANO English logo, dont la demande d’enregistrement portant le numéro 1,753,787 a été accueillie, rien n’indique que MPL ait cherché à s’y opposer. Je conclus par ailleurs que ces éléments de preuve sont peu utiles à la défense des défendeurs relativement à l’action principale. En particulier, il n’y a pas suffisamment de marques de commerce déposées et autorisées pour tirer des conclusions sur l’état du marché en ce qui a trait au fait allégué que le mot MILANO est communément employé en liaison avec des services de restaurant : Tokai of Canada Ltd c Kingsford Products Company, LLC, 2021 CF 782 aux para 56-57. À cet égard, j’accorde plus de poids à l’admission de la demanderesse faite pendant le traitement de la demande sous-jacente d’enregistrement du dessin-marque MILANO, selon laquelle « Milano » est un terme commercial communément employé en liaison avec des restaurants et des cafés au Canada.

b) Invalidité pour abandon en vertu de l’alinéa 18c) de la LMC

[111] Je ne suis pas convaincue que les défendeurs aient établi l’abandon du dessin-marque MILANO. Il y a deux exigences à satisfaire pour démontrer un abandon – premièrement, que la marque de commerce n’est plus employée au Canada, et, deuxièmement, que le propriétaire avait l’intention d’abandonner la marque de commerce : Diageo Canada Inc c Heaven Hill Distilleries, Inc, 2017 CF 571 au para 43.

[112] MPL elle-même n’emploie pas le dessin-marque MILANO en liaison avec des services « Comptoir de mets à emporter avec service de livraison »; elle ne l’a pas fait depuis de nombreuses années. Elle emploie toutefois le dessin-marque MILANO en liaison avec de la sauce à pizza de marque privée. MPL affirme que le pepperoni et le fromage sont également des produits de marque privée; toutefois, je remarque qu’aucune image de l’emballage de ces produits alimentaires n’a été présentée en preuve.

[113] De plus, bien que j’aie conclu à un manque de caractère distinctif en raison d’un contrôle insuffisant des licences, le programme de licences de la demanderesse, aussi imparfait soit-il, n’appuie pas à mon avis l’intention de la demanderesse d’abandonner le dessin-marque MILANO. Je conclus donc que les deux conditions nécessaires pour établir un abandon n’ont pas été satisfaites.

c) Invalidité pour absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’alinéa 18d) de la LMC

[114] Étant donné que j’ai conclu à l’invalidité pour absence de caractère distinctif, la question de savoir si le dessin-marque MILANO était employé en vertu d’une licence à la date de dépôt de la demande d’enregistrement, soit le 6 octobre 1997, ou à la date revendiquée de son premier emploi, soit en mars 1994, n’est en grande partie plus pertinente. Toutefois, je suis d’accord avec la demanderesse pour dire que le paragraphe 17(1) de la LMC empêche les défendeurs d’obtenir gain de cause à l’égard de ce motif d’invalidité.

[115] Je fais remarquer que les éléments de preuve montrent que le restaurant de Baxter a été acquis en 1992 par Marwan et Youssef Kassis, et que ces derniers en ont été propriétaires jusqu’en 1994, lorsqu’ils l’ont vendu à Kamal Ibrahim. Comme l’a observé la juge Mactavish, « Marwan Kassis (l’un des défendeurs reconventionnels) se présente comme le fondateur de l’entreprise de pizzeria Milano » : Jugement sommaire de 2018, précité, au para 13. Il est vrai que Marwan et Youssef Kassis étaient actionnaires de MPL, mais n’indique que leurs intérêts initiaux dans l’entreprise MILANO PIZZERIA ont été transférés à MPL.

[116] À la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin-marque MILANO en 1997, les frères Khorrami possédaient l’établissement Baxter, par l’entremise de leur société à numéro et, comme je l’ai conclu, ils ont été autorisés à employer le dessin-marque MILANO (c’est-à-dire en vertu d’une licence orale) en échange du respect de l’approvisionnement prescrit et du territoire.

[117] De plus, bien que l’acte de vente pour l’achat du restaurant de Baxter par les défendeurs mentionne l’achalandage, il ne mentionne aucun nom commercial, marque de commerce, droit relatif à une marque de commerce ou autre droit de propriété intellectuelle, comme l’a fait remarquer la juge Mactavish : Jugement sommaire de 2018, précité, au para 73. Toutefois, à la lumière du paragraphe 48(1) de la LMC, je ne suis pas disposée à conclure qu’un achalandage est attaché aux marques de commerce. Le paragraphe 48(1) prévoit que les marques de commerce, déposées ou non, sont transférables, soit à l’égard de l’achalandage de l’entreprise, soit isolement. En d’autres termes, le paragraphe 48(1) reconnaît une réalité commerciale voulant qu’une entreprise et son achalandage puissent être vendus à l’égard d’une ou des marques de commerce employées par l’entreprise ou vendus sans égard à des marques de commerce (isolément).

[118] Par conséquent, bien que les défendeurs soient à mon avis les successeurs de l’entreprise exploitée par les frères Khorrami à l’établissement Baxter, je conclus qu’ils ne sont pas les successeurs de droits relatifs aux marques de commerce qui leur permettraient, en vertu du paragraphe 17(1) de la LMC, de contester le droit de la demanderesse à l’égard du dessin-marque MILANO, même si l’enregistrement du dessin-marque MILANO a plus de cinq ans : Havana House Cigar & Tobacco Merchants Ltd c Skyway Cigar Store, 1998 CanLII 7773 (CF) au para 61, mod (sur d’autres aspects) par 1999 CanLII 9100 (CAF).

d) Invalidité parce que la date de premier emploi revendiquée précède la date de constitution en société

[119] Il ne fait aucun doute qu’en vertu de la LMC, dans sa version antérieure au 17 juin 2019, le fait que le premier emploi revendiqué précédait la date de constitution en société aurait été un motif valable pour s’opposer à une demande d’enregistrement d’une marque de commerce, conformément aux alinéas 38(2)a) et 30b). Toutefois, la loi est moins claire quant à la question de savoir si un enregistrement peut être radié en vertu de l’article 18 de la LMC pour ce motif (c’est-à-dire la non-conformité à l’article 30, qui n’est pas mentionnée à l’article 18, contrairement à l’ancien alinéa 38(2)a)).

[120] Quoi qu’il en soit, les défendeurs n’ont pas abordé ou maintenu cette question dans leurs plaidoiries finales. Comme j’ai conclu à l’invalidité pour cause d’absence de caractère distinctif, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de trancher cette question.

e) Un prédécesseur en titre de la société défenderesse a employé le dessin-marque MILANO avant mars 1994

[121] Comme je l’ai conclu ci-dessus, bien que la preuve démontre que 1252106 Canada Inc., à savoir la société à numéro des frères Khorrami, est le prédécesseur de la défenderesse en ce qui concerne l’entreprise exploitée à l’établissement Baxter, je suis d’avis que 1252106 Canada Inc. n’est pas le prédécesseur de toute marque de commerce ou de tout droit relatif à une marque de commerce que les défendeurs allèguent détenir. Je conclus donc qu’il n’est pas non plus nécessaire de trancher cette question.

f) Invalidité en raison de l’absence d’un désistement à l’égard du mot MILANO

[122] Encore une fois, comme j’ai conclu à l’invalidité pour cause d’absence de caractère distinctif, cette question est maintenant théorique. Cela dit, si j’examinais la question, je serais encline à penser que le grief des défendeurs au sujet de l’absence de désistement en l’espèce équivaut à une contestation indirecte non admissible de la conclusion relative à l’enregistrabilité tirée dans le Jugement sommaire de 2018.

[123] À mon avis, les défendeurs n’ont pas précisé clairement le fondement juridique sur lequel ils cherchent à s’appuyer pour obtenir une déclaration d’invalidité de l’enregistrement du dessin-marque MILANO en l’absence d’un désistement à l’égard du mot MILANO ou, subsidiairement, pour obtenir une modification de l’enregistrement du dessin-marque MILANO afin d’y incorporer le désistement. Je conclus que la plainte des défendeurs au sujet de l’absence de désistement à l’égard du mot MILANO semble être fondée sur l’enregistrabilité du dessin-marque MILANO, ce qui n’était pas en litige selon la juge Mactavish. Je remarque qu’aucune des parties n’a interjeté appel du Jugement sommaire de 2018. De plus, les parties au litige, de part et d’autre, devaient « présenter leurs meilleurs arguments » dans leurs requêtes et réponses respectives : Jugement sommaire de 2018, précité, aux para 34-35.

[124] Comme l’a fait remarquer la juge Gleason (alors juge à la Cour fédérale), « [e]n vertu de la règle interdisant aux parties les contestations indirectes, l’ordonnance rendue par un tribunal ayant une compétence concurrente ne doit pas être remise en cause dans une autre instance, si ce n’est par la voie d’appel applicable à l’ordonnance » : Strickland c Canada (Procureur général), 2013 CF 475 au para 43. La Cour suprême définit l’« attaque indirecte » (ou « contestation indirecte ») comme « une attaque dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à l’obtenir l’infirmation, la modification ou l’annulation de l’ordonnance ou du jugement » : Wilson c La Reine, [1983] 2 RCS 594 à la p 599.

[125] Pour ce motif, je conclus qu’il est déplacé que les défendeurs se fondent sur la décision Emall.ca inc (Cheaptickets.ca) c Cheap tickets and travel inc, 2007 CF 243 [Cheap tickets], à l’égard de cette question. La décision Cheap tickets portait sur la question de savoir si les marques de commerce contestées étaient descriptives et, par conséquent, si elles étaient enregistrables.

[126] Pour les motifs susmentionnés, je conclurais que les défendeurs ne pouvaient pas avoir gain de cause à l’égard de cette question.

g) Droits exécutoires à l’égard du dessin-marque MILANO déposé (ou des marques nominales MILANO)

[127] Étant donné que j’ai conclu à l’absence de caractère distinctif, en raison d’un contrôle insuffisant des licences, je conclus que la question de savoir si MPL a des droits exécutoires à l’égard du dessin-marque MILANO déposé (ou des marques nominales MILANO) pour étayer ses allégations selon lesquelles les défendeurs ont contrevenu aux articles 19, 20 ou 22, ou aux alinéas 7b) ou 7c) de la LMC doit recevoir une réponse négative à l’égard de toutes les marques MILANO invoquées par la demanderesse. Le paragraphe 50(1) de la LMC s’applique à toutes les marques de commerce, déposées ou non.

[128] Toutefois, si je n’avais pas pu arriver à cette conclusion, j’aurais considéré que l’emploi continu par les défendeurs du dessin-marque exact MILANO déposé, et par ailleurs valide, après le retrait par MPL de l’autorisation de l’employer (ou en l’absence d’une telle autorisation) constituerait une violation d’au moins les articles 19 et 20 de la LMC. Les éléments de preuve démontrent que le dessin-marque MILANO n’a été retiré du site Web des défendeurs qu’en 2018 et qu’il figure toujours sur une enseigne à l’établissement Baxter. Les défendeurs ont également admis avoir beaucoup employé le dessin-marque MILANO sur leur dernier menu de 2019.

[129] Quoi qu’il en soit, j’ajoute que la question de savoir si le dessin-marque MILANO distingue néanmoins MPL en ce qui a trait aux ingrédients à pizza de marque privée (c’est-à-dire la sauce à pizza, le pepperoni et le fromage), ou, en d’autres termes, aux produits qu’elle vend par l’entremise de Tannis, n’a pas été présentée ou débattue dans la demande de la demanderesse ou la demande reconventionnelle des défendeurs. De plus, aucun élément de preuve n’indique que quiconque autre que MPL vend ces produits. Ce n’est pas une question que je dois trancher et, par conséquent, il ne s’agit pas d’un facteur déterminant dans les présents motifs.

[130] Dans les circonstances, je ne considère pas nécessaire d’examiner les questions B, C, D, E et F énoncées précédemment; il reste donc les questions G et H à examiner, sur lesquelles je me penche tour à tour.

G. Actes et communications de MPL et des particuliers défendeurs reconventionnels

a) MPL et les particuliers défendeurs reconventionnels ont-ils fait des déclarations fausses ou trompeuses tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent, contrairement à l’alinéa 7a) de la LMC?

[131] Je conclus que les défendeurs n’ont pas établi le bien-fondé de leur demande reconventionnelle dans laquelle ils allèguent que MPL et les particuliers défendeurs ont violé l’alinéa 7a) de la LMC.

[132] Les parties ne sont pas en désaccord quant aux éléments requis pour obtenir gain de cause à l’égard d’une demande fondée sur cette disposition, à savoir (1) une déclaration fausse et trompeuse (2) tendant à discréditer l’entreprise, les marchandises ou les services d’un concurrent et (3) causant un préjudice : S & S Industries Inc v Rowell, 1966 CanLII 53 (CSC), [1966] RCS 419 à la p 424.

[133] Toutefois, les défendeurs affirment, dans leur réponse à la défense à la demande reconventionnelle, que les actes trompeurs allégués visés par l’article 7 qu’auraient commis les défendeurs reconventionnels [traduction] « sont indépendants de toute décision concernant la propriété des marques de commerce en cause ». Je ne suis pas d’accord.

[134] Comme je l’ai déjà dit, « [i]l existe une limite constitutionnelle à l’article 7, en ce sens que, à lui seul et en relation seulement avec (maintenant) l’article 55, cette disposition ne serait pas une disposition législative fédérale valide en vertu du paragraphe 91(2) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique; cet article tire sa validité du fait qu’il comprend des dispositions que l’on peut considérer comme un complément des systèmes de réglementation établis par le Parlement dans l’exercice de sa compétence à l’égard des brevets, du droit d’auteur, des marques de commerce et des noms commerciaux » : Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada c CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp, 2020 CF 1191 au para 62, citant MacDonald et al c Vapor Canada Ltd, 1976 CanLII 181 (CSC), [1977] 2 RCS 134 [Vapor] à la p 172.

[135] Dans l’arrêt Vapor, la Cour suprême a ajouté à la page 172 que « [s]i les alinéas de l’art. 7 se limitaient à cela, ils seraient valides ». La Cour suprême a donc conclu que l’alinéa 7e) n’était pas valide (et il a par conséquent été par la suite abrogé) parce qu’il était sans objet en ce qui a trait aux brevets, au droit d’auteur, aux marques de commerce et aux noms commerciaux, une fois les alinéas 7a) à 7d) pris en compte.

[136] En ce qui concerne l’alinéa 7a) de la LMC, la Cour a conclu que, « [p]our que l’alinéa 7a) soit valide, son application doit se limiter à établir une cause d’action se rapportant à des déclarations fausses ou trompeuses faites à propos d’une marque de commerce ou autre droit de propriété intellectuelle appartenant au demandeur » : Canadian Copyright Licensing Agency c Bureau en Gros Ltée, 2008 CF 737 [Canadian Copyright] au para 27. Comme je l’explique ci-dessous à la question H, dans la mesure où les défendeurs fondent cette allégation sur des droits allégués à l’égard des mots MILANO BAXTER, les défendeurs n’ont pas établi qu’ils ont employé les mots MILANO BAXTER comme marque de commerce au sens de l’article 4 de la LMC, ou comme nom commercial en l’espèce.

[137] Les défendeurs renvoient à des échanges de courriels datant du début de 2017 entre la demanderesse et deux fournisseurs concernant l’exécution de commandes en ligne, Just Eat et Uber, ainsi que le témoignage de Chris Bouziotas de Local Media Concepts Inc., faisant affaire sous le nom « menu.ca », à l’appui de leur affirmation selon laquelle la demanderesse (y compris les particuliers défendeurs reconventionnels) a fait des déclarations fausses ou trompeuses tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent, contrairement à l’alinéa 7a) de la LMC.

[138] J’estime que la majorité de l’échange de courriels avec Uber fournit des faits, tandis que l’échange de courriels avec Just Eat n’est pas concluant. Dans les deux cas, le représentant du fournisseur aurait demandé des renseignements au sujet du litige entre MPL et l’établissement Baxter; l’avocat de MPL a répondu à cette demande dans les courriels échangés avec Uber et, dans le cas de Just Eat, Mazen Kassis y a répondu.

[139] En réponse à Uber, l’avocat de MPL a transmis une copie du jugement concernant Milano City Pizza et une copie de la déclaration déposée qui désigne les propriétaires exploitants de l’établissement Baxter en tant que défendeurs, dans laquelle il allègue [traduction] « une violation des droits exclusifs de notre client à l’égard des marques de commerce MILANO PIZZERIA, MILANO PIZZA […] et MILANO PIZZERIA & Dessin […] ». À mon avis, bien qu’elle aille trop loin en affirmant jouir de droits exclusifs à l’égard des marques MILANO PIZZERIA et de MILANO PIZZA dans cette déclaration, la demanderesse détenait néanmoins un enregistrement valide et en vigueur à l’époque pour la marque de commerce MILANO PIZZERIA & Dessin (c’est-à-dire l’enregistrement du dessin-marque MILANO). Par conséquent, conformément à l’article 19 de la LMC, la demanderesse jouissait de droits exclusifs sur sa marque de commerce déposée jusqu’à ce que l’enregistrement ait été déclaré invalide.

[140] En ce qui concerne Just Eat, le représentant a indiqué qu’après avoir parlé avec les parties de part et d’autre, il ne souhaitait pas intervenir avant le règlement du litige. Bien que Mazen Kassis ait affirmé dans sa réponse par courriel [traduction] « nous sommes les propriétaires du nom commercial Milano Pizza », cette affirmation n’est pas non plus inexacte, car le nom de la société est Milano Pizza Ltd. (L’étendue des droits associés à ce nom, Milano Pizza, n’a été abordée qu’à l’audience.) De plus, M. Kassis a terminé sa réponse en indiquant : [traduction] « Bien sûr, je respecterai votre position, mais je vous demanderai seulement de consulter votre service juridique et de voir s’il y a quelque chose qui peut être fait ».

[141] En ce qui concerne M. Bouziotas, il a déclaré en contre-interrogatoire qu’il comprenait que Chadi Wansa était un franchisé qui possédait l’établissement Baxter. Comme je l’ai déjà noté, il s’agit d’une perception dont les défendeurs ont cherché à tirer profit (à savoir qu’ils faisaient partie d’un plus grand groupe ou qu’ils détenaient une franchise). À mon avis, le fait que cela les a désavantagés en ce qui a trait à leur relation avec menu.ca n’indique pas une violation de l’alinéa 7a) de la LMC. Mis à part la déclaration de M. Bouziotas selon laquelle il a découvert le litige et que Mazen Kassis lui a demandé de retirer l’établissement Baxter de la plateforme, ce qu’il a fait, je conclus que le témoignage de M. Bouziotas dans l’ensemble est insuffisant pour étayer l’allégation des défendeurs fondée sur l’alinéa 7a) de la LMC.

[142] Les défendeurs ont également mentionné les actes et les communications de la demanderesse au sujet de l’ouverture de l’établissement Baseline en 2016 décrits ci-dessus. Bien que je sois disposée à conclure que l’établissement Baxter est en cause dans les communications de MPL en raison d’une lettre et d’un menu qui mentionnent la question sans réponse concernant la raison pour laquelle un autre établissement allait être ouvert dans la région, je ne suis pas convaincue que cela équivaut à un renvoi à une marque de commerce, comme l’exige la décision Canadian Copyright, à savoir un renvoi à la marque de commerce MILANO BAXTER invoquée. En termes simples, les défendeurs n’ont pas établi qu’ils ont employé les mots MILANO BAXTER comme marque de commerce.

[143] Je conclus donc que la demande reconventionnelle des défendeurs fondée sur l’alinéa 7a) de la LMC ne peut pas être accueillie.

b) MPL et les particuliers défendeurs reconventionnels ont-ils appelé l’attention du public sur leurs produits, services ou affaires de façon à causer ou à causer vraisemblablement de la confusion avec ceux des défendeurs, contrairement à l’alinéa 7b) de la LMC?

[144] Je ne suis pas convaincue que les défendeurs puissent obtenir gain de cause à l’égard de ce motif parce que, de la façon dont ils l’ont formulé, il est incompatible avec leur position selon laquelle l’enregistrement du dessin-marque MILANO est invalide pour cause d’absence de caractère distinctif. Plus important encore, jusqu’à ce que l’enregistrement du dessin-marque MILANO soit invalidé par la Cour, l’emploi du dessin-marque MILANO déposé constituait une défense absolue à l’encontre d’une action en commercialisation trompeuse : Remo Imports Ltd c Jaguar Cars Ltd, 2007 CAF 258 au para 111; Jugement sommaire de 2018, précité, au para 133; TFI Foods Ltd c Every Green International Inc, 2021 CF 241 au para 35.

[145] Sans tenir compte de ce dernier principe pour l’instant, selon la Cour suprême, les trois éléments requis pour établir la commercialisation trompeuse sont l’achalandage, de fausses déclarations (qui entraînent une tromperie) et des dommages réels ou éventuels : Ciba-Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, 1992 CanLII 33 (CSC), [1992] 3 RCS 120 [Ciba-Geigy] à la p 132. La Cour suprême a également conclu que « la [Loi sur les marques de commerce] crée un régime applicable à la fois aux marques de commerce déposées et aux marques de commerce non déposées[;] […] [e]n raison de son caractère véritable, l’al. 7b) se trouve ainsi directement lié à la protection des marques de commerce et des noms commerciaux au Canada : le recours civil prévu à l’al. 7b) protège l’achalandage rattaché aux marques de commerce et a pour objet d’empêcher que l’emploi de marques de commerce sème la confusion » [italiques dans l’original] : Kirkbi AG c Gestions Ritvik Inc, 2005 CSC 65 au para 35.

[146] Les défendeurs affirment qu’en l’absence d’une entente écrite ou orale contraignante avec MPL, leur emploi des mots MILANO PIZZERIA et du dessin-marque MILANO doit profiter à leur secteur d’activité. Ils ne citent aucune jurisprudence qui permettrait à la Cour d’admettre qu’en raison d’une conclusion d’absence de caractère distinctif, le dessin‑marque MILANO demeure néanmoins distinctif dans une partie de la ville d’Ottawa, y compris dans les régions avoisinantes, où il y a plus de trente établissements MILANO PIZZERIA qui appartiennent et sont exploités par de différentes personnes, sans parler de l’établissement PIZZERIA MILANO de l’autre côté de la rivière des Outaouais.

[147] De plus, la commande en ligne signifie que rien ne restreint la livraison à une partie de la ville seulement, comme M. Wansa en a témoigné, et les éléments de preuve démontrent que les défendeurs ont livré des mets ou exécuté des commandes à l’extérieur de leur territoire. La commande en ligne facilite également le placement des commandes par des clients qui se trouvent partout dans la ville et qui ensuite récupèrent les mets commandés. Dans les circonstances, je ne suis pas convaincue que le nom MILANO PIZZERIA et le dessin-marque MILANO distinguent l’établissement Baxter dans cette région seulement, le cas échéant. De plus, selon les défendeurs, il n’y a aucun territoire défini. Comme l’a souligné Mazen Kassis dans son échange de courriels avec le représentant de Just Eat au début de 2017, les licenciés de MPL [traduction] « doivent respecter les limites territoriales, alors que l’établissement [Baxter] […] n’en a aucune ».

[148] La conséquence logique d’une absence de contrôle des licences depuis tant d’années est que les noms MILANO PIZZERIA et MILANO PIZZA, et le dessin-marque MILANO ne distinguent personne, du moins en liaison avec les services « Comptoir de mets à emporter avec service de livraison ». Les questions de savoir si le dessin-marque MILANO est distinctif en liaison avec des ingrédients à pizza de marque et si le nouveau dessin-marque MILANO dans son ensemble distingue les défendeurs sont des questions différentes qui ne sont toujours pas tranchées à l’heure actuelle.

[149] De plus, à mon avis, dans la mesure où la demande reconventionnelle des défendeurs s’appuie sur une allégation d’existence de droits à l’égard des mots MILANO BAXTER, elle ne peut pas non plus être accueillie pour ce motif en raison du défaut des défendeurs d’établir l’emploi de ce terme comme marque de commerce, voire comme nom commercial. Les éléments de preuve montrent que, au moment où l’établissement Baxter a été retiré du site Web et du système de commande en ligne en février 2016, il figurait parmi les [traduction] « établissement MILANO » sous la désignation [traduction] « Baxter – Ottawa-Ouest ». À une époque où Chadi Wansa contrôlait le site Web, l’établissement Baxter était répertorié sous la désignation [traduction] « Ottawa-Ouest – Baxter & Iris ». Plus important encore, aucun élément de preuve direct provenant de clients de l’établissement de Baxter n’indique qu’ils connaissaient l’entreprise sous le nom MILANO BAXTER ou qu’ils l’appelaient ainsi. Le fait que l’établissement Baseline était désigné sur le site Web sous l’appellation « Milano Baxter – Iris Cobden » après le retrait de l’établissement Baxter est expliqué par le témoignage de Mazen Kassis, qui affirmait qu’il s’agit d’une description de la région desservie par ce restaurant.

[150] J’en conclus donc que les défendeurs n’ont pas établi les premier et deuxième éléments du critère de la commercialisation trompeuse énoncé par la Cour suprême dans l’arrêt Ciba-Geigy.

c) MPL et les particuliers défendeurs reconventionnels ont-ils fait passer leurs produits ou services pour ceux qui ont été commandés ou demandés, contrairement à l’alinéa 7c) de la LMC?

[151] Pour les mêmes motifs, je suis convaincue que les défendeurs ne peuvent pas non plus obtenir gain de cause à l’égard du deuxième motif relatif à la commercialisation trompeuse. Par exemple, les défendeurs soutiennent qu’ils jouissent d’une excellente réputation auprès de leurs clients de longue date. Pourtant, il n’y a aucun élément de preuve direct provenant des clients des défendeurs, encore moins de clients de longue date, à l’appui de cette affirmation. Les défendeurs mentionnent également des [traduction] « activités régulières répétées » de leurs clients, sans élément de preuve à l’appui. En d’autres termes, les défendeurs ne peuvent faire état d’aucun élément de preuve direct provenant de clients ou d’autres personnes et démontrant que « la présentation de [leur] produit a acquis une notoriété ou une réputation propres dans l’esprit du public de telle sorte que ce dernier identifie la présentation [aux défendeurs] » : Searle Canada Inc c Novopharm Limitée, 1994 CanLII 3502 (CAF), [1994] 3 CF 603.

d) MPL et les particuliers défendeurs reconventionnels ont-ils employé, en liaison avec des produits ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde leur origine géographique, contrairement au sous-alinéa 7d)(ii) de la LMC?

[152] Dans la mesure où la plainte présentée par les défendeurs en vertu du sous-alinéa 7d)(ii) de la LMC est fondée sur l’emploi des mots « Milano Baxter - Iris Cobden » pour identifier l’établissement Baseline sur le site Web milanopizza.ca après le retrait de l’établissement Baxter, je ne suis pas convaincue que cela représente une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde l’origine géographique des produits ou services applicables, et ce, pour plusieurs motifs.

[153] Premièrement, les défendeurs n’ont pas établi l’existence d’un achalandage ou d’une réputation à l’égard des mots « Milano Baxter » parce qu’ils n’ont pas employé le terme lui‑même comme marque de commerce en vertu de l’article 4 de la LMC ou comme nom commercial.

[154] Deuxièmement, l’adresse municipale de l’établissement Baseline est indiquée immédiatement sous la mention de « Milano Baxter – Iris Cobden ». Tous les établissements MILANO PIZZERIA sont désignés de cette façon, c’est-à-dire avec la mention de l’établissement en caractères gras, suivie de l’adresse municipale de l’établissement concerné. La première mention de l’établissement Baseline dans la liste des établissements MILANO PIZZERIA est signalée par les mots [traduction] « Baseline et Greenbank », sous lesquels figure l’adresse municipale de l’établissement. En augmentant la résolution de la carte, déposée en preuve, du territoire ou de la zone d’exploitation de l’établissement Baxter, je peux voir que Greenbank et Cobden croisent Baseline, tandis que Baxter et Iris sont des rues voisines.

[155] J’accepte donc la preuve présentée par la demanderesse, au moyen du témoignage de Mazen Kassis, selon laquelle les mots « Milano Baxter – Iris Cobden » décrivent la région desservie par l’établissement Baseline. Je ne conclus pas qu’il s’agit d’une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel.

H. Les défendeurs ont-ils employé la marque de commerce MILANO BAXTER et acquis une réputation ou un achalandage à l’égard de cette marque?

[156] Je conclus qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir que les défendeurs ont employé les mots MILANO BAXTER comme marque de commerce, et, par conséquent, je conclus également qu’ils n’ont acquis aucun achalandage ou réputation à l’égard de cette marque de commerce invoquée.

[157] Les écritures du grand livre général déposé en preuve identifient la défenderesse comme étant « 6034799 Canada Inc. (Milano Pizzeria – Baxter) ». À mon avis, la mention de « Baxter » vise à identifier cet établissement MILANO PIZZERIA particulier auquel se rapportent les écritures du grand livre général. Il n’y a aucun emploi des mots MILANO BAXTER en soi dans les entrées, et, de toute façon, il ne serait pas employé comme marque de commerce en liaison avec des produits ou services au sens de l’article 4 de la LMC.

[158] Une capture d’écran archivée du site Web à l’adresse http://www.milanopizzeria.ca/, datant du 6 janvier 2010, montre l’inscription d’un établissement à Ottawa sous les mots « Ottawa-Ouest – Baxter & Iris ». Encore une fois, il ne s’agit pas d’un emploi de la marque MILANO BAXTER en soi, et, au mieux, il s’agit d’une désignation de l’emplacement de l’établissement MILANO PIZZERIA (c’est-à-dire à l’intersection des rues Baxter et Iris, ou à proximité de celles-ci, dans l’ouest d’Ottawa), et non de l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des produits ou services au sens de l’article 4 de la LMC.

[159] Les défendeurs se plaignent de l’entrée en double, dans le site Web archivé à l’adresse http://order.milanopizzeria.ca/, en date du 18 août 2018, pour l’établissement MILANO PIZZERIA situé au 2529, chemin Baseline, à Ottawa, l’un sous le titre [traduction] « Baseline et Greenbank » et l’autre sous le titre « Milano Baxter – Iris Cobden ». Toutefois, les défendeurs n’ont pas établi qu’ils emploient les mots MILANO BAXTER comme marque de commerce au sens de l’article 4 de la LMC ou comme nom commercial. Il n’y a aucun élément de preuve direct démontrant que les défendeurs emploient les mots MILANO BAXTER comme marque de commerce ou nom commercial, ou que ces mots jouissent d’une telle réputation auprès des clients de l’établissement Baxter ou d’autres membres du public qui pourraient connaître l’entreprise des défendeurs.

VIII. Conclusions

[160] Pour les motifs susmentionnés, l’action de la demanderesse est rejetée. Bien que les défendeurs obtiennent gain de cause à l’égard de leur demande reconventionnelle contestant la validité de l’enregistrement du dessin-marque MILANO pour cause d’absence de caractère distinctif au titre de l’alinéa 18(1)b) de la LMC, les autres aspects de leur demande reconventionnelle sont rejetés. Dans ces conditions, je conclus que la question des dommages-intérêts est théorique.

[161] J’ajoute que, quoi qu’il en soit, la demande de dommages-intérêts des défendeurs pour les dommages énumérés subis en raison du retrait de ces derniers du système de commande en ligne, décrit ci-dessus, ne relève pas de « l’exercice d’une compétence fédérale valide conférée à la Cour fédérale » : Salt Canada Inc c Baker, 2020 CAF 127 (CanLII) au para 24, [2020] 4 RCF 279. En d’autres termes, dans la mesure où les défendeurs invoquent un manquement à un contrat (c’est-à-dire l’entente de la demanderesse de retirer en aucun cas les défendeurs du site Web milanopizzeria.ca en échange du transfert du nom de domaine) comme fondement de leur demande reconventionnelle, l’allégation de manquement à un contrat ne relève pas à mon avis de la compétence de la Cour.

IX. Dépens

[162] Les parties de part et d’autre ont déposé un mémoire de dépens visant toutes les procédures jusqu’à la fin de l’instance, y compris leurs requêtes en jugement sommaire, à l’égard desquelles la juge Mactavish a statué que des dépens seraient adjugés suivant l’issue de la cause. Compte tenu des principes généraux en matière de dépens exposés ci‑dessous, et pour les motifs suivants, je conclus que la demanderesse et les défendeurs reconventionnels doivent payer aux défendeurs et demandeurs reconventionnels, en tant que parties ayant obtenu gain de cause, des dépens d’une somme globale de 104 848,10 $, laquelle comprend le montant applicable de la taxe de vente harmonisée [TVH] et des débours raisonnables.

[163] Le juge en chef Crampton a récemment énoncé en détail les principes généraux en matière de dépens dans la décision Allergan Inc c Sandoz Canada Inc, 2021 CF 186 [Allergan] aux para 19-36. En voici un résumé :

  • - Indemnisation des parties qui ont obtenu gain de cause, même si elles n’ont pas obtenu gain de cause à l’égard de tous les arguments présentés, sauf dans les cas de succès partagé ou de succès partiel (toutefois, le succès à l’égard de certains motifs d’invalidité seulement ne constitue pas un succès partagé ou un succès partiel);

  • - sanction des comportements qui prolongent la durée de l’instance et en augmentent les coûts, ou qui sont par ailleurs déraisonnables ou vexatoires;

  • - le fait que la Cour a le large pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens et de les répartir, conformément au paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les RCF];

  • - fixation des dépens en se reportant au tarif B (le niveau par défaut étant le milieu de la fourchette de la colonne III) ou adjuger une somme globale, conformément au paragraphe 400(4) et à l’article 407 des RCF;

  • - adjudication d’une somme globale en commençant au milieu de la fourchette de 25 % à 50 % pour une procédure de brevet de médicament complexe, ou au bas de cette fourchette pour d’autres affaires, et en évaluant les facteurs mentionnés au paragraphe 400(3) des RCF pour déterminer si un montant plus élevé est justifié (conformément à Seedlings Life Science Ventures, LLC c Pfizer Canada SRI, 2020 CF 5 au para 22);

  • - inclusion des débours dans leur totalité, à condition qu’ils soient raisonnables.

[164] Les défendeurs ne m’ont pas convaincue que les dépens avocat-client sont justifiés en l’espèce, ni que la conduite de la demanderesse et des défendeurs reconventionnels était « si malveillante, opprimante et abusive qu’elle choque le sens de dignité du juge », justifiant ainsi l’octroi de dommages-intérêts punitifs : Bauer Hockey Corp c Sport Maska Inc (Reebok-CCM Hockey), 2014 CAF 158 au para 19.

[165] Le fait que la Cour ait exigé que la demanderesse adopte une certaine conduite dans une procédure connexe, mais distincte (c’est-à-dire dans le cadre de l’affaire de Milano City Pizza dont il a été question ci-dessus) n’est pas un facteur, à mon avis, qui justifie une conclusion de « conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante » et, par conséquent, des sanctions sous forme de dépens, dans la présente action. Tant que la Cour ne juge pas l’enregistrement du dessin-marque MILANO invalide pour cause d’absence de contrôle des licences, la demanderesse est en droit de demander des mesures d’exécution légale.

[166] De plus, je ne suis pas convaincue que le comportement de la demanderesse dans la présente affaire a indûment prolongé l’instance ou l’a rendu plus complexe que nécessaire dans les circonstances. Comme l’ont fait remarquer les défendeurs, ils ont soulevé dans leur demande reconventionnelle de multiples motifs d’invalidité de l’enregistrement du dessin-marque MILANO, qui s’ajoutent à plusieurs allégations fondées sur l’article 7 formulées par les parties de part et d’autre. Cela dit, je conclus que la présente affaire était une action en usurpation de marque de commerce relativement complexe, dans laquelle les parties de part et d’autre ont soulevé plusieurs allégations interdépendantes.

[167] J’ai examiné le mémoire des dépens des défendeurs et demandeurs reconventionnels. Il propose trois montants possibles : le premier est fondé sur une combinaison du milieu de la colonne III et du maximum de la colonne V du tarif B; le deuxième est fondé sur 50 % des dépens réels; et le troisième est fondé sur la totalité des dépens réels. J’ai observé des écarts dans les montants totaux des colonnes des dépens réels, mais aucun ne semble modifier les totaux de plus de 1 000 $.

[168] Je fais observer qu’un mémoire de dépens ne devrait pas, en règle générale, présenter un exercice comptable à la Cour. De plus, lorsqu’un mémoire de dépens est divisé en sous-ensembles, comme « actes de procédure et communications de documents », « interrogatoire préalable » et « procédures précédant l’instruction », des sous‑totaux devraient être fournis pour aider la Cour.

[169] Compte tenu de l’exposé ci-dessus sur les dépens, je suis convaincue que des dépens d’une somme globale de 104 848,10 $, payable par la demanderesse et les défendeurs reconventionnels, sont justifiés dans les circonstances de l’espèce. Ce montant représente 30 % (89 794,35 $, qui sont des honoraires raisonnables) de la totalité des dépens réels estimés des défendeurs pour l’ensemble de l’instance, y compris la requête en jugement sommaire, plus la TVH (89 794,35 $ x 0,13 = 11 673,27 $ (arrondi)) et des débours raisonnables (3 380,48 $).


JUGEMENT dans le dossier T-152-17

LA COUR DÉCLARE ET ORDONNE que :

  1. l’action de la demanderesse, modifiée le 8 janvier 2021, est rejetée;

  2. l’enregistrement no LMC571,144 de la marque de commerce MILANO PIZZERIA & Dessin daté du 22 novembre 2002 en liaison avec des de services « Comptoir de mets à emporter avec service de livraison » est invalide et doit être radié du registre des marques de commerce, conformément à l’alinéa 18(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13;

  3. à tous les autres égards, la demande reconventionnelle des défendeurs et demandeurs reconventionnels, modifiée le 5 janvier 2021, est rejetée;

  4. la demanderesse et les défendeurs reconventionnels sont condamnés à verser une somme globale de 104 848,10 $ au titre des dépens aux défendeurs et demandeurs reconventionnels;

  5. aucuns dommages-intérêts distincts ne sont adjugés; la question des dommages‑intérêts est théorique.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


Annexe A : Résumé des témoignages présentés par les parties à l’audience

Témoins de la demanderesse et des défendeurs reconventionnels

Mazen Kassis

Mazen Kassis a témoigné deux fois à l’audience : d’abord au nom de la demanderesse, puis au nom des défendeurs reconventionnels. M. Kassis a confirmé qu’il est président de Milano Pizza Ltd. [MPL] depuis 2013. Il a déclaré que MPL est une entreprise de délivrance de licences établie à Ottawa qui existe dans la région depuis 40 ans et qui avait 38 licenciés au moment de l’audience.

M. Kassis a affirmé que sa famille a fondé l’entreprise de pizzas en 1973 et que tous ses frères et sœurs et lui sont ensuite devenus propriétaires de leurs propres entreprises de pizzas. M. Kassis a déclaré que son frère, Marwan, a possédé le premier établissement Milano Pizzeria et que lui, Mazen, avait participé aux activités de Milano Pizza en 1998 en vendant sa pizzeria et en achetant des actions de MPL. Ils cherchaient à étendre l’entreprise à de nouveaux établissements, chacun nommé « Milano Pizzeria ». Il a ajouté que ces établissements n’appartenaient pas à MPL, mais plutôt à des exploitants individuels qui acceptaient certaines conditions en échange de l’autorisation d’employer le nom et la marque MILANO, y compris en achetant des produits et en concluant des ententes territoriales.

Le dessin-marque MILANO a toujours été le même, dans sa présentation générale, pour autant qu’il se souvienne. Il a déclaré que la plupart des licenciés provenaient de leur groupe d’exploitants, c’est-à-dire qu’il s’agit d’anciens employés. La formation des licenciés n’a jamais été officiellement obligatoire.

Il a ajouté que les contrats de licence ne sont pas toujours écrits, mais qu’ils ont été acceptés oralement et qu’ils sont conformes aux règles (c’est-à-dire l’approvisionnement auprès de distributeurs et de fournisseurs particuliers, y compris pour les produits de marque comme la sauce à pizza, ainsi que le respect du menu, dans une certaine mesure, et du territoire). M. Kassis a expliqué que des copies des contrats de licence, qui étaient conservées par Marwan Kassis à l’époque, son frère maintenant décédé et fondateur de Milano Pizza, avaient été perdues à la suite d’une inondation en 2004 ou en 2005. M. Kassis a également expliqué que les licenciés doivent acheter certains articles de marque MILANO, y compris des boîtes à pizza, du fromage, des poivrons et de la sauce à pizza, qui sont essentiels à leur marque. La sauce est une sauce créée pour Milano Pizza et tous les licenciés sont tenus d’utiliser cette sauce de marque MILANO depuis plus de 20 ans.

M. Kassis a reconnu que certains des contrats de licence ont été signés en 2017, après le début de l’instance contre M. Wansa. Il a déclaré plus tard qu’il croyait que MPL aurait approuvé la vente de l’établissement Baxter aux licenciés sous certaines conditions et qu’un contrat de licence avait été conclu avec les acheteurs, mais qu’il ne les avait pas rencontrés pour qu’ils signent le contrat. Il a ajouté qu’ils avaient versé des redevances jusqu’en avril ou mai 2006. L’établissement Montréal a également payé des redevances.

M. Kassis a également témoigné au sujet des contrats de licence de MPL. Il a déclaré qu’il s’agit d’une entreprise évolutive et que les licenciés s’associent à Milano parce qu’ils peuvent conclure des contrats de licence souples assortis de peu d’exigences. Parfois, les licenciés ne se conforment pas au contrat de licence, mais il y a une entente, une explication à cela. Il a confirmé qu’il n’y a aucun uniforme. Les ajouts au menu sont tolérés (comme Kemptville Pizza ou Manotick Special); ils n’ont aucune incidence sur la présentation globale du menu ou la marque plus générale de la société. Il y a un contrôle de la qualité peu rigoureux par l’entremise du fournisseur ou du représentant du distributeur, des clients et des licenciés. M. Kassis a admis que le service dans un territoire est hors de son contrôle une fois qu’un territoire est attribué et, de plus, que le territoire pourrait être mal desservi si le licencié n’ouvre pas un deuxième établissement lorsqu’il est invité à le faire. Il a déclaré que même si MPL encourage des prix plus élevés, ceux-ci ne sont ni imposés ni uniformes. De plus, MPL n’effectue aucune vérification des ventes; elle se fonde seulement sur son expérience.

Christos Bouziotas

Christos Bouziotas a confirmé qu’il travaille pour menu.ca (Local Media Concepts Inc.); cette entreprise fournit à des restaurants le logiciel et le mécanisme nécessaires pour pouvoir accepter les commandes en ligne. Il a déclaré que l’entreprise a commencé à travailler pour Chadi Wansa en mettant en place une plateforme de commande en ligne et en installant du matériel dans son établissement afin qu’il puisse recevoir des commandes en ligne.

Après que M. Bouziotas a été présenté à Mazen Kassis, l’entreprise a commencé à travailler avec lui. Selon M. Bouziotas, il était clair dès le début que Mazen était le responsable, ou qu’il était le franchiseur, pour autant que M. Bouziotas le sache, et qu’il était responsable de tous les établissements Milano et que c’était son site Web (c’est-à-dire milanopizzeria.ca). M. Bouziotas a expliqué que tout le monde, y compris Chadi, présentait M. Kassis comme étant le franchiseur. Il a déclaré qu’après avoir commencé à travailler avec M. Kassis, les communications avec M. Wansa sont devenues très limitées.

M. Bouziotas a affirmé que, à sa connaissance, le domaine milanopizzeria.ca n’a jamais été transféré à M. Kassis par M. Wansa et renvoie à des courriels à l’appui de cette déclaration. M. Bouziotas a déclaré qu’il avait trouvé étrange que M. Wansa n’ait pas transféré le domaine parce qu’il avait promis de le faire et qu’il avait l’impression qu’il y avait un litige entre les parties. Toutefois, M. Bouziotas a déclaré par la suite que Milano Pizza avait fini par acquérir le domaine par l’intermédiaire d’un service de domaine.

Rabah Abou Hassan

Rabah Abou Hassan a confirmé qu’il possède l’établissement Milano Pizzeria situé au 1078, chemin Merivale, à Ottawa [l’établissement Merivale] depuis 2012 et qu’il l’avait géré pendant quatre ans avant de l’acheter. Il a déclaré qu’il a toujours employé le nom MILANO PIZZERIA, et que le restaurant est là depuis 40 ou 42 ans. C’est le principal établissement Milano Pizzeria.

M. Hassan a ajouté qu’il possède une franchise ayant son propre territoire et que personne (d’autres exploitants d’établissements Milano Pizzeria) n’est autorisé à l’exploiter. Il a déclaré qu’il avait l’autorisation d’employer la marque de commerce et le nom MILANO PIZZERIA, et que les conditions de cette autorisation comprenaient l’achat de fournitures auprès de Tannis et de Pepsi. M. Hassan a confirmé qu’à part l’achat de fournitures, il contrôle la gestion de l’établissement Merivale, y compris les mets qu’il prépare, ainsi que les recettes qu’il utilise et les livreurs. Il a également indiqué qu’il contrôlait la publicité, mais qu’il s’était joint à des initiatives conjointes avec M. Kassis et d’autres établissements.

Mohammed Toufaely

Mohammed Toufaely a confirmé qu’il possède un établissement Milano Pizzeria à Richmond, en Ontario [l’établissement Richmond]. L’établissement portait un autre nom lorsqu’il l’a acheté en 1996, et est devenu Milano’s en 1998. M. Toufaely comprend qu’il a l’autorisation d’employer le nom et le logo MILANO PIZZERIA tant qu’il achète des fournitures auprès de Tannis. Il a confirmé qu’il n’avait conclu aucun contrat de licence écrit en 1998, mais qu’il avait signé un contrat avec MPL [traduction] « quelques années plus tôt », qui énonçait des conditions semblables. Il a déclaré qu’il n’avait jamais eu de problèmes avec MPL.

M. Toufaely a également affirmé qu’il n’avait pas parlé à un avocat avant de signer le contrat de licence (en septembre 2013) avec MPL et qu’il considérait la clause selon laquelle MPL est propriétaire de la marque de commerce comme une clause importante du contrat. Il a ajouté que lui et Mazen Kassis avaient défini le territoire de son restaurant. Il a également déclaré qu’il contrôle le territoire (son consentement est requis pour qu’une autre licence soit délivrée sur son territoire) et les recettes qu’il utilise, et qu’il prépare certaines recettes et contrôle la livraison, la formation, l’embauche et le service à la clientèle.

Abed el Hadi Zawawi

Abed el Hadi Zawawi a confirmé qu’il est propriétaire d’un établissement MILANO PIZZERIA situé au 3848, chemin Innes, à Orléans [le restaurant d’Orléans], qu’il exploite depuis 12 ans. Il a déclaré que l’entreprise est une franchise appartenant à la famille Kassis, et que la franchise est propriétaire du nom « Milano », qu’il est autorisé à l’employer tant qu’il achète des fournitures auprès de Tannis et de Pepsi. Il considère que son entreprise est exploitée sous la [traduction] « franchise Milano » et que son entreprise ne porte pas le nom. M. Zawawi a déclaré qu’il n’avait pas signé de contrat de licence immédiatement, mais seulement après avoir commencé à exploiter l’établissement. Rien n’a changé après la signature du contrat.

M. Zawawi a déclaré qu’il n’avait pas demandé à un avocat d’examiner le contrat de septembre 2013 et qu’il comprenait que MPL possède la marque de commerce MILANO. M. Zawawi a également affirmé que son restaurant a son propre territoire et que celui-ci avait été attribué par Mazen Kassis. Ils avaient convenu du territoire lorsque l’établissement de M. Zawawi, le deuxième établissement de la région, a ouvert ses portes parce que le premier existait depuis près de 30 ans. Il a ajouté qu’il contrôle les services de livraison, le service à la clientèle, la formation du personnel et certains aspects de la commercialisation et de la publicité (dépliants) sur son territoire.

Témoins des défendeurs et demandeurs reconventionnels

Chadi Wansa

Chadi Wansa, ainsi que ses partenaires – son cousin, Youssef Zaher, et son oncle, Yousef Nassar –, possèdent et exploitent un établissement Milano Pizzeria situé sur le chemin Baxter, à Ottawa [l’établissement Baxter], par l’entremise de la société défenderesse, 60434799 Canada Inc. Ils ont acquis l’entreprise, y compris des actifs et un achalandage, auprès de Vahid Khorrami qui, avec son frère Farid Khorrami, possédait l’entreprise à cet endroit par l’entremise de 1252106 Canada Inc. Selon M. Wansa, aucune recherche d’autorisation de marque de commerce n’a été effectuée au moment de l’achat de l’entreprise. Bien que M. Wansa ait témoigné qu’il n’avait pas communiqué avec Marwan Kassis au sujet de l’acquisition d’un établissement Milano, il s’est souvenu d’avoir parlé avec Vahid Khorrami. M. Wansa s’est également souvenu que Mazen Kassis lui avait expliqué l’entente d’achat : [traduction] « Il est comme, vous savez, je négocie en votre nom, j’obtiens la meilleure entente et ensuite je prends ma part, vous savez ».

M. Wansa a déclaré que les trois partenaires ont participé à différents aspects de la gestion de l’entreprise. Il a expliqué qu’ils décidaient des ingrédients, des menus, de la décoration, de la publicité, de la façon dont ils se présentaient, du processus d’embauche, de la formation des employés et de la livraison, sans que des limites soient imposées. M. Wansa a également expliqué que les établissements Milano collaborent aux efforts de commercialisation et qu’ils ont formé une coopérative plus ou moins structurée pour financer les campagnes de commercialisation des achats conjoints auprès des fournisseurs.

M. Wansa a donné un aperçu du litige opposant l’établissement Baxter et Mazen Kassis, y compris des questions entourant l’inscription sur le site Web et la commande en ligne. Il a expliqué qu’il avait acquis le domaine milanopizzeria.ca en 2003 et qu’il avait payé un concepteur Web 4 000 $ pour créer le site Web. M. Wansa a déclaré qu’il contrôlait entièrement le site Web et qu’au départ, il s’agissait de la seule publicité de l’établissement sur le site Web. Environ neuf établissements ont été ajoutés par la suite.

Quand Just Eat est arrivé en 2010 avec une plateforme de commande en ligne, M. Wansa s’est lancé dans l’aventure. Il a déclaré que MPL n’avait émis aucun commentaire. M. Wansa a expliqué que lorsque Skip the Dishes est arrivé en 2012, les trois partenaires ont décidé d’y adhérer aussi, puis plus tard à Uber Eats. La commande en ligne est devenue un élément essentiel de leur entreprise, représentant environ 25 % de leurs commandes. Il a souligné qu’avec la commande en ligne, il n’y avait aucune restriction quant à la zone de livraison.

Avant le litige, M. Wansa entretenait une relation amicale avec M. Kassis. De 2002 à 2013, il n’y a eu aucune mention des marques de commerce. M. Wansa a affirmé qu’après que Mazen Kassis est devenu président de MPL en 2013, ils ont discuté du transfert du domaine milanopizzeria.ca à M. Kassis. Il a déclaré qu’il avait des réserves à ce sujet, mais qu’il a décidé d’aller de l’avant avec le plan une fois que M. Kassis a accepté de ne pas retirer l’établissement Baxter du site Web, pour quelque raison que ce soit, sans son consentement. M. Wansa a précisé qu’il est resté administrateur du compte du domaine, à la demande de M. Kassis, jusqu’à son retrait.

L’établissement Baxter a d’abord été retiré du site Web et du système de commande en ligne le 15 novembre 2015 en raison de son refus de commander une certaine taille de Pepsi, puis, de nouveau, de façon permanente, en février 2016 en raison de son refus de commander des boîtes à pizza. M. Wansa a déclaré que peu de temps après le retrait de l’établissement Baxter du site Web, M. Kassis a commencé à commercialiser un nouvel établissement Milano situé sur le chemin Baseline [l’établissement Baseline], à proximité de l’établissement Baxter. M. Wansa a déclaré que les ventes en ligne ont diminué après le retrait du restaurant de Baxter du site Web, et que les clients ont exprimé leur confusion à l’égard de l’ouverture du nouveau restaurant – certains croyaient que l’établissement Baxter avait fermé ou était sur le point de fermer. Il a ajouté qu’il avait trouvé des messages commandités sur Facebook faisant la publicité de cet établissement.

M. Wansa a dit qu’il était au courant de l’existence d’un établissement Milano Pizzeria situé dans le secteur de Masson-Angers à Gatineau, au Québec. Il a déclaré qu’il l’avait visité à deux reprises et il a fait remarquer que l’établissement utilisait un logo différent du logo de Milano Pizza Ltd.

En contre-interrogatoire, M. Wansa a déclaré que Vahid Khorrami a expliqué que les établissements Milano collaborent aux efforts de commercialisation et qu’ils ont formé une coopérative plus ou moins structurée. Il a affirmé que, de son point de vue, cette structure avait toujours été en place. Il a expliqué qu’un établissement Milano rejoint la coopérative en acceptant de participer à une campagne de commercialisation. Selon M. Wansa, M. Khorrami lui avait indiqué que l’achat de fournitures auprès de Tannis permettait à MPL de récupérer une commission occulte qui sert à financier des campagnes de commercialisation pour les établissements. M. Wansa a déclaré qu’il avait payé des frais mensuels de 500 $ à MPL, qui, dans son livre comptable, étaient des redevances servant à la commercialisation.

M. Wansa a déclaré qu’il ne se considérait pas comme un licencié et qu’il n’avait pas de contrat pour son établissement. Il a reconnu la signature de Marwan Kassis sur une carte du territoire de l’établissement Baxter. Selon ses dires, il était libre de fixer les prix à son établissement. Il a déclaré que d’autres établissements contrôlaient leurs prix au moyen de leurs menus, qui figurent également sur le site Web milanopizzeria.ca.

M. Wansa s’est dit d’avis que la perception selon laquelle Milano était une franchise était bénéfique.

Yousef Nassar

Youssef Nassar a déclaré qu’il a été approché par le mari de sa nièce, Mahmoud Tabaja, au sujet de l’achat d’un établissement Milano Pizzeria à Russell, en Ontario. Il a acheté les actifs de l’entreprise au début des années 2000, et il a exploité cette entreprise à titre de propriétaire unique.

En 2002, M. Nassar, avec ses partenaires commerciaux Chadi Wansa et Youssef Zaher, a acheté l’établissement Baxter des anciens propriétaires, Vahid et Farid Khorrami. M. Nassar a déclaré que MPL avait participé à la location du bâtiment, mais pas à l’achat de l’entreprise elle-même. De plus, il n’y avait aucun contrat de licence ou renvoi aux marques de commerce lorsqu’ils ont acheté l’entreprise. Toutefois, M. Nassar a déclaré que l’établissement Baxter effectuait des paiements mensuels à MPL pour la commercialisation.

M. Nassar a dit qu’il était le gestionnaire de l’établissement Baxter. Il a précisé que MPL n’avait pas participé à l’exploitation de l’entreprise de 2002 à 2012. Il a expliqué qu’ils contrôlaient entièrement les mets qu’ils préparaient et qu’ils avaient des articles de menu distincts. Selon ses dires, ils n’étaient en règle générale aucunement supervisés par Milano Pizza Ltd., que ce soit à l’égard de la décoration, des heures d’ouverture ou des détails de livraison; tout était à la discrétion de M. Nassar, de M. Wansa et de M. Zaher. M. Nassar a ajouté que Tannis était le principal fournisseur de produits et que l’établissement Baxter a fait ses commandes auprès de Tannis de 2005 à 2016.

M. Nassar a témoigné au sujet du litige opposant l’établissement Baxter et MPL concernant le respect de l’approvisionnement auprès des fournisseurs de Milano, Pepsi et Tannis. Il a également témoigné au sujet du litige concernant les boissons gazeuses et des détails entourant la liste du site Web et le retrait de l’établissement. Il a signalé la perte de revenus. Il a également ajouté qu’ils avaient refusé de participer à certaines des initiatives qu’appuyait M. Kassis, en particulier un rabais deux pour un.

M. Nassar a décrit le litige qui découlait du choix de l’établissement Baxter d’utiliser les boîtes à pizza d’un autre fournisseur. Il a affirmé qu’il estimait qu’il était à la merci de M. Kassis, en ce qui a trait à la présence de ses commandes en ligne, et a expliqué l’incidence du nouvel établissement Baseline à proximité de son propre établissement, y compris la confusion chez les clients à l’égard des commandes à emporter. M. Nassar a déclaré qu’ils étaient passés des boîtes de marque MILANO aux boîtes de son choix après avoir été retirés du site Web en 2016 parce qu’ils ne voulaient pas promouvoir la commande en ligne.

Vahid Khorrami

Vahid Khorrami est l’ancien propriétaire et exploitant de l’établissement Baxter. Il a déclaré qu’il avait participé à l’exploitation d’un établissement Milano Pizzeria en 1987, lorsqu’il travaillait à temps partiel à l’établissement situé à l’intersection de la rue Bank et du chemin Hunt Club. Marwan Kassis et Frank Ianni en étaient les propriétaires. En 1992, il a changé d’établissement et est allé alors à l’établissement Baxter, dont Joe Kassis était alors propriétaire, qui l’a ensuite vendu à Kamal Ibrahim.

M. Khorrami a expliqué qu’il avait acheté 50 % de l’entreprise de Kamal Ibrahim en 1995 et qu’il avait ensuite fait venir son frère, Farid, avec qui il a dirigé l’entreprise, après avoir acheté les 50 % restants. Ils ont créé une société ensemble, 1252106 Canada Inc. À l’époque où M. Khorrami possédait 50 % de l’entreprise avec Kamal Ibrahim, il a appris que M. Ibrahim payait des frais mensuels pour l’emploi du nom MILANO. Ils ont continué à payer les frais mensuels pendant un certain temps, après leur achat des 50 % restants de l’entreprise de Kamal Ibrahim, pour l’emploi du nom MILANO.

M. Khorrami a déclaré que son frère et lui contrôlaient entièrement l’entreprise, y compris les menus, les rabais et la commercialisation. Il a déclaré qu’il ne savait pas que MPL existait lorsqu’il a acheté l’entreprise.

M. Khorrami a affirmé qu’il avait fabriqué la sauce à l’interne et qu’il n’y avait eu aucune participation de la part de MPL. Il a expliqué que même s’ils employaient un original à reproduire du logo du concepteur, tous les menus étaient différents – chaque établissement avait son propre menu avec différentes combinaisons de pizzas et différents mets.

Aux dires de M. Khorrami, Marwan Kassis l’avait approché au sujet d’une réunion des propriétaires des établissements Milano, où ils ont discuté d’un rabais de groupe pour les achats auprès de Tannis et de l’affectation de l’argent du rabais à un effort conjoint de commercialisation. Il a déclaré qu’ils avaient également discuté d’un uniforme (pour lequel des ententes n’ont été conclues qu’une seule fois) et d’un logo lors d’une réunion ultérieure, où il avait été décidé d’adopter une enseigne uniforme (c’est-à-dire cohérente) pour tous les établissements. M. Khorrami a déclaré que M. Kassis avait communiqué avec un concepteur et que le groupe avait choisi le dessin final ensemble. Il a précisé qu’il n’y avait eu aucune entente écrite ou discussion sur qui serait propriétaire du logo. Toutefois, il était judicieux, sur le plan des affaires, d’avoir un aspect commun aux yeux des clients et de donner l’impression d’une plus grande entreprise comptant six ou sept établissements.

M. Khorrami a déclaré qu’à une autre réunion, M. Kassis l’a informé, lui et d’autres propriétaires d’établissements, qu’il possédait le nom MILANO et qu’il maintiendrait le rabais. Selon M. Khorrami, cela avait eu peu d’incidence sur son entreprise; il a donc continué d’exploiter son établissement et d’effectuer des achats auprès de Tannis et de prendre des décisions d’affaires pour son établissement. Il a déclaré qu’il n’avait reçu aucune aide de Milano Pizza pour la phase d’essai et d’erreur de son entreprise.

M. Khorrami a affirmé qu’il avait été approché par Chadi Wansa en 2002 au sujet de l’achat de l’entreprise. Il a ajouté que M. Wansa était venu travailler pour lui afin d’en apprendre davantage sur l’entreprise. Il a déclaré qu’il hésitait à vendre l’entreprise, mais il a changé d’avis après avoir appris de son avocat que Milano n’avait aucune structure, société solide ou base solide pour l’avenir. Il a accepté de vendre l’entreprise à 6034799 Canada Inc. Selon son témoignage, l’entreprise avait à ce moment-là acquis un grand achalandage.

M. Khorrami a également dit que MPL n’avait pas participé à la vente. Toutefois, il a conseillé à M. Wansa de communiquer avec Marwan Kassis et Mahmoud Tabaja. M. Khorrami se souvient que M. Wansa a rapporté qu’ils [traduction] « ont dit qu’ils allaient bien » et qu’ils pensaient que M. Wansa payait trop pour l’établissement. Il a en outre déclaré qu’il a expliqué les [traduction] « règles de base » de l’approvisionnement auprès de Tannis et le respect du territoire.

M. Khorrami a affirmé qu’il avait communiqué avec Nick Mourad au sujet de l’achat de son établissement Milano Pizzeria situé sur le chemin Montréal [l’établissement Montréal] et qu’il n’y avait eu, encore une fois, aucune participation de la part de MPL. À ses dires, MPL n’est intervenue qu’après avoir apporté d’importants changements à l’entreprise. À l’époque, on l’encourageait à acheter la sauce à pizza de Tannis. M. Khorrami a déclaré qu’il essayerait d’acheter la plupart des ingrédients auprès de Tannis, et il l’a fait pour l’établissement Baxter [traduction] « pour respecter cette entente orale que nous avions au début ». Toutefois, il a toujours compté sur d’autres fournisseurs pour assurer la [traduction] « qualité supérieure » de son entreprise. Il a expliqué qu’il a ensuite vendu l’entreprise à la fille du beau-père de Chadi Wansa, Rania Yehia. Il a de nouveau affirmé que MPL n’avait pas participé à la vente.

M. Khorrami a déclaré qu’à un moment donné, il a été proposé d’utiliser un numéro de téléphone principal pour tous les exploitants, mais qu’il a décidé de ne pas le faire et qu’il a préféré conserver son propre numéro.

M. Khorrami a dit qu’il n’a pas eu accès aux documents de la vente conclue entre Joe Kassis et Kamal Ibrahim. Selon son témoignage, lorsqu’il est devenu propriétaire d’une part de l’entreprise, il a été informé des frais mensuels à payer à Milano pour l’emploi du nom MILANO, qu’il a continué de payer jusqu’à l’introduction du programme de rabais de Tannis, lequel couvrait les frais mensuels. M. Khorrami a précisé qu’il remplissait un chèque mensuel à l’ordre de Marwan Kassis directement.

M. Khorrami a déclaré (en contre-interrogatoire) que même si des territoires étaient attribués aux établissements, ils n’étaient pas prévus par écrit, mais qu’il [traduction] « s’agissait [plutôt] juste de lignes imaginaires ».

Rania Yehia

Rania Yehia est une ancienne propriétaire de l’établissement Montréal. Elle a déclaré que MPL n’avait pas participé à l’achat de l’entreprise qu’elle a acquise de Vahid et de Farid Khorrami, et qu’elle n’avait été en contact avec personne d’autre que les frères Khorrami. (Toutefois, Mazen Kassis a affirmé qu’il avait eu des contacts à plusieurs reprises avec le père de Rania Yehia, Hussein Yehia, qui était également le beau-père de Chadi Wansa, notamment concernant les redevances et la question de l’autorisation d’avoir du steak halal au menu. Vahid Khorrami a également expliqué que, lorsqu’il a vendu l’établissement Montréal, alors que l’entreprise était inscrite au nom de Rania Yehia, c’était le beau-père de Chadi Wansa, c’est-à-dire le père de Mme Yehia, qui a interagi avec M. Khorrami.)

Mme Yehia a expliqué qu’elle avait fabriqué sa propre sauce et qu’elle avait parfois acheté des fournitures – du fromage, de la pâte de tomate pour faire sa sauce, des épices, de la farine et de la levure – auprès de Tannis, mais aussi auprès de National Grocer et de Costco. Le contrôle des coûts des aliments était important. Elle s’occupait également des embauches, des licenciements, de la formation, de l’inventaire et de tous les autres aspects de l’entreprise, y compris de la publicité et des rabais. MPL n’a jamais participé et il n’y a jamais eu d’ententes ou de directives à cet égard. Un représentant de MPL a visité l’établissement une fois, visite qui a duré environ 10 à 15 minutes, a fait un commentaire au sujet de la sauce à pizza, à savoir qu’elle avait besoin de plus de sucre, et est parti.

Mme Yehia a déclaré qu’elle avait vendu l’entreprise et tous les actifs en 2010 à M. Naji Zizi, et, encore une fois, MPL n’a pas participé à la vente à quelque titre que ce soit. Mme Yehia a ajouté que ni elle ni son père n’avait eu de contacts avec Marwan ou Mazen Kassis.

Nicolas Aboud-Mourad

Nicolas Aboud-Mourad a confirmé qu’il était l’ancien propriétaire de l’établissement du chemin Montréal, qu’il a acheté à Marwan Kassis. Il a expliqué qu’il a ensuite vendu le restaurant aux frères Khorrami vers 2002 ou 2003. M. Aboud-Mourad a affirmé qu’il n’avait eu aucun contact avec Milano Pizza Ltd. avant la réunion concernant les achats conjoints avec Mazen Kassis et d’autres exploitants d’établissements. Il a déclaré qu’ils avaient également discuté du logo MILANO, mais qu’il n’y avait jamais eu de discussion sur qui possédait le logo ni d’entente officielle.

Dimitrios Stougianos

Dimitrios Stougianos a déclaré qu’il exploite actuellement un restaurant situé au 745, chemin de Masson, et qu’il l’exploite depuis 40 ans. Il utilise le même menu depuis le début. Celui-ci arbore les mots « Pizzeria Milano Restaurant », où les mots « Pizzeria » et « Restaurant » sont en vert et le mot « Milano » est en rouge dans une plus grande taille de caractère. Selon son témoignage, il vend plus de pizzas que d’autres articles et il offre la livraison dans la région de Masson-Angers.

M. Stougianos a également présenté une photographie de la façade de son restaurant, qui montre, dans la fenêtre, une enseigne jaune avec une bordure rouge, et les mots PIZZERIA MILANO aussi en rouge, avec un numéro de téléphone en noir sous le plus grand des deux mots, soit MILANO. Il a déclaré que l’enseigne de son restaurant est visible depuis la rue et est la principale enseigne de son entreprise, bien qu’elle soit parfois couverte lorsque les stores sont baissés, comme quand il y a du soleil ou la nuit. Il y avait auparavant une enseigne sur le poteau à l’extérieur du restaurant, mais elle est tombée l’année dernière. Il a affirmé que son entreprise est bien connue dans la région sous le nom « Milano Pizzeria ».

M. Stougianos a confirmé que ses factures indiquaient toujours « Pizzeria Nouveau Milano » et que son entreprise n’a pas de site Web. Il a déclaré qu’il reconnaissait les inscriptions en ligne avec une épingle de localisation rouge indiquant son entreprise, « Pizzeria Nouveau Milano ». Il a précisé que le nom de son entreprise est, et a toujours été, « Pizzeria Nouveau Milano », et qu’il l’identifie ainsi.

Jean Lemieux

Jean Lemieux a déclaré qu’il est comptable depuis 45 ans et a confirmé que Dimitrios Stougianos est l’un de ses clients. Il a précisé qu’il le connaît depuis 2010 et que M. Stougianos possède et exploite une pizzeria dans le secteur de Masson-Angers, à Gatineau, au Québec.

Selon son témoignage, il a appris à connaître M. Stougianos alors qu’il vivait à Masson-Angers, de 1994 à 2017. Il a affirmé qu’il avait commandé des mets au restaurant, lesquels lui avaient été livrés. L’entreprise est connue pour sa pizza. À sa connaissance, l’entreprise a toujours été exploitée au même endroit.

M. Lemieux a déclaré qu’il appelait l’entreprise de M. Stougianos « Pizza Milano » et que l’enseigne de l’entreprise est visible de la rue. Il a ajouté que l’entreprise était bien connue lorsqu’il vivait à Masson-Angers.

M. Lemieux a confirmé que l’entreprise est exploitée sous le nom « Pizzeria Nouveau Milano ». Il a déclaré que, lorsqu’il vivait à Masson-Angers, il ne pouvait pas se faire livrer de la pizza ou d’autres mets à emporter d’Ottawa.

Yousef Jaber

Yousef Jaber a déclaré qu’il est comptable agréé depuis 20 à 25 ans et qu’il offre des services de tenue de livres et de préparation de déclarations de revenus. Il a affirmé que Chadi Wansa et ses partenaires, ainsi que l’entreprise Milano Pizzeria située sur le chemin Baxter, sont ses clients depuis 15 ans, et que son cabinet représente également MPL et d’autres exploitants d’établissements Milano Pizzeria.

M. Jaber s’est souvenu que M. Wansa avait demandé des livres comptables de l’entreprise et M. Jaber lui avait répondu qu’il avait des livres remontant à six ans, comme l’exigent les règles de l’Agence du revenu du Canada [ARC]. Il a dit que, lorsqu’il a vérifié les livres, il pouvait remonter à 2004. M. Jaber a déclaré qu’il avait fourni le livre général de « Milano Baxter » à M. Wansa.

M. Jaber a expliqué que même si le titre [traduction] « redevances » figure dans la légende, il n’a été confirmé avec personne; un de ses aides-comptables a présumé que les paiements étaient des redevances parce qu’ils étaient versés à MPL. Il a déclaré qu’il n’avait reçu aucune directive de Chadi Wansa ou d’une autre personne selon laquelle ces paiements constituaient des redevances. M. Jaber a déclaré que, puisqu’il avait de nombreux clients « Milano Pizza », il avait l’impression qu’il s’agissait d’une franchise. Cela n’était pas fondé sur des faits, des documents ou d’autres éléments. Il a confirmé que la classification avait été effectuée à des fins fiscales. Il a précisé qu’il n’y avait eu aucun paiement au cours des dernières années.

Lors du nouvel interrogatoire, M. Jaber a ajouté qu’il ne se souvenait pas avoir rencontré Marwan Kassis et lui avoir remis le document indiquant tous les paiements de redevances. Il a déclaré qu’il n’était au courant d’aucune procédure judiciaire en instance lorsqu’il a fourni ce document.


Annexe B : Dispositions pertinentes

Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13

Trade-marks Act, RSC 1985, c T-13

Version du document du 2018-12-30 au 2019-06-16

Version of document from 2018-12-30 to 2019-06-16

Définitions et interprétation

Interpretation

[…]

Quand une marque de commerce est réputée employée

When deemed to be used

4 (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4 (1) A trade-mark is deemed to be used in association with goods if, at the time of the transfer of the property in or possession of the goods, in the normal course of trade, it is marked on the goods themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the goods that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

Idem

Idem

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

(2) A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

Concurrence déloyale et marques interdites

Unfair Competition and Prohibited Marks

Interdictions

Prohibitions

7 Nul ne peut :

7 No person shall

a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent;

(a) make a false or misleading statement tending to discredit the business, goods or services of a competitor;

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another;

c) faire passer d’autres produits ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés;

(c) pass off other goods or services as and for those ordered or requested; or

d) employer, en liaison avec des produits ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde :

(d) make use, in association with goods or services, of any description that is false in a material respect and likely to mislead the public as to

[…]

(ii) soit leur origine géographique,

(ii) the geographical origin, or

[…]

 

of the goods or services.

Validité et effet de l’enregistrement

Validity and Effect of Registration

Effet de l’enregistrement relativement à l’emploi antérieur, etc.

Effect of registration in relation to previous use, etc.

17 (1) Aucune demande d’enregistrement d’une marque de commerce qui a été annoncée selon l’article 37 ne peut être refusée, et aucun enregistrement d’une marque de commerce ne peut être radié, modifié ou tenu pour invalide, du fait qu’une personne autre que l’auteur de la demande d’enregistrement ou son prédécesseur en titre a antérieurement employé ou révélé une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion, sauf à la demande de cette autre personne ou de son successeur en titre, et il incombe à cette autre personne ou à son successeur d’établir qu’il n’avait pas abandonné cette marque de commerce ou ce nom commercial créant de la confusion, à la date de l’annonce de la demande du requérant.

17 (1) No application for registration of a trade-mark that has been advertised in accordance with section 37 shall be refused and no registration of a trade-mark shall be expunged or amended or held invalid on the ground of any previous use or making known of a confusing trade-mark or trade-name by a person other than the applicant for that registration or his predecessor in title, except at the instance of that other person or his successor in title, and the burden lies on that other person or his successor to establish that he had not abandoned the confusing trade-mark or trade-name at the date of advertisement of the applicant’s application.

Quand l’enregistrement est incontestable

When registration incontestable

(2) Dans des procédures ouvertes après l’expiration de cinq ans à compter de la date d’enregistrement d’une marque de commerce ou à compter du 1er juillet 1954, en prenant la date qui est postérieure à l’autre, aucun enregistrement ne peut être radié, modifié ou jugé invalide du fait de l’emploi ou révélation antérieure mentionnée au paragraphe (1), à moins qu’il ne soit établi que la personne qui a adopté au Canada la marque de commerce déposée l’a fait alors qu’elle était au courant de cet emploi ou révélation antérieure.

(2) In proceedings commenced after the expiration of five years from the date of registration of a trade-mark or from July 1, 1954, whichever is the later, no registration shall be expunged or amended or held invalid on the ground of the previous use or making known referred to in subsection (1), unless it is established that the person who adopted the registered trade-mark in Canada did so with knowledge of that previous use or making known.

Quand l’enregistrement est invalide

When registration invalid

18 (1) L’enregistrement d’une marque de commerce est invalide dans les cas suivants :

18 (1) The registration of a trade-mark is invalid if

a) la marque de commerce n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement;

(a) the trade-mark was not registrable at the date of registration;

b) la marque de commerce n’est pas distinctive à l’époque où sont entamées les procédures contestant la validité de l’enregistrement;

(b) the trade-mark is not distinctive at the time proceedings bringing the validity of the registration into question are commenced;

c) la marque de commerce a été abandonnée;

(c) the trade-mark has been abandoned;

d) sous réserve de l’article 17, l’auteur de la demande n’était pas la personne ayant droit d’obtenir l’enregistrement;

(d) subject to section 17, the applicant for registration was not the person entitled to secure the registration; or

[…]

Droits conférés par l’enregistrement

Rights conferred by registration

19 Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de produits ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces produits ou services.

19 Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trade-mark in respect of any goods or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trade-mark the exclusive right to the use throughout Canada of the trade-mark in respect of those goods or services.

Violation

Infringement

20 (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui :

20 (1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use is deemed to be infringed by any person who is not entitled to its use under this Act and who

a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(a) sells, distributes or advertises any goods or services in association with a confusing trade-mark or trade-name;

b) soit fabrique, fait fabriquer, a en sa possession, importe, exporte ou tente d’exporter des produits, en vue de leur vente ou de leur distribution et en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(b) manufactures, causes to be manufactured, possesses, imports, exports or attempts to export any goods in association with a confusing trade-mark or trade-name, for the purpose of their sale or distribution;

c) soit vend, offre en vente ou distribue des étiquettes ou des emballages, quelle qu’en soit la forme, portant une marque de commerce ou un nom commercial alors que :

(c) sells, offers for sale or distributes any label or packaging, in any form, bearing a trade-mark or trade-name, if

(i) d’une part, elle sait ou devrait savoir que les étiquettes ou les emballages sont destinés à être associés à des produits ou services qui ne sont pas ceux du propriétaire de la marque de commerce déposée,

(i) the person knows or ought to know that the label or packaging is intended to be associated with goods or services that are not those of the owner of the registered trade-mark, and

(ii) d’autre part, la vente, la distribution ou l’annonce des produits ou services en liaison avec les étiquettes ou les emballages constituerait une vente, une distribution ou une annonce en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(ii) the sale, distribution or advertisement of the goods or services in association with the label or packaging would be a sale, distribution or advertisement in association with a confusing trade-mark or trade-name; or

d) soit fabrique, fait fabriquer, a en sa possession, importe, exporte ou tente d’exporter des étiquettes ou des emballages, quelle qu’en soit la forme, portant une marque de commerce ou un nom commercial, en vue de leur vente ou de leur distribution ou en vue de la vente, de la distribution ou de l’annonce de produits ou services en liaison avec ceux-ci, alors que :

(d) manufactures, causes to be manufactured, possesses, imports, exports or attempts to export any label or packaging, in any form, bearing a trade-mark or trade-name, for the purpose of its sale or distribution or for the purpose of the sale, distribution or advertisement of goods or services in association with it, if

(i) d’une part, elle sait ou devrait savoir que les étiquettes ou les emballages sont destinés à être associés à des produits ou services qui ne sont pas ceux du propriétaire de la marque de commerce déposée,

(i) the person knows or ought to know that the label or packaging is intended to be associated with goods or services that are not those of the owner of the registered trade-mark, and

(ii) d’autre part, la vente, la distribution ou l’annonce des produits ou services en liaison avec les étiquettes ou les emballages constituerait une vente, une distribution ou une annonce en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion.

(ii) the sale, distribution or advertisement of the goods or services in association with the label or packaging would be a sale, distribution or advertisement in association with a confusing trade-mark or trade-name.

Dépréciation de l’achalandage

Depreciation of goodwill

22 (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce.

22 (1) No person shall use a trade-mark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.

Action à cet égard

Action in respect thereof

(2) Dans toute action concernant un emploi contraire au paragraphe (1), le tribunal peut refuser d’ordonner le recouvrement de dommages-intérêts ou de profits, et permettre au défendeur de continuer à vendre tous produits revêtus de cette marque de commerce qui étaient en sa possession ou sous son contrôle lorsque avis lui a été donné que le propriétaire de la marque de commerce déposée se plaignait de cet emploi.

(2) In any action in respect of a use of a trade-mark contrary to subsection (1), the court may decline to order the recovery of damages or profits and may permit the defendant to continue to sell goods marked with the trade-mark that were in his possession or under his control at the time notice was given to him that the owner of the registered trade-mark complained of the use of the trade-mark.

Demandes d’enregistrement de marques de commerce

Applications for Registration of Trade-marks

Contenu d’une demande

Contents of application

30 Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

30 An applicant for the registration of a trade-mark shall file with the Registrar an application containing

[…]

b) dans le cas d’une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de produits ou services décrites dans la demande;

(b) in the case of a trade-mark that has been used in Canada, the date from which the applicant or his named predecessors in title, if any, have so used the trade-mark in association with each of the general classes of goods or services described in the application;

[…]

Désistement

Disclaimer

35 Le registraire peut requérir celui qui demande l’enregistrement d’une marque de commerce de se désister du droit à l’usage exclusif, en dehors de la marque de commerce, de telle partie de la marque qui n’est pas indépendamment enregistrable. Ce désistement ne porte pas préjudice ou atteinte aux droits du requérant, existant alors ou prenant naissance par la suite, dans la matière qui fait l’objet du désistement, ni ne porte préjudice ou atteinte au droit que possède le requérant à l’enregistrement lors d’une demande subséquente si la matière faisant l’objet du désistement est alors devenue distinctive des produits ou services du requérant.

35 The Registrar may require an applicant for registration of a trade-mark to disclaim the right to the exclusive use apart from the trade-mark of such portion of the trade-mark as is not independently registrable, but the disclaimer does not prejudice or affect the applicant’s rights then existing or thereafter arising in the disclaimed matter, nor does the disclaimer prejudice or affect the applicant’s right to registration on a subsequent application if the disclaimed matter has then become distinctive of the applicant’s goods or services.

Déclaration d’opposition

Statement of opposition

[…]

Motifs

Grounds

(2) Cette opposition peut être fondée sur l’un des motifs suivants :

(2) A statement of opposition may be based on any of the following grounds:

a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30;

(a) that the application does not conform to the requirements of section 30;

[…]

Transfert

Transfer

Une marque de commerce est transférable

Trade-mark transferable

48 (1) Une marque de commerce, déposée ou non, est transférable et est réputée avoir toujours été transférable, soit à l’égard de l’achalandage de l’entreprise, soit isolément, et soit à l’égard de la totalité, soit à l’égard de quelques-uns des services ou produits en liaison avec lesquels elle a été employée.

48 (1) A trade-mark, whether registered or unregistered, is transferable, and deemed always to have been transferable, either in connection with or separately from the goodwill of the business and in respect of either all or some of the goods or services in association with which it has been used.

Licences

Licences

Licence d’emploi d’une marque de commerce

Licence to use trade-mark

50 (1) Pour l’application de la présente loi, si une licence d’emploi d’une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des produits et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial – ou partie de ceux-ci – ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire.

50 (1) For the purposes of this Act, if an entity is licensed by or with the authority of the owner of a trade-mark to use the trade-mark in a country and the owner has, under the licence, direct or indirect control of the character or quality of the goods or services, then the use, advertisement or display of the trade-mark in that country as or in a trade-mark, trade-name or otherwise by that entity has, and is deemed always to have had, the same effect as such a use, advertisement or display of the trade-mark in that country by the owner.

Licence d’emploi d’une marque de commerce

Idem

(2) Pour l’application de la présente loi, dans la mesure où un avis public a été donné quant à l’identité du propriétaire et au fait que l’emploi d’une marque de commerce fait l’objet d’une licence, cet emploi est réputé, sauf preuve contraire, avoir fait l’objet d’une licence du propriétaire, et le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des produits et services est réputé, sauf preuve contraire, être celui du propriétaire.

(2) For the purposes of this Act, to the extent that public notice is given of the fact that the use of a trade-mark is a licensed use and of the identity of the owner, it shall be presumed, unless the contrary is proven, that the use is licensed by the owner of the trade-mark and the character or quality of the goods or services is under the control of the owner.

Procédures judiciaires

Legal Proceedings

Juridiction exclusive de la Cour fédérale

Exclusive jurisdiction of Federal Court

57 (1) La Cour fédérale a une compétence initiale exclusive, sur demande du registraire ou de toute personne intéressée, pour ordonner qu’une inscription dans le registre soit biffée ou modifiée, parce que, à la date de cette demande, l’inscription figurant au registre n’exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque.

57 (1) The Federal Court has exclusive original jurisdiction, on the application of the Registrar or of any person interested, to order that any entry in the register be struck out or amended on the ground that at the date of the application the entry as it appears on the register does not accurately express or define the existing rights of the person appearing to be the registered owner of the mark.

Restriction

Restriction

(2) Personne n’a le droit d’intenter, en vertu du présent article, des procédures mettant en question une décision rendue par le registraire, de laquelle cette personne avait reçu un avis formel et dont elle avait le droit d’interjeter appel.

(2) No person is entitled to institute under this section any proceeding calling into question any decision given by the Registrar of which that person had express notice and from which he had a right to appeal.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-152-17

 

INTITULÉ :

MILANO PIZZA LTD. c 6034799 CANADA INC., CHADI WANSA, YOUSSEF ZAHER ALIAS JOSEPH ZAHER ET YOUSEF NASSAR ALIAS JOE NASSAR ET AUTRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 15, 16, 17, 18, 19, 22 et 23 février 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

 

Le 29 mars 2022

 

DATE DE LA MODIFICATION :

Le 4 avril 2022

 

COMPARUTIONS :

Jaimie Bordman

Ashley Chu

 

POUR LA DEMANDERESSE
(défendeurs reconventionnels)

 

Michael D. Andrews

 

POUR LES DÉFENDEURS
(demandeurs reconventionnels)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jaimie Bordman

Ashley Chu

Macera & Jarzyna LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE
(défendeurs reconventionnels)

 

Michael D. Andrews

Andrews Robichaud

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS
(demandeurs reconventionnels)

 

 

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