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Date : 20220331


Dossier : IMM‑3335‑20

Référence : 2022 CF 452

[traduction française]

Ottawa (Ontario), le 31 mars 2022

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

SALIM MAHMOUD SALIM

AMAL SALIM (MINEURE)

MARIAM SALIM (MINEURE)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Monsieur Salim Mahmoud Salim (M. Salim) et ses deux enfants (les demanderesses mineures) (collectivement les demandeurs) sont des Palestiniens apatrides qui résidaient aux Émirats arabes unis. Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire, au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR), selon laquelle ils n’ont ni qualité de réfugiés au sens de la Convention ni qualité de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR. La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas de crainte subjective et que la discrimination dont ils se plaignaient n’équivalait pas à de la persécution. La SPR, dans le cadre de son raisonnement, a conclu que les Émirats arabes unis étaient le seul pays de résidence habituelle antérieure des demandeurs.

[2] Pour les motifs énoncés ci‑après, je rejette la demande de contrôle judiciaire.

I. Faits

[3] M. Salim n’a plus de statut valide aux Émirats arabes unis et prétend qu’il n’a pas le droit de retourner dans ce pays. Il affirme que ses enfants et lui sont exposés à de la persécution parce qu’ils sont des Palestiniens apatrides. Il soutient qu’il a perdu son emploi et qu’il n’a pas pu trouver un autre travail en partie à cause de son statut de Palestinien apatride. De plus, il affirme qu’il a été victime de persécution de la part de la police en raison de ses origines palestiniennes. M. Salim soutient que la police a confisqué son passeport et a tenté de le mettre en détention, même après avoir appris que les plaintes déposées par sa deuxième ex‑épouse étaient fausses.

[4] De plus, M. Salim prétend que son ex‑beau‑père de son deuxième mariage l’a persécuté aux Émirats arabes unis et a menacé de tuer les demanderesses mineures. Son ex‑beau‑père aurait commencé à le persécuter à la suite de la procédure de divorce entreprise entre M. Salim et sa deuxième épouse. M. Salim affirme que son ex‑beau‑père a proféré des menaces contre les demanderesses mineures et contre lui, et qu’il a aussi usé de son influence pour que son employeur le congédie et pour que la police le maltraite.

[5] Les demandeurs sont entrés aux États‑Unis (les É.‑U.) le 17 janvier 2019 munis de visas de voyage. Ils sont demeurés dans ce pays jusqu’en mai 2019. Ils n’ont pas demandé l’asile aux É.‑U. Ils sont entrés au Canada le 6 mai 2019, où ils ont demandé l’asile dès leur arrivée. Il convient de noter que, avant de se rendre aux É.‑U., M. Salim a demandé un visa de résident temporaire (VRT) canadien pour ses filles et pour lui‑même. La demande de M. Salim a été acceptée, mais celle de ses filles a été rejetée. M. Salim possède un condominium au Canada, qu’il prétend avoir acheté à titre d’investissement. La sœur de M. Salim est une citoyenne canadienne.

II. Décision faisant l’objet du contrôle

A. Absence de crainte subjective

[6] La SPR a conclu que les demandeurs avaient affiché une absence de crainte subjective en ne demandant pas l’asile aux É.‑U. même s’ils y avaient séjourné pendant cinq mois. En dépit du fait que M. Salim prétend qu’il a obtenu des conseils juridiques aux É.‑U. lui déconseillant de demander l’asile dans ce pays, la SPR a conclu qu’il avait seulement fourni des éléments de preuve concernant ses tentatives d’obtenir des informations ou des conseils gratuits. Elle a conclu qu’il n’y avait pas de preuve, contrairement à ce que prétendait M. Salim, que sa demande d’asile aux É.‑U. ne serait pas accueillie.

[7] En concluant que M. Salim était à la recherche d’une instance favorable, la SPR a fait remarquer qu’il possédait un condominium au Canada, que l’une de ses sœurs résidait au Canada, que les demanderesses mineures et lui avaient demandé un VRT pour entrer au Canada avant de se rendre aux É.‑U. et que, cela va de soi, les demandeurs avaient omis de demander l’asile aux É.‑U. Une lettre écrite par l’une des sœurs de M. Salim l’invitant à lui rendre visite au Canada, après son licenciement aux Émirats arabes unis, n’a pas aidé la cause de M. Salim quand il affirmait qu’il n’était pas à la recherche d’une instance favorable.

B. Pas de discrimination équivalant à de la persécution

[8] La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas une crainte fondée de persécution suivant un motif prévu à la Convention. Même si elle a accepté que M. Salim avait eu des problèmes en matière d’emploi aux Émirats arabes unis, la SPR a conclu que ces difficultés n’étaient pas liées à ses origines palestiniennes. M. Salim a déclaré que son emploi avait pris fin conformément à toutes les dispositions contractuelles. Selon les éléments de preuve objectifs, il est difficile pour les personnes qui ne sont pas citoyennes des Émirats arabes unis de trouver un emploi en raison de lois d’application générale restrictives sur la résidence, la citoyenneté et l’emploi. La SPR a conclu que les problèmes de M. Salim en matière d’emploi résultaient de lois d’application générale touchant toutes les personnes qui ne sont pas citoyennes des Émirats arabes unis. Elle a aussi affirmé que le refus d’un droit de retourner au pays ne constitue pas de la persécution s’il s’agit d’une loi d’application générale (Hegi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 242 [Hegi] au para 7).

[9] La SPR a conclu que, bien que M. Salim ait pu être victime de discrimination de la part de la police à plusieurs reprises en raison de ses origines palestiniennes, cette discrimination ne permettait pas d’établir le bienfondé de la persécution de la part de l’État.

[10] La SPR a accepté les affirmations formulées par les demandeurs selon lesquelles les personnes qui ne sont pas des citoyennes des Émirats arabes unis n’ont pas accès à des soins de santé gratuits dans ce pays. Elle a conclu que, bien que cela puisse représenter de la discrimination envers elles, il ne s’agissait pas de persécution. Elle a donc conclu que les expériences vécues par les demandeurs aux Émirats arabes unis, prises individuellement ou de manière cumulative, n’atteignaient pas le seuil de la persécution.

[11] La SPR a rejeté les allégations de M. Salim selon lesquelles son ex‑beau‑père, lequel travaillerait au ministère de l’Intérieur, avait usé de son influence pour le (M. Salim) persécuter. Elle a souligné que M. Salim n’avait présenté aucune preuve corroborant que son ex‑beau‑père travaillait ou avait travaillé au ministère de l’Intérieur. Elle a aussi fait remarquer que M. Salim avait oublié de mentionner son ex‑beau‑père en tant qu’agent de persécution lors de son entrevue avec un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC), à son arrivée au Canada. M. Salim a inscrit son ex‑beau‑père comme son unique agent de persécution dans l’exposé circonstancié de son formulaire Fondement de la demande d’asile (formulaire FDA), alors qu’il a fait savoir à l’agent de l’ASFC que son ex‑épouse était son unique agent de persécution. La SPR a conclu que M. Salim n’avait pas établi que son ex‑beau‑père était responsable de son licenciement, de ses problèmes juridiques ou du traitement discriminatoire que lui avait fait subir la police. Elle a aussi conclu que les contradictions relevées dans les affirmations formulées par M. Salim minaient sa crédibilité.

C. Analyse fondée sur l’article 97

[12] La SPR a conclu que les demandeurs n’étaient pas exposés au risque d’être soumis à la torture ou au risque de traitements ou peines cruels ou inusités aux Émirats arabes unis. Elle a rejeté l’allégation selon laquelle l’ex‑beau‑père de M. Salim avait menacé la vie des demanderesses mineures. Elle n’a accordé aucun poids à une lettre, censée avoir été écrite par l’oncle de M. Salim, selon laquelle un groupe de personnes armées s’était présenté chez lui pour savoir où était le demandeur et avait menacé de violer et de tuer les filles du demandeur. La SPR a exprimé des préoccupations quant au fait que la lettre n’était pas notariée et qu’elle ne présentait aucun élément d’identification concernant son prétendu auteur.

III. Question en litige et norme de contrôle

[13] La seule question en litige en l’espèce est celle de savoir si la décision de la SPR respecte le critère de la décision raisonnable tel qu’il est énoncé dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, 441 DLR (4e) 1 [Vavilov] au para 25). Aucune des exceptions prévues à la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable ne s’applique dans les circonstances (Vavilov, au para 17). « Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85). Avant de pouvoir infirmer une décision pour ce motif, la cour de révision doit être convaincue que la décision souffre de lacunes graves. Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires (Vavilov, au para 100) afin d’écarter une décision. Surtout, la cour de révision doit examiner la décision dans son ensemble, et doit éviter de se lancer dans une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur (Vavilov, aux para 85 et 102).

IV. Dispositions pertinentes

[14] Les articles 96 et 97 de la LIPR sont les dispositions pertinentes en l’espèce, et figurent à l’annexe ci‑jointe.

V. Observations des demandeurs

[15] Les demandeurs affirment que la SPR a commis une erreur en concluant qu’ils n’avaient pas de crainte subjective. Ils prétendent qu’il était raisonnable qu’ils préfèrent demander l’asile au Canada plutôt qu’aux É.‑U. Ils soutiennent que, étant donné que les demanderesses mineures ne détenaient pas de VRT au Canada (et qu’elles disposaient de visas pour les É.‑U), toute personne raisonnable dans ces circonstances aurait fui vers les É.‑U. Les demandeurs affirment qu’ils ne sont pas allés aux É.‑U pour choisir l’instance qui leur convenait le mieux, mais tout simplement parce qu’ils détenaient des visas valides pour ce pays. De plus, ils prétendent qu’il était déraisonnable de conclure qu’ils n’avaient pas de crainte subjective du fait qu’ils avaient tardé à demander l’asile (Voyvodov c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 175 FTR 299 au para 10).

[16] Les demandeurs invoquent la décision Conseil canadien pour les réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CF 770, 448 DLR (4e) 132 [Conseil canadien pour les réfugiés] de la Cour pour affirmer qu’ils avaient pris la bonne décision en ne demandant pas l’asile aux É.‑U. Ils soulignent que dans l’affaire Conseil canadien pour les réfugiés, la Cour [traduction] « a rendu une décision selon laquelle les É.‑U n’étaient plus un pays tiers sûr pour les réfugiés ». Les demandeurs prétendent qu’à la lumière de cette décision, la SPR a eu tort de conclure qu’ils n’avaient pas de crainte subjective à partir du fait qu’ils n’avaient pas demandé l’asile aux É.‑U.

[17] Les demandeurs affirment que la SPR a tiré une conclusion déraisonnable quant à la crédibilité reposant sur les contradictions relevées entre l’exposé circonstancié du formulaire FDA de M. Salim et les notes prises lors de l’entrevue avec l’agent de l’ASFC. Ils soutiennent que le fait que M. Salim a mentionné uniquement son épouse comme agent de persécution devant l’agent de l’ASFC ne révèle pas un manque de crédibilité. Ils prétendent que M. Salim [traduction] « peut avoir donné de façon raisonnable les meilleures réponses possibles selon ce qu’il avait compris des questions et compte tenu de son état psychologique à ce moment ».

[18] Les demandeurs prétendent que la SPR a commis une erreur en invoquant la décision Hegi pour conclure que le refus du droit de retourner dans un pays ne constituait pas de la persécution, parce que dans la décision Hegi, contrairement aux circonstances de l’espèce, le permis de séjour des demandeurs n’avait pas expiré.

[19] Les demandeurs soutiennent que la SPR a eu tort de conclure que leur allégation selon laquelle le demandeur principal serait mis en détention indéfiniment aux Émirats arabes unis n’était pas étayée par des éléments de preuve documentaire. Ils affirment que la conclusion de la SPR est contredite par un rapport datant de 2015. Je fais remarquer ici, comme il en sera question plus loin dans les présents motifs, que la SPR ne disposait pas de cet élément de preuve.

[20] De plus, les demandeurs prétendent que la SPR a omis de prendre en compte comme il se devait, le risque de persécution de la part de l’ex‑beau‑père de M. Salim aux Émirats arabes unis parce que, selon M. Salim, son ex‑beau‑père a des liens étroits avec la police et travaille au ministère de l’Intérieur. Ils avancent le même argument en ce qui concerne le risque de persécution par la deuxième ex‑épouse de M. Salim. Les demandeurs soutiennent qu’ils ont démontré que l’ex‑épouse travaillait au ministère de l’Intérieur et qu’elle avait les moyens et l’influence voulus pour persécuter les demandeurs aux Émirats arabes unis.

VI. Analyse

A. Remarques préliminaires et sommaire

[21] Les demandeurs ont omis de s’acquitter de leur fardeau consistant à établir que la décision de la SPR était déraisonnable (Vavilov, au para 100). Les arguments qu’ils ont présentés constituaient essentiellement des invitations adressées à la Cour d’apprécier à nouveau les éléments de preuve ou de se livrer à une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur, deux avenues que la Cour se doit d’éviter (Vavilov, aux para 102 et 125).

[22] Comme il a été déjà été souligné, les demandeurs sont des Palestiniens apatrides. Le permis de séjour de M. Salim en Palestine a expiré. Les demandeurs n’ont pas le droit à l’heure actuelle de retourner dans leur seul pays de résidence habituelle antérieure, les Émirats arabes unis. Le refus du droit de retourner dans un pays relève de lois d’application générale. Voir l’arrêt Kreishan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 223, [2020] 2 RCF 299 au para 1. Les demandeurs ont affirmé dans leur formulaire FDA qu’ils étaient exposés à un risque de persécution par l’ex‑beau‑père de M. Salim en raison de l’influence que celui‑ci exerçait en tant que membre du personnel du ministère de l’Intérieur. L’emploi occupé par l’ex‑beau‑père de M. Salim au ministère de l’Intérieur à l’heure actuelle ou par le passé n’a pas été corroboré par des éléments de preuve indépendants. En ce qui concerne les menaces que celui‑ci aurait proférées à l’égard des demanderesses mineures, la seule preuve corroborant cet élément est une lettre provenant d’un auteur non identifié. Selon les conclusions tirées par la SPR, M. Salim n’a pas démontré que la discrimination dont il aurait fait l’objet équivalait à de la persécution. À la lumière de ce qui précède, j’estime que la SPR a eu raison de conclure que les demandeurs n’ont ni qualité de réfugiés au sens de la Convention ni qualité de personnes à protéger. J’analyserai les arguments présentés par les demandeurs plus en détail ci-dessous.

B. Crainte subjective

[23] Les demandeurs affirment qu’il était raisonnable qu’ils aillent aux É.‑U à partir des Émirats arabes unis parce qu’ils détenaient des visas pour les É.‑U et que les demandes de VRT au Canada présentées par les demanderesses mineures avaient été rejetées. De plus, ils prétendent que le fait d’avoir tardé à demander l’asile ne révélait pas une absence de crainte objective. Avec égards, ce n’est pas le voyage aux É.‑U, ni nécessairement le fait d’avoir tardé à demander l’asile qui posaient problème pour la SPR. C’est le fait que les demandeurs ont passé quelque cinq mois aux É.‑U et n’y avaient pas demandé l’asile. De plus, les éléments de preuve qui ont été présentés n’étayaient pas les affirmations formulées par M. Salim selon lesquelles il avait obtenu des conseils juridiques à savoir qu’ils seraient déboutés s’ils demandaient l’asile aux É.‑U. Il est bien établi en droit que l’omission de demander l’asile dans le premier pays sûr où l’on entre peut révéler une absence de crainte subjective (Jeune c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 835 au para 15; Ndoungo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 541 au para 17).

[24] En ce qui concerne cette question de crainte subjective et d’omission de demander l’asile aux É.‑U, les demandeurs invoquent la décision Conseil canadien pour les réfugiés. Cet argument n’est pas fondé. L’Accord entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement des États‑Unis d’Amérique pour la coopération en matière d’examen des demandes de statut de réfugiés présentées par des ressortissants de pays tiers (aussi appelé « Entente sur les tiers pays sûrs »; voir la décision Conseil canadien pour les réfugiés, aux para 1‑3) ne s’applique pas aux demandeurs parce que la sœur de M. Salim est une citoyenne canadienne et réside au Canada (voir l’al. 159.5a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227). Qui plus est, la Cour d’appel fédérale a infirmé la décision constitutionnelle que la Cour avait rendue dans la décision Conseil canadien pour les réfugiés dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Conseil canadien pour les réfugiés, 2021 CAF 72, 458 DLR (4e) 125.

[25] Les demandeurs contestent la conclusion défavorable de la SPR quant à la crédibilité reposant sur les contradictions entre les affirmations formulées par M. Salim à son arrivée devant l’agent de l’ASFC et celles figurant dans l’exposé circonstancié de son formulaire FDA au sujet de l’agent de persécution. Soulignons que les notes prises par l’agent de l’ASFC lors de l’entrevue montrent que M. Salim n’a mentionné que son ex‑épouse comme agent de persécution. Dans son exposé circonstancié du formulaire FDA, il n’avait désigné que son ex‑beau‑père. Il est tout à fait loisible à un décideur administratif de tirer une telle conclusion quant à la crédibilité. Il ne revient pas à la Cour de soupeser ou d’apprécier à nouveau la pertinence des affirmations contradictoires ou le contexte dans lequel celles‑ci ont été formulées. Quoi qu’il en soit, cette conclusion quant à la crédibilité n’était pas déterminante quant à l’issue de la demande d’asile et, par conséquent, n’était qu’accessoire par rapport au caractère raisonnable de la décision (Vavilov, supra, au para 100).

[26] Contrairement à ce que prétendent les demandeurs, j’estime que la SPR a invoqué de façon raisonnable la décision Hegi de la Cour pour conclure que le refus du droit de retourner dans un pays en vertu d’une loi d’application générale ne constituait pas de la persécution. La Cour a conclu maintes fois, y compris dans la décision Hegi, que le rejet d’une demande d’asile en raison d’une loi d’application générale ne témoignait pas d’une persécution (Iraqi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1049 au para 33; Karsoua c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 58 au para 38; Altawil c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 114 FTR 241).

[27] L’argument avancé par les demandeurs à savoir que la SPR a omis de prendre en compte un rapport datant de 2015 quand elle avait conclu qu’il n’y avait pas d’élément de preuve convaincant que les demandeurs seraient traités comme des criminels, et mis en détention, s’ils retournaient aux Émirats arabes unis, n’est pas fondé. Le décideur ne disposait pas de ce rapport. Sauf un nombre très limité d’exceptions, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il faut tenir compte uniquement de la preuve dont disposait le décideur (Gitxsan Treaty Society c Hospital Employees’ Union, [2000] 1 CF 135, 177 DLR (4e) 687 aux pp 144‑145). Les exceptions comme celles qui sont reconnues dans l’arrêt Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, 428 NR 297 au para 20, ne s’appliquent pas dans les circonstances.

[28] Les demandeurs soutiennent que la SPR a omis de prendre en compte comme il se devait le risque de persécution de la part de l’ex‑beau‑père de M. Salim aux Émirats arabes unis. Ils affirment que celui‑ci entretient des liens étroits avec la police et travaille au ministère de l’Intérieur. Cependant, ces affirmations n'ont jamais été acceptées comme étant des faits par la SPR. Elle a estimé, de façon raisonnable, qu’aucun élément de preuve indépendant n’étayait cette allégation.

[29] Enfin, les demandeurs affirment que la SPR a omis de tenir compte des éléments de preuve relatifs à la capacité de l’ex‑épouse de M. Salim d’influer sur le processus décisionnel en matière de poursuites. Cependant, l’ex‑épouse de M. Salim n’était pas mentionnée dans l’exposé circonstancié du formulaire FDA de M. Salim. Il est bien établi en droit qu’un décideur administratif est présumé avoir examiné l’ensemble des éléments de preuve qui lui ont été présentés et qu’il n’est pas tenu de faire référence à chacun des éléments de preuve (Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 au para 1). Il est aussi bien établi que tous les détails importants d’une demande d’asile doivent figurer dans l’exposé circonstancié du formulaire FDA (Ogaulu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 547 au para 18). Je ne puis pas conclure que l’omission de la SPR d’analyser la capacité de l’ex‑épouse de M. Salim d’influencer le processus décisionnel en matière de poursuites est autre qu’une lacune accessoire, si tant est qu’il s’agit d’une lacune, par rapport au fond de la décision (Vavilov, supra, au para 100).

[30] Quoi qu’il en soit, la SPR a, de façon raisonnable, conclu que les demandeurs n’ont pas de crainte subjective. Une telle conclusion porte un coup fatal à une demande d’asile (Wangchuk c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 160 au para 36).

VII. Conclusion

[31] Pour les motifs exposés précédemment, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à examiner par la Cour d’appel fédérale, et aucune ne ressort du dossier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins d’examen par la Cour d’appel fédérale.

« B. Richard Bell »

Juge


ANNEXE

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Définition de réfugié

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

Convention refugee

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée

 

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally:

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture.

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if:

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and,

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection .

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3335‑20

 

INTITULÉ :

SALIM MAHMOUD SALIM, AMAL SALIM (MINEURE), MARIAM SALIM (MINEURE) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 10 janvier 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge BELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 31 MarS 2022

 

COMPARUTIONS :

Abdul‑Rahman Kadiri

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Nick Continelli

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Abdul‑Rahman Kadiri

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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