Dossier : IMM-7301-19
Référence : 2022 CF 443
Ottawa (Ontario), le 1er avril 2022
En présence de madame la juge St-Louis
ENTRE :
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GURPREET KAUR
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1] La demanderesse, Mme Gurpreet Kaur, sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 7 octobre 2019 par laquelle l’agent des visas de la Section des visas du haut-commissariat du Canada en Inde a rejeté la demande de permis de travail qu’elle avait déposée dans le cadre du programme des fournisseurs de soins à domicile au titre du no 4411 de la Classification nationale des professions [la décision].
[2] L’agent n’était pas convaincu que Mme Kaur remplissait les exigences du poste qui lui était offert et qu’elle était une véritable travailleuse temporaire qui quitterait le Canada à la fin de son séjour temporaire dans le cas où celui‑ci était autorisé.
[3] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de convaincre la Cour que la décision de l’agent est déraisonnable à la lumière des enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Pour les motifs qui suivent, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.
II.
Contexte
[4] Comme c’est souvent le cas, le contexte oriente l’analyse et la décision, et c’est pourquoi je vais l’exposer. Mme Kaur est citoyenne de l’Inde. En mars 2019, elle a signé un contrat de travail avec un employeur canadien à titre de fournisseuse de soins pour les deux enfants de celui‑ci. Dans une lettre qu’il a signée le 18 juin 2019 à l’appui de la demande de permis de travail de Mme Kaur, l’employeur canadien potentiel a notamment affirmé ce qui suit : [traduction] « Mme Kaur a aussi passé le test IELTS et sa maîtrise de l’anglais lui permettra de communiquer avec nos enfants. »
[5] Le 4 mai 2019, Emploi et développement social Canada (Service Canada) a émis une étude d’impact sur le marché du travail [EIMT] favorable aux employeurs potentiels relativement au poste no 4411 de la Classification nationale des professions (gardiens/gardiennes d’enfants en milieu familial) pour une période d’emploi de deux ans. Cette EIMT exigeait expressément que l’employée potentielle remplisse les exigences linguistiques en anglais oral et écrit.
[6] En juin 2019, Mme Kaur a présenté une demande de permis de travail dans le cadre du programme des fournisseurs de soins à domicile. À l’appui de sa demande, elle a présenté les résultats qu’elle a obtenus au test du Système international de tests de la langue anglaise [le test IELTS] datés du 9 septembre 2017. Sa note globale était de 5,5.
[7] Le 6 septembre 2019, la Section de l’immigration du haut‑commissariat du Canada a écrit à Mme Kaur pour confirmer que son entrevue avec l’agent aurait lieu le 1er octobre 2019. La lettre précise que la Section de l’immigration n’offre pas de services d’interprétation et que les demandeurs qui en ont besoin doivent retenir les services de professionnels qualifiés. Le 1er octobre 2019, Mme Kaur a passé son entrevue devant le haut-commissariat du Canada sans avoir recours aux services d’un interprète. Dans les notes consignées par l’agent dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC], celui‑ci a indiqué avoir posé des questions concernant les soins aux enfants et d’autres sujets. L’agent a souligné que Mme Kaur n’était pas en mesure de répondre en anglais, que certaines questions lui ont été posées en pendjabi et qu’elle n’a même pas été en mesure de répondre à plusieurs de ces questions. Selon les notes consignées dans le SMGC, l’agent a fait part à Mme Kaur de ses doutes quant à sa capacité de s’acquitter de ses tâches au Canada et sa maîtrise de l’anglais :
[traduction]
L’EIMT indique que le poste de fournisseur de soins au Canada exige du titulaire qu’il démontre sa capacité à remplir ces fonctions. Les renseignements que vous avez présentés à l’entrevue indiquent que vous avez terminé un programme relatif aux aides familiaux résidants. À l’entrevue, vous n’avez pas été en mesure de décrire de façon satisfaisante ce que vous feriez en cas d’urgence. Vous étiez incapable d’indiquer comment vous géreriez une situation d’urgence précise à titre de fournisseuse de soins. Je ne suis pas convaincu que vous ayez adéquatement démontré votre capacité à exercer les fonctions de fournisseuse de soins au Canada. L’EIMT indique également que le poste de fournisseuse de soins au Canada exige que le titulaire ait une bonne maîtrise de l’anglais oral et écrit. Vous avez présenté vos résultats au test IELTS. Cependant, au cours de l’entrevue d’aujourd’hui, vous n’avez pas compris les questions qui vous ont été posées en anglais et n’y avez pas répondu. Je ne suis pas convaincu que vous avez les compétences requises en anglais pour remplir les fonctions du poste dans un environnement non supervisé. Je ne suis pas convaincu que vous remplissez les exigences linguistiques du poste.
[8] En l’espèce, il importe de mentionner que, selon les notes inscrites dans le SMGC, l’agent a donné à Mme Kaur l’occasion de répondre. Cette dernière a demandé qu’on lui donne la chance d’améliorer son anglais et a affirmé que ses compétences langagières s’amélioreraient progressivement au Canada.
[9] L’agent a conclu qu’il n’était pas convaincu que Mme Kaur remplissait les exigences du poste offert ou qu’elle était une véritable travailleuse temporaire qui quitterait le Canada à la fin de son séjour temporaire s’il était autorisé. Par conséquent, l’agent a rejeté la demande de permis de travail de Mme Kaur.
[10] Devant la Cour, Mme Kaur a déposé un affidavit souscrit le 3 février 2020 dans lequel elle affirmait notamment 1) qu’elle croyait que son entrevue n’avait pas été menée équitablement; 2) que l’agent avait posé ses questions avec agressivité et que cela l’avait rendue nerveuse et confuse, car il parlait très rapidement et refusait de répéter les questions sous prétexte qu’il n’avait pas le temps; 3) que l’agent a exprimé des doutes quant à la note globale de 5,5 qu’elle avait obtenue au test IELTS sans lui faire part d’une quelconque irrégularité à l’entrevue; 4) que l’agent n’a pas fait référence à l’employeur, dont le ménage parle pendjabi, ni aux exigences de la CNP; 5) que des portions de l’entrevue ne figurent pas dans les notes prises au cours de celle‑ci; 6) que les notes ne reflètent pas l’entrevue.
III.
Questions en litige devant la Cour
[11] Devant la Cour, Mme Kaur fait valoir que 1) la décision de l’agent est déraisonnable parce que ses conclusions selon lesquelles elle ne serait pas en mesure de s’occuper des enfants et n’est pas une véritable travailleuse temporaire comportent des lacunes; 2) l’agent a manqué à l’équité procédurale dans la manière dont il a mené et enregistré l’entrevue.
[12] La norme de contrôle applicable est bien établie et n’est pas contestée par les parties. Lorsque la Cour examine une décision administrative sur le fond, elle doit présumer que le législateur a voulu que la norme de contrôle applicable soit celle de la décision raisonnable (Vavilov, au para 101).
[13] Pour être raisonnable, la décision doit être intrinsèquement cohérente et justifiée à la lumière des contraintes juridiques et factuelles qui s’appliquent. Elle doit également répondre aux arguments soulevés par les parties. La Cour suprême du Canada a précisé que le contrôle selon la norme de la décision raisonnable « demeure rigoureux »
et qu’il ne s’agit pas d’une « simple formalité »
ni d’un moyen visant à soustraire les décideurs administratifs à leur obligation de rendre des comptes.
[14] Il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue dans le contrôle des questions d’équité procédurale. La Cour d’appel fédérale a énoncé ce qui suit au paragraphe 56 de l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 : « [L]a question fondamentale demeure celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre. Cela pourrait s’avérer problématique si une décision a priori sur la question de savoir si la norme de contrôle applicable est la norme de la décision correcte ou la norme de la décision raisonnable donnait une réponse différente à ce qui est une question singulière fondamentale à la notion de justice – a-t-on accordé à la partie le droit d’être entendue et la possibilité de connaître la preuve qu’elle doit réfuter? L’équité procédurale n’est pas sacrifiée sur l’autel de la déférence. »
[15] La Cour doit donc déterminer si Mme Kaur s’est acquittée du fardeau d’établir que la décision est déraisonnable ou que l’agent a manqué à l’équité procédurale.
A.
La décision est raisonnable
1)
Thèse des parties
[16] Mme Kaur soutient que l’agent a commis une erreur en arrivant à la conclusion qu’elle n’avait pas démontré sa capacité à faire le travail de gardienne en milieu familial au Canada. Elle soutient que l’agent n’est pas expert en matière de gardiennage et qu’il n’était pas en mesure de conclure que ses réponses n’étaient pas suffisantes pour lui permettre de remplir ses fonctions de gardienne au Canada. Elle fait valoir que la conclusion selon laquelle elle ne serait pas en mesure de remplir ses fonctions de gardienne au Canada est fondée sur un nombre très limité de questions qui lui ont été posées à ce sujet. Elle ajoute que même si l’agent dispose du pouvoir discrétionnaire de soupeser les questions posées à l’entrevue, il n’a pas le pouvoir illimité d’examiner les exigences de son employeur potentiel sans fondement objectif et de se fonder sur des normes subjectives à la place.
[17] Mme Kaur soutient que comme l’agent ne s’est pas fondé sur des normes objectives pour évaluer sa capacité à remplir les fonctions de gardienne, il a tiré une conclusion déraisonnable, renvoyant aux décisions Randhawa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1294; Russom c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1311; Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 594; Portillo v Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 866; Gao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 350 au paragraphe 21.
[18] Mme Kaur soutient que cette conclusion comporte trois erreurs susceptibles de contrôle. Premièrement, l’agent a douté des résultats qu’elle avait obtenus au test IELTS au profit de ses propres normes subjectives, et n’a pas tenu compte des conditions relatives à son emploi proposé au Canada. Deuxièmement, certaines questions posées par l’agent n’étaient pas pertinentes relativement au poste no 4411 de la CNP et ne permettaient tout simplement pas de conclure qu’elle n’avait pas la capacité de travailler comme gardienne. Troisièmement, l’agent a fait abstraction de la preuve et a uniquement fondé ses conclusions sur trois questions liées aux enfants.
[19] En ce qui concerne la connaissance de l’anglais en particulier, Mme Kaur fait valoir que, selon les exigences linguistiques énoncées dans les « instructions sur l’exécution des programmes concernant les travailleurs étrangers »
, les capacités linguistiques du demandeur peuvent être évaluées au moyen d’une entrevue ou d’un examen officiel comme le test IELTS. De plus, « [p]our décider s’il est nécessaire de présenter des preuves de la capacité linguistique, les notes de l’agent doivent faire référence aux exigences prévues dans l’EIMT, aux conditions de travail décrites dans l’offre d’emploi et aux exigences établies dans la CNP pour le type de poste précis, dans la détermination du niveau exact des compétences linguistiques nécessaires pour effectuer le travail prévu »
. Mme Kaur insiste sur le fait qu’elle a obtenu une note globale de 5,5 au test IELTS. Cette note satisfait à l’exigence du poste no 4411 de la CNP à titre de nounou ou gardienne, et l’agent semble remettre en question la véracité des résultats obtenus en soulevant des doutes quant aux compétences linguistiques de Mme Kaur, lesquels étaient fondés sur ses propres notes subjectives prises durant l’entrevue. Mme Kaur soutient en outre que l’agent n’a pas mentionné les exigences de l’EIMT et les conditions de travail telles qu’elles sont décrites dans l’offre d’emploi, ainsi que les exigences pertinentes de la CNP. Si l’agent a fait état de barrières linguistiques dans les notes qu’il a prises à l’entrevue, il ne les a pas exposés et n’a pas mentionné les conditions de travail ni les exigences de la CNP qu’il a appliqués pour déterminer le niveau exact de compétences linguistiques nécessaires pour travailler comme nounou au Canada avec des enfants dont les parents, comme la demanderesse, sont Indiens et parlent pendjabi. En résumé, Mme Kaur soutient que l’agent n’a pas présenté une analyse suffisamment détaillée des motifs pour lesquels elle ne remplit pas les exigences linguistiques relatives au poste de nounou à la lumière de l’emploi proposé.
[20] Mme Kaur soutient également que l’agent a commis une erreur en concluant qu’elle n’était pas une véritable travailleuse temporaire. Elle fait valoir que l’agent n’a présenté aucun motif à l’appui de cette conclusion hormis une déclaration générale figurant dans les notes qu’il a prises à l’entrevue.
[21] Mme Kaur soutient que l’absence d’analyse permettant à la Cour et à elle‑même de comprendre pourquoi l’agent a conclu qu’elle n’était pas une véritable travailleuse temporaire à la lumière de la preuve présentée constitue une erreur susceptible de contrôle. L’agent semble avoir complètement fait abstraction de ses liens en Inde qui la pousserait à rentrer au pays. Mme Kaur soutient que la Cour a conclu que, lorsqu’il existe des éléments de preuve qui contredisent les conclusions de l’agent, y compris le témoignage du demandeur, il incombe à l’agent d’examiner cette preuve directement.
[22] Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [le ministre] répond que la décision est raisonnable en ce qui concerne la maîtrise ou l’absence de maîtrise de l’anglais et que la capacité à communiquer en situation d’urgence était bel et bien pertinente en contexte de gardiennage.
2)
Décision
[23] L’alinéa 200(3)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement], prévoit que le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger dans le cas où l’agent a des motifs raisonnables de croire que l’étranger est incapable d’exercer l’emploi pour lequel le permis de travail est demandé. Par conséquent, l’agent des visas doit entreprendre son propre examen des compétences du demandeur (Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 527 aux para 52-54; Bautista c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 669 au para 15).
[24] Comme le souligne le ministre, la jurisprudence a confirmé que l’agent des visas ne doit pas déléguer ses responsabilités prévues par la loi à un employeur au Canada ou à Emploi et Développement social Canada. En l’espèce, l’EIMT et l’employeur canadien potentiel ont confirmé qu’une connaissance de l’anglais était requise. L’employeur potentiel n’a pas mentionné qu’une connaissance du pendjabi était exigée. Mme Kaur a elle‑même confirmé à l’agent qu’elle approfondirait ses connaissances de l’anglais une fois arrivée au Canada.
[25] La Cour a confirmé que les conclusions relatives aux capacités linguistiques tirées par l’agent au titre de l’alinéa 200(3)a) du Règlement sont à la fois fondées sur les faits et discrétionnaires et commandent la retenue. Lorsqu’il se dégage une absence de compréhension fondamentale, la loi confère à l’agent le pouvoir discrétionnaire de tirer une conclusion définitive (Brar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 70 aux para 13-14; voir aussi Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 115 aux para 19-21).
[26] Même si les résultats obtenus par Mme Kaur au test IELTS laissent croire qu’elle possède une certaine connaissance de l’anglais, les notes de l’agent montrent qu’en réalité, ce n’est pas le cas. Dans son affidavit souscrit le 3 février 2020, Mme Kaur n’aborde pas la question de ses compétences réelles en anglais et se fonde encore une fois sur ses résultats au test IELTS. La situation se distingue de la décision Azam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 115, citée par Mme Kaur, dans laquelle le juge Russell a souligné que l’agent n’avait pas expliqué la nature des questions qui avaient été posées ni présenté les réponses à ces questions. En l’espèce, l’agent a donné des renseignements quant aux questions qu’il a posées et aux réponses fournies par Mme Kaur.
[27] Les notes de l’agent indiquent que Mme Kaur n’a pas répondu du tout à certaines questions, notamment au sujet de la sécurité et du bien‑être des enfants sous sa garde, et qu’elle était hésitante et avait besoin de faire répéter, paraphraser ou traduire des questions. Les notes de l’agent énoncent plusieurs questions qui ont été posées à Mme Kaur en anglais et en pendjabi, ainsi que les réponses ou l’absence de réponse à celles‑ci.
[28] Comme l’a signalé le ministre, les questions liées à la sécurité et au bien‑être des enfants découlaient des exigences du poste no 4411 de la CNP que Mme Kaur avait désigné dans sa demande. Je ne suis pas convaincue que l’agent a évalué les qualifications de Mme Kaur en se fondant uniquement sur ses propres normes et exigences subjectives, d’une manière qui n’a aucun rapport avec les tâches qui lui incombent.
[29] Mme Kaur n’a pas établi que la décision est déraisonnable. Au contraire, la décision est intrinsèquement cohérente et justifiée à la lumière des contraintes juridiques et factuelles applicables.
B.
Il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale
1)
Thèse des parties
[30] Mme Kaur soutient que l’agent a manqué à l’équité procédurale dans la manière dont il a tenu et enregistré l’entrevue. Selon certaines décisions, la version de l’entrevue consignée par l’agent dans ses notes devrait être privilégiée en présence de contradictions avec l’affidavit souscrit par le demandeur plusieurs mois après l’entrevue; cependant, les notes de l’agent ne sont pas infaillibles. Selon d’autres décisions, la preuve du demandeur doit être privilégiée en présence d’une version contradictoire de ce qui est ressorti à l’entrevue (Parveen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 660 (CF).
[31] Mme Kaur renvoie à son affidavit et fait valoir que la façon dont l’agent a mené l’entrevue l’a privée de sa capacité à répondre et ne reflète pas véritablement ce qui s’est passé. Elle ajoute qu’en raison de ces manquements à l’équité procédurale, qui ont compromis sa capacité à répondre aux questions, il est impossible de savoir si le résultat aurait été différent si elle avait eu une possibilité réelle et équitable de répondre aux préoccupations de l’agent. Par conséquent, elle soutient que la présente demande devrait être renvoyée pour faire l’objet d’un nouvel examen.
2)
Décision
[32] Dans le contexte des permis de travail, et en gardant à l’esprit que les demandes de visas ne soulèvent pas de droits substantiels puisque les demandeurs de visas ne disposent pas d’un droit absolu d’entrer au Canada, le degré d’équité procédurale est peu élevé. C’est particulièrement le cas lorsque, comme en l’espèce, rien ne prouve que le demandeur subira de graves conséquences (Sulce c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1132 au para 10; voir aussi Kaur v Canada (Citizenship and Immigration), 2022 FC 30 aux para 11-16 [Kaur]).
[33] Dans l’affidavit qu’elle a souscrit quatre mois après l’entrevue, Mme Kaur a dit avoir le sentiment que l’agent posait ses questions [traduction] « avec agressivité »
et qu’elle-même était « nerveuse et confuse »
. Elle soutient que cette situation équivaut à un manquement à l’équité procédurale.
[34] Même si l’on accepte l’affidavit de Mme Kaur dans son ensemble, c’est‑à‑dire qu’elle se sentait nerveuse, confuse, et qu’elle avait l’impression que l’agent parlait rapidement et de façon agressive, cela ne permet pas d’établir un manquement à l’équité procédurale. Pour reprendre les mots du juge Pamel dans la décision Kaur, quoiqu’il était question d’une crainte de partialité, les habiletés sociales de l’agent pourraient être améliorées, mais la situation en l’espèce ne remplit pas les critères relatifs à la norme en matière de manquements à l’équité procédurale. Je suis d’accord avec le ministre pour dire que la situation soutient plutôt les conclusions de l’agent concernant les lacunes en matière de compétences linguistiques et les préoccupations corrélatives quant à sa capacité de remplir ses fonctions. Je ne crois pas que l’agent ait manqué à l’équité procédurale en l’espèce.
IV.
Conclusion
[35] Pour ces motifs, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire.
JUGEMENT dans le dossier IMM-7301-19
LA COUR STATUE :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Aucune question n’est certifiée.
Aucuns dépens ne sont adjugés.
« Martine St-Louis »
Juge
Traduction certifiée conforme
Mylène Boudreau
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-7301-19
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INTITULÉ :
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GURPREET KAUR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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audience tenue par vidéoconférence
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DATE DE L’AUDIENCE :
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le 22 mars 2022
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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la juge ST-LOUIS
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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le 1er avril 2022
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COMPARUTIONS :
Me Sumeya Mulla
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pour la demanderesse
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Me A. François Daigle
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pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Waldman & Associates
Toronto (Ontario)
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POUR LA DEMANDERESSE
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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