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Date : 20220329


Dossier : IMM-1896-21

Référence : 2022 CF 427

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 mars 2022

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

THI NGOC MAI LE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent principal [l’agent] a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse. La demande était fondée sur des considérations d’ordre humanitaire au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

Le contexte

[3] La demanderesse, âgée de 57 ans, est citoyenne du Vietnam. Elle est veuve et elle n’a qu’une fille. Celle-ci vit au Canada avec son mari et leurs enfants âgés de 7 et 4 ans. Depuis son arrivée au Canada en 2013, la demanderesse vit avec la famille de sa fille.

[4] La demanderesse s’était vu délivrer un super visa valide jusqu’au 22 novembre 2022, qui lui aurait permis de continuer à vivre au Canada. En outre, elle aurait pu renouveler son super visa à son expiration. Cependant, pour des raisons qui ne sont pas expliquées, elle n’a pas renouvelé sa fiche du visiteur et elle vit donc au Canada sans statut depuis 2013.

[5] La demanderesse a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire le 1er août 2019. Elle a soutenu qu’elle était bien établie au Canada, qu’il était dans l’intérêt supérieur de ses petits-enfants qu’elle reste au pays et qu’elle subirait des difficultés si elle devait retourner au Vietnam.

[6] L’agent a rejeté sa demande le 5 mars 2021.

La décision faisant l’objet du contrôle

[7] L’agent a examiné la preuve de la demanderesse concernant ses activités bénévoles et ses amis au Canada, ainsi que ses liens avec sa fille et la famille de celle-ci, et il a accordé un poids favorable à ces relations lorsqu’il a évalué l’établissement de la demanderesse au Canada.

[8] L’agent s’est ensuite penché sur les difficultés. En ce qui concerne les liens de la demanderesse avec le Canada, il a conclu que la preuve ne suffisait pas à établir que les relations de celle-ci au Canada se caractérisaient par un degré d’interdépendance tel qu’une éventuelle séparation occasionnerait des difficultés importantes pour elle, pour sa famille, pour ses amis ou pour la communauté locale. En outre, si la preuve fournie par les membres de la famille de la demanderesse au Vietnam indiquait qu’ils étaient occupés, elle n’indiquait pas que ceux-ci ne pourraient pas rendre visite à la demanderesse pour lui apporter du soutien émotionnel à l’occasion. Quant à l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle serait destinée à vivre dans la pauvreté si elle retournait au Vietnam, l’agent a conclu que ses actifs financiers autres que les revenus qu’elle tirait de la location de sa maison au Vietnam étaient essentiellement inconnus. Cependant, les documents que la demanderesse a présentés illustraient de plusieurs façons la situation aisée de cette dernière. L’agent a estimé que, selon la prépondérance des probabilités, les ressources financières de la demanderesse lui permettraient de subvenir à ses besoins, quelle que soit l’issue de sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, et que cela réduirait considérablement les difficultés que pourrait occasionner son retour au Vietnam. En ce qui concerne la discrimination, l’agent a reconnu que les femmes et les personnes âgées pouvaient être victimes de discrimination au Vietnam. Toutefois, il incombait à la demanderesse d’établir un lien entre les conditions générales dans le pays et sa situation personnelle. Dans les documents fournis, peu d’éléments portaient à croire que la demanderesse avait personnellement été victime de discrimination fondée sur le sexe ou l’âge dans le passé, et grâce à ses actifs financiers, il ne lui serait pas essentiel de trouver un emploi, du moins pour un certain temps. L’agent a conclu que comme la demanderesse n’avait pas établi qu’elle subirait personnellement de la discrimination, ce facteur n’entraînerait rien de plus que des difficultés négligeables.

[9] Enfin, en ce qui concerne l’intérêt supérieur des enfants, l’agent a reconnu que ceux-ci aimaient leur grand-mère, qu’ils étaient proches d’elle et qu’ils bénéficiaient de ses soins. Cependant, il n’était pas convaincu que la demanderesse était la seule personne à pouvoir leur offrir de tels soins. En outre, rien n’indiquait que les enfants souffraient de problèmes de santé qui nécessitaient sa présence. L’agent a conclu que le retour de la demanderesse au Vietnam n’aurait pas de répercussions négatives importantes sur l’intérêt supérieur des enfants.

Les questions en litige et la norme de contrôle applicable

[10] Toutes les questions soulevées par la demanderesse relèvent de la question primordiale de savoir si la décision de l’agent était raisonnable. Plus précisément, les questions consistent à savoir si l’agent a commis une erreur dans son analyse des facteurs suivants :

  1. l’intérêt supérieur des enfants;

  2. les difficultés.

[11] Les parties soutiennent, et je suis d’accord avec elles, que la norme de contrôle qui s’applique est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 23 et 25). Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour doit « se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‐ci » (Vavilov, au para 99).

L’intérêt supérieur des enfants

La position de la demanderesse

[12] La demanderesse soutient que l’agent s’est concentré uniquement sur l’absence de rapports psychologiques et médicaux au lieu d’analyser la preuve qu’elle avait présentée à l’appui du lien émotionnel qui existait entre elle et ses petits-enfants. Elle soutient aussi que l’analyse faite par l’agent de l’intérêt supérieur des enfants était déraisonnable puisqu’il n’a pas accordé un poids important à ce facteur et qu’il a réalisé son analyse sous l’angle des difficultés et des besoins fondamentaux.

La position du défendeur

[13] Le défendeur soutient que l’agent a pris acte des observations de la demanderesse, mais qu’il a estimé qu’il n’existait aucune preuve objective démontrant que le fait que les enfants soient capricieux au moment des repas ou qu’ils refusent de se coucher à l’heure avait un fondement médical. Le défendeur fait valoir que la demanderesse demande à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve.

Analyse

[14] Le paragraphe 25(1) de la LIPR prévoit un recours exceptionnel et discrétionnaire. Il permet à un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire, soit ne se conforme pas à la LIPR, de faire étudier son cas et de se voir octroyer le statut de résident permanent, ou une dispense des critères et obligations applicables, si le ministre estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché. C’est-à-dire qu’en raison de difficultés, un étranger peut être dispensé de l’obligation de quitter le Canada afin de présenter une demande de résidence permanente par les voies normales. Une telle dispense ne vise pas à créer une filière d’immigration de remplacement ni à fournir un mécanisme d’appel aux demandeurs d’asile ou aux demandeurs de résidence permanente déboutés, mais elle « constitue une sorte de soupape de sécurité disponible pour des cas exceptionnels » . Un demandeur a le fardeau d’établir que la dispense est justifiée (Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189 au para 45; Semana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1082 [Semana] aux para 15-16; Gregory c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 277 aux para 28-31).

[15] En ce qui concerne l’intérêt supérieur d’un enfant directement touché, la Cour suprême du Canada a déclaré, dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 [Kanthasamy], que le principe de l’intérêt supérieur dépend fortement du contexte en raison de la multitude de facteurs qui risquent de faire obstacle à l’intérêt de l’enfant. Ce principe doit donc être appliqué en tenant compte de l’âge, des capacités, des besoins et du degré de maturité de chaque enfant. Le décideur doit considérer l’intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt (Kanthasamy, au para 38, renvoyant à Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux para 74-75 [Baker]).

[16] Une décision rendue au titre du paragraphe 25(1) de la LIPR sera déraisonnable si les intérêts des enfants touchés par celle-ci n’ont pas suffisamment été pris en compte. Cela signifie qu’un décideur ne doit pas se contenter de dire qu’il prend en compte l’intérêt supérieur d’un enfant; cet intérêt doit être bien identifié et défini, puis être examiné avec beaucoup d’attention eu égard à l’ensemble de la preuve (Kanthasamy, aux para 23-25, 35, 38 et 41).

[17] En l’espèce, l’agent devait donc être réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants, accorder une attention particulière à cet intérêt, l’examiner avec soin et attention eu égard à l’ensemble de la preuve, et tenir compte de la situation personnelle des enfants (Kanthasamy, aux para 19-22; Motrichko c Canada (Ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté), 2017 CF 516 [Motritchko]). Cela dit, l’intérêt supérieur de l’enfant ne constitue pas nécessairement un facteur déterminant dans une évaluation fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (Baker, au para 75; Motritchko, au para 21).

[18] La Cour a reconnu le rôle important que peuvent jouer les grands-parents auprès de leurs petits-enfants, surtout si les parents de ces enfants ne sont pas en mesure de prendre soin d’eux ou si ceux-ci ont des besoins supplémentaires (Chamas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1352 [Chamas] au para 38, renvoyant à Kwon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 50 [Kwon]; Fernandes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 997 [Fernandes]).

[19] En l’espèce, l’agent a admis qu’il existait un lien affectif étroit entre la demanderesse et ses petits-enfants. Il a reconnu que la preuve présentée établissait que la demanderesse allait chercher les enfants à l’école et les aidait à faire leurs devoirs, qu’elle avait eu une incidence positive sur eux sur les plans émotionnel et social, et qu’elle était un modèle et un guide pour eux. L’agent a pris acte d’une lettre de l’aîné des enfants, dans laquelle celui-ci exprime son amour pour sa grand-mère. Il a aussi pris acte de la preuve présentée par la demanderesse portant que les enfants étaient capricieux à l’heure des repas et qu’elle seule, et non leurs parents, pouvait préparer la nourriture comme ils l’aimaient ainsi que de l’affirmation de la demanderesse selon laquelle les enfants refusaient d’aller au lit à l’heure et souffraient d’insomnie si elle n’était pas là. Après avoir examiné la preuve, l’agent a reconnu que la relation existant entre les enfants et la demanderesse serait compromise si celle-ci n’était pas présente physiquement dans leur vie. Cependant, il a souligné que, si la demanderesse devait retourner au Vietnam, les enfants pourraient tout de même être en contact avec elle, ils mangeraient d’autres aliments, quelqu’un d’autre pourrait prendre soin d’eux, leurs parents seraient en mesure de subvenir à leurs besoins sur les plans émotionnel et financier, et ils auraient accès aux systèmes d’éducation et de soins de santé du Canada. Ainsi, même si la situation avait des répercussions négatives sur l’intérêt supérieur des enfants, ces répercussions ne seraient pas notables.

[20] Compte tenu de l’ensemble des motifs, et selon la preuve dont disposait l’agent, je suis convaincue que celui-ci s’est penché sur « la façon dont [les enfants] seraient touchés, à la fois de façon pratique et émotionnellement, par le départ de la demanderesse » (Motritchko, au para 27) et qu’il n’a pas commis d’erreur dans l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants.

[21] La demanderesse soutient que l’agent a agi de façon déraisonnable en exigeant des rapports psychologiques exposant les conséquences de son départ pour les enfants sur le plan moral. Je ne suis pas d’accord pour dire que l’agent a exigé de tels rapports ou qu’il a rejeté, de manière déraisonnable, la preuve présentée par la demanderesse afin de privilégier cette preuve prétendument souhaitée. L’affidavit de la demanderesse indique que, si elle n’était pas là, les enfants n’iraient pas au lit à l’heure et qu’ils [traduction] « souffriraient d’insomnie ». L’affidavit indique aussi que les enfants sont capricieux en ce qui concerne la nourriture et qu’ils ne mangent que ce que la demanderesse cuisine. L’agent a souligné qu’il n’existait aucune preuve médicale objective établissant que les enfants souffraient de problèmes médicaux qui les empêchaient de dormir, et qu’il n’existait aucune analyse psychologique établissant qu’ils souffraient de problèmes de santé mentale qui nécessitaient la présence continue de la demanderesse.

[22] Autrement dit, il n’existait pas, en l’espèce, de fort lien de dépendance entre un grand-parent et un enfant présentant des besoins spéciaux bien documentés. De plus, contrairement aux décisions Motritchko, Chamas et Fernandes, rien ne prouvait, dans la présente affaire, que les parents des enfants n’étaient pas en mesure de s’occuper d’eux ou que les enfants avaient des besoins supplémentaires auxquels leurs parents ne pouvaient pas subvenir.

[23] La mention faite par l’agent de l’absence de preuve médicale et psychologique concernait plutôt la nature générale des observations de la demanderesse, lesquelles ne suffisaient pas à démontrer que le bien-être physique ou psychologique des enfants serait considérablement compromis par son départ.

[24] À cet égard, je souligne que, dans son affidavit, la demanderesse a déclaré qu’elle s’occupait des enfants pour permettre à sa fille et à son gendre de [traduction] « se consacrer à la croissance de leur entreprise afin d’assurer leur prospérité ». Ni l’une ni l’autre des lettres de la fille de la demanderesse et de son gendre ne fait mention de problèmes médicaux ou d’autres difficultés psychologiques dont souffriraient les enfants; elles soulignent uniquement le fait que la demanderesse aime les enfants et prend soin d’eux. Le père des enfants a déclaré ce qui suit au sujet d’un éventuel départ de la demanderesse : [traduction] « Je crains que cela n’affecte leur apprentissage et leur développement. » Il n’a toutefois fourni aucune explication. L’agent a renvoyé à la lettre de la directrice de l’école des enfants, dans laquelle il est mentionné que la demanderesse aide ceux-ci à faire leurs devoirs et qu’elle va les porter et les chercher à l’école. Il est aussi mentionné, dans cette lettre, que la demanderesse a eu une incidence positive sur les enfants sur les plans scolaire et social, que le fait d’aller au lit plus tôt contribue au bien-être des enfants et [traduction] « les aide à se concentrer et à s’adapter à leur vie quotidienne » et que la demanderesse « a contribué à l’établissement de bases solides pour les enfants ». Dans sa lettre, la directrice s’est dite d’avis que la présence constante de la demanderesse était importante pour les enfants et le reste de la famille. L’agent a cependant souligné que la directrice n’avait pas affirmé que seuls les soins fournis par la demanderesse pouvaient permettre aux enfants d’améliorer leurs résultats scolaires. Je fais remarquer que la directrice n’a pas laissé entendre que les enfants avaient des besoins particuliers qui nécessitaient le soutien de la demanderesse.

[25] La demanderesse affirme que l’agent ne s’est pas penché sur la [traduction] « preuve psychologique » qui avait été produite. Je soulignerais d’abord que cette preuve ne concerne pas directement les petits-enfants de la demanderesse. Il s’agissait plutôt de trois articles publiés dans des revues : Relationships with Grandparents and the Emotional Well-Being of Late Adolescent and Young Adult Grand Children; Adolescence and Well-Being; et Development potential in the first 5 years for children in developing countries.

[26] Renvoyant aux articles, l’agent a conclu que même s’ils montraient que la présence d’un grand-parent est bénéfique pour un enfant, ils ne contenaient aucune analyse psychologique indiquant que les petits-enfants de la demanderesse souffraient d’un problème de santé mentale qui nécessitait la présence de celle-ci. Autrement dit, même si la plupart des enfants bénéficieraient probablement de soins supplémentaires prodigués par leurs grands-parents, cette réalité ne prouve pas que l’absence de pareils soins plongerait la plupart des enfants dans une profonde détresse psychologique. L’agent a souligné qu’aucune preuve psychologique ne laissait entendre que les petits-enfants de la demanderesse subiraient un préjudice psychologique si celle-ci devait retourner au Vietnam.

[27] J’ai de sérieuses réserves à l’égard de la tendance qui consiste à choisir sur le Web, d’une manière qui semble presque aléatoire, des articles traitant de psychologie, à en extraire des déclarations hors contexte et à les présenter à l’appui d’allégations de difficultés. En l’espèce, par exemple, les enfants sont âgés de 4 et 7 ans. Ce ne sont pas des adolescents et ils ne vivent pas dans un pays en développement, mais c’est ce dont traitent les articles présentés. De plus, la demanderesse renvoie à une déclaration faite par les auteurs de l’un des articles, qui ont conclu que [traduction] « la cohésion avec les grands-parents atténuait les symptômes de dépression chez les petits-enfants, qui étaient en meilleurs termes avec leurs parents ». Or, l’agent ne disposait d’aucune preuve qui indiquait que les enfants présentaient des symptômes de dépression. Lorsqu’il a comparu devant moi, l’avocat de la demanderesse a soutenu que, même si les enfants n’étaient pas des adolescents, ils étaient appelés à le devenir et ils risqueraient de souffrir de symptômes de dépression. Il s’agit là de pure spéculation. Je ne vois aucune erreur dans la façon dont l’agent a traité les articles en question.

[28] Je ne suis pas non plus d’accord avec la demanderesse pour dire que l’agent n’a pas accordé suffisamment de poids à la preuve documentaire qu’elle avait présentée. Par exemple, dans sa lettre, le petit-fils de la demanderesse a mentionné que celle-ci prenait soin de lui lorsqu’il faisait de mauvais rêves. La demanderesse affirme que cette lettre établit que sa présence est essentielle au bien-être psychologique de son petit-fils et que l’agent aurait dû l’apprécier à sa juste valeur. À mon avis, prendre soin d’un enfant lorsqu’il fait un mauvais rêve s’inscrit dans les soins de base, et l’agent a explicitement reconnu que la demanderesse aime ses petits-enfants et s’en occupe. Je ne suis pas d’avis que la lettre du petit-fils en dit davantage et que l’agent n’en a pas tenu compte. Il ne s’agit pas non plus d’une situation dans laquelle le décideur s’est concentré exclusivement sur une preuve qui n’a pas été présentée, n’a pas procédé à une analyse sérieuse ou a rejeté des éléments de preuve au motif que d’autres auraient été plus souhaitables, comme le prétend la demanderesse, s’appuyant notamment sur la décision Kim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 581.

[29] La demanderesse fait valoir que l’agent a commis une erreur en fondant son analyse de l’intérêt supérieur des enfants sur les difficultés et les besoins fondamentaux. Je ne suis pas de cet avis. La présente affaire diffère de l’affaire Sebbe, invoquée par la demanderesse, dans laquelle l’agent avait déclaré que la preuve dont il disposait ne suffisait pas à établir que les besoins fondamentaux de l’enfant ne seraient pas comblés dans le pays vers lequel cette enfant et sa famille étaient renvoyés. Il ne s’agit pas non plus d’une situation comme celle dans l’affaire Etienne, également invoquée par la demanderesse, dans laquelle l’agent avait inadéquatement élevé le critère de l’intérêt supérieur en exigeant qu’il soit établi que la santé et le bien-être de l’enfant seraient gravement compromis dans l’éventualité d’un retour dans son pays d’origine. Bien que je sois d’accord pour dire que la mention faite par l’agent de l’accès continu à l’éducation et aux soins de santé au Canada semble quelque peu déplacée, l’évaluation des besoins fondamentaux ne constituait pas le fondement de sa conclusion quant à l’intérêt supérieur des enfants.

[30] Dans la décision Semana (au para 34), le juge Gascon s’est exprimé comme suit : « Ce qui compte et doit être pris en considération est le niveau de dépendance entre l’enfant et le demandeur présentant une demande fondée sur le facteur relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant à l’appui de ses motifs d’ordre humanitaire. » Dans la présente affaire, la preuve de la demanderesse établissait qu’elle prodiguait amour et soins à ses petits-enfants. Toutefois, à mon avis, l’agent a raisonnablement conclu que la demanderesse n’avait pas réussi à établir un niveau de dépendance tel que l’intérêt supérieur des enfants serait considérablement compromis si elle devait retourner au Vietnam.

Les difficultés

[31] La demanderesse soutient que l’agent a agi déraisonnablement en exigeant qu’elle démontre qu’elle avait déjà fait l’objet de discrimination fondée sur l’âge ou le sexe afin de le convaincre qu’il était justifié de lui accorder une dispense sur le fondement de la discrimination.

[32] Le défendeur affirme qu’il incombe à un demandeur de démontrer qu’il serait personnellement touché par les conditions défavorables dans le pays.

Analyse

[33] L’agent a admis que les femmes et les personnes âgées au Vietnam pouvaient être victimes de discrimination, que la documentation montrait que les femmes avaient plus de difficulté à trouver un emploi convenable et que les femmes de plus de 35 ans représentaient 50 % des personnes sans emploi au Vietnam. Il a cependant souligné que, dans sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, la demanderesse devait établir un lien entre les conditions générales dans son pays et sa situation personnelle. Il a précisé que, même si la demanderesse était une femme plus âgée, les femmes vivaient toutes des expériences différentes. D’autres facteurs, comme la situation socio-économique, peuvent avoir une incidence sur la discrimination. Compte tenu des documents présentés, l’agent a estimé que peu d’éléments portaient à croire que la demanderesse avait personnellement été victime de discrimination fondée sur le sexe ou l’âge dans le passé. Il a précisé qu’elle avait vécu au Vietnam la majeure partie de sa vie, qu’elle avait exploité une entreprise prospère et qu’elle possédait des actifs financiers grâce auxquels il ne lui serait pas nécessaire de trouver un emploi, du moins pour un certain temps. Il a conclu que la demanderesse n’avait pas établi qu’elle serait personnellement victime de discrimination et que ce facteur n’entraînerait rien de plus que des difficultés négligeables.

[34] Dans l’arrêt Kanthasamy, la Cour suprême a conclu que la discrimination peut être inférée lorsqu’un demandeur établit qu’il appartient à un groupe qui est victime de discrimination (au para 53) et que, dans cette affaire, l’agente avait commis une erreur en exigeant que le demandeur fournisse une preuve directe qu’il courait le risque d’être victime de discrimination s’il était expulsé. S’appuyant sur les Lignes directrices ministérielles alors en vigueur, la Cour suprême a conclu ce qui suit :

[56] Il appert de ces extraits que le demandeur doit seulement montrer qu’il sera vraisemblablement touché par une condition défavorable comme la discrimination. La preuve d’actes discriminatoires contre d’autres personnes qui partagent les mêmes caractéristiques personnelles est donc clairement pertinente pour l’application du par. 25(1), et ce, que le demandeur puisse démontrer ou non qu’il est personnellement visé. Des inférences raisonnables peuvent en être tirées. Dans Aboubacar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 714, le juge Rennie énonce de façon convaincante les raisons pour lesquelles il est alors possible de tirer des inférences raisonnables :

Bien que les demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire en vertu de l’article 25 doivent s’appuyer sur la preuve, il existe des circonstances où les conditions dans le pays d’origine sont telles qu’elles confortent l’inférence raisonnable relativement aux difficultés auxquelles un demandeur en particulier serait exposé à son retour [...] Il ne s’agit pas d’une hypothèse, mais bien d’une inférence raisonnée, de nature non hypothétique, relativement aux difficultés auxquelles une personne serait exposée, et, de ce fait, cela constitue le fondement probatoire d’une analyse sérieuse et individualisée [...] [par. 12 (CanLII)]

[35] Dans la décision Arsu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 617 [Arsu], le juge McHaffie a appliqué le raisonnement suivi dans l’arrêt Kanthasamy à l’évaluation des conditions défavorables dans le pays faite par l’agent chargé d’examiner la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, et il a conclu ce qui suit :

[16] [...] l’enquête pertinente concernant une demande CH ne consiste pas à savoir si les demandeurs subiront un plus grand degré de discrimination que d’autres, ou des difficultés différentes de celles du reste de la population, mais s’ils seraient probablement exposés à des conditions défavorables telles que la discrimination : Kanthasamy, au paragraphe 56; Miyir, au paragraphe 33. Toutefois, je ne crois pas que cela empêche un agent d’évaluer la relation entre les circonstances particulières d’un demandeur et la preuve de la situation générale dans le pays, en ce qui a trait au degré de risque ou à l’étendue du préjudice qu’il pourrait subir. En d’autres termes, si la preuve de la situation dans le pays d’origine fait état d’un éventail de risques ou de difficultés auxquels peuvent être confrontés les ressortissants qui y retournent, il est approprié qu’un agent évalue où se situe le demandeur CH sur cet éventail afin de mener « [l’]analyse sérieuse et individualisée » qui est requise : Kanthasamy, au paragraphe 56, citant Aboubacar c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 714, au paragraphe 12. Cela peut inclure le fait de souligner que, même si le demandeur CH se situe sur l’éventail des risques de difficultés décrits dans la preuve, il ne se situe pas au sommet de l’échelle.

[17] Après avoir fait une lecture impartiale de la décision de l’agent, je n’estime pas que l’agent n’a pas tenu compte des difficultés auxquelles les Arsu pourraient être confrontés en Turquie au motif que d’autres personnes sont confrontées à des difficultés plus grandes, ou qu’il a exigé que les demandeurs soient « plus susceptibles » que d’autres personnes d’être confrontés à des difficultés. Je n’interprète pas non plus la décision comme ne tenant pas effectivement compte des difficultés, car elles sont aussi subies par d’autres personnes dans le pays, ce qui a été critiqué dans la décision Diabate. J’estime plutôt que l’agent a évalué l’ampleur et la nature des difficultés auxquelles les Arsu pourraient être confrontés et a accordé [traduction] « un poids important » au risque qu’ils courraient de subir de mauvais traitements tout en reconnaissant qu’ils ne se situent pas au sommet de l’échelle des dangers décrits dans la preuve sur la situation dans le pays. Ce type de poids accordé à la preuve sur la situation dans le pays à la lumière de la situation personnelle d’un demandeur est une partie valable d’une analyse d’une demande CH.

[18] Les Arsu soutiennent également qu’ils n’étaient pas tenus d’établir qu’ils seraient eux-mêmes visés personnellement, en raison de leur appartenance à un groupe victime de discrimination : Kanthasamy, aux paragraphes 52 à 56. Bien que je souscrive à cet argument, j’interprète que l’agent, dans sa décision, l’a reconnu et a effectué la bonne analyse. L’agent a indiqué que, bien qu’il ne soit pas convaincu que les Arsu aient déjà été ciblés, il a néanmoins accepté que les Kurdes alévis sont victimes de discrimination et a reconnu que les organisations et manifestations prokurdes ont été ciblées par l’État. Cette analyse, et l’attribution d’un poids important au risque de mauvais traitements qui en découle, sont conformes aux principes énoncés dans l’arrêt Kanthasamy.

(Non souligné dans l’original.)

[36] De même, dans la décision Obodoruku c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 224 [Obodoruku], un agent chargé d’examiner une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire a reconnu que la violence et les mauvais traitements fondés sur le sexe étaient répandus dans le pays de renvoi et que les demanderesses étaient toutes des femmes. Cependant, reprenant une formulation très semblable à celle figurant dans les motifs en l’espèce, l’agent s’est dit [traduction] « conscient que les femmes ne vivent pas toutes la même expérience » et il a déclaré que [traduction] « les difficultés fondées sur le sexe [étaient] influencées par des facteurs tels que la situation socio-économique, le lieu et la race ou l’origine ethnique, pour n’en nommer que quelques-uns » (Obodoruku, au para 26). À la lumière de ces motifs, le juge Little a conclu que l’agent avait procédé au type d’évaluation considéré par le juge McHaffie dans la décision Arsu (au para 24), puis a tiré la conclusion suivante :

[27] Se fondant sur la décision Diabate, les demanderesses ont contesté la déclaration de l’agent selon laquelle il n’y avait [traduction] « pas suffisamment de renseignements à l’appui de l’affirmation selon laquelle [elles] seraient plus susceptibles d’être ciblées que les autres femmes dans la région où elles retourneraient » au Nigéria. Dans le contexte du raisonnement global de l’agent sur cette question, je conclus que celui-ci a tenu compte des difficultés auxquelles seraient exposées les demanderesses si elles devaient retourner au Nigéria, en se fondant sur la preuve dont il disposait, notamment la preuve concernant le succès en affaires que Mme Obodoruku avait déjà connu dans ce pays. En substance, l’évaluation faite par l’agent s’apparente davantage à une évaluation individualisée des difficultés que pourraient subir les demanderesses si elles devaient retourner au Nigéria : Arsu, aux para 16-17. Je ne crois pas que l’agent ait élevé la norme juridique à laquelle devaient satisfaire les demanderesses, ni qu’il ait écarté ou minimisé les difficultés qu’elles pourraient subir parce que d’autres femmes se trouvent aussi dans la même situation. Bien que l’agent n’ait pas accordé le même poids à l’exposition des demanderesses aux conditions défavorables dans le pays que ne l’avait fait l’agent dans l’affaire Arsu, c’est à l’agent qu’il revient d’apprécier la preuve.

[37] Je suis d’accord avec le raisonnement suivi dans les décisions Arsu et Obodoruku (voir aussi Su c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 366 aux para 33-34). Dans la présente affaire, l’agent a admis que les femmes et les personnes âgées pouvaient être victimes de discrimination au Vietnam. C’est-à-dire que l’agent a reconnu que la discrimination peut être inférée parce que la demanderesse fait partie de ce groupe qui est victime de discrimination. Il n’a pas exigé que la demanderesse fournisse la preuve qu’elle serait victime de discrimination, mais il a procédé à une analyse individualisée de sa situation pour trancher la question de savoir s’il était probable qu’elle soit victime de discrimination et qu’elle subisse, de ce fait, des difficultés suffisantes pour justifier l’octroi d’une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire.

[38] À cet égard, l’agent avait précédemment évalué l’observation de la demanderesse selon laquelle elle n’aurait aucune source de revenus et serait destinée à vivre dans la pauvreté si elle retournait au Vietnam. Il a pris acte du fait que la demanderesse tirait un revenu de la location de sa maison au Vietnam, mais il a souligné que ses actifs financiers étaient en grande partie inconnus. Cependant, selon les documents qu’elle avait fournis, la demanderesse estimait la valeur de sa maison au Vietnam à 250 000 $; elle avait accordé à son gendre un prêt de 10 000 $; elle avait donné 4 000 $ à son ami; chaque année, elle fait un don de 1 000 $ au temple Manjushri; et elle parraine quelques moines tibétains en Inde en payant leur scolarité, leurs vêtements et leurs frais de repas et de logement. L’agent a conclu que ces exemples établissaient, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse disposait des ressources financières nécessaires pour subvenir à ses besoins au Vietnam. En outre, rien n’indiquait qu’elle ne pourrait pas vendre sa maison et trouver une solution moins coûteuse. L’agent a estimé que les actifs financiers de la demanderesse atténueraient considérablement les difficultés liées à un retour au Vietnam.

[39] Il incombait à la demanderesse de fournir tous les renseignements nécessaires pour appuyer sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Dans les observations présentées à l’appui de cette demande, la demanderesse a affirmé que la discrimination fondée sur l’âge et celle fondée sur le sexe l’empêcheraient de trouver un emploi convenable et la condamneraient à vivre dans la pauvreté si elle devait retourner au Vietnam. L’agent s’est penché sur cette observation, mais il a conclu que les documents fournis par la demanderesse n’étayaient pas cette allégation de difficultés.

[40] Je souligne qu’aux documents mentionnés expressément par l’agent s’ajoutent une lettre d’appui de l’un des frères de la demanderesse, dans laquelle ce dernier indique que sa soeur n’aurait aucun problème financier au Vietnam, et une lettre d’appui de l’un des amis de la demanderesse au Canada, qui précise qu’elle donne généreusement de l’argent à la communauté dans le cadre de diverses activités de collecte de fonds ainsi qu’à des écoles et à de nombreux temples. La demanderesse s’appuie sur une lettre présentée par un autre de ses frères. Dans cette lettre, son frère mentionne que lorsque leurs parents sont tombés malades, la demanderesse a loué sa maison et a emménagé avec eux pour prendre soin d’eux. Il précise que leurs parents sont décédés, mais qu’il vit maintenant dans la maison familiale pour prendre soin de leur sœur qui est handicapée. Il ajoute que la demanderesse utilise une partie de ses revenus de location pour lui permettre d’agir comme pourvoyeur de soins à temps plein. Lorsqu’elle a comparu devant moi, la demanderesse a laissé entendre qu’on pouvait en déduire que ses revenus ne seraient pas suffisants pour lui permettre de subvenir à ses besoins au Vietnam. Or, ce n’est pas ce que dit la lettre.

[41] Ainsi, s’agissant de savoir si la demanderesse serait victime de discrimination fondée sur l’âge ou le sexe au moment de chercher un emploi, l’agent a conclu que sa situation économique particulière donnait à penser que la difficulté à trouver un emploi n’entraînerait rien de plus que des difficultés négligeables. De plus, s’il est vrai que l’agent a souligné que peu d’éléments donnaient à penser que la demanderesse avait déjà été victime de discrimination fondée sur l’âge ou le sexe dans le passé, je ne suis pas d’accord avec la demanderesse pour dire que l’agent a considéré qu’il s’agissait là d’une condition préalable pour conclure qu’elle pourrait être victime de discrimination dans l’avenir. L’agent a procédé à l’« analyse sérieuse et individualisée » à laquelle il était tenu, en mettant en contexte le profil de la demanderesse en tant que femme aînée par rapport à d’autres caractéristiques et circonstances personnelles (Kanthasamy, au para 56; Arsu, au para 16; Obodoruku, aux para 26-27 ; Quiros c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1412 au para 33).

Conclusion

[42] En conclusion, pour les motifs qui précèdent, je juge que la décision de l’agent était justifiée, transparente et intelligible. Il n’y a pas lieu que la Cour intervienne.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1896-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

  3. Aucune question de portée générale à certifier n’est proposée, et l’affaire n’en soulève aucune.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Geneviève Bernier


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1896-21

 

INTITULÉ :

THI NGOC MAI LE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence au moyen de Zoom

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 MARS 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 MARS 2022

 

COMPARUTIONS :

Hermione Shou

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

John Loncar

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann, Sandaluk & Kingwell LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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