Dossier : IMM-6227-20
Référence : 2022 CF 413
Ottawa (Ontario), le 28 mars 2022
En présence de monsieur le juge McHaffie
ENTRE :
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SEBAHAT ABEID
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1] Sebahat Abeid sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de Section d’appel de l’immigration [SAI] rendue le 9 novembre 2020. La SAI a conclu qu’il n’existait pas de motifs d’ordre humanitaire suffisants pour justifier la cassation d’une mesure de renvoi prise contre Mme Abeid pour fausses déclarations. Mme Abeid prétend que la SAI a omis d’adopter une approche humanitaire en mettant trop d’emphase sur ses fausses déclarations; que la SAI n’a pas raisonnablement analysé l’intérêt supérieur de ses deux fils; et que la SAI a erré dans son analyse de ses rapports médicaux.
[2] En appliquant la norme de contrôle de la décision raisonnable, je conclus que la décision de la SAI est raisonnable. Même si la SAI a fait référence aux fausses déclarations à plusieurs reprises, ceci ne rend pas la décision déraisonnable en elle-même. Son analyse a pris en considération les facteurs pertinents et je ne suis pas convaincu qu’elle a concentré son analyse de façon déraisonnable quant aux fausses déclarations. La SAI a aussi analysé l’intérêt supérieur des enfants [l’ISE] de façon raisonnable, concluant que ce facteur était assez important pour accueillir l’appel des enfants et leur octroyer le statut de résident permanent, mais qu’il n’était pas suffisant pour contrebalancer les fausses déclarations de Mme Abeid. Cette analyse est raisonnable dans les circonstances. Finalement, je n’accepte pas les prétentions de Mme Abeid au sujet des rapports médicaux, qui ont été considérés et analysés par la SAI de façon raisonnable.
[3] La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.
II.
Questions en litige et norme de contrôle
[4] Dans le cadre de cette demande de contrôle judiciaire, Mme Abeid soulève les questions en litige suivantes :
- La SAI a-t-elle commis une erreur de méthode dans son examen des facteurs humanitaires?
La SAI a-t-elle commis une erreur dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants?
La SAI a-t-elle commis une erreur dans son traitement des rapports médicaux et psychologiques soumis?
[5] Les parties conviennent que la décision de la SAI, y compris ces trois questions, doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16–17, 23–25. Une décision raisonnable est justifiée, transparente, et intelligible pour la personne visée. Elle fait preuve d’une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et elle est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti »
: Vavilov aux para 85, 90, 99, 105–107.
[6] Lorsqu’elle procède à un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour n’entreprend pas une réévaluation de la preuve et ne tire pas ses propres conclusions : Vavilov au para 125. Elle doit plutôt faire preuve de déférence envers les conclusions de la SAI et déterminer seulement si la décision de la SAI était raisonnable, compte tenu de la preuve versée au dossier et de la trame factuelle : Vavilov aux para 125–126.
III.
Analyse
A.
La SAI n’a pas commis d’erreur de méthode dans son examen des facteurs humanitaires
(1)
Le contexte factuel et procédural
[7] Mme Abeid est citoyenne de la Turquie. Elle a deux fils avec son premier époux, nés en 2000 et 2004. Elle a obtenu un divorce en 2005.
[8] En 2009, Mme Abeid s’est mariée à nouveau avec M. Hussam Abeid. Ce dernier a parrainée Mme Abeid et ses deux fils, et ils sont tous les trois devenus résidents permanents en mars 2010. Lors de la demande de parrainage, le couple a déposé un faux document indiquant que M. Abeid avait obtenu un divorce de sa première femme en 2004, et ils ont fait plusieurs déclarations à cet effet. En fait, le divorce de M. Abeid n’a pas pris effet avant le mois d’août 2009, plusieurs mois après son mariage à Mme Abeid. Depuis son arrivée au Canada en mars 2010, Mme Abeid a eu très peu de contact avec M. Abeid. Le couple s’est divorcé en 2013.
[9] En avril 2015, Mme Abeid a déposé une demande de parrainage de son premier époux. Cette demande a été retirée en 2020.
[10] Entretemps, en 2016 et 2017, M. et Mme Abeid ont été chacun convoqués en entrevues par un agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, à cause des soupçons que leur mariage n’était pas authentique et qu’ils avaient fait des fausses déclarations. Après ces entrevues, l’agent a préparé un rapport selon le paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR] en janvier 2017. La Section de l’immigration [SI] a tenu une enquête en juin 2018. Mme Abeid ne contestait pas le fait que le certificat de divorce de 2004 était faux, mais elle prétendait qu’il était produit par M. Abeid et que ni elle ni ses enfants n’étaient responsables. La SI a conclu qu’il y avait une fausse déclaration et que Mme Abeid et ses deux fils étaient interdits de territoire pour fausses déclarations selon l’alinéa 40(1)(a) de la LIPR. Elle a donc émis des mesures de renvoi le 17 juillet 2018.
[11] Mme Abeid et ses fils ont porté en appel à la SAI les mesures de renvoi. Ils ont reconnu avoir fait de fausses déclarations. Cependant, ils ont invoqué l’existence de motifs d’ordre humanitaire suffisants pour obtenir une mesure spéciale leur permettant de conserver leur statut de résidence permanente : LIPR, art 67(1)(c). Mme Abeid et ses deux fils ont témoigné lors de l’audience devant la SAI, qui a eu lieu le 27 février et le 15 octobre 2020. Par contre, ni le dossier certifié du tribunal ni le dossier du demandeur ne comprend une transcription de l’audition devant la SAI.
(2)
La décision de la SAI
[12] Dans sa décision du 9 novembre 2020, la SAI a conclu qu’il y avait de fausses déclarations faites et que les mesures de renvoi étaient donc valides en droit. Quant aux motifs d’ordre humanitaire, la SAI a conclu qu’il existait des motifs suffisants pour accueillir l’appel des deux fils, mais pas pour accorder la prise d’une mesure spéciale dans le cas de Mme Abeid.
[13] La décision de la SAI expose le contexte factuel et surtout les fausses déclarations faites par Mme Abeid. Cette exposition n’est pas limitée à la question de la date du divorce de M. Abeid, mais comprend aussi plusieurs fausses déclarations faites au sujet du mariage lui-même, de la demande de parrainage, du divorce, ainsi que des fausses déclarations relatives à son premier mariage et finalement à sa demande de parrainage de son premier époux en 2015. La SAI a décrit la demande de parrainage de son premier époux comme une fausse déclaration dans son entièreté.
[14] Après avoir énuméré les fausses déclarations, la SAI s’est tournée vers les motifs d’ordre humanitaire. La SAI a présenté son analyse de plusieurs facteurs, soit la gravité de l’infraction, les remords, le degré d’établissement, la situation familiale et l’ISE, et les bouleversements en cas de renvoi en Turquie. La SAI a conclu qu’en fin de compte, « les fausses déclarations sont très graves et les remords de [Mme Abeid] presque inexistants »
. Elle a reconnu que l’établissement de Mme Abeid au Canada est un facteur positif pour elle, mais a conclu qu’il est plombé par le fait qu’il découle de fausses déclarations. La SAI n’a pas accepté que les bouleversements en cas de renvoi dépassent la norme habituelle de quelqu’un qui retourne vivre dans son pays d’origine après des années à l’étranger. Elle a conclu que « l’intérêt supérieur des deux enfants au Canada ne contrebalanc[e] pas l’ensemble des critères négatifs »
. La SAI a donc rejeté l’appel de Mme Abeid.
[15] Quant aux enfants, la SAI a conclu qu’ils ont eu peu à voir avec les fausses déclarations, que leur établissement était positif et que leurs liens au Canada sont supérieurs à ceux qu’ils ont à la Turquie. La SAI a donc accordé leurs appels en vertu de l’alinéa 67(1)(c) de la LIPR.
(3)
La décision de la SAI est raisonnable
[16] Mme Abeid allègue que la SAI a insisté à outre mesure sur ses fausses déclarations, « inscrivant en triple »
la gravité de celles-ci, citant l’arrêt Jiang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CF 413 aux para 10–12. Elle prétend que la SAI a ainsi adopté une approche qui va à l’encontre de l’analyse humanitaire nécessaire selon l’alinéa 67(1)(c) de la LIPR. Elle note aussi que la SAI a réintroduit les fausses déclarations fréquemment dans sa décision, notamment à l’égard de son établissement au Canada, dans sa discussion de la séparation de la famille et l’ISE, et encore dans son analyse globale des facteurs humanitaires.
[17] Je ne suis pas d’accord que ces références dans la décision de la SAI rendent la décision déraisonnable.
[18] Il n’y a pas de question qu’une fausse déclaration n’est qu’un des facteurs à prendre en considération lors d’une analyse des motifs d’ordre humanitaire, et qu’elle ne doit pas être traitée comme le seul facteur : Kobita c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1479 aux para 30–31, 35. Par contre, ceci ne veut pas dire que la SAI est limitée à une seule référence aux fausses déclarations dans son analyse. Je note à cet égard l’analyse de ma collègue la juge Pallotta au sujet de « l’inscription en double »
des fausses déclarations dans l’arrêt Zhao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 38 aux para 40–41, citant Ylanan c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1063. Comme l’a conclu la juge Pallotta, je trouve que la SAI n’a pas erré dans son analyse des motifs d’ordre humanitaire en faisant référence aux fausses déclarations dans le contexte d’autres facteurs pertinents : Zhao au para 41.
[19] Cette Cour a reconnu que l’établissement d’un demandeur au Canada pouvait être examiné à la lumière des circonstances y ayant mené, y compris la question de savoir si le temps passé au Canada découle de fausses déclarations : Semana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1082 aux para 48–51; Tartchinska c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 15032 (CF) au para 22; Ylanan au para 35. Je ne peux pas donc conclure que c’était déraisonnable pour la SAI de noter que l’établissement de Mme Abeid au Canada est « globalement positif »
, mais qu’il n’était pas approprié d’y accorder un grand poids parce qu’il découle de ses fausses déclarations.
[20] Je conviens avec Mme Abeid que la réapparition de ce point dans le contexte de l’analyse de la séparation de la famille soulève plus de soucis. Par contre, je conclus que cette référence ne rend pas la décision déraisonnable. La SAI n’a pas simplement écarté l’ISE ou l’impact de la séparation de la famille à cause des fausses déclarations. Elle a considéré l’impact d’un renvoi sur Mme Abeid et a reconnu qu’il serait dans le meilleur intérêt de ses enfants qu’elle conserve le statut de résidente permanente. Par contre, la SAI a mis en balance ces facteurs contre « les fausses déclarations à répétition sur une longue période de plusieurs années »
. Je conclus que le fait que cette analyse se trouve à l’intérieur de la discussion du facteur de la séparation de la famille et l’ISE, et non seulement à la fin de l’analyse dans la pondération finale, même si elle n’est pas idéale, ne rend pas la décision dans son ensemble déraisonnable.
[21] Je ne peux pas non plus accepter la prétention de Mme Abeid que l’analyse longue et détaillée de la SAI au sujet des fausses déclarations démontre une concentration déraisonnable sur celles-ci. Au contraire, la gravité des fausses déclarations, ainsi que les remords que présentaient Mme Abeid, sont des facteurs pertinents qui doivent être considérés dans l’analyse des motifs d’ordre humanitaire : Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] DSAI no 4 au para 14; Gao c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1238 au para 17; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Liu, 2016 CF 460 au para 29. La SAI ne pouvait pas trancher sur ces facteurs sans considérer la nature et le contexte des fausses déclarations. Même si Mme Abeid a reconnu l’existence d’une fausse déclaration, sa reconnaissance était limitée et elle s’est présentée comme victime de M. Abeid. L’analyse de la SAI des fausses déclarations et du rôle de Mme Abeid dans ces déclarations ne fait pas preuve d’une insistance indue sur cette question dans le contexte d’un appel fondé sur les motifs d’ordre humanitaire.
B.
La SAI n’a pas commis d’erreur dans son analyse de l’ISE
(1)
L’analyse de la SAI au sujet de l’ISE
[22] L’analyse de la SAI de l’intérêt supérieur des deux fils de Mme Abeid se trouve dans son analyse de la situation familiale sous la rubrique « Membres de la famille au Canada et séparation de la famille qui résulterait du renvoi / Soutien de la famille et de la collectivité / Intérêt supérieur des enfants »
. La SAI a décrit la situation actuelle des enfants, leurs études, leurs liens avec le Canada et leur manque de liens avec la Turquie. Elle a conclu qu’il est dans l’intérêt des deux enfants d’avoir leur mère avec eux au Canada. Cependant, la SAI a reconnu que les deux fils approchaient l’âge adulte (ils avaient 17 et 14 ans à la date du dépôt de l’appel à la SAI; 20 et 16 ans à la date de la décision), et qu’ils auraient le choix de continuer leurs vies et leurs études au Canada ou de suivre leur mère en Turquie.
[23] Cette analyse s’est faite dans le contexte de la conclusion de la SAI que les motifs d’ordre humanitaire justifiaient l’accueil de l’appel des enfants. Son analyse de l’ISE portait surtout sur la question de l’impact sur l’intérêt des enfants du renvoi potentiel de Mme Abeid.
(2)
La décision de la SAI est raisonnable
[24] Mme Abeid prétend que la SAI a présenté un portrait irréaliste des conséquences qu’aurait sa séparation de ses enfants. Notamment, elle critique l’observation de la SAI que les enfants auraient un choix entre rester au Canada sans leur mère et retourner en Turquie avec elle. Elle note la nature déchirante d’un tel choix et prétend que la SAI a minimisé les conséquences sur les enfants du renvoi de leur mère, les difficultés qu’ils devront affronter s’ils restent au Canada sans elle et le déracinement qu’ils vont souffrir s’ils retournent en Turquie avec elle.
[25] Je conclus que l’analyse de la SAI est raisonnable. Je répète à cet égard que le rôle de la Cour en contrôle judiciaire n’est pas d’entreprendre une réévaluation de la preuve ni de tirer ses propres conclusions, mais uniquement de déterminer si l’analyse de la SAI est justifiée, transparente et intelligible : Vavilov aux para 85, 90, 99, 105–107, 125.
[26] La SAI a reconnu qu’il était dans l’intérêt supérieur des deux garçons de rester au Canada avec leur mère. Elle a ensuite considéré les possibilités si cette situation ne pouvait pas perdurer dans le cas du renvoi de Mme Abeid en Turquie : qu’ils restent au Canada sans elle ou qu’ils retournent en Turquie avec elle. La SAI a expressément noté que le choix de rester au Canada ne serait possible que s’ils sont capables de le faire. Dans le contexte particulier de la famille, et en pondération avec les autres facteurs d’ordre humanitaire, la SAI a conclu que l’ISE ne contrebalance pas l’ensemble des critères négatifs.
[27] Même si la SAI aurait pu arriver à la conclusion contraire, je suis d’accord avec le ministre que les prétentions de Mme Abeid demandent effectivement à la Cour de soupeser à nouveau l’ISE comme facteur dans l’analyse globale des motifs d’ordre humanitaire. La SAI était sensible à la situation des fils et elle a reconnu que l’ISE militait en faveur de Mme Abeid, mais elle a finalement conclu que cet intérêt n’était pas suffisant pour octroyer l’appel. Reconnaissant que l’ISE n’est qu’un des facteurs pertinents et qu’il ne revêt pas un caractère déterminant quant à la question du renvoi, il était raisonnablement loisible à la SAI de conclure ainsi : Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475 au para 2.
[28] Je note à cet égard que l’évaluation du caractère raisonnable d’une décision administrative se fait à la lumière des soumissions des parties devant le tribunal : Vavilov aux para 127–128. L’analyse de l’ISE, comme celle d’autres questions en litige devant la SAI, ne se fait pas dans l’abstrait, mais dans le contexte des observations faites par les parties sur la question. Comme je l’ai indiqué auparavant, le dossier devant cette Cour ne comprend pas les observations des parties devant la SAI. Il est nettement plus difficile pour cette Cour d’entreprendre l’évaluation du caractère raisonnable de l’analyse de la SAI sans savoir quelles observations ont été mises devant elle.
C.
La SAI n’a pas commis d’erreur dans son traitement des rapports médicaux et psychologiques
(1)
La preuve médicale déposée
[29] Mme Abeid a été diagnostiquée en 2017 avec un cancer du côlon. Elle a été opérée et elle a débuté un traitement de chimiothérapie cette même année. Elle demeure en rémission du cancer et doit faire l’objet d’un suivi étant donné le risque de rechute. Mme Abeid a déposé des documents de son oncologue confirmant son traitement ainsi qu’une lettre d’une omnipraticienne. Dans sa lettre, l’omnipraticienne récite l’histoire médicale de Mme Abeid et donne l’avis qu’un retour en Turquie « risque de briser son suivi médical actuel qui a commencé en 2017 et qui est primordial pour sa santé »
et qu’il « lui causerait beaucoup d’anxiété et ainsi nuirait à son rétablissement physique et mental et engendrait une détérioration sérieuse de son état de santé »
.
[30] Mme Abeid a aussi déposé une évaluation psychologique. Celle-ci a été préparée dans le contexte de l’audition devant la SI « au sujet de la véracité de son mariage et de son divorce avec »
M. Abeid. Elle semble surtout être dirigée envers cette question, avec une conclusion finale que « l’ensemble du portrait structural rend peu vraisemblable l’hypothèse à l’effet que le second mariage de madame visait à permettre que son premier conjoint puisse venir s’établir au Canada »
. Ceci dit, le rapport fait référence à l’état psychologique de Mme Abeid, notant qu’elle présente « une souffrance psychologique clairement plus élevée que la moyenne, qui tend à se présenter sous la forme d’affects anxieux, dépressifs, et de méfiance importante face aux intentions d’autrui »
. Le rapport ne parle pas de la possibilité de son retour en Turquie et ne donne pas d’avis au sujet des effets sur Mme Abeid d’un tel retour.
(2)
L’analyse de la SAI au sujet des rapports
[31] Dans son résumé des documents déposés, la SAI a fait référence aux lettres médicales et au rapport d’évaluation psychologique. Dans son analyse des « Bouleversements en cas de renvoi dans le pays de nationalité »
, la SAI a noté que Mme Abeid a vécu des difficultés médicales et qu’elle est en rémission du cancer. Elle a décrit en détail son état de santé actuel. Faisant référence à l’avis de l’omnipraticienne, la SAI a conclu qu’elle « ne peut se rallier à la conclusion selon laquelle un renvoi « engendrait une détérioration sérieuse de son état de santé » alors que sa situation est stable depuis de nombreux mois, voire des années en ce qui concerne certaines problématiques »
. La SAI a répondu aux inquiétudes de Mme Abeid concernant un suivi médical en Turquie, notant qu’elle était retournée en Turquie en 2018 à la suite de son cancer en connaissant sa condition médicale et qu’elle n’avait pas présenté de preuve corroborante au sujet des soins médicaux en Turquie.
[32] Mme Abeid prétend que la SAI n’a pas d’expertise dans le domaine de la santé et de l’oncologie et qu’il est déraisonnable de sa part de rejeter l’opinion médicale de l’omnipraticienne. Elle note ses multiples difficultés médicales et soumet qu’il n’est pas logique d’affirmer que sa condition est « stable »
.
[33] Je ne peux pas conclure que l’analyse de la SAI est déraisonnable. Contrairement aux prétentions de Mme Abeid, la conclusion de la SAI que son état de santé est stable n’était pas contredite par la preuve médicale. À la lumière de l’ensemble de la preuve devant elle, la SAI n’était pas tenue d’accepter les conclusions plutôt générales et peu explicites de l’omnipraticienne. La SAI a examiné cette preuve de manière sérieuse et précise et elle a tiré une conclusion transparente et justifiée.
[34] La SAI a aussi fait référence aux conclusions dans le rapport psychologique, notamment les troubles d’anxiété et la recommandation de psychothérapie. Comme le note Mme Abeid, cette discussion se trouve dans l’analyse de son établissement au Canada. Il est un peu difficile, surtout en l’absence de la transcription des observations devant la SAI, de comprendre pourquoi l’analyse se trouve à cet endroit. Ceci dit, je conclus que la SAI n’a pas déraisonnablement ignoré la preuve psychologique. Tel qu’indiqué, le rapport psychologique ne se prononce pas sur la question du retour de Mme Abeid en Turquie et ses conclusions au sujet de son état psychologique sont assez limitées. Dans ce contexte, je conclus que l’analyse de la SAI du rapport était suffisante dans les circonstances et que sa décision satisfait aux exigences relatives à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité.
IV.
Conclusion
[35] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[36] Les parties n’ont pas proposé de question de portée générale à certifier. Je conviens qu’il n’y en a aucune.
JUGEMENT dans le dossier IMM-6227-20
LA COUR STATUE que
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Nicholas McHaffie »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-6227-20
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INTITULÉ :
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SEBAHAT ABEID c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 22 septembre 2021
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JUGEMENT ET MOTIFS:
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LE JUGE MCHAFFIE
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 28 mars 2022
|
COMPARUTIONS :
Marie Pierre Blais Ménard
|
Pour LE DEMANDEresse
|
Patricia Nobl
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Pour LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
HASA AVOCATS
Montréal (Québec)
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Pour lE DEMANDEresse
|
Procureur général du Canada
Montréal (Québec)
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Pour lE DÉFENDEUR
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